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N° 356

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 mai 1996.

PROPOSITION DE LOI

portant réforme des dispositions du code civil relatives à l'exercice de l 'autorité parentale, au droit de visite et à la fixation de la pension alimentaire, en cas de divorce,

PRÉSENTÉE

Par MM. Nicolas ABOUT, Jean-Paul ÉMIN, Auguste CAZALET, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ALLONCLE, Roger HUSSON, Bernard PLASAIT, Louis BOYER, Roger RIGAUDIÈRE, André MAMAN, Alfred FOY, Mme Janine BARDOU, MM. Jean DELANEAU, Bernard BARBIER, Pierre LAGOURGUE, Victor REUX, Charles-Henri de COSSÉ BRISSAC, Serge FRANCHIS, Christian BONNET, Daniel HOEFFEL, Serge MATHIEU, Roland du LUART, Emmanuel HAMEL, Jean MADELAIN, Serge VINÇON, Henri de RAINCOURT, André POURNY, Xavier de VILLEPIN, Edmond LAURET, Jean-Claude CARLE, Jacques HABERT, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Jacques BRACONNIER, François MATHIEU, Jean BOYER, Hubert DURAND-CHASTEL, Jacques GENTON, Alain VASSELLE, Bernard BARRAUX, Martial TAUGOURDEAU, Pierre LACOUR, Michel DOUBLET et René TRÉGOUËT,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Divorce. - Autorité parentale - Droit de visite - Pension alimentaire - Code civil.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La législation française, en matière d'exercice de l'autorité parentale, demeure encore aujourd'hui très inégalitaire entre la mère et le père d'un enfant, quand le couple se sépare. La loi oppose de nombreuses contraintes au père naturel pour obtenir l'autorité parentale égale et conjointe sur ses enfants. Dans la pratique, les statistiques des tribunaux montrent une préférence des juges pour la garde maternelle, au détriment des pères qui, trop souvent, renoncent à faire valoir leurs droits afin d'obtenir de meilleures conditions dans l'exercice d'un simple droit de visite.

Plus encore que pour les pères, cette inégalité de droit et de fait porte un préjudice grave aux enfants, en remettant en cause leur droit fondamental, inscrit dans la Convention internationale des droits de l'enfant, de connaître ses deux parents.

On constate ainsi que la législation est faite, avant tout, pour protéger les droits de la mère, plutôt que ceux de l'enfant : outre le fait que la femme possède, grâce aux progrès de la médecine, la maîtrise de la conception, c'est elle qui peut décider si l'enfant naîtra ou non, ou s'il bénéficiera de zéro, d'un ou de deux parents, en lui permettant d'accoucher sous X, de dissimuler au père une grossesse ou, inversement, de lui imposer la paternité.

La loi a opéré également une distinction, dans l'attribution conjointe de l'autorité parentale, entre les enfants nés du mariage et « les enfants dits naturels. L'évolution actuelle de la société française qui voit naître un enfant sur trois hors mariage ne justifie plus une telle discrimination : on ne peut accepter que les 200 000 enfants naturels qui naissent chaque année soient privés des mêmes chances de connaître leur père que les autres enfants, en raison des liens juridiques qui unissent ou qui n'unissent pas leurs parents, ce dont ils ne sont pas responsables.

Enfin, en privilégiant la garde maternelle, les juges pensent agir dans le bien immédiat de l'enfant. Ils oublient cependant les nombreux dégâts causés, à long terme, par l'absence d'un père sur des enfants devenus adolescents. Rappelons à cet égard que les deux tiers des jeunes délinquants ont été partiellement ou totalement coupés de la référence paternelle dans leur enfance.

La proposition de loi qui vous est présentée n'a en aucun cas pour objet de remettre en cause les acquis des femmes en matière d'avortement ou d'accouchement sous X. Il s'agit simplement, en introduisant des modifications et de nouvelles dispositions législatives, dans l'exercice de l'autorité parentale en cas de filiation naturelle (droit de visite et pension alimentaire), de reconnaître à l'enfant le droit de voir ses deux parents, quel que soit leur statut juridique ou les dissensions qui les opposent.

I. - L'autorité parentale sur les enfants naturels.

L'article 372 du code civil introduit une distinction inégalitaire entre enfants légitimes et enfants naturels, dans l'attribution de l'autorité parentale, en imposant des conditions de reconnaissance au père en cas de filiation naturelle. Or, pourquoi un enfant naturel n'aurait-il pas les mêmes droits que les autres ? Il est anormal qu'un enfant voie sa relation avec son père menacée en raison du seul statut juridique de ses parents. Cette distinction doit être supprimée ; les mots : « s'ils sont mariés » doivent être remplacés par : « dès lors qu'ils ont reconnu l'enfant ». Le reste du texte disparaît.

De même, les articles 372-1 et 374 du code civil maintiennent un dispositif discriminatoire, en multipliant les contraintes opposées au père naturel : la mère est assurée d'exercer l'autorité parentale, alors que le père doit satisfaire des conditions (accord de la mère pour la déclaration conjointe devant le juge, conditions de cohabitation dans un certain délai, avec charge de la preuve au père, sans possibilité de recours).

Ces contraintes, valables uniquement en cas de filiation naturelle, tendent elles aussi à instaurer une discrimination plus large entre enfants légitimes et enfants naturels. Afin de supprimer les contraintes opposées par la loi au père naturel, il faut abroger ces deux articles ( ( * )1) .

L'article 336 stipule que la reconnaissance de l'enfant par le père n'a d'effet que pour le père. Cette disposition est discriminatoire pour les pères et instaure un déséquilibre dans la relation de l'enfant avec ses parents. Il convient donc d'abroger cet article et de modifier, en conséquence, l'article 337 qui lui fait suite.

II - Le respect du droit de visite et la fixation de la pension alimentaire.

Le droit de visite et le droit d'hébergement sont les deux contreparties légales dont dispose le parent qui n'a pas obtenu la garde habituelle de son enfant. Or, il arrive bien souvent que le parent gardien multiplie les obstacles pour décourager le parent non gardien d'exercer ses droits.

De même que des sanctions judiciaires graves sont prévues en cas de non-paiement de la pension alimentaire ou de non-présentation d'enfant pour le parent non gardien, la loi doit prévoir une sanction au moins financière en cas de non-respect du droit de visite et d'hébergement par le parent gardien.

Cette sanction financière doit pouvoir prendre la forme d'un abattement de 50 % sur la pension alimentaire au bénéfice du parent lésé de ses droits. Il doit ensuite revenir au juge d'apprécier la durée de la diminution de la pension, en fonction du cas d'espèce.

Afin d'éviter les trop grandes disparités dans la fixation de la pension alimentaire, un décret pris en Conseil d'État doit fixer le montant annuel maximum qu'un juge peut accorder au parent gardien par enfant.

Reconnaître au père la place et le rôle qu'il mérite et lui assurer la permanence des liens qui l'unissent à ses enfants : c'est aujourd'hui une nécessité de justice. C'est pourquoi, également, à côté de ces mesures législatives, il est essentiel que se généralisent les lieux de médiation familiale, encore trop peu nombreux en France, afin que les conjoints puissent trouver des accords privilégiant l'intérêt des enfants.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

Le deuxième alinéa de l'article 288 du code civil est ainsi complété :

« En cas de non-respect du droit de visite par le parent gardien, et si le parent non gardien peut en faire la preuve, le juge peut prononcer un abattement de 50 % sur la pension alimentaire. À lui revient d'apprécier ensuite la durée de la diminution de la pension, en fonction de l'espèce. »

Art. 2.

Le second alinéa de l'article 293 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Un décret pris en Conseil d'État fixera le montant annuel maximum qu'un juge peut accorder au titre d'une pension alimentaire pour un enfant. »

Art. 3.

L'article 372 du code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « s'ils sont mariés » sont remplacés par les mots : « dès lors qu'ils ont reconnu l'enfant » ;

2° Les deux derniers alinéas sont supprimés.

Art. 4.

Les articles 336, 372-1 et 374 du code civil sont abrogés.

Art. 5.

Dans l'article 337 du code civil, après les mots : « L'acte de naissance portant l'indication de la mère » sont insérés les mots : « et ou du père ».

* (1) La suppression de ces contraintes s'appuie sur l'existence de l'article 373 du code civil qui donne la possibilité au juge d'écarter de l'exercice de l'autorité parentale un parent jugé dangereux ou gravement déméritant.

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