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N° 403

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 août 1997.

PROPOSITION DE LOI

tendant à faire du 21 mars, une journée nationale de lutte contre le racisme, l 'antisémitisme et la xénophobie,

PRÉSENTÉE

Par MM. Michel DUFFOUR, Robert PAGÈS, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Cohen-Seat Nicole BORVO, MM. Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Étrangers. - Racisme.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Le rapport annuel de la Commission consultative des droits de l'homme, instaurée par la loi du 13 juillet 1990, publié le 21 mars 1997, montre, année après année, un accroissement inquiétant des délits racistes et de leur gravité. Il rend public également un sondage d'opinion qui indique une montée préoccupante des thèses racistes, antisémites et xénophobes, dangereusement banalisées.

La progression constante des discriminations racistes sous des formes multiples dans notre pays, mise en évidence par ce rapport, se traduit de plus en plus fréquemment par des atteintes à la dignité, la remise en cause de droits fondamentaux de tout individu, notamment en matière d'emploi, d'embauche, de logement, de scolarisation, d'accès aux soins...

Or, ce poison raciste se répand d'autant plus aisément qu'il ne donne pas lieu à une information suffisante. Ne comportant pas d'engagement concret de l'État, des institutions ni des services publics, les discours et affirmations restent sans effet.

Il y a une trentaine d'années, l'ONU proclamait le 21 mars « Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale en souvenir du massacre de Sharpeville en Afrique du Sud ».

Il est profondément regrettable, malgré des demandes réitérées, que les Gouvernements successifs n'aient toujours pas décidé de célébrer, comme il le conviendrait, cette Journée en France.

Le racisme, on le sait, prend sa source dans l'extension du chômage, de la précarité, dans l'échec scolaire, dans l'exclusion, dans l'angoisse du lendemain pour soi-même, liée à l'absence de perspectives pour les enfants. La mise en concurrence des travailleurs, dans un tel contexte, ouvre toute grande la voie à la recherche du bouc émissaire. L'insécurité et la délinquance s'ajoutent à l'accroissement des inégalités, au nombre des sans-droits, des sans-abri, des sans-papiers, créant un terreau fertile aux thèses racistes.

S'il convient d'agir pour faire reculer ces causes, la législation doit s'appliquer avec la rigueur nécessaire afin d'obtenir une dissuasion efficace. En effet, le racisme n'est pas une opinion mais un délit au titre de la législation française qui doit être sanctionné comme tel. Aucun discours sur l'« inégalité des races » ne doit rester impuni.

La législation n'est pas tout. Il est nécessaire, parallèlement à sa stricte application, d'encourager une réelle réplique dans le domaine des idées, ce qui implique une mobilisation du système éducatif, des services publics, des moyens audiovisuels contre toutes les intolérances répandues par le racisme et la xénophobie, en favorisant le débat et l'action contre les mentalités, les préjugés, les comportements discriminatoires, en donnant des moyens à cette action salutaire.

Si le racisme plonge ses racines dans l'aggravation des inégalités et des exclusions sociales, pour proliférer il lui a fallu être traité comme une idée parmi d'autres, légitimé par un arsenal de lois ségrégationnistes donnant prise à la suspicion et répondant aux voeux de l'extrême droite.

À notre époque d'accélération foudroyante des moyens de transports et de communications, l'aspiration des hommes à la libre circulation est devenue une exigence qui monte de tous les continents.

Les migrations dont les causes ont pour origine les inégalités de développement sur la planète sont un des grands défis d'aujourd'hui. Elles doivent être coordonnées entre les peuples et les États, à partir d'une coopération respectueuse des droits fondamentaux de la personne humaine.

Il y a besoin d'une nouvelle politique de l'immigration, d'une législation fondée sur le respect humain et la dignité, réaffirmant le droit du sol et le droit d'asile comme des principes fondamentaux. L'intégration doit se faire sur la base de l'égalité des droits et d'une véritable citoyenneté sur les lieux de travail et de résidence dans l'esprit des valeurs de la République, qui implique le respect mutuel pour une vie en commun riche et harmonieuse au sein de la Nation française.

Cette conception du droit et des choix librement consentis nécessite aussi de créer des possibilités humaines et matérielles du retour volontaire, par une politique de coopération avec les pays d'immigration, notamment dans le cadre de programmes de formation, de projets de création d'emplois et de développement, contribuant ainsi à l'établissement de nouveaux rapports Nord-Sud excluant toute politique de domination.

Le 21 mars peut être l'occasion, grâce à un éventail de moyens impulsés par les pouvoirs publics, d'oeuvrer dans le sens de la convention internationale ratifiée le 21 décembre 1965 par l'Assemblée générale (résolution 2106) dont notre pays est signataire contre les discriminations et qui stipule :

« Les États parties s'engagent à prendre des mesures immédiates et efficaces, notamment dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre Nations et groupes raciaux ou ethniques, ainsi que pour promouvoir les buts et principes de la Charte des Nations unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la déclaration des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la présente convention. »

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le 21 mars est reconnu Journée nationale d'action contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

Article 2

Dans tous les établissements d'enseignement, les enseignants consacrent une partie de la journée à des exposés et des discussions sur ces thèmes.

Article 3

Les services publics, avec des moyens appropriés, contribuent dans leur sphère respective aux objectifs proclamés pour cette Journée. Le service public de l'audiovisuel a notamment la charge de réaliser et diffuser des programmes dénonçant le racisme.

Article 4

Les collectivités territoriales, en liaison avec les associations, veillent à promouvoir sous les formes les plus diverses les idéaux des droits de l'homme contenus dans la devise de la République française : liberté, égalité, fraternité.

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