N°403

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 avril 1998.

PROPOSITION DE LOI

pour l'interdiction de la fabrication, du stockage, de la commercialisation et de l'utilisation des mines antipersonnel.

PRESENTEE

Par Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Robert PAGES, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Armement. - Mines antipersonnel.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La présente proposition de loi a pour objet de répondre à l'attente de l'opinion publique internationale pour aller vers l'interdiction de la fabrication, du transfert et de l'utilisation des mines antipersonnel.

Il s'agit d'un véritable problème d'ampleur planétaire. Même si la communauté internationale s'est pendant longtemps moins sensibilisée sur ces armes que sur l'arme nucléaire ou chimique, aujourd'hui, il faut bien convenir que les mines antipersonnel constituent un fléau qui tue ou mutile plus de 25 000 personnes chaque année.

Outre l'ampleur du nombre des victimes, il convient d'observer que celles-ci sont principalement des civils et très souvent des enfants. Ces armes ont aussi la singularité de maintenir un état de guerre après la fin des conflits entraînant une déstabilisation durable des pays concernés.

Actuellement, plus de 110 millions de mines antipersonnel disséminées dans plus de soixante pays démontrent tout à la fois le danger dans la prolifération née de la production et du commerce de ces armes et de la nécessité d'agir internationalement pour en organiser le déminage.

Bien que l'utilisation de ces armes viennent en violation d'au moins deux principes généraux des conventions de Genève relatives à la protection des victimes de guerre :

- les parties à un conflit doivent toujours établir une distinction entre civils et combattants. Les civils ne peuvent être directement attaqués et les attaques pratiquées sans discernement sont interdites, de même que l'emploi d'armes non discriminantes (article 48) ;

- l'emploi d'armes pouvant entraîner des souffrances superflues est interdit. Par conséquent, l'utilisation d'armes dont les effets nuisibles sont disproportionnés par rapport à leur objectif militaire est interdite.

La communauté internationale est encore en difficulté pour rassembler tous les pays autour d'un texte interdisant l'utilisation et le transfert des mines antipersonnel.

Si, en 1980, un nouveau protocole concernant les mines antipersonnel était adopté à Genève, les ravages causés en vies humaines depuis cette date et l'augmentation de la prolifération de ces armes ont montré toutes les limites de ce texte. C'est pourquoi l'activation du processus de révision de ce protocole a abouti, le 3 mai 1996, à un nouveau compromis adopté par consensus. Ce nouveau protocole, malgré quelques avancées, comporte de grandes insuffisances qui font douter de son efficacité réelle.

Ce sont ces insuffisances qui ont conduit à la conférence stratégique internationale sur l'interdiction des mines antipersonnel qui s'est tenue à Ottawa en octobre 1996. Y ont participé cinquante pays, vingt-quatre observateurs et des représentants de nombreuses organisations internationales. La conférence d'Ottawa des 3 et 4 décembre 1997 vient d'aboutir à la signature d'un traité universel. Même si on peut regretter qu'il ne rassemble pas d'emblée tous les pays du monde, il peut contribuer puissamment à bannir les mines antipersonnel.

Mais ce traité comporte également des points faibles et des ambiguïtés. Il en est ainsi de l'action de déminage des zones polluées par les mines et l'aide aux victimes.

La France, qui a déjà annoncé son renoncement à la fabrication de tout type de mines antipersonnel le 26 septembre 1995, s'apprête à faire ratifier ces deux textes par le Parlement.

Nonobstant les remarques, ci-dessus, concernant le contenu de ces textes et alors que l'opinion publique internationale est attentive à toutes prises de position des gouvernements, la représentation nationale peut - en décidant par le vote d'une loi sans ambiguïté interdisant la production, le stockage, le transfert et l'utilisation des mines antipersonnel - montrer le chemin d'une interdiction internationale authentique et efficace.

Il s'avère donc qu'une initiative du Parlement français représenterait un message fort à l'opinion internationale et contribuerait - du fait de l'écho de cette démarche - à exercer une réelle et profonde pression positive sur les Etats qui se tiennent encore en dehors des accords internationaux.

Sous le bénéfice de ces dispositions, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La mise au point, la fabrication, l'acquisition, le stockage, la vente et l'utilisation de mines antipersonnel sont interdites. Ces interdictions s'appliquent également aux composants et dérivés.

Aucune de ces armes ne peut-être utilisée par les soldats français, même lors d'opération extérieure sous une autorité étrangère.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles s'effectue le contrôle régulier de ces dispositions.

Article 2

Par mines antipersonnel, il faut entendre tout engin placé sous ou sur le sol ou tout autre surface, conçu ou adapté pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne et destiné à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes.

Article 3

Toute personne commanditant l'étude, la fabrication, le stockage, le commerce ou l'aide à l'acquisition des mines antipersonnel et toute personne convaincue d'avoir posé ou d'en avoir fait poser est passible du délit « d'atteintes volontaires à la vie » tel que défini et réprimé par les articles 221-1, 221-2 et 221 -3 du code pénal.

Article 4

Le gouvernement français prendra des initiatives pour soutenir et activer le nécessaire déminage des zones concernées et pour organiser les aides aux victimes, y compris dans le cadre des organismes internationaux.

Article 5

II est créé une Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel. Cette Commission est composée des ministres chargés des affaires étrangères et de la défense ou de leur représentant, de deux députés et deux sénateurs, de représentants d'associations à vocation humanitaire, de représentants des organisations syndicales patronales, de représentants des organisations syndicales des salariés et de personnalités qualifiées.

La répartition des membres de cette Commission, les modalités de leur désignation, son organisation et son fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d'Etat.

Article 6

La Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel publie chaque année un rapport sur l'application de la présente loi ainsi que sur les initiatives prises par le gouvernement français pour l'exécution des obligations prévues par la convention d'Ottawa sur l'interdiction de l'emploi, de stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.

Il est adressé par le Gouvernement au Parlement.

Article 7

Les dépenses pour l'Etat résultant des dispositions qui précèdent sont compensées par une majoration, à due concurrence, des droits de consommation sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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