N°474

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 juin 1998.

PROPOSITION DE LOI

tendant à modifier les conditions d'exercice de certains mandats électoraux par les fonctionnaires,

PRÉSENTÉE

Par MM. Josselin de ROHAN, Louis ALTHAPÉ, Jean BERNARD, Jean BIZET, Gérard BRAUN; Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE, Jean-Pierre CAMOIN, Auguste CAZALET, Charles CECCALDI-RAYNAUD, Gérard CÉSAR, Charles de CUTTOLI, Désiré DEBAVELAERE, Jacques DELONG, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Hilaire FLANDRE, Bernard FOURNIER, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Georges GRUILLOT, Roger HUSSON, Lucien LANIER, Gérard LARCHER, Edmond LAURET, Maurice LOMBARD, Philippe MARINI, Paul MASSON, Paul d'ORNANO, Alain PLUCHET, Michel RUFIN, Jean-Pierre SCHOSTECK et René TRÉGOUËT,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Fonctionnaires et agents publics. - Disponibilité - Elections et référendums.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Au 12 juillet 1997, la répartition établie par les services de l'Assemblée nationale, en ce qui concerne l'origine professionnelle des députés de la XI e législature, donne les chiffres suivants :

Sur un total de 577, 18 sont exploitants agricoles, 35 sont patrons d'entreprise, 103 ont une profession libérale, 4 sont ouvriers, 13 sont employés, 89 sont cadres et ingénieurs, 17 sont journalistes, 93 sont fonctionnaires, 148 sont enseignants et 57 sont répertoriés comme divers.

Ainsi, sur 577 députés, 241 sont fonctionnaires, soit 41% de l'effectif total.

Pour les sénateurs, cette proportion est de 33%.

Cette représentation importante des, fonctionnaires au sein de la représentation nationale découle du statut protecteur de la fonction publique. La garantie de l'emploi offre, en effet, une sécurité aux fonctionnaires entrant en politique que les salariés ou les professions libérales n'ont pas.

Cette fonctionnarisation de la vie politique ne contribue pas à enrichir le débat d'idées et maintient, au contraire, un mode de pensée uniforme et technocratique.

L'absence manifeste de diversité des origines professionnelles, en particulier au sein de l'Assemblée nationale, la coupe du «pays réel » constitué d'une grande variété de professions. Cela constitue un frein pour la mise en oeuvre des réformes de fond nécessaires à la modernisation de notre pays et accrédite l'idée selon laquelle le pouvoir politique ne comprend pas les problèmes quotidiens des Françaises et Français.

La présente proposition de loi, identique à celle déposée à l'Assemblée nationale, à l'initiative de Jean-Claude Mignon, député de Seine-et-Marne, ne tend pas à empêcher les fonctionnaires des trois fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales, hôpitaux) d'accéder à la députation et à d'autres mandats importants, ce sont bien sûr des citoyens comme les autres et seul, en ce domaine, le suffrage universel doit décider.

Elle vise simplement à restaurer l'égalité entre les fonctionnaires et ceux qui ne le sont pas.

A l'inverse du système anglais ou américain, dit système des « dépouilles », qui rend complètement incompatibles fonctions publiques et carrière politique, le système français est par trop protecteur pour les fonctionnaires entrant en politique. Au Royaume-Uni, les fonctionnaires souhaitant se présenter à une élection doivent démissionner au préalable. En France, avec le système du détachement, non seulement les fonctionnaires bénéficient d'un droit à réintégration, mais de plus, ils continuent de bénéficier par l'ancienneté d'une évolution positive de leur carrière ; le temps du mandat comptant même dans le calcul de celle-ci !

Ainsi, sans travailler dans son corps d'origine, le fonctionnaire élu continue à progresser dans l'échelle indiciaire, est comptabilisé dans les effectifs, freinant, voire empêchant les jeunes fonctionnaires de progresser dans leur propre carrière.

Un salarié ou un chef d'entreprise n'aura pas cette chance car il lui faudra démissionner, décision courageuse et périlleuse surtout dans le contexte économique actuel.

Le principe d'incompatibilité défini à l'article 23 de la Constitution ne concerne que la seule incompatibilité entre la fonction de membre du Gouvernement avec un emploi public, il nous paraît opportun de proposer un pendant à celle-ci en posant, non un principe d'incompatibilité entre fonction publique et mandat exécutif, mais en restaurant le principe d'égalité.

Actuellement, pour l'accomplissement d'un mandat électoral, les fonctionnaires sont placés en position de détachement, ce qui implique un droit à réintégration dans le corps d'origine à l'issue du mandat et le maintien des droits à avancement et à la retraite pendant toute la durée du ou des mandats.

Cette situation rend inégale la position des fonctionnaires par rapport aux salariés de droit privé. En effet, ces derniers voient en principe leur contrat de travail seulement suspendu jusqu'à l'expiration du mandat, sans aucun droit à avancement ni retraite. Par ailleurs, la suspension temporaire du contrat de travail équivaut en réalité à un licenciement. Pour supprimer cette inégalité de fait et de droit, il semblerait opportun de prévoir désormais que les fonctionnaires ne soient plus placés en position de détachement, mais en disponibilité pour convenances personnelles.

La disponibilité place, en effet, l'agent hors de l'administration, il n'a donc plus droit ni à avancement ni à la retraite. Il garde un droit à réintégration mais dans des conditions plus strictement limitées que dans le cas du détachement.

Par ailleurs, la disponibilité est limitée dans le temps. Nous proposons, par conséquent, que dans le cas d'un second mandat le fonctionnaire ait à choisir : soit il met fin à sa disponibilité et réintègre son administration d'origine, soit il décide d'honorer son second mandat et, dans ce cas, il démissionne de la fonction publique.

C'est pourquoi il vous est proposé d'adopter la présente proposition de loi afin de répondre aux attentes de nos concitoyens dans le sens d'une plus grande transparence et diversité dans la vie politique française.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 52 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est ainsi rédigé :

«Art. 52. - Le fonctionnaire élu à l'Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen, à la présidence d'un conseil régional, à la présidence d'un conseil général ou maire d'une commune de plus de 100000 habitants est de droit placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. Au terme du premier d'un de ces mandats, le fonctionnaire sollicite dans les deux mois sa réintégration de droit dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres à l'expiration de la période de disponibilité.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les cas et conditions de disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration du fonctionnaire intéressé, à l'expiration de la période de disponibilité. »

Article 2

L'article 73 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :

«Art. 73. - Le fonctionnaire élu à l'Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen, à la présidence d'un conseil régional, à la présidence d'un conseil général ou maire d'une commune de plus de 100000 habitants est de droit placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. Au terme du premier d'un de ces mandats, le fonctionnaire sollicite dans les deux mois sa réintégration de droit dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres à l'expiration de la période de disponibilité.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les cas et conditions de disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration du fonctionnaire intéressé, à l'expiration de la période de disponibilité. »

Article 3

L'article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :

« Art. 62. - Le fonctionnaire élu à l'Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen, à la présidence d'un conseil régional, à la présidence d'un conseil général ou maire d'une commune de plus de 100000 habitants est de droit placé en disponibilité pendant la durée de son mandat. Au terme du premier d'un de ces mandats, le fonctionnaire sollicite dans les deux mois sa réintégration de droit dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres à l'expiration de la période de disponibilité.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les cas et conditions de disponibilité, sa durée ainsi que les modalités de réintégration du fonctionnaire intéressé à l'expiration de la période de disponibilité. »

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