La coordination des politiques économiques en Europe :
le malaise avant la crise?

Le rapport d'information de MM. Joël Bourdin (UMP, Eure), Président de la Délégation du Sénat pour la planification, et Yvon Collin (RDSE, Tarn-et-Garonne), présente une évaluation de la coordination des politiques économiques en Europe, rapport d'étape dans la perspective de la future présidence de l'Union européenne par la France, qui sera suivi d'un rapport proposant une réforme de cette coordination.

Alors que la coordination des politiques économiques est un engagement politique fondamental dans le processus de construction européenne, son organisation et son fonctionnement concrets semblent paradoxalement inspirés par des approches théoriques et des instruments d'analyse économique qui fondent une coordination a minima, que symbolise le rôle primordial, sinon exclusif, du Pacte de stabilité et de croissance.

Or, l'influence de ces analyses ne doit pas occulter leurs faiblesses, que détaille le rapport, et représente un danger pour l'Europe puisqu'aussi bien l'incoordination des politiques économiques jette les bases d'un environnement européen conflictuel et conduit à négliger les gains considérables de la coordination. Par exemple, une politique de soutien de l'activité peut être jusqu'à deux fois plus efficace si elle est coordonnée que si elle ne l'est pas.

Y De fait, les politiques économiques en Europe apparaissent, au mieux, incoordonnées, au pire, antagonistes :
Le maniement conjoncturel des politiques budgétaires des principaux pays - l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni... - manifeste l'existence de réactions différentes face à des chocs pourtant communs qui altèrent leur efficacité.
Sur un plan plus structurel
, les politiques budgétaires témoignent, de plus en plus, de l'acuité de phénomènes de concurrence entre Etats, dont la concurrence fiscale est la manifestation la plus spectaculaire. Autrefois limitée à l'imposition du capital, avec pour conséquences une déconnexion entre la territorialisation des recettes et celle de l'activité économique, et l'existence dans la zone euro d'une imposition du capital plus faible qu'aux Etats-Unis et au Japon, elle s'étend à d'autres formes d'imposition, par exemple, les impôts indirects dont l'élévation poursuit souvent des objectifs analogues aux dévaluations compétitives d'avant l'euro.

Y Les politiques budgétaires n'ont pas l'apanage de l'antagonisme. Le partage de la valeur ajoutée, enjeu majeur de la politique économique, dévoile l'existence de choix incompatibles entre eux et avec le projet d'une croissance économique forte et durable en Europe. Ils sont, par ailleurs, susceptibles de contrecarrer les ambitions affichées par celle-ci.
L'option la plus dangereuse, et la plus tentante, dans un espace de non-coordination est celle de la désinflation compétitive. Elle n'est soutenable, ni pour ceux qui la choisissent, ni pour l'Europe.

Elle n'est pas payante pour ceux qui la choisissent puisqu'elle repose sur une combinaison déséquilibrée : le sacrifice des composants domestiques de la croissance (le pouvoir d'achat et la demande domestique), et l'exploitation de celles des partenaires commerciaux.
Or, les sacrifices intérieurs, qui ne sont pas soutenables et n'ont aucun effet favorable sur la productivité; entraînent une stagnation de l'investissement et de la croissance tandis que l'exploitation des partenaires crée des pertes considérables pour eux.
L'Allemagne a connu une croissance de 0,5 % l'an entre 2001 et 2005 et la forte baisse de ses coûts salariaux unitaires a amputé la croissance française de 0,4 point de PIB en moyenne annuelle au cours de cette période. Elle engendre aussi une augmentation importante des déséquilibres commerciaux au sein de la zone euro.

Y Ces rappels montrent que la non-coordination des politiques économiques occasionne déjà pour l'Europe, des pertes importantes de bien-être redoublées par l'incapacité des Etats à réagir à des chocs négatifs du fait du carcan imposé aux politiques économiques. Ils suscitent aussi des inquiétudes plus structurelles encore :
-      l'imitation des stratégies de désinflation compétitive qui, dans un espace sans possibilité de dévaluation représente une forte tentation, plongerait l'Europe dans la stagnation économique, chacun effaçant les gains des partenaires, sans autre effet que de priver l'Europe de croissance ;
-      les tensions résultant des antagonismes actuels, notamment les déficits extérieurs et les déficits publics auxquels ils contribuent beaucoup, remettent en question la capacité de certains pays à maintenir leur ancrage à l'euro et à réduire leurs dettes publiques ;
-      les pertes de croissance, alliées aux effets directs de la concurrence fiscale, qui pénalise surtout les grands pays, anémient les budgets publics, particulièrement sollicités du fait des transitions qu'implique la réussite des projets les plus ambitieux de l'Europe (la Stratégie de Lisbonne, notamment). Dans ces conditions, la réussite de ces projets, essentiels pour relever la croissance potentielle, n'est pas envisageable.

L'importance des enjeux : la restauration du pacte politique européen et la refondation d'une Europe de la croissance et du progrès, commande de tourner le dos à une surenchère perverse qui voit le manque de coordination des politiques économiques dégénérer en une montée des antagonismes. En cohérence avec ses diagnostics, le rapport ouvre plusieurs chantiers de réformes auxquels la délégation pour la planification apportera sa contribution dans le semestre à venir de préparation à la présidence française de l'Union européenne.

Consultez le rapport en ligne : http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-113-notice.html

Contact presse : Olivier Graftieaux,  01 42 34 25 38,  o.graftieaux@senat.fr