Retour sur l'économie des dépenses publiques

Le rapport de M. Bernard Angels (SOC, Val d'Oise) sur les dépenses publiques, adopté par la Délégation du Sénat pour la planification, répond à trois questions fondamentales (quel est l'effet des dépenses publiques sur l'utilisation des ressources économiques ? existe-t-il un lien négatif entre dépenses publiques, croissance, pouvoir d'achat et bien-être ? les dépenses publiques sont-elles redistributives ?) pour appréhender l'impact économique et social des dépenses publiques.

En préambule, il apporte certaines précisions :
- la référence aux dépenses publiques comme à une catégorie unitaire est factice et trompeuse ; il faut distinguer les dépenses d'assurances sociales et les dépenses nécessaires à la production de services publics (santé, éducation, justice...) dont les natures économiques sont incomparables - les premières correspondent essentiellement à des revenus individuels dont la perception est décalée dans le temps (les retraites par exemple) et les secondes aux coûts des productions non marchandes. Ces dépenses relèvent de deux fonctions très différentes de l'Etat (tantôt gestionnaire d'assurances, tantôt producteur) ;
- les dépenses publiques sont majoritairement des dépenses de transferts (subventions, charges de la dette, assurances sociales...), et, en Europe, les dépenses sociales et de production non marchande s'équivalent (autour de 20 points de PIB pour chacune) ;
- contrairement à une idée reçue, les productions non marchandes sont plus développées dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada...) que dans les pays d'Europe continentale ;
- la majorité des dépenses publiques de production relèvent partout des fonctions non régaliennes de l'Etat (santé, éducation...) et, comme dans les services marchands privés, la masse salariale est le premier poste de coûts.

A la première question traitée qui est de savoir si, aux niveaux de dépenses publiques très diversifiés observés dans les pays de l'OCDE correspond une même variété des modalités d'utilisation des richesses économiques, le rapport répond par la négative. Quand on ajoute aux dépenses publiques les flux de dépenses privées, on observe que les pays de développement économique comparable consacrent, au total, des ressources analogues dans le champ des interventions de l'Etat. Par exemple, les Etats-Unis très au-dessous de la moyenne pour les dépenses publiques de protection sociale, sont aussi très au-dessus pour les dépenses totales qui tiennent compte des dépenses privées. Les écarts résiduels dans les profils d'utilisation des ressources économiques entre les pays de l'OCDE viennent surtout des différences de développement économique existant entre eux, et de facteurs de contexte (démographiques principalement). Ils ne sont dus que marginalement à la variété des niveaux atteints par les dépenses publiques, en lien avec les ambitions et les effets redistributifs différenciés selon les pays qui expliquent cette diversité.

A propos de la seconde question concernant l'existence d'une éventuelle relation négative entre dépenses publiques, croissance et pouvoir d'achat, le rapport indique que les arguments théoriques en ce sens ne trouvent pas de confirmation dans les faits.

Les arguments théoriques concernant l'impact des dépenses publiques sur l'épargne et l'investissement ne résistent pas plus à l'épreuve des faits que la condamnation générale des effets « désincitatifs » des dépenses sociales. Par ailleurs, les indicateurs de niveau de vie sur la production minimisent systématiquement la contribution des dépenses publiques au bien-être.

En ce domaine aussi, l'évaluation doit reprendre ses droits pour optimiser la contribution des dépenses publiques à l'activité économique dans le droit fil des approches modernes de la croissance qui mettent l'accent sur la contribution des biens publics (santé, éducation, recherche, ...) à la croissance potentielle.

S'agissant, enfin, de la troisième problématique abordée, celle des propriétés redistributives des dépenses publiques, il faut relever la nette corrélation inverse existant entre le niveau des dépenses publiques et les inégalités. Paradoxalement, les pays où l'intervention publique est très ciblée sur les pauvres corrigent moins les inégalités que ceux où elle est moins sélective. En France, où toutes les catégories de revenu « bénéficient » à peu près également des dépenses publiques, leur redistributivité est concentrée, avec quelques ambigüités, sur les plus pauvres. Cependant, plutôt que d'égaliser les niveaux de vie, la redistribution par les dépenses publiques prévient des phénomènes de paupérisation et ne trouve pas suffisamment de prolongements qualitatifs dans l'égalisation des chances, ni, a fortiori, des conditions socio-économiques.

Contact presse : M. Ali Si-Mohamed - 01 42 34 25 11 - a.si-mohamed@senat.fr

Le rapport est disponible sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-441-notice.html