CHAPITRE II LES TÉLÉCOMMUNICATIONS
FRANÇAISES :
UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION
Peu de secteurs de l'économie ont connu d'aussi profonds bouleversements que ceux qui sont intervenus en 1996 dans les télécommunications. Ces changements concernent tant le cadre réglementaire qui régit ces activités que l'opérateur historique France Télécom lui-même.
I. UN DROIT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS PROFONDÉMENT MODIFIÉ QUI PERMET L'ENTRÉE DE LA FRANCE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION ET L'OUVERTURE DU SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS À LA CONCURRENCE
En 1996, pas moins de trois lois, dont votre commission des Affaires économiques a été saisie au fond 3 ( * ) , ont contribué à renouveler le visage du secteur des télécommunications françaises. En particulier, deux de ces textes ont profondément modifié le cadre réglementaire.
A. LA LOI N° 96-299 DU 10 AVRIL 1996 RELATIVE AUX EXPÉRIMENTATIONS DANS LE DOMAINE DES TECHNOLOGIES ET SERVICES DE L'INFORMATION REND POSSIBLE L'ENTRÉE DE NOTRE PA YS DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION
1. Un texte lourd d'enjeux
Comme le soulignait le rapporteur du texte, notre collègue M. Jean-Marie Rausch, les dispositions adoptées au printemps dernier par le Parlement revêtent un très forte portée symbolique, puisqu'elles ont pour vocation de fournir aux pouvoirs publics, mais aussi aux entreprises, les technologies de l'information qui leur permettront « d'orienter la marche de la société française vers la société de communication »
Le texte adopté vise à permettre d'expérimenter localement, et de manière restreinte, certains outils qui paraissent destinés à jouer un rôle majeur dans la mutation que subissent actuellement les sociétés industrielles, à savoir, d'une part, les technologies novatrices de diffusion audiovisuelle -que l'on désigne communément sous le vocable « d'autoroutes de l'information »- et, d'autre part, une large gamme de services multimédia que ces autoroutes rendent possibles.
La genèse de ce texte se trouve dans le constat d'une certaine inadaptation de la législation en vigueur face au développement des nouvelles technologies.
En effet, fin 1994, le Gouvernement de M. Édouard Balladur avait lancé un appel à propositions en vue de mettre en place des expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information. La sélection des projets les plus innovants a mis en évidence le fait que la législation en vigueur était quelque peu inadaptée à l'exploitation de produits ou de services multimédias sur les autoroutes de l'information. En effet, celles-ci ont vocation à transporter à la fois de la voix, des données, des textes, de la musique et des images, alors que les textes légaux existants organisent un certain cloisonnement entre deux modes de transmission de l'information, considérés jusqu'à présent comme distincts les télécommunications (téléphonie vocale, transferts de données numériques...) et la communication audiovisuelle (programmes de radiodiffusion et de télévision).
Plus précisément, l'examen des conditions de lancement des expérimentations les plus innovantes a fait apparaître deux obstacles de nature législative auxquels elles étaient susceptibles de se heurter. Le premier obstacle était l'exclusivité reconnue à France Télécom pour, d'une part, établir des réseaux filaires de télécommunications ouverts au public et, d'autre part, fournir au public des prestations de téléphonie vocale entre points fixes. Le deuxième obstacle était constitué par les obligations imposées à la diffusion et à la protection de services audiovisuels. dont la rigueur aboutissait à freiner l'utilisation des techniques de diffusion numérique -qui permettent de proposer plusieurs programmes sur un même canal- et à paralyser l'offre de services audiovisuels à la demande.
Il apparaissait donc impératif de pouvoir lancer des expérimentations dérogeant aux règles en vigueur, avant même que ces règles ne soient changées globalement -ce qui était d'ores et déjà prévu pour le 1 er janvier 1998 dans le domaine des télécommunications, en raison des décisions prises dans le cadre de l'Union européenne- pour éviter que les opérateurs français ne prennent du retard sur leurs concurrents européens.
En outre, il était nécessaire que les pouvoirs publics puissent assez rapidement disposer d'éléments d'informations résultant d'expériences concrètes et non pas seulement d'analyses abstraites pour pouvoir prendre les meilleures décisions dans le domaine -ô combien stratégique- que constitue le développement des autoroutes de l'information.
Enfin, ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agissait de créer l'environnement permettant d'atteindre l'objectif fixé -à l'initiative du Sénat- par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire d'une couverture du territoire national par les autoroutes de l'information en 2015.
Bien que porteur de lourds enjeux symboliques, le texte adopté est cependant d'une portée juridique restreinte.
2. Une portée juridique restreinte
La loi du 10 avril 1996 n'a pas remis en cause les principes de la législation relative aux télécommunications ni de celle relative a la communication audiovisuelle.
Elle a simplement permis d'y déroger, de manière temporaire (la durée maximale des licences expérimentales est fixée à cinq ans) et selon des procédures rigoureuses, afin que puissent être mises en oeuvre certaines des expérimentations les plus innovantes qui ont été proposées par les différents acteurs économiques ou locaux.
Les principales dispositions de ce texte sont résumées dans le tableau ci-après :
PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA LOI N° 96-299 DU
10 AVRIL 1996 RELATIVE
AUX EXPÉRIMENTATIONS DANS LE DOMAINE DES
TECHNOLOGIES ET
SERVICES DE L'INFORMATION
Article premier : régime des licences expérimentales Cet article définit les critères généraux et la procédure juridique applicables aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information, dont la mise en oeuvre suppose une dérogation par rapport à la législation en vigueur. Article 2 : expérimentations dérogeant à la réglementation des télécommunications Cet article permet de déroger, de façon limitée et dans certaines conditions, au monopole de France Télécom concernant le service téléphonique entre points fixes. Article 3 : dérogations à la législation sur la communication audiovisuelle au profit des expérimentations par voie hertzienne terrestre. Article 4 : dérogations pour la reprise par multiplexage d'éléments de programme audiovisuels . Cet article vise à donner une base légale à la diffusion multiplexée de services audiovisuels. Article 5 : expérimentations de services audiovisuels à la demande . Cet article vise à donner une base légale aux expérimentations de services audiovisuels à la demande. Article 6 : durée d'application du régime des licences. Cet article limite aux trois années qui suivent la publication de la loi la possibilité de délivrer les licences expérimentales. Article 7 : rapport d'information au Parlement . Cet article dispose que le Gouvernement remettra au Parlement dans un délai de trois ans un rapport d'information sur l'évolution des projets expérimentaux. Article 8 : applicabilité dans les territoires d'outre-mer. |
La France est donc désormais dotée du cadre juridique lui permettant de profiter des nouvelles opportunités fournies par les avancées technologiques.
* 3 Voir les rapports n° 212 (Sénat 1995-1996) de M. Jean-Marie Rausch pour la loi du 10 avril 1996. n° 369 de M. Gérard Larcher pour la loi de réglementation des télécommunications et n° 406 de M. Gérard Larcher pour la loi relative à l'entreprise nationale France Télécom