II. LE PROJET DE BUDGET 2003 S'INSCRIT DANS LE CADRE D'UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU MARCHÉ DU TRAVAIL

A. LA BAISSE DU COÛT DU TRAVAIL DANS LE SECTEUR MARCHAND

1. La relance de la politique d'exonérations générales sur les bas salaires avec l'abandon de la référence à la durée du travail

Il s'agit d'abord de la poursuite de la politique d'allègement des charges pour les bas salaires.

La politique d'allègement des charges sociales pesant sur les emplois peu qualifiés a connu une montée en charge progressive, notamment à partir de la mise en place, en 1993 et 1995, de la ristourne dégressive sur les bas salaires (jusqu'à 1,3 SMIC), dite « ristourne Juppé ».

Cette politique a été poursuivie avec la diminution du temps de travail instaurée par les lois Aubry. Dans ce cadre, il est accordé aux entreprises ayant fixé leur durée collective de travail à 35 heures hebdomadaires (ou 1600 heures annuelles) une ristourne dégressive jusqu'à 1,8 SMIC, à laquelle s'ajoute une ristourne forfaitaire (636,32 euros au 1 er juillet 2002) par salarié.

Le projet de loi Fillon vise à instaurer à partir du 1er juillet 2003 un dispositif absorbant la « ristourne Juppé » et l'« allègement Aubry II », qui devrait mener, à compter du 1 er juillet 2005, à un dispositif unifié de réduction de cotisations patronales, dans lequel le montant de la réduction sera fonction de la rémunération horaire, sans considération de la durée du travail. Cette ristourne serait dégressive jusqu'à 1,7 SMIC.

Cette mesure a été élaborée dans le contexte de la nécessaire « convergence 1 ( * ) des SMIC » programmée pour le 1 er juillet 2005, et dans le souci de tenir compte d'un double impératif économique : la restauration d'un SMIC horaire unique ne doit pas occasionner de perte pour les salariés déjà passés aux 35 heures, et la revalorisation substantielle du pouvoir d'achat des minima salariaux (+ 6,5 % en moyenne de 2003 à 2005) qu'implique cette convergence ne doit pas porter préjudice à la compétitivité des entreprises.

En 2003, le coût de cette unification, de l'ordre du milliard d'euros, sera sans incidence sur le budget du Travail , le FOREC (fonds de financement de la réforme des cotisations de sécurité sociale patronale) assurant la compensation auprès des organismes de sécurité sociale des allègements de charges, décidés dans le cadre de la réduction du temps de travail et en faveur des bas salaires.

Le financement de ces nouvelles dépenses sera notamment permis par le transfert de l'Etat au FOREC d'une fraction supplémentaire de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, pour un montant de 660 millions d'euros, et d'une augmentation des droits sur les tabacs.

Le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale avait noté dans son premier rapport, paru en février 2001, l'intérêt de concentrer les allègements de charges sur les bas salaires.

L'INTÉRÊT DE CONCENTRER LES ALLÈGEMENTS DE CHARGES

Pour un montant budgétaire donné, une réduction des taux de cotisations sociales patronales produit des effets d'autant plus favorables à l'emploi qu'elle est concentrée dans le bas de la distribution des salaires. Il y a deux raisons principales à cela :

Un effet d'assiette : à montant budgétaire donné, la baisse du coût du travail est proportionnellement plus forte lorsqu'elle est ciblée sur les bas salaires. Toutes choses égales par ailleurs, une baisse générale des cotisations employeurs produit donc toujours moins d'effets sur l'emploi qu'une baisse ciblée dans le bas de la distribution.

L'emploi est plus sensible au coût du travail pour les bas salaires que pour l'ensemble des travailleurs. Une baisse du coût du travail produit des effets d'autant plus favorables sur l'emploi que le travail est substituable au capital et que la demande de biens est sensible aux baisses de prix associées aux réductions des coûts de production. Avec une baisse ciblée, les possibilités de substitution entre catégories de main-d'oeuvre doivent également être considérées. Or, les études appliquées qui ont tenté de mesurer la sensibilité de l'emploi au coût du travail concluent à des possibilités de substitution importantes entre travail qualifié et travail moins qualifié.

Ces deux raisons, indépendantes l'une de l'autre, plaident en faveur d'une concentration des allégements de cotisations employeurs dans le bas de la distribution des salaires.

En revanche, en concentrant les allégements sur une zone très étroite de salaire, on introduit un frein aux carrières salariales puisque le coût du travail progresse plus rapidement que le salaire brut et ce d'autant plus que la zone de dégressivité est étroite. Cela explique que l'on ait proposé une dégressivité des allégements de cotisations patronales sur la plage allant de 1 à 1,8 Smic pour les lois « Aubry ». En la matière, il y a un arbitrage à trouver entre efficacité sur l'emploi et dynamiques salariales individuelles.

Du reste, la DARES a pu montrer en janvier 2000 que le seuil de croissance pour obtenir des créations d'emploi serait passé de 2,3 % dans les années quatre-vingts, à 1,5 % dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix, ce qu'elle a en partie attribué aux politiques d'allègement de charges.

De plus, ces mesures sont plus particulièrement favorables aux PME -qui constituent les plus grands gisements d'emploi- dans la mesure où les salaires y sont généralement moins élevés.

Il faut toutefois noter que les dynamiques salariales seraient pénalisées par une trop forte concentration des allègements sur le bas de l'échelle salariale.

* 1 Un développement sur la convergence des SMIC figure en annexe.