III. PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. La traduction de la solidarité nationale envers les anciens combattants : une dépense globale de quelque 4 milliards d'euros pour 4,6 millions de bénéficiaires.

Les crédits proposés pour 2002 pour le budget des Anciens combattants, s'élèveront à 3,63 milliards d'euros soit 23,8 milliards de francs, dont 3,58 milliards d'euros (23,5 milliards de francs) de crédits d'intervention, pour l'essentiel destinés à financer la dette viagère.

A périmètre constant, la baisse des crédits ainsi enregistrée est de 1,99 % par rapport à la loi de finances pour 2001 mais si l'on tient compte des transferts entre sections, le budget est quasi stable entre 2001 et 2002. Rapportée au nombre de bénéficiaires potentiels, les dotations affectées au monde combattant progresseront de 4,1 % en moyenne.

Le montant des crédits inscrits sur le seul budget des Anciens combattants ne représente pas la totalité de l'effort de la Nation en faveur des anciens combattants.

La fusion du secrétariat d'Etat au sein du ministère de la Défense implique en effet que les moyens de fonctionnement de l'administration centrale (impossible à chiffrer depuis la réforme) ainsi que les subventions d'équipement (3,505 millions d'euros (23 millions de francs) en titres V et VI) des deux organismes sous tutelle -ONAC et INI- sont désormais inscrits au budget de la Défense.

En outre, l'essentiel des crédits de la politique de la mémoire sont inscrits au budget de la défense : en 2002 ils s'élèveront, pour ce qui concerne le «bleu défense », à 9,56 millions d'euros, soit 62,7 millions de francs.

Enfin, le montant des dépenses fiscales (exonérations et déductions spécifiques) se rapportant aux anciens combattants, est évalué, pour 2002, à 427 millions d'euros, soit 2,8 milliards de francs, par le Rapport sur l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2002, soit 198 millions d'euros (1,3 milliard de francs) au titre de la demi part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 75 ans, titulaires de la carte du combattant et 229 millions d'euros (1,5 milliard de francs) au titre de l'exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires et d'invalidité et des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre. La déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant et l'exonération de certains travaux portant sur des monuments aux morts et cimetières militaires effectuées par les collectivités publiques et les organismes sans but lucratif n'ont pas été chiffrées.

Au total, pour 2002, la dépense budgétaire globale en faveur du monde des Anciens combattants sera de l'ordre de 4 milliards d'euros.

2. L'augmentation tendancielle du nombre des anciens combattants, et donc de la charge future des retraites

Le nombre de bénéficiaires concernés (ressortissants de l'ONAC) s'élève, au 1 er janvier 1998, à 4.680.000 personnes, réparties pour moitié environ 2.473.400 entre « ayants-droits »,  et 2.205.500 « ayants-causes ».

La majorité des ayants-droits est désormais constituée par les anciens combattants d'Afrique du Nord dont le nombre s'accroît avec l'élargissement des conditions d'obtention de la carte depuis 1998, (1.267.100 personnes). Sont en revanche en diminution forte les anciens combattants de la seconde Guerre mondiale et des guerres de Corée et d'Indochine (1.028.900) ainsi que les survivants de la première Guerre mondiale (6.100).

Il convient d'y ajouter les anciens combattants de nouveaux conflits (42.100) et 129.400 ayants-droits « hors guerre » (militaires ou appelés du contingent atteints d'infirmités causées directement par le service ou à l'occasion de celui-ci).

Les « ayants-causes » recouvrent 1.752.200 veuves, 438.100 orphelins et 15.200 ascendants.

L'essentiel des crédits inscrits au budget des Anciens combattants est lié au versement de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant) et au financement de la majoration spécifique des rentes mutualistes : 3,098 milliards d'euros en 2002, soit 20,3 milliards de francs prévus, soit 85,3 % du total du budget.

Au sein de la dette viagère, la divergence d'évolution entre le poste « pensions d'invalidité », qui a tendance à diminuer, (2,45 milliards d'euros, 16 milliards de francs, en 2002, soit 67,5 % du total en diminution de 3,1 % par rapport à 2001) et le poste « retraite du combattant » qui a tendance à augmenter (534,8 millions d'euros, 3,5 milliards de francs en 2002, soit 14,7 % du total, en augmentation de 14,8 % par rapport à 2001) se confirme.

En effet, si le nombre de pensionnés est structurellement orienté à la baisse en raison de la mortalité naturelle, les effectifs d'anciens combattants enregistrent depuis 1997 une hausse sensible, liée aux assouplissements successifs des conditions d'attribution de la carte du combattant. Il faut noter que 100.591 cartes et titres ont été délivrés au cours de l'année 2000. Pour les pensions d'invalidité, il était dénombré en paiement au 1 er janvier 2000, toutes catégories confondues, invalides et ayants causes, 500.505 pensions, au 1 er janvier 2001, 484.473 pensions, soit une baisse de 3,2 %.

Cette tendance risque de réduire progressivement les « économies » de constatation liées à la disparition progressive des actuels bénéficiaires.

3. Mesures nouvelles : des avancées louables mais encore limitées

Le présent projet de loi de finances comporte quatre mesures importantes qui représentent une ouverture de crédits nouveaux de près de 19,4 millions d'euros (soit 127 millions de francs), alors même que l'an passé les mesures nouvelles décidées par le gouvernement s'élevaient à 236 millions de francs (36 millions d'euros).

La première mesure correspond à une nouvelle progression à 115 points de pension militaire d'invalidité du plafond majorable servant au calcul des majorations spécifiques sur les rentes mutualistes ( article 61 ).

Cette mesure représente un coût supplémentaire évalué à 2,29 millions d'euros, soit 15 millions de francs. On soulignera que le Gouvernement n'a pas suivi les recommandations de la Cour des comptes visant à assujettir cette rente, au moins partiellement, à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.

De façon générale, le monde des anciens combattants estime souhaitable le relèvement progressif à l'indice 130 du montant du plafond majorable de la rente mutualiste, soit un plafond de l'ordre de 1.525 euros, au 1 er janvier 2003.

La deuxième mesure consiste dans l'augmentation de la majoration de pension des veuves de grands invalides ( article 62 ).

En application de l'article L. 52-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les veuves de grands invalides bénéficient en effet d'une majoration de leur pension calculée selon les deux indices dépendant de la nature de l'allocation aux grands invalides « 5 bis » dont le mari était titulaire. La mesure proposée consiste à augmenter de 120 points la majoration de ces veuves pour un coût estimé à 2,29 millions d'euros (15 millions de francs) en 2002.

Il s'agit d'une mesure correspond aux attentes du monde combattant.

La troisième mesure correspond à l'attribution de la retraite du combattant, dès l'âge de 60 ans, aux bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité ( article 63 ).

Il s'agit donc d'anticiper le versement à 60 ans, au lieu de 65 ans, de la retraite du combattant, pour les anciens combattants ayant subi des préjudices physiques ou psychologiques du fait des opérations militaires ou de maintien de l'ordre hors métropole.

Le coût de cette mesure est estimé à 12,2 millions d'euros (soit 80 millions de francs) pour la seule année 2002 et concernera 29.500 bénéficiaires.

Il s'agit d'une avancée importante même si la question de la généralisation de la retraite du combattant à 60 ans reste posée. Le coût d'un abaissement de l'âge d'attribution à 60 ans est certes prohibitif (près de 230 millions d'euros, soit 1,5 milliard de francs) mais les conditions d'un abaissement progressif de l'âge d'attribution doivent être envisagées.

La quatrième mesure prévoit le rétablissement de l'unicité de la valeur du point de la pension militaire d'invalidité ( article 64 ).

Sont inscrits à ce titre au budget 2002, 2,59 millions d'euros, soit 17 millions de francs, après une première mesure -insuffisante- de 15 millions de francs intervenue en 2000 et une poursuite du rattrapage en 2001 pour 21 millions de francs. Or, le coût total de la complète remise à niveau de la valeur du point de PMI est estimé à 70 millions de francs. Il semble donc que les 2,59 millions d'euros inscrits au budget 2002 (soit 17 millions de francs) ne seront pas suffisants pour financer le rétablissement complet de l'unicité de la valeur du point de PMI : le double de ces crédits aurait été nécessaire.

4. Des revendications légitimes encore insatisfaites

Si le monde combattant reconnaît à bon droit les avancées réalisées cette année et accueille favorablement les quatre mesures nouvelles annoncées par le gouvernement, votre rapporteur estime légitime d'insister, cette année encore, sur les quelques points qui restent en suspens.

En outre, on peut observer que la diminution naturelle du nombre des bénéficiaires des mesures financées par le présent budget, notamment au titre des pensions d'invalidité et du Fonds de solidarité pour l'Afrique du nord et l'Indochine, estimée à 139,1 millions d'euros, soit 914 millions de francs, laisse une certaine marge de manoeuvre au gouvernement pour satisfaire les revendications du monde combattant.

a) La « décristallisation » : un espoir déçu

Les ressortissants des pays autrefois placés sous la souveraineté de la France ayant accédé à l'indépendance ont, en principe, les mêmes droits à pension militaire d'invalidité et à retraite du combattant que les nationaux français. Depuis 1958 cependant, un dispositif législatif dit de « cristallisation », applicable aux pensions militaires d'invalidité et aux retraites du combattant, a modifié l'étendue des droits des ex-nationaux sur les montants versés (blocage de la valeur du point de base) et l'ouverture de droits nouveaux.

La « cristallisation », dispositif aux règles diverses et inégalitaires, entraîne une grande dispersion des valeurs du point de pension militaire d'invalidité utilisées, entre 0,48 euro (3,14 francs) et 6,87 euros (45,05 francs). Son impact réel doit cependant être apprécié au regard du pouvoir d'achat que les pensions cristallisées procurent à leurs bénéficiaires.

En outre, la question de la cristallisation doit être examinée à la fois du point de vue du tarif des pensions (valeurs du point d'indice) et du point de vue de l'ouverture de droits nouveaux.

Dès la discussion du projet de loi de finances pour 1999, le secrétaire d'Etat avait proposé d'engager la réflexion sur cette question en termes de pouvoir d'achat, en comparant, pour un même taux d'invalidité, le pouvoir d'achat d'une pension attribuée à un ancien combattant ressortissant français et celui de la pension aujourd'hui versée à un ancien combattant d'un pays devenu indépendant. Les résultats avaient souligné un retard particulièrement significatif pour le Maroc et la Tunisie : « le pouvoir d'achat de la pension versée au Maroc et en Tunisie ne permet pas aux intéressés de subvenir à leurs besoins ».

La cristallisation se traduit ainsi par une très grande dispersion du point en vigueur selon la nationalité des pensionnés : 6,87 euros (45,05 francs) à Djibouti, 4,26 euros (27,97 F) au Sénégal, mais 1,96 euro (12,88 F) en Guinée, 1,18 euro (7,77 F) au Maroc et en Tunisie et 0,48 euro (3,14 F) au Vietnam (pour mémoire, la valeur non cristallisée du point de PMI est de 12,48 eruos au 1 er décembre 2000).

Dans les Etats du Maghreb, où le niveau de vie a progressé depuis la mise en place du dispositif de cristallisation et où les valeurs du point actuelles procurent un pouvoir d'achat très inférieur au niveau de vie, une revalorisation du point de PMI se justifie pleinement.

Il est difficile de comprendre comment, dans les conditions budgétaires actuelles, il n'a pas été possible de prendre une décision « équitable » concernant les seules retraites des combattants originaires du Maghreb, pour un coût de l'ordre de 18,3 millions d'euros (120 millions de francs), soit 13 % du montant des économies dégagées.

Certes, le Secrétaire d'Etat s'est engagé à oeuvrer « en faveur de la traduction au plan administratif de décisions de justice ». Une récente décision du Conseil d'Etat (avis rendu sur question préjudicielle du Tribunal administratif de Dijon - JO du 1 er janvier 2000) a en effet précisé que la cristallisation ne devait s'appliquer qu'aux tarifs des prestations versées au titre du code des questions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et non à l'ouverture de droits nouveaux.

C'est dans ce contexte qu'ont été adoptés les articles 109 et 100 de la loi de finances pour 2001, n° 2000-1352 du 30 décembre 2000.

L'article 109 de la loi précitée prévoit que « l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 et l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :  La retraite du combattant pourra être accordée, au tarif tel qu'il est défini ci-dessus, aux anciens combattants qui remplissent les conditions requises postérieurement à la date d'effet de cet article ». En application de ces dispositions, les retraites du combattant ont été concédées à un taux « cristallisé » à compter du 1 er janvier 2001. Il s'agissait donc de lever la forclusion sur l'attribution de droits nouveaux s'agissant des retraites du combattant des anciens combattants d'outre-mer.

L'article 110 de la loi précitée institue une commission d'étude de la revalorisation des pensions chargée de proposer des mesures d'ordre législatif et réglementaire permettant la revalorisation des rentes, des retraites et des pensions des anciens combattants de l'outre-mer. Cette commission, composée de représentants des associations d'anciens combattants et des administrations concernées, de deux députés et de deux sénateurs, a pour mission d'émettre des propositions sous la forme d'un rapport au Premier ministre, dans un délai de six mois suivant son installation.

Votre rapporteur tient cependant à souligner que la première réunion de cette réunion n'est intervenue que le 23 octobre 2001 et que l'arrêté fixant nominativement ses membres n'était toujours pas paru à l'heure de la rédaction de la présente note.

Au 31 décembre 2000, le nombre de retraites du combattant cristallisées était de 47.964. Si les dispositions contenues dans la loi de finances pour 2001 semblaient constituer un premier pas vers la décristallisation, votre rapporteur ne peut que constater que l'espoir que ce premier pas a suscité a été déçu.

Votre rapporteur estime qu'il est du devoir du gouvernement aujourd'hui d'avancer sur cette question qui préoccupe le monde combattant pour des raisons d'équité et de justice depuis de nombreuses années.

b) L'âge d'attribution de la retraite du combattant

S'agissant ensuite de l'anticipation de l'âge de versement de la retraite du combattant , votre rapporteur tient à rappeler que la modicité de cette allocation fait que cette mesure n'aurait véritablement de portée que pour les personnes disposant de faibles ressources, et qu'une telle disposition constitue en réalité une mesure de solidarité significative et fondée.

Votre rapporteur a toujours considéré que cet abaissement pouvait se faire par étapes, parallèlement à l'extinction programmée du fonds de solidarité. Toutefois, il tient à souligner que cette solution risque bientôt de perdre de son intérêt dans la mesure où près de la moitié des anciens combattants potentiellement concernés a d'ores et déjà atteint l'âge de 65 ans.

Le présent projet de loi prévoit, dans son article 63, l'attribution à 60 ans de la retraite du combattant aux bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Cette mesure est évaluée à 12,2 millions d'euros, soit 80 millions de francs, et concernent 29.500 anciens combattants d'AFN pensionnés.

Votre rapporteur considère cette mesure comme un progrès indéniable mais estime souhaitable d'étudier plus avant les possibilités d'une généralisation de l'attribution de la retraite du combattant à 60 ans.

Outre, l'abaissement progressif de l'âge de versement de la retraite du combattant, votre rapporteur est favorable à une augmentation de l'indice de pension. L'article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose en effet que le montant de la retraite est déterminé par application de l'indice de pension 33 tel qu'il est défini à l'article L. 8 bis du même code. Dès lors, une solution alternative à l'abaissement de l'âge de versement de la retraite pourrait être un passage de l'indice de pension de 33 à l'indice 48 pour le calcul du taux de la retraite versée. Cette augmentation de l'indice pourrait également se faire par étapes : plus 5 points par an en trois ans. Le coût total estimé de cette augmentation est de l'ordre de 1,5 milliard de francs. Alors que le coût cumulé (2002-2006) d'une mesure de généralisation du versement de la retraite du combattant à 60 ans serait, selon les données du ministère de la défense, de l'ordre de 2,8 milliards de francs.

En tout état de cause, votre rapporteur estime que l'argumentation du Gouvernement, qui craint que, ce faisant, on se rapproche des caractéristiques d'une pension de vieillesse (et donc, partant, d'un risque d'assujettissement fiscal) n'est pas fondée. La retraite des anciens combattants reste, et restera toujours, l'expression d'une reconnaissance de la Nation et n'a rien à voir avec la retraite versée au terme d'une vie professionnelle.

c) La situation des veuves d'anciens combattants

Le gouvernement a annoncé une mesure bienvenue dans le présent projet de loi en faveur des veuves des grands invalides, à savoir l'augmentation de 120 points d'indice de leur majoration de pension (article 62).

Si votre rapporteur accueille favorablement cette mesure à destination des veuves de grands invalides, il n'en conteste pas moins l'absence de mesure en faveur de toutes les autres veuves.

Sur 1.750.000 veuves ressortissantes de l'ONAC au 1 er janvier 1998, quelque 160.000 seulement bénéficient de la réversion de la pension d'invalidité de leur conjoint décédé, étant entendu que la pension de veuve au taux normal est inférieur au minimum vieillesse.

En 2000, les services départementaux de l'ONAC ont dispensé une aide financière à 8.068 veuves pour un montant global de 2,945 millions d'euros (soit 19,3 millions de francs), soit une augmentation de 6,3 % du nombre de bénéficiaires et de 15 % du montant des dépenses par rapport à l'exercice 1999. Ainsi 1,8 million d'euro (près de 12 millions de francs) ont été consacrés à 4.956 veuves exposées à des difficultés financières ponctuelles liées à l'acquittement de frais médicaux, de factures d'énergie, de frais résultant de la charge d'enfants ou de frais d'obsèques. Au regard du nombre total de veuves d'anciens combattants, votre rapporteur estime que cet effort de solidarité n'est pas suffisant.

La commission des Affaires sociales du Sénat a pourtant formulé plusieurs pistes de solution, d'incidence budgétaire inégale : réversion de la retraite, assouplissement des conditions de réversion des pensions d'invalidité, revalorisation des pensions de veuves.

En outre, le recyclage des ressources du fonds de solidarité afin de financer une aide spécifique pour les veuves d'anciens combattants sous la forme d'une allocation différentielle sous condition de ressources constitue une des revendications du monde combattant et a été, un temps, envisagé par le secrétaire d'Etat lui-même. Votre rapporteur s'interroge donc sur les intentions du gouvernement à cet égard.

d) L'indemnisation des orphelins de déportés

Votre rapporteur s'interroge sur le bien-fondé de la mesure d'indemnisation prise par le décret n° 200-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.

Le dispositif juridique et la procédure d'indemnisation

D'après les dispositions de ce décret, toute personne dont le père ou la mère a été déporté à partir de la France dans le cadre de persécutions antisémites durant l'occupation et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue.

Sont exclues du bénéfice de cette mesure les personnes qui reçoivent une indemnité viagère versée par la République fédérale d'Allemagne ou la République d'Autriche à raison des mêmes faits.

L'indemnisation revêt deux formes selon la demande de l'intéressé : un capital forfaitaire et unique de 180.000 francs (27.440 euros) ou une rente viagère mensuelle de 3.000 francs (457,35 euros) servie jusqu'au décès du bénéficiaire.

Le paiement des rentes viagères et des indemnités de capital est assuré par l'ONAC qui reçoit à cet effet des crédits du budget des services généraux du Premier ministre (la gestion des sommes versées à l'ONAC au titre de ce dispositif est assurée dans le cadre de la réglementation des ressources affectées).

Le nombre et le montant des indemnisations

A la date du 3 septembre 2001, 15.253 demandes d'indemnisation avaient été reçues, réparties en :

- 11.4000 décisions définitives d'accord ;

- 3.403 décisions en instance ;

- 450 décisions de refus (parents non déportés, orphelins de plus de 21 ans ...).

Au 12 septembre 2001, la dépense enregistrée par l'ONAC était de :

- 886,7 millions de francs (135,2 millions d'euros) pour l'attribution du capital ;

- 113,2 millions de francs (17,3 millions d'euros) pour les rentes viagères initiales ;

- 74,6 millions de francs (11,37 millions d'euros) au titre des mensualités servies.

Au total, l'indemnisation versée au titre du décret du 13 juillet 2000 entre le 30 octobre 2000 et le 12 septembre 2001 s'élève à 1.074,5 millions de francs (163,8 millions d'euros), sur crédits inscrits au budget des SGPM.

Votre rapporteur, estime, que dans un souci d'équité et d'indifférenciation raciale ou religieuse, cette mesure de réparation devrait être étendue à tous les orphelins de déportés non juifs, fusillés ou massacrés.

e) L'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes (RAD - KHD)

Les engagements pris concernant l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes (RAD-KHD) 9( * ) , par alignement sur la situation des incorporés de force dans l'armée allemande, n'ont toujours pas été tenus. Le recensement a pourtant été effectué depuis plus de deux ans (31 mars 1999), la quasi totalité des 10.000 demandes reçues, examinées, et la fondation « Entente franco-allemande » est prête à financer en grande partie cette indemnisation, sous réserve que le Gouvernement français s'y engage lui aussi.

Dans la réponse à la question portant spécifiquement sur les incorporés dans les organisations RAD ou KHD, posée par votre rapporteur au secrétaire d'Etat dans le cadre de son traditionnel questionnaire budgétaire, il est indiqué que : « Le gouvernement, après avoir examiné attentivement ce dossier, a approuvé la décision prise le 25 juin 1998 par le comité directeur de la fondation Entente franco-allemande d'élargir à cette dernière catégorie d'incorporés de force le droit à l'allocation unique qu'elle est chargée de distribuer. C'est en effet dans le cadre de l'accord franco-allemand du 31 mars 1981 et des fonds qui ont été réservés pour l'application de cet accord que la solution doit être trouvée. Le conseil d'administration de l'Entente a conditionné, jusqu'à présent, le versement lui incombant à la participation de l'Etat. Le gouvernement ne s'estime pas tenu par cet engagement, l'accord du 31 mai 1981 n'ayant pas prévu une contribution de la France à une indemnisation qui relève de la responsabilité allemande ».

Votre rapporteur regrette que les crédits nécessaires au règlement définitif de ce dossier ne soient toujours pas inscrits dans le présent projet de budget et ne partage pas du tout l'opinion du secrétaire d'Etat selon laquelle le gouvernement ne doit pas s'estimer tenu par cet engagement.

5. Une lisibilité budgétaire encore perfectible : l'exemple de la politique de la mémoire

Depuis novembre 1999, l'insertion des services chargés des anciens combattants au sein du ministère de la défense a eu pour conséquence une modification du périmètre du budget des anciens combattants avec un transfert de crédits du budget des anciens combattants vers le budget de la défense. Désormais le budget des anciens combattants comporte donc :

- un titre III (moyens des services) relatif aux subventions de fonctionnement des établissements publics sous tutelle (INI et ONAC) ;

- un titre IV (interventions publiques) relatif aux interventions et prestations de l'Etat en matière de réparation, solidarité, protection sociale à destination du monde combattant, ainsi qu'aux subventions en faveur de la mémoire.

Tous les autres crédits (administration centrale ou services déconcentrés de l'ancien secrétariat d'Etat) ont été transférés sur le budget de la défense : rémunérations et charges sociales, fonctionnement courant, entretien des nécropoles nationales, cérémonies, information historique, informatique, réparations civiles, investissements (notamment rénovation des sépultures de guerre et investissements dans les établissements publics).

Ce souci de rationalisation administrative a toutefois entraîné un manque de lisibilité budgétaire globale. Ainsi, il est difficile de savoir, en ne consultant que le « bleu anciens combattants », quel est le montant total des crédits alloués par l'Etat au monde combattant. En outre, la consultation du « bleu défense » ne permet pas non plus de visualiser avec précision les crédits à destination finale du monde combattant.

Les crédits de la mémoire constituent une bonne illustration de ce manque de lisibilité budgétaire. Depuis la réforme de novembre 1999, les crédits gérés par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives ont évolué vers une prise en charge plus importante du budget de la défense, notamment concernant les actions en faveur du patrimoine, des commémorations ou des manifestations culturelles, le budget des anciens combattants poursuivant son soutien financier aux actions de mémoire initiées par les collectivités territoriales et les associations.

Si l'on s'en tient à l'analyse des crédits inscrits au budget des anciens combattants, seuls subsistent deux articles budgétaires au sein de deux chapitres différents : l'article 10 du chapitre 46-03 (frais de voyage des familles pour se rendre sur les tombes des ressortissants bénéficiant de la sépulture perpétuelle aux frais de l'Etat) et l'article 20 du chapitre 46-04 (subventions en faveur des actions de mémoire). Pour l'année 2002, les crédits mémoire inscrits au budget des anciens combattants sont ainsi en diminution de 0,6 million d'euros par rapport à 2001 et passent de 2,8 millions d'euros (18,4 millions de francs) en 2001 à 2,2 millions d'euros (14,4 millions de francs) en 2002, soit une baisse de 21,4 %. Tandis que, de manière globale, en tenant compte des crédits mémoire inscrits au budget de la défense, il apparaît en fait que l'agrégat mémoire dans sa totalité voit ses crédits augmenter entre 2001 et 2002 pour passer de 9,93 millions d'euros (65 millions de francs) à 11,73 millions d'euros (77 millions de francs), soit une hausse de 18 %, entièrement due à l'augmentation de 34 % des crédits mémoire inscrits au budget de la défense, crédits qui concernent d'ailleurs essentiellement la remise en état des sépultures de guerre et lieux de mémoire, et pas l'information historique pédagogique ou les manifestations culturelles. Alors même que le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants se félicite de « la progression de 20 % du budget consacré à la mémoire. Ce budget doit permettre de consolider et développer les divers vecteurs d'une politique de mémoire volontariste et ambitieuse au service des valeurs républicaines ».

En outre, il faut noter en 2002 le transfert de 12.806 euros, soit 84.000 francs, du budget de la défense vers le chapitre 46-04 du budget des anciens combattants.

D'où, finalement, l'ambiguïté et la difficulté d'une analyse budgétaire exhaustive de la politique de la mémoire menée par le gouvernement.

Répartition des crédits « Mémoire »

(en €)

 

Prévisions 2001

Prévisions 2002

 

Section 70

Section 04

TOTAL

Section 70

Section 04

TOTAL

Cérémonies et commémorations

564.062

 

564.062

678.398

 

678.398

Information historique pédagogique

1.082.388

2.571.814

3.654.202

1.798.898

1.981.837

3.780.735

Manifestations et actions culturelles

884.204

228.674

1.112.878

939.086

193.277

1.132.363

Valorisation touristiques des lieux de mémoire

Remise en état des sépultures de guerre et lieux de mémoire, Struthof et AFN (CP)

3.353.878

 

3.353.878

4.878.369

 

4.878.369

Entretien des sépultures de guerre

1.250.082

 

1.250.082

1.265.327

 

1.265.327

TOTAL

7.134.614

2.800.488

9.935.102

9.560.078

2.175.114

11.735.192

Source : Ministère de la défense

En outre, le rapport du contrôle financier sur la gestion 2000 du budget des anciens combattants souligne que les crédits inscrits au chapitre  46-04, article 20 (subventions en faveur des actions de mémoire) n'ont été consommés qu'à hauteur de 19,34 % en 2000.

6. Une mesure injustifiée : l'abaissement du plafond de remboursement des frais d'hébergement engagés à l'occasion de cures thermales

L'article 20 du chapitre 46-27 (soins médicaux gratuits - thermalisme) fait l'objet dans le présent projet de loi d'une mesure de révision des services votés pour un montant de 2,29 millions d'euros, soit 15 millions de francs. Cette révision des services votés résulte de l'abaissement du plafond de remboursement des frais d'hébergement engagés à l'occasion de cures thermales.

D'après les dispositions de l'article D. 62 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les pensionnés effectuant une cure thermale ont droit au versement d'une indemnité forfaitaire d'hébergement et au remboursement des frais de voyage, sauf s'ils sont domiciliés dans la station thermale. Le montant de l'indemnité d'hébergement est fixé par arrêté.

L'arrêté du 25 juillet 2001 fixe le montant de l'indemnité forfaitaire d'hébergement prévue à l'article D. 62 bis précité à trois fois le plafond de la participation forfaitaire des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) aux frais de séjour des assurés sociaux et de leurs ayants droit dans les stations de cure thermale tel qu'il est déterminé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Le montant de l'indemnité forfaitaire d'hébergement était auparavant fixé à cinq fois le plafond de la participation forfaitaire des CPAM aux frais de séjour dans les cures thermales.

Votre rapporteur considère que cet abaissement du plafond de remboursement des frais d'hébergement engagés à l'occasion de cures thermales ne se justifie en aucune manière et constitue une remise en cause inacceptable du droit à réparation des anciens combattants. En effet, l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dispose que l'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité les prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement les accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui ouvre droit à pension.

Votre rapporteur souhaite que le gouvernement revienne sur cet abaissement du plafond de remboursement des frais d'hébergement en cures thermales lors de la discussion budgétaire.