Budgets annexes : Journaux officiels
Thierry FOUCAUD
Table des matières
- I. VERS UN SERVICE PUBLIC GRATUIT D'ACCÈS AU DROIT
- EVOLUTION DU NOMBRE DE CONSULTATIONS SUR JOEL, JOELECO, BALO ET BOAMP
- PRINCIPALES OBSERVATIONS
I. VERS UN SERVICE PUBLIC GRATUIT D'ACCÈS AU DROIT
Après des années de forte hausse, les recettes des Journaux officiels prévues dans le projet de loi de finances pour 2002 connaîtront une baisse importante de 11,93%. Elles s'établiront à 168,847 millions d'euros (1,114 milliard de francs) contre 192,848 millions d'euros en 2001 (1,265 milliard de francs). Ce recul s'explique par une chute prévue des recettes d'annonces.
A. LES ANNONCES LÉGALES DEVIENNENT DE MOINS EN MOINS COÛTEUSES POUR LES ANNONCEURS
Véritable source de financement du budget des Journaux officiels, le chiffre d'affaires tiré des annonces légales décroît. Plusieurs facteurs engendrent cette baisse :
a) Gratuité
Certaines annonces - concernant la création d'entreprise publiées au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODAC) - sont devenues gratuites à la suite d'une décision gouvernementale (décret n °2000-587 du 29 juin 2000). Intervenue en juillet 2000, cette suppression de redevance représente un manque à gagner estimé à 22,86 millions d'euros environ (150 millions de francs) en année pleine.
b) Remise lorsqu'elles sont transmises via Internet
Depuis
le 1
er
juillet 2000, les annonceurs qui saisissent leurs annonces au
Bulletin officiel des marchés publics (BOAMP) bénéficient
d'une remise de 20 % sur les tarifs habituels. Cette formule a rencontré
un certain succès puisque de mai à décembre 2000, 1 487
annonces ont été passées ainsi. De janvier à juin
2001 ce fut le cas pour 5 375 annonces, soit 7,3 % des annonces passées
au BOAMP. Le montant des remises accordées à ce titre s'est
élevé à 0,41 million d'euros (2,708 millions de francs).
Ces résultats sont encourageants.
c) Évolution des seuils des marchés publics
La réforme des marchés publics et l'évolution des seuils de passation des marchés laissent à penser qu'une très forte baisse des recettes du BOAMP interviendra en 2002.
Évolution des seuils
Seuil de publication obligatoire |
Anciens seuils |
Nouveaux seuils |
Marchés de l'Etat |
900.000 F
|
1.020.000
F
|
Marchés des collectivités territoriales |
900.000 F
|
1.312.000
F
|
Achats sur factures |
300.000 F
|
590.000 F
|
La Direction des Journaux officiels (DJO) prévoit un effondrement des recettes (16,76 millions d'euros soit 110 millions de francs) sur cette ligne. Toutefois, au regard des résultats des années précédentes, ce pessimisme semble excessif. Cette estimation est basée sur l'année 2000 au cours de laquelle, dans l'attente des élections municipales, les collectivités territoriales ont souvent retardé leurs projets.
Recettes d'annonces légales
(en millions d'euros)
|
Recettes 1999 |
Budget voté 2000 |
Recettes 2000 |
Prévisions PLF 2001 |
Prévisions PLF 2002 |
Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) |
58,24 |
63 ,27 |
67,16 |
83,85 |
67,07 |
Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) |
75,31 |
74,70 |
71,85 |
60,99 |
53,36 |
Bulletin officiel des annonces légales et obligatoires (BALO) |
18,14 |
18,29 |
19,62 |
19,21 |
22,87 |
Associations |
3,05 |
3,2 |
3,1 |
3,81 |
3,2 |
Autres ( JO, lois et décrets) |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
Total |
155,04 |
159,77 |
161,58 |
168,1 |
146,8 |
La DJO prévoit donc une baisse de 12,69 %, pour l'ensemble des annonces par rapport au budget voté pour 2001.
B. LES JOURNAUX OFFICIELS DIFFUSENT L'INFORMATION GRATUITEMENT SUR LEUR PROPRE SITE
Depuis
quatre ans, la Direction des journaux officiels a progressivement
diffusé sur internet ses publications périodiques les plus
importantes, conformément aux instructions gouvernementales en la
matière.
Le calendrier en a été le suivant :
- Juillet 1997 : Lois et décrets
- Novembre 1997 : Catalogue
- Juillet 1999 : Bulletin officiel des annonces des marchés publics
- Mai 2000 : Saisie en ligne des annonces des marchés publics
- Janvier 2001 : Bulletin officiel des annonces légales et
associations
Les annonces passées au BOAMP peuvent être saisies par les
annonceurs via le réseau internet.
Il était prévu que cette faculté serait offerte
également pour celles passées au bulletin officiel des annonces
légales (BALO). Ce projet semble abandonné ; s'agissant des
annonces relatives aux associations, il semble que la saisie sera possible en
2001.
Le nombre d'abonnements servis poursuit sa chute observée depuis
quelques années. Les abonnements payants aux Lois et décrets,
avec un recul de 4,6 % entre 1999 et 2000, résistent le mieux. En
revanche, les abonnements aux BOAMP (-12,5 %), BALO (-8,2 %), associations
(-6,7 %) et aux éditions parlementaires (-6 %) enregistrent un plus net
recul.
Fort logiquement, les recettes d'abonnement accusent une baisse. Les recettes escomptées pour 2002 s'élèvent à 6,097 millions d'euros (40 millions de francs) contre 6,86 millions d'euros (45 millions de francs) en 2001.
C. LE SITE LEGIFRANCE PERMET L'ACCESSIBILITÉ AUX TEXTES CONSOLIDÉS
Le site
legifrance, sous la responsabilité de OR- télématique,
diffuse gratuitement sur internet plus 1 300 lois et 13 000 décrets
consolidés. Les mises à jour des textes sont effectuées au
plus tard dix jours après leur parution au journal officiel. On ne peut
que se féliciter de cette réussite qui va au-delà de ce
qui était prévu.
En conséquence, les services télématiques payants marquent
une importante baisse de fréquentation et, de ce fait, les recettes qui
en sont retirées décroissent.
EVOLUTION DU NOMBRE DE CONSULTATIONS SUR JOEL, JOELECO, BALO ET BOAMP |
|||||
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2000/1999 |
JOEL -Journal Officiel et Fonctionnaire |
1 295 314 |
1 259 284 |
1 018 291 |
715 552 |
-29,8% |
dont : |
|
|
|
|
|
Lois et Décrets |
489 398 |
589 785 |
456 085 |
314 930 |
-31,1% |
Avis et concours |
172 589 |
149 230 |
113 729 |
90 305 |
-20,3% |
Traitements des Fonctionnaires |
84 896 |
81 897 |
77 126 |
48 013 |
-37,7% |
Catalogue JO et JOCE |
271 699 |
248 736 |
212 193 |
150 168 |
-29,2% |
Autres |
276 732 |
189 636 |
159 158 |
112 136 |
-29,6% |
|
|
|
|
|
|
JOELECO - BALO - BOAMP |
279 569 |
292 155 |
289 069 |
188 216 |
-34,9% |
dont : |
|
|
|
|
|
Indices |
51 658 |
47 123 |
40 007 |
34 251 |
-15,0% |
BALO |
72 693 |
67 953 |
62 145 |
49 643 |
-21,0% |
BOAMP |
155 218 |
177 079 |
186 917 |
104 322 |
-44,4% |
Évolution des recettes des services
télématiques
de la Direction des journaux
officiels
en millions d'euros |
|||||
|
1977 |
1998 |
1999 |
2000 |
2000/1999 |
Journal officiel+ fonctionnaire |
0,54 |
0,54 |
0,54 |
0,46 |
-16,1% |
Joel,Boamp,Balo |
0,23 |
0,26 |
0,15 |
0,09 |
-36,1% |
Total |
0,77 |
0,80 |
0,69 |
0,55 |
-20,4% |
Les recettes totales régressent de 20,4 %. L'an dernier déjà, l'on s'était interrogé sur l'utilité de conserver ces bases ; la question se pose avec plus d'acuité encore cette année.
II. ...QUI ENGENDRE UN DÉSÉQUILIBRE FINANCIER PATENT
A. DES DÉPENSES D'EXPLOITATION EN FORTE HAUSSE
Les
dépenses enregistrent une hausse de plus de 4,38 % contre 2,5 % l'an
dernier.
Les achats passeront de 23,39 à 20,04 millions d'euros, soit une baisse
de 14,34 %. La moitié de cette baisse est imputable à la
stabilisation du prix du papier semble acquise cette année; l'autre
moitié s'explique par un transfert de crédits en faveur de la
SACI-jo.
Les dépenses informatiques elles, connaissent une forte croissance
(+15,2 %) passant de 1,58 à 1,82 millions d'euros. Elle s'explique par
la nécessité de remplacer 100 postes de travail et les serveurs
qui y sont liés. Ce matériel date d'une dizaine d'années.
Par ailleurs, le système de sauvegarde des informations sera
entièrement rénové ( 0,099 millions d'euros).
B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN HAUSSE
La
dotation à la Société de composition et d'impression des
journaux officiels (SACI-JO) enregistre une forte hausse ( +18,09 %). Elle
s'explique par une prévision de hausse des rémunérations
de1,8 % pour 2002 (convention de la presse parisienne) et la provision 5,03
millions d'euros destiné au financement d'un nouveau dispositif de
cessation d'activité prévu par un accord du 20 octobre 2000
entre le Syndicat de la Presse parisienne et le comité intersyndical du
livre CGT. De plus il est effectué une remise à niveau des
crédits de la Saci-jo qui bénéficiait auparavant de
virements en cours d'année.
On observe également une hausse de plus de 14 % crédits
consacrés aux oeuvres sociales dont le montant passe de 0,4 à
0,457 million d'euros.
Au total ce sont plus de 10 millions d'euros supplémentaires qui seront
consacrés aux rémunérations du personnel.
Les effectifs devraient rester stables.
C. DES PRODUITS ELABORÉS SUR DES SUPPORTS MODERNES INSUFFISANTS
Comme
les années précédentes, il faut déplorer le faible
renouvellement des produits à haute valeur ajoutée. Depuis le
succès- qui naturellement s'émousse- de l'édition sur
CD-room, de la collection « 50 ans de JO », la DJO n'a pas
remis en route de nouveautés. Par ailleurs, la Cour des comptes diffuse
désormais ses documents sur internet. De ce fait les recettes sont de
plus en plus faibles.
On observe cette année un redressement des recettes tirées des
bases de données. Toutefois, en 2002, les recettes escomptées
resteront stables à un niveau relativement faible 0,76 millions d'euros
car la concession faite à OR-télématique pour les bases de
données juridiques s'éteindra. La Djo n'est pas en mesure
d'indiquer à quelle date la concession prendra fin, ce qui est
fâcheux.
III. UN AVENIR INCERTAIN
A. DES INVESTISSEMENTS NON ENGAGÉS, DES PROJETS NON ABOUTIS
Étant donné l'ampleur des mutations
technologiques de
l'outil de travail des journaux officiels, le Sénat insiste chaque
année sur l'impérieuse nécessité de doter
convenablement le budget en matière d'investissement .
Cette année, il est légitime de s'interroger sur l'utilisation
des autorisations de programme et des crédits de paiement.
En effet en 2000, le taux de consommation des crédits n'a
été que de 34,88%. Sur le premier trimestre 2001 ce taux n'est de
50 %.
Pour 2002, les investissements devraient régresser de 70 %, passant de
2, 058 millions d'euros à 0,610 millions d'euros.
B. UN AUDIT SÉVÈRE DE LA COUR DES COMPTES ET UNE FORTE BAISSE DE L'EXCÉDENT VERSÉ AU TRÉSOR PUBLIC
Un audit
a été conduit par la Cour des comptes en 2000 et 2001. Il en
ressort que la gestion est contestable.
Elle a déploré l'absence d'une comptabilité analytiquec,
regretté le sureffectif constaté dans les ateliers de production.
D'un point de vue technique, la gâche papier a été
jugée trop importante, et le développement de la saisie
à la source trop lente.
Pour la première depuis plusieurs années, l'excédent
d'exploitation était très élevé. Pour 2002 il chute
fortement pour atteindre 12,97 M d'euros. Toutefois, les sous-estimations
constatées les années précédentes peuvent laisser
penser qu'il sera supérieur à cette prévision.
Montant des reversements annuels au Trésor : |
||
|
Prévus |
Constatés |
1999 |
139 000 000 francs au BV (21.190 413,4 euros) |
319.928.000 francs (48.772.709,2 euros) |
2000 |
247.000.000 francs au BV
|
295.800.000 francs (45.094.419,3 euros) |
2001 |
279.00.000 francs au BV
|
|
2002 |
85.124.000 francs au projet de budget (12.977.000 euros) |
|
C. DES INCERTITUDES JURIDIQUES
Deux
types d'incertitudes juridiques se posent :
A la suite de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (
loi organique n°2001-692 du 1
er
août 2001) le champ
des budgets annexes se trouve redéfini et restreint. Les Journaux
officiels pourraient ne plus entrer dans cette nouvelle définition.
S'agissant de le la Saci-jo, le Secrétariat général du
gouvernement a fait mener une étude l'an dernier sur la nature des
relations juridiques qu'elle entretient avec la DJO. Le rapport a conclu
à la nécessité de faire évoluer les choses.
Monsieur Dieudonné Mandelkern conseiller d'état honoraire a
été nommé afin de coordonner les contacts entre l'Etat, la
DJO et le personnel de la SACI-JO.
Il ressort de l'état d'avancement des diverses études, qu'il
pourrait être envisagé de fusionner la SACI-JO et la DJO au sein
d'un établissement public à caractère industriel et
commercial.
PRINCIPALES OBSERVATIONS
1- La
Direction des Journaux officiels (DJO) a mis en oeuvre avec succès le
programme d'action gouvernemental pour la société de
l'information. Le citoyen a désormais la faculté d'accéder
aux textes de loi gratuitement via le réseau internet comme
annoncé par le premier ministre le 2 octobre 2000 dans son discours
prononcé aux assises parlementaires. Votre commission des finances qui
avait milité depuis de nombreuses années en faveur de cette
avancée démocratique ne peut que s'en féliciter. Toutefois
ces bons résultats ont un coût. La DJO n'a pas été
en mesure d'assumer seule cette mutation technologique. En 2002 la concession
faite à Or-télématique prendra fin. L'ensemble des
tâches du traitement des données juridiques seront
sous-traitées à un opérateur privé. Il aurait paru
opportun que la DJO réintègre cette charge en son sein. On ne
peut que regretter cette situation.
2- Les baisses de recettes des annonces ne mettent pas en danger, cette
année, l'équilibre du budget annexe. La baisse des tarifs pour
les raisons déjà évoquées, semble
légitime ; en effet la loi oblige les annonceurs à recourir
aux services des Journaux officiels, l'Etat n'a pas de raisons objectives d'en
retirer un profit sans rapport avec le coût supporté. Toutefois,
afin de compenser la perte de recettes, la Direction des journaux officiels
devrait développer une politique commerciale dynamique.
3- La DJO est confrontée à des incertitudes juridiques auxquelles
il faudra être attentif. A la suite de l'audit effectué l'an
dernier par la Cour des comptes il a été relevé des
insuffisances de gestion tant au plan comptable que des ressources humaines.
Par ailleurs un problème juridique concernant les relations entre la
SACI-JO et la DJO semble se poser.
A cela s'ajoute une nécessaire réflexion sur les
conséquences de l'entrée en vigueur de la loi organique relative
aux lois de finances (LO n°2001-692 du 1
er
août
2001) et l'existence, dans sa forme actuelle, du budget annexe des Journaux
officiels. Ces deux sujets pourraient se rejoindre et aboutir à une
fusion des deux structures, qui pourrait prendre la forme d'un
établissement public à caractère industriel et commercial.
Il sera indispensable de s'assurer avec vigilance de l'avenir du personnel.
Comme votre commission l'avait souhaité, le service public
d'accès au droit se construit. La responsabilité de la
publication des actes de l'autorité publique et des débats
parlementaires ne doit pas échapper à la puissance publique. Il
conviendra donc d' étudier avec la plus grande vigilance les
évolutions juridiques qui se préparent.