M. Joël Bourdin

AVANT-PROPOS

3,118 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 2,877 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) sont demandés, en 2008, pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». Ces montants traduisent une augmentation de 5,28 % en AE et une baisse de 2,11 % en CP par rapport aux crédits demandés pour 2007.

Ils couvrent à 51 % des dépenses d'intervention , à 25 % des dépenses de personnel, à 23 % des dépenses de fonctionnement et à 1 % seulement des dépenses d'investissement. Les dépenses d'intervention (1,48 milliard d'euros en CP), sont le plus souvent la contrepartie de financements communautaires , dont le montant est détaillé dans les développements qui suivent.

On notera également l'importance des dépenses fiscales concourant à titre principal aux programmes de la mission, dont le montant cumulé représente 3,8 milliards d'euros . Elles sont le reflet de la fiscalité globalement favorable dont bénéficient les exploitants agricoles en France.

Principales observations de votre rapporteur spécial sur la
mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

1. Au 10 octobre 2007, date limite fixée par la LOLF, votre rapporteur spécial avait reçu 72 % des réponses aux questionnaires budgétaires, ce qui n'est pas acceptable.

2. Les priorités budgétaires affichées pour 2008 sont le développement d'une agriculture durable, la politique de la pêche et la gestion des aléas.

3. La baisse des crédits d'intervention des offices est gagée sur le produit de cession d'actifs patrimoniaux.

4. Un effort réel de maîtrise des dépenses de personnel caractérise tant le plafond d'emplois ministériel que celui de la mission.

5. L'année 2008 sera marquée, pour le ministère de l'agriculture et de la pêche, par la mise en oeuvre des propositions du Grenelle de l'environnement, le « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) et la révision générale des politiques publiques.

6. Le ministère de l'agriculture fait face à une situation budgétaire dégradée, caractérisée par d'importants reports de charges et une exécution 2007 délicate. Les remèdes à apporter sont connus et ne demandent qu'à être mis en oeuvre.

I. LES PRIORITÉS BUDGÉTAIRES POUR 2008 ET LEUR CONTEXTE

A. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE LA MISSION

1. Les priorités pour 2008

Le ministère de l'agriculture et de la pêche fait valoir que les priorités traduites dans le projet de loi de finances pour 2008 concernent :

1) le développement d'une agriculture durable , à travers la hausse des crédits dévolus à la prime herbagère agro-environnementale (457 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour couvrir un dispositif étalé sur 5 ans), le maintien de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (232 millions d'euros) et de la part nationale de la prime au maintien de troupeaux de vaches allaitantes (165 millions d'euros), ainsi que le renouvellement des mesures agro-environnementales territorialisées (54 millions d'euros en AE), contribuant au respect de la directive-cadre sur l'eau et de Natura 2000 ;

2) la politique de la pêche , qui s'articule autour des fonctions de préservation de la ressource, de contrôle des pêches et de régulation de la flotte ;

3) la gestion des aléas , notamment à travers le soutien à la diffusion de l' assurance récolte (32 millions d'euros en AE et CP).

2. Des crédits d'intervention « en baisse » pour les offices

Une diminution de 67 millions d'euros des crédits d'intervention des offices figure par ailleurs parmi les points saillants du présent projet de budget.

Cette « diminution » est d'autant plus remarquable qu'elle est gagée sur le produit attendu de la vente du siège de l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), avenue Bosquet à Paris.

Votre rapporteur spécial aura l'occasion de revenir, dans les développements qui suivent, sur cette opération.

3. Des dépenses de personnel maîtrisées

Il convient enfin de mettre à l'actif du ministère un effort réel de maîtrise des dépenses de personnel .

176 équivalents temps plein travaillé (ETPT) de titulaires seront ainsi supprimés en 2008, auxquels il convient d'ajouter 200 ETPT de vacataires. Ces suppressions sont la traduction d'un objectif de deux non-remplacements pour trois départs en retraite pour les personnels administratifs et d'un sur trois pour les enseignants de l'enseignement technique et de l'enseignement supérieur .

Le plafond d'emplois ministériel s'établit à 36.590 ETPT en 2008, contre 38.253 en 2007. Outre les suppressions d'emplois, cette diminution résulte d'éléments techniques détaillés dans le tableau qui suit.

Tableau récapitulatif de construction du plafond d'emplois ministériel 2008

(en ETPT)

Plafond d'emploi ministériel

Mission « Agriculture »

Plafond 2007

38.253

12.400

Effet des mesures 2007

- 214

- 97

Suppressions 2008

- 376

- 165

Plafond 2008 avant transferts

37.663

12.138

Transferts internes

-

- 5

Transferts externes

- 1.073

4

Suppression de postes de maîtres d'internat et surveillants d'externat

- 97

-

Transfert des personnels techniciens ouvriers de service vers les régions

- 988

- 8

Contrôleur budgétaire et comptable ministériel

- 1

- 1

Archiviste

- 1

- 1

Personnels des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles

14

14

Plafond 2008

36.590

12.137

Source : réponses aux questionnaires budgétaires

B. UN CONTEXTE MARQUÉ PAR LE GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT, LE « BILAN DE SANTÉ » DE LA PAC ET LA « RGPP »

1. L'impact du Grenelle de l'environnement

Si les plans programmes résultant du « Grenelle de l'environnement » ne seront présentés que courant décembre 2007 au Parlement, votre rapporteur spécial observe qu'ils auront un impact certain sur la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

La question se pose, dès lors, des marges manoeuvres budgétaires dont le ministère disposera pour mettre en oeuvre les actions décidées. Le passé récent indique, en effet, que les dispositifs créés par ce ministère pour encourager des pratiques respectueuses de l'environnement sont souvent coûteux , ainsi qu'en témoignent les crédits consacrés, ces dernières années, aux plans de modernisation des bâtiments d'élevage (202 millions d'euros) et de maîtrise des pollutions d'origine agricole (177 millions d'euros).

Plus récemment, le plan « nitrates » en Bretagne , qui vient d'éviter à la France une saisine de la Cour de justice des Communautés européennes, représentera 68 millions d'euros sur cinq ans dans le cadre de l'action 2 du programme d'interventions territoriales de l'Etat de la mission « Politique des territoires », action dont les crédits proviendront majoritairement de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

2. Le « bilan de santé » de la politique agricole commune

L'application du cadre financier 2007-2013 et les conséquences de l'élargissement devraient globalement diminuer les retours français au titre de la PAC.

En effet, la France pourrait, à réglementation constante, cesser d'être bénéficiaire nette au titre de cette politique du fait de la montée en puissance des aides directes dans les nouveaux Etats membres à partir de 2013. Cela impose de veiller dès aujourd'hui à la soutenabilité budgétaire des actions menées au niveau national .

Dans ce contexte, les premières orientations du « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) devraient être annoncées à la fin du mois de novembre 2007 par le commissaire européen à l'agriculture, Mme Mariann Fischer-Boel. Ces orientations devraient confirmer :

1) le principe des paiements uniques découplés , qui incite les producteurs à agir en fonction des évolutions du marché et non des subventions attendues de l'Union européenne ;

2) le principe de « respect croisé », qui impose aux producteurs aidés de garantir aux consommateurs le respect de standards élevés en matière de bien-être animal, de respect de l'environnement et de sécurité sanitaire ;

3) la modulation des aides directes qui corrèle le développement de l'agriculture à la préservation des zones rurales et au respect de l'environnement.

Au titre des ajustements qui devraient être opérés en cours d'application du cadre financier 2007-2013, figurent principalement l'augmentation du taux de découplage et la substitution d'un paiement unique à l'hectare aux références historiques, ainsi que la suppression de la jachère obligatoire et des quotas laitiers.

S'agissant enfin de la réforme de l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole , sans laquelle 13 millions d'hectolitres excédentaires seraient produits chaque année, les propositions de la Commission sont actuellement de mettre fin au système des droits de plantation d'ici à 2013, afin d'abolir tout encouragement à la surproduction 1 ( * ) , et le maintien des subventions à l'arrachage complétées par des mesures d'accompagnement telles que des aides au départ en retraite anticipée.

3. La révision générale des politiques publiques devrait accélérer les réformes en cours au ministère

2008 devrait enfin voir la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) , qui ne manquera pas d'avoir un impact sur l'organisation du ministère de l'agriculture et de ses opérateurs.

A ce titre, votre rapporteur spécial tient à saluer les démarches de modernisation réelles qu'à déjà accomplies ce département ministériel, au premier rang desquelles la réforme des offices agricoles , à travers le regroupement de sept d'entre eux en trois pôles 2 ( * ) la création de l'Agence unique de paiement (AUP) pour le paiement des aides de masse au titre du premier pilier de la PAC et le regroupement du siège de ces établissements à Montreuil-sous-Bois.

Ces démarches devraient être approfondies en 2008 par la poursuite de la réorganisation territoriale du ministère et des offices, notamment grâce à :

- la généralisation du travail en commun des équipes de contrôle de l'AUP et des offices 3 ( * ) ;

- l'évaluation des gains tirés du rapprochement entre directions départementales de l'agriculture et directions départementales de l'équipement 4 ( * ) ;

- le rassemblement, dans chaque département, des compétences de contrôle de sécurité sanitaire de l'alimentation et des productions, aussi bien animales que végétales, autour des directions départementales des services vétérinaires (DDSV).

En application de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, le regroupement dans un seul établissement des fonctions de paiement des aides communautaires partagées entre l'AUP et le Centre national pour l'adaptation des structures des exploitations agricoles (CNASEA) fait également partie des hypothèses à l'étude.

La constitution d'un « ministère de l'alimentation, des affaires rurales et de l'agriculture » est enfin évoquée, accompagnée d'une restructuration de l'administration centrale (création de missions transversales sur les agro et biocarburants ou sur l'Europe) et du regroupement des six sites du ministère sur deux, dont le site « historique » de la rue de Varenne.

* 1 Dans la mesure où les exploitants planteraient à leurs propres frais.

* 2 L'OFIVAL et l'ONILAIT constituent désormais l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses produits, l'ONIVINS et l'ONIFLHOR constituent VINIFLHOR et l'Office national interprofessionnel des grandes cultures rassemble l'ONIC, l'ONIOL et le FIRS.

* 3 Actuellement expérimentée en Auvergne, Bretagne, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

* 4 Actuellement expérimentée dans les départements de l'Aube, de l'Ariège, du Cher, du Lot, des Yvelines, du Loir-et-Cher, du Territoire de Belfort et du Val d'Oise.