M. Michel Charasse

LES OBSERVATIONS SUR LE COMPTE

Compte tenu de l'absence d'opérations budgétaires sur ce compte, qui n'a vocation à être dotée qu'en cas de dégradation de la situation économique et financière des Etats de la zone Franc, votre rapporteur spécial n'a pas de remarques particulières à formuler .

Il considère également qu'une nouvelle dévaluation du franc CFA n'est sans doute pas envisageable à court terme, compte tenu des tensions économiques et sociales qu'elle pourrait créer dans les pays de la zone.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU COMPTE

A. UN COMPTE STRUCTURÉ EN TROIS PROGRAMMES

Situé hors budget général, le compte de concours financiers « Accords monétaires inter nationaux » est destiné à garantir les deux fondements de la coopération monétaire avec la Zone franc que sont l'ancrage de la parité du taux de change sur l'euro et la garantie de convertibilité illimitée.

Il retrace, en recettes et en dépenses, les opérations d'octroi et de remboursement des appels en garantie de convertibilité effectuées par le Trésor au profit des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international. Conformément à l'article 24 de la LOLF 1 ( * ) , il est doté de crédits évaluatifs .

Ce compte comporte trois programmes budgétaires, en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 relative à la loi de finances pour 2006, qui a notamment déclaré non-conformes à la LOLF les missions mono-programmes. Ces trois programmes sont respectivement dédiés aux relations avec les trois unions monétaires régionales de la Zone franc, situés en Afrique subsaharienne : Union monétaire ouest-africaine (UMOA), Union monétaire d'Afrique centrale (UMAC) et Union des Comores (UC).

Ils disposent chacun d'une unique action , dont l'intitulé est identique et qui recouvre les trois zones monétaires précitées. Aucun objectif ni indicateur ne leur sont associés , dans la mesure où le responsable de programme ne dispose pas de réels leviers d'action puisque les mécanismes de la Zone franc sont prévus par des traités internationaux qui s'imposent à lui.

B. UN COMPTE NON DOTÉ DE CRÉDITS EN 2008 COMME EN 2007

Compte tenu du niveau des avoirs extérieurs actuellement détenus par les banques centrales de la Zone franc et de la probabilité très faible que la garantie de l'Etat ait à jouer au profit de l'une ou l'autre des banques centrales, ces trois programmes ne sont dotés d'aucun crédit au titre de 2008 comme en 2007.

La garantie de convertibilité ne s'exercera pas en 2007 et ne devrait pas jouer en 2008, la situation des trois banques centrales étant considérée comme saine avec des réserves de change élevées , correspondant à plus de 4,5 mois d'importations de biens et services pour la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest (BCEAO), près de 6 mois pour la Banque centrale des Etats de l'Afrique centrale (BEAC), et à un niveau « suffisant » pour la Banque centrale des Comores (BCC).

Il importe également de relever que même dans l'hypothèse où les comptes d'opérations deviendraient déficitaires, les sommes versées par la France ne seraient pas comptabilisables en APD.

La coopération monétaire avec les pays de la Zone franc est gérée en France par le service des affaires multilatérales et du développement (SAMD) de la DGTPE, en liaison avec l'Agence comptable centrale du Trésor (ACCT), l'Agence France Trésor et la Banque de France. La gestion du programme est mise en oeuvre à travers un budget opérationnel de programme (BOP) d'administration centrale rattaché à la DGTPE.

II. L'IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA COOPÉRATION AVEC LA ZONE FRANC

La coopération monétaire entre la France et quinze pays d'Afrique subsaharienne a pour objectif d'assurer la stabilité de la monnaie de chacun des trois sous-ensembles qui composent la Zone franc (cf. infra ) et, ainsi, de contribuer à renforcer, dans les domaines économiques et financiers, la stabilité macroéconomique et les processus d'intégration régionale en Afrique.

Cette coopération suppose des engagements budgétaires de l'Etat français qui sont, depuis 2006, retracés de trois façons distinctes :

- la garantie de convertibilité est appelée à s'exercer à travers un compte de concours financiers, constituant la présente mission et qui ne sera doté que si la dégradation de la situation financière de tout ou partie de la Zone Franc vient à l'exiger ;

- la rémunération des dépôts des banques centrales sur les comptes ouverts à l'Agence comptable centrale du Trésor (ACCT) est retracée dans l'action n° 3 « Trésorerie de l'Etat » du programme « Charge de la dette et trésorerie de l'Etat » de la mission « Engagements financiers de l'Etat » ;

- enfin, aux termes de l'article 23 de la LOLF, les crédits correspondant à la garantie de non-dépréciation des avoirs extérieurs des banques centrales de la Zone franc continueront à être inscrits, le cas échéant, au compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change » (ancien compte n° 906-01). Cette garantie de non-dépréciation s'exerce à l'égard des droits de tirage spéciaux (DTS), unité de compte du FMI, et permet aux banques centrales d'accumuler des réserves en cas de taux de change favorable. Inversement, la garantie est mise en oeuvre lorsque le cours de l'euro (ou du franc avant 2002) est inférieur à celui du DTS, comme ce fut le cas en 1999 et 2001. Depuis 2002, plus aucun versement n'a eu lieu au titre de la garantie de non-dépréciation.

La décision du Conseil de l'Union européenne du 23 novembre 1998 a confirmé que la France et les pays africains membres de la Zone franc pouvaient maintenir leurs accords sous leur responsabilité, sous réserve d'en tenir régulièrement informés la Commission européenne, la BCE et le comité économique et financier 2 ( * ) .

III. LES FONDEMENTS ET MODALITÉS DE LA COOPÉRATION MONÉTAIRE

A. QUATRE PRINCIPES

La coopération monétaire avec les Etats membres de la Zone franc, sans équivalent au plan international, est fondée sur quatre principes :

- la garantie illimitée du Trésor français à la convertibilité en euro des monnaies émises par les trois instituts d'émission de la zone, sans limitation de montant. La parité du franc CFA d'Afrique de l'ouest et du franc CFA d'Afrique centrale est de 655,957 FCFA pour un euro, celle du franc comorien (FC) est de 491,96775 FC pour un euro ;

- la fixité des parités de convertibilité entre l'euro et les francs CFA ou le franc comorien, facteur de stabilité monétaire des pays de la Zone franc ;

- la liberté des transferts au sein de chaque sous-ensemble ;

- la centralisation des réserves de change (et la garantie de non-dépréciation) des Etats membres par les trois banques centrales et l'obligation pour celles-ci de déposer un pourcentage de leurs réserves auprès du Trésor français en contrepartie de la garantie apportée par la France.

B. TROIS UNIONS ÉCONOMIQUES ET MONÉTAIRES

Les pays africains membres de la Zone franc sont regroupés en trois unions , qui disposent chacune de leurs propres organes de direction :

- l'Union monétaire ouest-africaine ( UMOA ), qui regroupe huit pays 3 ( * ) , et dont l'organe de direction est est le conseil des ministres. Le privilège exclusif d'émission du franc CFA est confié à la BCEAO. Une commission bancaire, présidée par le Gouverneur de la BCEAO, a été créée par une convention du 24 avril 1990. L'accord de coopération entre l'UMOA et la France a été conclu le 4 décembre 1973 , ratifié par la loi n° 74-626 du 2 juillet 1974, et complété par une convention de compte d'opérations ;

- l'Union monétaire d'Afrique centrale ( UMAC ), constituée de six pays 4 ( * ) , dispose d'organes similaires, avec une conférence des chefs d'Etat, un comité monétaire pour les affaires de l'Union monétaire et une commission bancaire, créée par convention en 1992. Le privilège exclusif d'émission du franc CFA est confié à la BEAC. L'accord de coopération avec l'UMAC a été signé le 23 novembre 1972 , ratifié par la loi n° 72-1163 du 23 décembre 1972 et complété par la convention de compte d'opérations du 13 mars 1973 ;

- l'Union des Comores ne constitue pas une union monétaire à proprement parler et dispose donc d'organes différents. L'organe de décision est le ministre des finances de l'Union lui-même. La BCC, créée en 1981, est l'institut d'émission et formule la politique monétaire et du crédit, veille à l'application de la réglementation des changes et assure le contrôle des activités bancaires. L'accord de coopération entre la France et la République fédérale islamique des Comores a été signé le 23 novembre 1979 , et ratifié par la loi n° 81-348 du 15 avril 1981 autorisant l'approbation d'une convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer.

Ces unions monétaires ont été complétées par deux unions économiques : l'Union économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (UEOA), créée le 10 janvier 1994, et l'Union économique de l'Afrique centrale (UEAC), créée le 16 mars 1994. Ces unions élaborent des politiques sectorielles communes et veillent au respect des programmes de convergence économique arrêtés par leurs membres.

Enfin, depuis mars 1965, une réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des Etats de la Zone franc se tient chaque semestre, quelques jours avant les assemblées annuelles et les comités de printemps du FMI et de la Banque mondiale, et est précédée de réunions de hauts fonctionnaires et d'experts de la Zone.

C. LA RÉFORME DE LA COOPÉRATION AVEC L'UMOA

A la suite de l'introduction de l'euro, une réforme de la coopération monétaire dans la zone UMOA a été conclue par un avenant, signé le 20 septembre 2005, à la convention de compte d'opérations du 4 décembre 1973 entre la France et la BCEAO, mais n'a pas abouti s'agissant de la révision des statuts de la BCEAO . Les aménagements techniques ont porté sur les points suivants :

- le taux de centralisation obligatoire des avoirs extérieurs nets de la banque centrale sur le compte d'opération est fixé à 50 %, contre 65 % auparavant ;

- la gestion de la fraction des avoirs que la BCEAO gère en propre peut être effectuée librement, dans le cadre des dispositions de l'avenant et d'une politique d'investissement et de contrôle des risques mise en place par la BCEAO conformément a ses dispositions statutaires ;

- en contrepartie, le solde créditeur du compte d'opérations est assorti d'une rémunération différenciée assise sur les taux de la Banque centrale européenne, selon qu'elle s'applique à la quote-part des avoirs qui doit être conventionnellement centralisée au compte d'opérations, ou au solde excédant cette quote-part ;

- enfin, la garantie de la valeur des avoirs contre une dépréciation de l'euro sera appliquée exclusivement à la quote-part des avoirs obligatoires qui doit être conventionnellement maintenue au compte d'opérations (soit 50 %).

Parallèlement, la France s'est engagée à apporter un financement annuel de 20 millions d'euros au Programme économique régional de l'UEMOA. En zone UMAC , une réflexion a également été engagée en 2006 afin de conduire une réforme comparable des modalités de la coopération monétaire.

IV. L'AVENIR DU FRANC CFA

Confrontés à de graves déséquilibres depuis 1985 et à l'échec des tentatives d'ajustement réel, les chefs d'Etat des pays de la zone franc ont décidé, le 11 janvier 1994, de dévaluer le franc CFA de 50 %. Cet « électrochoc » a dans un premier temps causé un certain émoi au sein des populations, mais ses effets ont été rapidement conformes aux attentes : maîtrise des tensions inflationnistes, retour de la balance commerciale à l'excédent, croissance moyenne des pays concernés de 5 % en 1994-1998, soit deux points de plus que celle de l'ensemble de l'Afrique subsaharienne. Ce redressement a été plus marqué pour les pays de l'UEMOA , qui ont également bénéficié de la remontée des cours des principales matières premières exportées (café, cacao, coton...).

Les effets favorables de la dévaluation se sont cependant estompés et la croissance des pays de la zone franc s'est infléchie pour s'établir à 3,5 % en moyenne sur la période 1999-2006. Le ralentissement a été plus net pour les pays de l'UEMOA et les pays de la CEMAC ont été à la fois confrontés au tarissement de la production pétrolière et à une amélioration de leur solvabilité et de leurs finances publiques grâce à la hausse continue des cours.

Du fait de son ancrage à l'euro, le franc CFA s'est fortement apprécié face au dollar , ce qui pénalise la compétitivité de certaines filières exportatrices de l'UEMOA, déjà affectées par l'atonie des cours des matières premières agricoles exportées. Le taux de croissance de la zone franc ne devrait pas dépasser 5 % en 2007 et demeurerait donc inférieur à celui de l'Afrique subsaharienne pour la troisième année consécutive, comme au taux de 7 % estimé nécessaire par la Banque mondiale pour réduire substantiellement la pauvreté. Les pays de l'UEMOA sont quelque peu marginalisés dans l'essor du commerce mondial et la prépondérance de la rente pétrolière accentue la dépendance de la CEMAC.

Le débat sur la parité du franc CFA peut donc être relancé à tout moment si l'euro continue de s'apprécier face au dollar . Néanmoins un nouvel aménagement des parités, aujourd'hui écarté par les autorités concernées et la Banque de France en particulier, créerait de nouvelles difficultés (inflation, renchérissement de la facture pétrolière, tensions sociales) sans garantir la pérennité d'une amélioration de la compétitivité. Le développement de la zone franc demeure tributaire de réformes structurelles, afin de pallier notamment à l'insuffisance de l'intermédiation bancaire, à un marché financier embryonnaire et un climat des affaires perfectible.

* 1 Qui dispose que « les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des Etats étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs ».

* 2 Mais le Conseil a expressément rappelé que la modification ou la mise en oeuvre de ces accords se ferait sans préjudice de l'objectif essentiel de stabilité des prix de la politique communautaire de change. Cette décision a imposé un accord préalable du Conseil en cas d'admission d'un nouvel Etat membre ou de modification substantielle de la nature des accords, telle que la remise en cause du principe de garantie par l'Etat français de la convertibilité à parité fixe du franc CFA et du franc comorien.

* 3 Le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

* 4 Le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée-Equatoriale et le Tchad.