b) L'utilisation en chirurgie

A quoi sert cette superposition d'une image réelle et d'une image de synthèse ? Elle permet de voir ce que l'œil ou l'optique ne peut saisir. En effet, plusieurs situations peuvent entraver l'observation. Par définition, l'œil ne voit que le visible, ne voit pas la face cachée d'un organe. La caméra endoscopique, quant à elle, filme droit devant elle et l'image reste limitée à l'étroitesse du champ de vision. On ne voit ni à côté, ni derrière. Il n'y a guère de points de repère. Si l'optique, pour une raison ou pour une autre, quitte le champ opératoire, on est très vite perdu car il n'y a pas moyen de se repérer. Enfin, le cas le plus fréquent est celui où l'image de l'organe est occultée (saignement, tumeur...). L'image de synthèse permet de s'affranchir de ces obstacles en donnant une image de quelque chose qui, sans l'image de synthèse, resterait invisible. Sur un strict plan médical, la chirurgie assistée par le virtuel a deux avantages : la précision et la sûreté.

Comme l'explique le professeur Debry lors de son audition, " le chirurgien se trouve dans la situation d'un conducteur automobile qui conduit dans le brouillard, à qui on demande de s'arrêter le plus près possible d'un mur à 50 mètres. Dans un cas (endoscopie), comme il connaît bien sa voiture et la distance, il s'arrête "pile devant", mais il garde une marge de sécurité d'un mètre. Dans l'autre cas (chirurgie assistée par le virtuel), il fait abstraction du brouillard et comme il sait exactement où est le mur, il s'arrête à 5 cm " .

L'image permet également de choisir la stratégie opératoire, d'optimiser le cheminement des outils utilisés par le médecin. Le chirurgien peut, avec l'ingénieur, étudier le trajet idéal pour atteindre une tumeur qu'il visualise désormais avec précision. Dans la plupart des cas, l'utilisation des images de synthèse est couplée avec celle de la robotique. En effet, les progrès en matière d'image ont été accompagnés en parallèle par des progrès dans le domaine de la micro-robotique. La technique est telle qu'une opération entièrement robotisée est parfaitement possible. Pour des raisons humaines (réticences des chirurgiens) et juridiques (problèmes de responsabilité en cas d'incident), la technique est semi-automatisée, le geste du chirurgien est relayé par des micro-machines, à six degrés de liberté permettant de reproduire tous les mouvements. Concrètement, un appareil composé de bras articulés est disposé au dessus du patient. Le chirurgien, placé en retrait, procède à l'opération en utilisant un écran amplifiant sa vision de la zone à opérer. Le praticien manipule à distance les bras télécommandés. L'usage d'un tel système permet une plus grande précision technique.

La chirurgie réalisée par "réalité augmentée" devient très sûre. L'hôpital devient alors le support de technologies avancées dont le résultat est de diminuer le temps d'hospitalisation et la morbidité des patients. Sur le plan économique, l'hôpital "perdra" en journées d'hôpital par patient mais gagnera en nombre de patients. De surcroît, comme l'acte chirurgical devient de plus en plus précis, on peut envisager des opérations combinées de plus en plus délicates.

Les possibilités d'utilisation de la réalité augmentée en chirurgie varient selon les spécialités . La technique peut normalement s'adapter à tout type d'intervention. Aujourd'hui, on travaille surtout sur la "chirurgie osseuse" (ORL et maxillo-faciale, orthopédie, rachis...) 39( * ) , mais les progrès de l'imagerie médicale ont permis également des applications en chirurgie digestive 40( * ) . Dans les deux cas, l'organe à opérer est reconstitué virtuellement ; le chirurgien est assisté à la fois par la micro-robotique et l'ordinateur. A noter que le principe "d'immersion", souvent utiliser pour caractériser l'image virtuelle, est sans importance en matière chirurgicale. On peut très bien se passer du casque de visualisation : il suffit que l'image sur l'écran soit suffisamment précise.

En dépit de quelques expérimentations prototypales, de l'engagement et de la formation d'une partie de la profession, le développement de cette technologie reste, en France, embryonnaire (voir ci-après les obstacles). En revanche, selon le professeur Marescaux, le département de la Défense américain consacrerait chaque année, 100 millions de dollars à ce domaine.

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