b) L'utilisation militaire de l'imagerie informatique

Le combattant du futur. L'utilisation militaire des techniques de réalité virtuelle et d'imagerie de synthèse devrait s'accélérer dans les prochaines années. En sus des outils de simulation classique (pilotage, tir...), plusieurs voies ont été explorées pour le "combattant du futur".

La première vise à accroître l'efficacité opérationnelle du combattant, alors assisté par des systèmes d'une grande sophistication technique, inspirés des techniques utilisées par les pilotes d'avions de chasse, avec détection des ennemis à neutraliser, écrans de visée avec fusion d'images réelles (visibles ou invisibles à l'œil nu - vision par infrarouges...), et d'informations de terrain, reconstituées en images de synthèse. Les techniques existent ou existeront bientôt, mais ne peuvent être appliquées qu'à de très petites unités opérationnelles très spécialisées, ne serait-ce que pour des raisons de coût.

La seconde vise à réduire la vulnérabilité du combattant, notamment par la voie de la télémédecine. La télémédecine consiste dans l'application des techniques d'imagerie et de télécommunications à la délivrance de diagnostics et de soins à distance. Les États-Unis ont engagé des programmes de recherche très importants dans ce domaine 106( * ) et, après quelques démonstrations en Yougoslavie et en Somalie, passent à la phase de développement.

" Le concept de télémédecine opérationnelle et tactique repose sur deux exigences. Tout d'abord, le soldat peut demander une qualité de soins d'un très haut niveau car il est utilisateur d'un matériel de très haut niveau. Il est en droit d'attendre l'équivalent dès lors qu'il s'agit de sa sécurité sanitaire. Ensuite, l'idée d'une guerre "avec zéro mort" ....... " 107( * ) Sans aller jusque là, les objectifs assignés par les autorités américaines aux programmes de télémédecine sont ambitieux, puisqu'il s'agit de réduire de 10 % le nombre de tués sur le champ de bataille, de 25 % le nombre des victimes et de 33 % les besoins en personnels pour l'évacuation.

Deux applications sont étudiées. Il s'agit tout d'abord d'un système de surveillance continue où les combattants, dotés d'un système de capteurs (électrodes collées au corps, casques avec prises d'informations...), transmettent les images aux unités soignantes qui peuvent ainsi localiser le blessé, déterminer la nature de la blessure et, même, faire des radiographies à distance. L'autre solution est un système plus léger de capteurs incorporés aux tenues de combat et actionnés de l'extérieur par le personnel médical. Le système n'a pas pour but de suivre tous les cas individuellement, en temps réel, mais d'éviter les manipulations de blessés. Cette dernière solution qui aurait la préférence française, part du constat que la mobilité est le premier facteur de protection, et que tout système qui entrave la liberté de mouvements du combattant est peu adapté. Encore convient-il de noter que les efforts financiers consacrés à la recherche dans ce domaine en France sont cent fois inférieurs à ce qu'ils sont aux États-Unis.

L'utilisation en réseau. Les techniques de simulation devraient connaître un saut qualitatif important avec les possibilités de formation en réseau. Jusqu'à présent, en effet, le simulateur met face à face une personne et un écran. La personne commande l'image et réagit à l'image. La mise en réseau permettrait de former plusieurs personnes en même temps, l'image reçue par l'une étant modifiée, non seulement par sa propre commande, mais aussi par celle d'une autre, supposé allié ou supposé ennemi.

Le simulateur de défense antiaérienne Mistral a, d'ores et déjà, été conçu pour être mis en réseau, ce qui permettrait de relier plusieurs postes de tir, voire de combiner un simulateur de tir au sol et un simulateur d'attaque (simulateur d'avion). Mais l'exemple le plus significatif est certainement celui de manœuvres militaires virtuelles.

Encadré n° 23

LES MANOEUVRES MILITAIRES VIRTUELLES

Les simulateurs de formation à usage militaire apprennent surtout à maîtriser la conduite ou le pilotage d'un appareil, mais leur rôle s'arrête là. Or, l'efficacité d'une armée ne dépend pas seulement de la qualité technique individuelle de ses professionnels, mais de sa capacité à mener des opérations, c'est-à-dire coordonner les actions. " Ce sont les armées qui gagnent les guerres, pas les héros solitaires. Dans la vraie guerre, les Rambos meurent vite... ". De là est venue l'idée d'utiliser les simulateurs comme instrument d'apprentissage au combat en formation. C'est ainsi que l'armée américaine développe depuis le milieu des années 80 des simulateurs de combat tactique, appliqués notamment aux combats aériens et aux combats de chars, à l'échelon d'un peloton (4 chars).

Le simulateur se compose de deux parties distinctes. Une partie mécanique qui, à l'extérieur "ressemble à une cabine de jacuzzi", mais qui reconstitue parfaitement l'intérieur d'un char Abrams M1 de 70 tonnes, avec poste de commandement, poste de tir, munitions, manettes de contrôle... Les instruments inutiles à la formation tactique sont seulement peints. L'ouverture vers l'extérieur se fait au travers de petits blocs de vision. C'est là qu'est la différence par rapport au char réel car la fenêtre donne non pas sur l'extérieur, mais sur un écran.

L'autre partie du simulateur est constituée par un calculateur d'images, commandé simultanément par tous les participants des différentes cabines, et par l'instructeur qui peut lui aussi intervenir sur l'image, en commandant par exemple la réaction des blindés ennemis.

Même en l'absence de vérins hydrauliques pour simuler les mouvements, la reconstitution de "l'ambiance" de la manœuvre est parfaite, car, outre le bruit du moteur, les liaisons radio, l'écho radar sur l'écran de contrôle, les frayeurs sont bien réelles. L'équipage de chaque cabine voit défiler les images sur le bloc vision, peut commander les appuis d'artillerie. Lorsque le char est "touché", l'écran devient noir. C'est la mort virtuelle. Comme l'explique un participant : " Les simulateurs ne sont pas des jouets. Même si, bien sûr, il y a une part de jeu ( They are fun in some sense ). Vous pouvez avancer, reculer, armer, tirer. Vous pouvez aussi paniquer, perdre les pédales devant vos camarades, être tué "virtuellement parlant". Votre carrière -réelle- peut parfaitement être affectée par ce que vous faites sur simulateur. " D'ailleurs, au débriefing qui suit l'exercice, personne ne parle de réalité virtuelle, mais bien de combat. Un combat dans un cyberespace militaire.

La manœuvre est aujourd'hui possible à l'échelon du peloton (4 chars) et peut-être de l'escadron (12 chars). L'objectif est de parvenir à relier 1000 simulateurs, jusqu'à réaliser des manœuvres interarmées...

Les propos en italique sont issus d'un article de Bruce Sterling, Wired Magazine , 1993.

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