Un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétique de dissolution

Le CEA a mis au point des modèles mathématiques du comportement des matrices de verres en situation de dissolution. On représente la matrice saine, la zone de surface attaquée par la corrosion, la barrière de diffusion, ainsi que le site environnant. La conclusion de ces études rejoint l'appréciation intuitive que l'on peut avoir. D'une part, l'altération de la matrice dépend fortement de son environnement. D'autre part, l'interposition d'une barrière ralentit fortement voire stoppe le phénomène.

Sous réserve de vérifications expérimentales, ces modèles montrent que la durabilité d'une matrice de verre en contact direct avec une eau basique et réductrice est de 100 000 ans. La présence de la barrière ouvragée argileuse - le contenu de l'enveloppe de béton selon le schéma simplifié ci-dessus - permet de multiplier la durabilité par 100 et d'atteindre 10 millions d'années. Avec la barrière supplémentaire que constituent les couches profondes jusqu'à la surface, et que l'on peut considérer comme infinie, une durabilité de 10 11 années est probable, garantissant, sauf événement accidentel ou géologique, le piégeage sur la durée requise.

L'immobilisation naturelle de radioéléments sur des millions d'années

Le 7 juillet 1972, des chercheurs du CEA Cadarache découvrent une anomalie dans le minerai d'uranium provenant d'Oklo au Gabon. Sa teneur en uranium 235 est très inférieure, alors que le ratio uranium 235 / uranium 238 est toujours le même, aux alentours de 0,7 %. Un mois plus tard, le CEA confirme que cette anomalie dans la concentration isotopique résulte de l'existence d'une réaction nucléaire naturelle. De fait, 16 réacteurs nucléaires sont découverts au Gabon, entre Oklo et Bangombé dans le plus vieux bassin sédimentaire du monde, datant de 2 milliards d'années. Aujourd'hui, les 15 réacteurs naturels d'Oklo ont disparu ou sont en cours d'exploitation. Les teneurs en uranium y étaient exceptionnelles - de 60 à 85 % d'uranium. Reste celui de Bangombé.

Bangombé raconte l'histoire d'un stockage de déchets radioactifs, réussi à 12 mètres sous terre, pendant 2 milliards d'années. Cette pile atomique naturelle a fonctionné pendant 500 ans, il y a 2 milliards d'années, puis s'est éteinte. Les produits de fission radioactifs sont restés piégés quasiment sur place. L'étude du terrain permet de suivre leur évolution, leur migration dans la roche et leurs mutations. Exemples inespérés donnés par la nature, les réacteurs d'Oklo et de Bangombé démontrent qu'il existe des méthodes d'immobilisation des actinides et des produits de fission. D'où l'idée de repliquer la nature.

En réalité, l'on trouve à l'état naturel de nombreuses roches qui conservent à l'état de trace de l'uranium ou du thorium. Les matrices cristallines correspondantes (silicates de zirconiums, monazites, apatites) sont des structures stables aptes à immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à des milliards d'années.

Ainsi qu'on l'a vu plus haut à propos du plutonium, des chercheurs français de l'IN2P3 104( * ) ont réussi à synthétiser un phosphate de thorium de formule Th 4 (PO 4 ) 4 P 2 O 7 et à remplacer une partie des ions thorium de ce phosphate par des ions uranium ou plutonium, sans que la structure cristalline du phosphate de thorium change.

Cette voie de recherche dont l'intérêt est confirmé par des équipes australiennes et canadiennes, devrait déboucher sur la possibilité d'immobiliser les radioéléments à haute activité et à vie longue.