Avec les céramiques, peut-être l'immobilisation des actinides mineurs et des produits de fission sur 2 milliards d'années, sauf accident naturel ou provoqué par l'Homme

Les nouveaux matériaux regroupés sous le nom générique de céramiques regroupent en fait différentes matrices comme les apatites, déjà présentées plus haut comme intéressantes pour l'immobilisation du plutonium. Leur intérêt est aussi grand pour l'immobilisation des actinides mineurs et des produits de fission à vie longue que pour celle du plutonium. La céramique à base de phosphate de thorium mise au point par l'IN2P3 permettrait d'incorporer jusqu'à 40 % de plutonium, 53 % de neptunium ou 75 % d'uranium sans que sa structure cristalline se modifie.

En réalité, il s'agit de vitro-céramiques préparées par fusion des matières de départ, fusion suivie d'un refroidissement qui conduit à la formation d'une solution solide. Ces (vitro-)céramiques sont beaucoup plus résistantes à la corrosion que des simples céramiques fabriquées par frittage. Dans ce dernier cas, on obtient en effet un réseau polycristallin constitué de cristaux d'une taille de 100 u avec des joints de grain qui fragilisent la structure.

Compte tenu de l'importance du sujet, il apparaît souhaitable à vos Rapporteurs de voir ces techniques explorées résolument.

La nécessité de construire au moins deux laboratoires souterrains profonds

Les thèmes de recherche qui nécessitent des expériences en laboratoire souterrain sont nombreux. Parmi ceux-ci, on peut citer la durabilité des conditionnements et des barrières dans les milieux géologiques profonds, la migration des radioéléments, les procédés de manutention, de dépôt et de reprise des colis, etc. Tout cela rend nécessaire la construction des deux laboratoires - au moins - prévus par la loi du 30 décembre 1991. Au terme d'un long parcours, le dossier déposé par l'Andra est complet et dispose des avis favorables nécessaires. Le temps de la décision est venu.

En janvier 1994 s'achève le processus de concertation entre les élus, la population et l'Andra, l'opérateur clé dans le domaine des laboratoires souterrains. Ce processus original a été animé par votre Rapporteur. Sur la base de ses recommandations, le Gouvernement choisit 4 zones favorables, dans le Gard, la Haute-Marne, la Meuse et la Vienne. Les travaux de reconnaissance géologique subséquents menés par l'Andra, conduisent au choix de 3 sites : un site argileux à Bure aux confins de la Haute-Marne et de la Meuse, un autre site argileux à Marcoule près de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, et le troisième site, cette fois granitique, de la Chapelle-Bâton dans la Vienne.

Le 15 mai 1996, le Gouvernement autorise l'Andra à déposer 3 Dossiers d'Autorisation d'Implantation et d'Exploitation de laboratoire souterrain (DAIE), ce qui est fait au cours du 2 ème semestre de l'année 1996. La DSIN envoie alors les dossiers aux préfectures concernées en vue du déclenchement de l'enquête publique prévue par le décret d'application de la loi de 1991. La DSIN fait aussi parvenir pour consultation les dossiers aux conseils municipaux, généraux et régionaux concernés.

Les enquêtes publiques se concluent toutes les trois par des avis positifs en 1997. Les préfets donnent également un avis positif. La très grande majorité des collectivités concernées manifestent également leur accord aux projets 105( * ) .

Simultanément, à ces procédures locales, la DSIN transmet les demandes de l'Andra au groupe permanent d'experts, qui examine les dossiers les 10 et 24 mars, et le 2 avril 1997. L'analyse poussée à laquelle se livrent ces instances de conseil de la DSIN, sorte de " parlement de la sûreté nucléaire " porte sur 3 points : d'une part, le degré de connaissance et de compréhension des sites au regard des règles fondamentales de sûreté afférentes, d'autre part la cohérence d'ensemble du programme de recherche et la stratégie de démonstration de sûreté globale du stockage et enfin la méthodologie du programme de recherche.

Le groupe permanent compétent sur l'aval du cycle donne un avis favorable pour les trois sites. Rappelons que M. Claude Birraux, député de Haute-Savoie, a assisté en 1991 aux réunions d'un autre groupe permanent, celui-là chargé des réacteurs, et qu'il en a apprécié le sérieux 106( * ) .

S'agissant du site de La Chapelle-Bâton, le groupe permanent note les caractéristiques positive du site en ce qui concerne les critères importants de la Règle Fondamentale de Sûreté (RFS III 2 f). Il note qu'il existe selon toute vraisemblance sur le site, des blocs de granite de faible perméabilité et de dimensions hectométriques suffisantes pour y aménager un laboratoire d'étude. Il relève aussi la présence d'aquifères exploités entre la surface et la couche de granite visée, qui peuvent apporter des perturbations hydrauliques dans le granite et convient que la difficulté de caractérisation des fracturations conductrices est en réalité une difficulté commune à tous les milieux granitiques. Ce faisant, le groupe permanent donne un avis positif à l'installation d'un laboratoire souterrain à la Chapelle-Bâton.

Le rapport conclusif de la DSIN remis au Gouvernement le 1 er décembre 1997 indique que les 3 projets de laboratoire souterrain ne présentent aucune caractéristique rédhibitoire et conclut à la qualification des formations géologiques spécifiques locales. La DSIN établit un ordre de priorité technique, en classant n°1 le site de Bure, n°2 le site du Gard et n°3 le site de la Chapelle-Bâton. A propos de ce 3 ème site, la DSIN précise " qu'un laboratoire n'aurait que peu de chances de déboucher sur un stockage, compte tenu des réserves techniques émises " .

Vos Rapporteurs estiment que le site de la Vienne ne doit pas être écarté pour deux raisons essentielles.

La première est que les laboratoires sont considérés comme des instruments d'étude par la loi de 1991. Certains veulent voir ces laboratoires comme des outils de qualification d'un stockage géologique répondant à l'impératif de la loi de 1991 à l'échéance de 2006. Au contraire, l'esprit de la loi veut qu'il s'agisse d'abord d'un instrument de recherche. Or le site de la Vienne correspondant au granite apporte une diversité de milieu géologique face à l'argile des deux autres sites. Il offre donc une option supplémentaire.

Par ailleurs, la majorité des laboratoires en profondeur - 4 sur 7 - construits par d'autres pays se trouvent en milieu granitique. Les comparaisons internationales notamment avec les pays étudiant le stockage direct des combustibles usés seraient possibles et viendraient enrichir la connaissance du sujet.