Rapport d'information n° 78 (2001-2002) de M. Joël BOURDIN , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 20 novembre 2001

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N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du sénat pour la planification (1) sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme (2001-2006),

Par M. Joël BOURDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; Mme Évelyne Didier, MM. Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Pierre Plancade, vice-présidents ; MM. Pierre André, Yvon Collin, secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Joseph Kerguéris, Patrick Lassourd, Michel Pelchat, Daniel Percheron, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Bruno Sido .

Projections économiques. Croissance - Emploi - Prix - Finances publiques.

PRÉSENTATION

À PROPOS DE LA PROJECTION MACROÉCONOMIQUE EXPOSÉE DANS LE PRÉSENT RAPPORT

Considérant qu'une assemblée parlementaire ne saurait négliger les moyens modernes d'analyse et de prévision -par ailleurs largement utilisés par le Gouvernement- le Sénat a souhaité, dès le début des années 1980, compléter son information par l'utilisation de modèles macroéconomiques.

Pour ce faire, il a confié à son Service des Etudes la tâche de commander des projections réalisées à partir de modèles à des organismes publics - Direction de la Prévision et Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) - dans un premier temps ; puis, prenant acte des difficultés croissantes de collaboration avec ceux-ci, à des instituts « indépendants » tels que le Centre d'Observation Economique (COE) de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris, ou à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Le choix de passer commande à un organisme extérieur, de préférence à l'utilisation et l'exploitation directes d'un modèle par le Sénat, obéit à la fois à des considérations de bonne gestion des deniers publics et au souci de garantir l' indépendance scientifique de ces travaux.

Depuis qu'elle a été créée par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, il est revenu à la Délégation pour la Planification, eu égard à sa vocation prospective, de présenter la synthèse de ces travaux de projection et de simulation et de les soumettre chaque année au Sénat, au moment de la discussion budgétaire.

Il convient de souligner que, ce faisant, le Sénat a contribué de manière remarquée à l'animation du débat public en macroéconomie.

Certes, l'utilisation de modèles macroéconomiques ne fournit qu'un éclairage parcellaire des discussions de politique économique auxquelles donne lieu le vote d'une loi de finances. De même, l'instabilité croissante des comportements économiques, accentuée par la globalisation financière, altère profondément la probabilité de réalisation des scénarios décrits par des projections macroéconomiques.

Ainsi la Délégation pour la Planification ne prétend-elle pas, en présentant ces travaux, fournir une prévision et, encore moins, une évolution probable de l'économie française.

Une projection ne constitue souvent qu'une prolongation du passé et, de ce fait, qu'une extrapolation des tendances en cours.

Mais c'est précisément dans l'analyse de ces tendances que réside l'intérêt d'une projection, car elle permet ainsi de mettre en lumière les questions et les choix de politique économique. Par exemple, deux questions fondamentales se posent, aujourd'hui, à l'économie française : le redressement de la demande interne est-il solide et traduit-il une réelle inflexion de la tendance à l'oeuvre au cours de la première moitié des années 1990, marquée par l'atonie de la demande interne ? Les conditions de l' offre permettent-elles de répondre sans tensions à un redressement durable de la demande ? Ces questions sont notamment évoquées dans le deuxième chapitre et l' annexe , qui présentent les perspectives macroéconomiques à moyen terme pour l'économie française.

Par ailleurs, une projection décrit un scénario dont la cohérence globale est garantie. Par exemple, l'évolution de l'emploi et du chômage affichée en projection, ou encore celle des comptes publics, est cohérente avec le rythme de la croissance. Cela permet ainsi d'apporter des éléments de réponse à des questions qui sont fréquemment posées aujourd'hui : l'accélération en cours de l'activité, si elle est durable, garantit-elle le retour au « plein-emploi » ? Ou encore, permet-elle de relâcher les contraintes budgétaires et de dégager des « marges de manoeuvre budgétaires » ? (cf. chapitre III ).

Enfin, l'utilisation des modèles en « variante » permet d'apprécier les effets de scénarios alternatifs et de mesurer l'impact de chocs économiques.

En favorisant ainsi la diffusion de travaux, dont le degré de technicité ne facilite guère l'utilisation, votre Délégation souhaite contribuer à la compréhension des mécanismes économiques et mettre en lumière les enjeux de politique économique pour le moyen terme.

Votre rapporteur tient ici à remercier les équipes de l'OFCE pour la qualité de leurs travaux et leur apport décisif au débat public sur les questions économiques où le Parlement, c'est un impératif catégorique de la démocratie, doit jouer tout son rôle .

CHAPITRE I

L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL :

UNE EUROPE DÉPENDANTE

L'environnement international, à partir duquel est construite l'exploration des perspectives de l'économie française au cours de la période 2001-2006, se « normalise ». Par convention, les partenaires de la France rejoignent courant 2002 une trajectoire en ligne avec leur croissance potentielle.

Il s'agit là d'une hypothèse dont les incertitudes sont grandes, compte tenu de la situation économique du moment.

Celle-ci conduit surtout à souligner un phénomène qu'un discours assez convenu a eu tendance à oublier, malgré des données sans ambiguïtés : la forte dépendance de l'Europe à l'égard de l'économie américaine.

I. UNE HYPOTHÈSE À VÉRIFIER : LA REPRISE DÈS 2002 ?

Sans être aussi favorable que celui du gouvernement 1 ( * ) , le présent scénario est bâti à partir d'un processus de reprise économique intervenant en 2002, décrit par l'OFCE dans ses dernières prévisions de court terme.

Il s'agit d'un rythme de croissance qui, pour être sensiblement inférieur à ce qu'il était dans les prévisions antérieures, n'en est pas moins soutenu au regard de multiples indicateurs. Il est, d'ailleurs, supérieur à d'autres prévisions.

En effet, même avant le déclenchement de la crise géopolitique en cours, le rythme de croissance de l'économie française s'est nettement ralenti (le PIB n'augmentait plus au deuxième trimestre 2001 qu'à un rythme annualisé de 1,5 %) : une croissance en 2002 de 2,2 % suppose donc une franche accélération.

Après avoir fait un bref retour sur la situation économique actuelle, l'on présentera les principales conditions que suppose une telle perspective.

A. RETOUR SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE DU MOMENT

Dès la fin 2000, s'est enclenchée une série d'événements défavorables pour la croissance mondiale : aux Etats-Unis, un retournement du cycle économique ; en Europe, le serrement de freins, tandis que les économies émergentes et le Japon étaient aux prises avec des difficultés structurelles.

A ces développements problématiques, se sont ajoutées les incertitudes liées à la crise géopolitique en cours depuis septembre.

1. Un ralentissement de toutes les zones de l'économie mondiale

Alors que, depuis 1998, l'Europe semblait enfin prête à embrayer sur un rythme de croissance durablement dynamique que connaissaient depuis 1992, avec une ampleur incomparable, les Etats-Unis, un retournement des perspectives s'est produit. Dès 2000, la croissance américaine s'est modérée et l'Europe a connu en 2001 une tendance analogue. Au Japon, la reprise esquissée en 1999 et poursuivie en 2000 (+ 1,5 % de croissance) s'est arrêtée et a cédé la place à un recul de l'activité au deuxième trimestre 2001 (- 0,8 %). Le monde émergent est, lui, en phase de décélération et se trouve confronté à des risques financiers qui s'accroissent.

On assiste à une accumulation des interdépendances négatives, sans précédent depuis le début des années 90, période de la dernière récession mondiale.

Pourtant, les analyses conjoncturelles ne retenaient pas une telle issue. L'accent était plutôt mis sur le caractère transitoire du ralentissement, au moins pour les Etats-Unis et l'Europe ce qui était plutôt une bonne nouvelle pour ces zones, mais aussi pour le reste du monde.

Pour les Etats-Unis, leur ralentissement était expliqué par la fatalité d'une suspension de la phase haussière d'un cycle d'expansion, particulièrement vif et long. Un rebond était attendu, une fois les surcapacités éliminées.

Pour l'Europe, deux facteurs essentiellement passagers étaient avancés : l'effet du ralentissement américain et la flambée des cours des matières premières.

2. Des incertitudes renforcées après le 11 septembre

Dans ce climat globalement maussade, la crise géopolitique en cours ajoute ses propres incertitudes.

a) Un frein pour la consommation des ménages ?

Avant le 11 septembre, l'ampleur du retournement cyclique devait être contenue, aux yeux des analystes, par le maintien d'une consommation des ménages dynamique. Si la contraction de l'investissement devait peser un temps sur la croissance, les gains de pouvoir d'achat des ménages et un environnement monétaire assoupli devaient soutenir la consommation des ménages en Europe et aux Etats-Unis, qui, ainsi, était appelée à servir de force de rappel.

Les événements du 11 septembre jettent une ombre sur ces perspectives. L'assombrissement de la situation a fait l'objet de tentatives d'évaluation.

Ainsi, dans le rapport économique, social et financier, joint au projet de loi de finances pour 2002, l'impact d'une dégradation de la confiance des ménages américains, se traduisant par une remontée de leur taux d'épargne, est estimé à 0,7 point de PIB pour les Etats-Unis. Cet impact se transmettrait à l'Europe avec un effet sur le PIB de 0,35 point. En ajoutant une détérioration propre de 10 points de la confiance des ménages européens, l'impact des événements ferait perdre à l'Union européenne 0,5 point de PIB en 2002.

Il n'est pas douteux, s'agissant de la confiance des ménages, que, s'il est hasardeux d'en prévoir l'évolution (il est cependant manifeste qu'elle s'est considérablement dégradée depuis le 11 septembre), il existe un lien robuste entre elle et la demande intérieure. Dans ce contexte, on rappellera, par exemple, que l'indicateur de confiance des ménages américains du Conference Board a décliné de plus de 16 points, soit le recul le plus important depuis octobre 1990. Or, à cette époque, une hausse sensible du taux d'épargne des ménages américains s'était produite (+ 0,5 point), alors même que le niveau de cette épargne était, de beaucoup, plus élevé qu'aujourd'hui. Ainsi, selon certaines estimations, la hausse prochaine du taux d'épargne des ménages américains pourrait être plus importante et atteindre 2,6 points à l'horizon du premier trimestre 2002 2 ( * ) . La demande intérieure aux Etats-Unis en pâtirait, la consommation des ménages décélérant et les sur-capacités productives en ressortant réévaluées. L'ampleur du retournement cyclique en sortirait nettement accusée et sa durée serait sensiblement allongée.

b) L'impact sur les flux financiers internationaux

La crise géopolitique en cours a pour effet d'élever le niveau des incertitudes. En termes économiques, cela se traduit par une réévaluation des risques et ne peut être sans effet sur les conditions financières.

Dans un tel climat, sans réaction de politique économique, les tendances des marchés sont a priori d'exiger une prime de risque plus importante et de se réorienter vers les placements les plus sûrs.

Deux conséquences économiques en résultent. Comme certains projets d'investissement sont évincés, le niveau global de la demande est affecté. En outre, certaines économies risquent de ne pas supporter la hausse des exigences des prêteurs internationaux.

Ces enchaînements potentiels, il faut le souligner, aggraveraient certaines des tendances à l'oeuvre avant le 11 septembre.

Aux Etats-Unis, ils augmenteraient la part des capacités de production à résorber tout en accentuant les difficultés de financement que subissent les entreprises. Dans le monde émergent, il y aurait beaucoup à redouter de cette fuite des capitaux vers la qualité (« flight to quality »), dont la crise asiatique a montré les effets déstabilisants, il y a peu.

c) Des révisions drastiques de perspectives

La montée des incertitudes a d'ores et déjà conduit plusieurs organismes à des révisions importantes de leurs prévisions, comme le montrent les deux prévisions suivantes présentées, la première, par REXECODE, et, la seconde, par le Fonds monétaire international (FMI).

Perspectives économiques 2001-2002 de REXECODE

Variations en %

2001

2002

Croissance du volume du PIB

Monde

2,3

2,0

Ensemble de la zone OCDE

1,0

0,6

dont : Etats-Unis

1,1

- 0,2

Japon

- 0,5

- 0,5

Union européenne

1,8

1,7

dont : Allemagne

0,9

1,6

France

2,0

1,5

Royaume-Uni

1,9

1,5

Italie

2,0

1,4

Espagne

2,8

2,2

Pays hors OCDE

4,2

4,0

Source : Revue de REXECODE n° 73. 4 ème trimestre 2001.

Actualisation des prévisions du Fonds monétaire international
après les événements du 11 septembre

(en pourcentage)

Dernières prévisions

Révisions par rapport aux prévisions d'octobre 2001

Prévisions d'octobre 2001

2001

2002

2001

2002

2001

2002

Croissance mondiale

2,4

2,4

- 0,2

- 1,1

2,6

3,5

Etats-Unis

1,1

0,7

- 0,3

- 1,5

1,3

2,2

Union européenne

1,7

1,4

- 0,1

- 0,8

1,8

2,2

Japon

- 0,9

- 1,3

- 0,4

- 1,5

- 0,5

0,2

Pays en développement

4,0

4,4

- 0,4

- 0,9

4,3

5,3

Afrique

3,5

3,6

- 0,3

- 0,8

3,8

4,4

Moyen-Orient

1,7

4,0

- 0,6

- 0,7

2,3

4,8

Pays en développement de l'Ouest

1,1

1,7

- 0,6

- 1,9

1,7

3,6

Asie

5,6

5,6

- 0,2

- 0,5

5,8

6,2

Pays émergents d'Asie 1)

1,2

2,3

- 0,5

- 1,9

1,7

H

1.Hong-Kong SAR, Indonésie, Corée, Malaisie, Philippines, Singapour, Taiwan et Thaïlande.

Source : FMI.

Dans ces conditions, votre rapporteur souligne que, le point de départ de la projection ici présentée pouvant se révéler optimiste, cette circonstance, si elle se vérifiait, modifierait l'ensemble de ses résultats.

B. LES CONDITIONS D'UNE REPRISE EN 2002

Outre la condition, évidemment non-modélisable, d'un retour à une stabilité géopolitique, la reprise sous-jacente à la projection dont on présente les résultats, est suspendue à des enchaînements économiques particuliers.

Deux d'entre eux semblent présenter une particulière importance.

Dans le contexte actuel, il apparaît d'abord que l'efficacité des politiques publiques de soutien économique devient centrale.

Mais, à supposer celle-ci acquise, il faut encore parier sur le sentier de croissance que retrouverait l'économie mondiale.

1. Quelle efficacité pour les politiques économiques d'ajustement conjoncturel ?

Dans un environnement caractérisé par la désorientation des anticipations des agents économiques, l'attention se porte sur le concours des politiques économiques à la stabilisation conjoncturelle.

De fait, les initiatives en ce domaine n'ont pas manqué, suscitant des débats qu'il importe de présenter.

Aux Etats-Unis, la politique monétaire a été considérablement assouplie : des liquidités ont été injectées et les taux directeurs baissés en plusieurs étapes de 150 points de base jusqu'à un niveau historique de 2 %. La réaction de la Banque centrale européenne (BCE), plus mesurée, situe les taux directeurs à 3,25 % en Europe.

L'efficacité de ces mesures, prévues pour alléger les contraintes de financement des agents économiques, est discutée. Aux Etats-Unis, la baisse du coût du crédit pourrait n'avoir qu'un faible impact direct sur la demande dans un contexte marqué par une restriction des crédits bancaires ( Credit crunch ). En revanche, elle pourrait permettre de limiter la baisse des prix des actifs financiers et immobiliers, évitant une perte de richesse des agents, d'autant plus redoutable que ceux-ci sont très endettés. La soutenabilité de moyen terme de cette politique est toutefois préoccupante, les taux de court terme réels étant désormais négatifs.

Quant à la politique budgétaire , si elle ne peut guère faire mieux en Europe que d'améliorer les anticipations des agents, les marges de manoeuvre étant faibles, il n'est pas certain que son efficacité soit, aux Etats-Unis, à la hauteur des considérables transferts de revenus consentis par les administrations publiques aux agents privés. Hors effets conjoncturels, près de 1,6 point de PIB aura été transféré au cours de l'année : aux 70 milliards d'allégements fiscaux correspondant aux engagements de campagne du nouveau Président, s'ajoutant 60 milliards supplémentaires depuis le 11 septembre. La proportion de ces transferts consacrés à des dépenses publiques supplémentaires, dont l'effet peut être immédiat, est faible, l'essentiel passant par des réductions d'impôt dont l'impact conjoncturel est moins maîtrisable.

Dans ce contexte, la crainte est que les agents n'utilisent ces allégements fiscaux pour se désendetter, privant ces mesures d'impact sur la croissance à court terme.

2. Quel sentier de croissance après le choc ?

Le diagnostic conjoncturel sur le ralentissement de la croissance intervenu au début de l'année oppose deux visions : celle d'un ralentissement transitoire suivi d'un retour rapide à un dynamisme économique soutenu ; celle d'un choc accusé suivi d'une reprise plus tardive et d'un retour à des taux de croissance moins élevés qu'avant le retournement du cycle.

Dans ce débat, la situation de l'économie américaine est emblématique et illustre quelques enjeux essentiels.

Il importe en particulier de vérifier si la croissance potentielle a bien été élevée par l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). A supposer que ce diagnostic soit erroné, la reprise pourrait certes se profiler, mais avec beaucoup de retard et sans déboucher sur des rythmes de croissance semblables à ceux observés dans le passé récent.

En effet, il est alors à redouter que le taux d'emploi américain n'apparaisse insoutenable, déclenchant soit un surcroît d'inflation sur lequel viendrait buter la croissance américaine avec des effets à en redouter en Europe et en France, soit un retour à un chômage d'équilibre plus élevé avec toutes les conséquences défavorables d'un tel phénomène sur la demande intérieure américaine et, partant, pour l'Europe et la France.

Dans ce scénario plus sombre, le ralentissement enclenché en début d'année ne serait pas celui d'une simple correction transitoire d'investissements provisoirement sur-capacitaires. Il représenterait l'annonce d'un retour à un régime de croissance plus soutenable, mettant fin à une période d'exubérance relative. Sont invoqués à l'appui de cette vision :

• à titre principal, les incertitudes sur l'augmentation du taux de croissance potentielle par les NTIC ;

• mais aussi, le caractère seulement transitoire des facteurs de dynamisme économique qu'ont représentés le relâchement des politiques monétaires excessivement accommodantes, et la chute du prix du pétrole entre le début de 1998 et l'été 1999.

C'est afin de tenir compte de cette incertitude qu'on a retenu en projection une hypothèse de croissance potentielle aux Etats-Unis (+ 3,5 %) qui, si elle est fondée sur une accélération des gains de productivité aux Etats-Unis par rapport à leur tendance de très long terme, ne retient pas d'élévation du rythme de ces gains au-delà du niveau atteint en moyenne entre 1995 et 1999 (+ 2,5 %).

II. UNE EUROPE QUI EST RESTÉE DÉPENDANTE

Le ralentissement économique en cours conduit à un constat quelque peu « désenchantant », celui de la dépendance persistante de l'Europe à l'égard de l'économie américaine.

L'adoption d'une monnaie unique en Europe, qui fut un événement considérable des années 90, a occulté une réalité de cette période non moins essentielle : le creusement de l'écart de développement économique entre l'Europe et les Etats-Unis et, corrélativement, le rôle moteur de l'économie américaine dans le monde.

En dépit du renforcement des protections des économies européennes, consécutif à l'adoption de l'euro, il apparaît aujourd'hui qu'il était fort hasardeux d'imaginer une « Europe-forteresse » dans un monde de plus en plus interdépendant, une Europe à l'abri des aléas rencontrés par une économie américaine en situation de suprématie.

Il importe évidemment, après avoir pris conscience de cette réalité, de mesurer les chances d'en renverser le cours.

A. MALGRÉ LA MARCHE VERS L'EURO, LE MAINTIEN DE LA DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE DE L'EUROPE

Les années 90 ont été marquées par ce que votre rapporteur considère comme un événement aussi majeur que bénéfique, l'adoption en Europe d'une monnaie unique. Mais, force est de constater que cet événement historique s'est déroulé dans un contexte de creusement de l'écart de développement économique entre l'Europe et les Etats-Unis. Votre rapporteur ne peut, dès lors, que constater le maintien d'une forte dépendance de l'Europe à l'égard de l'économie américaine.

1. Les années 90, l'euro en Europe, la croissance aux Etats-Unis

Le processus d'adoption d'une monnaie unique en Europe a, incontestablement, renforcé la stabilité des économies européennes. Il n'a toutefois pas empêché le creusement entre le niveau de développement des Etats-Unis et celui de l'Europe.

a) L'adoption de l'euro a renforcé la stabilité des économies européennes

Sans revenir sur la totalité des avantages escomptés de l'adoption de l'euro, votre rapporteur souhaite mettre en évidence la stabilité renforcée qui s'en est suivie pour l'Europe.

A cet égard, la considération de l'impact sur la croissance européenne de deux crises financières majeures intervenues au cours des années 90, l'une avant la perspective de l'euro - la crise née de la guerre du Golfe -, l'autre contemporaine de cette perspective - la crise asiatique - est sans ambiguïté.

Croissance dans la zone euro et en France
au cours des années 90

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Zone euro

1,4

-0,8

2,3

2,2

1,4

2,3

2,8

2,6

3,4

France

1,3

-0,9

1,8

1,9

1

1,9

3,3

3,2

3,2

Si, au début des années 90, la zone euro n'avait pu échapper à la récession, la crise asiatique n'a fait que ralentir son rythme de croissance.

On soulignera que la France semble avoir particulièrement bénéficié du processus d'adoption de la monnaie unique.

Votre rapporteur est bien conscient que des différences d'une autre nature que celle tenant au processus d'adoption de l'euro peuvent expliquer ces résultats. Il n'en reste pas moins convaincu qu'en évitant le déclenchement des processus d'ajustements monétaires internes à l'Europe, l'adoption de la monnaie unique a permis d'éviter le fardeau de la lutte contre les effets asymétriques des crises de change, qui caractérisaient le fonctionnement du système monétaire européen.

En bref, l'euro (apprécié à partir de ses composantes) s'est sans doute replié, mais sans tensions sur les taux d'intérêt.

b) Les années 90 ont vu le creusement de l'écart de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis

Les Etats-Unis connaissent une croissance soutenue depuis 1992, au terme de laquelle le PIB américain a progressé en moyenne au cours de la période 1992-2000 de 3,8 % en volume par an.

Par comparaison, la croissance a été nettement moins dynamique en Europe.

Comparaison entre la croissance aux Etats-Unis,
dans la zone euro et en France

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Etats-Unis

3,1

2,7

4

2,7

3,6

4,4

4,4

4,2

5

Zone euro

1,4

-0,8

2,3

2,2

1,4

2,3

2,8

2,6

3,4

France

1,3

-0,9

1,8

1,9

1

1,9

3,3

3,2

3,2

S'en est suivi un creusement de l'écart de développement entre les Etats-Unis et la zone euro.

Soit une base 100, en 1992, le PIB américain s'élève 8 ans plus tard à 140 et celui de la zone euro aux alentours de 120. La richesse des Etats-Unis s'est, ainsi, accrue au cours de la période deux fois plus qu'en Europe .

Cette croissance accélérée a été contemporaine d'une accélération des gains de la productivité apparente du travail, intervenue aux Etats-Unis depuis 1995.

CROISSANCE ANNUELLE DE LA PRODUCTIVITÉ APPARENTE
DU TRAVAIL AUX ETATS-UNIS

1966-1973

1974-1995

1995-1999

+ 2,4 %

+ 1,5 %

+ 2,5 %

Les causes de cette accélération sont sans doute multiples. S'il ne faut pas négliger les effets probables des réformes apportées aux marchés du travail et des biens, non plus que l'impact des restructurations du secteur productif, l'attention se porte aujourd'hui sur l'impact de la nouvelle économie sur le régime de croissance aux Etats-Unis.

Plusieurs études attribuent aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) une responsabilité importante dans l'accroissement récent de la productivité du travail aux Etats-Unis.

CONTRIBUTION DES NTIC À L'ACCÉLÉRATION
DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL AUX ETATS-UNIS

Gordon
(2000)

Jorgenson et Stiroh
(2000)

Oliner et
Sichel
(2000)

« US Council of Economic Advisers »
(2001)

Période

1995-1999

1995-1998

1995-1999

1995-2000

Augmentation de la productivité du travail


1,33


0,95


1,16


1,63

Intensification capitalistique
dont :

0,33

0,29

0,33

0,38

NTIC

...

0,34

0,50

0,62

Autres

...

- 0,05

- 0,17

- 0,23

Productivité totale des facteurs

0,31

0,65

0,80

1,19

Secteur des NTIC

0,29

0,24

0,31

0,18

Reste de l'économie

0,02

0,41

0,49

1,00

Autres facteurs

0,69

0,01

0,04

0,04

Effet du cycle

0,50

...

...

0,04

Prix

0,14

...

...

...

Qualité du travail

0,05

0,01

0,04

0,00

Source : Fonds monétaire international. World Economic Outlook. Octobre 2001.

Cet impact aurait été double :

D'une part, le « boom » de l'investissement en NTIC aurait favorisé une intensification capitalistique aux Etats-Unis, qui, en mettant davantage de capital à la disposition des travailleurs américains, aurait amélioré leur efficacité.

D'autre part, et cet effet aurait été de plus grande ampleur que le précédent 3 ( * ) , la productivité totale des facteurs aurait accéléré sous l'effet d'une meilleure organisation des processus de production due aux NTIC. En particulier, des phénomènes de substitution du capital au travail se seraient produits.

L'accélération de la productivité du travail aux Etats-Unis a permis une élévation du rythme de croissance qui a bénéficié à ce pays mais aussi à l'Europe et au reste du monde.

L'augmentation de la productivité du travail observée aux Etats-Unis a élevé le niveau de la croissance potentielle américaine et cela a favorisé le maintien, aux Etats-Unis, d'une croissance effective élevée.

La croissance potentielle d'un pays est égale au produit de la variation de sa population active par les gains de productivité du travail. La croissance effective peut lui être inférieure ou supérieure, en fonction d'un grand nombre de données (en particulier, l'orientation des politiques économiques). Cet écart entre croissance effective et croissance potentielle peut, quant à lui, être souhaitable ou non, selon la situation économique de départ. Si, en régime stable, un tel écart n'est pas désirable, l'existence d'un « réservoir de main-d'oeuvre » inutilisé peut inciter transitoirement à le rechercher, comme ce devrait être le cas en Europe. Cependant, il faut prendre conscience que plus cet « écart de production » est élevé et durable, plus des tensions risquent d'advenir, dont l'atténuation par les politiques publiques est fort délicate.

Parmi d'autres facteurs, c'est à l'augmentation de la croissance potentielle que la forte croissance effective observée aux Etats-Unis a dû de se produire et de durer . En effet, malgré le dynamisme de l'activité économique, l'écart de production est constamment resté limité, en dépit d'une légère hausse au cours de l'année 2000.

ECART DE PRODUCTION 1) AUX ETATS-UNIS

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

- 1,8

- 1,8

- 0,5

- 0,7

- 0,4

0,4

1,0

1,3

2,2

1. Différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, en pourcentage du PIB potentiel.

En conséquence, les tensions inflationnistes sont restées modérées .

INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION AUX ETATS-UNIS
(pourcentages de variation par rapport à la période précédente)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

3,0

3,0

2,6

2,8

2,9

2,3

1,6

2,2

3,4

Cette caractéristique a conforté la croissance américaine, qui a ainsi pu être durable. Elle témoigne d'une période prolongée d'absence de tensions excessives sur les facteurs de production, qui n'auraient pu être évitées sans la hausse de la productivité.

2. Une Europe dont la dépendance a été sous-estimée

a) Une interdépendance qui dépasse les relations commerciales

La croissance américaine a, certes, profité à ce pays, mais elle a également dynamisé la croissance mondiale.

Son impact a été variable chez les pays tiers ; très fort sur les pays émergents d'Asie et d'Amérique, il a été également significatif pour les pays européens.

Pourtant, sur le fondement de la polarisation des échanges commerciaux des économies européennes sur l'Europe même, et de leur relative fermeture à l'égard du reste du monde, certains ont pu faire état d'une forme de « benign neglect » de l'Europe envers les évolutions des économies extérieures.

Ainsi, l'impact d'un ralentissement de la croissance américaine atteignant 1 point de PIB a-t-il pu être estimé à seulement 0,25 point de PIB en moins pour l'économie européenne.

Ces estimations suscitent chez votre rapporteur un certain scepticisme. Elles lui paraissent sous-estimer les effets de la globalisation économique.

Il faut d'abord relever qu'elles ne semblent pas en parfaite cohérence avec des estimations plus récentes, réalisées à l'occasion du ralentissement actuel de l'économie américaine. Ainsi, le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2002 table sur un impact plus élevé. Un repli de 0,6 point du PIB américain s'y traduit par une croissance européenne amputée de 0,35 point de PIB.

En outre, ces évaluations sont basées sur des enchaînements exclusivement commerciaux qui sont, dans un monde de plus en plus interdépendant, loin de rendre compte de l'imbrication des économies entre elles.

Une composante de l'économie contemporaine apparaît essentielle à votre rapporteur. L'accumulation des déficits extérieurs américains au cours des années 90 a eu pour contrepartie celle des créances du reste du monde sur l'économie américaine.

1. En milliards de dollars.

Dans ces conditions, il est naturel que les créanciers des Etats-Unis soient particulièrement attentifs à l'évolution de la valeur de leurs actifs. Toute perspective de dévalorisation de ces actifs engendre naturellement des modifications de comportements économiques, allant bien au-delà de ce que la considération des seuls échanges commerciaux laisserait supposer.

b) Une Europe suspendue aux décisions américaines de politique économique

L'un des enseignements majeurs de la période en cours est qu'alors que les Etats-Unis sont en mesure de mettre en oeuvre une riposte économique à l'affaiblissement de la croissance (sans préjuger de ses effets), tel n'est pas le cas en Europe.

Tout se passe comme si l'Europe était suspendue à l'efficacité des politiques économiques décidées aux Etats-Unis.

Votre rapporteur attribue cette situation à deux causes principales.

Sur le front de la politique budgétaire, les marges de manoeuvre des gouvernements européens sont faibles.

Sans doute est-il exact que le solde des administrations publiques s'est amélioré dans la zone euro. Il est passé de - 4,9 points à - 0,3 point de PIB entre 1992 et 2000. Toutefois, deux considérations permettent de prendre la mesure de cette performance. Il faut d'abord souligner combien ce redressement des comptes publics a été moins net qu'aux Etats-Unis. Ceux-ci sont passés d'un déficit de 5,9 points de PIB en 1992 à un excédent de 2,2 points huit ans plus tard. La zone euro a amélioré ses comptes publics deux fois moins que les Etats-Unis .

En outre, l'amélioration des comptes publics dans la zone euro a été extrêmement dispersée . Certains « petits pays » se sont considérablement relevés. Mais, les grandes économies de la zone, l'Allemagne et, malheureusement, la France, ont insuffisamment rétabli leurs comptes. Or, ce sont ces pays qui, le cas échéant, pourraient avoir un effet d'entraînement s'ils étaient en état de conduire des politiques budgétaires contracycliques.

Votre rapporteur en conclut que les deux « poids lourds » économiques de la zone euro, l'Allemagne et la France, n'ont pas fait preuve d'une responsabilité suffisante qui, dans la phase d'expansion récente, aurait dû les conduire à mieux préparer l'avenir.

Sur le front de la politique monétaire , si votre rapporteur est de ceux qui estiment que les « politiques » doivent s'efforcer d'une certaine retenue dans leurs commentaires sur les orientations de la Banque centrale européenne (BCE), force est de constater que celle-ci est, dans la période en cours, intervenue moins massivement que la Fed américaine et avec retard.

A ce stade, votre rapporteur n'en tire pas d'autre conclusion que celle d'un constat d'une fonction de réaction de la BCE moins capable, à tort ou à raison, d'assouplir, de son propre mouvement, les conditions monétaires que son « homologue » américaine .

B. UNE SITUATION DONT LE RENVERSEMENT NE SAURAIT ÊTRE ATTENDU D'UN RALENTISSEMENT AMÉRICAIN

Si la prolongation de l'écart de croissance entre les Etats-Unis et l'Europe aurait des effets ambigus, dont certains franchement indésirables, il serait illusoire d'attendre d'un ralentissement américain prononcé la solution aux problèmes de l'économie européenne et mondiale.

C'est, du moins, l'enseignement d'un exercice de variantes récemment publié par le FMI 4 ( * ) .

1. Les avantages ambigus d'une accélération de la croissance aux Etats-Unis

Dans une première variante, sont mesurés les effets d'un gain de productivité de ½ point aux Etats-Unis.

Ce scénario présente les caractéristiques de la situation économique de la fin des années 90 avec une croissance mondiale tirée par l'économie américaine.

Variante avec des gains de productivité aux Etats-Unis
supérieurs de ½ point
(écart en % par rapport au compte central)

2002

2003

2004

2005

2006

PIB mondial

0,3

0,5

0,7

0,9

1,3

ETATS-UNIS

PIB

0,8

1,1

1,8

2,4

3,2

PIB potentiel

0,6

1,2

1,8

2,5

3,3

Demande intérieure

0,9

1,3

2,0

2,8

3,8

Investissement

2,3

2,6

4,0

5,5

7,9

Taux de change

0,4

0,4

0,7

1,0

1,4

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 11,5

- 22,5

-37,8

- 59,1

- 89,7

Inflation

-

0,1

0,1

0,1

0,2

Taux d'intérêt à court terme

0,3

0,2

0,3

0,4

0,6

ZONE EURO

PIB

0,2

0,2

0,2

0,3

0,5

PIB potentiel

-

-

-

-

- 0,1

Demande intérieure

0,1

-

- 0,1

- 0,1

- 0,2

Investissement

0,2

- 0,2

- 0,6

- 1,1

- 1,8

Taux de change

- 0,2

- 0,3

- 0,5

- 0,8

- 1,3

Balance courante ( en milliards de dollars )

4,6

7,9

13,6

21,2

30,7

Inflation

-

0,1

0,2

0,3

0,4

Taux d'intérêt à court terme

0,2

0,4

0,6

0,9

0,9

JAPON

PIB

0,2

0,2

0,2

0,3

0,5

PIB potentiel

-

-

-

-

- 0,1

Demande intérieure

0,1

0,1

-

-

- 0,1

Investissement

0,3

- 0,0

- 0,4

- 0,7

- 1,3

Taux de change

- 0,4

- 0,5

- 0,9

- 1,4

- 1,9

Balance courante ( en milliards de dollars )

2,2

5,8

8,9

13,7

20,3

Inflation

-

0,1

0,1

0,2

0,3

Taux d'intérêt à court terme

0,1

0,3

0,4

0,7

1,1

PAYS ÉMERGENTS

PIB

0,1

0,2

0,3

0,4

0,6

Demande intérieure

0,2

0,3

0,4

0,7

0,9

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 0,2

0,2

0,6

0,9

2,3

Source : FMI, World Economic Outlook. Octobre 2001

La croissance mondiale est plus élevée, le PIB mondial étant supérieur chaque année (de 1,3 point en 2006). Mais, le gain de croissance est inégalement réparti. Les Etats-Unis profitent à plein du choc de productivité qui, rappelons-le, ne survient que chez eux par hypothèse. Le PIB potentiel américain s'accroît, si bien que le rythme de la croissance effective peut s'accélérer sans tensions inflationnistes, d'autant que l'appréciation du dollar permet d'importer de la désinflation.

Les autres régimes du monde profitent nettement moins de cette embellie. Le supplément de croissance y est six fois moins important qu'aux Etats-Unis. Le PIB potentiel de ces zones n'est pas augmenté et le supplément d'inflation provoqué par la dépréciation de l'euro et du yen déclenche une augmentation des taux d'intérêt qui déprime la demande intérieure. Tout le léger supplément de croissance observé provient de l'excédent extérieur.

Les déséquilibres financiers mondiaux se creusent : l'Europe et le Japon continuent de financer la croissance américaine.

Cette variante illustre, aux yeux de votre rapporteur, les limites du cycle économique de la fin des années 90.

Ni l'Europe, ni le Japon, ni, finalement le monde ne devraient s'en satisfaire. Car, si la croissance de l'économie américaine exerce des effets positifs sur l'activité des autres zones ( a contrario, son ralentissement actuel démontre les effets négatifs d'un freinage brutal), un écart de performances économiques excessivement prononcé a, au moins, deux conséquences défavorables :

• elle accroît les déséquilibres financiers internationaux et renforce, à ce titre, les risques d'une correction brutale ;

• elle détourne les ressources des zones extérieures aux Etats-Unis, qui, perçues comme peu dynamiques, voient leur épargne se porter vers l'économie américaine et, du fait de la dépréciation de leurs monnaies, subissent non seulement les pertes du pouvoir d'achat qui s'ensuivent, mais aussi des tensions inflationnistes, sources de resserrement monétaire handicapant à leur tour leur essor.

Votre rapporteur voit dans ce scénario une justification très forte à des politiques déterminées d'augmentation de la croissance potentielle en Europe, qui supposent de renverser l'ordre des priorités. Une nette élévation du niveau de productivité doit en effet être recherchée.

2. Deux illustrations d'un ralentissement de la croissance américaine

Une contraction de l'économie américaine, associée à une dépréciation du dollar, aurait des effets très négatifs . C'est l'enseignement de deux variantes qui invitent, en outre, à porter une attention toute particulière au niveau des gains de productivité, et aux bénéfices d'une meilleure efficacité économique. Ces différents éléments sont illustrés par deux variantes, où un ralentissement marqué affecte la productivité aux Etats-Unis (- 1,5 point par rapport au scénario central, soit un retour à des gains de productivité de 1 % l'an) et, à un moindre titre, dans le reste du monde.

Les deux variantes ici présentées diffèrent par la vitesse de correction des anticipations des agents.

Dans la première, les agents économiques s'adaptent graduellement à des gains inférieurs à ce qu'ils anticipaient.

Variante avec des gains de productivité inférieurs
et correction graduelle des anticipations
(Ecarts en % par rapport au compte central)

2002

2003

2004

2005

2006

ETATS-UNIS

PIB

- 1,3

- 1,8

- 2,1

- 2,4

- 2,6

PIB potentiel

- 1,5

- 1,9

- 2,3

- 2,8

- 3,2

Demande intérieure

- 1,6

- 2,4

- 3,0

- 3,6

- 4,2

Investissement

- 1,4

- 3,8

- 4,8

- 5,8

- 6,9

Taux de change

- 1,9

- 3,6

- 5,1

- 6,7

- 8,6

Balance courante ( en milliards de dollars )

13,0

28,8

45,5

66,1

87,8

Inflation

0,2

0,3

0,4

0,5

0,7

Taux d'intérêt à court terme

0,0

0,1

0,2

0,5

0,9

ZONE EURO

PIB

- 0,6

- 1,1

- 1,7

- 2,4

- 3,3

PIB potentiel

- 0,5

- 1,0

- 1,4

- 1,8

- 2,3

Demande intérieure

- 0,2

- 0,3

- 0,5

- 0,6

- 0,7

Investissement

0,6

1,6

2,3

3,0

3,8

Taux de change contre le dollar

3,5

6,8

10,2

13,8

18,4

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 4,1

- 9,1

- 15,7

- 27,0

- 39,5

Inflation

- 0,3

- 0,5

- 0,6

- 0,8

- 1,0

Taux d'intérêt à court terme

- 0,3

- 0,6

- 1,0

- 1,6

- 1,9

JAPON

PIB

- 0,4

- 0,7

- 1,1

- 1,6

- 2,0

PIB potentiel

- 0,5

- 1,0

- 1,5

- 2,0

2,5

Demande intérieure

- 0,4

- 0,8

- 1,3

- 1,9

- 2,6

Investissement

0,3

0,5

- 0,1

- 0,7

- 1,5

Taux de change

- 1,4

- 2,7

- 3,9

- 5,1

- 6,6

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 3,5

- 5,2

- 4,8

- 2,2

4,2

Inflation

0,1

0,1

0,1

0,1

0,2

Taux d'intérêt à court terme

- 0,1

-

-

0,1

0,2

PAYS ÉMERGENTS

PIB

- 0,3

- 0,5

- 0,7

- 1,0

- 1,2

Demande intérieure

- 0,4

- 0,6

- 0,9

- 1,2

- 1,6

Balance courante ( en milliards de dollars )

1,7

0,7

- 1,5

- 3,2

- 5,5

Source : FMI, World Economic Outlook. Octobre 2001

L'investissement décline progressivement, mais nettement, aux Etats-Unis sous le double effet du ralentissement de la demande intérieure et d'un resserrement des taux d'intérêt.

Le PIB potentiel se réduisant plus vite que la croissance effective, des tensions inflationnistes surviennent, amplifiées par la dépréciation du dollar.

Dans la zone euro, la dégradation de l'activité, modérée les premières années, est plus prononcée qu'aux Etats-Unis en fin de période, du fait de performances extérieures très défavorables, consécutives à l'appréciation du taux de change.

La réduction des taux d'intérêt de court terme parvient à limiter l'ampleur du repli de la demande intérieure -l'investissement en ressort plus dynamique-, mais l'écart entre les taux courts américains et européens ne freine pas la dépréciation du dollar.

La réduction de la croissance effective est plus ample que celle de la croissance potentielle, situation inverse à celle de l'économie américaine.

Hormis les risques associés à un ralentissement des gains de productivité, cette exploration délivre un message fort. La dépréciation du dollar handicape la croissance de la zone euro et la désinflation qui s'ensuit en Europe, si elle soutient la demande intérieure, n'est pas suffisante pour contrecarrer les enchaînements récessifs liés à l'appréciation de l'euro, lorsque les taux d'intérêt reculent modérément en Europe et dans le contexte d'un fort ralentissement de l'économie américaine.

Les perspectives dessinées par cette variante sont assez sombres pour l'Europe. Les ressorts internes de son dynamisme y apparaissent faibles. A l'inverse, sa dépendance aux échanges extérieurs ressort si élevée qu'une appréciation de l'euro pénalise très fortement sa croissance lorsqu'elle est couplée avec une diminution de l'activité outre-Atlantique.

Ces enchaînements sont préoccupants compte tenu des questions soulevées par le niveau de la parité entre l'euro et le dollar. Votre rapporteur rappelle, en effet, qu'un certain consensus existe sur le diagnostic d'un dollar sur-évalué. Il est donc important d'approfondir la réflexion sur les conditions d'une correction satisfaisante de cette situation.

QUEL EST LE « BON » TAUX DE CHANGE DE L'EURO ?

La dépréciation de l'euro a suscité l'idée que l'euro serait sous-évalué. Qu'en est-il exactement ?

Répondre à cette question suppose de déterminer le « bon » taux de change de l'euro.

1. Les approches à partir de considérations de compétitivité.

La moyenne du taux de change réel sur longue période

On peut tout d'abord estimer que le bon taux de change est celui qui permet à une économie d'atteindre son niveau de compétitivité de longue période (tel qu'il résulte des effets conjugués du taux de change et du différentiel d'inflation).

Ainsi, on estime que pour ramener l'économie de la zone euro à son niveau de compétivité moyen de la période 1973-1998, il faudrait un euro compris entre 0,80 et 1,19 dollar.

Il est à noter que cette méthode débouche sur une fourchette très ample, qui varie selon l'indice de prix ou de coût utilisé pour appréhender la compétitivité, mais aussi, selon la durée de la période considérée.

Les parités de pouvoir d'achat (PPA)

On peut par ailleurs recourir à une analyse en termes de parités de pouvoir d'achat (PPA).

Selon la théorie des parités de pouvoir d'achat, s'il n'existe aucune entrave au commerce international (y compris en matière de coût du transport et de disponibilité de l'information), les divergences de prix de biens échangeables ne peuvent être que temporaires.

Le taux de change déterminé sur la base de la parité de pouvoir d'achat est celui qui permet de conserver un pouvoir d'achat identique lors de la conversion d'une monnaie dans une autre.

Le « bon » taux de change ainsi déterminé serait, selon l'OCDE, de 1 euro pour 1,05 dollar .

Ce taux peut légèrement varier selon la méthode utilisée.

Les coûts salariaux relatifs

Une autre approche en terme de compétitivité consiste à égaliser les coûts salariaux horaires relatifs.

Sur cette base, 1 euro vaudrait 1,01 dollar (chiffre avancé par le Conseil d'analyse économique dans son rapport Architecture financière internationale de 1999).

Là encore, ce chiffre doit être considéré avec prudence, compte tenu de l'imprécision de son évaluation.

Au total, une approche en terme de compétitivité conduit à un « bon » taux de change de l'ordre de 1 euro pour 1 dollar.

2. L'approche par la balance des paiements courants : des résultats incertains

Une seconde approche consiste à considérer que le bon taux de change est celui qui permet à l'économie, sur le plan interne , d'atteindre son taux de croissance potentielle (c'est-à-dire de croissance non inflationniste) et de supprimer le chômage conjoncturel , et, sur le plan externe , d'atteindre une cible de balance des paiements courants considérée comme optimale (en fonction d'objectifs d'épargne et d'investissement).

Les économistes appellent le taux de change ainsi défini le « taux de change d'équilibre fondamental ».

Le tableau ci-après fournit des estimations du taux de change d'équilibre fondamental de l'euro.

Estimations du taux de change d'équilibre fondamental de l'euro (en dollars)

Cible de déficit extérieur américain maximal (en % du PIB) 5 ( * )

1 %

2 %

Différentes estimations du

Wren-Lewis et Driver (1998)

-

1, 17 à 1,43

taux de change d'équilibre

CAE (1998)

1,19 à 1,26

1,07 à 1,15

fondamental

COE (2000)

-

1,24

Sources :

- Conseil d'analyse économique (CAE), Architecture financière internationale (annexe de Didier Borowski et Cécile Couharde).

- Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, Modèles et diagnostics , 1 er trimestre 2000.

Ces résultats sont à considérer avec précaution .

En particulier, la détermination du «  bon »  niveau pour les cibles de balance des paiements courants repose avant tout sur des jugements qualitatifs impliquant une certaine subjectivité.

Le choc de productivité produirait des effets encore plus dommageables si les agents économiques y réagissaient très tôt . C'est l'objet d'une dernière variante. Dans un tel scénario, les corrections s'opèrent plus vite et plus brutalement. Le retournement du cycle est rapide et accusé. En outre, s'ajoutent à ce revirement deux chocs : une chute des marchés boursiers de 20 % et une appréciation de l'euro contre le dollar de l'ordre de 17 %.

Variante avec des gains de productivité
inférieurs et correction immédiate des anticipations
(Ecarts en % par rapport au compte central)

2002

2003

2004

2005

2006

PIB mondial

- 1,2

- 1,6

- 1,8

- 2,1

- 2,3

ETATS-UNIS

PIB

- 2,2

- 2,7

- 2,8

- 2,8

- 2,6

PIB potentiel

- 1,6

- 2,1

- 2,6

- 3,1

- 3,5

Demande intérieure

- 3,3

- 4,2

- 4,5

- 4,6

- 4,6

Investissement

- 2,7

- 7,0

- 7,7

- 8,2

- 8,4

Taux de change

- 7,1

- 7,3

- 7,4

- 7,9

- 8,7

Balance courante ( en milliards de dollars )

40,1

86,4

119,3

144,2

160,5

Inflation

0,5

0,1

- 0,1

- 0,1

0,1

Taux d'intérêt à court terme

- 0,4

- 0,7

- 0,5

- 0,1

0,1

ZONE EURO

PIB

- 1,0

- 1,4

- 1,8

- 2,4

- 3,0

PIB potentiel

- 0,5

- 0,9

- 1,4

- 1,8

- 2,3

Demande intérieure

0,7

0,7

0,6

0,3

-

Investissement

1,2

2,6

2,6

2,7

2,8

Taux de change contre le dollar

17,8

17,7

17,5

17,6

17,9

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 9,5

- 35,3

- 55,2

- 72,6

- 88,2

Inflation

- 1,6

- 0,8

- 0,5

- 0,4

- 0,3

Taux d'intérêt à court terme

- 1,6

- 1,9

- 2,2

- 2,3

- 2,3

JAPON

PIB

- 1,0

- 1,5

- 1,8

- 1,9

- 2,0

PIB potentiel

- 0,5

- 1,0

- 1,6-

- 2,1

- 2,7

Demande intérieure

- 1,4

- 2,0

- 2,4

- 2,6

- 2,8

Investissement

- 0,9

- 2,3

- 2,7

- 3,0

- 3,1

Taux de change

- 6,2

- 6,2

- 6,4

- 6,6

- 6,8

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 2,3

- 2,3

- 1,5

1,8

10,1

Inflation

0,4

0,0

- 0,1

- 0,1

- 0,1

Taux d'intérêt à court terme

- 0,2

- 0,2

- 0,2

-

0,1

PAYS ÉMERGENTS

PIB

- 0,5

- 0,7

- 1,0

- 1,2

- 1,3

Demande intérieure

- 0,5

- 1,0

- 1,3

- 1,5

- 1,8

Balance courante ( en milliards de dollars )

- 6,4

0,5

- 0,3

0,1

2,0

Source : FMI, World Economic Outlook. Octobre 2001

Votre rapporteur souhaite mettre en évidence deux composantes de ces simulations :

• Le ralentissement des gains de productivité amplifie les effets négatifs des chocs financiers qu'elles comportent.

Dans un précédent exercice, le FMI avait testé les effets d'une chute de la bourse américaine de 20 % accompagnée d'une dépréciation du dollar de 10 %. Ses résultats étaient déjà significatifs, mais ils l'étaient beaucoup moins que lorsque s'ajoute à ces événements une réduction du rythme des gains de productivité.

Impact sur la croissance d'une chute de 20 % de la Bourse américaine et d'une dépréciation de 10 % du dollar,
selon le FMI sans choc de productivité

La première année

Trois ans plus tard

Etats-Unis

- 1,9

- 0,4

Zone euro

- 1,3

- 0,5

Source : FMI.

• L'appréciation de l'euro pénalise d'autant plus l'économie européenne qu'elle intervient dans un contexte de ralentissement de l'économie américaine et que les taux d'intérêt en Europe baissent moins.

Votre rapporteur, qui estime toutefois que la sensibilité de l'économie européenne à une appréciation de l'euro devrait faire l'objet d'approfondissements, en tire une conclusion. En effet, une « appréciation réussie de l'euro » suppose, semble-t-il, qu'elle provienne d'une croissance européenne dépassant une croissance américaine vive. Il importe donc que l'Europe s'engage à dans une politique résolue de croissance ce qui, aux yeux de votre rapporteur, suppose qu'elle opère les réformes structurelles sans lesquelles une croissance rapide et durable ne saurait y être atteinte.

CHAPITRE II

PERSPECTIVES MACROÉCONOMIQUES À MOYEN TERME
POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a réalisé pour la Délégation pour la Planification une projection de l'économie française à l'horizon 2006, à l'aide de son modèle e-mod.fr. Cet exercice est présenté de manière détaillée dans l' annexe (page 77). Il a été construit dans la perspective d'un retour au plein-emploi.

Un résultat se dégage de cette projection : en dépit d'un cumul de conditions favorables fixées par hypothèse, le plein-emploi est loin d'être atteint à l'horizon 2006. Le taux de chômage se situe alors à 6,8 % de la population active.

Plusieurs variantes explorent les conséquences de configurations moins propices.

I. UN SCÉNARIO DE CROISSANCE TIRÉE PAR LA DEMANDE INTÉRIEURE

La croissance décrite dans la projection connaît un profit temporel assez heurté. Les premières années (2001 et 2002), l'activité est ralentie par rapport à la période 1995-2000 (2 % contre 2,6 %) en moyenne. Puis, elle accélère vivement, mais, dès 2005, son rythme décélère, la croissance effective demeurant, malgré tout, supérieure à une croissance potentielle en forte baisse.

Au total, le scénario prolonge les tendances à l'oeuvre dans l'économie française au cours des dernières années. Cependant, malgré ce parti pris favorable, le retour au plein-emploi est loin d'être atteint en 2006, terme de la projection.

A. LA CONSOMMATION DES MÉNAGES EST DYNAMIQUE

Par construction, la contribution du commerce extérieur à la croissance étant réputée nulle en projection, l'activité dépend du dynamisme de la demande intérieure. Son redémarrage dans le courant 2002 s'intensifie un temps. Mais, dès 2004, elle décélère.

1. Au prix d'une déformation de sa structure, le revenu des ménages serait bien orienté

a) Un revenu des ménages dynamique mais une décélération en fin de période

Selon l'OFCE, la croissance du revenu des ménages réaccélérerait courant 2002 pour atteindre un pic en 2003 (3,9 %). Puis, elle se replierait graduellement vers un rythme annuel de 2,8 %. Au total, la part du revenu des ménages dans le PIB s'accroîtrait. En outre, cet accroissement n'affecterait que peu le taux de marge des entreprises 6 ( * ) .

Ces évolutions résultent essentiellement d'un retour, dès 2003, à des gains élevés du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages, après la décélération de 2002. L'évolution du pouvoir d'achat du revenu des ménages serait beaucoup plus soutenue sur le moyen terme (+ 3,2 % par an en moyenne) qu'au cours de la dernière décennie (+1,6 %).

Cependant, l'accélération du revenu des ménages ne résulterait que pour moins de la moitié d'une progression des revenus d'activité.

Contributions à la croissance du pouvoir d'achat
du revenu des ménages

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Revenu disponible brut

2,7

3,4

3,1

2,2

3,9

3,3

2,8

3,0

dont :

Salaires bruts

2,3

2,2

1,9

1,4

1,7

1,7

1,3

1,3

Cotisations sociales (hors CSG)

-0,4

-0,3

-0,1

-0,2

-0,1

-0,2

-0,2

-0,2

Prestations sociales

0,9

0,4

0,4

0,5

0,3

0,3

0,4

0,6

Impôts (y compris CSG)

-0,8

-0,6

-0,1

-0,1

-0,1

-0,3

-0,3

-0,4

Autres (dividendes, intérêts)

0,7

1,7

1

0,6

2,1

1,8

1,6

1,7

Elle reposerait sur les autres composantes du revenu, comme le montre le tableau ci-avant.

Les revenus salariaux bruts décéléreraient en cours de projection, sous l'effet d'un ralentissement des créations d'emplois et du maintien de gains limités du pouvoir d'achat par tête. Ces résultats, soulignons-le, supposent une hypothèse « ad hoc » sur les conditions de formation des salaires en France (voir infra ).

b) Une réduction de la pression fiscale ?

Le bilan des transferts entre administrations publiques et salariés du secteur marchand (hors salaires et pensions publics) serait à peu près équilibré. Cette hypothèse semble fragile à votre rapporteur, compte tenu des enseignements du passé et des pressions à venir sur les régimes sociaux .

S'agissant des premiers, il est intéressant d'observer que si, tendanciellement, l'élasticité des recettes fiscales par rapport au PIB est égale à 1 (les recettes fiscales progressent comme le PIB), tel n'est pas le cas pour l'impôt sur le revenu, a fortiori lorsque le revenu des ménages augmente. La progressivité de l'impôt sur le revenu explique ce phénomène, qui joue d'autant plus que la croissance des hauts revenus est relativement plus forte. A ce propos, le rapport économique, social et financier pour 2002 est éclairant. Il souligne le caractère exceptionnellement élevé de l'élasticité des recettes fiscales en 1999 et 2000, qui, hors impôt sur les sociétés, s'est élevée à 2. Il explique cette situation, pour l'impôt sur le revenu, en rappelant que si « une évolution en moyenne (du revenu des ménages) peut ne pas impliquer d'importantes recettes d'impôt si elle concerne les bas revenus, non imposables ; à l'inverse, si elle concerne les hauts revenus, soumis à des taux moyens de prélèvement élevés, cette même évolution en moyenne génère d'importantes recettes fiscales.

Or, au cours des dernières années, la croissance des hauts revenus a été plus forte que la moyenne. On observe en effet que le revenu par tête des foyers fiscaux aux revenus les plus élevés est davantage pro-cyclique que le revenu par tête moyen : en période de reprise économique, il croît donc plus vite. Ce phénomène rend assez largement compte du dynamisme de l'impôt sur le revenu en 1999 et 2000 ».

Votre rapporteur est conduit à estimer que la reprise observée dans la projection ici décrite pourrait déclencher un phénomène semblable à celui des années 1999 et 2000 où la forte progression des impôts sur le revenu des ménages avait sensiblement diminué leurs revenus directs d'activité.

Cette réserve est renforcée par les perspectives préoccupantes de financement des administrations publiques.

c) Une contribution décisive des revenus financiers

Le dynamisme particulier du revenu des ménages provient, dans le scénario ici présenté, de celui des dividendes reçus par eux.

Principales caractéristiques de l'évolution du compte des ménages

Evolution du pouvoir d'achat (en %)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Revenu disponible brut

2,7

3,4

3,1

2,2

3,9

3,3

2,8

3,0

Masse salariale

4,0

3,7

3,3

2,4

2,9

2,8

2,3

2,2

Dividendes

7

14,5

7,4

2,1

25,3

13,5

11,9

10,7

Rappelons que les dividendes reçus par les ménages représentent 5 % de leur revenu disponible brut et que leur évolution dans un passé proche, quoique heurtée, a été particulièrement dynamique (+ 10,2 % en moyenne entre 1995 et 2000). Ainsi, les perspectives récapitulées dans le tableau ci-dessus ne sont pas irréalistes.

Cependant, votre rapporteur tient à en souligner la fragilité . D'abord, le niveau moyen de progression des dividendes est sensiblement plus élevé (+ 15,2 %) que dans une période pourtant caractérisée par une forte augmentation de ces revenus. Ensuite, les entreprises pourraient préférer retenir leurs bénéfices plutôt que de les distribuer, préférence qui est susceptible de rejoindre celle des ménages, dont, ainsi, les actifs se valoriseraient sans les coûts fiscaux associés aux distributions de dividendes.

Ces incertitudes ont conduit votre délégation à demander la réalisation d'une variante moins favorable au revenu des ménages, qui est exposée dans la suite du présent rapport.

2. La consommation des ménages est dynamique

La consommation des ménages évolue en ligne avec leur revenu.

Principales caractéristiques de l'évolution du compte des ménages

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Revenu disponible brut (évolution du pouvoir d'achat, en %)

3,4

3,1

2,2

3,9

3,3

2,8

3,0

3,0

Consommation des ménages (en % et en volume)

2,7

2,6

2,7

3,8

3,6

2,9

2,8

3,1

Taux d'épargne des ménages

15,9

16,4

16,0

16,1

15,9

15,8

16,0

15,9

Le scénario n'incorpore pas de variation significative du taux d'épargne des ménages.

Cette hypothèse est justifiée par le fait que les taux d'épargne décrits en projection permettent une stabilisation du patrimoine financier des ménages 7 ( * ) .

Votre rapporteur souligne que ce parti pris n'est pas en totale cohérence avec l'augmentation du taux d'épargne des ménages français, qui semble une tendance lourde de leurs comportements.

Taux d'épargne des ménages en France

(en % du revenu)

1985-1990

1990-1995

1995-2000

2001

12,5

14,7

15,7

16,4

Il est d'ailleurs à remarquer que le niveau du taux d'épargne des ménages apparaît exceptionnellement élevé en France, comparé à celui de nos voisins de l'OCDE.

Le taux d'épargne des ménages dans quelques pays de l'OCDE en 2000

(en % du revenu)

Etats-Unis

Royaume-Uni

Allemagne

Italie

France

- 0,1

4,7

9,8

11,5

16,1

Cette caractéristique appelle des élucidations que votre délégation s'efforcera de réunir dans les prochains mois.

B. UN INVESTISSEMENT QUI PROGRESSE CONTINÛMENT

En dépit d'une réduction de leur taux de marge, l'investissement des entreprises serait soutenu, sans plus.

1. Un investissement soutenu...

Très ralenti en 2002, avec une progression en volume de 2,2 % contre 4,1 % en 2001 et 7,1 % en 2000, l'investissement des entreprises repartirait en projection. Mais, après un pic à 5,3 % en 2003, son rythme de croissance ultérieur ralentirait à 3,7 % en moyenne annuelle.

Cette performance est moins favorable que celle observée lors des récentes périodes d'expansion (+ 7,7 % entre 1985 et 1990 ; + 4,3 % entre 1995 et 2000 avec une forte accélération dans les dernières années de cette période).

Votre rapporteur remarque ainsi que le scénario n'intègre pas d'effet autonome de la diffusion des NTIC sur l'investissement. Le niveau de la formation brute de capital fixe y est déterminé par des déterminants plus traditionnels : la demande et les conditions financières du moment. Il est juste suffisant pour éviter toute tension sur les capacités de production. Ce résultat traduit en fait les contraintes qui pèsent sur les entreprises en projection du fait de la nette dégradation des comptes des entreprises que celle-ci comporte.

2. ...malgré un contexte de dégradation des comptes des entreprises

En projection, les comptes des entreprises poursuivent leur dégradation entamée ces dernières années. La diminution de l'épargne des entreprises a été en effet sensible, puisque cette épargne est passée de 9,4 à 8,6 points de PIB entre 1998 et 2000.

Principales caractéristiques de l'évolution du compte des entreprises

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Taux de marge

39,9

39,9

39,4

39,3

39,4

39,2

39,1

38,9

Taux d'investissement

17,1

17,7

17,9

17,9

18,3

18,6

18,8

18,9

Taux d'autofinancement (hors stocks)

90,9

83,7

74,4

75,7

70,4

65,1

60,4

55,7

Investissement

5,9

7,1

4,1

2,2

5,3

4,4

3,6

3,0

La tendance, observée depuis 1998, à une dégradation du taux de marge des entreprises se poursuit, mais de façon modérée du fait de la sagesse des évolutions salariales. Celui-ci, qui s'élevait à 40,7 % en 1998, s'est replié à 39,8 % en 2000 et reculerait à 38,9 % en 2006.

La hausse du taux d'investissement, qui rapporte celui-ci à la valeur ajoutée des entreprises, décrite dans le scénario, se traduit donc par une chute du taux d'autofinancement que n'explique pas entièrement toutefois la dégradation du taux de marge des entreprises.

Vient s'ajouter à ce facteur, la forte progression des dividendes versés par les entreprises - dont l'hypothèse a été posée -, qui réduit, mécaniquement, leur épargne.

Le comportement d'investissement des entreprises que décrit la projection est donc largement indépendant des capacités de financement des entreprises . Ce résultat est justifié par le maintien de conditions d'endettement favorables. De fait, c'est une hypothèse, les taux d'intérêt sont accommodants en projection, les taux d'intérêt réels à court terme étant inférieurs à la croissance en valeur du PIB.

Votre rapporteur rappelle que les variations de l'investissement étant difficilement prévisibles - votre délégation présentera d'ailleurs prochainement un rapport sur ce sujet si important pour la croissance -, il faut considérer avec beaucoup de prudence les résultats ici présentés.

Compte tenu de ces incertitudes, une variante moins favorable est exposée dans la suite du présent rapport.

II. LA CROISSANCE, LES PRIX ET L'EMPLOI

Le scénario présenté dans ce rapport décrit une croissance effective qui excède la croissance potentielle.

En outre, le ralentissement de l'augmentation de la population active, combiné avec le maintien de gains de productivité modestes, qui, en contrepartie, réduisent le niveau de la croissance potentielle, favorise une diminution du chômage.

Dans ce contexte, un repli du chômage se produit. Mais, le plein emploi (5 %) n'est pas atteint en projection. En 2006, le taux de chômage reste de 6,8 %.

Ce résultat, même s'il est décevant, repose sur une autre hypothèse très forte sans laquelle il ne saurait être atteint : la réduction du taux de chômage d'équilibre. Elle permet au chômage de reculer sans tensions sur les prix.

Comme c'est l'habitude dans un exercice d'exploration de cette nature, ce sont évidemment plutôt les conditions de réalisation des résultats qu'il extériorise qui présentent de l'intérêt. C'est pour cette raison que des variantes ont été réalisées dont le propos est de décrire ce qui se produirait si quelques variables-clefs de l'exercice de simulation connaissaient une orientation différente.

A. UNE CROISSANCE ROBUSTE

1. Une croissance supérieure à la croissance potentielle

a) Les résultats de la projection

Sur la période 2002-2006, la croissance effective (+ 2,8 % par an en moyenne) serait constamment supérieure à la croissance potentielle.

Inférieure en début de période (2001-2006), elle la dépasserait ensuite, d'abord nettement, puis plus légèrement.

Comparaison entre la croissance en projection et la croissance potentielle

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance en projection

2

2,1

3,3

3,2

2,7

2,5

Taux d'activité des 15 ans et plus (en %)

55,2

55,3

55,3

55,3

55,3

55,1

Variation de la population active

0,8

0,7

0,7

0,6

0,4

0,2

Croissance potentielle

2,4

2,3

2,3

2,2

2,0

1,8

Rappel : 2000 : PIB : 3,4 ; Croissance potentielle 55,1 ; 1,1 ; 2,7.

L'écart de production, légèrement négatif en début de période, devient très important en 2003 et 2004, à mesure que la croissance accélère, tandis que la croissance potentielle marque le pas, avant de connaître une nette dégradation en fin de période.

On reviendra, dans la suite de ce rapport, sur les implications d'une situation économique marquée par une croissance supérieure à la croissance potentielle (voir infra ).

b) Quelques précisions sur la croissance potentielle

Votre rapporteur souhaite, à ce stade, préciser les conditions dans lesquelles la croissance potentielle est calculée dans la projection et les implications de sa décélération.

La croissance potentielle résulte de la combinaison des variations de la population active et des gains de productivité prévisibles.

(1) Les perspectives en matière de population active

Variation de la population active 2001-2006

(en milliers)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

221

185

180

162

113

57

Dans la projection, l'accroissement de la population active s'élève à 918 000 personnes au cours de la période (153 000 par an). Cette variation est moins importante que dans les estimations révisées de l'INSEE présentées dans le rapport du Conseil d'analyse économique « Plein emploi ». Dans celui-ci, si la population active tendancielle augmente de 132 000 personnes par an, entre 2000 et 2006, une importante flexion du taux d'activité intervient. Une telle flexion engendre un supplément de population active découlant de facteurs non-démographiques liés aux comportements à l'égard du travail. Une hausse du taux d'activité signifie qu'une proportion plus importante de la population en âge de travailler se présente sur le marché du travail. Ce phénomène porte l'accroissement de la population active à 174 000 personnes par an pour l'INSEE.

Cet écart de prévisions provient de facteurs complexes, que les différences de méthode permettent d'appréhender. La prévision de l'OFCE est fondée sur une analyse de la relation entre réduction du taux de chômage et attraction de nouveaux actifs sur le marché du travail. Lorsque le chômage diminue de 1 %, la population attirée sur le marché du travail représente un gain de population active de 0,4 %. Les estimations de l'INSEE sont fondées sur la prolongation de ce que l'institut considère comme une augmentation des taux d'activité. Ainsi, en va-t-il tout particulièrement des phénomènes de cumul d'activités et de formation pour les jeunes de 15 à 24 ans, qui ont crû de 6,5 % en moyenne depuis 1992.

Votre rapporteur se gardera bien de trancher entre ces deux prévisions. Mais, il fait observer qu'il est peut-être hasardeux de prolonger des inflexions aussi nettes que celle décrite ci-dessus, d'autant que, pour une part importante, elle résulte de la multiplication des « jobs » d'étudiants dont la pérennité n'est pas acquise.

Votre rapporteur souhaite en revanche souligner les nuances de perspectives que recèlent ces divergences. Une population active relativement moins dynamique favorise la résolution apparente du problème du chômage, mais, d'une part, elle pèse sur la croissance potentielle de l'économie et, d'autre part, dans la situation française, caractérisée par le faible niveau du taux d'activité, éloigne du retour au vrai plein-emploi. Celui-ci suppose en effet une baisse du taux de chômage, mais aussi une élévation du taux d'activité.

(2) Les perspectives en matière de gains de productivité

Quant aux gains de productivité, le scénario ne comporte pas d'hypothèse d'accélération de la productivité horaire du travail. Celle-ci augmente de 1,6 % entre 2003 et 2006, comme, en moyenne, entre 1995 et 2000.

L'épuisement du phénomène de réduction de la durée du travail en cours de projection a pour effet un retour des gains de productivité par tête à un rythme équivalant à celui de la productivité horaire (+ 1,5 %). Cette hypothèse est cohérente avec l'arrêt des effets de la réduction du temps de travail à partir de 2003. Elle a pour effet un net accroissement du rythme des gains de productivité par tête entre 1995 et 2000, qui s'est élevé en moyenne à 0,8 %.

Votre rapporteur souligne l'apport de cette rupture à la croissance potentielle de l'économie.

2. Une croissance supérieure à la croissance des partenaires

Le scénario décrit un retour des partenaires extérieurs de la France vers des rythmes d'activité conformes à leur croissance potentielle.


Croissance potentielle des principaux partenaires européens de la France

Source

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Pays-Bas

Belgique

Autre UE

Euro 11

UE 15

OCDE

2,6

2,3

2,5

2,2

2,8

2,8

2,4

3,5

2,6

2,5

FMI

(16,8 %)

(9,3 %)

(10,6 %)

(7,3 %)

(4,4 %)

(8,7 %)

(6,4 %)

(52%)

(63,5 %)

Entre parenthèses figurent les parts de marché des différents partenaires avec la France

Source : OCDE, FMI

Croissance potentielle des principaux partenaires hors européens de la France

Source

Etats-Unis

Japon

Autre Europe

Autre OCDE

Total OCDE

Afrique

Amérique latine

Asie

M.O.

Europe Est

OCDE

3,5

1,2

2,4

2,7

2,7

FMI

5,1*

4,6*

7,1*

5,0*

2,9**

(5,8 %)

(2 %)

(5,8 %)

(2 %)

( 79,1%)

(6,2 %)

(3,7 %)

(5,2 %)

(3,2 %)

(2,6 %)

* Ce chiffre correspond à la prévision du FMI de la zone pour la période 2003-2006.

** Ce chiffre correspond à la moyenne de la croissance de cette zone sur les dix dernières années.

Entre parenthèses figurent les parts de marché des différents partenaires avec la France

Source : OCDE, FMI

L'écart de la croissance française avec le reste du monde développé est favorable à l'Hexagone. Cet écart assez faible avec l'ensemble OCDE (+ 0,1 point l'an) est plus significatif si l'on considère l'Union européenne (+ 0,3 point l'an), qui représente près des deux-tiers de la demande adressée à la France.

L'on observera que si un tel écart est peu spectaculaire, son cumul sur quatre ans représente plus de 1 point de PIB.

Dans ces conditions, la probabilité de survenance d'une absence de dégradation des échanges extérieurs, qui est posée en hypothèse, est quelque peu affectée. Tant l'écart de croissance que la perspective d'une dégradation de la compétitivité-prix de la France confèrent à cette hypothèse un caractère de grande incertitude.

B. UNE CROISSANCE ÉQUILIBRÉE, MAIS SANS RETOUR AU PLEIN-EMPLOI

Le scénario se développe sur un paradoxe. Bien que supérieure à la croissance potentielle, la croissance qu'il décrit reste équilibrée. Cette situation appelle quelques explications.

a) Une croissance équilibrée

Le scénario exploré dans cette projection décrit une croissance forte et équilibrée. En effet, jusqu'en fin de période, la croissance surpasse nettement la croissance potentielle de l'économie française, et, ce, sans tensions sur les prix.

Cette configuration, très favorable, peut apparaître paradoxale. En effet, la croissance potentielle est, en théorie, la croissance maximale qu'une économie peut connaître sans inflation. Au-delà, le glissement des prix vient dégrader la compétitivité et affecte, en outre, le revenu des ménages si bien que l'économie rejoint alors son sentier de croissance potentielle Ces enchaînements, qui ne sont pas entièrement ignorés dans la présente projection, puisque l'écart entre la croissance qu'elle décrit et la croissance potentielle se réduit en fin de période, n'y interviennent que tardivement. Plusieurs éléments concourent à placer l'économie sur une trajectoire finalement équilibrée.

Le premier d'entre eux, sur lequel on ne reviendra pas, est d'ordre purement conventionnel. Le scénario est construit sur l'hypothèse que l'écart entre la croissance française et celle des partenaires ne produit aucun déséquilibre extérieur. Votre rapporteur a déjà souligné les aléas d'une telle condition.

Votre rapporteur insistera davantage sur les conditions relatives à la formation des revenus des ménages . Sur ce plan, la projection délivre un message d'un grand intérêt, dont les conditions de la très forte croissance américaine des années 90 ont déjà offert une illustration. Tout se passe dans la projection comme si, en situation de réduction durable du chômage, il fallait compter sur une déformation du revenu des ménages au détriment des revenus salariaux et au profit des revenus financiers .

En effet, dans le compte, les salaires s'accroissent mais modérément.

Evolution du salaire par tête 2001 - 2006

(en %)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Horaire nominal, secteur marchand

3,8

3,2

3,2

3,5

3,4

3,3

Horaire réel, secteur marchand

2,4

1,6

1,9

2,0

1,5

1,6

Mensuel nominal, secteur marchand

1,2

1,4

1,8

2,0

1,5

1,5

Mensuel réel, secteur marchand

1,2

1,4

1,8

2,0

1,5

1,5

Ce résultat est absolument indispensable. Il ne fait que traduire l'exigence de modération salariale sans laquelle le taux de chômage d'équilibre (voir infra ) ne saurait refluer.

Il permet une progression modérée des coûts salariaux unitaires, qui favorise le maintien d'une faible inflation.

Evolution des coûts salariaux unitaires et de l'inflation 2001 - 2006

(en %)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Coût salarial par unité produite

2,3

1,6

0,9

1,5

1,8

1,8

Prix :

PIB

1,2

1,4

1,2

1,2

1,7

1,5

Consommation

1,4

1,5

1,3

1,4

1,9

1,7

Mais, dans le même temps, ce résultat est, en soi, limitatif. Si le revenu des ménages progressait comme les revenus salariaux, la croissance effective pourrait ne pas atteindre le niveau requis pour que le chômage baisse, excepté, votre rapporteur le souligne, si l'investissement prenait le relais.

La résolution de ce problème passe donc par l'apport des autres déterminants du revenu des ménages à un plus grand dynamisme de ce revenu. Dans la situation des finances publiques que nous connaissons, il ne faut rien attendre d'une redistribution opérée par les administrations publiques au profit des ménages. Votre rapporteur souligne d'ailleurs, dans le troisième chapitre du présent rapport, le caractère illusoire des discours affirmant le contraire.

La seule contribution envisageable est à trouver du côté des entreprises ou de l'environnement financier. Dans la projection, la dynamique du revenu des ménages provient des dividendes versés par les entreprises. Une solution alternative, qui ne serait peut-être pas entièrement équivalente, serait que les ménages bénéficient d'un effet de richesse. Celui ci pourrait provenir d'une appréciation de leurs actifs, soit que les performances économiques des entreprises la justifient, soit que la réduction des taux d'intérêt la provoque.

Votre rapporteur n'ignore pas que de tels enchaînements peuvent se produire. Une part importante de la croissance durable observée aux Etats-Unis en provient certainement. Toutefois, il lui revient de souligner les exigences que supposent de telles conditions.

La première d'entre elles est, bien entendu, qu'il existe des marges pour une réduction du niveau des taux d'intérêt. Ces marges existent-elles en Europe ? A supposer que la réponse soit affirmative, elles sont plus réduites que dans le passé, compte tenu du niveau atteint par les taux d'intérêt, et supposent que les obstacles structurels à une diminution supplémentaire de ces taux soient levés.

Une seconde condition apparaît cruciale. Si l'effet de richesse a pu soutenir la croissance américaine, c'est parce que les entreprises américaines ont réussi à augmenter leur efficacité. La forte augmentation de leurs gains de productivité dans les années récentes en témoigne. Le système productif américain a su créer les conditions d'une forte demande.

Votre rapporteur en tire une conclusion essentielle pour les politiques économiques. Leur défi sera, à l'avenir, de créer les conditions d'une élévation du niveau de l'offre. Cela suppose au premier chef d'éliminer les contraintes qui en brident l'essor.

b) Un repli du chômage, mais pas de retour au plein-emploi

Dans la projection, le taux de chômage se réduit. Cependant, malgré une croissance élevée, le taux de chômage atteint encore 6,8 % en 2006.

L'évolution de l'emploi 2001 - 2006

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Effectifs salariés total, taux de croissance

2,1

1,1

1,3

1,1

0,9

0,7

Taux de chômage, points

8,9

8,6

8,1

7,6

7,3

6,8

Salariés

Emploi salarié marchand (en %)

2,6

1,1

1,5

1,3

1,1

1,0

Emploi salarié industrie (en %)

1,4

- 0,1

0,1

- 0,1

- 0,4

- 0,4

Emploi salarié services marchands (en %)

3,3

1,8

2,3

2,0

1,8

1,6

Emploi salarié non marchand (en %)

0,9

1,0

0,6

0,5

0,3

0,2

Emploi APU

38

51

29

20

8

0

Emploi aidé non marchand

- 24

16

0

0

0

0

Non salariés

Emploi non salarié, évolution en milliers

- 10

- 22

- 4

- 4

0

- 5

Industrie

- 9

- 13

- 6

- 7

- 3

- 3

Services marchands

0

- 9

- 2

- 2

- 2

- 7

Services non marchands

- 1

0

3

5

5

5

Emploi non salarié, en % de l'emploi salarié

11,4

11,2

11,0

10,9

10,8

10,7

Industrie

20,6

20,4

20,2

20,1

20,2

20,2

Services marchands

11,4

11,1

10,8

10,6

10,4

10,2

Services non marchands

3,8

3,8

3,8

3,8

3,9

4,0

Encore ce résultat n'est-il atteint que grâce à une sensible diminution de l'accroissement de la population active . En effet, l'augmentation des effectifs salariés se réduit sensiblement en cours de projection. Malgré une croissance de 2,6 % en moyenne en 2005 et 2006, l'accroissement des emplois n'atteint plus, au terme de la projection, qu'un rythme de 0,8 % l'an.

On rappelle que le rythme des créations d'emplois salariés s'est élevé à 1,5 % en moyenne entre 1995 et 2000. Il a atteint 2,5 % en moyenne entre 1998 et 2001.

Cette accélération des créations d'emplois est venue de la vigueur de la croissance économique, mais aussi d'une nette réduction de la productivité par tête du travail. Ce phénomène, connu sous la dénomination « d'enrichissement de la croissance en emplois », signifie qu'à taux de croissance identique, un niveau de productivité par tête inférieur suppose davantage de « têtes », davantage d'emplois.

A priori , une telle baisse peut provenir, à durée de travail inchangée, d'une baisse de la productivité horaire. Inversement, à productivité horaire constante, elle peut résulter d'une réduction de la durée du travail. Dans le premier cas, un enrichissement de la croissance en emplois ne se déclenche que si le nombre des heures travaillées n'est pas augmenté. Dans le second cas, on pose comme hypothèse que la durée du travail est réduite et qu'un recours à plus d'emplois est nécessaire dès lors que le redressement de la productivité horaire n'est pas suffisant.

Entre 1995 et 2000, en dépit d'une légère accélération des gains de productivité horaire du travail (+ 1,6 %), les gains de productivité par tête ont décéléré (+ 0,8 %) sous l'effet d'une forte réduction de la durée du travail (- 0,8 %).

La projection ne prolonge pas ces tendances. Elle est construite sur l'hypothèse d'un retour à des gains de productivité par tête évoluant en ligne avec la productivité horaire. La réduction de la durée du travail s'interrompt dès 2003. Les gains de productivité sous-jacents au compte sont, en moyenne, de 1,6 % par an, même s'ils ralentissent à l'horizon 2005 (+ 1,4 % en 2005 et 2006).

En bref, l'enrichissement de la croissance en emplois, imputable à la réduction du temps de travail, s'interrompt. Pour autant, en considérant un horizon plus long, la poursuite du phénomène d'enrichissement de la croissance en emplois est posée en hypothèse .

Votre rapporteur remarque le contraste entre cette hypothèse et les forts gains de productivité constatés aux Etats-Unis. Cette hypothèse reste évidemment favorable aux créations d'emplois. Mais elle affecte le potentiel de croissance et la richesse nationale, et ralentit l'évolution soutenable des revenus salariaux, puisque les salaires ne sauraient durablement augmenter plus vite que la productivité. En ce sens, elle complique la réalisation, pourtant essentielle à une réduction durable du chômage, de la condition d'un abaissement du taux de chômage d'équilibre (voir infra ).

III. UN SCÉNARIO TROP PARFAIT ?

Votre rapporteur considère que l'usage des modèles économétriques est indispensable en ce qu'ils permettent d'explorer le possible, au sens fort de ce terme, c'est-à-dire au sens de ce qui peut se réaliser.

Toutefois, ils ne permettent pas, en soi, de conférer à un scénario un degré de probabilité rigoureusement défini. Pour apprécier la probabilité de leurs résultats, il faut en effet porter des appréciations, hors-modèle, sur la probabilité des hypothèses qui les conditionnent.

Des variables importantes du scénario ici présentées appellent un tel exercice. Il s'agit d'abord des comportements financiers des entreprises, qui, tels que décrits par la projection, sont doublement favorables : ils nourrissent le revenu des ménages et comportent une certaine indifférence à l'égard des contraintes de financement de l'investissement. Il s'agit aussi des conditions de formation des salaires et des prix, puisque la dynamique des créations d'emplois n'enclenche pas de hausse des coûts salariaux.

C'est pour mesurer les incertitudes qui s'attachent à de telles évolutions que votre délégation a souhaité que soit réalisé un jeu de variantes. Deux premières variantes débouchent sur une croissance moins rapide de la demande intérieure. Une dernière variante illustre les tensions sur le système productif qui résulteraient du maintien de la rigidité des salaires.

A. L'IMPACT D'UNE CROISSANCE PLUS MODÉRÉE DE LA DEMANDE INTÉRIEURE

La progression soutenue de la demande intérieure dans le scénario est liée à des comportements financiers des entreprises, qui peuvent apparaître très favorables. Ils dopent le revenu des ménages car les entreprises leur distribuent d'importants dividendes. Ils dénotent une certaine indifférence par rapport à la dégradation des conditions d'autofinancement de leur investissement. Deux variantes explorent les conséquences d'une augmentation moins ferme de ces deux composantes de la demande intérieure, qui pourrait être associée à des comportements différents des entreprises.

1. L'impact d'un maintien de la part du revenu des ménages dans le PIB à son niveau de 2001

Dans une première variante, le revenu des ménages s'accroît comme le PIB. Autrement dit, sa part dans le PIB est maintenue inchangée, à son niveau de 2001.

Variante avec maintien de la part du revenu des ménages
dans le PIB à son niveau de 2001
(Ecarts en points par rapport au compte central)

2002

2003

2004

2005

2006

PIB total en volume

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

- 0,7

Importations

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,4

- 1,1

Consommation des ménages

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,6

- 1,5

Consommation des administrations

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Investissement :

Investissement productif

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,5

- 1,2

Investissement logement

0,0

- 0,2

- 0,4

- 0,8

- 1,8

Variations de stocks (contribution)

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Exportations

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

Effectifs totaux (en milliers)

0

- 10

- 23

- 38

- 91

Effectifs totaux (en %)

0,0

0,0

- 0,1

- 0,1

- 0,4

Taux de chômage (en point)

0,0

0,0

0,1

0,1

0,3

Prix du PIB

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,4

Prix de la consommation des ménages

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,4

Productivité du travail (par tête)

0,0

0,0

0,0

0,0

- 0,2

Taux de marge

0,0

0,0

0,0

0,0

- 0,1

Taux d'épargne

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Salaire horaire (en valeur)

0,0

- 0,1

- 0,1

- 0,2

- 0,6

Salaire horaire réel

0,0

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

Revenu disponible brut des ménages (en valeur)

0,0

- 0,2

- 0,4

- 0,8

- 1,9

Capacités de financement (en point de PIB)

Etat

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,4

Entreprises

0,0

0,1

0,2

0,3

0,8

Ménages

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

ISBLSM

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Nation

0,0

0,0

0,1

0,2

0,4

• La consommation des ménages est infléchie par rapport au scénario central et la croissance en est affectée. Le PIB est moins élevé de 0,7 point en 2006. Le freinage de l'activité est en effet limité par une contribution du commerce extérieur à la croissance qui devient très positive. La capacité de financement de l'Etat subit les conséquences du ralentissement économique, à hauteur de 0,4 point de PIB en 2006. Le chômage est plus élevé de 0,3 point à cette date. Le taux de chômage atteint donc 7,1 %.

• Votre rapporteur insiste sur les précautions avec lesquelles il convient d'aborder ces résultats. La variante cumule en effet les facteurs négatifs de sensibilité de la croissance à un ralentissement du revenu des ménages. En effet, dans la variante, ce ralentissement ne provient que très peu d'une réduction des gains salariaux. Celle-ci, qui traduirait une diminution relative du coût du travail, serait favorable à l'emploi. Dans la variante, une part prépondérante du ralentissement du revenu des ménages provient d'un moindre niveau des dividendes versés par les entreprises. Or, curieusement, l'amélioration de la capacité de financement des entreprises qui en résulte ne rétroagit pas sur le niveau de leur investissement. Celui-ci est plus faible que dans le scénario central. Votre rapporteur relève en outre que la variante ne retient aucun effet de richesse. La capacité de financement des entreprises s'améliorant, une valorisation des actifs détenus par les ménages devrait s'ensuivre. Elle pourrait, en retour, provoquer une réduction du taux d'épargne des ménages qui serait favorable à leur consommation et, donc, à la croissance.

Ainsi, sans négliger l'apport du dynamisme du revenu des ménages à la croissance, votre rapporteur considère que les résultats d'une configuration où la part du revenu des ménages dans le PIB resterait stable pourraient être dans les faits beaucoup moins défavorables que la variante ici présentée ne le montre.

2. L'impact d'un maintien du taux d'investissement des entreprises à son niveau de début 2001

Dans cette deuxième variante, le taux d'investissement des entreprises, qui rapporte le niveau de leur investissement à leur valeur ajoutée, resterait à son niveau de 2001.

On rappelle que dans le scénario central, celui-ci gagne 1 point, passant de 17,9 à 18,9 %.

Variante avec maintien du taux d'investissement
à son niveau de début 2001
(Ecarts en points par rapport au compte central)

2002

2003

2004

2005

2006

PIB total en volume

0,0

- 0,2

- 0,4

- 0,5

- 0,6

Importations

0,0

- 0,4

- 0,7

- 1,0

- 1,2

Consommation des ménages

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

- 0,4

Consommation des administrations

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Investissement :

Investissement productif

- 0,2

- 2,0

- 3,5

- 4,7

- 5,5

Investissement logement

0,0

- 0,3

- 0,8

- 1,1

- 1,5

Variations de stocks (contribution)

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Exportations

0,0

0,0

0,0

0,1

0,1

Effectifs totaux (en milliers)

- 1

- 22

- 57

- 88

- 116

Effectifs totaux (en %)

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

- 0,5

Taux de chômage (en point)

0,0

0,1

0,2

0,2

0,3

Prix du PIB

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

Prix de la consommation des ménages

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

Productivité du travail (par tête)

0,0

- 0,2

0,0

0,0

0,0

Taux de marge

0,0

- 0,1

0,0

0,1

0,2

Taux d'épargne

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Salaire horaire (en valeur)

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,4

- 0,7

Salaire horaire réel

0,0

- 0,1

- 0,1

- 0,2

- 0,3

Revenu disponible brut (en valeur)

0,0

- 0,1

- 0,4

- 0,6

- 0,8

Capacités de financement (en point de PIB)

Etat

0,0

- 0,1

- 0,1

- 0,2

- 0,2

Entreprises

0,0

0,2

0,3

0,5

0,6

Ménages

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

ISBLSM

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Nation

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

• Le ralentissement de l'investissement qui s'ensuit est prononcé et la croissance en est affectée à peu près dans les mêmes proportions que dans la variante précédente.

• Votre rapporteur en tire une conclusion forte : une croissance nourrie par une déformation du partage de la valeur ajoutée, qui réduirait le niveau d'investissement des entreprises, comporterait des coûts, au moins, équivalents au supplément de croissance issu de la dynamique de la consommation.

Il est d'ailleurs probable que ces coûts seraient supérieurs. En effet, la modération du revenu des ménages pourrait, sous certaines conditions (voir supra ), s'accompagner d'effets réduits sur la croissance, alors que l'impact d'un ralentissement de l'investissement serait, vraisemblablement, beaucoup plus négatif que ce que décrit la variante ici présentée.

Votre rapporteur observe en effet que, dans cette variante, le ralentissement de l'investissement ne réduit pas les gains de productivité du travail. Tout se passe comme si des investissements supplémentaires étaient sans effet sur cette productivité dont dépend, in fine , la croissance. Ce n'est pas ce que démontrent la plupart des travaux consacrés à ce sujet.

Votre rapporteur redit sa conviction que l'élévation du niveau de productivité de l'économie française est un objectif essentiel dont la poursuite suppose un investissement des entreprises plus soutenu qu'il n'a pu l'être dans le proche passé .

B. LE MAINTIEN DE LA RIGIDITÉ DES SALAIRES À SON NIVEAU EN 2001

La baisse du taux de chômage d'équilibre est une composante essentielle du scénario ici présenté. Or, sa réalisation n'est pas acquise. C'est pour illustrer l'impact d'un maintien de son niveau à celui d'aujourd'hui qu'a été réalisée une variante construite sur cette hypothèse.

Elle confirme pleinement la nécessité absolue de réduire le niveau de cette variable, objectif dont la réalisation suppose, aux yeux de votre rapporteur, une autre orientation de la politique économique.

1. Les résultats de la variante

Le maintien du taux de chômage d'équilibre à son niveau de 2001 comporterait, en effet, des conséquences très négatives.

Variante avec maintien d'un taux de chômage d'équilibre (NAIRU) à 9 %
(Ecarts en points par rapport au compte central)

2002

2003

2004

2005

2006

PIB total en volume

0,0

0,0

- 0,1

- 0,4

- 1,1

Importations

0,0

0,0

0,1

0,1

0,0

Consommation des ménages

0,0

0,0

0,1

- 0,1

- 0,5

Consommation des administrations

0,0

0,0

0,0

0,0

- 0,2

Investissement :

Investissement productif

0,0

0,0

0,0

- 0,6

- 1,8

Investissement logement

0,0

0,1

0,1

- 0,2

- 1,4

Variations de stocks (contribution)

0,0

0,0

0,0

0,0

- 0,1

Exportations

0,0

0,0

- 0,2

- 0,6

- 1,3

Effectifs totaux (en milliers)

0

0

- 9

- 52

- 155

Effectifs totaux (en %)

0,0

0,0

0,0

- 0,2

- 0,6

Taux de chômage (en point)

0,0

0,0

0,0

0,1

0,4

Prix du PIB

0,0

0,1

0,9

2,6

5,6

Prix de la consommation des ménages

0,0

0,1

0,8

2,6

5,6

Productivité du travail (par tête)

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

Taux de marge

0,0

- 0,1

- 0,3

- 0,7

- 1,1

Salaire horaire (en valeur)

0,0

0,2

1,1

3,1

6,2

Salaire horaire réel

0,0

0,1

0,3

0,5

0,6

Revenu disponible brut (en valeur)

0,0

0,2

0,9

2,5

5,1

Capacités de financement (en point de PIB)

Etat

0,0

0,0

0,0

- 0,2

- 0,7

Entreprises

0,0

0,0

0,0

0,0

0,2

Ménages

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

ISBLSM

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Nation

0,0

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,3

La variante ici présentée n'en rend pas entièrement compte. En effet, au cours des premières années du scénario central, la croissance est modérée, tandis que les gains de productivité par tête dégagés lors de la reprise de la croissance atténuent transitoirement l'impact du renchérissement du coût du travail qui résulte de la stabilité du taux de chômage d'équilibre.

Cependant, en fin de projection, ces enchaînements prennent une ampleur très importante qui s'accroîtrait encore si l'on prolongeait son horizon temporel. Le renchérissement du coût du travail engendre une flambée des prix qui pèse sur la croissance à travers une nette dégradation des échanges extérieurs et les pertes de pouvoir d'achat qui en résultent pour les ménages.

Le taux de chômage atteint 7,2 % en 2006, mais son augmentation serait nettement supérieure au-delà. L'objectif d'un retour au plein-emploi s'éloignerait durablement. A terme, le niveau du taux de chômage dépasserait celui atteint aujourd'hui.

Votre rapporteur en conclut qu'il est indispensable d'adopter des politiques économiques fondées sur un objectif de réduction du taux de chômage d'équilibre.

2. Comment faire baisser le taux de chômage d'équilibre ?

La baisse du taux de chômage d'équilibre est un enjeu crucial. Même si des nuances d'estimation existent, la plupart des experts estiment que ce taux de chômage atteint aujourd'hui 9 %. Autrement dit, le retour au plein-emploi suppose de le réduire.

Votre délégation a récemment présenté un rapport dédié à ce sujet 8 ( * ) . Votre rapporteur vous renvoie à ses conclusions. Mais il souhaite, dans le cadre du présent rapport, mettre en évidence quelques problématiques d'actualité.

• Parmi les stratégies envisageables pour réduire le taux de chômage inflationniste, figure la hausse de la participation au marché du travail des personnes en âge de travailler. Le taux d'activité est, rappelons-le, particulièrement faible en France. La principale mesure prise par le gouvernement pour le redresser est la prime pour l'emploi. Votre rapporteur souligne qu'en projection ses effets sont presque nuls : le taux d'activité des 15-60 ans ne se relève pas. Cela n'est pas surprenant, car le bilan de ce dispositif en termes d'incitation à travailler, tel qu'il a été établi par de nombreux experts, est, a priori , très faible. Votre rapporteur, qui ne peut pas être insensible à la réduction des prélèvements fiscaux que cette mesure comporte et à son inspiration incitatrice au travail, considère que cette mesure, par ailleurs peu lisible, aurait mérité d'être mieux étayée. Elle est bien loin de recouvrir l'excellente proposition de la commission des finances du Sénat d'instaurer un revenu minimum d'activité (RMA). Pourtant, le gouvernement souhaite l'accentuer. Mais sans doute est-il plus sensible à son impact sur le revenu des bénéficiaires qu'à la recherche de solutions alternatives visant à réellement augmenter le taux d'activité de nos compatriotes.

Votre rapporteur s'étonne en particulier, même si lesdites propositions appelaient un approfondissement, qu'aucune des conclusions du rapport du Conseil d'analyse économique sur les retraites progressives n'aient, jusqu'à présent, trouvé de traduction législative.

• La plupart des études conclut qu'une réduction du taux de chômage d'équilibre suppose une modération salariale . En bref, les coûts salariaux unitaires ne doivent pas s'accentuer face à un essor des créations d'emplois. Cette conclusion peut apparaître tautologique. Elle ne l'est pas. Pour qu'une telle configuration survienne, il faut en effet sans doute en appeler à la responsabilité des acteurs sociaux, qui doivent adopter des comportements compatibles avec une évolution sage des salaires . Mais, il faut aussi conduire de bonnes politiques économiques . Votre rapporteur ne considère pas que les orientations du gouvernement répondent à cette condition . Il en donnera deux exemples.

La politique autoritaire de réduction du temps de travail lui semble, en tant que telle, source de rigidification du fonctionnement du marché du travail . Elle renforce la segmentation du marché du travail, aggravant la pénurie de main-d'oeuvre dans les secteurs en expansion et présente une contrainte peu réaliste sur l'offre de travail de ceux qui souhaiteraient travailler davantage. En bref, elle entraîne des pertes de production. Les seules contributions de la réduction du temps de travail à la baisse du taux de chômage d'équilibre proviennent de l'allégement du coût du travail qui lui est associé et de la flexibilité accrue des conditions de travail. Votre rapporteur souligne que la seconde aurait pu être négociée en dehors de toute obligation légale et que le premier, qui n'est pas financé, aurait été, mieux ciblé, plus efficient.

La deuxième illustration a trait à la gestion par l'Etat des fonctions publiques. L'un des devoirs de l'Etat est que sa « politique de personnel » n'évince pas l'emploi privé et reste compatible avec la modération des tensions salariales dans le secteur non public . A ce titre, votre rapporteur s'inquiète des orientations que dessinent les projets de loi de finances publiques en cours de discussion : le retour à un rythme de créations nettes d'emploi élevé ; la réduction du temps de travail étendue aux fonctions publiques. Votre rapporteur observe que l'Etat employeur accentue par ces orientations, non seulement les problèmes d'équilibre des comptes publics, mais aussi le caractère déloyal de la concurrence qu'il livre aux autres agents économiques du pays.

CHAPITRE III

LES TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES

Le modèle e-mod.fr de l'OFCE, utilisé pour réaliser cette projection, ne permet qu'une approche globale des finances publiques.

Son utilisation pour une projection à moyen terme garantit néanmoins la cohérence entre les hypothèses de politique budgétaire, les évolutions macroéconomiques et celles des comptes publics.

Comme chaque année, il a donc été demandé aux équipes de l'OFCE d'en tirer le maximum d'indications sur l'évolution détaillée des finances publiques.

Les résultats de la projection devraient être très favorables. La croissance soutient le redressement des finances publiques. En outre, les hypothèses conventionnellement retenues vont toutes dans le sens d'une maîtrise des dépenses publiques. Pourtant, malgré cette « combinaison facilitante », l'équilibre des finances publiques n'est pas atteint avant 2006. Des évolutions plus tendancielles dégageraient des résultats encore moins bons au regard de l'objectif d'équilibre des comptes publics.

I. UN ÉQUILIBRAGE DES FINANCES PUBLIQUES QUI N'EST PAS ATTEINT AVANT 2006

L'évolution des finances publiques dépend à la fois de l' orientation délibérée de la politique budgétaire et de l' environnement macro-économique .

A. MALGRÉ DES HYPOTHÈSES FAVORABLES...

L'environnement macroéconomique décrit par la projection se caractérise par une croissance soutenue (près de + 2,8 % par an en moyenne), soit une croissance supérieure à la croissance potentielle de l'économie française.

Ce contexte économique porteur favorise spontanément le rééquilibrage des finances publiques. Mais, celui-ci dépend également de l' orientation délibérée de la politique budgétaire.

La définition d'hypothèses sur l'orientation de la politique des finances publiques, et plus particulièrement sur l'évolution des dépenses publiques, est un exercice particulièrement complexe.

Il relève du pronostic lorsque sont en cause les dépenses publiques discrétionnaires, celles sur lesquelles les pouvoirs publics peuvent avoir une action relativement aisée.

Il relève davantage du diagnostic pour les autres dépenses et, en particulier, pour les prestations sociales, dont l'évolution à moyen terme est plus difficile à maîtriser par les pouvoirs publics.

En théorie, le pronostic devrait être facilité par le dévoilement de la politique des finances publiques du gouvernement auquel aboutit l'élaboration annuelle du programme de stabilité à moyen terme que la France notifie désormais dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

En réalité, il n'en est rien pour de multiples raisons. La valeur informative du programme de stabilité reste extrêmement limitée du fait du haut niveau d'agrégation des données qu'il comporte. Il conviendrait sur ce point que lui soit jointe une annexe comptable détaillant les grands postes de charges publiques et explicitant les hypothèses qui en déterminent l'évolution. Mais, est-ce réellement possible à un gouvernement qui, alors, devrait révéler des choix qu'il ne compte pas faire. La question mérite, en tout cas, d'être posée, au vu des résultats d'une étude réalisée l'an dernier pour la commission des finances du Sénat par l'OFCE, qui visait à préciser les hypothèses implicites sous-jacentes au programme de stabilité 2001-2004.

De plus, la valeur prédictive des programmes de stabilité demeure incertaine . L'un des principes des programmes de stabilité français consiste à s'engager à respecter une norme de progression des dépenses publiques. Une conséquence devrait s'ensuivre : à supposer que les dépenses, dont l'évolution est difficilement maîtrisable, s'accroissent plus que prévu, les autres dépenses devraient s'accroître moins. Or, la crédibilité d'un tel mécanisme dépend des constats qu'il est possible de faire sur ses conditions passées d'application.

Etant rappelé que la frontière entre les dépenses discrétionnaires et les autres dépenses est, en pratique, beaucoup moins nette que dans une approche théorique, comme le montre l'inertie d'une partie considérable des charges budgétaires, en théorie maîtrisables, (la masse salariale tout particulièrement), l'on est conduit à un réel scepticisme sur la crédibilité de la politique des finances publiques à moyen terme. De fait, les dépenses publiques ont systématiquement progressé davantage que dans les programmes de stabilité successifs adoptés par les gouvernements depuis 1999 . Ainsi, selon une récente étude du FMI 9 ( * ) , le niveau cumulé des dépenses publiques excéderait en volume de 2,2 % les cibles des différents programmes de stabilité pour la période 1999-2003.

Malgré ces éléments, la projection a été construite en dépenses comme si le programme de stabilité à l'horizon 2004 devait être respecté.

Normes de progression des dépenses publiques dans le programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2004

Administrations publiques

4,5 %

Administrations publiques centrales
(en comptabilité budgétaire)

1,0 %

Administrations sociales

4,8 %

dont maladie

5,5 %

Dont retraites

5,8 %

Administrations publiques locales

5,2 %

Une progression des dépenses publiques de 1,5 % en volume et par an est donc posée en hypothèse jusqu'en 2004 (+ 0,3 % pour les seules dépenses budgétaires). Par la suite pour 2005 et 2006, ces normes sont prolongées pour les dépenses « discrétionnaires » mais, les autres dépenses évoluent en fonction de leurs déterminants naturels.

Pour les recettes, les prélèvements obligatoires sont « modélisés » compte tenu des mesures annoncées par le gouvernement, qui comportent cette année la poursuite du plan d'allégements fiscaux annoncés en septembre 2000, dont l'évaluation initialement réalisée est rappelée ci-après.

ÉVALUATION DU PROGRAMME DE REDUCTION DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES ANNONCE PAR LE GOUVERNEMENT

(en milliards de francs)

2000

2001

2002

2003

Cumul

Total

-110

-88

-49

-30

-277

en points de PIB

-1,1

-0,9

-0,5

-0,3

-2,9

Ménages (hors TVA)

-40

-46

-25

-21

-132

Impôt sur le revenu

-11

-23

-12

-9

-55

CSG CRDS

0

-9

-10

-10

-28

Taxe d'habitation

-11

0

0

0

-11

Droits de mutation, vignette

-15

-3

0

0

-18

Fiscalité pétrolière

0

-8

1

1

-7

Cotisations Unedic

0

-4

-2

-1

-6

Droit de bail, autres

-4

1

-2

-2

-7

TVA

-38

-13

0

0

-51

Entreprises

-31

-29

-25

-10

-94

Taux impôt sur les sociétés

-12

-11

-13

-10

-46

Autres mesures IS

4

8

4

2

18

Taxe professionnelle

-2

-8

-8

0

-18

Fiscalité pétrolière

-1

-2

2

2

1

TGAP

1

4

3

3

11

Cotisations patronales (Forec)

-24

-16

-12

-8

-60

Cotisations Unedic

0

-4

-4

-2

-9

Cotisation sur les bénéfices

4

0

4

4

13

Autres

-2

0

0

0

-2

Source : OFCE.

Au-delà, les taux des prélèvements obligatoires sont réputés constants.

B. ...L'ÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS N'EST PAS ATTEINT AVANT 2006

1. Un retour à l'équilibre qui prend du retard

Exprimé en pourcentage du PIB, le besoin de financement des administrations publiques se réduit en projection de 1,7 point de PIB 10 ( * ) , avec en l'an 2001 un besoin de financement de 1,4 % du PIB et, en l'an 2006, une capacité de financement des administrations publiques de 0,3 point de PIB.

Evolution de la capacité de financement
et de la dette des administrations publiques
a)

( En points de PIB )

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Capacité de financement

- 1,4

- 1,4

- 1,6

- 1,2

- 0,6

- 0,1

0,3

Dette

57,6

57,2

56,9

55,6

53,8

51,6

49,2


a) Rappel : 1999 : - 1,6 ; 58,5.

Cette amélioration du solde public de 1,7 point de PIB est à mettre en rapport avec le besoin de financement potentiel des régimes de retraite qui est évalué pour la période 2005-2010 à 1,5 point de PIB.

La réduction du déficit public, quoique plus lente que prévu, exerce, en soi, des effets favorables sur la dette publique calculée ici au sens de Maastricht 11 ( * ) . Celle-ci rétrograde de 8 points de PIB. Toutefois, ce repli ne résulte pas seulement de la réduction du niveau des déficits dans le PIB. Il résulte aussi de l'hypothèse, qui semble aujourd'hui périmée, de l'encaissement des recettes UMTS à hauteur de 125 milliards de francs en projection. Hors recettes UMTS, le repli de la dette publique dans le PIB n'atteindrait plus que 7,3 points de PIB.

Malgré la réduction du poids de la dette publique dans le PIB qu'extériorise la projection, le niveau de la dette publique ne cesserait de croître jusqu'en 2005 et, en 2006, malgré une légère diminution, le niveau de la dette publique excéderait de 456 milliards de francs celui de 2000.

Evolution de la dette publique 1)

( En milliards de francs )

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

5 307,7

5 444,7

5 611,2

5 735,2

5 799,3

5 806,9

5 763,7

Dans ces conditions, le nécessaire provisionnement des besoins de financement des régimes de retraite ne serait pas même entamé.

2. Un retour à l'équilibre qui n'offre pas de marges de manoeuvre pour des réductions supplémentaires de prélèvements obligatoires

Malgré des hypothèses très prudentes d'évolution des dépenses publiques, l'allégement du poids des dépenses publiques dans le PIB est insuffisant pour offrir les conditions d'une combinaison d'un retour à l'équilibre et d'une baisse significative de la pression fiscale.

Dans la projection, le poids des dépenses publiques n'est réduit que de 2,8 points de PIB entre 2001 et 2006.

Evolution des dépenses des administrations publiques

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Ensemble des dépenses (en points de PIB)

52,8

52,5

52,2

51,4

50,6

50,1

49,7

dont :

masse salariale

13,5

13,5

13,5

13,3

13,0

12,9

12,7

consommations intermédiaires

5,4

5,3

5,3

5,3

5,1

5,1

5,0

investissement

3,0

3,0

3,0

3,0

2,9

2,9

2,9

consommations individualisables

14,0

14,1

14,0

13,9

13,7

13,6

13,5

prestations sociales en espèces

18,0

17,9

17,8

17,4

17,1

16,9

16,9

intérêts versés

3,3

3,3

3,2

3,1

3,0

2,9

2,9

transferts versés

3,5

3,3

3,3

3,5

3,7

3,7

3,7

autres dépenses publiques

1,9

1,9

1,8

1,8

1,8

1,8

1,8

En outre, l'évolution spontanée des recettes fiscales s'élève, compte tenu d'une hypothèse prudente portant sur l'élasticité des recettes fiscales au cours de cette période, à 0,6 point de PIB.

Evolution spontanée des recettes fiscales

(en points de PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

Total
2002-2006

TVA

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Autres impôts indirects

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Impôt sur le revenu

0,2

0,0

0,1

0,0

0,1

0,4

Impôt sur les sociétés

0,0

0,2

- 0,1

- 0,1

0,0

0,0

Autres impôts sur le revenu

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Cotisations employeurs

0,2

0,0

0,0

0,0

0,0

0,2

Cotisations non salariés

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Impôts en capital

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Total

0,4

0,2

0,0

- 0,1

0,1

0,6

Source : OFCE.

Le redressement maximal du solde représente donc à 3,4 points au cours de la période. Or, les mesures fiscales déjà décidées s'élèvent à 1,4 point du PIB entre 2002 et 2006.

Votre rapporteur en tire une conclusion de fond. Malgré des hypothèses très favorables à la modération des dépenses publiques, posées dans le contexte global d'absence de réformes structurelles, les allégements fiscaux déjà décidés ôtent toute marge pour réduire, à terme, les prélèvements obligatoires .

L'avenir est ainsi d'ores et déjà engagé, alors même que les allégements décidés ne débouchent pas sur une réduction significative de la pression fiscale . On remarque ainsi que l'impact de ces « réductions d'impôt » sur la pression fiscale n'excède pas 0,8 point de PIB.

Impact des « allégements » fiscaux décidés

(en points de PIB)

2002

2003

2004

2005

2006

Total
2002-2006

TVA

0,0

Autres impôts indirects

- 0,1

0,0

- 0,1

Impôt sur le revenu

- 0,3

- 0,2

- 0,1

- 0,6

Impôt sur les sociétés

- 0,1

- 0,2

- 0,1

- 0,4

Autres impôts sur le revenu

0,0

0,0

Cotisations employeurs

- 0,1

- 0,1

- 0,2

Cotisations non salariés

0,0

- 0,1

- 0,1

Impôts en capital

0,0

Total

- 0,6

- 0,6

- 0,2

0,0

0,0

- 1,4

Evolution des recettes des administrations publiques 1)

(en % de PIB)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

TVA

7,5

7,5

7,6

7,6

7,6

7,7

7,7

Autres impôts indirects

8,6

8,4

8,3

8,3

8,3

8,3

8,3

Impôt sur le revenu des ménages (dont CSG)

8,5

8,4

8,4

8,1

8,1

8,1

8,2

Impôt sur les sociétés

2,8

2,9

2,8

2,8

2,7

2,6

2,6

Autres impôts sur le revenu et le patrimoine

1,0

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

1,0

Cotisations employeurs

11,4

11,3

11,3

11,2

11,2

11,2

11,2

Cotisations salariés

4,1

4,1

4,1

4,0

4,0

4,0

4,0

Cotisations non salariés

1,0

1,1

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

Impôts en capital

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

Total

45,4

45,2

44,9

44,5

44,4

44,3

44,4

1. Rappel 1999 : 7,8 ; 8,8 ; 8,4 ; 2,6 ; 1,2 ; 11,5 ; 4,1 ; 1,0 ; 0,5 ; 45,8.

Comme le montre le tableau ci-dessus, la pression fiscale reste à peu près inchangée entre 2003 et 2006.

II. DE L'IMPORTANCE DE MAÎTRISER LES DÉPENSES PUBLIQUES

Dans la projection ici présentée, le poids des dépenses publiques dans le PIB ne se replie que grâce à des hypothèses adéquates, qui peuvent paraître trancher avec les tendances lourdes de la dépense publique. On présente ainsi le résultat de variantes réalisées sur la base de variations plus tendancielles. Les équilibres s'en trouvent naturellement affectés.

Mais, avant de présenter ces résultats, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère essentiellement non reconductible des allégements d'impôts lorsqu'ils ne sont pas gagés par une réduction durable des dépenses publiques.

A. UN BILAN FISCAL D'UNE LÉGISLATURE EN TROMPE-L'oeIL

Selon le rapport économique, social et financier pour 2002, le total des allégements fiscaux s'est élevé à 29,8 milliards d'euros (195 milliards de francs) entre juin 1997 et 2002.

Et le rapport de conclure que, sans ces allégements, le taux des prélèvements obligatoires aurait été plus élevé de 2,3 points de PIB en 2002.

Contribution des mesures nouvelles à l'évolution des prélèvements obligatoires 1)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Contribution des mesures nouvelles à l'évolution du taux de P.O.

0,3 %

-0,3 %

-1,0 %

-1,0 %

-0,4 %

Evolution spontanée des prélèvements obligatoires (en points de PIB)

-0,5 %

1,1 %

0,6 %

0,5 %

0,0 %

Evolution totale des prélèvements obligatoires

-0,1 %

0,8 %

-0,4 %

-0,3 %

-0,4 %

Taux de prélèvements obligatoires

44,9 %

44,8 %

45,6 %

45,2 %

44,9 %

44,5 %

1. Rapport économique, social et financier, 2002, p. 149.

Source : Direction de la Prévision, bureau des études fiscales.

Votre rapporteur est perplexe devant cette présentation.

Il fait d'abord observer que, malgré lesdits allégements fiscaux, le repli du taux de prélèvements obligatoires ne s'élève qu'à 0,4 point de PIB entre 1997 et 2002, soit environ 40 milliards de francs 2002, et qu'avec ce taux, la France reste largement en tête des grands pays développés sous l'angle de la pression fiscale.

Il fait également observer que 195 milliards de francs d'allégements fiscaux représentent, en réalité, 1,95 point du PIB de 2002 qui, en prévision, est estimé par le gouvernement à 9 975,4 milliards de francs.

Total des recettes courantes des administrations publiques

(en % de PIB aux prix du marché)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Allemagne

45,7

45,4

45,5

46,1

46,0

44,6

44,6

France

49,7

49,7

49,6

50,4

50,2

49,8

49,6

Italie

45,5

47,2

45,8

46,3

45,5

44,8

44,2

Royaume-Uni

38,6

38,9

40,2

40,5

41,1

40,6

40,2

Europe à 11

46,1

46,3

46,0

46,5

46,2

45,4

45,1

Europe à 15

45,6

45,6

45,5

46,0

45,8

45,0

44,7

Etats-Unis

32,0

32,3

32,7

32,9

33,6

33,8

33,3

Source : Commission européenne.

Mais, il y a plus. Contrairement à ce que déclare le gouvernement, les allégements fiscaux n'ont pas fait réellement bénéficier les Français des fruits de la croissance. Ils n'ont fait que leur restituer les produits d'un système fiscal dont le rendement a été inhabituel.

Le niveau exceptionnel des élasticités des recettes fiscales par rapport au PIB a, en effet, spontanément, mais aussi très inhabituellement, gonflé les recettes fiscales.

Elasticités en valeur des recettes fiscales par rapport au PIB

1997

1998

1999

2000

2001 1)

2002 1)

Elasticité calculée 2)

1,5

0,5

2,5

2,2

2

1,1

Ecart à une élasticité unitaire

+ 0,5

- 0,5

+ 1,5

+ 1,2

+ 1

+ 0,1

1. Prévisions
2. Source : Rapport économique, social et financier pour 2002.

Au cours de la période, les élasticités des recettes fiscales ont, presque constamment, dépassé, et sensiblement, l'élasticité unitaire qui est celle de longue période.

L'élasticité des recettes fiscales au PIB 1)

1. Pour 2001 et 2002 : prévisions.

Source : Direction de la Prévision, bureau des Etudes fiscales .

En tendance, les recettes fiscales ont progressé bien davantage que le PIB.

Variation du PIB et des recettes fiscales en valeur

1997

1998

1999

2000

2001

2002

PIB

3,2

4,4

3,4

4

3,9

4,2

Recettes fiscales (élasticité observée)

4,8

2,2

8,5

8,4

7,8

4,2

Recettes fiscales (élasticité unitaire)

3,2

4,4

3,4

4

3,9

4,2

Sur la base des élasticités décrites par le rapport économique, social et financier, elles auraient spontanément augmenté de 41,5 %, alors que si elles avaient suivi le PIB, elles n'auraient progressé que de 25,4 %.

Les recettes fiscales nettes s'élevaient à 1 359 milliards en 1996. En 2002, elles se montent à 1 729,6 milliards de francs (+ 370 milliards de francs), une fois pris en compte les transferts de recettes fiscales à la sécurité sociale. Or, entre ces deux dates, le rendement du système fiscal a spontanément haussé les produits fiscaux nets à 1 923 milliards (+ 564 milliards). La totalité des recettes « rendues » aux Français (195 milliards) s'explique par l'emballement du système fiscal.

Si celui-ci ne s'était pas réalisé, c'est-à-dire si les recettes fiscales avaient progressé comme le PIB, le supplément de recettes fiscales se serait élevé à 345,2 milliards de francs contre les 564 milliards de francs observés. Ces 345,2 milliards de francs représentent les « vrais fruits » de la croissance, c'est-à-dire le produit fiscal, à pression fiscale inchangée. Les 218,8 milliards en excédent (564 - 345,2 milliards de francs) ne sont que le produit de l'emballement du système fiscal.

On observera deux choses :

• Le gouvernement n'a pas rétrocédé la totalité des recettes fiscales exceptionnelles perçues ; il s'en faut de 24 milliards de francs. D'ailleurs, le taux de pression fiscale de l'Etat (rapport des recettes fiscales nettes au PIB) s'est accru entre 1996 et 2002. Il était en 1996 de 17,09 points de PIB. Il est, en 2002, de 17,33 points de PIB.

• A efforts d'allégements inchangés (- 195 milliards de francs), il eut fallu, pour atteindre le déficit de l'Etat de 2002 (- 1,4 point de PIB), réduire les dépenses d'autant, dans le contexte d'un rendement unitaire du système fiscal.

La « réduction » alléguée des prélèvements obligatoires a simplement consisté à restituer une partie des produits résultant d'un rendement du système fiscal qui a été, vraisemblablement, exceptionnel au cours de la période. Pour « restituer aux Français les fruits de la croissance », le niveau des allégements fiscaux aurait dû excéder sensiblement ce qui a été pratiqué. A ces allégements, il aurait fallu adjoindre le supplément des recettes fiscales résultant de l'accélération de la croissance effective de la France au-delà de sa croissance potentielle. Mais, cela aurait impliqué une réelle maîtrise des dépenses publiques.

En effet, sur la base d'un rendement unitaire du système fiscal et d'une croissance effective qui aurait été parallèle à la croissance potentielle de l'économie française au cours de la période 1997-2002 (+ 2,5 % par an), le niveau des recettes fiscales nettes aurait été, en 2002, de 1 687,9 milliards de francs 12 ( * ) , soit un niveau inférieur à celui prévu pour 2002. L'écart avec les recettes fiscales nettes prévues en 2002 s'élève de fait à près de 41,7 milliards de francs (0,4 point de PIB).

Ainsi, la combinaison d'un écart de croissance favorable et d'un rendement exceptionnel du système fiscal ont apporté 260,5 milliards de francs de recettes non-durables . En tenant comme acquis les 195 milliards de francs d'allégements fiscaux, il eut fallu, pour atteindre la cible du déficit public de 2002, tout en restituant aux Français la totalité des « fruits de la croissance », réduire les dépenses publiques de 65 milliards de francs par rapport au niveau qui est le leur à cette échéance. Le gouvernement a préféré les conserver pour financer autant de dépenses publiques.

Votre rapporteur veut souligner, enfin, les paradoxes des discours politiques qui prétendent « rendre aux Français les fruits de la croissance ». En réalité, nos administrations publiques, en vivant constamment à crédit, prélèvent sur les générations à venir les fruits d'une croissance hypothétique .

B. UNE ILLUSTRATION DES ENJEUX DE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES À PARTIR D'UN EXERCICE DE VARIANTES

Comme on l'a souligné, la projection du compte des administrations publiques est construite sur deux hypothèses favorables : celle d'une croissance rapide excédant la croissance potentielle de l'économie française ; celle aussi de dépenses publiques évoluant à un rythme de 1,5 % en volume entre 2003 et 2006.

Il est donc utile de mesurer ce qui se produirait si l'une ou l'autre de ces conditions faisant défaut.

1. L'impact d'une croissance plus lente

a) Les simulations habituelles

L'impact sur les finances publiques d'une croissance moins rapide comporte quelques difficultés de mesure par un modèle. Tout d'abord, ne sont, en général, calculées que les incidences sur les recettes et, au mieux, pour les dépenses, sur les dépenses d'indemnisation du chômage. Or, les gouvernements peuvent ajuster d'autres dépenses publiques à la hausse, en particulier, les crédits des politiques de l'emploi. En outre, les effets d'un ralentissement économique varient selon son origine. A cet égard, un ralentissement provoqué par les échanges extérieurs est moins « coûteux » en recettes que s'il provient d'une réduction de la demande interne, dont les composantes sont autant d'assiettes fiscales.

Sous le bénéfice de ces préliminaires, les estimations usuelles des effets d'une croissance inférieure de 1 point mettent en évidence une dégradation des recettes de l'ordre de 0,43 point de PIB.

Evaluation pour 2001 de l'impact de la croissance
sur les recettes fiscales

(En milliards de francs courants)

Intensité du ralentissement
de croissance

- 0,4 point de PIB

- 1,0 point de PIB

Etat

5

13

Administrations de Sécurité sociale

8

20

Administrations publiques locales

2

5

Total

15

38

Source : OFCE, e-mod.fr

b) Les effets d'une croissance parallèle à la croissance potentielle

Dans le compte ici présenté, la croissance effective est de 2,8 % en moyenne entre 2002 et 2006, alors que la croissance potentielle s'élève à seulement 2,1 %.

L'écart de croissance - écart de la croissance effective par rapport à la croissance potentielle - est positif. Une telle situation favorise en soi le redressement des finances publiques. Cette contribution n'est cependant pas durable puisque, à terme, la croissance ne saurait, dans le temps, excéder la croissance potentielle. Dans la projection, cet écart de croissance atteint 0,7 point de PIB en moyenne et engendre un supplément de recettes de 0,3 point de PIB par an. Au total, l'écart de croissance atteint 3,5 points de PIB et l'impact cumulé sur les comptes publics de cet écart de croissance s'élève à 1,5 point de PIB 13 ( * ) en 2006.

Ainsi, en ne tenant compte que des incidences fiscales, votre rapporteur souligne que, dans l'hypothèse où la croissance effective suivrait la croissance potentielle, le solde public en 2006 ne s'élèverait pas à + 0,3 point de PIB, mais à - 1,2 point de PIB.

2. Quelques illustrations des conséquences d'une progression plus rapide des dépenses publiques

a) Les effets en projection d'une prolongation des tendances récentes de réduction de la part des dépenses publiques dans le PIB

Dans la projection, les dépenses publiques augmentent de 1,5 % entre 2002 et 2006.

Variation des dépenses publiques

(Taux de croissance en volume)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Ensemble des dépenses

1,3

1,5

1,6

1,5

1,4

1,6

dont :

masse salariale

1,4

2,6

1,6

1,4

1,2

1,1

consommations intermédiaires

0,9

1,1

1,6

1,4

1,4

1,3

investissement

3,1

1,5

1,6

1,4

1,5

1,5

consommations individualisables

2,3

1,6

1,8

1,8

1,7

1,7

prestations sociales en espèces

1,3

1,7

0,9

0,8

1,5

2,1

intérêts versés

2,9

- 0,4

0,0

- 0,3

- 0,3

- 0,2

transferts versés

- 3,5

1,7

8,3

8,0

2,5

2,3

autres dépenses publiques

- 1,0

0,4

2,1

1,8

1,9

2,2

Rappel : 1999 : 2,8 ; 2,8 ; 3,2 ; 4,2 ; 3,0 ; 2,8 ; - 3,8 ; 9,4 ; 1,6
2000 : 1,7 ; 2,2 ; 2,1 ; 6,0 ; 3,0 ; 1,0 ; 0,8 ; - 1,5 ; - 2,7.

Comme le PIB augmente plus vite (+ 2,8 %), la part des dépenses publiques dans le PIB se réduit mécaniquement. Ce repli atteint 2,6 points. Au cours de la période de 1997 à 2000, où la croissance moyenne a atteint le même rythme que dans la projection, la réduction de la part des dépenses publiques dans le PIB n'a été que de 1,4 point.

Si l'on prolongeait cette tendance, le solde public serait dégradé de 1,2 point. L'on passerait d'un excédent de 0,3 point de PIB à un besoin de financem0ent de 0,9 point de PIB en 2006.

b) Les effets d'une progression plus rapide de certaines dépenses

La projection des finances publiques est construite sur une évolution très maîtrisée des dépenses publiques en général, mais tout particulièrement des prestations sociales et de la masse salariale publique.

Pour les prestations sociales , elles s'accroissent de l'ordre de 1,5 % en volume et par an.

Croissance du pouvoir d'achat des prestations sociales

(Taux de croissance annuel, prix 1995)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Retraites

2,0

1,8

1,8

1,8

2,4

3,4

Maladie

3,5

2,3

1,8

1,8

1,8

1,8

Chômage

- 2,4

2,3

- 3,8

- 4,7

- 3,0

- 4,4

Famille, logement, pauvreté et exclusion

0,8

0,3

0,1

0,0

0,0

0,0

Total des prestations

2,0

1,8

1,2

1,1

1,5

2,0

Rappel : 1999 : 3,3 ; 2,5 ; 0,8 ; 3,2 ; 2,8.
2000 : 1,8 ; 3,6 ; - 2,8 ; 0,1 ; 1,8..

Si certains résultats de la projection - la baisse du chômage - et la variation spontanée de certaines données - le volume des retraités - peuvent expliquer cette évolution, elle résulte aussi d'hypothèses propices à une progression modérée des prestations sociales. Tel est en particulier le cas en matière de dépenses de santé. Il est donc utile de mesurer l'impact d'une progression plus soutenue de ces dépenses. En variante, on a retenu l'hypothèse d'une croissance de leur volume de 4 % l'an (soit, à peu près, le niveau de progression effective de l'ONDAM entre 1997 et 2001).

S'agissant de la masse salariale publique, la projection est bâtie sur des hypothèses qui en limitent spontanément l'augmentation.

C'est d'abord le cas pour les salaires . Compte tenu des perspectives d'augmentation du nombre des pensionnés de la fonction publique, les engagements du programme de stabilité du gouvernement supposent, à effectifs inchangés, que les hausses du salaire moyen soient strictement limitées.

Ainsi, une hausse des dépenses de fonction publique limitée à environ 1 % en volume chaque année autorise une augmentation du salaire moyen qui ne saurait excéder 0,75 %. C'est très loin d'être conforme à l'évolution passée des rémunérations des fonctionnaires d'Etat qui a atteint 1,7 % en moyenne annuelle entre 1998 et 1999. C'est encore plus éloigné de la variation du pouvoir d'achat du salaire dans le secteur privé que décrit la projection.

Mais, une autre hypothèse extrêmement favorable doit également être explicitée : elle concerne l'emploi public . La projection intègre à l'horizon 2002 la création de 16 000 postes de fonctionnaires d'Etat et de 15 000 postes dans la fonction publique hospitalière. Mais, par la suite, conformément au programme pluriannuel de finances publiques, l'emploi public est maintenu constant. Ainsi, après 2002, la réduction du temps de travail dans la fonction publique n'est plus censée produire d'effet sur le nombre des agents publics.

Afin d'illustrer le poids de ces différents partis pris, une variante a été réalisée, mesurant :

• l'impact sur les comptes publics d'une croissance en volume des dépenses de santé de 4 % l'an, contre 1,8 % dans le compte central ;

• et l'effet d'une progression de l'emploi public de l'ordre de 0,4 % par an.

Résultats de la variante

2002

2003

2004

2005

2006

Impact en millions de francs

Dépenses santé

11 132

19 234

22 817

28 280

34 179

Masse salariale due à l'emploi public

0

5 436

6 240

4 923

5 191

Dépenses publiques

5 153 292

5 302 959

5 458 153

5 639 005

5 830 819

Dépenses en % des dépenses publiques

Dépenses santé

0,2

0,4

0,4

0,5

0,6

Masse salariale due à l'emploi public

0,0

0,1

0,1

0,1

0,1

Total

0,2

0,5

0,5

0,6

0,7

Prestations sociales en volume

0,4

0,9

1,4

1,9

2,4

Masse salariale des administrations publiques

0,0

0,4

0,8

1,2

1,5

Au total, les dépenses publiques s'accroissent à un rythme de l'ordre de 2 % l'an contre 1,5 % dans le scénario central. Le solde public, au lieu de présenter un excédent en 2006 (+ 0,3 point de PIB) reste déficitaire (- 0,2 point de PIB).

Dans la variante, l'impact de la progression de l'emploi public sur les comptes est modeste. L'augmentation de l'emploi public de 0,4 point testée en variante n'augmente les dépenses publiques que de 0,1 point. Ce résultat est acquis grâce à l'hypothèse d'une très faible progression des salaires moyens dans la fonction publique. Il est en outre dépendant du niveau de l'emploi public supplémentaire qui est limité à 0,4 %, soit 23 000 emplois de plus par an. Cette hypothèse suppose que la réduction du temps de travail (RTT) dans la fonction publique ne provoquerait que très peu de créations d'emplois. Aux 16 000 emplois de fonctionnaires de l'Etat créés en 2002, et imputés par convention à la RTT, et aux 15 000 emplois créés cette même année dans la fonction publique hospitalière, viendraient s'ajouter un supplément de 36 000 emplois à fin 2003. Au total, la RTT dans les fonctions publiques engendrerait entre 1 14 ( * ) et 1,2 % d'effectifs supplémentaires.

Ce résultat peut être mis en parallèle avec les créations d'emplois potentielles que pourrait provoquer une réduction du temps de travail effectif limitée à 5 % (contre les 11 % théoriques décidés dans le secteur privé).

Dans cette hypothèse, le supplément de masse salariale dû à l'emploi public atteindrait 0,5 point par an.

Le solde public s'en trouverait dégradé de 0,8 point de PIB en 2006, année où, d'une capacité de financement de 0,3 point de PIB dans le scénario central, on passerait à un besoin de financement de 0,5 point de PIB.

ANNEXE

UNE PROJECTION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
(2001-2006)

SOMMAIRE

Pages

I. CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'EXERCICE 74

A. UNE PROJECTION MACROÉCONOMIQUE TENDANCIELLE 74

B. UNE EXPLORATION CENTRÉE SUR LE RETOUR AU PLEIN EMPLOI 74

1. Un objectif retardé 74

2. Un résultat soumis à des conditions exigeantes 74

II. PRINCIPALES HYPOTHÈSES DE LA PROJECTION 74

A. LES HYPOTHÈSES D'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL 74

B. TAUX D'INTÉRÊT ET TAUX DE CHANGE 74

III. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS 74

A. LA CROISSANCE 74

B. LES MÉNAGES 74

C. LES ENTREPRISES 74

D. LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS 74

E. L'EMPLOI ET LE CHÔMAGE 74

F. LES PRIX 74

IV. TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES 74

A. LES RECETTES 74

B. ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES 74

1. La masse salariale 74

2. Les consommations intermédiaires 74

3. Les investissements publics 74

4. Les prestations sociales 74

a) Les prestations maladies 74

b) Les prestations vieillesse 74

c) Les prestations chômage 74

d) Les autres prestations 74

C. L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES À MOYEN TERME 74

Cette note, établie par la Division des Etudes macroéconomiques du Service des Etudes du Sénat, présente les résultats d'une projection réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide du modèle e-mod.fr.

I. CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'EXERCICE

A. UNE PROJECTION MACROÉCONOMIQUE TENDANCIELLE

Cette projection de l'économie française à l'horizon de cinq ans - 2006 en est le terme - a été réalisée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide de son modèle de simulation de l'économie française, e-mod.fr . Elle est de nature essentiellement macro-économique.

Les équipes de l'OFCE se sont toutefois attachées à en tirer le maximum d'indications sur l'évolution des finances publiques (principalement au cours des années 2001, 2002 et 2003).

Si les résultats affichés pour les deux premières années (2001 et 2002) peuvent être considérés comme une prévision, les quatre années suivantes ne décrivent pas le scénario le plus probable, mais plutôt une extrapolation des tendances à l'oeuvre jusqu'en 2001. Il s'agit d'illustrer, par une projection à cinq ans, les questions et les choix devant lesquels se trouvent aujourd'hui les responsables de la politique économique.

Dans le but de mettre à disposition des Sénateurs une telle « illustration » les évolutions macroéconomiques ont délibérément un caractère tendanciel.

Ce choix influence notamment deux catégories d'hypothèses :

- Le scénario d'environnement international à moyen terme, qui sert de cadre à la projection de l'économie française, a été élaboré à partir des estimations de croissance potentielle réalisée par l'OCDE, ou par le FMI pour les zones hors OCDE, pour les années 2003 à 2006. Le scénario d'environnement international prolonge donc les évolutions constatées sur le passé.

- Les prix des partenaires étrangers de la France évolueraient de manière telle que la compétitivité prix de l'économie française serait stable à partir de 2003. Une hypothèse de cette nature a évidemment un caractère conventionnel, mais il est hasardeux d'en bâtir une autre dans le cadre d'un exercice de moyen terme.

Au regard des choix opérés, il est logique que les évolutions macroéconomiques décrites par la projection prolongent les tendances lourdes à l'oeuvre dans l'économie française.

B. UNE EXPLORATION CENTRÉE SUR LE RETOUR AU PLEIN EMPLOI

1. Un objectif retardé

Le scénario présenté est un scénario de retour au plein emploi, défini par un taux de chômage à 5 %. L'économie française est marquée par un taux de chômage élevé (environ 9 % en 2001), symptôme de ressources productives inutilisées. La perspective de moyen terme est celle du retour vers le plein emploi à l'horizon 2010.

Afin d'enregistrer un recul du chômage, la croissance française doit être supérieure à son potentiel de long terme. Cette croissance potentielle est de l'ordre de 2,4 % par an - même si ce chiffre est entouré des incertitudes relatives au rythme futur de la productivité du travail - et ralentirait à l'horizon 2006 à 2 % en conséquence d'une moindre croissance de la population active.

Depuis l'année 1997, la France a effectivement eu une croissance supérieure à son potentiel. En moyenne, la croissance a été supérieure à 3 %. Depuis le début de l'année 2001, les économies mondiales connaissent un ralentissement net auquel la France n'échappe pas. Le retour vers une trajectoire de croissance plus élevée devrait demander quelques trimestres. Ceci fonde un scénario où le ralentissement se prolongerait jusqu'au deuxième semestre de l'année 2002, puis laisserait place à une reprise. En moyenne annuelle, la croissance des années 2001 et 2002 serait de 2 %, à opposer aux 3 % observés antérieurement.

Par rapport à des scénarios antérieurs de retour au plein emploi, la croissance plus faible des années 2001 et 2002 induit un retard important . Ainsi, au lieu d'un retour au plein emploi à l'horizon 2005-2006 15 ( * ) , celui-ci se situe vers les années 2008-2010.

2. Un résultat soumis à des conditions exigeantes

Ce résultat n'est acquis qu'à la condition d'une croissance effective supérieure à la croissance potentielle.

Comme l'OFCE l'a déjà exploré dans des travaux antérieurs, une croissance supérieure à la croissance potentielle suppose deux types de conditions :

- D'une part, une demande et une offre soutenues sont nécessaires . Cela est vrai pour la demande des ménages, ce qui suppose que leur revenu disponible brut soit en expansion. Cela est aussi vrai pour les entreprises, à travers leur investissement qui est non seulement une composante de la demande mais qui, de plus, permet d'augmenter les capacités de production afin de pouvoir satisfaire la demande.

- D'autre part, une évolution structurelle dans la formation des prix et des salaires est nécessaire . Le taux de chômage n'accélérant pas l'inflation (NAIRU) doit se réduire afin de permettre une baisse du chômage sans que des tensions inflationnistes ne se déclenchent, ne compromettent le processus de croissance et, in fine , la réduction du chômage.

S'agissant des finances publiques, la projection tient compte d'un objectif de redressement justifié par le souci de maîtriser l'évolution de la dette publique et de respecter les engagements pris par la France dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. La politique budgétaire a donc été calée sur la programmation pluriannuelle des finances publiques présentée en janvier 2001 à la Commission européenne. Il faut souligner qu'à l'évidence, ce programme n'intégrait pas l'impact du ralentissement constaté depuis le début de l'année 2001 sur les déficits des administrations publiques et les réactions de politique économique qui pourraient en découler.

L'hypothèse d'une application rigoureuse du programme de stabilité se traduit par une stabilité de l'évolution des dépenses publiques par rapport à leur rythme de croissance de longue période. Celles-ci croîtraient de 1,5 % en moyenne sur la période 2001-2006. L'hypothèse retenue traduit cependant un relâchement dans la maîtrise des dépenses publiques par rapport aux années récentes 16 ( * ) .

La projection met en évidence la poursuite de l'inflexion des tendances de l'économie française. La croissance affichée en projection (+ 2,6 % par an en moyenne sur le moyen terme) est en effet nettement plus élevée qu'au cours de la période 1990-1998 (1,4 % par an), qui était marquée par des conditions monétaires (taux d'intérêt et taux de change) particulièrement pénalisantes et caractérisées par un fort ralentissement de l'activité. Elle est aussi plus rapide au cours d'une période plus longue allant de 1980 à 1998, où elle fut de 1,9 %.

L'économie française rattrape ainsi son retard, avec une croissance supérieure à son taux de croissance potentielle (2,4 % par an en 2001). Cependant, cet écart entre croissance effective et potentielle se réduit progressivement, le phénomène de rattrapage s'atténuant.

L'accélération de l'activité allège la contrainte sur les finances publiques. Alors que les dépenses restent maîtrisées, la croissance apporte des recettes fiscales qui viennent réduire le déficit.

II. PRINCIPALES HYPOTHÈSES DE LA PROJECTION

A. LES HYPOTHÈSES D'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

Pour la période 2003-2006, la croissance de nos principaux partenaires est évaluée à partir des estimations de leur croissance potentielle réalisée par l'OCDE (tableaux 1 et 2) ou le FMI pour les zones hors OCDE.

Tableau 1 : Croissance potentielle des principaux partenaires européens de la France

Source

France

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Espagne

Pays-Bas

Belgique

Autre UE

Euro

UE 15

OCDE

2,6

2,3

2,5

2,2

2,8

2,8

2,4

3,5

2,6

2,5

FMI

(16,8 %)

(9,3 %)

(10,6 %)

(7,3 %)

(4,4 %)

(8,7 %)

(6,4 %)

(52%)

(63,5 %)

Entre parenthèses figurent les parts de marché des différents partenaires avec la France

Source : OCDE, FMI

Tableau 2 : Croissance potentielle des principaux partenaires hors européens de la France

Source

Etats-Unis

Japon

Autre Europe

Autre OCDE

Total OCDE

Afrique

Amérique latine

Asie

M.O.

Europe Est

OCDE

3,5

1,2

2,4

2,7

2,7

FMI

5,1*

4,6*

7,1*

5,0*

2,9**

(5,8 %)

(2 %)

(5,8 %)

(2 %)

( 79,1%)

(6,2 %)

(3,7 %)

(5,2 %)

(3,2 %)

(2,6 %)

* Ce chiffre correspond à la prévision du FMI de la zone pour la période 2003-2006.

** Ce chiffre correspond à la moyenne de la croissance de cette zone sur les dix dernières années.

Entre parenthèses figurent les parts de marché des différents partenaires avec la France

Source : OCDE, FMI

Ces hypothèses de croissance potentielle retenues, la demande étrangère structurelle adressée à la France est évaluée à l'aide de l'élasticité des importations à la croissance de chacun des partenaires de la France. Cette dernière progresse de 7,5 % en 2003, 6,5 % en 2004, 5,5 % en 2005 et 4,5 % en 2006.

Tableau 3 : Importations de produits manufacturés (en volume)

Part dans le commerce

Variations par rapport à la période précédente en %

en 1998

2000

2001

2002-2006

Monde

100,0

13,5

1,1

3,3

Pays industrialisés

69,2

11,4

0,4

2,8

Union Européenne

38,4

11,1

3,2

3,2

Etats-Unis

16,8

13,5

-2,1

1,9

Japon

5,5

10,8

-2,5

-0,3

Autres pays industriels 1

8,3

8,8

-5,0

4,9

PED

30,8

18,2

2,5

4,3

Amérique Latine 2

5,6

12,7

-5,0

3,0

Asie

16,2

20,9

-0,5

3,2

Afrique

2,0

8,3

4,3

6,1

Moyen-Orient

2,3

16,8

24,6

9,5

Ex-URSS

1,7

21,7

15,9

8,4

PECO

3,0

18,3

10,5

5,0

1 Australie, Canada, Islande, Israël, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse, Turquie.

2 Y compris Mexique.

Sources : OCDE, sources nationales, estimations et prévisions OFCE

Tableau 4 : Principales hypothèses d'environnement international

1999

2000

2001

2002

2003-2006*

Evolution du PIB en %

- Union Européenne

2,6

3,4

1,7

1,9

2,5

- dont Zone Euro

2,6

3,4

1,6

1,9

2,6

- dont Allemagne

1,7

3,2

0,9

1,6

2,3

- dont Italie

1,6

2,9

1,8

1,6

2,2

- OCDE

2,6

2,5

2,5

2,5

2,7

- dont Etats-Unis

4,1

4,1

1,1

1,2

3,5

- dont Japon

0,8

1,5

-0,7

0,1

1,2

- Demande mondiale 1

2,5

13,5

1,1

3,3

3,3

* Taux de croissance potentiel annuel sur les années 2003-2006

1 En produits manufacturés

Par ailleurs, est posée l'hypothèse conventionnelle que la compétitivité-prix de la France ne sera pas modifiée à l'horizon 2005. Cela signifie que les évolutions des prix des concurrents en francs évolueront au rythme des prix français.

B. TAUX D'INTÉRÊT ET TAUX DE CHANGE

Par convention, la projection prolonge à l'horizon du moyen terme les prévisions à court terme (2001-2002) de taux d'intérêt et de taux de change que l'OFCE vient de présenter 17 ( * ) .

Depuis fin août 2001, le taux de change euro/dollar oscille autour de 0,92. Alors que le différentiel de croissance entre les États-Unis et la zone euro s'est inversé, que les taux longs sont égaux, et que persiste un déficit courant américain important, le dollar s'est maintenu à un niveau élevé, grâce à l'entrée de capitaux à long terme attirée par la capacité d'innovation et la rentabilité des entreprises américaines. A l'inverse, la zone euro, perçue comme une zone de faible croissance, et mal organisée, a souffert d'une fuite structurelle de capitaux.

Les attentats n'ont guère eu d'influence sur le taux de change euro/dollar, les marchés ayant considéré que si les États-Unis étaient plus frappés, ils avaient aussi plus la capacité et la volonté de soutenir la croissance. Cependant, la prévision de l'OFCE retient une légère appréciation de l'euro jusqu'à 0,98 dollar fin 2002. La médiocrité des perspectives économiques japonaises pousserait encore le yen à la baisse, jusqu'à 1 dollar pour 125 yen. La livre ne se déprécierait que faiblement, jusqu'à 1,50 euro fin 2002, les autorités britanniques semblant se résigner à s'arrimer à l'euro à un taux peu compatible avec leur compétitivité industrielle.

A partir de janvier 2001, la Fed a fortement réagi à la baisse de l'activité en baissant son taux court de 6,5 % à 3,5 %. Après les attentats du 11 septembre 2001, la Fed a, de nouveau, baissé son taux à 3 %, puis le 2 octobre à 2,5 %, niveau jamais vu depuis 1962. La Fed fait tout pour éviter un krach boursier ou une récession. Le taux remonterait au deuxième trimestre 2002 à 3 % pour se situer à 4 % fin 2002. La prise de conscience, durant l'été, de la fragilité de la reprise américaine a fait baisser les taux à 10 ans à 4,9 %, puis à 4,5 % après les attentats. Leur baisse a été ralentie par les anticipations de gonflement des déficits publics et les craintes d'une moindre vigilance de la Fed vis-à-vis de l'inflation. A l'horizon de la prévision, les taux longs remonteraient progressivement à 5 %. Depuis le 19 mars 2001, la Banque du Japon est revenue à une politique implicite de taux zéro. La Banque centrale européenne (BCE) a longtemps refusé de réagir à la baisse du rythme de croissance de l'activité, arguant que l'inflation était au-dessus du niveau de référence. Après les attentats, elle a participé au soutien de l'activité en baissant son taux d'intérêt de 0,5 point à 3,75 %. Dans notre prévision, la BCE suit encore la Fed et baisse son taux de 0,25 point au quatrième trimestre 2001, puis le remonterait à partir de la mi-2002 quand l'activité repartirait.

Tableau  : Hypothèses de taux de change, de taux d'intérêt
et de prix des matières premières

1999

2000

2001

2002-2006

Taux d'intérêt courts1

- Etats-Unis

5,2

6,5

3,8

3,3

- Japon

0,2

0,2

0,1

0,0

- Allemagne puis zone Euro

2,8

4,4

4,3

3,8

- Royaume-Uni

6,1

5,1

4,6

Taux d'intérêt longs1

- Etats-Unis

5,6

6,0

5,0

4,9

- Japon

2

1,8

1,3

1,3

- Allemagne puis zone Euro

4,5

5,4

5,0

5,0

- Royaume-Uni

5,3

4,9

4,8

Taux de change1

- 1 $=...Yen

114,5

108

121

124

- 1 Livre= ...euro

1,50

1,64

1,59

1,51

- 1 euro = ...$

1,07

0,92

0,91

0,98

Prix du pétrole, Brent en $ 1

1,50

1,64

1,59

1,51

Cours des matières premières industrielles 2

1,07

0,92

0,91

0,98

1. Moyenne sur la période

2. Variation par rapport à la période précédente, en %.

Sources : Taux de change et pétrole : relevé des cotations quotidiennes. Taux courts à 3 mois : papier commercial aux Etats-Unis, certificats de dépôts au Japon, EURIBOR pour la zone euro, interbancaire au Royaume-Uni. Taux longs : T-Bond aux Etats-Unis, Benchmark à 10 ans au Japon, cours moyen des obligations d'Etat à 10 ans au Royaume-Uni. Matières premières industrielles : indice HWWA (Hambourg), Prévisions OFCE

III. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

A. LA CROISSANCE

L'évolution du PIB et de ses principales composantes est décrite dans le tableau ci-dessous :

Evolution du PIB et de ses principales composantes 2000-2006

(croissance en % en volume)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

PIB en volume

3,0

3,4

2,0

2,1

3,3

3,2

2,7

2,5

Importations

4,2

15,2

1,9

3,5

7,2

7,7

6,5

5,4

Consommation des ménages

3,1

2,7

2,6

2,7

3,8

3,6

2,9

2,8

FBCF 1) des SNF-EI 2)

5,9

7,1

4,1

2,2

5,3

4,4

3,6

3,0

FBCF des ménages hors EI

7,6

4,6

-0,3

0,2

3,4

6,1

5,7

4,9

Exportations

3,9

13,4

2,7

2,6

6,5

7,1

6,1

5,2

Variations de stocks (contribution)

-0,4

0,3

-0,7

0,2

0,2

0,0

0,0

0,0

1. FBCF : Formation brute de capital fixe.

2. SNF-EI : Sociétés non financières et entrepreneurs individuels.

Les années 2001 et 2002 correspondent à la dernière prévision de court terme présentée par l'OFCE. En 2001, la croissance pâtit du ralentissement américain à l'oeuvre depuis 2000. Les ajustements sont réalisés d'ici la fin 2002. La consommation des ménages resterait solide, le pouvoir d'achat des ménages étant soutenu par les allégements fiscaux et le reflux de l'inflation, et permettrait un rebond de l'activité dès la mi-2002.

En moyenne, au cours des années 2003 à 2006, la croissance se stabilise à 2,8 %, un rythme supérieur à la croissance observée depuis 1978 (2,1% en moyenne par an). Cependant, l'économie française ne rattrape pas le retard par rapport à son potentiel qu'elle a accumulé en 2001 et 2002.

Le tableau ci-dessous décrit l'évolution des contributions à la croissance du PIB en projection.

Contributions à la croissance du PIB

(en points de PIB)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Consommation des ménages

1,4

1,4

2,1

1,9

1,6

1,5

FBCF des ménages hors EI

0,0

0,0

0,2

0,3

0,3

0,2

FBCF des SNF-EI

0,5

0,3

0,6

0,5

0,4

0,4

Dépenses des administrations

0,5

0,5

0,4

0,4

0,4

0,4

Variations de stocks (contribution)

-0,7

0,2

0,2

0,0

0,0

0,0

Demande intérieure

1,8

2,3

3,4

3,2

2,7

2,5

Solde extérieur

0,3

-0,2

-0,1

0,0

0,0

0,0

B. LES MÉNAGES

Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques du compte des ménages dans la projection.

Principales caractéristiques de l'évolution du compte des ménages 1)

(en points de PIB)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Evolution du pouvoir d'achat (en %)

3,4

3,1

2,2

3,9

3,3

2,8

3,0

Masse salariale

3,7

3,3

2,4

2,9

2,8

2,3

2,2

Prestations sociales

4,0

1,5

2,3

1,4

2,8

2,3

2,2

Revenu disponible brut

3,4

3,1

2,2

3,9

3,3

2,8

3,0

Consommation des ménages (en % et en volume)

2,7

2,6

2,7

3,8

3,6

2,9

2,8

Taux d'épargne des ménages

15,9

16,4

16,0

16,1

15,9

15,8

16,0

1. Rappel 1999 : 2,7 ; 4,0 ; 4,6 ; 2,7 ; 3,1 ; 15,3.

A moyen terme, le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages croîtrait plus rapidement (+3,0 %) que pendant la dernière décennie (+1,6 %). Cette période, marquée par un mouvement de désinflation favorable au revenu des ménages, a aussi été caractérisée par une croissance faible du pouvoir d'achat des salaires horaires et un alourdissement sensible des prélèvements obligatoires de 1995 à 1999. Dans la projection, le revenu disponible croîtrait légèrement plus rapidement que le PIB, si bien que sa part reviendrait à son niveau du début des années 1990.

A moyen terme, la consommation est soutenue par le dynamisme du pouvoir d'achat du revenu. Le taux d'épargne se stabilise au niveau qu'il a atteint en 2000, à 16 %. Ce niveau de taux d'épargne est relativement élevé par rapport à sa moyenne décennale (15,3 %). Il est cependant nécessaire pour stabiliser le patrimoine des ménages par rapport au PIB en l'absence de plus-values.

Pour une part importante, le dynamisme du revenu des ménages s'explique par celui des dividendes et intérêts versés par les entreprises. Il s'agit là d'une hypothèse en ligne avec les variations observées au cours des années récentes, mais qui reste à vérifier. Notons toutefois qu'elle pourrait être équivalente à un autre scénario, où les versements de dividendes des entreprises vers les ménages seraient plus faibles, engendrant des plus-values sur les placements des ménages qui diminueraient leur taux d'épargne du fait de l' effet richesse associé à ces plus-values.

Dans le cas où le revenu des ménages serait moins dynamique (stabilisation de la part du revenu disponible dans le PIB) et où le taux d'épargne resterait stable, le PIB serait inférieur de 0,7 % en 2006 à celui du compte central, soit une croissance diminuée de presque 0,2 point par an de 2003 à 2006. Le taux de chômage serait supérieur de 0,3 point en 2006, ce qui diminuerait les tensions sur les prix. L'inflation serait inférieure de 0,1 point par an. La moindre croissance creuserait le déficit public de 0,4 point de PIB en 2006.

C. LES ENTREPRISES

Les principales caractéristiques du compte des entreprises et l'évolution de l'investissement sont décrites dans le tableau ci-dessous :

Principales caractéristiques de l'évolution du compte des entreprises 1)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Taux de marge

39,9

39,4

39,3

39,4

39,2

39,1

38,9

Taux d'investissement

17,7

17,9

17,9

18,3

18,6

18,8

18,9

Taux d'autofinancement (hors stocks)

83,7

74,4

75,7

70,4

65,1

60,4

55,7

Investissement

7,1

4,1

2,2

5,3

4,4

3,6

3,0


1. Rappel : 1999 : 39,9 ; 17,1 ; 90,9 ; 5,9.

L'effet accélérateur de l'investissement observé de 1997 à 2000 avec la reprise est annulé sur moyen terme. La croissance soutenable en France est atteinte lorsque l'investissement croît au même rythme que le PIB et donc que le taux d'investissement des entreprises se stabilise.

Du fait de la baisse du chômage, les coûts salariaux progressent plus rapidement que les prix de production. Aussi le taux de marge des entreprises se dégrade encore à moyen terme. Cela a pour conséquence une diminution de l'épargne et donc de l'autofinancement des entreprises. Cela n'est possible que parce que leur endettement est revenu à des bas niveaux et que les hypothèses de coût du financement externe sont favorables. Le patrimoine net des entreprises se stabilise.

Dans le cas où le taux d'investissement des entreprises se stabiliserait à son niveau de début 2001, la croissance serait plus faible de 0,15 point par an en moyenne et le PIB serait ainsi réduit de 0,6 point en 2006. L'impact de cette variante est déflationniste du fait d'un chômage plus élevé de 0.3 point en 2006. Le déficit public en % du PIB se creuserait de 0,2 point.

D. LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS

En prévision, l'évolution des échanges extérieurs en volume dépend de la compétitivité-prix et de l'écart de croissance entre la France et les autres pays.

La demande étrangère progressera beaucoup plus lentement en 2001 et 2002 (aux alentours de 2,4 % en 2001 et 3,6 % en 2002, contre 10,9 % en 2000) qu'au cours des dernières années, malgré une légère reprise escomptée pour la deuxième moitié de l'année 2002.

Cette décélération de la demande étrangère est liée au ralentissement de l'économie américaine et à sa diffusion chez nos principaux partenaires. Le ralentissement américain s'accompagnerait d'une appréciation de l'euro vis-à-vis du dollar, qui passerait de 0,87 fin 2000 à 0,94 dollar fin 2001. Cette appréciation de la monnaie européenne affectera la compétitivité-prix de la France et ses parts de marché.

Cet environnement extérieur limitera la croissance des exportations à 2,7 % en volume pour l'ensemble des biens et services en 2001 et 2002. Les importations augmenteront de 1,9 % en 2001 et de 3,5 % en 2002.

La contribution du commerce extérieur à la croissance française sera positive en 2001 (0,3 point) grâce aux opérations exceptionnelles (livraisons de paquebots et d'Airbus) puis négative en 2002 (-0,2 point). Hors opérations exceptionnelles, elle est négative en 2001 (-0,3 point), reflétant le différentiel de croissance entre la France et ses principaux partenaires.

Pour l'ensemble des biens et services, le solde de la balance commerciale devrait enregistrer un excédent de 23,7 milliards d'euros en 2001 et 22,2 milliards en 2002, contre 20,2 milliards en 2000 et 33,2 milliards en 1999. A moyen terme, sont posées les hypothèses d'une stabilisation de la compétitivité et des parts de marché ainsi que d'un retour des économies partenaires vers leur sentier de croissance potentielle. La contribution du solde extérieur à la croissance est nulle. Compte tenu de ces conventions, habituelles lors d'une projection à moyen terme, il est difficile de tirer des enseignements significatifs des échanges extérieurs.

Par ailleurs, la capacité de financement de la Nation est toujours positive, ce qui veut dire que l'épargne des ménages excède les besoins de financement des autres agents.

Principales caractéristiques de l'évolution des échanges extérieurs 1)

Pourcentage annuel d'accroissement
en volume

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Demande étrangère de produits manufacturés

10,9

2,8

3,7

7,8

7,1

6,0

5,0

Importations en volume

15,2

1,9

3,5

7,2

7,7

6,5

5,4

Exportations en volume

13,4

2,7

2,6

6,5

7,1

6,1

5,2

Contribution des échanges extérieurs à la croissance (en points de PIB)

-0,1

0,3

-0,2

-0,1

0,0

0,0

0,0

Taux de couverture en valeur (pourcentage moyen sur la période pour l'ensemble des biens et services)

105,3

105,9

105,3

103,8

102,7

101,9

101,3

Solde des biens et services (en milliards d'euros)

28

32

29

28

27

27

28

Capacité de financement de la Nation (en % du PIB)

-1,5

-1,6

-1,5

-1,2

-0,8

-0,7

-0,5


1. Rappel : 1999 : 5,9 ; 4,2 ; 3,9 ; 0,0 ; 110,4 ; 30 ; - 2,2.

E. L'EMPLOI ET LE CHÔMAGE

Les perspectives de l'emploi et du chômage sont fondées sur l'hypothèse d'une croissance de la productivité horaire tendancielle de 1,6 %, qui prolonge les évolutions récentes.

La progression de l'emploi qui découle de cette hypothèse de productivité et de la croissance économique est de 0,8 % à moyen terme, soit presque 200 000 créations nettes d'emplois par an.

L'OFCE retient par ailleurs l'hypothèse d'un ralentissement de la population active, qui croîtrait de 160 000 en 2003 à 60 000 en 2006. Cette évolution est en ligne avec les projections de l'INSEE. Elle est légèrement supérieure à celle de la population en âge de travailler et s'en rapproche au fur et à mesure que le taux de chômage se rapproche de son niveau de plein emploi. En effet, en période de ralentissement de l'activité et d'augmentation du chômage, des actifs potentiels peuvent renoncer à se présenter sur le marché du travail («  travailleurs découragés », allongement de la durée des études). Inversement, en période d'amélioration conjoncturelle, des personnes jusque-là découragées se présentent sur le marché du travail, entraînant ainsi une évolution de la population active observée supérieure à celle de la population en âge de travailler.

L'évolution de l'emploi est plus rapide que celle de la population active, si bien que le nombre de chômeurs diminue dans la projection d'environ 110 000 par an. Le taux de chômage régresserait ainsi régulièrement, passant de 8,9 % en 2001 à 6,8 % en 2006.

Emploi et chômage 1)

Evolution moyenne (en milliers)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Emploi total

545

446

212

281

234

198

166

Population active totale

187

288

153

161

110

106

57

Nombre de chômeurs

-358

-158

-59

-119

-124

-92

-109

Taux de chômage (au sens du BIT)

9,5

8,9

8,6

8,1

7,6

7,3

6,8


1. Rappel : 1999 : 417 ; 283 ; - 135 ; 11,0.

F. LES PRIX

Du fait de la baisse du chômage, les prix accélèreraient. L'inflation resterait cependant en France au-dessous de la cible de la BCE, à 2,0 % à l'horizon de 2006.

Inflation 1)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Prix à la consommation

1,2

1,4

1,5

1,3

1,4

1,9

1,7

Salaire horaire

4,6

3,8

3,2

3,2

3,5

3,4

3,3

Salaire horaire réel

3,4

2,4

1,6

1,9

2,0

1,5

1,6

Productivité horaire

2,3

0,6

1,4

1,9

1,8

1,4

1,4

Coûts salariaux par unité produite

1,3

2,3

1,6

0,9

1,5

1,8

1,8


1. Rappel : 1999 : 0,2 ; 3,1 ; 3,0 ; 1,7 ; 1,2.

Le scénario extériorise un taux de chômage s'établissant à 6,8 % en 2006 avec un maintien de l'inflation en dessous de 2 % par an. Ce résultat suppose vérifiée une hypothèse lourde : celle d'une baisse du taux de chômage d'équilibre à 5 %.

Ce concept, issu de la théorie du « chômage naturel » de Milton Friedman (1968), a connu des appellations diverses : NAIRU, NAWRU, chômage de long terme ou chômage structurel. Elle repose sur l'idée selon laquelle au-dessous de ce niveau « naturel », toute baisse du chômage observé a, dans un premier temps, pour contrepartie une accélération de l'inflation ; puis dans un deuxième temps, du fait de la spirale prix-salaires qui découle de cette inflation, le taux de chômage revient à son niveau structurel initial. Au total, la baisse du chômage, n'aurait donc été que transitoire, tandis que ses conséquences inflationnistes seraient définitives. Selon cette théorie, les politiques actives de la demande d'inspiration keynésienne sont inadéquates pour combattre le chômage structurel. Seules des réformes structurelles permettraient de diminuer ce niveau « naturel ».

Cette analyse a fait l'objet d'abondantes controverses quant à ses soubassements théoriques mais également sur sa validité empirique. Certains éléments théoriques permettent d'entrevoir une baisse de ce chômage non inflationniste. Les théories de l'hystérèse montrent comment ce chômage a augmenté avec le taux de chômage observé, du fait notamment de son impact sur le capital humain. A l'inverse, une baisse du taux de chômage pourrait amener une baisse du taux de chômage d'équilibre. En outre, il est probable que l'expérience d'une longue période d'absence d'inflation et le renforcement de la crédibilité de la banque centrale européenne modifient les anticipations sur les prix, permettant une baisse du chômage d'équilibre. Les baisses de taux d'intérêt passées pourraient en outre favoriser une augmentation progressive du taux d'investissement, de nature à limiter les tensions potentielles sur l'appareil productif. Le NAIRU peut enfin baisser graduellement en réaction aux politiques structurelles sur le marché du travail (réforme de l'indemnisation du chômage en 1993, abaissement de charges patronales, prime à l'emploi, PARE,...). Les politiques structurelles sur le marché des biens (politique de concurrence, dérégulation) et sur les marchés financiers (dérégulation) peuvent aussi diminuer le NAIRU.

Cependant, une variante plus défavorable a été réalisée pour illustrer les conséquences d'une absence de baisse du taux de chômage d'équilibre (sans hypothèse particulière de réponse de la banque centrale). L'inflation atteindrait 5 % en 2006. Cela entraînerait une perte de compétitivité et amputerait la croissance. A long terme, le taux de chômage reviendrait à son niveau d'équilibre.

IV. TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES

Les hypothèses de finances publiques sont alignées sur celles du gouvernement : l'année 2002 est calée sur le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Les dépenses 2003-2004 augmentent de 1,5 % par an en volume, conformément au programme pluriannuel de finances publiques (PPFP) à l'horizon 2004. En 2005 et 2006, on prolonge les évolutions pour ce qui est des dépenses discrétionnaires. Les prélèvements obligatoires diminuent conformément aux hypothèses du PPFP et au plan triennal de baisse des impôts.

A. LES RECETTES

Compte tenu des annonces du gouvernement, les recettes des principaux impôts évoluent comme décrit dans le tableau suivant.

Evolution des recettes des administrations publiques 1)

(en % de PIB)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

TVA

7,5

7,5

7,6

7,6

7,6

7,7

7,7

Autres impôts indirects

8,6

8,4

8,3

8,3

8,3

8,3

8,3

Impôt sur le revenu des ménages (dont CSG)

8,5

8,4

8,4

8,1

8,1

8,1

8,2

Impôt sur les sociétés

2,8

2,9

2,8

2,8

2,7

2,6

2,6

Autres impôts sur le revenu et le patrimoine

1,0

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

1,0

Cotisations employeurs

11,4

11,3

11,3

11,2

11,2

11,2

11,2

Cotisations salariés

4,1

4,1

4,1

4,0

4,0

4,0

4,0

Cotisations non salariés

1,0

1,1

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

Impôts en capital

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

0,6

Total

45,4

45,2

44,9

44,5

44,4

44,3

44,4

1. Rappel 1999 : 7,8 ; 8,8 ; 8,4 ; 2,6 ; 1,2 ; 11,5 ; 4,1 ; 1,0 ; 0,5 ; 45,8.

B. ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

L'hypothèse d'une croissance des dépenses publiques de 1,5 % par an en volume suppose une contrainte forte. Les marges de manoeuvre sur les créations d'emplois, les augmentations de salaires, l'investissement sont faibles. L'objectif de 1,8 % par an de croissance en volume des dépenses de santé, très inférieur aux évolutions récentes doit aussi être respecté.

Evolution des dépenses des administrations publiques

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Ensemble des dépenses (en points de PIB)

52,8

52,5

52,2

51,4

50,6

50,1

49,7

dont :

masse salariale

13,5

13,5

13,5

13,3

13,0

12,9

12,7

consommations intermédiaires

5,4

5,3

5,3

5,3

5,1

5,1

5,0

investissement

3,0

3,0

3,0

3,0

2,9

2,9

2,9

consommations individualisables

14,0

14,1

14,0

13,9

13,7

13,6

13,5

prestations sociales en espèces

18,0

17,9

17,8

17,4

17,1

16,9

16,9

intérêts versés

3,3

3,3

3,2

3,1

3,0

2,9

2,9

transferts versés

3,5

3,3

3,3

3,5

3,7

3,7

3,7

autres dépenses publiques

1,9

1,9

1,8

1,8

1,8

1,8

1,8

Ensemble des dépenses (taux de croissance en volume)

1,7

1,3

1,5

1,6

1,5

1,4

1,6

dont :

masse salariale

2,2

1,4

2,0

1,6

1,4

1,2

1,1

consommations intermédiaires

2,1

0,9

1,1

1,6

1,4

1,4

1,3

investissement

6,0

3,1

1,5

1,6

1,4

1,5

1,5

consommations individualisables

3,0

2,3

1,6

1,8

1,8

1,7

1,7

prestations sociales en espèces

1,0

1,3

1,7

0,9

0,8

1,5

2,1

intérêts versés

0,8

2,9

- 0,4

0,0

- 0,3

- 0,3

- 0,2

transferts versés

- 1,5

- 3,5

1,7

8,3

8,0

2,5

2,3

autres dépenses publiques

- 2,7

- 1,0

0,4

2,1

1,8

1,9

2,2

1. La masse salariale

Les salaires progressent en pouvoir d'achat de 1,2 % en moyenne entre 2003 et 2006.

Les salaires individuels augmentent de 1,3 % par an, soit un ralentissement par rapport aux années 1990 (+1,4 % en pouvoir d'achat). Le pouvoir d'achat des salariés du secteur privé est plus rapide (+1,5 % en moyenne).

Les emplois sont presque stables (+0,1 % en moyenne). Les créations nettes atteignent 28 000 emplois au total en trois ans (2004-2006), ce qui est très inférieur aux évolutions antérieures (+53 000 par an dans les années 1990). Cette hypothèse est nécessaire pour respecter l'évolution globale des dépenses publiques annoncées par le gouvernement. Elle peut se justifier par l'augmentation des départs en retraite. Au total, 80 000 emplois sont créés en 2002 et 2003, qui est censé suffire à la mise en oeuvre des 35 heures dans la fonction publique. Le contrôle de la masse salariale est primordial pour limiter la hausse des dépenses publiques.

2. Les consommations intermédiaires

A moyen terme, les consommations intermédiaires augmenteraient en volume de 1,0 % par an, en ralentissement par rapport à la seconde moitié des années 1990 (+1,9 % par an). A moyen terme, la diminution en volume des consommations intermédiaires de l'Etat se ralentit. Les consommations intermédiaires des administrations de Sécurité sociale ralentissent également : +1,5 % en volume après une augmentation moyenne de 2,1 % dans la seconde moitié des années 1990. Les consommations intermédiaires des administrations locales conservent un rythme assez soutenu (+ 2,2 %).

Taux de croissance en volume des consommations intermédiaires des administrations publiques 1)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

APU

-0,8

1,1

1,7

1,4

0,9

1,0

Administration centrale

-2,7

-1,5

0,1

-0,2

-0,8

-0,7

Collectivités locales

1,2

3,0

3,0

2,6

2,1

2,2

Sécurité sociale

-1,5

1,5

1,6

1,8

1,5

1,5

1. Rappel 1999 : 3,3 ; 1,6 ; 4,0 4,5.

3. Les investissements publics

Le rythme de croissance de l'investissement public ralentit par rapport à 2000-2001, mais reste supérieur au rythme des années 1990. Pour l'ensemble des administrations, la hausse est de 1,5 % par an en moyenne en volume entre 2003 et 2006. L'investissement des collectivités locales, qui représentent 2/3 de l'ensemble des investissements publics, est plus dynamique (+2,2 % par an). Compte tenu de la contrainte sur l'évolution de ses dépenses, l'Etat continue à réduire son investissement (-0,9 % par an en volume).

Taux de croissance en volume des investissements
des administrations publiques
1)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

APU

4,2

2,7

1,7

1,5

1,4

1,5

Administration centrale

-1,1

-0,8

-0,8

-0,9

-0,9

-0,9

Collectivités locales

4,0

3,0

2,3

2,2

2,0

2,2

Sécurité sociale

18,2

9

3,5

2,5

2

2

1. Rappel 1999 : 3,6 ; - 2,6 ; 7,0 ; - 4,7.

4. Les prestations sociales

a) Les prestations maladies

Le programme pluriannuel de finances publiques à l'horizon 2004, présenté début 2001, suppose une croissance annuelle de 1,8 % en moyenne. Le programme antérieur prévoyait une hausse de 1,5 % par an en volume entre 2000 et 2003. Et le programme présenté début 1999 prévoyait une hausse moyenne sur trois ans de 1,15 %.

Les révisions successives à la hausse de l'objectif d'augmentation de dépenses sociales se justifient par les évolutions observées.

Entre 1998 et 2001, les dépenses du champs de l'Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie (Ondam) ont augmenté de 3 % par an en moyenne (à prix constant), et même de 3,5 % entre 1999 et 2001. A prix constants, l'enveloppe de l'Ondam prévue pour 2002 est supérieure de 2,4 % à l'enveloppe de l'année 2001. L'objectif d'une hausse de 1,8 % annoncé par le gouvernement suppose donc une inflexion très forte. Cette hypothèse bien que peu réaliste a été conservée dans nos projections.

b) Les prestations vieillesse

La forte hausse des prestations retraite induite par le départ en retraite des générations du baby-boom intervient à partir de 2005 - 2006.

Entre 2000 et 2004, la hausse du nombre de retraités est au contraire modérée : ce sont les générations creuses des années de guerre qui prennent leur retraite. L'augmentation annuelle du nombre de retraités passerait de +0,75 % d'ici 2004 à 1,4 % en 2005 et 2,4 % en 2006.

Sur toute la période, les retraites individuelles augmentent peu : +0,25 % en pouvoir d'achat. Elles sont ralenties du fait de l'indexation sur les prix et de la mise en oeuvre progressive de la réforme du régime général (allongement de la durée de cotisation et de la période de référence, désindexation des salaires portés au compte). Au total, les prestations retraites connaîtraient une croissance de 1,8 % d'ici 2004. En revanche, elles accéléreraient à 2,4 % en 2005 et 3,4 % en 2006.

c) Les prestations chômage

Les prestations chômage sont sur une tendance baissière du fait de l'amélioration du marché de l'emploi. Après une augmentation des droits en 2002, l'ensemble des prestations baisserait parallèlement à la réduction du chômage, mais à un rythme un peu plus faible (-4,1 % par an en moyenne entre 2003 et 2006, alors que le chômage baisse de 5,1 % par an).

d) Les autres prestations

Les autres prestations (famille, logement, pauvreté) sont supposées stables en volume. On prolonge ainsi les hypothèses du programme pluriannuel de finances publiques pour 2002-2004 jusqu'à 2006. La faiblesse relative de la natalité contribue à la stabilité des prestations famille, et la bonne conjoncture réduit les prestations sous conditions de ressources de la Cnaf et les prestations de pauvreté et d'exclusion, ce qui constitue une hypothèse forte.

Evolution du pouvoir d'achat des prestations sociales 1)

(taux de croissance annuel, prix 1995)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Retraites

1,8

2,0

1,8

1,8

1,8

2,4

3,4

Maladie

3,6

3,5

2,3

1,8

1,8

1,8

1,8

Chômage

-2,8

-2,4

2,3

-3,8

-4,7

-3,0

-4,4

Famille, logement, pauvreté et exclusion

0,1

0,8

0,3

0,1

0,0

0,0

0,0

Total des prestations

1,8

2,0

1,8

1,2

1,1

1,5

2,0

1. Rappel 1999 : 3,3 ; 2,5 ; 0,8 ; 3,2 ; 2,8.

C. L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES À MOYEN TERME

Evolution de la capacité de financement et de la dette
des administrations publiques
1)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Capacité de financement

-1,4

-1,4

-1,6

-1,2

-0,6

-0,1

0,3

Dette

57,6

57,2

56,9

55,6

53,8

51,6

49,2

Prix à la consommation

1,2

1,4

1,5

1,3

1,4

1,9

1,7

1. Rappel 1999 : 1,6 ; 58,5 ; 0,2

Abonder le fonds de réserve ou réduire la dette publique est à peu près équivalent sur le plan macroéconomique 18 ( * ) . Le chiffre de dette publique correspond à la consolidation de la dette publique et de l'actif de fonds de réserve. Le solde est présenté hors recettes Umts et hors recettes de privatisations.

Dans le scénario présenté, les hypothèses du programme pluriannuel de finances publiques (rythme des dépenses discrétionnaires et évolution des prélèvements obligatoires) ont été prolongées en 2005 et 2006). La reprise économique permet la reprise de la réduction du déficit des administrations qui sont excédentaires en 2006. Rappelons que cela suppose des dépenses publiques extrêmement contraintes, d'autant que se produit en fin de période une hausse des prestations retraite. Cela permet de réduire la dette des administrations de 8 points en 5 ans.

Comme chaque année, la Délégation pour la planification présente dans ce rapport les résultats de travaux de projection à moyen terme réalisés à l'aide de modèles macroéconomiques.

Le premier chapitre évoque les perspectives d'évolution de l'environnement international . Après une présentation des conditions d'une reprise de la croissance mondiale, dans un contexte de retournement cyclique aggravé par la crise géopolitique en cours, il fait le constat du maintien de la dépendance de l'Europe à l'égard des Etats-Unis et identifie les enjeux d'un renversement de cette situation.

Le deuxième chapitre présente les résultats d'une projection à moyen terme (2001-2006) réalisée à l'aide du modèle e-mod.fr de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Cet exercice précise le pronostic sur la croissance et le chômage à court et moyen termes et affine le diagnostic sur les conditions d'un retour au plein-emploi.

Enfin, le dernier chapitre est consacré aux tendances des finances publiques . Il étudie en particulier l'impact sur ces dernières d'une croissance moins forte que prévue et explore les incidences sur les comptes publics d'une croissance des dépenses publiques plus « tendancielle » que celle affichée dans le programme pluriannuel des finances publiques notifié par la France à Bruxelles.

* 1 Celui-ci table sur une croissance de 2,5 % en 2002, soit le point médian d'une fourchette allant de 2,25 à 2,75 % de croissance.

* 2 REXECODE - Perspectives sectorielles. point de conjoncture. Octobre 2001.

* 3 Excepté dans l'étude de Gordon.

* 4 FMI, World Economic Outlook, octobre 2001.

* 5 L'estimation du taux de chambre d'équilibre fondamental euro/dollar dépend notamment de la cible de déficit courant attribuée aux Etats-Unis.

* 6 Le taux de marge rapporte l'excédent brut d'exploitation des entreprises à leur valeur ajoutée. Son évolution traduit les tendances de la répartition de la valeur ajoutée. Une réduction du taux de marge signifie, en général, une augmentation des salaires dans la valeur ajoutée.

* 7 En dehors de toute considération de plus-values ou de moins-values.

* 8 « Le retour au plein-emploi ? ». Rapport n° 345 du 30 mai 2001, Joël BOURDIN, Délégation du Sénat pour la planification.

* 9 Rapport sur la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Novembre 2001.

* 10 Sous l'hypothèse réaliste d'un recul du niveau des recettes non fiscales en points de PIB atteignant 0,3 point.

* 11 Cette convention n'est pas sans effet sur le jugement qu'il convient de porter sur le niveau d'endettement public.

* 12 En supposant une augmentation moyenne des prix du PIB inchangée, soit 1 359 milliards de francs x 1,242 (soit le taux de croissance potentielle du PIB entre 1996 et 2002).

* 13 Soit l'écart de croissance -3,5 points de PIB- multiplié par la part des prélèvements obligatoires dans le PIB (44,5 points).

* 14 Si l'on ne compte pas les 16 000 emplois du PLF pour 2002.

* 15 Voir à ce sujet « Le retour au plein emploi ? », Revue de l'OFCE, n°79, octobre 2001.

* 16 On rappelle que les dépenses publiques ont augmenté, respectivement, de 3 et 2,8 % en 1998 et 1999.

* 17 Cf. Lettre de l'OFCE , n°210, 15 octobre 2001.

* 18 Même s'il existe des différences d'impact financier entre les deux options.

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