B. UNE ESPÉRANCE : MIEUX S'ALIMENTER POUR MIEUX VIEILLIR

1. Les perspectives scientifiques

En contrepoint du désastre sanitaire qui s'organise autour de la progression de l'obésité, la nutrition préventive offre une alternative : l' espoir d'améliorer son état de santé et notamment les conditions sanitaires de son vieillissement par l'alimentation .

Compte tenu du nombre croissant des personnes âgées dans la pyramide des âges, se pose déjà et se posera de façon toujours plus aigu le problème de leur état sanitaire. Naturellement la question du financement de la charge financière, qui résultera non seulement des soins donnés à cette population mais également de l'assistance qui doit leur être portée dans tous les gestes de la vie quotidienne devra être abordée .

Dans le domaine de la nutrition préventive, il existe des présomptions fortes, éclairant les rapports entre l'alimentation et les pathologies du vieillissement.

On a cité l'étude SUVIMAX qui confirme près de 250 épidémiologies différentes tendant à prouver que l'ingestion régulière de fruits et légumes (4 à 5 rations de 80 g par jour sous quelque forme que ce soit) tend à réduire de 30 % la prévalence de la plupart des cancers.

Mais les physiologistes de la nutrition savent maintenant établir des rapports entre notre fonctionnement métabolique et la modulation de notre vieillissement, en particulier en identifiant les facteurs favorisant l'émergence des pathologies dégénératives.

Dans son ouvrage « Alimentation et santé », M. Christian Remésy en fournit des exemples :

« Il est sans doute possible de maintenir un apport suffisant de micronutriments antioxydants par des choix diététiques appropriés, malgré la baisse de l'ingestion calorique. Chez les personnes âgées, on rencontre fréquemment des subcarences en micronutriments mais aussi une situation de dénutrition protéino-énergétique dont l'origine peut être très diverse (maladies, isolement social...). Le déclin des fonctions physiologiques est très variable : important pour les capacités respiratoires, cardiaques et rénales ; modéré pour le métabolisme de base. En fait, le déclin le plus rapide concerne les tissus élastiques (poumons, vaisseaux), caractérisés par leur richesse en tissu conjonctif, dont les cellules sont capables de se diviser. Les macromolécules de la matrice, qui sert de lien entre les cellules, peuvent subir des altérations sous l'effet de radicaux libres ou de l'hyperglycémie, ce qui modifie leur interaction avec les cellules. Certaines réactions entre glucose et protéines peuvent aboutir à la production de protéines altérées et à leur accumulation dans les tissus, où le renouvellement des protéines est très lent (protéines du cristallin, collagène de la peau).

Le maintien d'une glycémie normale et d'un statut suffisant en antioxydants sont deux facteurs importants pour prévenir l'altération des protéines. Par exemple, sous l'effet des rayons ultraviolets, l'oeil est particulièrement exposé à la production de radicaux libres et la prévention de la cataracte bénéficie des micronutriments protecteurs. Les maladies neurodégénératives (celles de Parkinson, d'Alzheimer), dont la fréquence augmente avec le vieillissement de la population, ont une origine multifactorielle (génétique et environnementale). La maîtrise de la production de radicaux libres semble être un élément important pour leur prévention . »

Mais ces fortes présomptions scientifiques doivent être étayées.

Car la nutrition humaine , comme on l'a déjà exposé en deuxième partie de ce rapport, est un champ de connaissance encore très ouvert , qu'il s'agisse des rapports entre micronutriments et cancer, des liens entre l'alimentation et les systèmes immunitaires ou des avantages comparés de la métabolisation des aliments naturels par rapport à ceux des supplémentations artificielles.

De plus, au-delà des systèmes généraux, dont il est nécessaire d'approfondir les mécanismes, la nutrigénomique et la nutrigénétique permettront, à terme, de faire le lien entre le facteur environnemental que constitue l'alimentation et les réactions du capital génétique de chacun .

2. L'état de la recherche en nutrition humaine

S'agissant de la recherche biologique et médicale, un bilan des forces et des faiblesses de la recherche en nutrition humaine a été établi :

- Points forts :

un potentiel de recherche identifié : au travers de l'Action thématique concertée INSERM (ATC), suivie d'un appel d'offres INSERM/INRA, a été identifié un fort potentiel de recherche en nutrition à l'INSERM et à l'INRA et dans d'autres organismes de recherche,

une production scientifique qui atteint le très haut niveau de la discipline mais de manière irrégulière,

des « Centres de recherche en nutrition humaine » : Les CRNH de Lyon (métabolisme des substrats, génomique), Nantes (glucides) et Clermont-Ferrand (protéines et vieillissement) sont actifs et leur évaluation a montré une structuration et une activité scientifique de bon niveau. Un projet de création de CNRH est actuellement à l'étude en Provence Côte d'Azur (lipides) et en Ile-de-France (comportement alimentaire),

des interactions entre équipes INSERM-INRA et avec des groupes CEA, CNRS ou autres : l'ATC nutrition INSERM a été l'occasion de mettre en place de nombreux projets coopératifs.

- Points faibles :

la lisibilité de ce dispositif est largement insuffisante,

les CRNH ne sont pas suffisamment interactifs,

il persiste une dispersion des moyens et des redondances,

les plates-formes d'investigation ne disposent pas d'un niveau d'équipement compétitif avec les grands centres européens de recherche en nutrition tels que celui de Maastricht,

les réseaux nationaux ou européens sont en nombre limité,

on observe des difficultés d'évaluation transdisciplinaire et entre organismes et certaines discriminations thématiques (relation activité physique et nutrition, économie, sociologie),

le soutien de l'industrie agroalimentaire à la recherche publique reste marginal. Celui de la grande distribution est quasiment nul.

Compte tenu de ces acquis et de ces faiblesses, il serait donc souhaitable de mettre en place un programme national de recherche en nutrition permettant :

- d'établir des masses critiques sur des thématiques prioritaires,

- d'intensifier les effets actuels de décloisonnement déjà entrepris dans ce domaine,

- d'identifier et d'encourager les plates-formes performantes à l'échelon européen,

- de renforcer la coopération européenne afin d'éviter les redondances.

Ce nouveau dispositif devrait être mis en place.

Ceci sans préjudice de dotation financière supplémentaire qui devrait, en priorité, dériver de l'assurance maladie dont le moins que l'on puisse penser est qu'elle a intérêt à agir dans ce domaine.

On ajoutera, notamment en matière d'obésité, qu'il serait utile d'associer plus étroitement les sciences humaines à ce programme, en particulier :

- en essayant de mettre en oeuvre des études sociologiques plus fines sur la relation entre le statut socioculturel et l'obésité - dont la corrélation avec la pauvreté est patente mais qui, comme le montre l'exemple américain, ne se résume pas à ce seul constat,

- et en investissant un domaine très peu exploré par la recherche publique en France, la psychologie du comportement alimentaire .

On ne pourra pas non plus éviter de poser la question de la dimension sociale de la problématique alimentation/santé. La fracture sociale doit aussi être combattue au niveau de la santé et du mode alimentaire .