II. LA RÉSISTIBLE CROISSANCE DES DROITS TV ?

La part, variable mais toujours plus importante, des ressources des clubs professionnels européens qui provient du produit de la cession des droits de retransmission des matches aux télévisions, conduit à s'interroger sur ses ressorts et sur sa pérennité.

Ces droits sont souvent mis aux enchères 12 ( * ) - c'est le cas en particulier en France -, c'est-à-dire qu'ils sont cédés au terme d'une procédure qui permet au propriétaire d'un bien unique et plus ou moins indivisible, qui désire le vendre, de sélectionner l'acquéreur parmi plusieurs candidats. Dans une telle procédure, l'objectif du vendeur est usuellement d'obtenir le prix de cession le plus élevé possible, mais il lui faut prendre en compte d'autres paramètres. Le vendeur peut rechercher des objectifs plus complexes, par exemple savoir entre quelles mains l'objet vendu va tomber, quel usage va en être fait, d'où proviennent les ressources financières de celui qui achète, etc. Des choix qu'il opère dépendent les conditions des enchères, qui elles-mêmes ont un impact important sur les prix de vente mais aussi sur d'autres éléments d'équilibre du marché. Ces techniques de commercialisation des droits sont donc une composante importante de leur dynamique .

Mais il faut avant tout prendre en compte l'état du marché des droits et, en particulier, la structure de l'offre et de la demande . C'est elle qui, fondamentalement, dessine à un moment donné les conditions de la fixation des prix de vente.

L'élucidation de la hausse du prix des droits de télédiffusion est une entreprise complexe . L'application de la théorie des enchères aux mécanismes en cause et les observations empiriques débouchent sur des conclusions au terme desquelles il n'est pas permis d' attribuer à la hausse des prix constatée l'explication favorable d'une mise à niveau correspondant à la valeur intrinsèque du football .

Une part non négligeable de cette évolution, dont le quantum se révèle impossible à préciser, est liée aux équilibres existant sur le marché de l'audiovisuel. On en tire la conclusion que la dynamique des recettes tirées des droits ne saurait se prolonger sauf à ce que le marché audiovisuel connaisse une instabilité chronique, ce qui n'est pas l'issue la plus probable.

A. DES CONDITIONS DE MARCHÉ FAVORABLES À L'AUGMENTATION DES PRIX

Les droits de retransmission télévisée sont négociés sur un marché particulier dont les caractéristiques ont été favorables à l'augmentation des prix.

1. Le marché des droits de télédiffusion présente les caractéristiques particulières aux marchés avec monopole

L'analyse économique conduit à distinguer plusieurs types de marchés en fonction du nombre croisé d'offreurs et de demandeurs. Le tableau ci-après, dit de « Stackelberg », formalise les différentes catégories de marchés.

offre / demande

un seul acheteur

quelques acheteurs

un grand nombre d'acheteurs

un seul vendeur

monopole bilatéral

monopole contrarié

monopole

quelques vendeurs

monopsone contrarié

Oligopole bilatéral

oligopole

un grand nombre de vendeurs

monopsone

oligopsone

concurrence pure et parfaite

Le marché des droits de télévision est loin du modèle de l'économie libérale qu'est le marché de concurrence pure et parfaite, marqué par une pluralité d'offreurs et d'acheteurs et censé aboutir par ses mécanismes mêmes à une production optimale en raison des modalités concurrentielles de formation des prix qui y prévalent.

En France, le marché des droits de télévision est caractérisé par l'existence d'un seul vendeur et de quelques acheteurs. Cette situation ne se rencontre pas partout en Europe et, dans deux pays, l'Espagne et l'Italie, la commercialisation des droits est individuelle. En Angleterre et en Allemagne, la commercialisation est collective, comme en France . Si l'on s'en tient à la structure théorique des intervenants sur le marché, cette dernière configuration correspond à de ce que les économistes appellent un monopole contrarié . Mais si l'on prend en considération les formes de commercialisation des droits (des enchères organisées de sorte qu'aucune entente entre les acheteurs n'apparaisse possible) et la position des acheteurs (des acheteurs peu portés à l'entente), c'est bien d'un monopole qu'il faut parler . De fait, l'intérêt porté par les groupes de télévision au football professionnel est justifié par des intérêts commerciaux si importants que les risques d'entente entre acheteurs, qui caractérisent les marchés de monopole contrarié, semblent presque inexistants. Telle est, en tout cas, la situation en France au moment où le présent rapport est élaboré. Dans un tel cas, le pouvoir de fixation des prix par le vendeur est particulièrement élevé .

* 12 La technique de mise aux enchères des droits de télédiffusion pourrait être généralisée sous l'effet des exigences des autorités européennes en charge de la concurrence dans les cas où la vente de ces droits est collective. Elle offre un grand intérêt pour les économistes, dont témoigne le rapport récent du Conseil d'analyse économique « Enchères et gestion publique », en tant qu'objet de recherches théoriques et en raison du développement du recours à cet instrument dont la vente des licences-UMTS en Europe a illustré à la fois l'utilité et les faiblesses.

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