F- Les acteurs du crédit logement en France

D'après les données de la Banque de France, les banques mutualistes et coopératives couvriraient deux cinquièmes de l'offre de crédits logement en France, avec une progression enregistrée sur les trois dernières années.

Figure 48 : Typologie des acteurs d'offre de crédit logement en France
Poids des encours

En prenant pour référence l'encours de crédits immobiliers aux particuliers, le graphique suivant met en perspective le positionnement relatif des acteurs de l'offre face au leader.

Figure 49 : Positionnements relatifs des acteurs du crédit immobilier
Base 2001 : encours du leader

G- Marché immobilier et impacts sur la solvabilité des ménages en France

Nous avons mené des travaux sur la hausse des prix des logements, l'impact de la baisse des taux d'intérêt et l'allongement de la durée des prêts, tout en procédant à une simulation de l'allongement de la durée des prêts sur la solvabilité des ménages.

Contrairement à ce que beaucoup d'observateurs anticipaient, la hausse des prix du logement en France a connu, cette année encore, une accélération. Les chiffres de la FNAIM (qui recense les prix des logements anciens), indiquent une augmentation de 15,6 % en 2004 après 14,6 % en 2003. La hausse atteint ainsi 88 % sur six ans (1998-2004), un emballement certes inférieur à ceux de l'Espagne et du Royaume-Uni, mais néanmoins de grande ampleur.

Une année de revenu disponible brut par ménage (au sens de la Comptabilité Nationale) représentait ainsi un pouvoir d'achat de plus de 31 m² au prix moyen (France entière) en 1997. L'équivalent serait de moins de 19 m² en 2005. Dit autrement, un logement de 100 m² coûtait 3,2 années de revenu disponible brut en 1997 ; le ratio pourrait atteindre 5,4 années en 2005. On mesure ici la très nette désolvabilisation des ménages, du fait de cette forte hausse des prix immobiliers.

Figure 50 : Pouvoir d'achat d'une année de RDB par ménage

La situation actuelle paraît ainsi paradoxale, puisque, malgré cet emballement des prix, la demande reste très soutenue : les mises en chantier de logements avoisineront probablement les 350.000 unités cette année (un niveau historique) justifiant une augmentation de plus de 8 % de la production neuve ; les ventes d'appartements et de maisons individuelles groupées connaîtront une hausse de 13 % ; les crédits au logement attribués aux ménages enregistreront une progression de l'ordre de 15 %.

Pour surmonter cette contradiction, nous analyserons ci-dessous les paramètres qui ont contribué à limiter l'ampleur de cette perte de solvabilité.

Tableau 32 : Marché de l'immobilier (données de base )

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Variation des prix de l'ancien (FNAIM)

-

3,8

9,1

10,0

6,1

11,9

14,3

15,5

5,0

Prix du m² en euros

1 119

1 162

1 267

1 394

1 479

1 655

1 892

2 185

2 295

Variation nominale du RDB par ménage

-

2,3

2,0

3,2

3,5

2,8

1,0

2,2

2,6

Moyenne du RDB par ménage (euro)

35 170

35 980

36 700

37 875

39 200

40 300

40 700

41 595

42 675

Taux des prêts immobiliers (fixes)

7,7

6,8

6,0

6,7

6,7

6,0

5,4

5,1

5,6

L'essentiel des achats immobiliers s'effectuant à crédit, on peut calculer la mensualité de remboursement d'un ménage empruntant, sur 15 ans, 80 % du montant d'un logement moyen de 100 m² (on suppose ainsi un apport personnel de 20 %) au taux d'intérêt du marché (Prêt à taux fixe). Cette mensualité rapportée au revenu disponible brut mensuel exprime alors un « taux d'effort » du ménage considéré.

Le graphique ci-après analyse l'évolution de ces taux d'effort selon plusieurs cas de figure :

La première courbe retrace ce qu'aurait été le taux d'effort à taux d'intérêt inchangé (celui de 1997, soit 7,7 %) : il progresse de façon continue, passant de moins de 29 % en 1997 à plus de 48 % en 2005, en raison d'une hausse des prix immobiliers beaucoup plus rapide que celle du revenu disponible brut en valeur.

La deuxième courbe prend en compte les taux d'intérêt effectivement pratiqués sur le marché : le taux d'effort est sensiblement réduit au cours des années 2002, 2003 et 2004 grâce à la baisse de ces taux ; en 2004, l'écart est de plus de 7 points par rapport à la situation initiale ce qui met clairement en évidence le rôle de la baisse des taux.

La troisième courbe fait intervenir une variable supplémentaire : au cours de la période considérée, la durée des prêts immobiliers a été considérablement allongée, rapprochant ainsi le système français de ses homologues européens. Il n'existe pas de données fiables en la matière (d'autant que la durée effective des prêts est nettement inférieure à la durée offerte à la souscription), mais on peut admettre l'hypothèse que la maturité des prêts à l'habitat a gagné cinq ans. L'étalement de la charge de remboursement a alors permis de modérer sensiblement la hausse du taux d'effort qui atteint 34 % contre 40 % dans le cas précédent, soit un gain de l'ordre de 6 points. Il n'empêche que ce dernier a connu une augmentation rapide en 2003 et 2004. La hausse des taux qui se dessine pour 2005 entraînera une nouvelle augmentation de ce taux d'effort malgré le ralentissement attendu des prix de l'immobilier (5 % en moyenne ce qui correspond à une hausse de 4 % au premier semestre 2005 suivi d'une diminution de même ampleur au second semestre de l'année prochaine).

Figure 51 : Évolution de la solvabilité logement des ménages

Au-delà de ces considérations générales, il convient d'analyser plus en détail l'impact de l'allongement de la durée des prêts. Pour l'année 2004, on a ainsi considéré les ménages selon les dix déciles de revenu disponible ; nous avons, par ailleurs, modulé le prix du m² de logement en retenant une dispersion de +/- 25% autour de la moyenne nationale, échelle qui correspond bien à ce que l'on observe au niveau régional : les prix moyens des régions « chères » (Ile de France, PACA, Rhône-Alpes) sont 25 % plus élevés ; les prix moyens des régions « bon marché » (Champagne-Ardennes, Picardie, Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine, Limousin, Auvergne) se situant 25 % plus bas.

Le graphique ci-dessous donne pour chacun des déciles de revenu le taux d'effort aux conditions de 2004 (taux d'intérêt de 5,1 %) selon deux hypothèses : le « scénario A » correspond à une durée de prêt de 15 ans ; le « scénario B » prenant en compte une durée des prêts de 20 ans. Globalement, le taux d'effort initial moyen des ménages passe, on l'a vu, de 40,1 % à 33,6 %.

Pour les cinq premiers déciles de revenu, l'abaissement du taux d'effort est net, mais ne permet pas de passer la barre des 33,3 %, seuil d'endettement jugé maximal par les établissements prêteurs. Les ménages des deux derniers déciles se situaient déjà en dessous de ce seuil et l'allongement de la durée des prêts constituent une aubaine supplémentaire. On constate une modification importante au sein des ménages des 6 e , 7 e et 8 e déciles : pour nombre d'entre eux, le taux d'effort qui dépassait 33,3 % dans un système de prêts à 15 ans revient en deçà de ce seuil lorsque les prêts sont de 20 ans. Un calcul plus précis montre que 14 % des ménages se voient ainsi solvabilisés, ce qui est considérable.

Figure 52 : L'impact de l'allongement de 5 ans de la durée des prêts aux conditions de l'année 2004

L'allongement de la durée des prêts a donc eu un impact très important sur la solvabilité des ménages qui, sans cela, auraient sans doute renoncé à un investissement rendu dissuasif par l'envolée des prix. Une partie de la contradiction notée plus haut demeure cependant : les taux d'effort actuellement exigés restent très lourds pour les candidats à l'accession à la propriété. Pour ces derniers trois autres hypothèses sont probablement nécessaires pour expliquer la situation que nous connaissons aujourd'hui :

les ménages ont revu leurs prétentions à la baisse, en diminuant la taille du logement acheté ;

ils se sont éloignés encore davantage des centres, pour échapper à la contamination des hausses de prix sur les premières ou deuxièmes couronnes ;

la hausse des prix dans le neuf a été moins forte, permettant à de nombreux ménages d'accéder en maison individuelle.

D'une façon générale, il semble que l'euphorie actuelle s'explique par plusieurs phénomènes :

le désir d'accession à la propriété est très marqué ; il est d'autant plus fort que la hausse rapide des loyers dans les grandes agglomérations est vécue comme une absurdité financière ;

l'inquiétude sur les retraites favorise l'investissement « pierre » ;

les migrations inter-régionales dopent la demande ;

le développement du double équipement et des résidences secondaires soutient le marché du logement ;

la France est attractive pour de nombreux Européens ;

les investisseurs, qui bénéficient d'avantages fiscaux importants grâce aux mesures « de Robien », restent persuadés, au moins à court terme, que l'offre locative est insuffisante.

Nos hypothèses pour l'an prochain tentent de faire la balance entre deux tendances opposées :

une nouvelle désolvabilisation des ménages est à craindre, sauf à envisager un éclatement de bulle immobilière ; or, dans un tel cas, une baisse rapide des prix s'amorçant dans le courant de l'année 2005 aurait deux effets immédiats : les candidats à l'accession hésiteraient à s'engager, anticipant des baisses de prix ultérieures, et, dans le même temps, les investisseurs, voyant poindre la menace d'une diminution des loyers, se désengageraient partiellement de l'immobilier ;

la demande pour le logement pourrait rester encore soutenue : d'abord pour les raisons évoquées plus haut et qui témoigneraient de comportements durables, mais aussi du fait des mesures prises récemment en matière fiscale (le budget 2005 prévoit une sensible baisse des frais de succession et des possibilités de donation accrues), qui permettront à de nombreux ménages de disposer d'un apport personnel plus élevé et d'engager plus tôt leur processus d'accession à la propriété.

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