b) Des stratégies potentiellement très négatives

On a analysé dans le présent chapitre l'existence d'un grand nombre de déséquilibres économiques dans les pays européens.

Dans notre précédent rapport sur la coordination des politiques économiques en Europe, nous mettions en garde contre le déclenchement d'une crise ou, plus précisément, contre l'éventualité de voir se déclencher plusieurs crises.

Nous ne pouvons évidemment rien retrancher à cette mise en garde.

Jusqu'à présent, l'insoutenabilité de plusieurs des régimes de croissance à l'oeuvre dans l'Union européenne n'avait produit ses effets que sur les seuls partenaires même s'ils avaient d'ores et déjà été sans gains réels pour ceux qui les avaient choisis.

Les pays de désinflation compétitive avaient gagné des points de marché contre leurs concurrents et, du fait de la dépression salariale mise en oeuvre par eux, s'étaient laisser « tirer » économiquement par leurs partenaires en réduisant, pour leur part, la demande qu'ils leur adressaient.

Les pays inflationnistes avaient poussé à la hausse des taux d'intérêt mais sans en souffrir eux-mêmes du fait de leur inflation.

Les pays qui avaient intensément recouru à la concurrence fiscale avaient été « attractifs » aux dépens des autres qui, en même temps qu'ils perdaient des ressources économiques, connaissaient des moins-values fiscales et subissaient des déficits publics.

Ces mêmes pays, où l'endettement privé, pour augmenter, ne connaissait pas les mêmes dérives qu'ailleurs étaient sermonnés pour leur déficit public quand dans d'autres pays où les dettes privées s'envolaient parfois, on ne s'en souciait pas, non plus que de la qualité des emplois de ces dettes.

En bref, les stratégies non coopératives posaient des problèmes d'équilibre aux partenaires, tandis que les pays à l'origine de ces stratégies étaient considérés comme des « modèles ».

Toutefois, c'est désormais l'insoutenabilité en soi des régimes de croissance de ces « modèles » qui se révèle :

- la limite d'absorption des excédents courants dégagés par les pays à désinflation compétitive est souvent atteinte dans les pays dont les déficits proviennent au moins pour une part des stratégies de désinflation compétitive suivies par les premiers ;

- les stratégies de dépendance à l'égard du commerce mondial sont prises à revers par le ralentissement de la croissance dans le monde qui était inévitable dans un contexte d'accumulation des déséquilibres ;

- le recyclage des excédents financiers, en partie liés à la montée des dettes, a engendré des créances constituées qui se sont brusquement dévalorisées ;

- les pays à forte inflation ont nourri des surendettements et des bulles dont l'éclatement déprime leurs dynamiques économiques réelles ;

- les États plutôt que d'investir dans des projets susceptibles d'élever la croissance potentielle en Europe doivent reprendre des dettes dont une grande partie n'aura eu que peu d'utilité en ce sens ;

- les ensembles monétaires non intégrés politiquement et fiscalement connaissent des difficultés à mettre en oeuvre les réactions de politique économique adaptées ;

- ils sont soumis à des tensions qui remettent en cause leur existence même. Les écarts de taux d'intérêt subis par certains pays européens - pour peu justifiés qu'ils soient parfois - illustrent particulièrement bien ces deux dernières observations.

L'issue à une crise durable de l'équilibre extérieur et de l'endettement public dans un pays européen risque d'être sa sortie du système monétaire européen (de l'euro) si aucun mécanisme de solidarité économique financière réellement efficace ne vient contrecarrer l'intensification des divergences ou de leurs effets, notamment sur les coûts de la dette publique.

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