B. ... L'EUROPE SOCIALE RESTE UNE EUROPE TROP MODESTE

Cependant, le traité de Lisbonne comporte aussi une déclaration interprétative de l'article 156 du Traité sur la coopération des États membres dans les domaines de la politique sociale (emploi, droit au travail et conditions de travail, formation professionnelle, sécurité sociale, droit syndical). Elle précise que ce domaine relèvement essentiellement de la compétence des États membres. Les mesures d'encouragement et de coordination revêtent un caractère complémentaire. Elles servent à renforcer la coopération et non pas à harmoniser des systèmes nationaux.

L'Europe sociale s'inscrit, en effet, dans le cadre du principe de subsidiarité . Ainsi l'Europe n'intervient que lorsqu'une action à ce niveau est seule à même d'atteindre de façon suffisante les objectifs (pour ceux sur lesquels elle n'a pas une compétence exclusive) assignés à l'Union européenne, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée.

On indiquera également que, bien que dotés d'une force contraignante égale aux dispositifs prévus pour organiser le marché unique, les clauses des traités européens et le droit européen plus généralement énoncent essentiellement dans le domaine social des grands principes , des objectifs et des minima.

Enfin, en droite ligne avec la consécration du principe de subsidiarité dans le champ social, on relèvera que, certaines sections du champ étant écartées d'emblée (les rémunérations , le droit d'association ou droit de grève), la voie de construction de l'Europe sociale est constituée par la « méthode ouverte de coordination » (la MOC), qui repose moins sur du droit positif que sur des échanges d'expériences.

La méthode ouverte de coordination

La méthode ouverte de coordination (MOC) a été créée dans le cadre de la politique de l'emploi et du processus de Luxembourg. Elle a été définie comme un instrument de la stratégie de Lisbonne (2000).

La MOC fournit un nouveau cadre de coopération entre les États membres en vue de faire converger les politiques nationales pour réaliser certains objectifs communs. Dans cette méthode intergouvernementale, les États membres sont évalués par d'autres États membres (« peer pressure ») et le rôle de la Commission est limité à celui de la surveillance. Le Parlement européen et la Cour de justice sont presque complètement écartés du processus de la MOC

La méthode ouverte de coordination prend place dans des domaines qui relèvent de la compétence des États membres tels que l'emploi, la protection sociale, l'inclusion sociale, l'éducation, la jeunesse et la formation.

Elle se base principalement sur :

- l'identification et la définition en commun d'objectifs à remplir (adoptés par le Conseil);

- des instruments de mesure définis en commun (statistiques, indicateurs, lignes directrices)

- le « benchmarking », c'est-à-dire la comparaison des performances des États membres et l'échange des meilleures pratiques (surveillance effectuée par la Commission).

Selon les différents domaines, la MOC implique des mesures dites de « soft law » qui sont plus ou moins contraignantes pour les États membres, mais qui ne prennent jamais la forme de directives, de règlements ou de décisions. Ainsi, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne la MOC impose aux États membres d'élaborer des plans de réformes nationaux et de les transmettre à la Commission.

Dans le domaine social , la MOC prévoit des processus d'échanges d'expériences et d'identification des meilleures pratiques qui doivent permettre une convergence des systèmes nationaux de protection sociale vers la réalisation d'objectifs communs. Cette méthode comporte quatre phases distinctes :

- dans une première phase , les États membres s'accordent sur les thèmes sur lesquels mettre en oeuvre ces échanges d'expérience, et, pour chacun de ces thèmes, sur les objectifs communs qu'ils jugent essentiels dans l'application des politiques sociales nationales ;

- puis, les progrès des États membres dans la voie des objectifs ainsi déterminés font l'objet d'un suivi à l'aide d'indicateurs statistiques qui sont également déterminés en commun ;

- les États membres présentent tous les trois ans des rapports sur leurs stratégies en matière d'inclusion et de protection sociales ; ceux-ci doivent comporter la fourniture des indicateurs communs de suivi ;

- la Commission européenne établit un rapport de synthèse dans lequel, s'appuyant sur les rapports nationaux, elle souligne les expériences les plus porteuses d'enseignements pour l'ensemble des États membres, adresse à chacun d'eux des recommandations pour améliorer leur contribution au progrès de l'Union européenne dans son ensemble, et suggère les questions à approfondir dans les phases ultérieures du processus.

La mise en oeuvre de la MOC dans le champ social est assurée par une instance spécifique rattachée au Conseil européen : le Comité de la protection sociale , qui regroupe des hauts fonctionnaires des ministères chargés de la santé et des affaires sociales des vingt-cinq États membres. En son sein, le sous-groupe « indicateurs », qui englobe également des représentants des ministères sanitaires et sociaux des États membres, est plus particulièrement chargé d'élaborer les indicateurs pertinents pour le suivi des progrès réalisés vers les objectifs sociaux communs.

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