M. Mathieu Moreuil, directeur de l'action européenne de la première division de football au Royaume-Uni (Premier League)

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M. Michel Savin, président . - Nous avons plaisir à retrouver Mathieu Moreuil, que nous avions rencontré à Londres lors de notre visite du club Arsenal.

L'action socio-éducative des clubs professionnels, qui fait partie de vos missions, est peu développée en France. En savoir davantage sur l'action des clubs anglais en ce domaine nous intéresserait. Nous aimerions connaître la répartition des droits TV entre les clubs, savoir quelle part va à ce type d'action et quel rôle y joue la Fondation de la Premier League . Nous souhaiterions des précisions sur les questions touchant à la propriété des stades et à l'action des collectivités territoriales. Les activités européennes qui sont les vôtres, enfin, vous donnent une vision sur les systèmes retenus par d'autres pays d'Europe ; pourriez-vous nous la faire partager ?

M. Mathieu Moreuil, directeur de l'action européenne de la Premier League. - Je vous remercie de votre invitation qui m'honore. Mes fonctions à la Premier League , comme responsable des actions européennes, consistent à nouer des contacts avec les institutions européennes, qui jouent un rôle croissant sur le modèle sportif du football et du sport professionnel en général, et à faire le lien entre l'organisation sportive à laquelle j'appartiens et ces institutions. Mon activité couvre à la fois les règles de gouvernance du sport - qui concernent les agents sportifs, les transfert de joueurs, les problèmes de racisme et de violences dans les stades, les questions d'équité financière, etc. - et les règles de dimension plus juridique liées aux droits des médias, aux paris sportifs, à la redistribution en faveur du sport de la part des opérateurs et à la protection des contenus - que la ligue anglaise vend à plus de 200 pays - pour préserver des revenus qui bénéficient au sport amateur et professionnel. Je travaille beaucoup à Bruxelles, en interaction avec d'autres ligues européennes, notamment française et allemande, dans le cadre de la fédération des ligues européennes, avec les fédération européenne et internationale de football, l'Union des associations européennes de football (UEFA) et la fédération internationale de football association (FIFA), ainsi qu'avec les représentants d'autres sports, comme le rugby, le handball ou le basketball, afin de mener une action de lobbying commune sur les questions de droit - protection des contenus, réinvestissement dans le sport amateur, protection contre le dopage et le trucage de match, intégrité du sport.

Les clubs anglais mènent une action sociale et éducative significative : 15 % des droits médias de la Premier League - 1,9 milliard par an - bénéficient à d'autres que les vingt clubs de première division qu'elle représente, c'est-à-dire à d'autres clubs, ainsi qu'à d'autres sports. Il est rare qu'une société - car c'est la forme dans laquelle s'est constituée la ligue - reverse une telle part de son chiffre d'affaires.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Vous connaissez bien le système anglais et d'autres systèmes européens et nous avons eu avec vous des échanges de grande qualité lors de notre déplacement en Angleterre. Notre mission essaie de faire la lumière sur les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel, et de dégager quelques pistes d'amélioration, visant à préserver un modèle vertueux alors qu'émerge, en France, un nouveau modèle économique du foot, et que les collectivités ont de moins en moins de moyens à consacrer au sport professionnel.

Il semble qu'en Angleterre, l'action redistributive des fondations créées par les clubs soit importante, en faveur du football mais aussi d'actions socio-éducatives. Lors de notre déplacement en Angleterre, vous nous aviez ainsi expliqué comment le club Arsenal s'impliquait dans la réhabilitation du quartier où il est installé, en participant à la rénovation d'une école.

M. Mathieu Moreuil. - Pour la saison 2012-2013, les 15 % que j'ai évoqués ont représenté 192,2 millions de livres sterling. Tout ne va pas au sport amateur et aux actions socio-éducatives ; une part, 50 millions, revient à la ligne de football anglaise , qui réunit les 92 clubs professionnels que compte l'Angleterre, à quoi s'ajoutent 4,5 millions, fléchés vers les centres de formation des jeunes. Une action de solidarité, à hauteur de 2 millions, est également menée en faveur des clubs non professionnels réunis dans ce que l'on appelle la Conference . Les paiements de compensation, enfin, aident les clubs relégués en deuxième division à encaisser le choc. Une part des crédits va également aux syndicats de joueurs professionnels, via un fond qui peut être sollicité en cas de blessure d'un joueur l'obligeant à mettre prématurément un terme à sa carrière. Enfin, 3,5 millions sont consacrés à l'arbitrage professionnel et nous avons également une association des managers.

Restent donc 35 à 40 millions véritablement dédiés aux projets socio-éducatifs, dont la répartition n'est pas définie, à la façon française, par la loi mais par des contrats dont décident nos actionnaires, les clubs. Une part de ces crédits, 12 millions, est dédiée aux infrastructures, à la construction de stades, via la Fondation du football, financée à parts égales par la ligue, la fédération et le Gouvernement. Une autre part, 3 millions, va au financement de projets socio-éducatifs dans le monde, par exemple pour le développement du coaching dans les pays africains et sud-américains, opération que nous menons en collaboration avec le British Council . Une troisième part va aux projets socio-éducatifs réalisés, au niveau local, par chacun des vingt clubs de la Premier League. C'est le projet dit Creating Chances , auquel sont affectés quelque 20 millions, et dont le monitoring est assuré par le Premier League Charitable Fund (PLFC), qui évalue les projets des clubs et contrôle leur mise en oeuvre. Six agents de la Premier League y sont affectés. Parmi ces programmes, le Kicks , qui vise à l'intégration par le sport des jeunes des quartiers sensibles, action menée en coopération avec la police. Il s'agit à la fois d'éviter de laisser les jeunes à l'abandon dans la rue et de lever la barrière des préjugés qui peut s'élever entre ces jeunes et la police. Autre programme, le Reading Stars , grâce auquel des joueurs des grands clubs se rendent dans les écoles pour donner aux jeunes le goût de la lecture en parlant des grands livres qui les ont marqués. Quant au Premier League 4 sports, il vise à développer la pratique d'autres sports que le football dans les écoles - judo, volleyball, tennis de table, hockey sur gazon...

Tous les clubs mènent ce type de projets, et la PLCF les évalue : si les critères ne sont pas respectés, le club doit payer lui-même. Nous nous efforçons de créer des synergies, pour obtenir un effet multiplicateur. Avec la fédération et le gouvernement, dans la Football Foundation, avec la police, qui, dans le programme Kicks , met à disposition des agents, avec le British Council sur les projets à l'international, mais aussi avec des sponsors, comme Barclays, sur les projets socio-éducatifs.

Chaque club met aussi en place, localement, des projets individuels, puisque tous doivent obligatoirement avoir une fondation pour recevoir les fonds de la Premier League . Mais ces fondations reçoivent aussi un soutien de la part de financeurs privés. C'est ainsi qu'Arsenal a créé un programme avec les écoles de quartier, le programme Double Club , pour inciter les élèves à apprendre les langues étrangères. J'y ai vu Bacary Sagna donner des cours de français. Des collaborations se sont nouées avec l'Institut français, le Goethe, le Cervantes...

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les collectivités locales abondent-elles les budgets de ces fondations ?

M. Mathieu Moreuil. - À ma connaissance, il existe très peu de subventions des collectivités locales. La commune d'Islington, où se trouve Arsenal, par exemple, ne finance pas. On est plutôt dans la logique anglo-saxonne du community project . Manchester City est l'un des rares clubs à avoir bénéficié d'un stade construit sur fonds publics, parce que c'était le stade des Commonwealth Games , en échange de quoi, un accord a été passé avec le Council of Manchester pour que le club participe à la réhabilitation d'un quartier à l'est. C'est le seul exemple, à ma connaissance, d'interaction poussée entre un club et une collectivité. On est plutôt dans la logique inverse : ce sont les collectivités qui en appellent à la responsabilité sociale des clubs.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Voilà qui est pour nous inhabituel. En France, les clubs se tournent beaucoup vers les collectivités territoriales, pour l'amélioration et l'entretien des stades, voire pour abonder leur budget de fonctionnement. Faut-il y voir une différence dans l'architecture réglementaire ou dans les mentalités ?

M. Mathieu Moreuil. - Le sport reste un phénomène éminemment national. Le football est ainsi structuré selon la tradition propre à chaque pays. La ligue anglaise de foot professionnel existe depuis 1886. La séparation entre les clubs et la fédération est donc intervenue à la fin du XIX e siècle. Les clubs sont donc depuis longtemps structurés comme des entreprises classiques, certes investis d'une responsabilité sociale mais qui, étant des sociétés, ne reçoivent pas d'aides publiques. On est loin du modèle latin.

Il y a, en Angleterre, très peu de régulation par la loi. C'est le royaume de la Common Law. Les clubs sont structurés en sociétés, et le football est un business . Il existe bien des interactions avec la puissance publique, mais elles prennent rarement la forme de financements. Je ne vois guère que le cas de Manchester, que j'ai cité, ou celui du stade olympique.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Sur le stade olympique, la ligue a-t-elle été consultée, en amont, quant à l'avenir de l'infrastructure ? Il semble que son attribution à West Ham ait exigé des travaux, pour qu'il puisse être dédié à la pratique du foot.

M. Mathieu Moreuil. - Il y a eu des contacts entre les instances du football anglais et le comité d'organisation des Jeux olympiques, et nous poussions pour que soit prévue l'utilisation ultérieure du stade, mais nous avons été accueillis avec une certaine condescendance. Cela participe de ce modèle économique du football, où l'on considère que c'est aux clubs à construire leur stade. Si une réutilisation par le foot avait été pensée en amont, la mairie de Londres n'aurait pas eu à engager de travaux. Après de nombreux procès et de nombreuses contestations, le stade a, finalement, été attribué à West Ham. Les choses se seraient passées autrement si la concertation avait vraiment eu lieu en amont.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le modèle d'organisation du foot que vous décrivez se retrouve-t-il dans d'autres disciplines sportives en Angleterre ?

M. Mathieu Moreuil. - Absolument, le sport y est professionnalisé. Des subventions publiques sont attribuées à des fédérations sportives qui n'ont pas une exposition médiatique aussi importante que le foot. Elles passent par deux organismes, Sport England pour la pratique amateur, et UK Sports pour les élites. Dans l'un et l'autre cas, les critères d'évaluation sont très sévères et si ces organismes jugent qu'une fédération ne les remplit pas, comme cela est arrivé pour le basketball, les subventions sont coupées. C'est la logique conservatrice du gouvernement britannique, qui va aider les plus performants, en ciblant les subventions plutôt que de saupoudrer. C'est sans doute ce qui explique que les Britanniques soient bien placés dans quelques sports, mais que la pratique de beaucoup d'autres ne soit pas du tout répandue, parce qu'ils ne sont pas du tout aidés. Quant aux grands sports professionnels, comme le rugby, ils reçoivent très peu d'aides publiques et les stades appartiennent aux clubs et aux fédérations. Comme Wembley appartient à la fédération de football, Twickenham appartient à la fédération de rugby. On est bien sur un modèle de séparation entre puissance publique et entités professionnelles, responsabilisées.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Comment se fait la répartition des crédits entre les vingt clubs de première division ?

M. Mathieu Moreuil. - Elle est très égalitaire, « quasi communiste » pour reprendre le mot de notre chief executive. Il s'agit de réduire les écarts pour valoriser la compétition, qui perdrait de son intérêt si elle était dominée par un ou deux grands clubs. C'est un peu la même logique que le système américain, avec la draft ou le salary cap . Les crédits se répartissent en deux pots. Les droits récoltés au Royaume-Uni, d'abord, qui sont répartis selon un système proche de celui de la France : 50 % à égalité, 25 % selon la position en fin de championnat, 25 % en fonction de l'affichage médiatique - sachant que seuls 280 matchs sur 360 sont diffusés, pour encourager les gens à aller dans les stades. Vient ensuite une deuxième enveloppe, à l'international, répartie égalitairement. Sur les droits de la Premier League en Chine, par exemple, les vingt clubs touchent autant, bien que les grands clubs y soient pour davantage. Si bien que la différence de dotation entre clubs est minime : la fourchette va de 1 à 1,4 quand elle va de 1 à 17 en Espagne, de 1 à 7 en Allemagne et de 1 à 4 ou 5 en France.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - C'est la ligue qui édicte ces règles ?

M. Mathieu Moreuil. - Ce sont les clubs, la ligue n'est que gestionnaire. Nous essayons certes de les convaincre de mettre en place des règles de contrôle financier, de reverser le plus possible aux projets socio-éducatifs. Reste que les clubs considèrent, et ils nous le rappellent souvent, que c'est leur argent. Ce qui n'interdit pas la transparence : les règles qu'ils ont définies sont réunies dans un manuel et publiées sur Internet.

M. Michel Savin, président. - Existe-t-il, dans d'autres pays européens, des actions menées via des fondations ?

M. Mathieu Moreuil. - Les clubs mènent de telles actions, notamment via les grandes ligues, comme la Bundesliga allemande, qui pousse les clubs et leurs supporters à s'investir dans leur communauté. Des actions existent aussi en Espagne, mais ce sont les clubs qui agissent à titre individuel, car la ligue, qui ne gère pas les droits, a des pouvoirs très limités. Le Real Madrid et le Barça mènent des actions caritatives. Aucune organisation sportive, cependant, n'est autant impliquée que la Premier League , qui dédie 15 % des droits et une quinzaine des membres de son staff , sur quatre-vingt-dix, à ces programmes.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quelle est la situation financière du foot anglais ? Quelles procédures, quelles règles de gestion ont été mises en place pour la contenir ? Quid des règles de fair-play financier ? Une réflexion sur le plafond salarial, le salary cap , est-elle engagée ? Sachant que votre modèle économique repose sur l'exposition médiatique, la tentation existe-t-elle, comme elle apparaît ailleurs, de resserrer la ligue et d'aller vers un modèle de ligue fermée, pour éviter l'aléa sportif ?

M. Mathieu Moreuil. - On parle beaucoup du modèle américain de ligue fermée. Nous ne sommes pas sur cette ligne. L'Angleterre compte 92 clubs professionnels sur un territoire grand comme deux régions françaises. C'est dire combien le maillage est dense. Il serait impossible de faire accepter une ligue fermée à ces clubs, dont chacun rêve d'accéder à la première division et se bat pour éviter la relégation. Et cela fait partie du show .

En matière financière, il a toujours existé des règles, contrairement à ce que l'on pense. Ce sont les règles qui s'appliquent à toute entreprise. Les comptes des clubs anglais sont disponibles en ligne, ce qui est loin d'être le cas partout en Europe. Sur les principes de fair-play financier, l'accord de la ligue anglaise sans faille, mais le diable est dans les détails : c'est sur leur mise en oeuvre que demeurent des divergences. L'UEFA, dans ses règles de fair-play financier, considère que les clubs ne doivent pas dépenser plus que ce qu'ils gagnent ; en Angleterre, on considère qu'ils ne peuvent pas dépenser plus que ce qu'ils possèdent. Nous ne sommes pas loin de l'approche qui est celle de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) en France. Il s'agit d'éviter de donner un avantage aux clubs qui gagnent le plus, au risque de figer les situations. Or, toute l'histoire du football anglais de la Premier League est fondée sur l'émergence de nouveaux acteurs, pour que le challenge reste permanent. Nous avons donc formalisé notre propre version du fair-play financier, à laquelle deux règles sont venues s'ajouter cette saison : une règle de limitation des déficits cumulés, qui ne doivent pas dépasser 105 millions sur une période donnée, la ligue pouvant prendre des sanctions si des garanties en actifs ne peuvent être apportées et une forme de salary cap , version light , les clubs dépassant un certain montant de masse salariale devant le justifier et adopter des règles de provisionnement.

Le fait est que si la situation financière du foot anglais est bonne, demeurent des préoccupations quant à l'endettement des clubs et à l'inflation de la masse salariale. La dette des clubs, importante puisqu'ils ont dû acheter leur stade, doit aussi se mesurer, cependant, en tenant compte des actifs que représentent ces équipements. Ce n'est pas rien que de posséder des terrains au coeur de Londres, par exemple. Ce que nous essayons de faire, c'est de mettre en place des outils destinés à contenir l'endettement et l'inflation de la masse salariale. Il s'agit d'éviter que l'augmentation des revenus bénéficie, pour l'essentiel, aux agents et aux salaires des joueurs. Nous essayons, au contraire, de faire en sorte que ces sommes soient réinvesties dans les infrastructures, la formation des jeunes, les projets socio-éducatifs, pour créer un cercle vertueux.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le tarif des places dans les clubs de la Premier League mais aussi dans les autres m'a frappé. Je suis un supporter de Lens, et puis vous dire que les tarifs sont plus bas, ce qui nous attire du monde. Comment expliquer des tarifs si élevés, à niveau de vie comparable ?

M. Mathieu Moreuil. - Il est vrai que le prix des places peut être élevé. Ce sont les clubs, entités commerciales, qui fixent les tarifs. Or, le taux de remplissage pour les matchs de Premier League est de l'ordre de 95 %.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Il faut donc être riche pour faire partie du public ?

M. Mathieu Moreuil. - Les stades sont très remplis. Je suis sans cesse sollicité par des gens qui cherchent désespérément des places ! Si l'on fixait les prix plus bas, on aurait des difficultés.

Il ne faut pas garder les yeux fixés, comme cela est souvent le cas, sur les seuls tarifs d'Arsenal. L'étude conduite tous les ans par la BBC, le Price of Football Survey , montre, il est vrai, que les prix sont élevés, mais quand l'abonnement le moins cher d'Arsenal atteint 985 livres, celui de Manchester City reste à 275 livres - autour de 300 euros. Il faut donc relativiser. Nous aimerions certes que soient proposées davantage d'offres promotionnelles, mais la ligue n'a guère de moyens d'agir sur les tarifs. Cela dit, le ticket le moins cher dans les vingt clubs de Premier League va de 15 à 40 livres. C'est un tarif comparable à celui d'autres spectacles.

Mme Françoise Boog . - Quelle est la place du football féminin ?

M. Mathieu Moreuil. - Elle va croissant. Le football féminin est très dynamique. La ligue semi-professionnelle, gérée par la fédération, est en plein essor. J'ai même été sollicité par nos collègues de l'Olympique Lyonnais, qui dominent tellement le football féminin que cela devient pour eux un problème, et qu'ils voudraient bien se susciter des challengers. Nous développons également une ligue des moins de 21 ans qui fonctionne très bien.

Mme Françoise Boog . - Ces équipes féminines sont-elles liées aux clubs professionnels de la ligue ?

M. Mathieu Moreuil. - Absolument. La plupart des grands clubs de la Premier League ou de la Football League sont concernés. Un championnat a été mis en place, que gère la fédération.

Mme Françoise Boog . - Mais cela reste semi-professionnel ?

M. Mathieu Moreuil. - C'est que toutes les joueuses ne sont pas sous contrat professionnel, bien que la majorité, je crois, le soit.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quelles sont pour vous les faiblesses dans l'organisation du football professionnel français ? On entend beaucoup dire que le fait que les clubs ne soient pas propriétaires de leurs infrastructures serait un frein à leur développement, et qu'ils n'attirent pas autant de spectateurs qu'en Angleterre ou en Allemagne parce qu'ils n'ont pas la maîtrise du fonctionnement de leurs stades. Le modèle anglais, ou allemand, est-il, à votre sens, transposable en France ?

M. Mathieu Moreuil. - La ligue française fait bien son boulot. Si faiblesse il y a, cela tient à trois facteurs. Les infrastructures, d'abord. Il est difficile pour un club de rivaliser commercialement avec les grands clubs européens s'il n'est pas propriétaire de son outil de travail et ne peuvent développer leur offre commerciale. Le fait est qu'en Angleterre, les clubs en difficulté sont ceux qui ne sont pas propriétaires de leur stade - c'est le cas de Portsmouth, par exemple. Or, en France, très peu le sont. Cela dit, il faudra bien rénover les stades pour l'Euro 2016. Sans doute le contribuable devra mettre la main à la poche, mais il ne faut pas se leurrer : on met souvent en avant le modèle allemand, mais tous leurs stades ont été rénovés, sur fonds publics, pour la coupe du Monde 2006...

L'autre frein tient au fait que l'on a du mal à accepter, en France, l'idée que le foot est un business , ce qui ne facilite pas le développement, quand en Angleterre, on l'assume clairement, même si l'on n'oublie pas la responsabilité sociale et l'exigence d'appuyer le développement du sport amateur. Enfin, il n'y règne pas la même culture du foot qu'en Angleterre ou en Allemagne. Outre qu'il est de bon ton, dans une posture pseudo-intellectuelle, de le regarder de haut, le foot est en concurrence avec d'autres sports, comme le rugby, très présent dans certaines régions. Il en va tout autrement en Angleterre, où la première question que l'on pose à quelqu'un que l'on ne connaît pas vise à savoir quel est son club. Car tout le monde est supporter d'un club. De foot, il va sans dire. Même si les choses peuvent changer, même si un bel Euro, une équipe triomphante, peuvent gagner bien des coeurs, cela reste une difficulté structurante pour le football français.

M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Je vous remercie pour ces échanges.

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