D. UNE COMMUNICATION QUI, MALGRÉ QUELQUES AMÉLIORATIONS, AJOUTE À LA CONFUSION ET DONT L'ABANDON, DANS SA FORME ACTUELLE, DEVRAIT ÊTRE ENVISAGÉ

Compte tenu des limites des statistiques des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi comme indicateur du chômage rappelées supra , de nombreuses voix se sont élevées pour améliorer la présentation qui en était faite, à défaut de supprimer toute publication de ces statistiques.

Suivant les conclusions du rapport de l'IGF, de l'Igas et de l'Insee, l'autorité de la statistique publique a labellisé en 2014 les statistiques des demandeurs d'emploi en fin de mois établies par Pôle emploi et la Dares en assortissant sa décision de six recommandations portant notamment sur la présentation de ces chiffres (ajouter à la publication mensuelle des DEFM un commentaire privilégiant la tendance des derniers mois, attirer l'attention des lecteurs sur la faible signification de la variation d'un mois sur l'autre en dessous d'un certain seuil, etc.).

Depuis janvier 2016, un avertissement indiquant que les évolutions en tendance doivent être privilégiées aux évolutions au mois le mois figure sur le site internet, dans le communiqué de presse de la Dares ainsi que dans le « Dares indicateurs » . Par ailleurs, depuis mai 2016, les évolutions trimestrielles sont présentées avant l'évolution mensuelle . Enfin, un lien vers une note méthodologique 21 ( * ) figure sur le site internet, dans le communiqué de presse de la Dares ainsi que dans le « Dares indicateurs ».

Cette note rappelle notamment la différence entre le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi et le nombre de chômeurs au sens du BIT, la méthodologie employée pour les corrections des variations saisonnières et des jours ouvrés, les seuils de significativité ou encore la forte variabilité des séries au mois le mois.

Évolution de la présentation du « Dares indicateurs »
entre décembre 2015 et juin 2016

Source : Dares

Par ailleurs, dans une communication de janvier 2016 22 ( * ) , la Dares et Pôle emploi ont indiqué que des évolutions auraient lieu au cours de l'année 2016 afin d'améliorer l'information du public . En particulier, il est prévu la publication d'un document présentant des séries à partir du fichier historique statistique (FHS) avec six mois de recul ainsi que la publication d'un « document recensant les incidents et changements de procédure ayant eu un impact significatif sur les statistiques mensuelles, et lorsque cela est possible, des estimations d'impact et des séries contrefactuelles sur une courte période ». Par ailleurs, la publication mensuelle devrait être « enrichie d'indicateurs de tendance, moins variables, au mois le mois, tout en permettant de détecter suffisamment rapidement les changements de tendance ».

Si ces évolutions semblent bienvenues, elles n'en demeurent pas moins insuffisantes. Ainsi, selon Dominique Bureau, président de l'ASP 23 ( * ) , les avertissements « à géométrie variable en fonction des résultats » ne sont pas « la bonne méthode » dans la mesure où, selon lui, « ces informations doivent figurer dans la conception même du document et non comme un simple avertissement ».

En outre, la présentation en tendance des DEFM ne figure en première position que dans les publications émanant de la Dares, Pôle emploi continuant, dans son communiqué de presse, de mettre en avant l'évolution au mois le mois .

Par ailleurs, comme l'a rappelé Stéphane Jugnot lors de son audition, la publication mensuelle du nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois inscrits à Pôle emploi conduit à mettre en avant « un indicateur tronqué ». Jusqu'en 1995, il s'agissait des demandeurs d'emploi en catégorie 1, c'est-à-dire sans emploi et recherchant un contrat à durée indéterminée à temps complet. Dans un second temps, les personnes ayant travaillé plus de 75 heures ont été retirées de la catégorie 1 et ont été regroupées au sein de la catégorie 6. Depuis 2009, il s'agit des demandeurs d'emploi en fin de mois en catégorie A . L'ensemble des publications (« Dares indicateurs », communiqué de presse de la Dares et de Pôle emploi) débutent en effet par la présentation du nombre de DEFM en catégorie A.

Cette présentation n'est pas satisfaisante dans la mesure où, d'une part, elle entretient la confusion entre DEFM et chômeurs et, d'autre part, comme l'a rappelé le chercheur, elle tend à créer une dichotomie entre « vrais » demandeurs d'emploi en catégorie A et « faux » demandeurs d'emploi en catégories B et C. Elle nuit en outre à « la qualité et à l'intérêt de l'analyse statistique » ainsi qu'à la qualité du débat public en focalisant l'attention sur un chiffre plutôt que sur des analyses plus qualitatives telles que la mise en relation de « la variation du stock de demandeurs d'emploi avec celle des sorties et des entrées », qui ne peut être fondée que sur l'analyse des catégories A, B et C et ne conduit pas à s'intéresser au chômage de longue durée.

Enfin, si l'ensemble des personnes entendues par votre commission d'enquête se sont accordées pour rappeler que le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi ne correspondait pas, stricto sensu , au nombre de chômeurs, le communiqué de presse publié par Pôle emploi sur son site internet présente pourtant cet indicateur comme le chiffre du chômage (cf. document infra ).

Présentation par Pôle emploi de l'évolution des DEFM de mai 2016

Source : http://stmt.pole-emploi.org/publication

La communication actuelle de l'évolution du nombre de DEFM nourrit la confusion entre « chiffres du chômage » et nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, c'est-à-dire entre données statistiques produites à partir d'une enquête et données administratives sujettes aux limites qui ont été rappelées précédemment .

Elle mobilise en outre d'importants moyens de Pôle emploi sur une tâche très éloignée de son coeur de métier . Ainsi, comme l'a rappelé Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, lors de son audition : « je m'interroge même sur l'intérêt de l'indicateur que nous produisons, et ce d'autant plus que, chaque mois, l'image de Pôle emploi est associée à la publication de ces chiffres. Par conséquent, ne déduisez pas de mon intervention que nous serions très attachés, à Pôle emploi, à l'élaboration de cette statistique. Celle-ci existe, et nous faisons tout pour l'améliorer depuis deux ans. Mais nous ne tenons pas, absolument, à la produire ».

Au total, malgré l'amélioration de leur processus d'élaboration et de leur publication, les statistiques des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi ne peuvent, au mieux, que renseigner sur une tendance de la situation de l'emploi .


* 21 Dares, Pôle emploi, Comment interpréter les statistiques mensuelles sur les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, janvier 2016.

* 22 Dares et Pôle emploi, Statistiques mensuelles des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi. Une publication mensuelle au format rénové à partir de janvier 2016.

* 23 Audition du 11 mai 2016.

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