C. REVOIR EN PROFONDEUR LE CONTENU DE LA PUBLICATION DU NOMBRE DE DEMANDEURS D'EMPLOI EN FIN DE MOIS (DEFM)

La publication à un rythme mensuel d'une enquête Emploi présentant les statistiques du chômage conformes à la définition du BIT constitue un « optimum de premier rang ». Votre rapporteur est cependant conscient qu'une telle évolution n'est pas envisageable à très court terme. Il importe donc, dans des délais très brefs, de clarifier encore la publication du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi afin de mettre un terme à la confusion entre chômeurs et demandeurs d'emploi.

Sa suppression pure et simple apparaissant illusoire, il pourrait être envisagé, sur le modèle du Royaume-Uni, de rassembler au sein d'une publication unique l'enquête Emploi de l'Insee, qui devrait être produite à un rythme mensuel, et le nombre de DEFM, dont l'établissement pourrait être confié au seul Pôle emploi.

1. Clarifier la communication mensuelle par Pôle emploi et la Dares du nombre de DEFM

À court terme, il apparaît indispensable de clarifier la distinction entre « demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi » et chômeurs .

Dès lors que le décompte des DEFM n'est plus considéré comme une image du chômage en France, l'analyse de l'ensemble des catégories A, B et C devrait être privilégiée et systématiquement mise en avant.

La catégorie C devrait en outre faire l'objet d'une analyse plus approfondie, présentant en particulier le nombre de personnes occupant un emploi à stable et à temps plein .

Pôle emploi devrait également cesser de nourrir la confusion en commentant les chiffres qu'il publie chaque mois comme les « chiffres du chômage » .

Enfin, les transitions entre catégories devraient figurer au sein des publications de la Dares et de Pôle emploi et faire l'objet d'une analyse poussée, de même que le devenir des demandeurs d'emploi inscrits en catégorie D six mois après leur sortie de formation . Ces analyses auraient vocation à nourrir des bilans annuels sur les trajectoires des demandeurs d'emploi .

2. Rassembler dans une publication commune le nombre de DEFM et le taux de chômage au sens du BIT issu de l'enquête Emploi

Le Royaume-Uni publie dans un seul et même document (le Statistical bulletin : UK Labour market ) le nombre de chômeurs au sens du BIT ( unemployment ) et le nombre de bénéficiaires d'une allocation recensés par les Jobcentres Plus ( claimant count ). Ces deux statistiques sont présentées successivement et un rappel méthodologique figure à la fin de leur présentation.

Ce document, réalisé par l' Office for national statistics , équivalent britannique de l'Insee, apparaît beaucoup plus complet que les résultats de l'enquête Emploi et le « Dares indicateurs » réunis . Il comprend ainsi une analyse des principales évolutions sur trois mois du marché du travail britannique, des statistiques sur l'emploi, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, le nombre d'heures travaillées, l'évolution des salaires, etc.

Une présentation similaire pourrait être envisagée, même si elle suppose, dans l'attente de la publication de chiffres mensuels au format BIT, la mise en place d'un indicateur du chômage « glissant » sur trois mois .

Une telle solution permettrait de recentrer le débat public autour de l'indicateur pertinent, comme cela est le cas au Royaume-Uni.

3. Confier l'établissement du nombre de DEFM à Pôle emploi et libérer les moyens de la Dares pour la réalisation d'études plus approfondies sur la situation de l'emploi et du chômage

Dès lors que la mesure du nombre de demandeurs d'emploi sera clairement distinguée de la mesure du chômage, il pourrait être envisagé de ne confier sa réalisation qu'à Pôle emploi. Les moyens de la Dares ainsi dégagés auraient vocation à être consacrés à la réalisation d'études plus poussées sur la situation du marché de l'emploi et du chômage en France.

Comme l'a rappelé Stéphane Jugnot, « la question du transfert intégral de la responsabilité de la publication à Pôle emploi peut également être posée. Cela permettrait de libérer des moyens de la Dares ou des services déconcentrés qui pourraient être employés à la réalisation d'analyses sur d'autres sujets qui ne sont pas assez approfondis tels que l'analyse des trajectoires des demandeurs d'emploi à partir des fichiers historiques dont dispose Pôle emploi, ainsi que sur l'activité de l'opérateur ».

Selon lui, il conviendrait en particulier que la Dares affecte ces ressources ainsi libérées à « des analyses approfondies sur la base du fichier historique, déclinées par territoire. Cela permettrait notamment de repérer les territoires où l'on peut voir des réussites en termes de sorties durables ».

Enfin, votre rapporteur partage l'opinion de Jean-Baptiste de Foucauld 32 ( * ) , membre du Conseil d'orientation pour l'emploi, selon qui il conviendrait de privilégier « la tenue, chaque année, d'un rendez-vous au cours duquel, en fonction de dossiers préparés par les différentes administrations, on examinerait l'évolution du marché de l'emploi au cours de l'année passée, et ce dans toutes ses composantes. Cet exercice permettrait de dégager une vision, qui pourrait servir de base à la tenue d'un débat fructueux ».

Or l'existence de tels rendez-vous suppose, au préalable, la mise en place d' un cadre apaisé passant par la « désacralisation » du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A comme mesure du chômage en France .

C'est à cette condition seulement que pourront être déterminées des politiques de l'emploi réfléchies et consensuelles.

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La coexistence de trois principaux indicateurs utilisés pour mesurer le chômage en France - chiffres mensuels des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, chiffres trimestriels du nombre de chômeurs issus de l'enquête Emploi réalisée par l'Insee et chiffres mensuels produits par Eurostat selon une méthode hybride - nourrit donc la confusion. Elle est en outre source de suspicion, l'opinion publique ne comprenant pas, à juste titre, qu'un même phénomène puisse évoluer dans des sens divergents selon l'indicateur retenu.

Au terme des travaux de votre commission d'enquête, il apparaît que le nombre de demandeurs d'emploi inscrits sur les listes de Pôle emploi, présenté généralement comme le « chiffre du chômage », ne puisse pas faire l'objet de soupçons de « manipulations » . En effet, son établissement résulte dans une large mesure d'un processus automatisé tendant à produire un instantané d'une réalité administrative. Par ailleurs, à la suite des « bugs » de 2013 et de 2015, des contrôles ont été mis en oeuvre pour renforcer sa fiabilité.

Pour autant, ce chiffre ne saurait constituer une mesure pertinente du chômage tant il demeure soumis à d'importants aléas . Ainsi, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A, généralement mis en avant dans le débat public, peut être influencé par des décisions administratives et politiques : à la hausse, comme cela a été le cas avec la suppression progressive de la DRE pour les demandeurs d'emploi séniors, mais également à la baisse comme cela est le cas avec les différents plans de formation qui tendent à diminuer artificiellement le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A et à augmenter les effectifs de la catégorie D, dont l'évolution est très peu commentée.

Les statistiques du chômage établies par l'Insee dans le cadre de son enquête Emploi publiée à un rythme trimestriel apparaissent, de ce point de vue, plus fiables et plus pertinentes . Répondant à des critères définis par le BIT au niveau international et stables dans le temps, cette mesure du chômage devrait constituer l'indicateur de référence. Sa faible périodicité explique cependant que lui soit privilégié le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A.

Si les améliorations successives apportées aux modalités d'établissement du nombre de DEFM ainsi qu'à leur communication permettent de clarifier les termes du débat, ces évolutions ne sauraient cependant constituer que des expédients .

Aussi la mise en place d'une mesure au format BIT mensuelle apparaît comme un horizon à atteindre .

Une telle évolution ne pourra avoir lieu du jour au lendemain. Elle nécessitera en outre certainement une augmentation des moyens consacrés à la réalisation de l'enquête Emploi. Pour autant, un recours accru aux nouvelles technologies devrait permettre d'en contenir le coût tout en en réduisant les délais de production.

La suppression pure et simple de la publication du nombre de DEFM chaque mois apparaissant illusoire, il convient donc d'en d'améliorer rapidement la communication .

Outre que celle-ci devrait comporter une analyse plus fine de certains phénomènes (mouvements entre catégories, composition de la catégorie C, évolution globale du nombre de DEFM et non seulement de la catégorie A), il pourrait être envisagé de fondre dans un document unique, sur le modèle du Royaume-Uni, l'enquête Emploi et la publication du nombre de DEFM . Une telle solution permettrait, sous réserve de précisions méthodologiques et de définition suffisantes, de recentrer le débat autour des statistiques établies par l'Insee, actuellement totalement passées sous silence. Leur analyse serait en outre enrichie par l'étude des principaux phénomènes affectant le marché du travail dont certains déterminants peuvent être illustrés par l'évolution du nombre de DEFM.

DEUXIÈME PARTIE - LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE À L'ÉPREUVE DE LA CRISE DES ANNÉES 2000

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* 32 Audition du 9 juin 2016.

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