N° 709

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur : « Les impensés de la LPM : préparation opérationnelle, disponibilité des équipements et évolutions du soutien »,

Par M. Olivier CIGOLOTTI et Mme Michelle GRÉAUME,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

L'ESSENTIEL

L'effort consenti en faveur des crédits de paiement du programme 178 dans le cadre de la LPM est conséquent. Trois chiffres marquent une progression nette : 69 milliards d'euros bénéficieront à l'entraînement et à l'activité des forces, 49 milliards à l'entretien programmé du matériel (EPM) et 18 milliards aux services de soutien.

Le programme 178 est dimensionnant pour répondre à l'hypothèse d'engagement majeur (HEM) comme à la haute intensité (HI). Le choix de la LPM 2019-2025 de repousser à 2025 la remontée de l'activité opérationnelle se heurte désormais à la guerre en Ukraine et à la possibilité d'affrontements non choisis. Les difficultés de remontée de la DTO sont préoccupantes. S'y ajoute la tentation de réduire une supposée sur-disponibilité des équipements. Elle vient, sous couvert de « cohérence », redonner une certaine marge de manoeuvre budgétaire à une LPM confrontée aux impasses précédentes et à la vérité des coûts de la haute intensité, mais pourrait entamer le capital technique des armées. Les services de soutien sont indispensables à l'HEM et la seule augmentation des moyens n'épuise sans doute pas les solutions qui doivent être inventées.

I. PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE ET DISPONIBILITÉ TECHNIQUE : LES ÉTERNELLES VARIABLES D'UNE LPM SANS RÉELLE AMBITION EN LA MATIÈRE

Les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle (DTO) sont un sujet de préoccupation de la CAEDFA. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.

La situation s'est dégradée, comme le redoutait vos rapporteurs, sans que le Parlement ne dispose d'aucune visibilité sur le décrochage qui s'est opéré pendant les 4 premières années de la LPM.

L'article 7 de la LPM 19-25 prévoyait pourtant que l'actualisation en 2021 de la LPM pour 2019-2025 devait permettre, d'une part, de vérifier l'amélioration de la préparation opérationnelle et de la disponibilité technique des équipements (qui n'était pas classifiée lors de l'adoption de la LPM 19-25), et, d'autre part, de fixer des objectifs annuels dans ces domaines.

La préparation opérationnelle est devenue une variable d'ajustement de la LPM pour 2019-2025.

À défaut d'avoir obtenu l'application de cette disposition législative, la détérioration de la préparation opérationnelle et de la disponibilité technique opérationnelle a été constatée lors de chaque discussion budgétaire sans qu'il soit possible d'obtenir l'écart entre la trajectoire projetée et la réalisation, impactant finalement la capacité des armées à honorer leurs contrats opérationnels « intervention », comme le montre l'infographie suivante.

Activités et entraînement

Disponibilité technique opérationnelle

Capacité des armées à honorer leurs contrats opérationnels « intervention »

 
 
 

des indicateurs en stagnation ou en diminution entre 2019 et 2023

des indicateurs en stagnation ou en diminution entre 2019 et 2023

en diminution en 2023 par rapport à 2020

Le tableau suivant présente les principaux indicateurs permettant le suivi de la préparation opérationnelle. La remontée de la préparation opérationnelle devait se concentrer en fin de période de programmation, ce qui semblait trop tardif. Faute d'indicateurs permettant le suivi des performances espérées, il apparaît que la préparation opérationnelle a été une variable d'ajustement au cours de l'exécution des premières années de la LPM. Sur 11 indicateurs disponibles en 2023, 5 montrent un recul par rapport à 2019. Les cibles de la LPM 24-30 restent identiques à celles de la LPM 19-25.

   

Unités

Norme visée en 2025

Prévision 2019

PAP 2023

Norme visée en 2030

 

JPO

Jours

90

81

83

 

Armée de terre

JACT

Jours

X

X

X

120

Norme/équipage

%

X

57

70

100

Pilotes d'hélicoptère

Hdv

200

173

144

200

(dont forces spéciales)

Hdv

220

185

157

220

Équipage de Char Leclerc

Hde

115

nc

80

115

Équipage VBCI 

Hde

130

nc

80

130

Équipage VAB/Griffon

km

1 100

nc

nc

1 100

Équipage sur AMX 10 

Hde

100

nc

nc

100

Équipage Caesar

Coups tirés

110

nc

77

110

Armée de

l'air et de

l'espace

Chasse

Hdv

180

164

147

180

Hélicoptères

Hdv

200

174

181

200

Transport

Hdv

320

219

189

320

Marine

nationale

Bâtiment

(bâtiment hauturier)

JdM

100(110)

91 (95)

90 (95)

100(110)

Pilote de chasse (pilote qualifié appontage de nuit)

Hdv

180(220)

170 (185)

188 (nc)

180(220)

Pilote d'hélicoptère

Hdv

220

199

218

220

Pilote de patrouille

Hdv

350

324

340

350

Source : CAEDFA

69 milliards en faveur de la préparation opérationnelle, un effort supplémentaire de 20 milliards.

Les perspectives de la LPM sont ambitieuses et s'établissent pour la préparation opérationnelle à 69 milliards d'euros sur la période de programmation, soit 20 milliards supplémentaires, et 9,86 milliards par an, contre 7 milliards par an prévus entre 2019 et 2025. Cette augmentation annuelle est conforme aux besoins recensés par vos rapporteurs dans le cadre de la préparation du rapport sur l'actualisation de la LPM.

 

LPM 19-25

LPM 24-30

Armée de terre

13

18

Marine nationale

17

24

Armée de l'air et de l'espace

19

27

Total

49

69

Source : PJL LPM 2024-2030

La part de chaque armée reste remarquablement stable d'une LPM à l'autre, soit 26,5 % en faveur de l'armée de terre, 34,7 % de la marine nationale et 38,8 % de l'armée de l'air et de l'espace.

Il conviendra de s'assurer que les besoins de l'armée de terre, qui n'atteignent aujourd'hui que 70 % de la norme d'entraînement, ne sont pas sous-estimés.

La situation devrait progresser dans le domaine de la préparation opérationnelle et l'organisation de l'exercice Orion, exercice de type inédit, multi-milieux et multi-champs, va dans le bon sens et son Retex devrait permettre de souligner que l'effort est indispensable.

Il ne paraît pas judicieux que le Parlement ne puisse pas suivre au cours de la prochaine LPM les progrès réalisés en la matière.

Après que la préparation opérationnelle a été la variable d'ajustement de la LPM 2019-2025, la disponibilité des équipements militaires est en passe de devenir celle de la LPM 2024-2030.

Pour la disponibilité technique opérationnelle, exprimée en pourcentage des contrats opérationnels, les résultats ne sont pas satisfaisants non plus.

Ce sont 10 des 21 indicateurs de la DTO qui ont diminué entre 2019 et 2023.

En la matière, la variation du contrat opérationnel induit une variation de la DTO et rend donc cet indicateur peu lisible. Là encore aucune information n'a été communiquée au Parlement sur les objectifs de stabilisation ou de progression de la DTO et de la disponibilité technique des équipements.

Ce serait pourtant essentiel : la prolongation de l'utilisation d'équipements vieillissants pose la question de la capacité des armées à honorer leurs contrats opérationnels et leurs objectifs de préparation opérationnelle avec ces équipements. En Allemagne, des commentateurs ont parlé d'armée Potemkine : c'est-à-dire d'une armée dont les fleurons technologiques cachent mal la fragilité de l'ensemble de l'édifice militaire.

 

Taux de disponibilité (en %)

2019

Prévisions 2023

 

Char Leclerc

85

87

 

EBRC (dont AMX10RC)

69

84

Armée

EBMR (dont VAB)

89

99

de

VBCI

69

65

Terre

Pièces de 155 mm

84

58

 

Hélicoptères de manoeuvre

47

54

 

Hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance

59

58

 

Porte-avions

93

62

 

SNA

60

62

Marine

Autres bâtiments de la marine

75

76

nationale

Composante frégates

67

59

 

Chasse

68

67

 

Hélicoptères

53

56

 

Guet aérien, Patrouille et surveillance maritime

58

67

Armée

Avions de combat

86

69

de

Avions de transport tactique

59

73

l'Air

Avions d'appui opérationnel

79

76

et

Vecteur ISR

76

86

de

Avions à usage gouvernemental

100

95

l'espace

Hélicoptères de manoeuvre et de combat

76

82

 

Système sol-air moyenne portée

72

52

Source : CAEDFA

La « cohérence » de la LPM au risque de la gériatrie des équipements militaires

Les efforts dédiés à la DTO dépendent des crédits dédiés à l'EPM qui bénéficient de 14 milliards supplémentaires.

La prochaine LPM recherche un optimum économique, en trompe l'oeil, dit « de cohérence », arbitrant entre deux variables majeures : l'activité et la DT, fournie à partir de pièces de rechanges et de réponses techniques transmises par les industriels titulaires des contrats verticalisés. Le raisonnement visant à réduire une supposée « sur-disponibilité » pour financer plus d'heures d'activité ne paraît pas rationnel, ni économiquement ni techniquement : il conduirait à une surusure des équipements et à l'érosion plus rapide du capital technique des armées.

L'information du Parlement doit permettre d'éviter une telle dérive, les équipements âgés doivent rester suffisamment efficaces, le coût de leur maintenance doit rester raisonnable. En son temps, le retard du Rafale Marine a obligé la Marine à prolonger l'emploi du Crusader (utilisé depuis le début des années 1960), au prix de 67h de maintenance pour une heure de vol. Le non remplacement de matériel et le retard de livraison d'équipement ne doivent pas conduire à l'utilisation au-delà du raisonnable des équipements vieillissants. Dans le cas contraire, il faudrait dimensionner les crédits d'EPM pour gérer la gériatrie des matériels ce qui n'est ni souhaitable, ni adapté en période d'instabilité internationale majeure qui touche jusqu'au sol européen.

II. L'EPM : DES EFFORTS BUDGÉTAIRES QUI NE DISPENSENT PAS DE SOUTENIR LES SERVICES DE SOUTIEN EN CHARGE DU MCO

49 Milliards alloués à L'EPM, Un effort supplémentaire de 14 milliards.

La LPM 2019-2025 tirait les leçons de l'accroissement des besoins et portait une réelle ambition pour l'entretien programmé du matériel (EPM) en lui dédiant 35 milliards sur la période de programmation, dont 22 Mds entre 2019 et 2023 (soit des annuités de 4,4 Mds), puis 13 milliards entre 2024 et 2025 (soit des annuités de 6,5 milliards). La LPM reportait ainsi une partie décisive de l'effort après 2022, or ce report a encore été accentué par les premières années d'exécution. Le rythme d'inscription des crédits dédiés à l'EPM en loi de finances initiales connaissait un retard de 900 M€ par rapport à l'annuité moyenne arithmétique.

En 2023, selon les réponses au questionnaire budgétaire, le niveau de crédits consacrés à l'EPM s'élève à 5,534 Mds€ (soit 4,4 +0,9) ce qui pourrait donner l'impression que le retard est comblé. Toutefois, ces crédits dédiés à l'EPM, qui représentent 45 % du P178, comprenaient 500 M€ supplémentaires destinés aux munitions.

Si l'augmentation des crédits destinés aux munitions est indispensable, et les leçons tirées de la guerre en Ukraine l'imposent, cela signifie qu'une fois de plus les crédits d'EPM ont servi à financer des besoins non prévus par la LPM 2019-2025, au détriment des besoins initialement retenus, alors que le gabarit était déjà taillé au plus juste pour rester dans l'épure budgétaire d'une LPM déjà ambitieuse. Vos rapporteurs se sont rendus dans des services chargés de l'EPM dans les trois armées pour évaluer précisément les enjeux.

 
 

Visite du chantier d'EPM de la FREMM Languedoc sur la base navale de Toulon
le 25 novembre 2022

La LPM en cours d'exécution prévoyait à partir de 2024 d'augmenter de 2,1 Mds€ les annuités EPM pour les porter à 6,5 Mds€. Le projet de LPM ne détaille pas les annuités des crédits de l'EPM. Faut-il considérer qu'elles seront toutes identiques, alors que le maintien de matériel vieillissant devrait logiquement conduire à une augmentation des besoins d'EPM au fur et à mesure de l'exécution de la LPM, si ces besoins ont bien été anticipés ? Le choix dit « de cohérence » visant à réduire une supposée « sur-disponibilité » des équipements pour financer plus d'heures d'activité ou plus d'équipements neufs doit être surveillé, afin de préserver le capital technique des armées.

 
 

Visite de l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand le 10 février 2023

Visite de la 12e Base de Soutien du Matériel (BSMAT), SIMTer à Douai le 5 avril 2023

Des différentes visites dans des services en charge du MCO, il ressort que les points suivants doivent faire l'objet d'une attention particulière pendant cette LPM qui vise à donner à nos armées les moyens de la haute intensité.

Doter le SIMu de 80 postes supplémentaires au cours de la LPM.

S'agissant des munitions, et de l'effort de reconstitution des stocks, il est nécessaire de prendre en compte les besoins du Service interarmées des munitions (SIMu). Il doit :

- premièrement consolider son organisation avec la création éventuelle d'un nouvel établissement principal des munitions (EPMU) et le renforcement de son dispositif à l'outre-mer et l'étranger,

- deuxièmement renforcer la fonction défense et sécurité et le pilotage des projets majeurs. Pour cela, il lui faut gagner en épaisseur organique en sécurisant la remontée en puissance des ressources humaines. Des créations de postes sont donc à prévoir, et en leur sein, les besoins en personnel militaire sont évalués à environ 80 postes.

Aujourd'hui, la capacité de stockage offerte par les dépôts du SIMu est jugée suffisante pour répondre aux exigences des contrats opérationnels. La modernisation de cette capacité doit se poursuivre afin de garantir des conditions optimales de préservation du potentiel des munitions et de sécurité des installations. Les magasins en tôle sont ainsi remplacés par des igloos et la sécurité doit être encore renforcée. L'HEM pourrait conduire à un besoin de stockage accru et à une diversification des modes de mise à disposition des munitions en multipliant par exemple les possibilités d'acheminement ferroviaire via l'installation d'embranchements spécifiques (ITE).

Consolider l'EPM et les services de MCO des armées en HEM.

Le développement des contrats verticalisés d'EPM va bon train. La DGA devrait être à l'avenir partie de ces contrats L'amélioration des contrats verticalisés a fait l'objet de récentes études associant les principaux représentants de la BITD du MCO aéronautique (notamment Dassault Aviation, SAFRAN, Thales et Airbus Helicopters) dont les premiers résultats permettent d'identifier des leviers d'action qui contribueront à améliorer la réactivité du système de soutien autour de deux axes, présentés dans l'infographie suivante.

Source : Plaquette de présentation de la DMAé

Axe matériels

Axe RH

L'axe « matériels » consiste à adapter les stocks opérationnels à la situation de chaque flotte en portant l'effort sur les rechanges critiques et les approvisionnements vulnérables aux situations de crise internationale, à s'assurer de l'existence des chaînes de réparation industrielles et de leur capacité à répondre aux besoins des forces, à anticiper la constitution de stocks de matières premières et de composants stratégiques nécessaires à la sécurisation des chaînes de production et de réparation (synergies à rechercher avec la DGA) et enfin à réduire la charge de maintenance et à mettre en place des programmes d'entretien d'aéronef applicables en temps de guerre, adossés à une évaluation du niveau de risque acceptable en situation opérationnelle, et permettant d'augmenter conjoncturellement la disponibilité des équipements et le niveau des stocks. D'autres leviers pourraient être identifiés afin d'être en mesure d'augmenter rapidement la réactivité des chaînes de soutien. Enfin, la mise en oeuvre de nouveaux systèmes d'information, tels que BRASIDAS, visant une meilleure maîtrise de la donnée et un pilotage plus efficient du MCO aéronautique doit être une priorité.

L'axe « ressources humaines » consiste pour sa part à s'assurer, pour chaque flotte d'aéronefs, de l'existence d'un noyau suffisant de compétences et de savoir-faire industriels en fonction des équilibres entre soutien opérationnel et soutien industriel, forces projetées et infrastructure arrière, stocks et capacités de régénération (cette mesure est de nature à permettre le renforcement d'une réserve opérationnelle de personnel de l'industrie compétente sur chaque flotte), à poursuivre la généralisation et la montée en compétences des plateaux et pôles de conduite du soutien État-industrie et à les impliquer dans la préparation opérationnelle et les exercices de simulation de montée en puissance des forces, à amplifier la simplification des processus du MCO aéronautique en vue de leur optimisation (circuits logistiques, circuits d'information, mise en réparation et réception, interfaces SI/SO, etc.) et finalement à renforcer la maîtrise d'ouvrage étatique dans des domaines clés des systèmes d'information, des données, des drones et plus largement dans l'innovation.

Ces réformes ne sont pas suffisantes. Il convient de ne pas négliger le soutien opérationnel et les unités des armées en charge du MCO :

- les problématiques de recrutement et de fidélisation des personnels en charge de ces compétences précieuses sont importantes. Certains services visités connaissent une vacance de 25 % de leurs effectifs civils. La question de l'attractivité et du bénéfice de certaines primes (ainsi, il serait souhaitable de reconnaitre l'éligibilité à l'Indemnité de Mise en OEuvre et de Maintenance des Aéronefs -IMOMA- du personnel civil affecté aux mêmes fonctions et dans les mêmes niveaux de responsabilité que ses homologues militaires, comme il le fut de rendre éligibles les personnels du SSA qui n'avaient pas bénéficier des mesures d'alignement sur le Ségur de la santé faute d'exercer en hôpital) se pose notamment, ainsi que celle du recrutement des ouvriers d'État et des moyens de garantir leur formation et de faire face à la déformation de la pyramide des âges due à l'absence de recrutement pendant plusieurs années. Il est également nécessaire de rendre possible le recours aux réservistes si le besoin d'organiser les chantiers de MCO en trois huit se fait sentir (comme ce fut le cas pendant la crise sanitaire) ;

- la constitution de stocks de pièces détachées est essentielle, la crise sanitaire du Covid et les difficultés d'approvisionnement consécutives ont mis en évidence cette fragilité. Des stocks de l'ordre de 6 mois de fonctionnement paraissent appropriés. La recherche de solutions alternatives d'approvisionnement en cas de crise ou d'indisponibilité d'un prestataire extérieur, de délai trop long, ou de défaillance d'un sous-traitant par exemple, doit être poursuivie, systématisée et entretenue dans le temps ;

- la nécessité de permettre une plus grande autonomie permettant l'émergence de conception de solutions en format « industrie de guerre ». Ce qui est vrai pour la maintenance en contrats verticalisés l'est pour le MCO assuré par les armées. La nécessité d'adapter les standards à l'hypothèse de haute intensité est réelle, et c'est en amont des crises qu'il faut se donner le temps de l'envisager. La réforme de la DGA doit impérativement viser à réduire les délais d'acceptation de procédures ou de pièces de rechange dérogatoires de rechange.

III. DES SERVICES DE SOUTIEN À REPENSER : UN ENJEU OUBLIÉ DE LA LPM À VENIR ?

Les services de soutien qui regroupent 12 sous-fonctions comprennent, outre le service interarmées aux munitions (SIMu) et les services de MCO intégrés aux armées, le service du commissariat central (SCA), le service de santé des armées (SSA) et le Service des énergies opérationnelles (SEO). Le Service des infrastructures de défense (SID) participe aussi au soutien, au sein du programme 212. Bien qu'éreintés par la révision générale des politiques publiques, puis par les réductions de format au fil des LPM, ces services de soutien assurent leurs missions et remplissent leurs contrats opérationnels. Faut-il dès lors se contenter de miser sur l'augmentation des moyens pour atteindre la haute intensité ?

Les soutiens au défi de la haute intensité : l'augmentation des crédits suffit-elle ?

Le projet de LPM semble faire l'impasse sur la réflexion que la haute intensité aurait pu ouvrir dans le domaine des soutiens. Pourtant plusieurs pistes auraient pu être explorées :

l'adjonction au bon niveau d'un officier général en charge des soutiens au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) permettrait sans doute une meilleure jonction entre les soutiens sur le terrain et la chaîne de commandement verticale de chaque service de soutien. L'articulation entre le Centre de soutien des opérations et des acheminements (CSOA) et le CPCO pourrait être affinée en temps de crise. Le Retex de l'exercice Orion sera intéressant sur ces questions ;

- la possibilité de réduire le nombre des services de soutien en temps de haute intensité en les réunissant au sein d'une structure ad hoc. Le soutien de la base de Gao pendant Barkhane a été modifié en ce sens. Cette expérience doit être étudiée, afin que ses effets positifs puissent être reproduits, et que les freins et difficultés puissent être réduits.

Renforcer le SEO, le SCA et le SSA au cours de la prochaine LPM : l'indispensable condition à l'efficacité des armées tendant vers la haute intensité

S'agissant du SEO, les remarques suivantes feront l'objet d'une attention particulière car elles conditionnent la capacité du SEO à assurer son contrat opérationnel :

- un approvisionnement trop important auprès de fournisseurs extérieurs semble difficilement tenable en hypothèse de haute intensité. Il serait alors nécessaire de disposer de plus de camions de transport de carburants pour maintenir la disponibilité. Cela pose la question du nombre de vecteurs, de leur âge, de la pénurie de maintenanciers, et de la nécessité de budgéter dans la prochaine LPM le bon niveau d'équipements neufs, les camions citerne de nouvelle génération (CCNG). Il paraît difficile de ne pas atteindre entre 120 et 150 unités. Dans son rapport d'activité annuel, la feuille de route du SEO prévoyait de remplacer l'ensemble des ravitailleurs de tailles diverses par un « parc unique constitué d'un porteur et d'une éventuelle remorque à l'horizon 2025-2028 ». Le renouvellement du parc des semi-remorque-citernes routières était prévu pour 2029.

- le niveau de protection des personnels doit être hissé à la hauteur de la haute intensité. En cela le passage à un standard supérieur du Camion Ravitailleur Pétrolier de l'Avant à Capacité Étendue (CaRaPACE) est une nécessité. Cela impose d'équiper les CaRaPACE de grilles amovibles de protection contre les charges creuses, d'une capacité de brouillage et d'un tourelleau téléopéré de 12,7 mm. La protection face à la menace radiologique, bactériologique et chimique devrait également être systématique.

 
 

Visite de l'Établissement logistique du Commissariat des armées (ELoCA) de Châtres le 30 mars 2023

Visite au Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) le 10 mai 2023

Le SCA pour sa part est confronté à plusieurs défis. Il doit :

résorber les étalements dus à la non-budgétisation des obligations posées par la loi Egalim en cours d'exécution de la LPM que vos rapporteurs avaient évalué à plus de 80 millions d'euros, puis aux étalements liés à la prise en compte de l'inflation et au verdissement des flottes de transport en 2022 et 2023,

- monter rapidement en capacité de fournir les équipements grands froids rendus nécessaires depuis le déploiement de la mission Aigle en Roumanie, et faire face aux coûts de la métropolisation des équipements du SCA revenant de Barkhane et représentant un an de travail pour l'ELoCA de Roanne,

- répondre aux besoins de modernisation des ELoCA et de sécurisation de leurs emprises. L'emprise de Roanne doit être sécurisée par l'achat d'une parcelle adjacente dont le coût peut être estimé à 18 millions d'euros,

- faire face aux pénuries de personnels, de l'ordre de 1 000 postes vacants sur 11 000 postes militaires,

- mener une réflexion sur ses approvisionnements et la diversification et la sécurisation de ses fournisseurs dans l'hypothèse de la haute intensité. La réflexion sur l'économie de guerre gagnerait à englober les activités des services de soutien et du SCA en particulier.

Durant la précédente LPM, le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels. La remontée de la FOT et le niveau élevé de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs, supérieur aux objectifs de construction de la LPM et du modèle SSA 2020, ont mécaniquement induit un besoin supplémentaire de soutien par le SSA. La LPM 2019-2025 a prévu l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2019 et leur stabilisation jusqu'en 2023, puis leur remontée modérée au-delà. La difficulté centrale tient à la trop lente remontée en puissance de la médecine des forces. Le service dispose de 700 médecins des forces, entre le plafond ministériel des emplois autorisés et l'effectif moyen réalisé, on constate un écart de « 100 médecins manquants » (ce chiffre correspond à un effectif lissé qui évolue en cours de gestion au gré des départs, des mutations et des indisponibilités). Les tensions sur les effectifs concernent également la composante hospitalière, où certaines spécialités font l'objet d'une réelle tension : chirurgie (orthopédique, viscérale, vasculaire, thoracique, urologique, tête et cou), médecine d'urgence en exercice hospitalier, psychiatrie et radiologie. Plusieurs spécialités paramédicales essentielles se révèlent également sous tension, à l'instar des infirmiers de bloc opératoire, ou encore des masseurs-kinésithérapeutes. Pour la première fois depuis 7 ans, le plafond ministériel des emplois autorisés du SSA n'a pas été communiqué à la commission malgré les demandes répétées des rapporteurs lors des auditions budgétaires de cet automne. Faute d'informations et au vu de la situation de pénurie de personnels dans le secteur sanitaire depuis la pandémie, il est à craindre que le ratio de médecins manquants se soit encore accru. 136 médecins de premier recours manquaient en 2021, l'HIA de Lyon est devenu une AHA, le SSA dépend de son articulation avec le secteur public pour faire face à l'hypothèse d'engagement majeur ! Dans ce contexte, un moratoire sur les transformations des établissements du SSA doit être déclaré.

Le SSA fait donc à bas bruit la révolution de la haute intensité, en prévoyant, en raison de son format, que les blessés militaires en cas de conflit de haute intensité passeraient par le SSA dans un rôle de niveau 4, y seraient « démilitarisés » avant d'être réorientés dans les hôpitaux du service civil de santé identifiés. Un partenariat étroit se noue dans le cadre du « protocole pluriannuel entre le ministère de la défense, le ministère en charge de la santé et de la sécurité sociale et le ministère en charge du budget définissant les relations et les engagements réciproques de ces ministères, dans le but de mieux répondre aux besoins de santé de la population, notamment aux besoins spécifiques de la défense dans le domaine de la santé » du 11 avril 2022.

Mettre les brigades SSA sur roues pour accompagner la scorpionisation de l'armée de terre.

Les Retex de Barkhane et de l'opération Résilience durant la crise sanitaire liée au Covid 19 ont amené le SSA à inclure la tyrannie des distances dans la conception même de son action en cas de haute intensité. La scorpionisation de l'armée de terre accroît encore sa mobilité, le SSA doit concevoir son action à l'extrême-avant, et dans le mouvement constant. Plus qu'un hôpital de campagne, antienne qui revient d'une LPM à l'autre sans jamais se concrétiser, toujours repoussé d'une A2PM à l'autre, il faut donner les supports adéquats aux brigades de SSA appelées à une mobilité constante, exposée et nécessairement urgente.

LES CONSTATS

La préparation opérationnelle et la disponibilité technique opérationnelle (DTO) se sont dégradées ou ont stagné au cours des 4 premières années de la LPM 2019-2025.

Les efforts budgétaires annoncés dans le cadre de la LPM sont conséquents : 20 milliards supplémentaires en faveur de l'activité et de l'entraînement, 14 milliards supplémentaires alloués à l'EPM et 4 milliards supplémentaires aux services de soutien.

Ils pourraient perdre en efficacité si le choix de la cohérence se traduit par une diminution du capital technique des armées et une limitation de la remontée de la préparation opérationnelle faute d'équipements nécessaires à l'entraînement.

L'accroissement des moyens ne suffit pas. Il faut imaginer et laisser les services imaginer de nouvelles solutions et de nouvelles organisations pour faire face à la haute intensité.

LES PROPOSITIONS

Donner à connaître au Parlement les trajectoires de remontée de la préparation opérationnelle et de l'évolution de la DTO, afin de lui permettre de rendre un avis éclairé lorsque des choix stratégiques se présenteront, lors de l'actualisation de la LPM notamment.

Inclure les problématiques de l'économie de guerre aux problématiques du P178 : sécuriser des stocks de pièces détachées pour le MCO, veiller à la sécurisation des approvisionnements et à la diversification des fournisseurs, penser la capillarité des services de soutien, comme leur réunion en cas de crise majeure.

Doter les services de soutien des moyens de tenir leur contrat opérationnel en HEM ou HI.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juin 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information du groupe de travail sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », dans la perspective de la loi de programmation militaire (M. Olivier Cigolotti, rapporteur et Mme Michelle Gréaume, rapporteure).

M. Olivier Cigolotti, rapporteur. - Monsieur le président, chers collègues, l'effort consenti en faveur des crédits de paiement du programme 178 dans le cadre de la LPM est conséquent. Trois chiffres marquent une progression nette :

-69 milliards d'euros bénéficieront à l'entraînement et à l'activité des forces, soit un effort supplémentaire par rapport à la précédente LPM de 20 milliards,

-49 milliards sont alloués à l'entretien programmé du matériel (EPM) soit 15 milliards de plus,

- et enfin 18 milliards pour les services de soutien. Ce sont 4 milliards supplémentaires.

L'effort est là, il était indispensable tant le programme 178 est dimensionnant pour répondre à l'hypothèse d'engagement majeur (HEM) comme à la haute intensité (HI).

Les résultats en matière de préparation opérationnelle et de disponibilité technique opérationnelle (DTO) sont un sujet de préoccupation de la CAEDFA. En 2023, les indicateurs en la matière sont particulièrement décevants.

La situation s'est dégradée, comme nous le redoutions et sans que nous n'ayons aucune visibilité sur le décrochage qui s'est opéré pendant les 4 premières années de la LPM faute d'application de son article 7 qui devait fixer des objectifs annuels dans ces domaines. La préparation opérationnelle est de fait devenue une variable d'ajustement au cours de l'exécution des premières années de la LPM pour 2019-2025. Sur 11 indicateurs disponibles en 2023, 5 montrent un recul par rapport à 2019.

Les perspectives de la LPM pour 2024-2030 sont ambitieuses et s'établissement pour la préparation opérationnelle à 9,86 milliards par an, contre 7 milliards par an prévus entre 2019 et 2025. Cette augmentation annuelle est conforme aux besoins que nous avions recensés dans le cadre de la préparation du rapport sur l'actualisation de la LPM.

Il conviendra de s'assurer que les besoins de l'armée de terre, qui n'atteignent aujourd'hui que 70 % de la norme d'entraînement, ne sont pas sous-estimés. La consommation de ces crédits ne devra donc pas être repoussée à la deuxième moitié ou au dernier tiers de la LPM, et nous ne pouvons pas accepter cette fois encore de ne pas avoir de jalons tout au long de l'exécution de la LPM. Nous avons une cible de dépenses de crédits tout au long de la LPM mais nous n'avons pas la répartition par années. Nous vous ferons sans doute des propositions sur ces sujets lors de notre réunion de la semaine prochaine.

Pour la disponibilité technique opérationnelle, exprimée en pourcentage des contrats opérationnels, les résultats ne sont pas satisfaisants non plus. Ce sont 10 des 21 indicateurs de DTO qui ont diminué entre 2019 et 2023 ! Là encore aucune information n'a été communiquée au Parlement sur les objectifs de stabilisation ou de progression de la DTO.

Les efforts dédiés à la DTO dépendent des crédits dédiés à l'EPM qui bénéficient de 14 milliards supplémentaires. Mais la prochaine LPM recherche un optimum économique, en trompe l'oeil, dit « de cohérence », qui arbitre entre deux variables majeures : l'activité et la DTO. Réduire une supposée « sur-disponibilité » pour financer plus d'heures d'activité ne paraît pas rationnel, ni économiquement ni techniquement. Cela conduirait à une surusure des équipements et à l'érosion plus rapide du capital technique des armées. Voulons-nous, comme l'Allemagne, nous retrouver avec une armée Potemkine qui présente bien mais s'effrite à l'examen ?

L'information du Parlement doit permettre d'éviter une telle dérive, les équipements âgés doivent rester suffisamment efficaces, le coût de leur maintenance doit rester raisonnable. En son temps, le retard du Rafale Marine a obligé la Marine nationale à prolonger l'emploi du Crusader (utilisé depuis le début des années 1960), au prix de 67h de maintenance pour chaque heure de vol. Le non remplacement de matériel et le retard de livraison d'équipements ne doivent pas conduire à l'utilisation au-delà du raisonnable des équipements vieillissants. Dans le cas contraire, il faudrait dimensionner les crédits d'EPM pour pallier la gériatrie des matériels ce qui n'est ni souhaitable, ni adapté en période d'instabilité internationale majeure qui touche jusqu'au sol européen.

La LPM 2019-2025 tirait les leçons de l'accroissement des besoins et portait une réelle ambition pour l'entretien programmé du matériel (EPM) en lui dédiant 35 milliards sur la période de programmation. Mais elle reportait en fait une partie décisive de l'effort après 2022, avec des annuités de 4,4 Mds entre 2019 et 2023, puis de 6,5 milliards entre 2024 et 2025. Or, en exécution, le rythme d'inscription des crédits dédiés à l'EPM en loi de finances initiales a accusé un retard de 900 M€ par rapport à l'annuité moyenne arithmétique, accentué en 2023 par le fléchage dans cette enveloppe annuelle inchangée de 500 M€ pour reconstituer les stocks de munitions.

Cette augmentation des crédits destinés aux munitions était indispensable, et les leçons tirées de la guerre en Ukraine l'imposent. Mais cela signifie toutefois que les crédits d'EPM ont servi à financer des besoins non prévus par la LPM 2019-2025, au détriment des besoins initialement retenus, alors que le gabarit était déjà taillé au plus juste.

Nous devrons être très attentifs au rythme de consommation des crédits de l'EPM pendant la période de programmation à venir, les annuités n'étant pas détaillées. Un décrochage serait cette fois encore illisible pour le Parlement.

Faut-il donc considérer que ces annuités seront toutes identiques, alors que le maintien de matériel vieillissant devrait logiquement conduire à une augmentation des besoins d'EPM au fur et à mesure de l'exécution de la LPM ? Le choix dit « de cohérence » visant à réduire une supposée « sur-disponibilité » des équipements pour financer plus d'heures d'activité ou plus d'équipements neufs doit être surveillé, afin de préserver le capital technique des armées.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure. - Je vais centrer mon propos essentiellement sur les services de soutien dont la situation nous alarme depuis que nous sommes rapporteurs du P178. Olivier parlait de la reconstitution du stock des munitions. Il nous paraît évident qu'elle doit s'accompagner d'une adaptation du Service interarmées des munitions (SIMu). Le SIMu doit :

- premièrement consolider son organisation avec la création éventuelle d'un nouvel établissement principal des munitions (EPMU) et le renforcement de son dispositif à l'outre-mer et l'étranger,

- deuxièmement renforcer la fonction défense et sécurité et le pilotage des projets majeurs. Pour cela, il lui faut gagner en épaisseur organique en sécurisant la remontée en puissance des ressources humaines. La création de 80 postes de personnel militaire est nécessaire,

- enfin, la capacité de stockage offerte par les dépôts du SIMu est jugée suffisante pour répondre aux exigences des contrats opérationnels. Mais la modernisation et l'augmentation de la sécurité doivent être favorisées avec le remplacement des magasins en tôle par des igloos, notamment.

Nous recommandons aussi de consolider l'EPM et les services de MCO des armées. Pour préparer ce rapport nous nous sommes rendus dans trois services de MCO : le service de soutien de la flotte à Toulon, l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand, et la 12ème Base de Soutien du Matériel à Douai.

De ces visites dans des services en charge du MCO, il ressort que l'amélioration des contrats verticalisés et du MCO dans les armées passe par un axe « matériels ». Il consiste à adapter les stocks opérationnels en portant l'effort sur les rechanges critiques et les approvisionnements vulnérables aux situations de crise internationale. Il faut également s'assurer de l'existence des chaînes de réparation industrielles et de leur capacité à répondre aux besoins des forces, à anticiper la constitution de stocks de matières premières et de composants stratégiques nécessaires à la sécurisation des chaînes de production et de réparation. Enfin, il convient de mettre en place des programmes d'entretien des équipements applicables en temps de guerre, adossés à une évaluation du niveau de risque acceptable en situation opérationnelle et permettant d'augmenter conjoncturellement la disponibilité des équipements et le niveau des stocks.

Un deuxième axe « ressources humaines » consiste pour sa part à s'assurer, pour chaque flotte d'aéronefs, de l'existence d'un noyau suffisant de compétences et de savoir-faire, industriels et militaires, et des modalités adaptées d'appel à la réserve opérationnelle, de recrutement et de la fidélisation des ouvriers d'État, indispensables au MCO. Certains services visités connaissent une vacance de 25 % de leurs effectifs civils. La question de l'attractivité et du bénéfice de certaines primes se posent. Ainsi, il serait souhaitable de reconnaitre l'éligibilité à l'Indemnité de Mise en OEuvre et de Maintenance des Aéronefs -IMOMA- du personnel civil affecté aux mêmes fonctions et dans les mêmes niveaux de responsabilité que ses homologues militaires. Il faut également permettre une plus grande autonomie favorisant l'émergence de conception de solutions en format « industrie de guerre ». La nécessité d'adapter les standards à l'hypothèse de haute intensité est réelle, et c'est en amont des crises qu'il faut se donner le temps de l'envisager. La réforme de la DGA doit impérativement viser à réduire les délais d'acceptation de procédures ou de pièces de rechange dérogatoires.

S'agissant des services de soutien qui ne sont pas dédiés au MCO, il est regrettable que le projet de LPM fasse l'impasse sur leur adaptation à la haute intensité. Faudrait-il envisager la possibilité de réduire le nombre des services de soutien en temps de haute intensité en les réunissant au sein d'une structure ad hoc. Le soutien de la base de Gao pendant Barkhane a été modifié en ce sens. Cette expérience doit être étudiée, afin que ses effets positifs puissent être reproduits et que les freins et difficultés puissent être réduits.

Il nous reviendra de nous assurer que la prochaine LPM permet bien de renforcer le Service des énergies opérationnelles (SEO), le service du commissariat des armées (SCA) et le service de santé des armées (SSA). C'est une condition indispensable à l'efficacité d'armées tendant vers la haute intensité.

Pour s'adapter à la haute intensité, le SEO ne pourra plus dépendre autant des approvisionnements auprès de fournisseurs extérieurs et devra être mieux doté en vecteurs. Il lui faudra le bon nombre de camions citerne de nouvelle génération (CCNG), sans doute de l'ordre d'une grosse centaine

Le SCA pour sa part devra résorber les étalements dus à la non-budgétisation de la loi Egalim et à l'inflation. Il doit de plus faire face aux besoins d'équipements grands froids rendus nécessaires depuis le déploiement de la mission Aigle en Roumanie et aux coûts de métropolisation des équipements du SCA revenant de Barkhane. Il faudra aussi répondre aux besoins de modernisation des ELoCA et de sécurisation de leurs emprises, notamment à Roanne pour 18 millions d'euros.

Enfin, la situation du SSA appelle toute notre attention. Les chiffres permettant de calculer le déficit en médecins du service ne sont plus disponibles. Au dernier décompte en 2021, 136 médecins de premier recours manquaient ! L'amélioration tarde. L'hôpital d'instruction des armées (HIA) de Lyon est devenu une antenne hospitalière des armées (AHA). Les implantions locales du SSA décroissent et le SSA dépend désormais de son articulation avec le secteur sanitaire public pour faire face à l'hypothèse d'engagement majeur. Nous devons donc rester extrêmement attentifs aux modalités de coopération entre le SSA et le secteur civil sanitaire et déclarer un moratoire sur les transformations des établissements du SSA. Nous devons également donner au SSA les moyens de se porter à l'extrême avant en mettant les brigades du SSA sur roues pour accompagner la scorpionisation de l'armée de terre.

Ces points d'attention feront l'objet de propositions concrètes lors de la réunion de notre commission la semaine prochaine.

M. Rachid Temal. - Sur les stocks, quelle est votre position exactement ? S'agissant de l'article 24 du projet de LPM, l'État détermine sur la base d'un décret pris tous les deux ans, des niveaux de stocks nécessaires, demande aux entreprises de constituer ces stocks. Si ces stocks ne sont pas utilisés, que deviennent-ils ? Quelle est notre position sur ce dispositif ? Peut-on mesurer l'impact de ce dispositif pour les entreprises concernées ? Avez-vous pris connaissance de simulations ou obtenu des informations sur ce sujet au cours de vos travaux préparatoires ? On transfère totalement aux entreprises le risque inhérent à la constitution de stocks.

M. Pascal Allizard. - C'est une problématique qui relève de la compétence des rapporteurs du P144. Il y a une forte discussion sur ce point qui porte sur la dimension unilatérale de la décision de l'État de constituer un stock, ou faire constituer un stock, et sur la question de la rémunération d'un stock. Un stock coûte, les formules de calcul des coûts d'un stock sont parfaitement connues. Je vais donner un avis personnel, compte-tenu de la situation, que la question soit posée et fasse l'objet d'un débat avec les industriels ne me choque pas, mais cela ne peut pas être unilatéral et non rémunéré.

M. Cédric Perrin. - Dans le cadre des auditions faites dans le champ du P146, ce sujet a été abordé, même si nous sommes, avec Hélène Conway-Mouret, plus spécifiquement en charge des articles 23 et 25 du projet de LPM. Les industriels nous ont dit avoir découvert cet article 24 et les stocks dans le projet de LPM, sans avoir été associés en amont. Cela me choque un peu car les différentes réunions qui se sont tenues, sans nous, sur l'économie de guerre auraient dû être l'occasion de réfléchir à la manière de procéder sur cette question des stocks stratégiques. Ils semblent à la fois non-rémunérés et peuvent donner lieu à des sanctions s'ils ne sont pas constitués.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je souhaiterais des précisions sur le service de santé des armées qui est un élément essentiel en cas de haute intensité. Je me demande ce qui peut être fait dans un contexte sanitaire national sous tension, où les médecins des armées peuvent être tentés de travailler à l'extérieur. Qu'est-ce qui est fait dans ce contexte ? Y a-t-il une vraie politique RH, pour tenter de retenir et de recruter de nouveaux personnels spécialisés dans ces chirurgies assez particulières qui sont nécessaires en temps de guerre ? Il me semble qu'il faudrait se projeter : utiliser la LPM pour analyser un problème et avoir par cette programmation la possibilité d'apporter des réponses.

Mme Michelle Gréaume. - Nous savons que le SSA souffre d'un déficit de personnel et nous ne parvenons plus à le caractériser. Les informations que nous réclamons sur ce sujet nous sont régulièrement promises mais n'arrivent pas. Cela nous inquiète d'autant plus qu'il semble qu'en haute intensité, les blessés militaires seraient « démilitarisés », c'est-à-dire qu'après un certain nombre de soins et lorsqu'ils requièrent une intervention de niveau 4, ils seraient sortis du parcours SSA pour retrouver le secteur sanitaire civil. Hors le secteur public est déjà en très grande tension sur tout le territoire. Nous avons été interpellés par les personnels des implantations du SSA à Metz et à Lyon notamment, où des transformations se préparent, l'HIA devenant AHA adossé à un hôpital civil. Nous demandons un moratoire sur ces transformations car elles pourraient mettre en difficultés l'hôpital civil et fragiliser la chaîne SSA.

Il semble nécessaire de revaloriser les soldes, salaires et primes des personnels du SSA. Les mesures prévues par le Ségur de la santé suite à la pandémie de coronavirus ont mis du temps à être étendues aux établissements du SSA, avec parfois des différences de traitement incompréhensibles entre personnels, selon leur statut ou selon l'établissement du SSA dans lequel ils sont affectés. Nous avons demandé que les primes prévues par le Ségur soient étendues à tous ces services concernés.

Il va falloir également trouver le moyen de faire revenir des médecins dans l'armée et que l'on fidélise ces personnels. Il faut une politique RH beaucoup plus volontariste, les rémunérations ne peuvent pas être inférieures à celles du secteur civil.

M. Olivier Cigolotti. - Le SSA essaie aujourd'hui d'ouvrir plus largement le nombre de postes dans les écoles de formation, mais cette formation est longue et les effets des actions menées n'auront pas d'impact concret avant longtemps.

Le système prévoit aujourd'hui que le SSA s'appuie sur le secteur civil, mais celui-ci est sous tension. Comment, en haute intensité, nos militaires pourraient-ils être prioritaires dans un système déjà dans une situation extrême actuellement ?

Nous avons identifié le manque d'une centaine de médecins, aujourd'hui le SSA fonctionne grâce à la réserve, que ce soit sur le territoire national ou lors des projections au Sahel. Heureusement que des médecins acceptent de faire des périodes de réserve conséquentes, sinon le SSA serait en grande difficulté.

Les efforts de recrutement n'auront d'impact que dans 7 à 8 ans, dans l'attente, il faut couvrir une période de pénurie par la réserve et par le développement des rémunérations et de primes de fidélisation qui doivent être accordées à l'ensemble des personnels du SSA.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Puisque l'on parle d'économie de guerre, avez-vous eu des indications d'efforts prévus dans le domaine du SSA, et ce que vous préconisez sera-t-il accepté pour rendre le métier plus attractif et pour fidéliser les personnels ?

M. Olivier Cigolotti. - Le médecin général commandant le SSA a obtenu des crédits supplémentaires dans le cadre du projet de LPM que nous allons examiner prochainement. S'agissant de l'amélioration des rémunérations, la problématique est la même que dans les hôpitaux civils, il manque des personnels dans ces secteurs, ce qui complique le recrutement. Il y a un effort financier accordé au vu de la nécessité de recruter au sein du SSA

Mme Michelle Gréaume. - Nous restons attentifs à ces problématiques. Lors de notre déplacement au centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), nous avons demandé si la généralisation des primes prévues par le Ségur était enfin effective. C'est un dossier que nous ne lâchons pas, sur lequel nous attendons des avancées.

M. Alain Cazabonne. - Nous bénéficions d'un hôpital militaire de grande qualité, Robert Picqué, situé près d'un hôpital civil. La logique était de regrouper les deux hôpitaux sur le site militaire où se trouvaient 30 hectares disponibles, ce qui aurait coûté 50 millions d'euros à l'État. Ce dossier n'a pas abouti, malgré l'intervention des élus locaux. C'est donc l'hôpital Robert Picqué qui déménage sur le site civil de 7 hectares, cela ne permet pas de garder la piste d'hélicoptère d'urgence et quand dans une dizaine d'années il faudra agrandir les structures, il n'y aura pas de réserves foncières. C'est une mauvaise anticipation.

M. Olivier Cigolotti. - Cette tendance à la mutualisation entre une emprise militaire et un hôpital public est généralisée, on la retrouve à Bordeaux, à Lyon, à Metz. Dans bien des cas, on arrive à une saturation des équipements et des personnels, avec des effets induits de démotivation et de pertes des personnels qui démissionnent. Il y a bien là un manque d'anticipation. Lorsque l'on parle d'économie de guerre et de haute intensité, il faut se mettre en position de pouvoir traiter nos blessés et prioritairement nos blessés militaires dans des hôpitaux dignes de ce nom.

Mme Michelle Gréaume. - C'est pour cela que nous avons demandé le moratoire sur les transformations des implantations du SSA.

M. Pierre Laurent. - Pour avoir été également sollicité par plusieurs sites du SSA concernés, la grosse difficulté c'est qu'on cumule le problème de la rémunération et de l'attractivité liés au déficit de personnels hospitaliers et au déficit de recrutement avec une question structurelle propre à l'organisation du SSA et son lien avec les hôpitaux civils. Ces dernières années, il y a eu partout sur les sites concernés des procédures de regroupement et de mutualisation dans lesquelles les collectivités locales ont été incitées à investir dans le cadre de leurs discussions avec les autorités régionales de santé (ARS). Aujourd'hui, il semble qu'on ne sache plus trop dans quel sens aller. Il faudrait prendre le temps de la réflexion. Il y a un vrai désarroi sur les sites concernés faute de visibilité sur l'avenir structurel du SSA et son articulation avec les structures civiles. Vu les difficultés du SSA, on envisage de concentrer ses effectifs sur ses missions, mais ce faisant, ne risque-t-on pas d'aggraver les problèmes la situation du secteur sanitaire civil, d'accroître les problèmes de recrutement et de fidélisation. Ces difficultés n'ont pas été suffisamment anticipées, on en paie le prix et il est nécessaire de prendre le temps de l'analyse avant d'avancer dans un sens ou dans l'autre.

Dans le cadre de la LPM, on devrait avoir cette visibilité, malheureusement, il me semble qu'on ne l'a pas.

M. Olivier Cigolotti. - Nous ne pouvons que confirmer cet état de fait. Nous n'avons aucune visibilité. Nous sommes particulièrement attentifs à l'ensemble des services de soutien, que ce soient le commissariat des armées ou les services en charge du maintien en condition opérationnelle, mais nous avons avec le SSA une véritable pépite. Un seul exemple me semble parlant : le SSA est le seul service au monde à maîtriser un processus de lyophilisation du plasma et des composés sanguins, ce qui permet d'en envoyer sur l'ensemble des théâtres d'opération, y compris au profit de nations étrangères, car même les États-Unis ne maîtrisent plus au sein de leur service de santé militaire ce procédé. Nous devons donner au SSA les moyens de conserver ces technologies et capacités d'intervention sur tous les théâtres d'opération. Nous sommes donc particulièrement attentifs et nous multiplions les visites au sein de ces services pour nous assurer que nous sommes en mesure de conserver les savoir-faire du SSA et surtout les ressources humaines indispensables.

M. Cédric Perrin. - Avez-vous étudié la possibilité de donner aux infirmiers militaires plus de capacités d'action qu'ils n'en ont aujourd'hui ? C'est une problématique très présente dans les armées aujourd'hui. Il s'agirait de permettre aux infirmiers militaires de réaliser des actes qui compensent un peu le manque de médecins.

Mme Michelle Gréaume. - On s'appuie également sur ce qui a été fait dans le secteur civil. Je précise simplement qu'il ne manque pas que des médecins, les déficits du SSA concernent de très nombreuses spécialités.

M. Olivier Cigolotti. - Le modèle d'infirmier en service avancé qui se pratique sur le territoire a été dupliqué après les attentats de 2015. Cela fonctionne et permet de pallier, au moins pour partie au manque de médecins, mais cela ne résout pas totalement le problème.

Mme Gisèle Jourda. - Il est très difficile de faire ses études de médecine dans le cadre des armées. Je viens d'un département qui compte beaucoup de garnisons avec beaucoup de jeunes qui s'engageaient dans la voix de médecins militaires. Cela fait quasiment trois ans qu'aucun examen de recrutement n'a été organisé, ce qui est regrettable.

M. Olivier Cigolotti. - Le directeur central du SSA nous confirmait que l'augmentation des recrutements d'étudiants de médecine n'aurait pas les effets espérés car un certain nombre de jeunes ne finissent pas le cursus. Peut-être est-ce lié à la difficulté de la spécialisation militaire. L'élargissement du numerus clausus ne résout pas toutes les difficultés.

Mme Michelle Gréaume. - Ces difficultés ne touchent pas que le SSA. Les ouvriers d'État qui ont des compétences très recherchées dans le monde industriel reçoivent des offres alléchantes pour quitter l'armée. Leurs recrutements et gestions de carrière doivent faire également l'objet d'une grande attention.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Vendredi 25 novembre 2022

Visite du chantier d'EPM de la FREMM Languedoc sur la base navale de Toulon.

Vendredi 10 février 2023

Visite de l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand :

Jeudi 30 mars 2023

Visite de l'Établissement logistique du Commissariat des armées (ELoCA) de Châtres et SEO à Châlons-sur-Saône.

Mercredi 5 avril 2023

Visite de la 12e Base de Soutien du Matériel (BSMAT), SIMTer à Douai.

Vendredi 5 mai 2023 :

Déplacement SIMMT à Douai

Mercredi 10 mai 2023

Visite au Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA).

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 24 janvier 2023

Général Éric Laval, directeur du Service Interarmées des Munitions (SIMu)

Mardi 14 février 2023

M. Jérôme Lafitte, directeur du service de l'énergie opérationnelle (SEO)

Mardi 14 mars 2023

MGA Philippe ROUANET DE BERCHOUX, directeur central du service de santé des armées

Mme Isaure REVEL, commissaire de première classe

M. Jean-Christophe BEL, médecin général, chef de la division « Anticipation et Stratégie » ;

M. Erik CZERNIAK, médecin général, chef de la division « Opérations » ;

M. Frédéric HONORE, médecin général inspecteur, sous-directeur « Etudes et Politiques des ressources humaines » ;

M. Franck CAPINI, sous-directeur « Achats-finances »

Mme Morgane PONEN, cheffe du bureau « Analyse, synthèse et relations d'armées ».

Mardi 11 avril 2023

CRGHC Philippe JACOB, directeur central du service du commissariat aux armées

Mardi 6 juin 2023

GCA Vincent Pons, SCPLANS de l'EMA.

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