- L'ESSENTIEL
- LISTE DES RECOMMANDATIONS
- AVANT-PROPOS
- I. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
FANTOMATIQUE AU REGARD DE LA CONTRACTION DES EFFECTIFS ET DE L'INADAPTATION DES
LOGICIELS UTILISÉS PAR LES PRÉFECTURES
- A. DES EFFECTIFS EN DISSONANCE AVEC L'AUGMENTATION
DU NOMBRE D'ACTES TRANSMIS, À L'ORIGINE DE DISPARITÉS
TERRITORIALES DANS L'EXERCICE DU CONTRÔLE
- 1. Une baisse continue des effectifs malgré
une inflation du nombre d'actes transmis
- a) Une baisse des effectifs préfectoraux
affectant encore plus durement les services en charge du contrôle
budgétaire
- b) Une augmentation du nombre d'actes transmis ne
s'accompagnant pas d'une hausse du taux de contrôle, même des actes
pourtant prioritaires
- c) Une revalorisation des effectifs dans le cadre
de la LOPMI qui n'a pas eu d'effet sur les services en charge du contrôle
de légalité et budgétaire
- a) Une baisse des effectifs préfectoraux
affectant encore plus durement les services en charge du contrôle
budgétaire
- 2. Un affaiblissement subséquent des
contrôles, particulièrement marqué dans certains
territoires
- a) Des disparités territoriales importantes
observées dans l'exercice du contrôle de légalité,
dont les causes sont multifactorielles
- b) Un contrôle budgétaire plus
fluctuant car lié à la situation financière des
collectivités territoriales et au contexte électoral
- c) Une transformation de la nature du
contrôle en relation partenariale, qui n'est pas neutre pour les finances
publiques
- a) Des disparités territoriales importantes
observées dans l'exercice du contrôle de légalité,
dont les causes sont multifactorielles
- 1. Une baisse continue des effectifs malgré
une inflation du nombre d'actes transmis
- B. DES PERTES D'EFFECTIFS INSUFFISAMMENT
COMPENSÉES PAR UN REPYRAMIDAGE DES COMPÉTENCES AINSI QUE PAR DES
FORMATIONS ET LE DÉPLOIEMENT D'OUTILS APPROPRIÉS
- 1. Un repyramidage des catégories
timoré et insuffisant au regard de la complexification du
contrôle
- a) L'objectif de repyramidage des catégories
porté par le plan « Préfectures nouvelle
génération » a finalement été
atteint
- b) La complexification des normes applicables
requiert une politique plus ambitieuse de repyramidage des compétences
pour ces services
- c) Quid de la répartition territoriale des
effectifs ?
- a) L'objectif de repyramidage des catégories
porté par le plan « Préfectures nouvelle
génération » a finalement été
atteint
- 2. Le développement récent d'une
offre de formation encore balbutiante, pilotée par la sous-direction du
recrutement et de la formation
- a) Une intensification des formations à
partir de 2024, toutefois trop éloignées de la prise de poste des
agents pour celles en présentiel
- b) Des financements superposés pour des
formations aux coûts limités
- c) Des formations encore trop
généralistes
- d) Un pilotage des formations qui accorde une place
prépondérante à l'expertise pédagogique au
détriment de l'expertise technique
- a) Une intensification des formations à
partir de 2024, toutefois trop éloignées de la prise de poste des
agents pour celles en présentiel
- 3. Des logiciels de contrôle devenus
obsolètes et peu ergonomiques pour les usagers
- a) Des logiciels anciens accusant une lourde dette
technique
- b) Une dématérialisation encore loin
d'être complète
- c) Une amélioration à la marge de
l'expérience utilisateur dans l'attente d'une refonte d'ampleur des
logiciels @actes
- (1) Une refonte d'ampleur décalée
à 2027
- (2) Des coûts dynamiques largement
captés par l'assistance à la maîtrise d'ouvrage en
l'absence même de projet d'ampleur
- d) Une absence de pilotage clair de
l'intégration de l'intelligence artificielle
- a) Des logiciels anciens accusant une lourde dette
technique
- 1. Un repyramidage des catégories
timoré et insuffisant au regard de la complexification du
contrôle
- A. DES EFFECTIFS EN DISSONANCE AVEC L'AUGMENTATION
DU NOMBRE D'ACTES TRANSMIS, À L'ORIGINE DE DISPARITÉS
TERRITORIALES DANS L'EXERCICE DU CONTRÔLE
- II. UNE RÉORGANISATION DES CONTRÔLES
POUR VALORISER LA MUTUALISATION DE L'EXPERTISE, OPÉRÉE DE
FAÇON PEU UNIFORME SELON LES TERRITOIRES
- A. UN PALLIATIF INSTITUTIONNEL UNIQUE : LE
PIACL
- B. DES PALLIATIFS PARTENARIAUX
PROTÉIFORMES
- A. UN PALLIATIF INSTITUTIONNEL UNIQUE : LE
PIACL
- III. POUR ASSURER AU MIEUX UN CONTRÔLE DE
LÉGALITÉ EFFICIENT ET ADAPTÉ AUX ENJEUX CONTEMPORAINS, IL
CONVIENT DE MAINTENIR UN NIVEAU SUFFISANT D'EFFECTIFS FORMÉS, AVEC DES
PARTENARIATS INSTITUTIONNELS ACTIFS ET DANS UN ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE
ÉVOLUTIF
- A. CONSOLIDER LE NIVEAU DES EFFECTIFS, AVEC DES
FORMATIONS OPÉRATIONNELLES DÈS LA PRISE DE POSTE DES
AGENTS
- B. SYSTÉMATISER LES PARTENARIATS DANS LE
RESPECT DE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS LOCALES
- 1. Intensifier les partenariats avec les DDT pour
le contrôle des actes d'urbanisme, lorsque les effectifs le
permettent
- 2. Rendre obligatoires sur tout le territoire les
partenariats avec les directions départementales ou régionales
des finances publiques en matière de contrôle budgétaire et
de contrôle des délibérations fiscales
- 1. Intensifier les partenariats avec les DDT pour
le contrôle des actes d'urbanisme, lorsque les effectifs le
permettent
- C. DÉVELOPPER UN ENVIRONNEMENT
NUMÉRIQUE ET STATISTIQUE ERGONOMIQUE, PROPICE À LA MISE EN oeUVRE
DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À COURT TERME
- 1. Refondre le logiciel @ctes pour tous les
usagers, afin de pouvoir y intégrer à court terme l'intelligence
artificielle dans le traitement quantitatif des actes
- 2. Disposer d'une plateforme nationale
dédiée à l'actualité juridique des contrôles
de légalité et budgétaire à disposition de tous les
agents de préfecture en charge de ces contrôles
- 3. Développer un outil statistique apte
à quantifier la part de conseil délivré par les
préfectures aux collectivités
- 1. Refondre le logiciel @ctes pour tous les
usagers, afin de pouvoir y intégrer à court terme l'intelligence
artificielle dans le traitement quantitatif des actes
- A. CONSOLIDER LE NIVEAU DES EFFECTIFS, AVEC DES
FORMATIONS OPÉRATIONNELLES DÈS LA PRISE DE POSTE DES
AGENTS
- I. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
FANTOMATIQUE AU REGARD DE LA CONTRACTION DES EFFECTIFS ET DE L'INADAPTATION DES
LOGICIELS UTILISÉS PAR LES PRÉFECTURES
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LISTE DES DÉPLACEMENTS
- TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
(TEMIS)
N° 843
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le
contrôle de
légalité
et
budgétaire des actes
des collectivités
territoriales,
Par Mme Florence BLATRIX CONTAT,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.
L'ESSENTIEL
Les contrôles de légalité et budgétaires sont sans cesse présentés comme une politique prioritaire du ministère de l'intérieur, avec l'objectif de les moderniser, conformément au plan « missions prioritaires des préfectures » pour 2022-2025. Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », a présenté le mercredi 9 juillet 2025 les conclusions de ses travaux de contrôle sur cette politique, dont les moyens dédiés contrastent avec les objectifs affichés.
I. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ FANTOMATIQUE AU REGARD DE LA CONTRACTION DES EFFECTIFS ET DE L'INADAPTATION DES LOGICIELS UTILISÉS PAR LES PRÉFECTURES
A. DES EFFECTIFS EN DISSONANCE AVEC L'AUGMENTATION DU NOMBRE D'ACTES TRANSMIS, SOURCE D'UN AFFAIBLISSEMENT DES CONTRÔLES
1. Une baisse continue des effectifs, non revalorisés dans le cadre de la LOPMI
De 2012 à 2020, les effectifs des préfectures et des sous-préfectures sont passés de 83 027 équivalents temps plein travaillés (ETPT) à 70 608 ETPT, soit une perte de 14 % des effectifs initiaux. Cette contraction se reflète particulièrement au sein des services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, dont les effectifs représentent 4 % des emplois rémunérés par le programme 354 « Administration territoriale de l'État ».
Ils sont passés de 1 019 ETP en 2010 à 868 ETP en 2024 s'agissant du seul contrôle de légalité, ce qui représente une baisse de l'ordre de 15 % des emplois sur la période. Les effectifs en charge des contrôles budgétaires ont été affectés encore plus durement, passant de 343 ETP en 2010 à 252 ETP en 2024, soit une baisse de 26,5 % des emplois. Sur cette période, ces services ont perdu en moyenne 1,1 % de leurs effectifs tous les ans.
Évolution des effectifs au regard du nombre
d'actes transmis et contrôlés
entre 2015 et 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la DGCL
En parallèle, le nombre d'actes transmis annuellement au niveau national est passé de 5,15 à 7,72 millions d'actes, dont la moitié concerne les trois domaines prioritaires du contrôle de légalité (commande publique, fonction publique territoriale et urbanisme), et ce malgré une politique de réduction des actes obligatoirement transmissibles.
Pour autant, ces services n'ont été destinataires d'aucune des plus de 300 créations de poste intervenues pour l'heure dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI). Enfin, il apparaît que les effectifs sont répartis sur le territoire sans aucune corrélation avec le nombre d'actes transmis, en l'absence de dialogue de gestion au niveau des préfets de région.
2. Un taux de contrôle qui tend à se réduire, notamment pour les actes prioritaires
Si le nombre d'actes contrôlés a certes augmenté en volume, passant de 1,06 million en 2015 à 1,52 million d'actes en 2024, le taux de contrôle a en revanche diminué. Alors qu'il était de 20,6 % en 2015, il n'est plus que de 17,8 % en 2023. Pour l'année 2024, le taux de contrôle remonte pour s'établir à 19,6 %.
Par ailleurs, le taux de contrôle des actes prioritaires tend également à se réduire. Alors qu'il était de 89 % en 2015, il n'est plus que de l'ordre de 83 % en 2024, s'éloignant de la cible figurant dans le projet annuel de performances pour ces actes prioritaires, qui était de 90 %. Il est également très contrasté selon les départements, variant de 33 % à 99 % en fonction des territoires.
Enfin, il demeure une zone grise du contrôle de légalité s'agissant des entreprises publiques « satellites » des collectivités, largement soustraites à ce contrôle du fait de leur régime de droit privé. Elles n'en demeurent pas moins constitutives de risques financiers pour les collectivités et pénaux pour les élus, comme le révèlent les contrôles des comptes et de la gestion exercés par les chambres régionales des comptes.
3. Un nombre de recours gracieux non suivis d'effet toujours élevé
Statistiques nationales du contrôle de légalité en 2024
Les recours gracieux formés par les préfets en cas d'irrégularité ne sont pas toujours suivis d'effet. En 2024, sur 13 824 recours gracieux formés, seulement 7 799 actes ont été modifiés ou retirés par les collectivités et 838 actes ont été déférés devant des tribunaux administratifs. Par conséquent, 5 187 recours gracieux n'ont débouché sur aucune action de la part des collectivités ou bien des préfets, ce qui représente plus de 37 % des recours gracieux initialement formés.
Entre 2020 et 2024, plus de 35 % des actes irréguliers détectés chaque année par le contrôle de légalité et signalés par un recours gracieux ne sont ni retirés, ni déférés pour autant.
Relations entre les effectifs et les déférés préfectoraux déposés en 2024
Source : commission des finances du Sénat
Les disparités territoriales constatées dans l'exercice des contrôles s'expliquent par des causes profondes et multifactorielles. En premier lieu, il demeure une certaine frilosité du corps préfectoral à déférer, en particulier lorsqu'il s'agit de grosses collectivités. En second lieu, même s'il n'est pas possible d'établir un lien causal entre les effectifs et les déférés, il apparaît toutefois une corrélation entre les départements les mieux dotés en effectifs et ceux où le nombre de déférés est le plus dynamique.
B. DES PERTES D'EFFECTIFS INSUFFISAMMENT COMPENSÉES PAR UN REPYRAMIDAGE DES COMPÉTENCES ET PAR DES FORMATIONS ET OUTILS APPROPRIÉS
1. Un repyramidage des catégories timoré et insuffisant au regard de la complexification des sources juridiques du contrôle
Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG), lancé en juin 2015, entendait opérer un repyramidage des compétences des personnels des préfectures à horizon 2020. Celui-ci a finalement été atteint quatre ans après l'année cible initiale. En effet, en 2024, les services dédiés au contrôle de légalité sont composés de 200 agents de catégorie A (23 %), 477 agents de catégorie B (55 %) et 191 agents de catégorie C (22 %). S'agissant des services en charge du contrôle budgétaire, ils comportent quant à eux 59 agents de catégorie A (24 %), 133 agents de catégorie B (53 %) et 58 agents de catégorie C (23 %).
Évolution des effectifs par
catégories entre 2016 et 2024
pour le contrôle de
légalité
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la DGCL
Ce repyramidage est toutefois encore en décalage avec les compétences techniques et d'expertise juridique attendues des agents, dans un contexte de complexification croissante du droit. Les préfectures doivent alors recourir à des recrutements contractuels de diplômés en droit sur ces postes. Par ailleurs, une trop grande part des effectifs, de l'ordre de 20 %, est encore dédiée à la réception et au tri des actes, et pourrait être davantage orientée vers l'accompagnement des collectivités territoriales et le contrôle juridique.
2. Une intensification des formations, encore trop éloignées de la prise de poste des agents
L'offre distancielle s'est étoffée à partir de janvier 2024, avec le déploiement d'une formation « tronc commun » dès la prise de poste disponible sur la plateforme interministérielle Mentor, afin qu'elle soit accessible également aux agents du ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation exerçant une mission de contrôle de légalité en dans les directions départementales des territoires. Cette e-formation, d'une durée d'uniquement deux heures, expose les aspects généraux du contrôle de légalité. Les formations plus thématiques sont quant à elles accessibles sur la plateforme ForMI du ministère de l'intérieur.
Elles peuvent être complétées le cas échéant par des formations en présentiel, organisées par les services régionaux de formation. À partir de 2024, les formations en présentiel se sont intensifiées, permettant ainsi la tenue de 118 formations sur la période 2020-2024, avec 909 agents formés.
Toutefois, l'organisation des formations « tronc commun » en présentiel peut intervenir parfois jusqu'à un an et demi après la prise de poste des agents, et des disparités territoriales assez fortes sont constatées en la matière. Outre l'éloignement temporel, les agents auditionnés ont signalé le caractère insuffisamment opérationnel des « mallettes pédagogiques », surtout en ce qui concerne l'urbanisme. Enfin, ces dernières semblent largement orientées vers la pédagogie, parfois au détriment de l'expertise technique.
3. Des logiciels de contrôle devenus obsolètes et peu ergonomiques pour les usagers
Les applications @ctes et @ctes budgétaires permettent aux collectivités territoriales de télétransmettre leurs actes aux services préfectoraux afin de les rendre immédiatement exécutoires, en lieu et place de la transmission papier. Ces deux applications ont respectivement été déployées en 2005 et 2011, et ont été peu refondues depuis, si bien qu'elles accusent une dette technique importante. Tous les agents auditionnés ont relevé l'absence d'ergonomie et de fiabilité de ces applications, qui n'est d'ailleurs toujours pas une boîte de dialogue avec les collectivités, mais un seul canal de transmission.
Pour autant, les coûts annuels des logiciels @ctes et @ctes budgétaires sont dynamiques et ont augmenté de 34 % entre 2019 et 2024. Une grande part de coûts sont captés par les frais d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMOA) qui rémunèrent le prestataire extérieur de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Sur la période 2015-2025, le coût des deux logiciels s'est élevé à 13,8 millions d'euros dont plus de 7 millions d'euros pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage, soit 50,7 % des coûts totaux. Un tel montant interroge, d'autant qu'aucun projet d'ampleur de refonte des systèmes d'information n'a été mené sur cette période.
Coûts annuels des logiciels Actes et Actes budgétaires entre 2018 et 2024
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DTNUM
Une refonte d'ampleur devrait intervenir d'ici 2027, pour un coût évalué entre 7 et 10 millions d'euros selon les différentes hypothèses d'intégration de l'intelligence artificielle.
II. UNE RÉORGANISATION DES CONTRÔLES POUR VALORISER LA MUTUALISATION DE L'EXPERTISE, OPÉRÉE DE FAÇON PEU UNIFORME SELON LES TERRITOIRES
A. LE PIACL, ORGANISME CONSULTATIF D'ASSISTANCE JURIDIQUE À DISPOSITION DES PRÉFECTURES
Le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), créé à titre expérimental en 2002, avant de devenir une entité à part entière de la sous-direction des compétences et institutions locales de la DGCL fin 2006, a pour mission principale l'assistance juridique aux services de contrôle de légalité et budgétaire des préfectures. Il dispose d'effectifs limités, qui sont passés de 17 ETP en 2013 à 22 ETP en 2019, répartis en cinq chambres spécialisées.
Depuis une dizaine d'années, le nombre de saisines du PIACL a baissé de 10 % en moyenne par an, pour s'établir à environ 1 100 saisines depuis 2020. Le nombre d'avis rendus a diminué du même ordre de grandeur, pour s'établir lui aussi à 1 100 avis. Cette baisse en volume ne signifie pour autant pas un ralentissement de l'activité du PIACL, qui rend des avis étoffés. Son utilité est unanimement reconnue par les agents préfectoraux. En outre, ses personnels sont aujourd'hui davantage sollicités en matière de formation, à travers l'animation d'ateliers ou de conception de mallettes pédagogiques et grilles de contrôle à destination des agents affectés dans les services de contrôle de légalité et budgétaire.
B. DES PARTENARIATS HÉTÉROGÈNES AVEC LES DIRECTIONS DÉPARTEMENTALES DES TERRITOIRES POUR LES ACTES D'URBANISME
Les directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) peuvent participer au contrôle de légalité des actes d'urbanisme depuis 2009, afin d'externaliser le contrôle là où se situent les compétences. Des partenariats existent dans la moitié des départements, plus ou moins approfondis selon les territoires, à raison principalement des effectifs disponibles dans ces services. Sur la période 2015-2020, ils ont été plutôt stables, passant de 80,3 ETPT en 2015 à 84,2 ETPT en 2020, avec un pic observé à 98,1 ETPT en 2018. Aucune direction centrale ne dispose en revanche de données sur les effectifs dédiés à ces contrôles au sein des DDT(M) après 2021.
Les agents des DDT(M) ont été progressivement intégrés au réseau du contrôle de légalité. Une évolution majeure est à relever en 2023 puisque les agents des DDT(M) ont désormais accès au PIACL et à la plateforme du SIACL. Les DDT(M) semblent pour l'heure s'être peu servies de cette possibilité au regard de la faible part des saisines du PIACL en matière d'urbanisme.
C. DES PARTENARIATS CONVENTIONNELS AVEC LES DR/DDFIP POUR LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE ET LE CONTRÔLE DES DÉLIBÉRATIONS FISCALES
Les directions départementales et régionales des finances publiques (DD/DRFIP) peuvent apporter leur soutien aux préfectures chargées du contrôle budgétaire conformément à une convention toujours active signée le 7 novembre 2013 entre la DGFiP et la DGCL déclinée ensuite en conventions locales. En effet, un certain nombre de contrôles réalisés par les comptables sur les documents budgétaires permettent d'identifier et de corriger des anomalies. Toutefois, cet appui apparaît pour l'heure largement informel dès lors que seulement 13 préfectures ont formalisé un tel partenariat par une convention ou un protocole d'accord, selon les données remontées de la DGCL pour la période 2019-2021. Par ailleurs, le partenariat est pour l'heure théoriquement limité au seul contrôle budgétaire, même si des partenariats sont étendus dans les faits au niveau local au contrôle des délibérations fiscales.
Une actualisation de la convention de 2013 est en cours par la DGCL et la DGFiP, afin de confier aux DD/DRFIP l'examen de l'ensemble des délibérations fiscales soumises au contrôle de légalité. L'approfondissement du contrôle partenarial est toutefois conditionné à l'interfaçage des applicatifs, et principalement aux évolutions du logiciel @ctes pour se mettre au niveau technique des applications de la DGFiP.
III. MODERNISER LES CONTRÔLES DE LÉGALITÉ ET BUDGÉTAIRES
A. 1ER AXE : CONSOLIDER LE NIVEAU DES EFFECTIFS, AVEC DES FORMATIONS OPÉRATIONNELLES DÈS LA PRISE DE POSTE DES AGENTS
1. Une consolidation des effectifs dans les préfectures et au niveau central
Dans son rapport de 2022, la Cour des comptes avait estimé qu'un renforcement des effectifs à hauteur de 190 ETP serait nécessaire pour que l'État mène à bien ces contrôles. Si ce niveau de renforcement paraît à moyen terme difficile à atteindre au regard du nombre total des 350 créations de postes envisagées dans le cadre de la LOPMI, il apparaît a minima nécessaire de consolider le niveau des effectifs en charge des contrôles de légalité et budgétaires en fonction des besoins des préfectures, d'autant plus que le ministère de l'intérieur martèle le caractère prioritaire de cette mission constitutionnelle dévolue aux préfets. Ce niveau d'effectifs devrait pouvoir ressortir des documents budgétaires, au moins en ce qui concerne ceux affectés en préfectures, ce qui n'est pas le cas en l'état du projet annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». En ce qui concerne les effectifs affectés dans les DDT, la rapporteure spéciale estime que le suivi devrait être repris par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), ne serait-ce que sur une base déclarative.
Le suivi des effectifs au niveau agrégé est un préalable nécessaire afin de s'assurer de l'adéquation entre la répartition territoriale des effectifs et les enjeux du contrôle de légalité et budgétaire dans chaque département.
De plus, le repyramidage des effectifs au profit des agents de catégorie A doit de nouveau être envisagé dans ces services, au regard de la complexité des normes juridiques à appliquer. À moyen terme, ce repyramidage pourra d'ailleurs certainement être opéré à effectifs constants grâce aux gains permis par l'intelligence artificielle du point de vue du tri des actes.
Enfin, 6 ETP au niveau de la DGCL à l'heure actuelle ne paraissent pas suffisants pour répondre aux enjeux qui attendent les contrôles de légalité et budgétaires, notamment en termes d'évolutions numériques et de besoins d'animation d'un réseau étendu.
2. Accroître l'offre de formation, en professionnalisant les contenus, sous l'égide du PIACL
Les formations en présentiel d'une durée d'une journée et demi à deux jours selon le contrôle de légalité ou le contrôle budgétaire doivent être privilégiées dans un délai de six mois à compter de la prise de poste des agents dans tous les territoires. Les cas pratiques, qui sont les exercices les plus utiles pour l'exercice des missions des agents, ne peuvent être réalisés qu'en présentiel et mériteraient de constituer d'ailleurs une part plus importante de la formation initiale. Les formations continues doivent aussi être plus adaptées à la réalité des contrôles quotidiens effectués par les agents, et particulièrement dans le domaine de l'urbanisme.
Au regard de la qualité du travail fourni par le PIACL et de la satisfaction manifestée par les agents préfectoraux, la rapporteure spéciale estime que la mission de formation du PIACL doit être davantage développée. En ce sens, elle ne saurait que rejoindre la recommandation déjà formulée par la Cour des comptes en 2022 visant à confier à ce pôle un rôle de chef de file en matière de formation, notamment à raison du caractère nécessairement interministériel des formations. Il apparaît a minima nécessaire d'avoir un référent formation au sein du PIACL, en charge du suivi des webinaires et des foires aux questions (FAQ) disponibles après la formation, de l'élaboration de nouvelles grilles de contrôle et d'une veille jurisprudentielle très largement diffusée.
B. 2ÈME AXE : SYSTÉMATISER LES PARTENARIATS INSTITUTIONNELS
Les partenariats mis en place avec les DDT répondent à un besoin de spécialisation fort en matière d'urbanisme, si bien qu'il apparaît peu réaliste que les agents en préfecture soient experts de toutes les matières prioritaires du contrôle de légalité et dès lors que les compétences existent dans les DDT. Par ailleurs, les enjeux du contrôle de légalité en urbanisme, déclinés dans la stratégie nationale, par la DGCL, et départementale, par les préfets, répondent aux politiques publiques portées par les DDT. Elles sont donc un maillon essentiel dans la chaîne du contrôle de légalité des actes d'urbanisme, sur lesquelles il convient de s'appuyer dès lors que les effectifs le permettent localement.
Comme pour le contrôle des actes d'urbanisme, afin de perfectionner la qualité et la célérité du contrôle des services de l'État déconcentré, l'expertise des directions départementales et régionales des finances publiques apparaît capitale, d'autant que la DGFiP travaille au développement de contrôles automatisés, grâce à l'intelligence artificielle, qui devraient voir le jour à court terme.
Ce partenariat devrait être rendu obligatoire et parait pouvoir être mis en oeuvre à droit constitutionnel constant, dès lors que cette délégation partielle du contrôle ne remet pas en cause les dispositions de l'article 72 de la Constitution, à l'image de ce qui est fait avec les DDT. La responsabilité du contrôle relève toujours du préfet, à qui il revient de saisir, en cas d'irrégularités et s'il l'estime nécessaire, la juridiction compétente.
C. 3ÈME AXE : DÉVELOPPER UN ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE PROPICE À LA MISE EN oeUVRE DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À COURT TERME
La refonte du logiciel @ctes d'ici 2027 est consubstantielle à la modernisation des contrôles de légalité et budgétaires. La rapporteure spéciale sera donc vigilante à l'avancée de ce projet, en particulier quant au déploiement de l'intelligence artificielle et à son coût, au regard de l'assistance à maîtrise d'ouvrage confiée à un prestataire extérieur. La conduite de ce projet ne saurait exclure d'ici là des améliorations de l'expérience utilisateur au regard des besoins manifestés par les agents sur le terrain.
Ces derniers doivent également pouvoir disposer d'une plateforme numérique, pilotée au niveau central, afin de développer la collaboration entre la DGCL et les agents en charge des contrôles.
Enfin, dans le cadre de la transformation partenariale du contrôle de légalité, le conseil tend à prendre une part non négligeable du temps de travail des agents en charge des contrôles. Selon les éléments transmis par la DGCL, la fonction de conseil représente 50 % de l'activité des services en charge du contrôle de légalité et peut même atteindre 70 % dans certaines préfectures. En ce qui concerne le contrôle budgétaire, la part de conseil représenterait plutôt de l'ordre de 30 %. Toutefois, cette activité n'est pas vraiment quantifiée. Si les premières expérimentations menées par la direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) n'ont pas prospéré, la rapporteure spéciale est toutefois convaincue de l'utilité de quantifier cette part de conseil dans l'objectif de valorisation du travail de conseil effectué par les services. Sans créer une « usine à gaz » pour les agents, la refonte du logiciel @ctes peut être l'occasion de créer une case dédiée à cocher par les agents, avec une évaluation du temps passé à conseiller les collectivités, et de préciser les différents canaux utilisés (téléphone, mail, etc.).
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Sur les effectifs et les formations
Recommandation n° 1 : Consolider le niveau des effectifs dédiés aux contrôles de légalité et budgétaires en préfectures, mieux répartis sur le territoire et retraçables dans le projet annuel de performances, en accentuant la part des agents de catégorie A, et avec des effectifs suffisants au niveau central pour assurer l'animation du réseau et le développement des projets informatiques - direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), direction générale des collectivités locales (DGCL) et direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN).
Recommandation n° 2 : Rendre plus opérationnelles les formations, en les organisant dès la prise de poste des agents et en présentiel - direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur (DRH MI) et services régionaux de formation.
Recommandation n° 3 : Confier au Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) un rôle de chef-de-file en matière de pédagogie et de formation, en instaurant a minima un référent formation au sein du pôle - direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur (DRH MI) et PIACL.
Sur les partenariats
Recommandation n° 4 : Intensifier les partenariats avec les directions départementales des territoires (DDT) pour le contrôle des actes d'urbanisme, lorsque les effectifs le permettent - DGCL et DGALN.
Recommandation n° 5 : Rendre obligatoires d'ici 2029 dans tous les départements les partenariats avec les directions départementales ou régionales des finances publiques en matière de contrôle budgétaire et de contrôle des délibérations fiscales - DGCL et Direction générale des finances publiques (DGFIP).
Sur l'environnement numérique
Recommandation n° 6 : Refondre les logiciels @ctes et @ctes budgétaires pour tous les usagers, afin de pouvoir y intégrer à court terme l'intelligence artificielle dans le traitement quantitatif des actes, tout en maîtrisant les coûts induits - DGCL et DMATES.
Recommandation n° 7 : Disposer d'une plateforme nationale dédiée à l'actualité juridique des contrôles de légalité et budgétaire à disposition de tous les agents de préfecture en charge de ces contrôles - DGCL et PIACL.
Recommandation n° 8 : Développer un outil statistique apte à quantifier la part de conseil délivré par les préfectures aux collectivités - DGCL et DMATES.
AVANT-PROPOS
« Le trop de confiance attire le danger » - Don Fernand
Le Cid, Pierre Corneille, 1637
« Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». C'est ainsi que le 6ème alinéa de l'article 72 de la Constitution confie aux préfets la mission de contrôler les actes des collectivités afin de garantir le caractère unitaire de notre République et l'égalité des citoyens devant la loi par l'application homogène des normes édictées au niveau national sur l'ensemble du territoire.
La loi du 2 mars 19821(*) a supprimé la tutelle du représentant de l'État sur les actes des collectivités territoriales pour lui substituer un contrôle de légalité a posteriori. L'entrée en vigueur des actes est conditionnée, dans les domaines où la loi le prévoit, à leur transmission au préfet, auquel il appartient de repérer les éventuelles irrégularités et de faire procéder à leur rectification, par la voie non contentieuse ou par la voie d'un déféré devant le tribunal administratif. Alors que le texte initial prévoyait que les actes des collectivités seraient exécutoires de plein droit dès leur publication, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition2(*), qui aurait eu pour effet de priver le préfet, même temporairement, de cette prérogative constitutionnelle. À ce contrôle de légalité s'ajoute également une procédure spécifique a posteriori de contrôle de la légalité des actes budgétaires.
À l'heure où la décentralisation a fait son oeuvre, et dans un contexte d'attrition des effectifs préfectoraux dédiés aux contrôles, la « modernisation » du contrôle de légalité est mise en avant. Elle induit principalement un changement de paradigme, consistant à passer d'un contrôle systématique à une logique de confiance de l'État envers les collectivités.
Dans le cadre de son rapport de contrôle, la rapporteure spéciale interroge cette logique de confiance, qui ne doit pas exclure tout contrôle conformément à la mission constitutionnelle confiée aux préfets mais aussi pour assurer la sécurisation de l'action des collectivités et des élus locaux. Tout au long de son rapport, la rapporteure spéciale se demande également si cette démarche partenariale prônée avec les collectivités ne tend pas à minimiser, au moins pour partie, la perte de vitesse d'une mission constitutionnelle, pourtant sans cesse affichée et martelée comme prioritaire par le ministère de l'intérieur.
I. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ FANTOMATIQUE AU REGARD DE LA CONTRACTION DES EFFECTIFS ET DE L'INADAPTATION DES LOGICIELS UTILISÉS PAR LES PRÉFECTURES
A. DES EFFECTIFS EN DISSONANCE AVEC L'AUGMENTATION DU NOMBRE D'ACTES TRANSMIS, À L'ORIGINE DE DISPARITÉS TERRITORIALES DANS L'EXERCICE DU CONTRÔLE
1. Une baisse continue des effectifs malgré une inflation du nombre d'actes transmis
a) Une baisse des effectifs préfectoraux affectant encore plus durement les services en charge du contrôle budgétaire
De 2012 à 2020, les effectifs des préfectures et des sous-préfectures sont passés de 83 027 équivalents temps plein travaillés (ETPT) à 70 608 ETPT, soit une perte de 14 % des effectifs initiaux. Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport sur les effectifs de l'État territorial considère que les suppressions de postes de ces dernières années « n'ont pas été réalistes »3(*) au sein des préfectures.
Cette contraction des effectifs préfectoraux se reflète particulièrement au sein des services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, dont les effectifs représentent à peine 4 % des emplois rémunérés par le programme 354 « Administration territoriale de l'État » en 2024. En effet, les plafonds d'emplois mentionnés dans les projets annuels de performance pour l'action 03 - Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales ne permettent pas de retracer les effectifs effectivement dédiés aux contrôles de légalité et budgétaire. Ces plafonds comprennent également les effectifs en charge de la carte intercommunale et de l'instruction des demandes de différentes dotations aux collectivités territoriales, telles que les dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR), les dotations de soutien à l'investissement local (DSIL) ou encore afférentes au Fonds vert.
Ainsi, selon les données transmises par le ministère de l'intérieur, les effectifs sont passés de 1 019 ETP en 2010 à 868 ETP en 2024 s'agissant du seul contrôle de légalité, ce qui représente une baisse de l'ordre de 15 % des emplois sur la période.
Les services en charge du contrôle de budgétaire ont été encore plus durement touchés par les politiques de réduction des effectifs menées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ces derniers sont passés de 343 ETP en 2010 à 252 ETP en 2024, soit une baisse de 26,5 % des effectifs. En près de quinze ans, ces services ont perdu en moyenne 1,1 % de leurs effectifs tous les ans.
Évolution
des effectifs affectés aux contrôles de légalité et
budgétaire
depuis 2010
(en ETP et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la DGCL et de la DMATES
Lors de ses déplacements, la rapporteure spéciale a pu constater localement l'attrition des effectifs, qui met à mal ces services. À titre d'exemple, la préfecture du Rhône a perdu près de la moitié de ses effectifs pour les deux contrôles au sein de la direction des affaires juridiques et de l'administration locale, passant de 15,83 ETP en 2016 à 8,03 ETP en 2022, avant de retrouver 14 ETP en 2024. Les effectifs en charge du contrôle budgétaire dans cette préfecture demeurent bien trop faibles, oscillant de 0,7 ETP en 2023 à 1,2 ETP au premier trimestre 2025.
Enfin, il convient de relever que la majorité des effectifs en charge du contrôle de légalité et budgétaire stricto sensu se trouvent en préfecture, les effectifs subsistant en sous-préfectures étant principalement dédiés à la réception et au tri des actes ainsi qu'aux conseils de proximité aux collectivités territoriales. En effet, la centralisation du contrôle est encouragée depuis 2010, si bien que 70 % des préfectures ont désormais une organisation centralisée4(*) et 10 % se passent même de toute intervention des sous-préfectures5(*).
b) Une augmentation du nombre d'actes transmis ne s'accompagnant pas d'une hausse du taux de contrôle, même des actes pourtant prioritaires
En dix ans, le nombre d'actes transmis annuellement au niveau national est passé de 5,15 à 7,72 millions d'actes, dont plus de la moitié concerne la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale. Cela représente une augmentation de l'ordre de 50 % du nombre d'actes reçus par les préfectures et sous-préfectures, et ce, malgré la réduction progressive du champ des actes soumis obligatoirement à transmission.
Actes transmis au contrôle de légalité par matière en 2024
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL
En effet, dès 19826(*), le législateur a fixé une toute première liste des actes soumis à transmission, signifiant de facto que tous les actes des collectivités n'étaient pas soumis à transmission. Par la suite, avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales7(*), les décisions individuelles concernant l'avancement d'échelon des fonctionnaires territoriaux, les décisions relatives à la prise d'un emploi répondant à un besoin occasionnel ou saisonnier, les certificats de conformité en matière d'urbanisme ou encore les actes de police relatifs au stationnement et à la circulation, ne sont plus soumis à l'obligation de transmission. La loi du 20 décembre 20078(*) cible des domaines pour lesquels le préfet doit opérer des contrôles rigoureux, tels que la commande publique ou le développement durable, en réduisant dans le même temps la liste des actes transmissibles, particulièrement s'agissant de la fonction publique territoriale.
Pour autant, et alors même que la liste des actes obligatoirement transmissibles est demeurée inchangée depuis dix ans, les objectifs sous-jacents d'efficacité du contrôle et de désengorgement des services préfectoraux n'ont pas été atteints9(*), dans un contexte d'évolution antagonique entre le volume des actes transmis et des effectifs en charge du contrôle.
Si le nombre d'actes contrôlés a augmenté en volume, comme l'indique la direction générale des collectivités locales (DGCL), passant de 1,06 million en 2015 à 1,52 million d'actes en 2024, le taux de contrôle, c'est-à-dire le nombre d'actes contrôlés par rapport au nombre d'actes reçus, a en revanche diminué. Alors que le taux de contrôle était de 20,6 % en 2015, il n'est plus que de 17,8 % en 2023. Pour l'année 2024, le taux de contrôle remonte pour s'établir à 19,6 %, ce qui représente toujours une baisse d'un point en l'espace de dix ans. Il peut aussi masquer des taux de contrôle moindres dans certains territoires. À titre d'exemple, la préfecture des Bouches-du-Rhône n'a contrôlé en 2024 que 10 % des actes reçus10(*).
Or, la liste des actes obligatoirement transmissibles telle que fixée par le code général des collectivités territoriales paraît aujourd'hui incompressible, sauf à renoncer à certains pans entiers du contrôle de légalité, tels que l'urbanisme ou la commande publique, ce qui n'apparaît pas souhaitable. Par suite, la rapporteure spéciale partage le constat de la Cour des comptes que, sur cet aspect, « le gisement de simplification apparaît donc faible »11(*).
Évolution des effectifs au regard du nombre d'actes transmis et contrôlés
entre 2015 et 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la DGCL
Dans ce contexte, pour faire face à l'afflux des actes, une priorisation du contrôle s'est développée. Une circulaire du 25 janvier 201212(*), qui n'a pas fait l'objet d'actualisation depuis lors, a défini les actes prioritaires en matière de contrôle de légalité. Les trois grandes priorités nationales sont la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale. De plus, une instruction du 31 décembre 2021 relative au contrôle de légalité des actes portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics invite les préfets à être particulièrement vigilants aux actes susceptibles d'enfreindre ces principes.
Les différentes circulaires et instructions applicables au contrôle de légalité ont vocation à être fusionnées en une circulaire unique, qui devrait être publiée cet été. Selon les informations transmises par la DGCL, si elle procède à un changement de forme et de ton, confortant le développement de la fonction de conseil et d'appui aux collectivités locales, les trois priorités nationales demeurent inchangées, avec un ajout clair au rang de priorité : le respect des principes républicains de neutralité et de laïcité.
Outre les priorités nationales, des stratégies locales de contrôle sont élaborées par chaque préfet, intégrant des contrôles particuliers en fonction des risques liés aux caractéristiques du territoire, tels que les actes adoptés dans les zones concernées par la loi « Littoral » du 3 janvier 1986 ou la loi « Montagne » du 9 janvier 1985, ou encore ceux liés à la fragilité de certaines structures. À ce titre, en 2024, plusieurs préfectures13(*) ont intégré le contrôle des entreprises locales dans leur stratégie locale.
Or, force est de constater que le taux de contrôle des actes prioritaires tend également à se réduire au niveau national. De 2015 à 2024, alors que les actes prioritaires transmis ont augmenté de 22 %, le nombre d'actes prioritaires non contrôlés a quant à lui augmenté de 80 %, passant de 51 722 actes à 93 272 actes s'agissant de la commande publique, la fonction publique territoriale et l'urbanisme. Ainsi, en ce qui concerne ces trois priorités nationales, alors que le taux de contrôle était de 89 % en 2015, il n'est plus que de l'ordre de 83 % en 2024, alors que le taux de contrôle cible14(*) figurant dans le projet annuel de performances pour les actes prioritaires était de 90 % pour 2024.
Part des actes contrôlés dans les actes prioritaires reçus en commande publique, urbanisme et fonction publique territoriale
(en milliers)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la DGCL
Les étapes du contrôle de légalité en préfecture
Le code général des collectivités territoriales (CGCT) liste les actes15(*) qui doivent être obligatoirement transmis au préfet pour être exécutoires. Le contrôle de légalité s'applique à la plupart des actes pris par les collectivités territoriales (communes, départements, régions), leurs groupements (EPCI, syndicats...) et leurs établissements publics (établissements publics locaux d'enseignement, établissements publics locaux de santé...). En vertu de son pouvoir d'évocation visé à l'article L. 2131-3 du CGCT, le préfet peut aussi demander communication de tout acte pris par une collectivité et dont la transmission préalable au représentant de l'État n'est pas obligatoire16(*).
À compter de la réception de l'acte, un délai de deux mois commence à courir pendant lequel le préfet peut en étudier la légalité et déférer l'acte au juge administratif en cas d'irrégularités. Dans la majeure partie des cas17(*), le préfet utilise d'abord la voie pré-contentieuse, qui prend la forme d'une lettre d'observations valant recours gracieux, qui suspend le délai de recours contentieux. Dans ce cas, la collectivité dispose à son tour d'un délai de deux mois pour retirer son acte ou bien le modifier. En 2024, sur les 13 824 recours gracieux formés, 7 799 ont conduit au retrait ou à la modification de l'acte, ce qui signifie que 56 % des lettres d'observations ont été suivies d'effet.
Statistiques nationales du contrôle de légalité en 2024
Si la collectivité maintient son acte, le préfet peut déférer l'acte devant le juge administratif. Il s'agit toutefois d'un pouvoir discrétionnaire du préfet dès lors que son refus de déférer au tribunal administratif « ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir »18(*), et qu'il peut se désister de l'instance à tout moment19(*). En 2024, 838 déférés ont été déposés, dont 268 demandes de suspension. Dans 195 affaires, le préfet s'est désisté à raison du retrait de l'acte par la collectivité. L'État a gagné dans 77 % des cas, soit un niveau de déférés gagnés en légère baisse au regard de la tendance observée depuis une dizaine d'années.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL
c) Une revalorisation des effectifs dans le cadre de la LOPMI qui n'a pas eu d'effet sur les services en charge du contrôle de légalité et budgétaire
Suite à la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur20(*) (LOPMI), les effectifs préfectoraux ont été revalorisés, interrompant la trajectoire de baisse drastique des effectifs opérée depuis une décennie. Ainsi, les schémas d'emplois du programme 354 « Administration territoriale de l'État » ont été positifs21(*) pour les années 2023 et 2024, respectivement de + 48 ETP et + 232 ETP22(*).
Toutefois, selon les informations transmises par la direction des missions de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), aucune création de poste n'a été fléchée vers les missions de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire, alors même que ces dernières ont été affichées comme prioritaires par le ministère de l'intérieur23(*).
En 2023 et 2024, sur les emplois créés, 149 ETP ont permis de renforcer les effectifs des préfectures et des sous-préfectures, avec un soutien particulier à destination des services en charge de l'immigration, qui ont également été renforcés à hauteur de 570 ETPT dès 2022 dans le cadre du plan de renforts triennal pour la période 2022-2024, au regard des difficultés rencontrées dans le traitement des demandes de titres en faveur de ces publics.
Selon les données transmises par le ministère de l'intérieur, alors que les services étrangers ont été renforcés de 5,5 % entre 2021 et 2024, les services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire ont vu leurs effectifs décroître respectivement de 4,5 % et 3,1 % sur la même période.
Pour l'année 2025, le ministre de l'intérieur, dans ses engagements pris à la suite des rencontres de l'administration territoriale de l'État, a finalement annoncé en novembre dernier la création, en gestion, par reploiement interne, de 101 emplois sur l'année. Selon les informations transmises par la DMATES, 60 ETP ont d'ores et déjà été fléchés vers les services étrangers. La ventilation des 41 ETP restants n'est pas encore connue, mais leur répartition sera laissée à la main des préfets de région.
La rapporteure spéciale salue ces créations de postes à destination des services étrangers, particulièrement en difficulté. Pour autant, un renforcement des effectifs du contrôle de légalité et budgétaire apparaît lui aussi nécessaire afin de pallier la réduction drastique des effectifs constatée en dix ans, dès lors que des créations de postes ont été annoncées pour toute la durée de la programmation jusqu'en 2027.
2. Un affaiblissement subséquent des contrôles, particulièrement marqué dans certains territoires
a) Des disparités territoriales importantes observées dans l'exercice du contrôle de légalité, dont les causes sont multifactorielles
Au-delà du taux de contrôle des actes prioritaires qui tend à s'amoindrir, il apparaît que le taux de contrôle de ces actes est également très contrasté selon les départements. Selon les données transmises par la DGCL, le taux de contrôle des actes prioritaires en 2024 varie ainsi de 33 % à 99 % en fonction des départements sur l'ensemble du territoire métropolitain. Plusieurs départements, comme le Jura, le Rhône, la Sarthe ou encore la Lozère, ont des taux de contrôle des actes prioritaires particulièrement faibles24(*), si bien que l'expression de « passoire à géométrie variable »25(*) pour caractériser le contrôle de légalité est malheureusement encore d'actualité.
Lors de ses déplacements, la rapporteure spéciale a en effet pu constater l'abandon de pans entiers du contrôle de légalité dans certains territoires, notamment dans le domaine prioritaire de la commande publique, faute d'effectifs suffisants et formés en matière de commande publique.
Dès lors, la rapporteure spéciale souscrit pleinement à l'affirmation de la Cour des comptes selon laquelle la qualité du contrôle de légalité « n'est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l'État »26(*), du fait de l'hétérogénéité des contrôles, voire de l'abandon du contrôle de certains actes entrant pourtant dans le champ prioritaire conformément à la stratégie nationale.
Par ailleurs, elle tient également à alerter sur la multiplication des structures publiques telles que les sociétés d'économie mixte ou les sociétés publiques locales27(*), qui échappent largement au contrôle de légalité, mais qui sont pour autant porteuses de risques, tant du point de vue de la bonne gestion des deniers publics que de la responsabilité pénale des élus des collectivités actionnaires.
Les entreprises
publiques « satellites » des collectivités
territoriales,
zone grise du contrôle de
légalité
Les entreprises publiques locales (EPL), telles que les sociétés d'économie mixte (SEM) et les sociétés publiques locales (SPL), relèvent largement du code de commerce et ne sont pas soumises à la comptabilité publique, de telle sorte que leurs actes ne sont pas, par principe, soumis au contrôle de légalité du représentant de l'État.
Seulement certaines délibérations doivent être transmises obligatoirement au préfet, telles que les délibérations portant création des SEM ou encore les délibérations modifiant la participation de la collectivité au capital de la SEM, ainsi que certaines décisions des SEM, relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique28(*), à l'instar de l'exercice du droit de préemption.
Eu égard à la complexité afférente à ce type de structures, la quatrième chambre du Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) vient d'élaborer en 2025 des grilles de contrôle à usage des agents préfectoraux pour effectuer au mieux les contrôles sur les délibérations portant création de SEM et de SPL, qui demeurent toutefois limités au niveau préfectoral.
En revanche, les chambres régionales des comptes (CRC) contrôlent pleinement ces structures, dans le cadre de leur contrôle des comptes et de la gestion. Elles constatent régulièrement un contrôle interne relatif à la gestion (finances, commande publique, ressources humaines, salaires notamment) inexistant ou faiblement développé. À ce titre la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a indiqué à la rapporteure spéciale que « les contrôles des chambres montrent souvent des problèmes anciens et parfois déjà importants lorsqu'ils sont mis au jour par la chambre », en l'absence de contrôle de légalité pouvant être exercé en amont.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les éléments transmis par la DGCL et la CRC de PACA
Outre le taux de contrôle, le nombre de déférés préfectoraux est aussi très variable selon les territoires, dans un contexte de baisse tendancielle du nombre de référés au niveau national, de l'ordre de 11 % entre 2013 et 2024. Sur une période plus récente, cette diminution est bien plus marquée, de - 40,5 % entre 2019 et 2024 selon les données transmises par le Conseil d'État.
Alors que certains départements ont beaucoup déféré en 2024, comme la Corse-du-Sud avec 267 déférés, les Côtes-d'Armor avec 73 déférés ou encore les Bouches-du-Rhône avec 42 déférés29(*), la plupart des départements le font peu, avec 28 départements qui n'ont déposé aucun déféré en 2024.
Relations entre les effectifs et les déférés préfectoraux30(*) déposés en 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL et le Conseil d'État
Force est de constater que ces disparités territoriales s'expliquent par des causes profondes et multifactorielles.
En premier lieu, l'exercice du contrôle est intrinsèquement lié aux orientations décidées par le préfet au niveau déconcentré et de sa volonté, ou non, de déférer les actes en cas d'irrégularités constatées. La Cour des comptes avait en effet constaté en 2022 une certaine « frilosité du corps préfectoral à saisir les juridictions compétentes face à une collectivité refusant de donner suite au recours gracieux », et « en particulier quand il s'agit d'une grande collectivité ».
Ainsi, il apparaît que les recours gracieux ne sont pas toujours suivis d'effet. En 2024, sur 13 824 recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales, seulement 7 799 actes ont été modifiés ou retirés et 838 actes ont été déférés devant des tribunaux administratifs. Par conséquent, 5 187 recours gracieux n'ont débouché sur aucune action de la part des collectivités ou bien des préfets, ce qui représente plus de 37 % des recours gracieux initialement formés. Si le nombre de recours gracieux non suivis d'effet a été divisé par deux entre 2020 et 2024, chaque année sur cette période, plus de 35 % des actes irréguliers détectés par le contrôle de légalité et signalés par un recours gracieux ne sont ni retirés, ni déférés pour autant.
Suites données aux recours gracieux entre 2019 et 2024
(en milliers)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL et le Conseil d'État
Par ailleurs, la pratique des courriers pédagogiques « valant pour l'avenir » se développe, en lieu et place de l'outil contentieux, et notamment lorsque des irrégularités sont constatées hors du délai de recours. La préfecture du Rhône a envoyé 47 et 54 lettres pédagogiques respectivement en 2023 et 2024, principalement en matière de commande publique et de fonction publique territoriale. La préfecture de Loire-Atlantique envoie également des lettres pédagogiques, avec une tendance à la hausse entre 2023 et 202431(*).
En deuxième lieu, l'exercice du contrôle peut varier à raison des spécificités territoriales, et notamment le nombre de petites communes composant le département. Plus le nombre de petites communes est élevé, plus les préfectures sont enclines à être dans le dialogue, si bien que le contrôle partenarial tend à substituer encore davantage au contrôle-sanction dans ces départements.
Enfin, les effectifs peuvent avoir une incidence sur le taux de contrôle et le nombre de déférés, sans qu'il soit toutefois possible d'établir clairement un lien causal. La rapporteure spéciale constate toutefois que la plupart des départements dans lesquels le nombre de déférés est nul ou quasi-nul, les effectifs sont très réduits. À titre d'exemple, le département du Cantal, dans lequel le préfet n'a déféré aucun acte en 2024, ne compte que 3 ETP affectés au contrôle de légalité. A contrario, les départements les plus dynamiques en matière de déférés sont en général les mieux dotés en termes d'effectifs. Par exemple, en Corse-du-Sud, 270 déférés ont été préparés par un service qui comptabilise 12 ETP en 2024.
Nombre de déférés préfectoraux déposés au regard des effectifs en 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL et le Conseil d'État
b) Un contrôle budgétaire plus fluctuant car lié à la situation financière des collectivités territoriales et au contexte électoral
Parallèlement au contrôle de légalité des actes, le représentant de l'État exerce également un contrôle budgétaire a posteriori sur les collectivités territoriales, qui s'est substitué au contrôle a priori depuis 1982.
Ce contrôle, qui porte sur le respect des règles budgétaires applicables à l'élaboration, l'adoption et l'exécution des budgets des collectivités territoriales, est exercé dans des délais très contraints dès lors que le préfet dispose de seulement 30 jours pour y procéder à compter de la réception des documents budgétaires. Par ailleurs, à la différence du contrôle de légalité, le représentant de l'État est théoriquement en situation de compétence liée. Si le préfet constate un déséquilibre réel du budget d'une collectivité par exemple, il doit saisir directement la chambre régionale des comptes territorialement compétente sur le fondement des procédures visées aux articles L. 1612-2 à L. 1612-20 du CGCT32(*). Après avis de la CRC, le préfet peut réformer les documents budgétaires dans le cadre de son pouvoir de substitution, qui lui permet de régler d'office et de rendre exécutoire le budget d'une collectivité.
Plusieurs cas de saisine sont prévus par le CGCT : lorsque le budget primitif n'est pas adopté avant le terme légal33(*), soit avant le 15 avril ou bien le 30 avril de l'année du renouvellement des organes délibérants, en cas d'absence d'équilibre réel du budget34(*), lorsque le compte administratif n'est pas adopté avant le terme légal35(*) ou bien qu'il est en déficit excessif36(*). En outre, le préfet, de même que tous les créanciers, peuvent saisir la chambre régionale des comptes en cas de non-inscription d'une dépense obligatoire au budget de la collectivité37(*). Dans la pratique, le caractère lié ou non de la compétence préfectorale varie largement en fonction des situations : si la compétence du préfet est de facto liée en cas de non-adoption du budget primitif, dans les autres cas, il dispose en réalité de plus de marges de manoeuvre.
Seulement la moitié des actes budgétaires transmis par les collectivités donnent lieu à un contrôle de la part des services préfectoraux. À titre d'exemple en 2021, sur près de 300 000 actes reçus, 51,4 % ont été contrôlés38(*).
Ces contrôles donnent lieu à un nombre de saisines fluctuantes selon les années, en fonction de la situation financière des collectivités, mais aussi du contexte électoral. De 2020 à 2024, le nombre de saisines de CRC est passé de 180 à 321. Cette hausse est principalement portée par l'augmentation du nombre de saisines à raison d'une non-inscription d'une dépense obligatoire et de budgets primitifs non adoptés avant le terme légal. S'agissant de ce dernier cas de saisine, les magistrats financiers rencontrés par la rapporteure spéciale lors de son déplacement à la CRC de Provence-Alpes-Côte-d'Azur lui ont indiqué avoir observé une augmentation du nombre de budgets non adoptés dans les délais en période pré-électorale, avec des oppositions plus affirmées au sein des conseils municipaux.
Nombre de saisines de CRC en matière de contrôle budgétaire39(*)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL
Les spécificités des contrôles budgétaires et de légalité en Outre-mer
Les 199 collectivités territoriales des départements et régions d'outre-mer (DROM) connaissent des difficultés budgétaires particulières, notamment du fait de leur mauvaise maîtrise des charges de fonctionnement, et principalement de personnel40(*).
Ainsi, en 2024, les chambres régionales et territoriales des comptes d'Antilles-Guyane et de La Réunion-Mayotte ont été saisies à 37 reprises, dont 36 saisines concernant la Guadeloupe, ce qui représente 11,5 % des saisines au niveau national. Cette proportion s'est toutefois réduite à partir de 2022 puisqu'en 2020 notamment, les saisines s'agissant des DROM représentaient près de 50 % des saisines au niveau national.
En 2024, 20 saisines, concentrées sur la Guadeloupe, ont concerné l'absence d'inscription au budget d'une dépense obligatoire, soit 69 % des saisines nationales, témoignant ainsi des difficultés de trésorerie de ces collectivités.
Saisines de CRC en Outre-mer entre 2020 et 2024
S'agissant du contrôle de légalité, celui-ci ne peut parfaitement être comparé à celui qui est pratiqué dans le reste du territoire national au regard de la répartition particulière des compétences entre l'État et ces collectivités ainsi que les adaptations normatives permises par l'article 73 de la Constitution. Il ressort toutefois que le taux de contrôle des actes prioritaires est moindre qu'au niveau national, avec par exemple un taux de 71 % en Guyane, ou encore 67 % à la Réunion.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les éléments transmis par la DMATES
c) Une transformation de la nature du contrôle en relation partenariale, qui n'est pas neutre pour les finances publiques
Lors du Roquelaure de la simplification de l'action des collectivités, lancé le 28 avril 2025, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen, a annoncé vouloir recentrer et moderniser le contrôle de légalité, tout en adoptant « une logique de confiance a priori et de conseil plutôt que de contrôle systématique ».
Il ressort toutefois que la mutation partenariale du contrôle de légalité a déjà largement été engagée, du fait de l'approfondissement naturel de la décentralisation, mais aussi à cause de manque de moyens humains au sein des préfectures. L'affaiblissement du contrôle de légalité peut dès lors être expliqué de deux façons. La première voit cet affaiblissement de façon positive : la décentralisation ayant fait son oeuvre, les collectivités respectent désormais mieux le droit dans le cadre de l'exercice de leurs compétences qu'elles ont pleinement intégrées. La seconde y voit au contraire le symbole d'un État central affaibli.
Ces deux visions ne sauraient être frontalement opposées. Les contrôles de légalité et budgétaires doivent nécessairement inclure des outils de dialogue ab initio entre les préfectures et les collectivités, ce qui est quasiment toujours le cas à travers les recours gracieux formés en cas d'actes irréguliers, de telle sorte que le contrôle doit être consubstantiellement partenarial. Toutefois, pour les actes les plus importants et ceux qui ont des enjeux budgétaires forts pour la collectivité, la confiance ne saurait éclipser toute forme de contrôle. À ce titre, l'échec pour l'heure du « rescrit préfectoral »41(*) illustre les limites d'une logique pleinement partenariale en matière de contrôle de légalité, le corps préfectoral étant assez hésitant à l'idée de donner un blanc-seing aux collectivités.
La rapporteure spéciale estime que le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire doivent être préservés et modernisés car ils constituent des outils de sécurisation de l'action des collectivités et de gestion saine des finances publiques.
En effet, dans un contexte d'attrition des effectifs préfectoraux et de dégradation subséquente de la qualité du contrôle de légalité, les collectivités territoriales se sont dotées, pour les plus grosses d'entre elles, de services juridiques très étoffés afin de sécuriser leurs actions, ce qui n'est pas non plus neutre pour leurs budgets. Les plus petites collectivités et les moins riches sont livrées à elles-mêmes, sans garde-fou.
Par ailleurs, maintenir l'expertise au sein des préfectures permet un traitement égalitaire entre toutes les collectivités, et en particulier pour celles qui n'ont pas les moyens de se doter de structures juridiques développées ou bien de recourir aux conseils de cabinets d'avocats. En exerçant les fonctions de conseil et de contrôle, l'État « ne fait pas de commerce ; il ne fait rien d'autre que remplir la mission régalienne qui est la sienne »42(*).
S'il n'est pas possible de quantifier précisément les conséquences financières du déclin du contrôle de légalité en l'absence de contrefactuel et de données contentieuses afférentes aux recours des tiers à l'encontre des actes des collectivités territoriales, il est certain que le maintien d'un contrôle ciblé sur les actes les plus importants est gage de sécurité pour les élus locaux et la bonne gestion des finances publiques. Les cas des SEM et des SPL, largement soustraites au contrôle de légalité, sont des cas exemples topiques de la mise en cause fréquente de la responsabilité pénale des élus locaux.
Ainsi, comme l'énonçait le sénateur Jacques Mézard, « que pèsent les gains tirés de cette réduction d'effectifs, face aux coûts induits par un contrôle de légalité inefficace ? Multiplication des recours individuels, risques d'engagement de la responsabilité de l'État ou des collectivités, moindre protection des règles favorisant une gestion saine des finances publiques... Il est urgent de réagir pour que des considérations de long terme l'emportent enfin sur des affichages politiques de court terme »43(*).
B. DES PERTES D'EFFECTIFS INSUFFISAMMENT COMPENSÉES PAR UN REPYRAMIDAGE DES COMPÉTENCES AINSI QUE PAR DES FORMATIONS ET LE DÉPLOIEMENT D'OUTILS APPROPRIÉS
1. Un repyramidage des catégories timoré et insuffisant au regard de la complexification du contrôle
a) L'objectif de repyramidage des catégories porté par le plan « Préfectures nouvelle génération » a finalement été atteint
Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG), lancé en juin 2015, entendait opérer un repyramidage des compétences des personnels des préfectures. Au 1er décembre 2015, le pyramidage se décomposait ainsi de 17,5 % d'agents de catégorie A, 29,53 % d'agents de catégorie B et 52,90 % d'agents de catégorie C. L'objectif était de modifier la répartition des effectifs des différentes catégories, à horizon 2020, de la manière suivante : 23 % d'agents de catégorie A, 35 % d'agents de catégorie B et 42 % d'agents de catégorie C.
Dans son rapport de 202244(*), la Cour des comptes relevait « une répartition des grades quasi-inchangée en sept ans » du fait d'un repyramidage très partiel des effectifs combiné à leur baisse drastique dans les services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire. En effet, en 2021, les objectifs du plan PPNG n'étaient pas encore atteints dès lors que la part des agents de catégorie A ne représentaient que 20 % des effectifs.
La rapporteure spéciale constate que pour l'année 2024, le repyramidage tel qu'affiché par le plan PPNG a finalement été atteint, soit quatre ans après l'année cible initiale.
En 2024, au niveau national, les services dédiés au contrôle de légalité sont composés de 200 agents de catégorie A (23 %), 477 agents de catégorie B (55 %) et 191 agents de catégorie C (22 %). S'agissant des services en charge du contrôle budgétaire, ils comportent quant à eux 59 agents de catégorie A (24 %), 133 agents de catégorie B (53 %) et 58 agents de catégorie C (23 %).
Évolution
des effectifs par catégories entre 2016 et 2024
pour le
contrôle de légalité
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la DGCL
Cette trajectoire nationale est toutefois à appréhender à l'aune de la réduction des effectifs déjà mentionnée et peut masquer des réalités locales parfois divergentes. À titre d'exemple, les départements de l'Aude et du Lot ne comptent respectivement que 3,6 % et 6 % de catégorie A parmi leurs agents en charge du contrôle de légalité.
b) La complexification des normes applicables requiert une politique plus ambitieuse de repyramidage des compétences pour ces services
Si le repyramidage annoncé par le plan PPNG a été facialement atteint dans les services en charge des contrôles de légalité et budgétaires, force est de constater qu'il n'est plus adapté à la complexité croissante des normes à contrôler, notamment en matière de commande publique et d'urbanisme.
En l'absence de création de postes dans ces services, les préfectures doivent ponctuellement recourir à des stagiaires et des apprentis, voire à des contractuels diplômés en droit sur des postes de catégorie A. À ce titre, interrogée sur la répartition entre agents titulaires et contractuels dans ces services, la DGCL a indiqué à la rapporteure spéciale que « sans pouvoir la chiffrer précisément, cette donnée étant susceptible de bouger en permanence, plusieurs préfectures confirment avoir recours à des emplois de contractuels pour assurer le contrôle de légalité. Ces besoins peuvent correspondre (...) à des contraintes d'attractivité locale dès lors qu'il s'agit de recruter des profils techniques et qualifiés ». Les services auditionnés lors des déplacements de la rapporteure spéciale lui ont toutefois mentionné un fort renouvellement de ces effectifs au regard de la faible attractivité salariale par rapport à leur niveau de qualification. Souvent, ces personnes sont ensuite recrutées dans les collectivités territoriales, ou bien réussissent le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA).
Par suite, la rapporteure spéciale considère que si ces recrutements contractuels peuvent être une variable d'ajustement, ils ne sauraient constituer une politique pérenne de recrutement. La politique de repyramidage au profit des catégories A doit être poursuivie de façon plus ambitieuse, en réduisant le nombre de catégories B et C dans ces services.
La rapporteure spéciale constate qu'une trop grande part des effectifs est encore dédiée à la réception et au tri des actes, et pourrait être davantage orientée vers l'accompagnement des collectivités territoriales et le contrôle juridique stricto sensu. Dans plus de 70 % des départements, les sous-préfectures assurent la réception des actes, au moyen de 167,5 ETP en 202045(*), ce qui représentait pour cette année près de 23 % des effectifs dédiés au contrôle de légalité. Une part de ces effectifs pourrait donc être mobilisée au soutien de repyramidage des qualifications.
c) Quid de la répartition territoriale des effectifs ?
Outre la répartition des effectifs entre catégories, la ventilation des effectifs sur le territoire pose également question.
Rapports entre le nombre d'actes
télétransmis via le logiciel @ctes
et les effectifs
par département en 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL
Il ressort des données transmises par la DGCL une absence de corrélation entre le nombre d'actes télétransmis par le biais de l'application @actes et le nombre d'ETP départementaux. Si le volume d'actes ne saurait préjuger du nombre d'actes prioritaires et de leur complexité, certains départements traitant un nombre d'actes transmis faible sont proportionnellement mieux dotés que d'autres départements comptant un nombre d'actes transmis élevés. Dans le Finistère par exemple, à peine six agents doivent contrôler 143 000 actes alors que la Haute-Vienne dispose du même nombre d'agents pour 35 000 actes télétransmis, soit plus de quatre fois moins d'actes à traiter.
La DMATES, qui est le responsable de programme (RPROG), détermine le socle d'emplois pérennes de tous les responsables de budget opérationnel de programme (BOP) que sont les préfets de région, en se basant sur le stock d'emplois pérennes alloué l'année précédente. Il n'existe pas en tant que tel de dialogue de gestion au niveau du préfet de région, ni avec le responsable de programme.
Par conséquent, la rapporteure spéciale souscrit pleinement au constat de la Cour des comptes selon lequel il demeure une mauvaise répartition des effectifs entre départements, témoignant d'un défaut de pilotage au niveau national.
2. Le développement récent d'une offre de formation encore balbutiante, pilotée par la sous-direction du recrutement et de la formation
a) Une intensification des formations à partir de 2024, toutefois trop éloignées de la prise de poste des agents pour celles en présentiel
Les agents affectés dans les services de contrôle de légalité et budgétaire disposent d'une formation distancielle initiale, dès leur prise de poste.
Cette offre distancielle s'est étoffée à partir de janvier 2024, avec le déploiement d'une formation « tronc commun » dès la prise de poste disponible sur la plateforme interministérielle Mentor, afin qu'elle soit accessible également aux agents du ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation exerçant une mission de contrôle de légalité dans les directions départementales des territoires. Cette e-formation, d'une durée d'uniquement deux heures, expose les aspects généraux du contrôle de légalité. Les agents ne disposant pas de connaissances juridiques préalables ont également accès en autonomie sur cette même plateforme à un module sur les fondamentaux du droit administratif. Les formations plus thématiques sont quant à elles accessibles sur la plateforme ForMI du ministère de l'intérieur. Depuis 2022 par exemple, un module de e-learning d'une durée de 40 minutes est disponible pour les utilisateurs du logiciel @CTES, qui peut être complété par une formation en présentiel en région sur deux jours.
En effet, les formations distancielles peuvent être complétées le cas échéant par des formations en présentiel, organisées par les services régionaux de formation46(*). La formation « tronc commun » s'étale sur un jour et demi pour le contrôle de légalité et sur deux jours pour le contrôle budgétaire. À partir de 2024, les formations en présentiel se sont intensifiées, permettant ainsi la tenue de 118 formations sur la période 2020-2024, avec 909 agents formés.
Nombre de formations réalisées et programmées entre 2020 et 2025
2020-2024 |
2025 |
|||
Nombre de sessions réalisées |
Nombre d'agents formés |
Nombre de sessions déjà réalisées au 1er mai 2025 |
Nombre de sessions programmées |
|
Tronc commun |
10 |
88 |
0 |
1 |
Urbanisme |
15 |
104 |
2 |
1 |
Commande publique |
24 |
189 |
2 |
3 |
Fonction publique territoriale |
0 |
0 |
3 |
3 |
Interventions économiques |
12 |
93 |
0 |
4 |
Contrôle budgétaire (initiation) |
44 |
331 |
3 |
3 |
Contrôle budgétaire (perfectionnement) |
13 |
104 |
1 |
7 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la sous-direction du recrutement et de la formation de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur
Si l'offre distancielle s'est intensifiée depuis 2024, conformément aux objectifs du plan ministériel de formation, force est de constater que les formations en présentiel n'ont pas été nombreuses sur la période 2020-2024 s'agissant des matières prioritaires du contrôle de légalité, avec une absence totale de formation concernant la fonction publique territoriale. Selon les informations transmises par la sous-direction du recrutement et de la formation (SDRF) de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, l'absence de formation dédiée à la fonction publique territoriale s'explique par le manque de formateurs internes dans ce domaine, malgré plusieurs campagnes de recrutement à partir de 2020.
Par ailleurs, la rapporteure spéciale a pu constater la tardiveté de l'organisation des formations « tronc commun » en présentiel, qui peuvent intervenir parfois jusqu'à un an et demi après la prise de poste des agents, selon des syndicats auditionnés. Sur ce point précis, la SDRF a indiqué que la programmation des formations relève des services régionaux de formation et que « le délai moyen de formation à compter de la prise de poste d'un agent dépend des situations locales, notamment du taux de renouvellement des équipes en charge du contrôle de légalité. Ces formations sont ainsi organisées en fonction des besoins locaux et contraintes logistiques propres à chaque territoire, comme la disponibilité des salles et des formateurs ». Des disparités territoriales peuvent dès lors être également constatées en matière de formation. Lors de son déplacement au pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) à Lyon, il a été indiqué à la rapporteure spéciale que des formations sont proposées tous les ans en région Auvergne-Rhône-Alpes alors que celles-ci interviennent uniquement une année sur deux en Bourgogne.
Les agents nouvellement affectés doivent donc se former eux-mêmes dans un premier temps, en se dégageant du temps pour faire les formations à distance et sans véritable encadrement, ce qui peut être décourageant au regard du caractère assez aride de matières juridiques comme les normes d'urbanisme ou de la commande publique.
b) Des financements superposés pour des formations aux coûts limités
Les frais d'animation des sessions de formation relevant du plan ministériel de formation, composés principalement de la rémunération des formateurs, sont imputés sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » et sont gérés par la SDRF. La SDRF délègue aux services régionaux de formation une enveloppe de crédits du programme 216 afin de leur permettre de déployer les formations inscrites au plan ministériel de formation, au nombre desquelles figurent les formations au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire.
Ces dépenses ont plus que triplé entre 2020 et 2024 et constituent ainsi la traduction des efforts du ministère de l'intérieur réalisés à destination de la montée en compétences de ses agents et de la professionnalisation des services de contrôle de légalité et budgétaire. De plus, rapportés au nombre d'agents formés sur la période, les coûts sont très limités, de l'ordre de 64 euros par agent de 2020 à 2024.
Évolution des frais d'animation des sessions de formation
entre 2020 et 2024
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la sous-direction du recrutement et de la formation de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur
À ces frais d'animation stricto sensu s'ajoutent les frais de déplacement et d'hébergement des formateurs et des stagiaires, qui sont eux imputés localement sur le programme 354 « Administration territoriale de l'État ».
En outre, en l'absence de mallette ministérielle, les services régionaux de formation peuvent également organiser des formations locales via des prestataires externes, tels que des professeurs d'université ou des cabinets d'avocats, financés sur les crédits du programme 354. Ni la SRDF47(*) ni la DMATES ne disposent d'éléments sur la consommation de ces crédits, qui sont à la main des préfets de région.
c) Des formations encore trop généralistes
Le contenu des formations, assurées par des formateurs internes occasionnels (FIO), a été refondu à partir de 2019 suite à des observations formulées par la Cour des comptes en 201648(*) relatives à l'adaptation de la formation des agents en charge des contrôles de légalité et budgétaires.
En 2019, une refonte de la mallette pédagogique relative au « tronc commun » a été engagée et internalisée, alors que sa conception avait été précédemment confiée à un cabinet d'avocats. Cette mallette « tronc commun » a de nouveau été actualisée en 2024, et constitue le support de la formation qui sera assurée courant 2025. Les mallettes pédagogiques afférentes à la commande publique, l'urbanisme et les interventions économiques sont en cours de révision. Une formation relative au contrôle de légalité en matière d'intercommunalité est aussi en cours de conception. L'ensemble de ces projets doivent être validés par la DGCL, avec un déploiement prévu à la fin d'année 2025.
Pour l'heure, ces mallettes demeurent insuffisamment opérationnelles pour les agents rencontrés par la rapporteure spéciale lors de ses déplacements. En effet par exemple, s'agissant de la mallette pédagogique relative à la commande publique élaborée par un cabinet d'avocats et communiquée à la rapporteure spéciale, la moitié de la formation est consacrée à la définition des différents types de marchés publics et les grands textes régissant le droit de la commande publique. La formation ne comprend aucun exercice pratique ou actualité des marchés publics, dont les agents dans les services sont demandeurs.
Par ailleurs, les formations comportent des zones grises, en particulier pour les agents en charge du contrôle des actes d'urbanisme au sein des directions départementales des territoires. Les formations proposées par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la transition écologique sont centrées sur l'application du droit des sols et les formations proposées par le ministère de l'intérieur insistent peu sur l'aspect des risques en matière d'urbanisme.
Des formations principalement assurées par des formateurs internes occasionnels (FIO)
Comme pour l'ensemble des formations ministérielles au ministère de l'intérieur, celles en matière de contrôle de légalité et budgétaire sont assurées par des formateurs internes occasionnels, qui exercent soit en administration centrale et au PIACL, soit en administration déconcentrée dans les services de contrôle de légalité et budgétaire. Des prestataires extérieurs (avocats et professeurs d'université notamment) peuvent ponctuellement être recrutés en l'absence de FIO.
Les 24 FIO qui interviennent sur le contrôle de légalité sont majoritairement des agents de catégorie A des services préfectoraux. En 2024, seulement 4 FIO assurent des formations sur le contrôle budgétaire. Tous bénéficient d'une formation à la pédagogie pour adultes et à la mallette pédagogique qu'ils vont animer afin de garantir la qualité de l'animation et l'uniformité des contenus des formations dispensées sur tout le territoire.
Les FIO sont recrutés sur appel à candidatures diffusé sur l'intranet du ministère de l'intérieur, avec des relais au niveau régional par le biais des services régionaux de formation.
La rémunération des vacations des formateurs internes est de 40 euros par heure d'animation, soit 240 euros par jour de formation. Il s'agit d'une activité accessoire à leur mission principale, faisant l'objet d'une convention quadripartite entre le formateur, son supérieur hiérarchique, le service régional de formation et la SDRF.
Le nombre des jours de formation pouvant être assurés par le FIO est limité à 10 jours par an, à raison du caractère accessoire de cette activité qui ne doit pas empiéter sur leurs contraintes dans leurs services et leurs missions de contrôle de légalité et budgétaire dans leur préfecture d'affectation. Cette limitation peut toutefois être relevée sur accord du supérieur hiérarchique du formateur.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les éléments transmis par la sous-direction du recrutement et de la formation de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur
d) Un pilotage des formations qui accorde une place prépondérante à l'expertise pédagogique au détriment de l'expertise technique
Les formations inscrites au plan ministériel de formation sont conçues par la SDRF de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur. Chaque année, la DGCL fait part à la SDRF de ses besoins en matière de création ou de refonte de formation, sur la base desquels elle va élaborer des projets de formation.
Un ingénieur de formation de la SDRF, appelé chef de projet formation, est ensuite désigné pour cadrer le nouveau projet de formation, constituer et animer l'équipe projet, coordonner les travaux et s'assurer du respect du calendrier. Il veille à recueillir la validation de la formation par la DGCL, à son référencement dans le système d'information RH et à la communication pour le déploiement de la formation.
Le travail de conception de la formation est quant à lui confié à un ingénieur pédagogique de la SDRF, dénommé formateur interne à temps plein (FITP). Ce dernier recueille les contenus, tels que les références juridiques, les différentes notes de services, fiches de contrôle, instructions, et élabore la mallette pédagogique avec les experts métiers. Ainsi, la DGCL, et plus particulièrement les agents du pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) participent à la production des formations. En revanche, « le rôle de chef de file en matière de formation reste assuré par la SDRF, qui seule dispose de l'expertise pédagogique détenue par ses ingénieurs de formation et ses ingénieurs pédagogiques certifiés par la fédération de la formation professionnelle »49(*).
Sans nier l'utilité de la pédagogie en matière de formation, la rapporteure spéciale constate que le contenu de la formation « tronc commun », refondue et actualisée en 2024, confère une grande part à la pédagogie, au détriment des compétences techniques. La formation comporte en effet trois exercices de type « Marier les mots », « Mots croisés » et « Méli-mélo » pour appréhender le vocabulaire du contrôle de légalité et les moyens d'illégalité, pour quatre cas pratiques reflétant mieux la réalité à laquelle les agents sont confrontés à l'occasion de l'exercice de leurs missions de contrôle.
Exercice de mots croisés issu de la refonte
de
la mallette pédagogique « tronc commun » du
contrôle de légalité de 2024
Source : Mallette pédagogique transmise par la SRDF
3. Des logiciels de contrôle devenus obsolètes et peu ergonomiques pour les usagers
a) Des logiciels anciens accusant une lourde dette technique
Les applications @ctes et @ctes budgétaires permettent aux collectivités territoriales de télétransmettre leurs actes aux services préfectoraux afin de les rendre immédiatement exécutoires, en lieu et place de la transmission papier des actes. Ces deux applications ont respectivement été déployées en 2005 et 2011. Il s'agit donc de logiciels anciens « désormais frappés d'une dette technique qui rend difficile de s'adapter aisément aux évolutions numériques engagées par l'État dans une optique de simplification » selon les termes mêmes de la DGCL50(*).
Lors des différentes auditions menées par la rapporteure spéciale, tous les agents préfectoraux ont signalé l'absence d'ergonomie et les nombreuses anomalies de fonctionnement de ces applications mettant à mal l'exercice de leurs contrôles. Deux critiques principales ressortent tenant, d'une part, à une expérience-utilisateur perfectible51(*) et, d'autre part, à l'absence de fiabilité des logiciels. Certaines préfectures ont énoncé devoir établir elles-mêmes des statistiques des actes contrôlés au regard des défaillances de l'application @ctes. Enfin, les collectivités n'ont pas l'obligation de choisir la catégorie des actes transmis et peuvent sélectionner une catégorie générique « Autres », si bien que les agents de préfecture n'ont aucun moyen de repérer sur l'application si ces actes sont prioritaires ou non. Dès lors, des marchés publics importants peuvent passer entre les mailles du contrôle de légalité pour cette raison.
En conclusion, ces applications ont à l'origine été pensées uniquement comme des boîtes aux lettres numériques des actes des collectivités, afin d'accroître la dématérialisation, sans véritable changement de paradigme depuis près de vingt ans. Ces applications sont toujours envisagées sous ce prisme et ne sont pas des logiciels métiers au service des agents en préfecture en charge des contrôles. La rapporteure spéciale partage ce constat qui avait déjà été formulé par la Cour des comptes en 2022 et regrette l'absence d'évolutions notables en la matière, empêchant à ces applications de devenir des véritables boîtes de dialogue entre les collectivités et les préfectures, sources d'économies de fonctionnement. Tous les recours gracieux doivent par exemple faire l'objet d'un recommandé papier et pourraient aisément passer par l'application @ctes.
b) Une dématérialisation encore loin d'être complète
En l'espace de dix ans, le taux de télétransmission des actes a connu une progression majeure. Le taux de télétransmission sur le logiciel @ctes est passé de 34 % en 2013 à plus de 89 % en 2024. La même tendance est observée pour la télétransmission des actes budgétaires, avec un taux de télétransmission toutefois inférieur, de l'ordre de 79 % en 2024.
Malgré les progrès de la dématérialisation, quelques collectivités sont encore rétives à utiliser la télétransmission, alors qu'il s'agit d'une obligation légale52(*) pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 50 000 habitants, les départements et les régions à partir de 202053(*). La procédure de raccordement peut s'avérer fastidieuse pour les petites collectivités, avec la conclusion obligatoire d'une convention de télétransmission avec un tiers homologué par le ministère de l'intérieur, et onéreuse pour les plus petites communes, de l'ordre de 3 000 euros selon les informations transmises à la rapporteure spéciale.
Une hétérogénéité selon les départements est particulièrement constatée s'agissant du logiciel @ctes budgétaires, pour lequel le taux de télétransmission varie de 45 % à 100 % en 2024 selon les départements du territoire métropolitain, ce qui risque de soulever de nombreuses difficultés dans le cadre de la généralisation du compte financier unique au 1er janvier 2026.
c) Une amélioration à la marge de l'expérience utilisateur dans l'attente d'une refonte d'ampleur des logiciels @actes
(1) Une refonte d'ampleur décalée à 2027
Une refonte des systèmes d'information @ctes et @ctes budgétaires a été lancée en 2024 par la DGCL, avec en premier lieu une mission de diagnostic des besoins auprès des agents de préfecture au printemps 2024. Une étude de cadrage se poursuit actuellement, dont les conclusions sont attendues à l'automne 2025. Elle permettra en particulier de définir le périmètre fonctionnel du futur outil.
Selon les informations communiquées par la direction de la transformation numérique (DTNUM) du ministère de l'intérieur, la DGCL a demandé un complément d'étude à partir de fin 2024 afin d'y ajouter un aspect « métier » plus poussé, si bien que le lancement des travaux a été décalé au premier trimestre 2026 pour un premier produit disponible a priori au plus tôt en 2027, voire 2028. Par ailleurs, le coût du projet sur trois ans, de 2024 à 2027, est estimé à entre 7 et 8 millions d'euros. Les estimations les plus hautes, intégrant des éléments d'intelligence artificielle, sont plutôt de l'ordre de 10 millions d'euros54(*).
Dans l'attente de l'évolution stratégique de ces systèmes d'information, la DGCL a indiqué à la rapporteure spéciale avoir engagé quelques correctifs du logiciel afin d'améliorer l'expérience utilisateur des agents préfectoraux, avec un perfectionnement de la célérité des actions sur le logiciel à partir de février 2025.
(2) Des coûts dynamiques largement captés par l'assistance à la maîtrise d'ouvrage en l'absence même de projet d'ampleur
S'agissant de la gouvernance de ces projets informatiques, la DTNUM en assure la maîtrise d'oeuvre, avec des directeurs et des chargés de projets également mobilisés sur d'autres applicatifs, tandis que la maîtrise d'ouvrage relève de la DGCL. Alors même que 4 ETP de la DGCL sont dédiés à plein temps au suivi de la partie numérique, cette direction dispose d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMOA) confiée à un cabinet de conseil en transformation numérique. En avril 2025, un nouveau marché d'AMOA ministériel a été notifié à un groupement de cabinets de conseil Bearing Point - MC2I.
Les coûts annuels des logiciels @ctes et @ctes budgétaires sont dynamiques et ont augmenté de 34 % entre 2019 et 2024, passant de 1,07 million d'euros à 1,44 million d'euros. Une grande part de coûts sont captés par les frais d'AMOA, qui rémunèrent le prestataire extérieur de la DGCL. En 2023, le logiciel @ctes a coûté 827 000 euros, dont plus de 373 000 euros pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage, ce qui représente 45 % du coût total. Cette année-là également, 325 000 euros ont servi à la rémunération de l'assistance à maîtrise d'ouvrage du logiciel @ctes budgétaires, soit près de 70 % du coût annuel.
Coûts annuels des logiciels Actes et Actes budgétaires entre 2018 et 2024
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DTNUM
Sur la période 2015-2025, le coût des deux logiciels s'est élevé à 13,8 millions d'euros dont plus de 7 millions d'euros pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage, soit 50,7 % des coûts totaux. Un tel montant interroge, d'autant qu'aucun projet d'ampleur de refonte des systèmes d'information n'a été mené sur cette période.
Comme l'avait relevé la Cour des comptes en 2022 « la part du budget du projet consacré à l'assistance à maître d'ouvrage est bien supérieur aux proportions généralement admises pour ce type de projets. Par comparaison, ce montant annuel de plus d'un demi-million d'euros représente l'équivalent de la rémunération de cinq à dix ingénieurs spécialisés en systèmes d'information ».
d) Une absence de pilotage clair de l'intégration de l'intelligence artificielle
La DMATES et la DGCL semblent avoir intégré l'intérêt de développer l'intelligence artificielle (IA) et ses potentialités en matière de contrôles de légalité et budgétaire. La DGCL a énoncé à ce titre à la rapporteure spéciale que « le recours à l'intelligence artificielle sera en outre travaillé dans le cadre de la refonte de l'application @ctes, la version actuelle ne le permettant pas techniquement »55(*).
Toutefois, le pilotage de ce projet d'IA ne ressort pas clairement des auditions menées par la rapporteure spéciale. La DMATES a indiqué qu'il appartenait à la DGCL, direction métier, de construire ce chantier de l'IA. La DGCL, quant à elle interrogée sur la répartition des compétences entre les deux directions, a répondu que la DMATES travaillait à l'usage de l'IA.
Par ailleurs, la DGCL semble peu outillée en termes d'effectifs afin de mener à bien un tel projet d'ampleur, dès lors qu'un projet d'aide au contrôle de légalité par l'intelligence artificielle, dit ACLIA, lancé en mars 2020, a été abandonné et n'a pas prospéré au-delà d'une première étude interne, faute d'avoir trouvé une méthode d'identification des actes pertinente face à la très grande hétérogénéité des actes et des matières référencées dans le logiciel. La DGCL a toutefois mentionné la constitution courant 2025 d'une « mission numérique » à l'échelle de la direction, pilotée par une cheffe de projet informatique contractuelle.
En conclusion, alors que les « missions prioritaires des préfectures » définies pour la période 2022-2025 prévoyait la poursuite du chantier de l'intelligence artificielle dans le traitement quantitatif des actes soumis au contrôle de légalité, force est de constater que ce projet n'a pas encore été véritablement lancé, et ne verra pas le jour avant 2027 voire 202956(*).
II. UNE RÉORGANISATION DES CONTRÔLES POUR VALORISER LA MUTUALISATION DE L'EXPERTISE, OPÉRÉE DE FAÇON PEU UNIFORME SELON LES TERRITOIRES
Afin de faire face à l'afflux des actes dans un contexte de réduction des effectifs, les préfectures ont développé des partenariats avec d'autres administrations, plus ou moins institutionnalisés.
A. UN PALLIATIF INSTITUTIONNEL UNIQUE : LE PIACL
1. Un organisme consultatif d'assistance juridique à disposition des préfectures
a) Un pôle rattaché à la DGCL composé d'experts juridiques
Le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), basé à Lyon, a été créé à titre expérimental à partir de septembre 2002, afin d'apporter une assistance juridique en matière de contrôle de légalité, de contrôle budgétaire, de conseil et de contentieux auprès des préfectures des régions Rhône-Alpes, Bourgogne et Franche-Comté. Le périmètre de compétences du PIACL a été étendu par la suite en 2004 aux préfectures de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avant qu'il devienne une entité à part entière de la sous-direction des compétences et institutions locales de la DGCL, par arrêté du 28 juillet 2006. Au 1er janvier 2007, son périmètre d'intervention a été élargi à l'ensemble des préfectures du territoire métropolitain, hors Ile-de-France. Depuis le 1er octobre 2015, le PIACL assiste également les préfectures d'Ile-de-France et des départements et régions d'Outre-mer57(*).
Un pôle unique a finalement été préféré au projet initial de créer six pôles régionaux58(*) au regard des économies d'échelle générées et dès lors que l'éloignement géographique n'était pas un obstacle au bon fonctionnement de cette entité et à la qualité des réponses apportées dans le cadre d'une saisine dématérialisée via le système d'information pour l'appui au contrôle de légalité (SIACL). Le PIACL coexiste avec les six pôles d'appui juridique mis en place en 2017, qui apportent quant à eux un appui au traitement des contentieux des préfectures, sous le pilotage de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur.
En vertu d'une circulaire du 15 novembre 2002, le PIACL a trois missions principales : l'assistance juridique aux services de contrôle de légalité et budgétaire des préfectures, l'information des préfectures par le biais d'une base de données, le SIACL, et enfin, la formation des agents en charge du contrôle de légalité. Le PIACL est donc un organe purement consultatif. La réponse aux préfectures prend systématiquement la forme d'un avis simple, qui ne lie pas nécessairement le préfet, même si dans les faits les avis sont toujours suivis.
Pour réaliser ses missions, le PIACL dispose d'effectifs limités, qui sont passés de 17 ETP en 2013 à 22 ETP en 2019. Les effectifs, stables depuis 2019, sont tous des fonctionnaires titulaires, juristes de formation ou qui ont acquis une solide expérience en la matière59(*). La cheffe de pôle est une magistrate administrative en détachement tandis que les agents du pôle sont gérés par la préfecture du Rhône dans le cadre d'une charte de gestion signée entre la DGCL et le préfet. Un transfert de leur gestion à la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur est en cours, pour une prise d'effet au 1er septembre 2025.
b) Une organisation qui s'est étoffée pour répondre au mieux aux besoins des préfectures
Alors que le PIACL comportait trois chambres60(*) en 2012, une quatrième chambre a été créée en 2016 pour les montages juridiques complexes et une cinquième en 2017 dédiée au contrôle budgétaire et aux finances publiques locales. En plus des cinq chambres composées de deux à quatre juristes, une juriste régulatrice intervient au soutien de toutes les chambres pour faire face aux urgences, à la surcharge ponctuelle d'activité des chambres et sur les dossiers transversaux.
Les trois premières chambres demeurent les plus sollicitées en termes de volume. Elles attraient à elles seules 78 % des saisines annuelles. En effet, l'intercommunalité, la domanialité publique et l'urbanisme, traités par la première chambre du PIACL, représentent respectivement 21 %, 6 % et 7 % des saisines en 2024. L'an passé, 74 % des préfectures ont saisi le PIACL au stade de leurs conseils délivrés aux collectivités, 23 % au stade du contrôle et 3 % au stade du contentieux.
Répartition thématique des saisines du PIACL en 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL
Outre l'extension matérielle du PIACL, tous les agents en charge du contrôle de légalité ont désormais accès au PIACL, et pas seulement les agents en poste en préfecture. En effet, depuis 2023, les agents des directions départementales des territoires (DDT) participant au contrôle de légalité peuvent saisir le PIACL et avoir accès à son fonds documentaire sur autorisation du secrétaire général de la préfecture.
En outre, le PIACL peut être saisi par les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques (DGFiP) par l'intermédiaire des pôles nationaux de soutien au réseau (PNSR) de Bordeaux, Lyon et Rennes qui relèvent de cette direction, en vertu d'une convention de partenariat signée le 27 août 2013 entre la DGCL et la DGFiP. Le PIACL peut également saisir ces PNSR sur des questions qui dépassent le contrôle budgétaire, ces PNSR ayant des champs larges de compétences61(*). En 2024, le PIACL a répondu à 24 saisines de ces PNSR.
c) Une baisse du nombre de saisines et d'avis rendus depuis 2020 qui ne traduit pour autant pas une baisse d'activité du pôle
En 2015, le PIACL traitait 1 650 saisines par an, avec un pic de plus de 2 000 saisines en 2016, en lien avec la mise en oeuvre des réformes majeures issues des lois dites NOTRe, ALUR, Macron et Sapin II. Depuis, le nombre de saisines a baissé de 10 % en moyenne par an, et de plus de - 30 % entre 2019 et 2024. En parallèle, le nombre d'avis rendus par le PIACL a diminué de 27 % sur la même période. Toutefois, il apparaît que cette baisse en volume ne signifie pour autant pas une baisse d'activité du PIACL.
Évolution du nombre de saisines et d'avis
rendus par le PIACL
entre 2019 et 2024
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la DGCL
La rapporteure spéciale a pu constater lors de son déplacement à Lyon que les avis se sont étoffés au regard du caractère plus technique des saisines induit par la complexification du droit. Tandis que les avis faisaient de l'ordre de trois pages en 2015, les réponses apportées aujourd'hui peuvent atteindre une trentaine de pages. En effet, les interrogations courantes des préfectures sont disponibles sur le fonds documentaire du PIACL, si bien qu'il est désormais de plus en plus saisi de questions de fond nouvelles ou bien plus complexes. Ainsi, le PIACL doit régulièrement, à la lecture des questions posées, élargir l'analyse et, au-delà de la réponse à apporter, reposer un cadre juridique solide sur la thématique abordée.
L'allongement des délais de réponse témoigne de l'activité toujours soutenue du PIACL. Alors que le délai de réponse n'était que de 10 jours en 2015, il a augmenté à partir de 2021 (16 jours), pour atteindre 24 jours en 2023 et 26 jours en 2024.
Malgré cet allongement des délais récents, tous les agents rencontrés par la rapporteure spéciale se sont accordés sur la qualité des avis rendus par le PIACL. 97 % des préfectures ont d'ailleurs indiqué saisir le PIACL, dont 40 % de façon régulière62(*), témoignant ainsi de l'absolue nécessité de cet organisme consultatif.
2. Une association plus grande à l'offre de formation
La baisse en volume des saisines du PIACL a ainsi permis de dégager des marges de manoeuvre pour que le PIACL puisse être associé à l'offre de formation. Cette participation prend différentes formes.
En premier lieu, le PIACL participe de manière partenariale avec la SDRF à l'élaboration des mallettes pédagogiques de formation des agents pour ce qui est du volet expertise technique.
En deuxième lieu, certains agents du PIACL sont des formateurs internes occasionnels, dans la limite de dix jours par an, et animent à ce titre des webinaires thématiques63(*), considérés comme très utiles par les agents préfectoraux.
Enfin, le PIACL anime un fonds documentaire sur le SIACL, avec des grilles d'aide au contrôle, qui sont au nombre de 16. Outre les matières prioritaires, une grille a été mise en ligne début 2025 sur les entreprises publiques locales et d'autres sont en cours de relecture, notamment sur l'attribution des aides d'État. Ce fonds comprend également des veilles jurisprudentielles hebdomadaires. Il ressort des auditions menées par la rapporteure spéciale que ces veilles sont malheureusement peu connues des agents préfectoraux.
Ainsi, le rôle du PIACL en matière de formation a largement été revalorisé depuis 2022, de même que sa participation à l'animation du réseau préfectoral consistant en des déplacements en préfecture, en partenariat avec le bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la sous-direction des compétences et des institutions locales de la DGCL. Toutefois, la recommandation de la Cour des comptes, tendant à confier au PIACL la mission de chef de file en matière de formation64(*), n'a pas été suivie d'effet, le ministère de l'intérieur ne souhaitant pas s'engager pour l'heure dans cette voie. L'un des principaux arguments avancés était l'impossibilité d'exercer cette mission à moyens et effectifs constants pour le PIACL. Interrogée sur les besoins du PIACL pour qu'il puisse intégrer pleinement cette compétence, la DGCL n'a pas souhaité répondre, affirmant qu'il « n'a pas vocation à être pilote en matière de formation »65(*).
3. Un perfectionnement progressif de la plateforme du SIACL
Tous les avis rendus sont en principe publiés sur la plateforme du SIACL, sauf oppositions très ponctuelles des préfectures pour certaines questions sensibles. Le fonds du SIACL compte ainsi plus de 27 000 avis à ce jour. Les préfectures ont donc la possibilité, avant toute saisine, de consulter le fonds afin de vérifier que leur question n'a pas déjà fait l'objet d'une analyse. Toutefois, le moteur de recherche du SIACL ne permettait pas aux préfectures de trouver aisément les avis, ce qui a animé le projet de sa refonte, mise en oeuvre à partir de janvier 2025. Le « SIACL 2 » est ainsi en cours de déploiement, avec un moteur de recherche qui reste encore à affiner, pour un coût de 0,6 million d'euros66(*) sur la période 2023-2025.
Des préfectures ont cependant signalé à la rapporteure spéciale les limites du SIACL, qui constitue uniquement une plateforme de délivrance d'informations, mais ne permet pas véritablement d'échanges entre les préfectures. Dans ce contexte, la préfecture de Loire-Atlantique a développé un réseau du contrôle de légalité avec les autres préfectures de la région Pays de la Loire via la plateforme RESANA, qui permet quant à elle d'ouvrir des boîtes de dialogue entre préfectures. Cette plateforme n'est en revanche pour l'heure pas pilotée au niveau national par la DGCL.
Une autre plateforme collaborative dédiée au contrôle de légalité sous Osmose67(*) avait été lancée par la DGCL en 2023 afin de permettre le partage d'informations et des interactions entre la DGCL et les préfectures mais également entre les préfectures elles-mêmes. Toutefois, principalement à raison des contraintes budgétaires et dans une logique de rationalisation des systèmes d'information interministériels, cet outil a été décommissionné le 30 avril dernier et n'est plus accessible depuis mai 2025.
B. DES PALLIATIFS PARTENARIAUX PROTÉIFORMES
1. Des partenariats hétérogènes avec les directions départementales des territoires pour les actes d'urbanisme
a) Des coopérations actives dans la moitié des départements
La participation des directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) au contrôle de légalité des actes d'urbanisme est permise par un décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles (DDI)68(*). L'idée sous-jacente derrière un tel partenariat est d'externaliser le contrôle là où se situe l'expertise, dont la responsabilité relève toujours in fine du préfet. Selon les dernières statistiques connues sur la période 2019-202169(*), 47 DDT(M) interviennent en matière de contrôle de légalité, ce qui signifie que la moitié des départements ne sont pas couverts par un tel partenariat. En revanche, selon les territoires, les modalités de participation des DDT(M) peuvent être différentes, avec une implication dans le contrôle plus ou moins approfondie.
En ce qui concerne les effectifs en charge du contrôle, le contrôle est effectué par les DDT(M) dans 29 départements. Le contrôle peut également être confié à des agents des DDT(M) en détachement au sein des préfectures, comme c'est le cas dans 18 départements. De façon plus originale, depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) lancée en 2010, ce sont quatre agents du ministère de la transition écologique mis à disposition de la préfecture du Rhône qui sont en charge du contrôle de légalité en matière d'urbanisme, le contentieux des actes relevant en revanche de la DDT dans ce département. La délimitation des compétences peut également être encore subtile dans certains départements et évoluer au gré des effectifs disponibles au sein des DDT70(*).
Ainsi, selon les départements, le partenariat est plus ou moins poussé, pouvant aller jusqu'à la préparation des recours gracieux et des déférés par les DDT(M). Une telle organisation dépend des stratégies locales, des compétences et des moyens disponibles.
À titre d'exemple, la DDTM des Bouches-du-Rhône dispose d'un partenariat actif poussé avec la préfecture depuis les années 1980. Les agents en charge du contrôle de légalité consultent les actes d'urbanisme réceptionnés de façon dématérialisée sur la plateforme @ctes71(*), ou bien sous format papier par le biais de la préfecture et des sous-préfectures destinataires des actes. Sur les 7 211 actes reçus en 2024, 1 070 ont été contrôlés, soit à peine 15 % des actes réceptionnés, pour un taux d'illégalité relativement élevé de l'ordre de 10 %.
Lorsqu'une illégalité est détectée, un projet de lettre d'observations valant recours gracieux et un projet de lettre de notification au bénéficiaire sont rédigés et soumis au visa du directeur départemental des territoires avant transmission aux sous-préfectures ou préfecture, suivant l'arrondissement concerné. Ce sont les sous-préfets et le préfet qui signent les recours gracieux adressés aux maires et les notifications au bénéficiaire. En cas de contentieux, un projet de déféré est préparé par la DDTM, qui est ensuite validé par le préfet, avant dépôt au tribunal administratif de Marseille territorialement compétent par la mission contentieuse de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Le rôle de la DDTM est prépondérant pendant toute la durée du contentieux puisque c'est son service d'appui juridique et de contrôle (SAJC) qui assiste aux audiences, rédige éventuellement des mémoires complémentaires et suit toutes les étapes du traitement du dossier via l'application « télérecours » des juridictions administratives.
b) Des effectifs stables jusqu'en 2020 progressivement intégrés au réseau du contrôle de légalité
Selon les données transmises par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la transition écologique, les effectifs dédiés au contrôle de légalité des actes portant autorisation d'urbanisme au sein des DDTM ont été plutôt stables de 2015 à 2020, passant de 80,3 ETPT en 2015 à 84,2 ETPT en 2020, avec un pic observé à 98,1 ETPT en 2018.
La DGALN dispose de ces données sur cette période grâce à un outil déclaratif des effectifs nommé SALSA. Cet outil ayant été abandonné, la DGALN ne dispose plus de données chiffrées après 2021, mais déclare que « à la connaissance des services métiers en charge de ces missions en administration centrale, les effectifs ne semblent avoir guère évoluer, avec un maintien global des ordres de grandeur de ces effectifs »72(*). Du côté du ministère de l'intérieur, il n'existe pas non plus de suivi des effectifs, la DGCL ayant répondu que « cette donnée est variable d'une préfecture à l'autre, et potentiellement d'une année sur l'autre, notamment au gré des organisations évolutives choisies par les préfets »73(*).
En effet, le nombre d'agents affectés au contrôle de légalité en matière d'urbanisme et l'organisation des contrôles sont décidés localement. Au sein de la DDTM des Bouches-du-Rhône, 6 agents instructeurs de catégorie B ainsi qu'un chef de pôle74(*) assurent le contrôle de légalité des actes d'urbanisme.
Les agents des DDT(M) ont été progressivement intégrés au réseau du contrôle de légalité, à travers la réception d'instructions et de documents par la DGCL et d'échanges d'informations relatives au suivi des indicateurs du contrôle de légalité suivis par la DMATES par le biais des préfectures. Une évolution majeure est à relever en 2023 puisque les agents des DDT(M) ont désormais accès au PIACL et à la plateforme du SIACL. Les DDT(M) semblent pour l'heure s'être peu servies de cette possibilité au regard de la faible part des saisines du PIACL en matière d'urbanisme. Les agents de la DDTM des Bouches-du-Rhône ont par ailleurs déclaré à la rapporteure spéciale ne pas utiliser le SIACL et vouloir une offre de formation plus adaptée à la réalité de leurs contrôles.
2. Des partenariats conventionnels avec les DR/DDFIP pour le contrôle budgétaire et le contrôle des délibérations fiscales
a) Un cadre conventionnel actuel limité au contrôle budgétaire
Les directions départementales et régionales des finances publiques (DD/DRFIP) peuvent apporter leur soutien aux préfectures chargées du contrôle budgétaire conformément à une convention toujours active signée le 7 novembre 2013 entre la DGFiP et la DGCL75(*), déclinée ensuite en conventions locales. L'objet du partenariat vise à optimiser et moderniser l'exercice du contrôle budgétaire en associant au contrôle les agents des directions départementales et régionales des finances publiques, qui disposent de compétences particulières dans le domaine comptable et budgétaire.
En effet, un certain nombre de contrôles réalisés par les comptables sur les documents budgétaires permettent d'identifier et de corriger des anomalies. Des contrôles applicatifs sont prévus dans Hélios permettant de réaliser un « pré-visa » du budget et de détecter des anomalies afin d'alerter le comptable lors de la prise en charge des documents budgétaires exécutoires. Ces anomalies ne sont pas bloquantes, de telle sorte qu'il ne s'agit pas véritablement d'effectuer un contrôle budgétaire au sens strict, mais elles empêcheront par la suite d'exécuter le budget. Par ailleurs, un certain nombre des contrôles comptables automatisés (CCA) portent sur le domaine budgétaire. En plus des éléments de pré-visa du budget, ils lui permettent de porter à la connaissance des collectivités certaines anomalies comptables et d'en solliciter la régularisation auprès de l'ordonnateur, telle que l'ouverture des crédits budgétaires nécessaires par exemple.
Malgré l'existence de ce cadre partenarial, l'appui des DD/DRFIP demeure largement informel dans la plupart des départements. Dans le cadre des données remontées par les préfectures pour l'élaboration du rapport triennal 2019-2021 remis au Parlement, il apparait que 67 préfectures font part de contacts réguliers avec les services des DD/DRFIP. Toutefois, seulement deux préfectures ont formalisé ce partenariat par un protocole d'accord et onze préfectures par une convention. Dans les DD/DRFIP liés par une convention, des agents spécialisés dans les questions budgétaires et comptables, tiennent le rôle de référent et d'interlocuteur privilégié des services préfectoraux sur ce sujet et sont habilités à accéder à la plateforme @ctes budgétaires76(*).
En outre, conformément à une circulaire du 10 septembre 201077(*), les DD/DRFIP peuvent apporter au préfet un concours et une expertise en matière de contrôle de légalité des actes relatifs à la commande publique. À ce titre, ces directions participent par exemple à la définition du plan départemental de contrôle sur la commande publique des préfectures ou signaler aux préfets les actes présumés illégaux.
b) Une extension du cadre conventionnel aux délibérations fiscales en cours de réflexion
L'actualisation de la convention de 2013 est en cours par la DGCL et la DGFiP, afin de confier aux DD/DRFIP l'examen de l'ensemble des délibérations fiscales soumises au contrôle de légalité et, le cas échéant, sous forme expérimentale, le contrôle de tout ou partie des délibérations, décisions ou actes à portée budgétaire ou comptable. Le projet, proposé par la DGFiP78(*), prévoit la conclusion, par chaque direction départementale, d'un protocole local d'assistance au contrôle de légalité en matière fiscale par lequel cette direction s'engagerait à transmettre aux autorités préfectorales l'ensemble des erreurs relevées dans les délibérations prises par les collectivités locales à l'occasion des contrôles opérés sur la validité de ces délibérations.
L'assistance au contrôle de légalité en matière fiscale existe d'ores et déjà dans certains départements, au-delà du partenariat conventionnel. Dans ce cas, les DD/DRFIP vérifient la légalité des décisions fiscales, du point de vue des abattements et des taux, prises par les collectivités. Les DD/DRFIP signalent ainsi aux autorités préfectorales les erreurs commises par les collectivités territoriales pour qu'elles puissent prendre les mesures nécessaires pour faire rectifier les délibérations concernées.
Dans le département des Bouches-du-Rhône, le champ d'intervention du partenariat pour l'exercice du contrôle budgétaire a été étendu au contrôle de la légalité des délibérations fiscales adoptées par les collectivités territoriales et leurs établissements dès la signature de la convention locale en 2015. Ainsi, toutes les délibérations fiscales sont systématiquement transmises au service de la fiscalité directe locale de la DRFIP PACA pour observations éventuelles. Ce service a vocation à se prononcer notamment sur la date de la délibération, la référence aux articles du code général des impôts, la portée générale de la délibération et le taux. Par suite, les contrôles de la DRFIP sont d'une autre nature et ne concurrencent pas le contrôle sur la forme effectué par la préfecture.
c) Un approfondissement du contrôle partenarial toutefois conditionné à l'interfaçage des applicatifs
Dans le cadre de la refonte des applications informatiques de la fiscalité directe locale avec le développement des outils BASIL et DELTA, la DGFiP a lancé un chantier ambitieux d'automatisation de certains contrôles grâce à l'intelligence artificielle opérés sur les délibérations de fiscalité directe locale et de transmission systématique, aux collectivités locales et aux autorités préfectorales, des résultats de ces contrôles automatisés. L'assistance au contrôle de légalité se trouverait améliorée par la transmission automatique des rapports issus des contrôles automatisés des directions départementales aux services préfectoraux, qui semble possible du côté de la DGFiP dès 202779(*).
Des réflexions sont actuellement en cours afin de trouver un moyen d'interfacer les délibérations reçues par les préfectures avec les rapports des directions départementales des finances publiques, la DGCL ayant préféré que les informations soient envoyées dans le propre environnement numérique des préfectures, en lieu et place d'une consultation par les préfectures des applicatifs de la DGFiP. La dette informatique qu'accuse l'application @ctes semble toutefois être un frein à l'interfaçage des applicatifs. Dans sa réponse au questionnaire adressé par la rapporteure spéciale, la DGCL a mentionné que « le cadrage du projet de refonte de l'application @ctes n'étant pas finalisé, le positionnement sur la feuille de route d'une interface entre Delta et la nouvelle application @ctes n'est pas arrêté ».
3. Des partenariats avec les juridictions qui n'ont pas prospéré
Les « missions prioritaires des préfectures » définies pour la période 2022-2025 prévoyaient de s'appuyer davantage sur le conseil des juridictions administratives et financières, par le biais de demandes d'avis auprès des tribunaux administratifs et la conclusion de convention entre les préfectures et les juridictions financières.
En ce qui concerne les demandes d'avis des préfets aux tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, prévues par l'article R. 212-1 du code de justice administrative80(*), elles sont peu utilisées par les préfectures. Sur la période 2019-2021, seulement 13 % des préfectures ont fait usage de ce dispositif et aucune des préfectures rencontrées par la rapporteure spéciale n'y a recours récemment. La faiblesse du recours aux demandes d'avis peut sans doute être expliquée par le positionnement des tribunaux administratifs qui interviennent systématiquement pour trancher un litige auquel les préfectures sont parties. Par suite, le juge administratif est davantage perçu comme un censeur éventuel que comme un partenaire.
En revanche, les partenariats avec les juridictions financières se sont plus largement développés, si bien que les préfectures ont systématiquement des échanges avec les chambres régionales des comptes (CRC) en amont de la période budgétaire pour identifier les collectivités en difficulté, et des échanges constants entre les préfectures et les équipes de contrôle en cas de saisine de la CRC dans le cadre du contrôle budgétaire.
Pour autant, le développement de partenariats de type conventionnels, tel que prônés par les « missions prioritaires des préfectures » 2022-2025, ne semble pas avoir prospéré, les interlocuteurs préférant des échanges informels en fonction des besoins de chacun. Une convention avait été signée le 21 octobre 2021 entre le préfet des Bouches-du-Rhône et la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et comprenait trois objectifs : conforter la mission de contrôle de légalité et enrichir les contrôles de gestion81(*), prévenir les besoins de saisine budgétaire82(*) et développer le rôle de conseil auprès des collectivités. Cette expérimentation n'a finalement pas été poursuivie au-delà d'une année au regard de la mise en place délicate de réunions selon un calendrier figé, le président de section et les services préfectoraux ayant privilégié les échanges bilatéraux. Une convention identique a été signée en 2024 avec le département de Vaucluse, qui prévoit les mêmes objectifs, comme la tenue de réunions semestrielles pour identifier les saisines budgétaires notamment. La chambre régionale des comptes de PACA a mentionné à la rapporteure spéciale que « de la même manière, le président de section est également l'interlocuteur privilégié de la préfecture ».
III. POUR ASSURER AU MIEUX UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ EFFICIENT ET ADAPTÉ AUX ENJEUX CONTEMPORAINS, IL CONVIENT DE MAINTENIR UN NIVEAU SUFFISANT D'EFFECTIFS FORMÉS, AVEC DES PARTENARIATS INSTITUTIONNELS ACTIFS ET DANS UN ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE ÉVOLUTIF
A. CONSOLIDER LE NIVEAU DES EFFECTIFS, AVEC DES FORMATIONS OPÉRATIONNELLES DÈS LA PRISE DE POSTE DES AGENTS
1. Consolider le niveau des effectifs en fonction des besoins des préfectures, avec des effectifs suffisants au niveau central pour assurer l'animation du réseau
a) La trajectoire des effectifs affectés aux contrôles de légalité et budgétaires doit a minima être maintenue au regard des créations de postes prévues par la LOPMI
Dans son rapport de 2022, la Cour des comptes avait estimé qu'un renforcement des effectifs à hauteur de 190 ETP serait nécessaire pour que l'État mène à bien ces contrôles.
Si ce niveau de renforcement paraît à moyen terme difficile à atteindre au regard du nombre total des 350 créations de postes envisagées dans le cadre de la LOPMI, il apparaît a minima nécessaire de consolider le niveau des effectifs en charge des contrôles de légalité et budgétaires en fonction des besoins des préfectures, d'autant plus que le ministère de l'intérieur martèle le caractère prioritaire de cette mission constitutionnelle dévolue aux préfets.
Ce niveau d'effectifs devrait pouvoir ressortir des documents budgétaires, au moins en ce qui concerne ceux affectés en préfectures, ce qui n'est pas le cas en l'état du projet annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». En ce qui concerne les effectifs affectés dans les DDT, la rapporteure spéciale estime que le suivi devrait être repris par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), ne serait-ce que sur une base déclarative.
En effet, le suivi des effectifs au niveau agrégé est un préalable nécessaire afin de s'assurer de l'adéquation entre la répartition territoriale des effectifs et les enjeux du contrôle de légalité et budgétaire dans chaque département. À ce titre par exemple, une préfecture dans laquelle le contrôle de légalité des actes d'urbanisme est délocalisé dans les DDT aura de facto de moindres besoins que les préfectures dans lesquelles ce contrôle est centralisé.
Enfin, le repyramidage des effectifs au profit des agents de catégorie A doit de nouveau être envisagé dans ces services, au regard de la complexité des normes juridiques à appliquer et à contrôler. Par ailleurs, à moyen terme, ce repyramidage pourra certainement être opéré à effectifs constants grâce aux gains permis par l'intelligence artificielle du point de vue du tri des actes.
b) Une revalorisation nécessaire des effectifs en charge de l'animation du réseau au niveau central
Le contrôle de légalité est suivi au niveau central au sein du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique de la sous-direction des compétences et des institutions locales de la DGCL. 4 ETP suivent le logiciel @ctes, tandis que 2 ETP sont en charge de l'animation du réseau du contrôle de légalité. La sous-direction ayant obtenu une augmentation du plafond d'emplois d'un ETP, 3 ETP devraient être en charge de l'animation du réseau dans les prochains mois.
Le contrôle budgétaire relève quant à lui du bureau des budgets locaux et de l'analyse financière de la sous-direction des finances locales et de l'action économique de la DGCL, avec 2 ETP en charge du suivi des contrôles pour l'ensemble du territoire.
Au regard des enjeux qui attendent les contrôles de légalité et budgétaires, notamment en termes d'évolutions numériques et de besoins d'animation d'un réseau étendu, 6 ETP au niveau central à l'heure actuelle ne paraissent pas suffisants pour y répondre.
Recommandation n° 1 : Consolider le niveau des effectifs dédiés aux contrôles de légalité et budgétaires en préfectures, mieux répartis sur le territoire et retraçables dans le projet annuel de performances, en accentuant la part des agents de catégorie A, et avec des effectifs suffisants au niveau central pour assurer l'animation du réseau et le développement des projets informatiques - direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), direction générale des collectivités locales (DGCL) et direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN).
2. Accroître l'offre de formation, en professionnalisant les contenus, sous l'égide du PIACL
a) Des formations plus opérationnelles, dès la prise de poste des agents et en présentiel
La professionnalisation des services de contrôles de légalité et budgétaires passe nécessairement par un perfectionnement des formations, même si la rapporteure spéciale relève les nombreux progrès réalisés en la matière par la direction métier, principalement grâce à l'expertise du PIACL, et par la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur. Des marges de progression demeurent toutefois tant du point de vue de la formation initiale que des formations continues.
En ce qui concerne la formation initiale, celle-ci est assurée uniquement dans un premier temps par des formations en distanciel brèves, centrées sur les aspects généraux du contrôle de légalité. Cette formation apparaît insuffisante et en décalage avec les compétences techniques que les agents sur ces postes doivent développer. Les formations en présentiel d'une durée d'une journée et demi à deux jours selon le contrôle de légalité ou le contrôle budgétaire doivent être privilégiées dans un délai de six mois à compter la prise de poste des agents dans tous les territoires. Les cas pratiques, qui sont les exercices les plus utiles pour l'exercice des missions des agents, ne peuvent être réalisés qu'en présentiel et mériteraient de constituer d'ailleurs une part plus importante de la formation initiale.
Les formations continues doivent aussi être plus adaptées à la réalité des contrôles quotidiens effectués par les agents, et particulièrement dans le domaine de l'urbanisme. Outre un perfectionnement des maquettes, les agents des préfectures et des DDT en charge des contrôles pourraient avoir accès plus largement aux formations délivrées par le centre de formation de la juridiction administrative (CFJA). Par ailleurs, les agents sur le terrain ayant relevé l'utilité particulière des webinaires thématiques et d'actualité animés par les agents du PIACL, ce format doit être encouragé et utilisé en cas d'actualités majeures relatives à un domaine de contrôle prioritaire (commande publique, urbanisme et fonction publique territoriale).
Ce renforcement de la formation est également une condition sine qua non pour accroître l'attractivité de ces postes, pour lesquels les prises de postes peuvent être considérées comme délicates, en particulier pour des agents qui n'ont pas été formés à la matière juridique durant leurs études ou lors de leurs premières affectations en préfecture.
Recommandation n° 2 : Rendre plus opérationnelles les formations, en les organisant dès la prise de poste des agents et en présentiel - direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur (DRH MI) et services régionaux de formation.
b) Des formations pilotées par le PIACL, dont le rôle en matière de pédagogie et de formation devrait être accru
Au regard de la qualité du travail fourni par le PIACL composé d'experts juridiques et de la satisfaction manifestée par les agents préfectoraux, la rapporteure spéciale estime que la mission de formation du PIACL, telle que prévue par la circulaire du 15 novembre 2002, doit être davantage développée. En ce sens, elle ne saurait que rejoindre la recommandation déjà formulée par la Cour des comptes en 202283(*), visant à confier à ce pôle un rôle de chef de file en matière de formation, notamment à raison du caractère nécessairement interministériel des formations. Ce besoin est patent s'agissant particulièrement du contrôle de légalité des actes d'urbanisme pour les agents en préfecture et ceux des DDT.
La DGCL apparaît peu encline à vouloir confier ce rôle au PIACL, arguant qu'il dispose de compétences et expertises juridiques et non pédagogiques. Au regard de la forte technicité des normes applicables en matière de contrôle de légalité et budgétaire, et des demandes exprimées par les agents en poste de développer des compétences techniques, la rapporteure spéciale considère que le PIACL est l'entité la mieux outillée pour répondre à ces enjeux.
Au regard de la montée en compétences du PIACL en matière de formation, il apparaît a minima nécessaire d'avoir un référent formation au sein du PIACL, en charge du suivi des webinaires et des foires aux questions (FAQ) disponibles après la formation, de l'élaboration de nouvelles grilles de contrôle et d'une veille jurisprudentielle très largement diffusée.
Recommandation n° 3 : Confier au Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) un rôle de chef-de-file en matière de pédagogie et de formation, en instaurant a minima un référent formation au sein du pôle - direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur (DRH MI) et PIACL.
B. SYSTÉMATISER LES PARTENARIATS DANS LE RESPECT DE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS LOCALES
1. Intensifier les partenariats avec les DDT pour le contrôle des actes d'urbanisme, lorsque les effectifs le permettent
Les partenariats mis en place avec les DDT répondent à un besoin de spécialisation fort en matière d'urbanisme, si bien qu'il apparaît peu réaliste que les agents en préfecture soient experts de toutes les matières prioritaires du contrôle de légalité et dès lors que les compétences existent dans les DDT.
Par ailleurs, les enjeux du contrôle de légalité en urbanisme, déclinés dans la stratégie nationale, par la DGCL, et départementale, par les préfets, répondent aux politiques publiques portées par les DDT (prévention des risques naturels et technologiques, préservation des terres agricoles, lutte contre l'artificialisation des sols, protections des zones naturelles, police de l'urbanisme et lutte contre les constructions illégales...).
Enfin, comme le relevait les services de la DDTM des Bouches-du-Rhône rencontrés par la rapporteure spéciale, « dans les départements où l'organisation du contrôle de légalité est unifiée, on peut observer que pour l'urbanisme le service de préfecture en charge du contrôle de légalité est souvent amené par nécessité à solliciter la DDT ». Les DDT sont donc un maillon essentiel dans la chaîne du contrôle de légalité des actes d'urbanisme, sur lesquelles il convient de s'appuyer dès lors que les effectifs localement le permettent.
Recommandation n° 4 : Intensifier les partenariats avec les directions départementales des territoires (DDT) pour le contrôle des actes d'urbanisme, lorsque les effectifs le permettent - DGCL et Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN).
2. Rendre obligatoires sur tout le territoire les partenariats avec les directions départementales ou régionales des finances publiques en matière de contrôle budgétaire et de contrôle des délibérations fiscales
Comme pour le contrôle des actes d'urbanisme, afin de perfectionner la qualité et la célérité du contrôle des services de l'État déconcentré, l'expertise des directions départementales et régionales des finances publiques apparaît essentielle, d'autant que la DGFiP travaille au développement de contrôles automatisés, grâce à l'intelligence artificielle, qui devraient voir le jour à court terme.
La refonte en cours de la circulaire afférente au contrôle budgétaire partenarial afin de prévoir des partenariats en matière de contrôle des délibérations fiscales pourrait être l'occasion de rendre obligatoires de tels partenariats dans tous les départements. De plus, une telle différence de traitement dans le contrôle des actes budgétaires et délibérations fiscales ne saurait subsister lorsque les projets BASIL et DELTA de la DGFiP seront pleinement déployés.
Recommandation n° 5 : Rendre obligatoires d'ici 2029 dans tous les départements les partenariats avec les directions départementales ou régionales des finances publiques en matière de contrôle budgétaire et de contrôle des délibérations fiscales - DGCL et Direction générale des finances publiques (DGFIP).
Cette obligation de contrôle partenarial parait pouvoir être mise en oeuvre à droit constitutionnel constant, dès lors que cette délégation partielle du contrôle ne remet pas en cause les dispositions de l'article 72 de la Constitution, à l'image de ce qui est fait avec les DDT. La responsabilité du contrôle relève toujours du préfet, à qui il revient de saisir, en cas d'irrégularités et s'il l'estime nécessaire, la juridiction compétente.
C. DÉVELOPPER UN ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE ET STATISTIQUE ERGONOMIQUE, PROPICE À LA MISE EN oeUVRE DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À COURT TERME
1. Refondre le logiciel @ctes pour tous les usagers, afin de pouvoir y intégrer à court terme l'intelligence artificielle dans le traitement quantitatif des actes
a) Refondre le logiciel @ctes d'ici 2027, y compris pour les collectivités, en poursuivant en parallèle les améliorations de l'expérience utilisateur
La refonte du logiciel @ctes d'ici 2027 est consubstantielle à la modernisation des contrôles de légalité et budgétaires. D'une part, elle a vocation à améliorer les conditions de travail et la qualité des contrôles pour les agents en préfecture. D'autre part, elle s'avère nécessaire pour poursuivre l'approfondissement du contrôle partenarial avec les directions départementales des finances publiques, qui pourront effectuer, dès 2027, des contrôles automatisés grâce à l'intelligence artificielle et transmettre les résultats de ces contrôles aux préfectures.
La rapporteure spéciale sera donc vigilante à l'avancée de ce projet d'ici 2027, qui ne saurait exclure d'ici là des améliorations de l'expérience utilisateur au regard des besoins manifestés par les agents sur le terrain.
En outre, les collectivités, et non uniquement les agents préfectoraux, doivent être considérées comme des utilisateurs du logiciel @ctes. Cette application doit en effet permettre un dialogue avec les collectivités. Par ailleurs, les recours gracieux avec accusés de réception dématérialisés pourraient se faire directement sur cette plateforme, avec les mêmes effets que des accusés de réception papier en termes de déclenchement des délais de recours contentieux.
b) Intégrer l'intelligence artificielle dans @ctes au plus tard en 2029 afin d'améliorer le traitement au fond des dossiers
Les avancées permises par l'intelligence artificielle sont très variées en matière de contrôles de légalité et budgétaire. Elle pourrait permettre de repérer les catégories d'actes, et notamment les actes prioritaires, générant ainsi un gain de temps et d'effectifs pour le tri des actes. Les vices de légalité externe, comme la compétence de l'auteur de l'acte, qui peuvent aussi être chronophages pour les agents, pourraient être détectés, de sorte que les agents pourraient passer plus de temps sur le fond du dossier.
Selon les éléments transmis par la DTNUM, l'intelligence artificielle devrait pouvoir être intégrée dans le cadre de la refonte du logiciel @ctes, pour un montant estimé en 2025 à 10 millions d'euros.
La rapporteure sera également attentive au déploiement de l'intelligence artificielle dans le cadre de la refonte des logiciels @ctes et @ctes budgétaires, et à son coût, notamment s'agissant de l'assistance à maîtrise d'ouvrage confiée à un prestataire extérieur.
Recommandation n° 6 : Refondre les logiciels @ctes et @ctes budgétaires pour tous les usagers, afin de pouvoir y intégrer à court terme l'intelligence artificielle dans le traitement quantitatif des actes, tout en maîtrisant les coûts induits - DGCL et DMATES.
2. Disposer d'une plateforme nationale dédiée à l'actualité juridique des contrôles de légalité et budgétaire à disposition de tous les agents de préfecture en charge de ces contrôles
Depuis le décommissionnement de la plateforme interministérielle Osmose, les agents ne disposent plus d'un espace numérique dédié géré au niveau central. Ils ont recours, dans certaines préfectures, à la plateforme RESANA qui permet d'ouvrir des boîtes de dialogue, et par suite des échanges entre préfectures. Cette plateforme n'est toutefois pas pilotée par la DGCL.
La DGCL a informé la rapporteure spéciale qu'un espace RESANA est en cours de création, permettant de rassembler sur un espace unique toutes les informations relatives au contrôle de légalité (actualités, fonds documentaire, publication de statistiques, d'évènements passés et à venir, etc). Son ouverture est prévue pour l'été 2025. L'inscription sera effectuée sur demande et validée par les animateurs du réseau.
Recommandation n° 7 : Disposer d'une plateforme nationale dédiée à l'actualité juridique des contrôles de légalité et budgétaire à disposition de tous les agents de préfecture en charge de ces contrôles - DGCL et PIACL.
3. Développer un outil statistique apte à quantifier la part de conseil délivré par les préfectures aux collectivités
Dans le cadre de la transformation partenariale du contrôle de légalité, le conseil tend à prendre une part non négligeable du temps de travail des agents en charge des contrôles. Selon les éléments transmis par la DGCL, la fonction de conseil représente 50 % de l'activité des services en charge du contrôle de légalité et peut même atteindre 70 % dans certaines préfectures. En ce qui concerne le contrôle budgétaire, la part de conseil représenterait plutôt de l'ordre de 30 %. Toutefois, cette activité n'est pas vraiment quantifiée, les huit indicateurs afférents au contrôle de légalité suivis par la DMATES ne portant pas sur le conseil.
Au regard de la part grandissante de cette fonction de conseil, la DGCL a souhaité, en lien avec la DMATES, expérimenter deux indicateurs à partir de 2024 sur cinq départements, qui se poursuit encore en 2025 sur neuf départements. Le premier indicateur, intitulé « taux des actes contrôlés au titre du contrôle de légalité pour lesquels la préfecture a exercé une mission de conseil », a pour finalité de dénombrer, parmi les actes contrôlés, la part de ceux ayant fait l'objet d'un travail de conseil préalable aux collectivités territoriales. Ce conseil peut résulter de l'initiative des services chargés du contrôle de légalité ou des collectivités. Le second indicateur, intitulé « taux de réponse en matière de conseil juridique des collectivités territoriales, et de leurs groupements et leurs établissements publics en matière non budgétaire » a pour objet de quantifier le travail de conseil juridique apporté aux collectivités territoriales, dispensé par les services en charge du contrôle de légalité en préfecture.
Le premier bilan de l'expérimentation à l'issue de l'année 2024 n'a pas été concluant. Selon la DMATES, « les premiers éléments constatés n'ont pas permis de dégager de tendances claires et ont donc nécessité une prolongation de cette expérimentation »84(*), ce qui a animé l'extension de l'expérimentation à neuf départements en 2025.
La rapporteure spéciale est toutefois convaincue de l'utilité de quantifier cette part de conseil dans l'objectif de valorisation du travail de conseil effectué par les services. Sans créer une « usine à gaz » pour les agents, la refonte du logiciel @ctes peut être l'occasion de créer une case dédiée à cocher par les agents, avec un temps évaluatif pour le temps passé à conseiller les collectivités, et les différents canaux utilisés (téléphone, mail, etc).
Recommandation n° 8 : Développer un outil statistique apte à quantifier la part de conseil délivré par les préfectures aux collectivités - DGCL et DMATES.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 9 juillet 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale, sur le contrôle de légalité et budgétaire des actes des collectivités territoriales.
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à la communication de notre collègue Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », sur le contrôle de légalité et budgétaire des actes des collectivités territoriales.
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. - Dans le cadre de la nouvelle réforme de l'administration territoriale de l'État présentée hier à Chartres, le Premier ministre a annoncé vouloir confier aux préfets de nouvelles missions : leurs prérogatives « managériales » devraient être accrues ; ils auraient vocation à devenir les délégués territoriaux de tous les opérateurs et ils pourraient aussi donner un avis préalable sur toutes les implantations de nouveaux services au public sur leur territoire.
Dans ce contexte de renouveau, qu'en est-il des missions traditionnelles des préfets, et en particulier de la mission constitutionnelle de contrôle de la légalité des actes et des budgets des collectivités territoriales, prévue à l'article 72 de la Constitution et visant à garantir le caractère unitaire de notre République et l'égalité des citoyens devant la loi ?
J'ai souhaité conduire un contrôle budgétaire cette année sur ce sujet à partir du constat d'un paradoxe et d'une nécessité, à la suite de déplacements dans les préfectures.
Une nécessité, tout d'abord. Si la transformation partenariale du contrôle de légalité et la valorisation de la fonction de conseil des préfectures aux collectivités résultent d'une décentralisation heureuse, des contrôles, au moins ciblés sur les actes les plus importants, doivent être préservés. Ils constituent des outils de sécurisation de l'action des collectivités et de gestion saine des finances publiques.
Un paradoxe, ensuite. Alors que les contrôles de légalité et budgétaire sont sans cesse affichés comme prioritaires par le ministère de l'intérieur - ils devaient d'ailleurs être modernisés par le recours à l'intelligence artificielle (IA) dans le cadre du plan Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 -, force est de constater une attrition constante des moyens dédiés au contrôle de légalité.
En effet, les effectifs dédiés aux contrôles de légalité et budgétaires ont connu une évolution antagonique avec le nombre d'actes transmis aux préfectures.
De 2012 à 2020, les effectifs des préfectures ont été réduits de 14 %, ce qui a eu des effets sur les services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire. Les effectifs sont passés de 1 019 équivalents temps plein (ETP) en 2010 à 868 ETP en 2024 s'agissant du seul contrôle de légalité, ce qui représente une baisse de l'ordre de 15 % des emplois sur la période. Pour le contrôle budgétaire, la contraction des effectifs est encore plus intense, de l'ordre de -26,5 %. En près de quinze ans, ces services ont perdu en moyenne 1,1 % de leurs effectifs tous les ans, et n'ont pas été renforcés malgré les créations de postes intervenues à partir de 2023 dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
En parallèle sur la même période, le nombre d'actes transmis annuellement au niveau national, quant à lui, est passé de 5,15 millions d'actes à 7,72 millions d'actes, dont plus de la moitié concerne les trois domaines prioritaires que sont la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale. Cela représente une augmentation de l'ordre de 50 % du nombre d'actes reçus, et ce malgré la réduction de la liste des actes devant être obligatoirement transmis.
Avec une baisse de 15 % à 26 % des emplois pour une augmentation de 50 % des actes, le contrôle s'est nécessairement affaibli, au point même que la Cour des comptes a évoqué en 2022 une qualité du contrôle de légalité qui « n'est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l'État ». Alors que le taux de contrôle des actes était de 20,6 % en 2015, il n'est plus que de 17,8 % en 2023. Même le taux de contrôle des actes prioritaires a diminué : alors qu'il était de 89 % en 2015, il n'est plus que de l'ordre de 83 % en 2024, pour une cible à 90 % dans le projet annuel de performances (PAP).
Des disparités territoriales sont également observées, avec un taux de contrôle qui peut varier de 33 % à 99 % en fonction des départements du territoire métropolitain. Plusieurs départements, comme le Jura, le Rhône, la Sarthe ou encore la Lozère, affichent des taux de contrôle des actes prioritaires particulièrement faibles - de l'ordre de 30 % -, si bien que l'expression de « passoire à géométrie variable », utilisée par notre collègue Jacques Mézard pour caractériser le contrôle de légalité dans son rapport d'information de 2012 fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, est malheureusement encore d'actualité. Par ailleurs, plus de 35 % des actes irréguliers détectés par le contrôle de légalité et signalés par un recours gracieux ne sont ni retirés ni déférés pour autant.
Si ces disparités territoriales s'expliquent par des causes profondes et multifactorielles, les effectifs peuvent toutefois avoir une incidence sur le taux de contrôle et le nombre de déférés : les départements les mieux dotés en effectifs sont souvent ceux où le nombre de déférés est le plus dynamique.
Je tiens également à évoquer une zone grise du contrôle de légalité, c'est-à-dire celle des entreprises publiques « satellites » des collectivités territoriales, telles que les sociétés d'économie mixte (SEM) ou les sociétés publiques locales (SPL). À raison de leur soumission aux règles du code de commerce, elles sont très peu contrôlées par les préfectures, mais n'en demeurent pas moins constitutives de risques financiers croissants pour les collectivités et de risques pénaux pour les élus, comme le révèlent les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes.
Considérable, la contraction des effectifs préfectoraux a été insuffisamment compensée par une professionnalisation des services et par l'adaptation des logiciels de contrôle, qui restent datés.
Un repyramidage des effectifs chargés des contrôles a été progressivement opéré, si bien que les services sont aujourd'hui composés à 23 % d'agents de catégorie A. Si ce pyramidage peut être adapté à l'échelle de l'ensemble des missions des préfectures, il demeure peu adapté à la complexité du droit à appliquer.
Les formations, qui se sont intensifiées seulement à partir de 2024, demeurent largement tributaires de la bonne volonté des agents à leur prise de poste, dès lors qu'ils ne bénéficient que de formations distancielles au départ. Les formations présentielles interviennent en général jusqu'à un an et demi après la prise de poste, ce qui est tardif. Par ailleurs, les agents rencontrés lors de mes déplacements ont unanimement reconnu le manque de caractère opérationnel des formations, en particulier en matière d'urbanisme.
Les outils numériques, qui datent de 2005 pour le contrôle de légalité et de 2011 pour le contrôle budgétaire, ont peu évolué depuis lors. Ils accusent aujourd'hui une dette technique bloquant l'intégration de l'IA et sont une source de crispation quotidienne pour les agents, du fait d'un manque d'ergonomie et de fiabilité. De nombreuses préfectures ont signalé devoir faire des statistiques des actes reçus et contrôlés sur des fichiers Excel, en parallèle du logiciel. Le coût de ces logiciels est également grandissant, notamment du fait du recours à l'assistance à maîtrise d'ouvrage par la direction générale des collectivités locales (DGCL), assistance confiée à un prestataire extérieur privé, en l'absence même de refonte d'ampleur de ces logiciels.
Afin de pallier les lacunes des contrôles en préfecture, ceux-ci ont été réorganisés en ayant recours à d'autres institutions, afin de délocaliser les contrôles là où se situe l'expertise.
Ainsi, le contrôle des actes de légalité des actes d'urbanisme est confié dans la moitié des départements aux directions départementales des territoires (DDT), avec un partenariat plus ou moins poussé, principalement en fonction des effectifs disponibles. Les DDT ont d'ailleurs, elles aussi, connu une contraction de leurs effectifs à la suite de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Sur le même modèle, les préfectures peuvent également développer des partenariats avec les directions départementales et régionales des finances publiques pour le contrôle budgétaire, en vertu d'une convention entre la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la DGCL qui s'étend même parfois au contrôle de légalité des délibérations fiscales dans certains territoires, au-delà donc de ce qui est prévu par la convention nationale.
En effet, un certain nombre de contrôles réalisés par les comptables sur les documents budgétaires permettent d'identifier et de corriger des anomalies. La DGFiP - plutôt en avance par rapport aux préfectures - développe actuellement des contrôles automatisés via l'IA, dont les apports pourraient être très utiles aux services préfectoraux.
Il apparaît toutefois que seulement treize préfectures ont formalisé un tel partenariat par une convention ou un protocole d'accord, selon les données de la DGCL pour la période 2019-2021.
Enfin, les préfectures peuvent saisir le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (Piacl), basé à Lyon et rattaché à la DGCL depuis 2006. Composé d'une vingtaine d'experts juridiques répartis en cinq chambres spécialisées, il transmet des avis très étoffés aux préfectures, qui reconnaissent unanimement son utilité.
Au regard de ces éléments, je souhaite faire un certain nombre de propositions. Mes recommandations sont au nombre de huit et concernent les effectifs, les partenariats et l'environnement numérique.
En ce qui concerne les effectifs, ils doivent être consolidés au niveau central. Seulement six ETP suivent actuellement, au sein de la DGCL, l'aspect numérique et l'animation du réseau du contrôle de légalité et budgétaire : c'est trop peu. Pour les préfectures, les effectifs doivent être adaptés au regard des besoins selon les territoires, avec des services davantage professionnalisés. Le Piacl pourrait à ce titre avoir un rôle accru en matière de formation. C'est le sens de mes recommandations nos 1 à 3.
Mes recommandations nos 4 et 5 portent sur les partenariats, qui pourraient être mieux exploités et développés sur le territoire, en particulier celui qui a été noué avec la DGFiP dans le cadre de la refonte en cours de la convention nationale avec la DGCL, et au regard des avancées numériques prometteuses portées par la DGFiP.
Enfin, l'environnement numérique des contrôles doit impérativement être adapté à l'inflation du nombre d'actes transmis. C'est le sens de mes recommandations nos 6 à 8. Pour cela, l'IA doit être intégrée dans la refonte des logiciels @CTES et @CTES budgétaires afin d'améliorer le traitement quantitatif des actes, en permettant aux agents de se concentrer sur les questions afférentes à la légalité interne des actes, c'est-à-dire au fond.
Ces logiciels devraient également permettre de quantifier la part de conseil aux collectivités, qui peut représenter près de 50 % de l'activité de ces services s'agissant du contrôle de légalité. Les agents ont également besoin d'une plateforme numérique pilotée au niveau national afin de favoriser la coopération départementale, objectif qui était d'ailleurs porté par le plan Missions prioritaires des préfectures 2022-2025, mais qui n'a pas été véritablement atteint.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Il me semble avoir compris que certains envisageaient une suppression du contrôle de légalité dans les préfectures au regard du taux relativement faible de réalisation des contrôles, mais je pense que cette perspective n'est guère souhaitable.
Un exemple cité par la rapporteure spéciale a particulièrement retenu mon attention, à savoir celui des organismes nouveaux rattachés aux collectivités territoriales : brassant des sommes considérables, ces derniers sont en quelque sorte une extension des collectivités, tout en modifiant les conditions des contrôles. Il convient donc de maintenir les vérifications, même s'il faut sans doute supprimer les contrôles de faible portée qui nuisent à la qualité de la démarche. Plusieurs leviers - tri, mutualisation ou encore recours à l'IA - pourraient être actionnés à cet effet.
Les services de l'État ont-ils conscience de la situation ? Portent-ils des recommandations particulières ?
M. Vincent Delahaye. - L'échelon local s'interroge souvent sur la pertinence du contrôle de légalité, qui est parfois incomplet ou insuffisant. Un problème de formation des agents semble être en cause, et il conviendrait de prioriser les contrôles, de manière à en améliorer l'efficacité.
Qu'entendez-vous par la formule « consolider le niveau des effectifs » ? S'il est question de les renforcer, je ne voterai pas en faveur du rapport, car la situation des finances publiques est trop grave.
M. Michel Canévet. - Je félicite également la rapporteure spéciale pour avoir attiré notre attention sur cette activité importante pour le bon fonctionnement des institutions. À l'instar du rapporteur général, je pense que l'État doit continuer à assumer ce contrôle de légalité.
J'ai été surpris par le fonctionnement en silos de l'État décrit par le rapport : en particulier, le fait que les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) ne soient pas organisées afin de favoriser la mutualisation des moyens m'étonne. De la même manière, le faible nombre de départements ayant mis en place une organisation fluide interpelle et montre bien que les annonces faites hier par le Premier ministre sont absolument nécessaires : il faut que le préfet soit le véritable représentant de l'ensemble des services de l'État et mette en oeuvre une mutualisation des moyens.
Enfin, des expérimentations impliquant le recours à l'IA ont-elles d'ores et déjà été lancées ? S'il est question de placer la France à la pointe de la tech, l'État se doit d'être exemplaire.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je remercie à mon tour la rapporteure spéciale, dont le travail nous est présenté fort à propos, au lendemain de la visite de François Bayrou à Chartres, au cours de laquelle il a annoncé son intention de replacer les préfets au centre du dispositif.
L'autre élément de contexte a un caractère plus tragique, puisqu'il s'agit de l'article du Monde publié le 8 juillet et qui décrit la vague de suicides qui secoue la DGFiP : en l'espace de six mois, douze agents de cette administration du ministère de l'économie et des finances se sont donné la mort et huit agents ont tenté de le faire. Ces chiffres très élevés préoccupent Bercy, qui organise une réunion spéciale aujourd'hui.
Une critique récurrente a consisté à rappeler que les services locaux de l'État ont été déstabilisés par la réduction des effectifs dans les départements, alors que l'administration centrale était restée pléthorique. Dans la mesure où les limites sont désormais atteintes de tous les côtés, comment peut-on consolider les effectifs dédiés au contrôle de légalité sans augmenter la part des fonctionnaires ?
Mme Ghislaine Senée. - Le sujet est effectivement d'actualité, le récent vote d'une proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires n'ayant rien d'anodin. Le contrôle de légalité doit être assuré, et un suivi des dérogations devrait pouvoir être effectué.
Les territoires ont pâti de la réduction du nombre d'agents opérée à partir de 2008, les maires élus à cette période ayant pu constater les conséquences du laminage des effectifs préfectoraux, en termes tant de contrôle de légalité que de présence des DDT.
Selon moi, la consolidation des effectifs s'impose d'autant plus que les attributions des préfets s'apprêtent à être renforcées, avec, en parallèle, la mise en place d'un guichet unique. Une présence accrue sur les territoires est nécessaire et l'IA n'est pas suffisamment fiable pour remplacer les humains. Il importe d'accorder des moyens à la hauteur des engagements et des choix qui sont faits.
M. Thomas Dossus. - Ce rapport très utile montre le caractère « hors sol » de certaines propositions budgétaires, certaines fonctions régaliennes très concrètes étant mises en péril par le dogme de la réduction du nombre d'emplois publics.
Par conséquent, la recommandation n° 1 est-elle compatible avec les propositions portées à l'heure actuelle par la majorité sénatoriale, qu'il s'agisse de l'« année blanche » ou du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ? Faudra-t-il renoncer à assurer cette fonction régalienne du contrôle de légalité au regard de nos difficultés budgétaires et de la politique souhaitée par le « bloc central » ?
M. Laurent Somon. - J'ai été surpris, pour ma part, par le nombre d'actes irréguliers gracieux qui ne sont ni retirés ni déférés. La rapporteure spéciale a mentionné une corrélation avec les effectifs, ce qui n'est pas tout à fait exact si j'en crois la carte jointe au rapport : en Corse, en Gironde et dans le Nord, le nombre de déférés est élevé, mais avec des effectifs qui peuvent être plus ou moins fournis.
Par ailleurs, l'évocation de « la frilosité du corps préfectoral à déférer, en particulier lorsqu'il s'agit de grosses collectivités », appelle des précisions.
Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. - J'estime que nous devons maintenir le contrôle de légalité. J'ai été surprise de constater que certaines régions disposaient d'une quarantaine d'agents pour s'assurer de la légalité de leurs actes et qu'elles recouraient aussi, assez fréquemment, à des cabinets d'avocats à cet effet. Il est donc crucial de garder cette compétence au niveau des préfectures afin que toutes les collectivités aient accès à des conseils juridiques, et en particulier les plus petites communes qui n'ont pas les moyens de se doter de directions juridiques pour rédiger leurs actes. Malheureusement, des disparités territoriales sont constatées entre départements. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a motivé ce contrôle budgétaire. J'ai effectué un déplacement à l'automne au sein d'une préfecture qui avait complètement abandonné le contrôle de légalité en matière de commande publique, faute d'effectifs suffisamment formés, et alors même qu'il s'agit d'un domaine prioritaire du contrôle de légalité.
Sur le terme « consolider les effectifs », j'ai bien conscience du contexte budgétaire auquel nous sommes confrontés et qu'il sera délicat de renforcer les effectifs. Toutefois, la Lopmi prévoit 350 créations de postes pour les préfectures jusqu'en 2027 : il faudrait donc qu'une partie d'entre eux soient affectés au contrôle de légalité, car il est tout à fait regrettable que des pans entiers de cette mission soient abandonnés. Par ailleurs, 20% des effectifs sont aujourd'hui dédiés au tri des actes. À moyen terme, et grâce aux progrès permis par l'IA, il est possible d'imaginer que ces effectifs pourront être rebasculés vers le contrôle stricto sensu et le conseil aux collectivités.
Les SPL, quant à elles, sont trop peu concernées par le contrôle de légalité, une vérification a posteriori étant néanmoins effectuée par les chambres régionales des comptes.
S'agissant du nombre important d'actes irréguliers qui ne sont pas déférés, des disparités existent là encore entre préfectures. Même s'il n'existe pas de causalité certaine entre les déférés et le niveau des effectifs, je maintiens qu'il existe toutefois des corrélations. En ce qui concerne « la frilosité » du corps préfectoral, il s'agit d'une expression de la Cour des comptes utilisée dans un rapport de 2022 sur le contrôle de légalité. Il est vrai que certains préfets sont plus allants à déférer tandis que d'autres préfèrent des lettres d'observation valant pour l'avenir en cas d'irrégularités. Ne pas déférer, c'est aussi prendre le risque de recours croissant des oppositions, qui agissent en lieu et place du préfet. Toutefois, elles ne sont pas présentes dans toutes les communes et il est indispensable de maintenir un contrôle de légalité en préfectures.
Monsieur Canévet, je souscris à votre critique du fonctionnement en silos, les conventionnements restant peu nombreux et disparates. Dans les Bouches-du-Rhône par exemple, la DDT se charge de l'intégralité du contrôle de légalité ; dans d'autres départements, un ou deux agents de cette direction sont détachés auprès de la préfecture. Je pense donc qu'une meilleure coopération entre services est nécessaire afin de gagner en efficience.
M. Hugonet a évoqué les drames survenus au sein de la DGFiP, administration qui a perdu près de 30 000 agents tout en remplissant - avec efficacité, comme nous le relevons régulièrement - des missions de plus en plus nombreuses. Qu'il s'agisse de cette entité ou des préfectures, les contractions d'effectifs ont bien leurs limites, et les outils informatiques ne les compensent que partiellement.
Le logiciel @CTES date ainsi de 2005 et n'est pas du tout conçu pour intégrer un recours à l'IA. Une première expérimentation basée sur l'IA a été lancée en 2020, mais a complètement échoué, et la DGCL s'est fixé l'échéance de 2027 pour faire évoluer le logiciel, ce qui ne permet d'envisager une utilisation de l'IA qu'à l'horizon 2029 : nous avons perdu beaucoup de temps dans ce domaine, alors que de meilleurs outils permettraient aux services de se concentrer sur la légalité interne des actes plutôt que sur la légalité externe.
Je partage, enfin, le souhait de Mme Senée de renforcer les effectifs. La consolidation paraît a priori difficilement compatible avec le principe d'une année blanche, mais, une fois encore, il est possible d'allouer une partie des moyens prévus par la Lopmi au contrôle de légalité.
La commission a adopté les recommandations de la rapporteure spéciale et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
DRH du ministère de l'intérieur - sous-direction du recrutement et de la formation
- Mme Hélène COURCOUL PETOT, adjointe au sous-directeur du recrutement et de la formation, cheffe du bureau du pilotage de la politique de formation.
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
- Mme Isabelle DORLIAT-POUZET, sous-directrice des compétences et des institutions locales ;
- M. Florentin BERTHEAS, chef du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique ;
- M. Louis METAIS-LISSOWSKI, chef de bureau des budgets locaux et de l'analyse financière.
Sous-direction de l'administration territoriale de l'État de la direction des missions de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES)
- M. David COCHU, sous-directeur de l'administration territoriale de l'État ;
- Mme Delphine DUFAURE-MALVES, cheffe du Bureau de la performance.
DGFiP - Bureau GP-1B Comptabilités locales et hospitalières
- M. Jean-Philippe ESPIC, sous-directeur du conseil fiscal, financier et économique ;
- M. Rémi VERNEAU, chef du bureau Gestion et valorisation financières et fiscales locales et hospitalières ;
- Mme Alexandra MAURIN, cheffe du bureau Affaires juridiques et institutionnelles locales et hospitalières.
Table ronde d'universitaires
- Mme Géraldine CHAVRIER, professeur des universités à l'École de droit de la Sorbonne ;
- M. Bertrand FAURE, professeur de droit à l'université de Nantes ;
- M. Xavier BARELLA, maître de conférences en droit public à l'université Rennes 2.
Syndicat des juridictions financières (SJF)
- Mme Audrey CAVAILLIER, présidente ;
- M. Laurent CATINAUD, vice-président, président de section à la Chambre régionale des comptes des Hauts de France.
Association nationale des juristes territoriaux (ANJT)
- M. Denis ENJOLRAS, président ;
- Me Yvon GOUTAL, président du comité d'experts, avocat au barreau de Paris.
Table ronde des syndicats en préfecture
- M. Didier GAUJOUR, correspondant fédéral et élu au Comité social d'administration de réseau des préfectures de l'Interco CFDT ;
- Mme Catherine BENASSAYA, secrétaire générale adjointe du Syndicat national Force Ouvrière des personnels de préfectures ;
- Mme Claude BOISORIEUX, déléguée régionale Île-de-France du Syndicat national Force Ouvrière des personnels de préfectures ;
- M. Laurent BAISSARD, secrétaire général de l'US CGT Intérieur ;
- Mme Caroline CACHIA, membre du bureau national de l'US CGT Intérieur.
*
* *
- Contributions écrites -
- Direction de la transformation numérique du ministère de l'intérieur ;
- Préfectures de Loire-Atlantique et d'Ille-et-Vilaine.
- M. Nicolas KADA, professeur de droit public à l'université de Grenoble.
LISTE DES DÉPLACEMENTS
Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité à Lyon (18 avril 2025)
- Mme Isabelle DORLIAT-POUZET, sous-directrice des compétences et institutions locales à la Direction générale des collectivités locales ;
- Mme Karen MÈGE, magistrate administrative, responsable du PIACL ;
- M. Stéphane CAVALIER, adjoint à la responsable du PIACL.
Préfecture du Rhône (18 avril 2025)
- Mme Judith HUSSON, sous-préfète et secrétaire générale adjointe de la préfecture du Rhône ;
- Mme Catherine MÉRIC, directrice des affaires juridiques et de l'administration locale ;
- Mme Françoise MERCIER, Bureau du contrôle de légalité et de l'intercommunalité ;
- Mme Agnès RAICHL, cheffe du bureau de l'urbanisme et de l'utilité publique ;
- Mme Aïda CHAMBE, cheffe du bureau du contrôle budgétaire et des dotations de l'État ;
- M. Thibault PICHON-MATHIEU, pôle juridique et documentaire.
Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur (5 juin 2025)
- Mme Nathalie RICAUD, présidente de section par intérim (1ère section) ;
- M. Olivier VILLEMAGNE, président de section (4ème section).
Direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône (5 juin 2025)
- M. Yvan HUART, adjoint à la directrice régionale des finances publiques ;
- M. Alexandre PIERRY, responsable de la division en charge des relations avec les collectivités locales.
Direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône (6 juin 2025)
- M. Patrick VAUTERIN, directeur ;
- M. Emmanuel SHEARER, chef du service d'appui juridique et de contrôle ;
- Mme Julie POUZACHE, cheffe du pôle du contrôle de légalité.
Préfecture des Bouches-du-Rhône (6 juin 2025)
- M. Frédéric POISOT, secrétaire général ;
- Mme Louise WALTHER, directrice de la citoyenneté, de la légalité et de l'environnement ;
- M. Rudy ORSINI, chef du bureau des finances locales et de l'intercommunalité (BFLI) ;
- Mme Mathilde FRIZON DE LAMOTTE, adjointe au chef de bureau du conseil aux collectivités et du contrôle de légalité (B3CL).
TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)
N° de la proposition |
Proposition |
Acteurs concernés |
Calendrier prévisionnel |
Support |
1 |
Consolider le niveau des effectifs dédiés aux contrôles de légalité et budgétaires en préfectures, mieux répartis sur le territoire et retraçables dans le projet annuel de performances, en accentuant la part des agents de catégorie A, et avec des effectifs suffisants au niveau central pour assurer l'animation du réseau et le développement des projets informatiques. |
DMATES, DGCL et DGALN |
2026 |
Projet de loi de finances pour 2026 |
2 |
Rendre plus opérationnelles les formations, en les organisant dès la prise de poste des agents et en présentiel. |
DRH MI et services régionaux de formations |
2025 |
Instructions |
3 |
Confier au Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL) un rôle de chef-de-file en matière de pédagogie et de formation, en instaurant a minima un référent formation au sein du pôle. |
DRH MI et PIACL |
2026 |
Circulaire et instructions |
4 |
Intensifier les partenariats avec les directions départementales des territoires (DDT) pour le contrôle des actes d'urbanisme, lorsque les effectifs le permettent. |
DGCL et DGALN |
2026 |
Décret et instructions |
5 |
Rendre obligatoires d'ici 2029 dans tous les départements les partenariats avec les directions départementales ou régionales des finances publiques en matière de contrôle budgétaire et de contrôle des délibérations fiscales. |
DGCL et DGFiP |
2029 |
Convention entre la DGCL et la DGFiP |
6 |
Refondre les logiciels @ctes et @ctes budgétaires pour tous les usagers, afin de pouvoir y intégrer à court terme l'intelligence artificielle dans le traitement quantitatif des actes, tout en maîtrisant les coûts induits. |
DGCL et DMATES |
2027 |
Instructions |
7 |
Disposer d'une plateforme nationale dédiée à l'actualité juridique des contrôles de légalité et budgétaire à disposition de tous les agents de préfecture en charge de ces contrôles. |
DGCL et PIACL |
2025 |
Instructions |
8 |
Développer un outil statistique apte à quantifier la part de conseil délivré par les préfectures aux collectivités. |
DGCL et DMATES |
2027 |
Instructions |
* 1 Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
* 2 Décision n° 82-137 DC du 25 février 1982, Loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. La loi du 2 mars 1982 sera dès lors complétée par la loi du 22 juillet 1982 qui fixe le régime du contrôle administratif par le représentant de l'État.
* 3 Les effectifs de l'État territorial, Cour des comptes, mai 2022.
* 4 La réception des actes, leur tri et le conseil apporté aux collectivités sont effectués en sous-préfecture, tandis que les opérations de contrôle sont conduites en préfecture pour l'ensemble du département, les sous-préfets restant généralement maîtres, en opportunité, de la décision d'adresser des recours gracieux.
* 5 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, 2019-2021.
* 6 Loi n° 82-623 du 22 juillet 1982 modifiant et complétant la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et précisant les nouvelles conditions d'exercice du contrôle administratif sur les actes des autorités communales, départementales et régionales.
* 7 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
* 8 Loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.
* 9 Le mythe du contrôle de légalité, Nicolas KADA - Les 40 ans de la loi du 2 mars 1982 : de la genèse aux impensés de la décentralisation, 178, Institut francophone pour la justice et la démocratie, pp.159-178, 2023, Colloques & essais, 978-2-37032-386-6.
* 10 Le taux de contrôle des actes prioritaires de cette préfecture pour la même année est de 83 %, ce qui correspond à la moyenne nationale pour 2024 s'agissant des trois matières prioritaires (commande publique, urbanisme et fonction publique territoriale).
* 11 Cour des comptes, Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, exercices 2015-2021, septembre 2022.
* 12 Circulaire du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, du ministre chargé des collectivités territoriales (NOR/IOCB1202426/C) du 25 janvier 2012 relative à la définition nationale des actes prioritaires en matière de contrôle de légalité.
* 13 Les préfectures de Corrèze, Moselle, Deux-Sèvres, Haute-Marne, Puy-de-Dôme, Sarthe, Haute-Garonne et Loire-Atlantique selon les informations transmises par la DGCL.
* 14 Indicateur 3.4 - Taux de contrôle des actes des collectivités locales et établissements publics du programme 354 « Administration territoriale de l'État ».
* 15 Articles L. 2131-2 pour les communes, L. 3131-2 du même code pour les départements et L. 4141-2 pour les régions.
* 16 La mise en oeuvre de ce pouvoir demeure rare et intervient souvent à la suite d'un signalement ou de publication d'informations dans les médias.
* 17 Le préfet peut aussi directement déférer l'acte devant le juge administratif, souvent assorti d'un référé-suspension afin d'obtenir sa suspension provisoire, mais cette hypothèse est rare.
* 18 CE, Sect., 25 janvier 1991, n° 80969, M. Guy Brasseur, publié au recueil Lebon.
* 19 CE, 16 juin 1989, n° 103661, Préfet des Bouches-du-Rhône contre Commune de Belcodène, publié au recueil Lebon.
* 20 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 21 Dans ce contexte, 350 emplois devaient être créés sur cinq ans : + 42 ETP en 2023, + 101 ETP en 2024, + 45 ETP en 2025, + 81 ETP en 2026 et en 2027. À partir de 2025, au regard du contexte budgétaire, les effectifs se sont de nouveau stabilisés, en contrariété avec les objectifs de la LOPMI.
* 22 Du fait du décret d'annulation du 21 février 2024 et des mesures d'économie imposées au programme courant 2024, qui en ont suivi, seuls 157 ETP ont été créés sur les 232 ETP initialement prévus.
* 23 Plan « missions prioritaires des préfectures » définies pour la période 2022-2025.
* 24 32,92 % pour le Jura, 37,46 % pour le Rhône, 37,80 % pour la Sarthe et 41,23 % pour la Lozère.
* 25 Rapport d'information n° 300 (2011-2012), déposé le 25 janvier 2012, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales, par Jacques Mézard.
* 26 Cour des comptes, Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, exercices 2015-2021, septembre 2022.
* 27 À titre d'exemple, le département des Bouches-du-Rhône compte 19 SEM ou SPL, pour 119 communes.
* 28 En application des articles L. 2131-2, 8°, L. 3131-2, 7° et L. 4141-2, 6° du CGCT, les sociétés d'économie mixte ont l'obligation de transmettre au préfet les « décisions relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique, prises (..) pour le compte » d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un département ou d'une institution interdépartementale, d'une région ou d'un établissement public de coopération interrégionale, au titre du contrôle de légalité.
* 29 Ces données transmises par le Conseil d'État concernent les affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs, en incluant les référés suspension formés par les préfets.
* 30 Déférés préfectoraux incluant les référés-suspension déposés.
* 31 Au titre du contrôle de légalité, 70 lettres d'observations pour l'avenir (LOA) ont été envoyées aux collectivités en 2023, et 99 lettres en 2024. Au titre du contrôle budgétaire, la préfecture de Loire-Atlantique a transmis 85 LOA en 2023 et 71 en 2024.
* 32 Il convient de relever que le contrôle budgétaire prime sur le contrôle de légalité, ce qui signifie que si la transmission d'un acte budgétaire s'inscrit dans l'une des hypothèses de procédure de contrôle budgétaire, le préfet ne peut pas saisir le tribunal administratif à la place de la chambre régionale des comptes.
* 33 Article L. 1612-2 du CGCT.
* 34 Article L. 1612-5 du CGCT.
* 35 Articles L. 1612-12 et L. 1612-13 du CGCT.
* 36 Article L. 1612-14 du CGCT.
* 37 Article L. 1612-15 du CGCT.
* 38 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, 2019-2021.
* 39 Les données transmises par la DGCL ne distinguent pas les saisines du préfet des autres saisines des créanciers en cas de non-inscription d'une dépense obligatoire. Toutefois, celles du préfet représentent toutefois de l'ordre de 80 % des saisines en général.
* 40 Pour un exemple récent : Synthèse régionale sur la situation financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en Guadeloupe, Guyane et Martinique, CRTC Antilles-Guyane, décembre 2024.
* 41 Le rescrit au profit des collectivités territoriales a été introduit par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique et est désormais codifié à l'article L. 1116-1 du CGCT. Depuis 2022, une cinquantaine de demandes de rescrit sont formulées chaque année.
* 42 Conclusions de Didier Casas, sous CE Ass., 31 mai 2006, n° 275531, Ordre des avocats au barreau de Paris.
* 43 Rapport d'information n° 300 (2011-2012), déposé le 25 janvier 2012, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur les contrôles de l'État sur les collectivités territoriales, par Jacques Mézard.
* 44 Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, Cour des comptes, novembre 2022.
* 45 Il s'agit des dernières données communiquées par la DGCL.
* 46 Les services régionaux de formation (SRF) sont placés soit auprès du préfet de département chef-lieu de région soit dans les services du préfet de région parfois fusionnées avec les plates-formes régionales d'appui interministériel à la GRH (PFRH), comme en Nouvelle Aquitaine, Grand-Est et Île-de-France.
* 47 Les SRF ne rendent compte à la SDRF que de l'utilisation des crédits du programme 216.
* 48 Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire : une place à trouver dans la nouvelle organisation de l'État, Rapport public annuel de la Cour des comptes, 2016.
* 49 Éléments écrits transmis par la SDRF.
* 50 Réponses de la DGCL au questionnaire de la rapporteur spéciale.
* 51 À titre d'exemples, un simple retour à la page entraîne une désélection des critères de recherches initiaux. Les agents rencontrent également des difficultés pour lire les actes comportant de nombreuses pièces jointes, notamment en matière de commande publique ou d'urbanisme.
* 52 La télétransmission a été rendue obligatoire par l'article 74 de la loi du 27 janvier 2014, dite loi MAPTAM, et l'article 107 de la loi du 7 août 2015 portant une nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.
* 53 Article D. 1612-15-1 du CGCT.
* 54 Ce chiffrage a été transmis à la rapporteure spéciale par la DTNUM, la DGCL ayant simplement mentionné que le coût global de la refonte n'était pas connu pour l'heure, notamment à raison de l'intégration des coûts liés au recours à l'intelligence artificielle.
* 55 Réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.
* 56 Lors de son audition dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, la DMATES avait mentionné la date de 2029 dans la mise en oeuvre de l'IA au sein des préfectures.
* 57 Le PIACL n'intervient en revanche pas auprès des collectivités d'Outre-mer et dans certains domaines, comme les questions funéraires et du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), dont la compétence d'appui est exercée par d'autres bureaux de la DGCL.
* 58 À la suite des assises nationales des préfectures du 23 novembre 2000, la DGCL a décidé de créer des pôles interrégionaux d'appui au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire.
* 59 À l'exception du secrétariat et de la documentaliste.
* 60 La première chambre traite de l'intercommunalité, la domanialité, l'urbanisme et les affaires scolaires. La deuxième chambre intervient en matière de commande publique et d'institutions locales. Les champs de compétences de la troisième chambre sont la fonction publique territoriale, les polices administratives, les services publics locaux et le statut de l'élu.
* 61 Commande publique pour Lyon, comptabilité, fiscalité directe locale et intercommunalité pour Bordeaux, et fonction publique territoriale pour Rennes.
* 62 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, 2019-2021.
* 63 Cinq webinaires thématiques sont prévus pour 2025, dont deux déjà organisés sur la procédure adaptée dans les marchés publics et les entreprises publiques locales.
* 64 Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, Cour des comptes, novembre 2022.
* 65 Réponse au questionnaire complémentaire de la rapporteure spéciale de juin 2025.
* 66 Prévision de consommation fin 2025 selon les éléments transmis par la direction de la transformation numérique du ministère de l'intérieur.
* 67 osmose.numerique.gouv.fr
* 68 Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles.
* 69 Rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, 2019-2021.
* 70 Depuis 2021, les effectifs ayant été réduits en Ile-et-Vilaine, la DDT assure le contrôle de légalité des documents d'urbanisme et est compétente pour les questions relatives à la loi Littoral tandis que la préfecture contrôle l'ensemble des décisions individuelles.
* 71 La DDTM a déclaré que 70 % des actes d'urbanisme sont télétransmis dans le département des Bouches-du-Rhône.
* 72 Réponse à la sollicitation de la rapporteure spéciale sur l'évolution des effectifs.
* 73 Réponse au questionnaire complémentaire de la rapporteure spéciale.
* 74 Ces effectifs sont stables depuis 2021 selon les informations transmises par la DDTM.
* 75 Un tel partenariat a été expérimenté dans 25 départements dès 2005.
* 76 Au sein de la direction régionale des finances publiques de PACA, le référent de la préfecture est un contrôleur principal expérimenté de la division du secteur public local.
* 77 Circulaire n° IOCB1006399C du 10 septembre 2010 est relative au contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de commande publique.
* 78 Réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.
* 79 D'ici 2029, la DGFiP travaille à la mise en place avec la DGCL d'un guichet unique auprès des préfectures de transmission des délibérations fiscales par les collectivités territoriales, aujourd'hui soumises à une double obligation de transmission aux préfectures et aux directions départementales des finances publiques.
* 80 « Les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel peuvent être appelés à donner leur avis sur les questions qui leur sont soumises par les préfets. Les questions relevant des attributions des préfets de région de la métropole sont soumises par ces derniers à la cour administrative d'appel, les autres au tribunal administratif ».
* 81 Ce premier objectif reposait sur une communication soutenue entre la chambre et les services préfectoraux, portant notamment sur la mutualisation des observations émises dans le cadre du contrôle de légalité. Il contenait également le principe d'accueillir les agents des services préfectoraux au sein des formations à la chambre.
* 82 Le deuxième objectif contenait la tenue d'une réunion semestrielle bilatérale pour examiner les potentielles saisines, tout en faisant le point sur les organismes susceptibles d'être inscrits au réseau d'alerte, notamment pour ce qui concernait les entreprises publiques locales.
* 83 Cour des comptes, Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, exercices 2015-2021, septembre 2022.
* 84 Réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale.