B. LA CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DES SOCIÉTÉS  D'ASSURANCE221( * ) A LARGEMENT DÉCENTRALISÉ LA NÉGOCIATION SOCIALE

L'évolution des relations sociales entre les partenaires de l'assurance est marquée par un paradoxe fondamental :

- D'une part, le cadre des relations sociales, au lieu d'être fixé comme auparavant par un ensemble de conventions régionales multiples complété par quelques accords nationaux est maintenant largement déterminé par une convention nationale unique, mais souple.

- D'autre part, la relation entre partenaires sociaux est passé très largement du niveau de la profession à celui de l'entreprise promouvant de cette façon les accords d'entreprises (2.1.1).

Cette décentralisation inscrite dans les textes a été largement mise en oeuvre en pratique par les partenaires sociaux, que ce soit par la négociation d'accords d'entreprises ou au travers de l'avancée des chantiers (2.2.2).

1. Principes et innovations de la convention

La nouvelle convention nationale fait glisser le centre de gravité de la négociation sociale de la profession vers l'entreprise. Elle révèle plusieurs innovations par rapport aux conventions précédentes et prévoit un certain nombre de chantiers de réflexion-discussion entre partenaires sociaux.

Tout en évitant un vide juridique (provoqué par la dénonciation en avril 1991 de l'ensemble des conventions régionales et accords nationaux existants) qui aurait ramené de nombreux droits fondamentaux des salariés au strict minimum légal du Code du travail, la convention nationale du personnel administratif de l'assurance (employés, agents de maîtrise et cadres) se veut porteuse de modernisation et de dialogue social. Elle veut donner de la profession une nouvelle image et un message d'avenir.

La convention collective a un caractère inventif en matière sociale. Elle prend le parti de l'équilibre en conciliant souplesse de l'entreprise et protection des salariés, encourageant une articulation entre négociation nationale et négociations d'entreprise. Alors qu'auparavant tout était centralisé entre les mains du pouvoir fédéral, la convention collective ménage des champs de négociation au niveau de l'entreprise : le rôle des directeurs des ressources humaines et des syndicalistes d'entreprise s'en trouve ainsi renforcé.

Dans un contexte de changement rapide, l'un des objectifs de cette convention collective consistait à mettre en place les moyens d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines permettant de mieux adapter le personnel des entreprises aux besoins de demain. Il s'agissait, en adoptant une convention collective nationale unique, d'unifier la profession pour permettre la mobilité fonctionnelle et géographique.

L'un des outils dynamique et prospectif de la gestion des ressources humaines réside dans un nouveau système de classification. Ce nouveau système de classification des fonctions repose sur cinq critères de classement identiques pour les cadres et les non-cadres : formation-expérience, conception-résolution des problèmes, dimension relationnelle, autonomie et contribution aux résultats et à l'image de l'entreprise. Chaque critère est pondéré en fonction d'une grille comprenant six degrés. La pondération se fait par entreprise, avec des limites déterminées dans la convention. Le système comporte sept classes de fonctions (4 non-cadres et 3 cadres). Des classes intermédiaires supplémentaires peuvent être fixées par accord d'entreprise.

Cet outil d'évaluation des fonctions, suffisamment universel et souple pour prendre en compte la diversité des activités et des modes d'organisation, existant dans l'assurance ainsi que l'évolution des qualifications, positionne les fonctions les unes par rapport aux autres selon des règles communes et donne ainsi un support aux rémunérations minimales professionnelles applicables dans toutes les entreprises.

Dans cette nouvelle convention, la négociation collective est reconnue comme forme majeure du dialogue, tant au plan des entreprises que de la profession. Cela implique la reconnaissance du rôle essentiel des organisations syndicales comme interlocuteurs à la fois indépendants, critiques et constructifs. Cette attitude se traduit concrètement dans la convention par des moyens nouveaux et des mécanismes de concertation et de négociation dans les entreprises et au niveau professionnel.

Le point portant sur le contrat de travail a fait l'objet de discussions longues et difficiles. La nouvelle convention tout en reprenant les règles antérieures les a sensiblement modernisées et en a amélioré certains points (accès à la prévoyance, égalité hommes/femmes, conditions protectrices en cas de licenciement etc.).

Enfin la convention collective prévoit l'ouverture d'un certain nombre de " chantiers " d'études et de réflexion qui montre que la signature de cette convention n'est pas un aboutissement, mais le prélude d'une nouvelle dynamique des relations sociales dans l'assurance. Ces chantiers concernaient le régime de retraite professionnel, l'emploi, l'insertion professionnelle des jeunes, et les aspects sociaux de la construction européenne pour le personnel des sociétés d'assurance.