B. LE NOMBRE PARTICULIÈREMENT IMPORTANT ET TOUJOURS CROISSANT DES ASSURANCES OBLIGATOIRES

La revue " Risques " en recensait 95 en France à la fin de 1992, contre 18 à la même date en Allemagne 46( * ) . " La France est le pays qui a le plus privilégié cette approche dirigiste de l'assurance, qui existe néanmoins dans la plupart des législations, mais à dose plus discrète ", résume l'universitaire Yvonne Lambert-Faivre 47( * ) . L'archétype en est l'assurance automobile. La pratique, même répandue, de l'assurance obligatoire n'est pas incompatible avec un régime concurrentiel (même si certaines règles s'imposent à tous les offreurs, comme celle du système de bonus-malus) d'offre assurancielle. La prise en compte statistique des primes et indemnités des assurances obligatoires est ainsi faite au travers des déclarations des entreprises d'assurance aux autorités de tutelle et aux organismes professionnels.

Il convient de noter, pour atténuer cette spécificité, que les assurances obligatoires importantes se retrouvent à peu près dans tous les grands pays : automobile, responsabilité civile, chasse, garantie de construction, garantie dommage ouvrage, risque nucléaire, risque de pollution, pour citer les principales. L'obligation d'assurance est issue en France, dans un certain nombre de cas d'obligations propres à certaines professions. C'est pour cela d'ailleurs qu'on ne les retrouve pas dans le livre deuxième du code des assurances, qui traite des assurances obligatoires.

Le caractère obligatoire de l'assurance, généralement lié au risque de responsabilité civile de l'assuré, a pour avantage notable de limiter, voire de supprimer les effets de la sélection adverse susceptibles de conduire à l'inassurabilité du risque, au cas où seuls les assurés certains d'être sinistrés s'assuraient. En même temps les responsables sont ainsi associés aux risques qu'ils font encourir aux autres, qui ne peuvent se trouver en principe face à quelqu'un d'insolvable. C'est le rôle à la fois économique et social du caractère obligatoire, qui a conduit la quasi totalité des pays à instaurer l'obligation de responsabilité civile automobile (en effet seul cet aspect de l'assurance auto est obligatoire).

La croissance continue en France des assurances obligatoires en matière de risques collectifs et le recours public à la contribution de l'assurance montrent cependant que la réflexion entre ce qui relève de l'assurance et n'en relève pas n'est pas assez poussée à ce jour. Elle contribue à nourrir dans l'esprit du public l'équivoque entre l'impôt et la cotisation d'assurance et le sentiment que l'assurance n'est pas vraiment soumise aux règles de fonctionnement normales d'un marché. On voit à nouveau que le flou définitionnel expose la profession à un certain arbitraire, que ses compétiteurs n'ont pas nécessairement à subir.