VI. RENTABILITÉ GLOBALE COMPARÉE DE L'ASSURANCE FRANÇAISE : FAIBLE, SURTOUT APRÈS INTÉGRATION DU RISQUE 92( * )

La rentabilité globale sur longue période calculée par Sigma que nous utilisons ici combine résultat technique et rendement des placements selon le schéma suivant.

Graphique 8
Eléments du résultat dans l'assurance
(indicateurs unidimensionnels classiques)

Rendements courants des placements+ Produit des placements / - pertes sur placements

- frais sur revenu des placements

Primes nettes acquises

- sinistres nets (réglés et réservés)

- frais d'acquisition et de gestion, nets

= Rendement des placements

= Résultat technique

= Résultat global (en % des primes : rendements sur chiffre d'affaires)

Source : Sigma / Suisse de Réassurances 1/95.

Le rendement global (après impôt) sur chiffre d'affaires, ou rendement commercial, est la somme algébrique du rendement technique et du rendement net financier 93( * ) . Il est calculé en pourcentage des primes.

Les résultats agrégés graphiques présentés ci-après sont tirés, pour la plupart des données publiées, par les autorités nationales de contrôle et les fédérations nationales d'assurance.

La comparaison des rentabilités globales des sociétés d'assurance non-vie accentue les différences constatées au niveau des résultats techniques et les précise pays par pays 94( * ) :

Graphique 9
Evolution de la rentabilité globale de l'assurance française 1975-1996



Source : Sigma.

Graphique 10
Evolution de la rentabilité globale de l'assurance en Grande-Bretagne 1975-1996

Source : Sigma.

Graphique 11
Evolution de la rentabilité globale de l'assurance allemande 1975-1996

Source : Sigma.

Graphique 12
Evolution de la rentabilité globale de l'assurance italienne
1975-1996
1

1 Bien que la somme des données italiennes soit commune (ANIA), on constate un certain écart entre les données graphiques parues dans Sigma n° 7/1996 et de Sigma dans l'International Journal of Business du printemps 1998, à partir desquelles ce diagramme a été composé. Jusqu'en 1995, nous avons suivi Sigma n° 7/1996.

Source : Sigma.

- la volatilité de la rentabilité positive des pays anglo-saxons est confirmée à ce niveau, mais souligne en particulier celle du Royaume-Uni, qui est devenue négative de 1990 jusqu'à 1992, pour évoluer rapidement à partir de 1993 vers une rentabilité positive élevée, qui décline à nouveau à partir de 1996 et en 1997 (voir annexe 2 sur la rentabilité comparée des sociétés d'assurance dans six pays) ;

- la rentabilité constante et élevée (entre 4 et 6 %) de l'assurance allemande, suivie de près respectivement par la japonaise et la suisse (jusqu'en 1992) ;

- la situation atypique de la France, dont la rentabilité technique pour le moins médiocre, est confirmée par une rentabilité globale constamment faible, qui devient négative de 1990 à 1994 et redevient positive à un faible niveau en 1995 et 1996, sans augmenter en 1997 et 1998 (voir annexe 2). Cette faiblesse de la rentabilité globale est encore plus frappante comparativement après intégration du risque comme le propose Sigma 95( * ) (voir graphique 13). Cependant, la rentabilité apparente qui ressort ici est largement dépendante de la politique de provisionnement adoptée par les entreprises d'assurance françaises, qui minore constamment le résultat global, même si elle tend à une amélioration des produits financiers, lesquels ne sont cependant comptabilisés en droit comptable français que lorsqu'ils sont réalisés. Or les politiques de provisionnement française et allemande sont beaucoup plus conservatrices que les politiques anglo-saxonnes.
On notera cependant dans le tableau ci-dessous l'amélioration des résultats de l'assurance française en 1997, essentiellement due à la progression des résultats des sociétés d'assurance-vie.

Graphique 13
Comparaison des résultats globaux de l'assurance
après intégration de la volatilité



Source : Sigma / Suisse de Réassurances 1/95.

- la rentabilité globale des Etats-Unis est en moyenne et surtout ces dernières années particulièrement élevée en raison d'une rentabilité exceptionnelle des placements financiers et en dépit de résultats techniques très mauvais dans la décennie 1980 et au-delà (voir annexe 2).
On trouvera ci-dessous, pour compléter les informations sur la rentabilité commerciale, une comparaison des rentabilités financières des principaux groupes d'assurances européens, à partir d'une étude de Salomon Brothers sur l'assurance française 96( * ) .

Tableau 36
Comparaison des rentabilités financières
des principaux groupes d'assurances européens

 

Capitalisation boursière

 
 

ROE** (%)

En monnaie locale

USD

Flottant (%)

Prévision ROE* 1998

France

AGF

9,0

31,519

5,169

78

 

AXA

10,7

130,870

21,461

62

11,1

GAN

3,2

8,466

1,388

20

 

Allemagne

Allianz

8,5

98,029

54,025

40

 

Hannover Re

13,5

2,255

1,242

25

10,0

Munich Re

8,5

49,958

27,533

34

9,9

Italie

INA

 

10,480

5,931

48

9,1

Pays-Bas

Aegon

18,0

44,604

21,825

54

14,0

ING Group

-

75,633

37,008

90

14,0

Espagne

Corporacion Mapfre

11,4

258,386

1,688

48

11,5

Mapfre Vida

16,7

142,400

930

29

15,5

Suisse

Swiss Re

14,6

29,956

20,125

91

13,0

Winterthur

11,5

12,149

8,162

80

9,0

Zurich

13,5

28,283

19,001

95

 

Royaume-Uni

Commercial Union

13,1

5,145

8,183

91

14,2

General Accident

11,9

4,552

7,240

100

15,0

GRE

12,5

2,550

4,056

100

12,0

Royal & Sun Alliance

14,2

7,915

12,589

100

16,5

Legal & General

11,3

5,794

9,215

100

 

Norwich Union

11,0

6,838

10,875

100

 

Prudential

12,2

12,297

19,558

100

 

* Cette colonne a été établie à partir de l'étude de Goldman Sachs Investment Research, Europe/UK Research, Insurance, 1998. Issues and Outlook, Competition, Consolidation and Restructuring, décembre 1997.

** Return on equity ou Rentabilité financière (des fonds propres).

Source : Goldman Sachs Investment Research, Capitalisation au cours de bourse du 9 septembre 1997.

Le principal problème de l'assurance française est donc un problème de rentabilité apparente insuffisante, qui traduit l'inefficacité relative constatée plus haut, laquelle fait certainement, compte tenu du poids passé des sociétés nationales, écho au passé de capitalisme sans capital ni actionnaires véritables d'une fraction importante de l'assurance française. Cette rentabilité insuffisante est soulignée par l'écart frappant entre la valeur boursière du groupe AXA-UAP par rapport au groupe Allianz, malgré une part de marché et un chiffre d'affaires supérieurs du premier (voir plus haut classement européen de l'assurance). On soulignera cependant, au regard de ce constat, la réussite des MSI, acteurs de l'économie de marché sans capital ni actionnaires, qui ont réussi à réduire les coûts et à développer des groupes mutualistes de manière significative.

Cependant on doit se rappeler que l'indicateur de rentabilité dans le domaine de l'assurance est très largement fonction de la politique de provisionnement adoptée par les sociétés d'assurance, laquelle est fonction d'une culture nationale assurancielle en général assez marquée.

VII . SOLVABILITÉ COMPARATIVE DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE DE L'ASSURANCE