Mercredi 23 octobre, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat a adopté le rapport de Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi sur les relations stratégiques entre l’État et les universités.

Au terme de six mois de travaux, les rapporteurs relèvent que la confiance entre les universités, l’État et les citoyens est profondément abîmée. Ils font le constat d’un terrible gâchis : seulement 34 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans ; après cinq ans, 50 % n’ont toujours pas obtenu leur diplôme.

Ils pointent la carence de l’État dans son rôle de stratège. Depuis 2020, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ne respecte plus son obligation de définir, par concertation quinquennale, une stratégie nationale pour l’enseignement supérieur (Stranes). Les politiques de différenciation et d’autonomisation des établissements ont en outre été pilotées sans vision d’ensemble : elles ont atteint leur objectif de développer des universités d’excellence, mais ont fait de nombreux perdants parmi les autres établissements. Le paysage universitaire est en conséquence fragmenté et illisible.

Cette carence est particulièrement visible dans la régulation de l’accès à l’université. Alors que le baccalauréat n’agit plus comme un filtre à l’entrée du supérieur et que le choix a été fait de créer, via Parcoursup, un droit d’accès à l’université, les établissements subissent la massification de leurs effectifs. Faute de véritable orientation à l’entrée de la licence, la régulation des parcours se fait a posteriori et par l’échec. Cette situation est éminemment préjudiciable aux étudiants, qui sont entretenus dans la désillusion, aux établissements, contraints de dégrader leurs conditions d’accueil et d’accompagnement, et aux finances publiques, alors que le coût de l’échec en licence est estimé à 534 millions d’euros par an.
 
L’université souffre au total d’un profond manque de reconnaissance. En témoignent son déficit d’influence auprès des décideurs publics, le plus souvent issus des grandes écoles, ainsi que sa mauvaise image dans l’opinion publique. Parce que cette situation profite au développement d’établissements privés aux pratiques parfois douteuses, les rapporteurs alertent sur la nécessité de conserver un positionnement universitaire de qualité.

La confiance entre l’État et les universités est également abîmée par les conditions de leur subvention budgétaire, qui se fait de manière opaque, imprévisible et inéquitable. À l’approche des débats sur le projet de loi de finances pour 2026, les rapporteurs appellent à renforcer la transparence de ce processus et à mettre fin à la non compensation des mesures salariales décidées par l’État.

Les rapporteurs se sont enfin penchés sur le débat autour de la trésorerie “fléchée” des établissements, que le ministère des finances entend mobiliser au profit de mesures d’économies. Ils relèvent que cette trésorerie a été constituée par le cycle d’encaissement des appels à projets, et ne reflète en aucun cas la réalité la situation financière très dégradée des universités. Ils estiment que les conditions d’une ponction sur cette trésorerie ne sont pas réunies.

Ils ont formulé 12 recommandations déclinées en 5 axes, qui visent à recréer les conditions de la confiance entre les acteurs. Ils souhaitent notamment fixer un cap stratégique concerté à l’échelle nationale, améliorer la connaissance du modèle universitaire, rendre plus transparente et plus prévisible l’allocation de leurs ressources aux établissements et moderniser leur pilotage financier. À titre exploratoire, ils souhaitent enfin que la concertation nationale aborde la régulation de l’entrée dans le premier cycle et le montant des tarifs universitaires.

À l’issue de la réunion de commission, Pierre-Antoine Levi a indiqué : "Nous avons tenu à travailler à partir de la parole des acteurs de terrain. Nous avons bien entendu rencontré tous les acteurs concernés, des ministères aux rectorats, mais nous avons aussi tenu à entendre un grand nombre de présidents d’université et de responsables administratifs. Nous avons procédé par tables rondes et déplacements dans des établissements, qui nous ont permis d’entendre un tiers des universités françaises".

Laurence Garnier a souligné : "Parce qu’elle constitue l’offre d’enseignement supérieur la plus accessible, l’université française doit demeurer une référence de qualité. Cela passe par une amélioration de ses conditions de financement et de pilotage, mais aussi par le renforcement de l’orientation à l’entrée du premier cycle. La question de la sélection doit être posée dans le cadre de la concertation nationale : les étudiants ne peuvent pas être entretenus dans une forme d’illusion, qui plus est dommageable pour les établissements et les finances publiques".

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