M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la marine en 1997 s'élèvent à 35,5 milliards de francs et représentent 18,6 % de l'ensemble du budget de la défense, soit un pourcentage très proche de celui de l'an passé.
Mais, au-delà de la relative stabilité des chiffres, le trait dominant de ce budget sera la mise en oeuvre des grandes orientations découlant de la loi de programmation.
La réduction des effectifs et la professionnalisation se traduisent, en 1997, par la suppression de 3 200 postes d'appelés et de 176 postes d'officiers mariniers, alors que, parallèlement, seront créés 70 postes d'officiers, 240 postes de matelots engagés et surtout 760 postes de civils.
Par ailleurs, la marine est résolue à rallier au plus tôt son nouveau format, de 20 % inférieur au format actuel. Aussi, treize bâtiments seront retirés du service actif dès 1997, alors que la plupart d'entre eux étaient crédités d'une durée de vie de plusieurs années supplémentaires.
Ce projet de budget pour la marine appelle, de la part de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, plusieurs observations et questions.
En ce qui concerne les personnels, je tiens, en premier lieu, à souligner que, contrairement à une idée répandue, la marine est actuellement très dépendante des appelés. Ceux-ci sont présents dans toutes les unités, y compris à bord des bâtiments au sein desquels ils occupent des emplois à part entière.
La professionnalisation et la réduction du format imposent donc de profondes mutations et la mise en oeuvre d'une nouvelle politique des ressources humaines dont l'élément essentiel sera la priorité donnée au recrutement de personnels civils.
Cette orientation, qui répond en partie à la nécessité de reclasser plusieurs centaines d'ouvriers de la direction des constructions navales, la DCN, a suscité de vives interrogations au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Nous souhaitons bien entendu la réussite de cette opération, qui est indispensable pour la DCN et ses personnels comme pour la marine. Mais nous sommes contraints de constater que le légitime souci de reclasser ces personnels des arsenaux ne s'accorde qu'imparfaitement aux nécessités imposées par le remplacement des appelés du contingent, et ce tant sur le plan géographique qu'en matière de qualification.
C'est à l'évidence un effort très important qu'effectue actuellement la marine puisque, entre les postes créés et ceux qui seront libérés en 1997, ce sont au total 1 000 postes qui seront proposés dès l'an prochain aux civils de la DCN, sur un total de 2 400 prévus d'ici à 1998. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si les candidatures en provenance de la DCN sont à la hauteur du nombre de postes offerts, et ce que vous ferez, si elles sont insuffisantes, pour pallier les suppressions de postes d'appelés prévues en 1997 ?
En ce qui concerne les équipements, il faut rappeler que, si la loi de programmation impose une réduction de 20 % du format de la flotte, elle n'a en rien modifié les missions de la marine. En effet, les fonctions de prévention et de protection, qui reposent sur la présence de bâtiments en mer, sont maintenues. La fonction de dissuasion est renforcée par l'abandon de la composante terrestre. Enfin, la priorité donnée aux capacités de projection repose sur l'efficacité du groupe aéronaval.
Il faudra donc continuer de mener à bien l'ensemble de ces missions avec un nombre de bâtiment réduit de 20 %.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est préoccupée tout d'abord par le calendrier et la cible de plusieurs programmes majeurs. Pouvez-vous faire le point sur le programme Rafale dans sa version marine, notamment sur son coût et sur le calendrier de livraison ? S'agissant de la frégate antiaérienne Horizon, quelle sera la cible définitive du programme ?
Mais notre interrogation principale porte sur la permanence du groupe aéronaval après 2011, dans la mesure où la construction d'un second porte-avions n'est pas pour l'instant acquise.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées demeure perplexe face aux différentes alternatives à la construction d'un second porte-avions qui ont été évoquées.
Peut-on vraiment envisager la constitution d'une force navale européenne dans laquelle un bâtiment britannique, italien ou espagnol suppléerait le Charles-de-Gaulle en cas d'indisponibilité ? Faut-il construire un second porte-avions en essayant de convaincre nos partenaires de prendre en charge, de leur côté, des équipements liés à l'accompagnement de ce groupe aéronaval européen ?
Il est évident que le renoncement à la construction du second porte-avions conduirait à s'interroger sur la cohérence des programmes déjà engagés, dont l'objet était bien de doter notre armée d'une capacité aéronavale sans équivalent dans les flottes européennes.
Il s'agit là d'une question essentielle à laquelle une réponse claire devra être apportée au plus tôt, et en tout cas avant le terme de la loi de programmation.
Enfin, monsieur le ministre, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est extrêmement préoccupée par l'exécution du budget de 1996 et les éventuels reports de charges sur 1997 qui pourraient en découler, dans la mesure où tout écart par rapport à la programmation mettrait à mal la cohérence de l'équipement de nos armées. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?
En conclusion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a constaté que les dotations prévues pour la marine répondaient globalement au niveau attendu, tout en considérant que la cohérence de ce budget restait subordonnée à ses conditions d'exécution sur lesquelles planent encore des incertitudes.
Sous le bénéfice de ces observations, elle a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 38 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce présent projet de budget est la première annuité de la loi de programmation militaire votée en juin. Sa dotation initiale est fondée sur l'engagement de 185 milliards de francs en valeur de 1995 ; mais qu'en sera-t-il en fin d'année 1997 ? Des voix s'élèvent déjà pour prévenir les dérapages, les gels de crédits et autres turpitudes qui ont marqué l'exécution des précédents budgets.
Le montant des crédits d'équipement recule de 20 %, soit 20 milliards de francs, par rapport à la loi de programmation militaire précédente. Les crédits de fonctionnement ne variant pas, c'est donc - rappelons-le - une baisse de 120 milliards de francs en six ans qui affectera les crédits militaires.
Nous qui passions à tort, aux yeux des élus de la majorité, pour des « budgétiphobes » dans le domaine militaire, nous avons aujourd'hui « bonne mine » avec notre proposition, exprimée par Robert Hue lors des dernières élections présidentielles de l'an dernier, de réduire en cinq ans ces dépenses de 70 milliards de francs !
Que n'avons-nous pourtant pas entendu dans cette enceinte de la part de nos collègues de la majorité comme leçons de patriotisme et d'esprit de responsabilité, la main sur le coeur !
Nous serions fondés à leur retourner aujourd'hui leurs qualificatifs et leurs noms polis d'oiseaux ; mais au-delà de ces rappels, il y a plus grave : en effet, vouloir en même temps baisser de 20 milliards de francs l'enveloppe annuelle des crédits d'équipement, engager la professionnalisation complète des armées et la réduction de son format, maintenir l'essentiel des nouveaux programmes d'armement, notamment nucléaire, est un exercice auprès duquel la recherche de la quadrature du cercle est un jeu d'enfant !
Nous avons exprimé à plusieurs reprises nos inquiétudes et notre désapprobation devant les conséquences de la mise en oeuvre de vos projets et de votre politique.
Comment ne pas déplorer les retards sensibles et répétés que subissent les programmes, à notre avis indispensables et prioritaires, visant à assurer l'avenir de la défense de notre espace national, qu'il s'agisse de notre espace aérien, avec le énième report du projet Rafale, qu'il s'agisse de notre espace maritime, avec la baisse de 20 % du nombre de bâtiments de surface d'ici à 2002 et leur renouvellement bien trop lent au regard des nécessités, ou qu'il s'agisse de l'équipement de nos forces terrestres, avec le report des commandes du char Leclerc, la remise en cause des programmes d'hélicoptères ?
« Les armées françaises en faillite », titrait récemment un quotidien du soir pourtant connu pour son sérieux en matière d'analyse.
Je ne sais s'il faut aller jusqu'à employer ce qualificatif, mis comment ne pas s'alarmer, en sachant, par exemple, qu'il n'y aura pas en 1997 de commandes d'avions de combat - le seuil annuel de commandes incompressible est fixé à dix-huit par les experts - et en sachant que nos pilotes n'auront plus en moyenne que 170 heures de vol d'entraînement, alors que leurs homologues anglais ou américains maintiendront 210 ou 220 heures en moyenne ?
Vous le savez, nous aurions souhaité que la baisse des crédits d'équipement affecte en priorité les crédits nucléaires. Non pas ceux qui permettent de garder - pour l'heure - une capacité de dissuasion défensive suffisante, mais ceux qui engagent notre pays dans la création de nouvelles armes atomiques.
Dans ce domaine, nous ne rappellerons jamais assez que notre sécurité dépend autant de nos capacités de dissuasion - certes ! - que du respect du traité de non-prolifération et de nos initiatives pour relancer le processus de réduction massive des armements atomiques.
Mes chers collègues, peut-on raisonnablement penser que le club des cinq puissances nucléaires pourra longtemps continuer à prêcher au reste du monde la non-prolifération, notamment à de grands pays comme l'Inde, sans s'engager plus avant dans la voie de la réduction massive des armements, comme le prévoit le traité de non-prolifération ?
Je ne dis pas et je ne dirai jamais que la France doit désarmer unilatéralement son arsenal nucléaire ; ce serait un non-sens politique. Mais je dis qu'elle jouerait un rôle très attendu dans de nombreux pays du monde en ne s'engageant pas dans de nouveaux programmes nucléaires et en prenant des initiatives diplomatiques d'envergure s'appuyant, entre autres, sur des décisions récentes telles que le démantèlement des Hadès et des dix-huit missiles d'Albion, la fermeture des usines de production de matières fissiles nucléaires de Pierrelatte et de Marcoule.
C'est ainsi, vous le savez, que nous n'acceptons pas les crédits nécessaires à la création du nouveau missile ASMP, dont la seule différence avec celui qui est actuellement en service sera une allonge supérieure de 100 à 150 kilomètres.
Nous n'acceptons pas davantage les crédits prévus pour le nouveau missile stratégique M 51, d'une allonge supérieure à celle du M 45. Pense-t-on que la Chine soit devenue à ce point une menace pour doter notre FOST de vecteurs portant à près de 8 000 kilomètres ?
Nous n'acceptons pas non plus de lancer un programme et de construire un équipement de simulation des essais nucléaires en laboratoire. C'est cher et bien trop aléatoire en l'état actuel des connaissances.
Les trois équipements nouveaux que je viens de citer représentent près de 25 milliards de francs de dépenses sur l'ensemble de la loi de programmation militaire.
Nous estimons que ces crédits seraient plus utiles pour conforter les programmes visant à défendre notre espace national, dont je parlais tout à l'heure, et apporteraient un bol d'air salvateur à nos industries de défense.
Vous le savez, monsieur le ministre, les répercussions de votre politique suscitent le mécontentement de dizaines de milliers de salariés de ce secteur. Et ce mécontentement n'est pas uniquement motivé par la crainte de suppressions d'emplois - 50 000 à 75 000 emplois directs ou indirects dans les six ans à venir - il l'est aussi par le sentiment d'abandon de nos productions et de notre souveraineté.
Les craintes persistent également par rapport à la fusion Dassault-Aérospatiale et à la privatisation de Thomson : Dassault Electronique vient, pour sa part, d'annoncer près de 500 suppressions d'emploi.
La perspective d'une agence européenne de l'armement n'est pas non plus rassurante. DGA supranationale, en quelque sorte, elle serait l'intermédiaire entre les Etats et les grands groupes issus des fusions en cours, grands groupes qui pourraient décider de tout ou presque, notamment des prix, mais qui pourraient aussi imposer leurs vues sur les types d'équipement. Nous redoutons le risque de perte de maîtrise technologique.
Bien évidemment, les concepts de défense nationale doivent s'envisager en ne perdant pas de vue l'échelle européenne : la France a besoin de construire son avenir avec les autres peuples européens.
En même temps, la France, vieille nation plus que millénaire, ne pourra exister qu'en exerçant sa souveraineté, qu'en sauvegardant son indépendance.
La conception que la France a de ses intérêts vitaux n'en est pas encore à coïncider avec celle de ses voisins et, pour une période encore longue, notre pays doit être en mesure d'assurer par ses propes moyens l'essentiel de la protection de son espace national.
Tout cela n'exclut pas, bien évidemment, la recherche des coopérations militaires et industrielles les plus larges avec nos voisins, et au-delà. Oui, monsieur le ministre, c'est bien en termes de coopération que se pose la problématique, car ce qui fait la réalité française ne saurait se dissoudre dans un ensemble supranational, fût-il européen. Nous sommes, vous le savez, contre un retour dans l'OTAN.
S'il est nocif pour notre pays de répandre des idées de repli nationaliste, il est tout aussi dangereux, par excès de volontarisme européen - pour ne pas dire d'angélisme - de faire croire à nos compatriotes que d'autres qu'eux-mêmes, qu'une entité internationale assumerait à leur place la défense de leur pays.
Concernant la suppression, hélas ! prochaine, du service national, notre approche est similaire. S'il est vrai que la professionnalisation de bon nombre d'unités est une nécessité comprise et acceptée, s'il est vrai que, faute d'avoir été réformé à temps, le service militaire a perdu beaucoup de son efficacité et de sa crédibilité, il n'en demeure pas moins que chaque jeune Français a besoin, pour devenir un citoyen accompli - et non pas seulement un consommateur exigeant - d'une formation civique et militaire de base.
Il n'en demeure pas moins vrai aussi que le service national contribuait à contenir la fracture sociale, permettait encore le brassage des milieux sociaux et des terroirs. Il pouvait permettre à beaucoup de jeunes de connaître une première expérience de vie communautaire, de comprendre et de montrer leur appartenance à la communauté nationale à l'âge des droits civiques.
Et, si l'esprit de défense se forge certes aussi dans un bon niveau d'organisation des réserves - et sans sous-estimer a priori l'impact du volontariat - nous sommes nombreux à craindre le manque à gagner civique que va entraîner la prochaine suppression du service militaire. Nous aurons l'occasion d'en reparler ultérieurement !
Pour l'heure, les sénateurs de mon groupe et moi-même ne pourrons voter votre budget, monsieur le ministre, ni approuver la politique qui l'inspire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si un terme peut être employé pour ce budget de la défense pour 1997, c'est bien celui de novation, et ce pour deux motifs.
Naturellement, le premier motif est la mise en chantier d'un vaste édifice militaire nouveau, à la demande du Président de la République et sous votre responsabilité, monsieur le ministre, selon des dispositions déjà approuvées, d'ailleurs, par le Parlement au premier semestre de l'année en cours.
Il est vrai que la mise en chantier de ces nouveaux systèmes militaires s'accompagne maintenant d'un choix de politique financière, avec l'encadrement et la réduction de la dépense publique ainsi que la limitation du déficit. Ce dispositif conduit à une structure budgétaire à laquelle le budget de la défense ne pouvait échapper.
Cependant, monsieur le ministre, votre budget correspond bien à la loi de programmation et traduira donc l'application d'une première tranche de cette loi. Cette application ne sera pas forcément facile. Il faut bien se rendre compte qu'elle entraînera, en effet, des bouleversements qui seront sensibles auprès non seulement des jeunes nés après 1979, mais aussi des salariés des industries d'armement, des membres des administrations de la défense, dans les collectivités locales et, bien sûr, parmi les personnels militaires.
Ce budget est-il à la hauteur des objectifs ambitieux qui ont été définis ? Il le semble, d'autant que la conjoncture mondiale est relativement favorable. Sans aller jusqu'à toucher les dividendes de la paix, on peut dire qu'actuellement une certaine période d'accalmie internationale est propice aux grandes transformations qui sont projetées.
Hors pensions, ce budget atteint un montant de 190,9 milliards de francs, répartis en 102,2 milliards de francs pour le fonctionnement, au titre III, et 88,7 milliards de francs pour l'équipement, aux titres V et VI.
Ce budget est suffisant pour l'application de la loi de programmation militaire, à condition cependant qu'il n'y ait pas de nouveaux reports de crédits - on a évoqué, lors du débat à l'Assemblée nationale, 10 à 12 milliards de francs de reports - ni que des gels et annulations de crédits viennent troubler un budget calculé au plus juste.
S'il faut rationaliser, les choix doivent être opérés entre les différents programmes majeurs. Il ne faut plus, comme cela était le cas auparavant, étirer dans le temps la réalisation desdits programmes. Le Rafale en est un exemple, qui a vu sa réalisation étalée sur plusieurs années.
S'il est un domaine où la démarche entreprise mérite d'être approuvée, c'est celui de la rationalisation des industries d'armement. Il est en effet indispensable de reconsidérer le coût de nos armements, et ce pour deux raisons : d'abord à titre interne, pour rester dans l'enveloppe qui nous est impartie par la loi de programmation militaire ; ensuite à titre externe car, indiscutablement, tous les budgets militaires ont été revus à la baisse et la compétition internationale s'opère maintenant sur une enveloppe financière beaucoup plus faible.
Je me réjouis au passage de la signature, le 12 novembre dernier à Strasbourg, du protocole d'accord de création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, entre l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la France. C'est une bonne nouvelle, car cet organisme va doter tous les pays signataires d'une institution qui permettra la mise en oeuvre de nouvelles méthodes de travail et de coopération, et la naissance d'une véritable politique commune d'investissements technologiques.
En effet, l'OCCAR, si j'ai bien compris, est la future Agence européenne de l'armement prévue dans le traité de Maastricht. Cette organisation doit donc déboucher sur une préférence communautaire librement consentie - il n'y aura jamais de processus contraignant en ce domaine - et elle devrait renforcer nos moyens de lutter face aux formidables concentrations américaines en matière d'industries de défense.
Puisque l'OCCAR a été définie il y a un an au sommet franco-allemand de Baden-Baden, je salue le rôle moteur joué par la coopération privilégiée entre la France et l'Allemagne.
Naturellement, il faudra aller plus loin, vers de véritables regroupements industriels en Europe.
A partir de ces regroupements industriels, qui permettraient d'obtenir la standardisation et la fabrication commune, on peut développer l'inter-opérabilité des unités.
Pour autant, il ne faut pas attendre ce processus pour préparer une coopération européenne des forces nationales. A ce sujet, je voudrais exprimer une satisfaction compte tenu d'évolutions récentes et poser une question concernant, en particulier, notre groupe aéronaval.
La mise sur pied sans plus attendre de forces multinationales est en effet un signe très favorable. Je n'évoquerai que brièvement le cas de l'Eurocorps, qui réunit depuis plusieurs années une division blindée française et une division blindée allemande, plus une division mécanisée belge et une brigade espagnole.
J'espère que la réforme des armées françaises n'affectera pas cette coopération européenne, qui se voulait exemplaire. Certains bruits ont en effet couru. Ils mériteraient d'être démentis, car Strasbourg héberge le commandement permanent de l'Eurocorps, fort de deux cents officiers, soit le plus grand état-major multinational européen.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez effacer toute crainte quant à la pérennité de l'Eurocorps et à sa place dans votre dispositif.
Il existe un vrai sujet de satisfaction : la mise en oeuvre, dès l'automne 1996, d'EUROFOR, force multinationale créée par l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la France. L'installation, il y a deux mois, à Florence, de l'état-major de cette force opérationnelle rapide de 15 000 hommes, sous les ordres du général espagnol Juan Ortuno Such, est un élément important pour la paix et la stabilité dans le bassin occidental de la Méditerranée. Le flanc sud de l'Europe, qui est un point de souci, intéresse particulièrement les quatre nations ainsi associées dans l'EUROFOR. C'est une initiative qu'il faut encourager et développer.
Il faut rappeler que ces quatre pays ont également créé, en 1995, une force navale non permanente, l'EUROMARFOR, qui vise à mieux coordonner leurs forces aéronavales en une escadre pouvant se rassembler en moins de quinze jours. Le dispositif s'est mis en place et son commandement vient de connaître, en octobre dernier, sa rotation annuelle, conformément aux principes fondateurs de cette force. Là aussi, il faut encourager cette opération commune.
Il s'agit là de regroupements multinationaux qui peuvent favoriser des interventions décidées par l'UEO ou l'OTAN. Ils devraient rendre plus perceptible la nécessité d'une défense commune européenne et mettre en valeur les forces européennes, en particulier auprès des autorités américaines, en vue d'un partage des responsabilités au sein des états-majors de l'OTAN. Je pense, en particulier, à l'attribution du commandement Sud-Europe.
Ces réflexions me conduisent à une interrogation, qui a trait à la réalisation du porte-avions à propulsion nucléaire Charles-de-Gaulle. Mon excellent collègue André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, a déjà attiré votre attention sur le fait que construire un seul porte-avions moderne conduit à l'intermittence de la disponibilité de cette pièce maîtresse du groupe aéronaval. A l'évidence, cela constituera au début du XXIe siècle, après les retraits du service du Clemenceau et du Foch, une difficulté qui ne peut êtrenégligée.
J'ai trouvé dans le compte rendu de l'intervention, devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, de l'amiral Jean-Charles Lefèvre, chef d'état-major de la marine, une voie de solution. Constatant que la marine nationale ne disposera plus que d'un seul porte-avions à partir de l'année prochaine, d'où une limitation des capacités du groupe aéronaval, l'amiral Lefèvre voit dans une complémentarité entre les flottes européennes allant jusqu'à un véritable partage des tâches la possibilité pour la France de disposer d'une seconde plate-forme aéronavale. Mon collègue André Boyer a d'ailleurs excellemment signalé cette possibilité voilà quelques instants.
Un tel dispositif permettrait de consacrer des annuités de 1 milliard à 1,5 milliard de francs à la construction du second porte-avions. En outre, la réalisation à l'identique du Charles-de-Gaulle permettrait d'économiser le financement d'un nouveau développement. Enfin, le processus de réduction des coûts d'armement en cours faciliterait l'opération en alimentant le plan de charge de nos arsenaux.
Je souhaite connaître votre opinion sur cette question, monsieur le ministre. J'ajoute que le bassin occidental de la Méditerranée nécessite une attention particulière compte tenu de la situation politique qui prévaut actuellement sur ses rives.
Au milieu du grand chantier de transformation des armées de la France, le budget de la défense pour 1997 est respectueux de la loi de programmation militaire récemment votée. En souhaitant qu'il soit appliqué sans difficultés financières nouvelles, les membres de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen le voteront, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Il faut « toucher avec respect aux choses sacrées. Et, s'il y a dans la société humaine, du consentement de tous, une chose sacrée, c'est l'armée ». Cette citation, mes chers collègues, est d'un écrivain qui fut bibliothécaire au Sénat pendant quatorze ans, au début de la IIIe République ; il s'appelle Anatole France, et la phrase se trouve dans Le Cavalier Miserey, un livre qui évoque, après d'autres, la grandeur et les servitudes du métier militaire.
L'examen du budget de la défense que nous avons à conduire aujourd'hui me place dans un sentiment analogue. C'est la première loi de finances qui prend en compte les conséquences de la politique menée par le Gouvernement, et approuvée par le Parlement, pour ce qui concerne nos forces armées. Ce projet de loi porte la trace des restrictions et des suppressions qui devront, malheureusement, prendre effet en 1997.
Je vais les examiner successivement dans les trois armes. Et, si je le fais, c'est que je ne puis me résoudre, ni comme parlementaire ni comme officier de réserve, à voter un texte qui va entraîner leur disparition sans au moins leur rendre hommage et évoquer d'un mot les services qu'ils ont rendus au pays.
Le budget de la marine prévoit le retrait, en 1997, des bâtiments suivants : le sous-marin nucléaire lanceur d'engins Le Foudroyant, deuxième de la série, qui a participé depuis 1974 à la dissuasion nucléaire ; le porte-avions Clemenceau, qui a joué un rôle pivot voilà quelques mois, dans l'Adriatique, au moment des opérations en Bosnie ; les sous-marins d'attaque Agosta et Sirène, retirés du service par anticipation, respectivement de cinq ans et trois ans ; la frégate anti-sous-marine Aconit ; l'aviso Détroyat, mis en service en 1977 ; le pétrolier-ravitailleur Durance ; les bâtiments de soutien Rance et Rhône, et quatre chasseurs de mines.
La quasi-totalité des désarmements opérés en 1997 anticipent de plusieurs années l'échéance prévue de fin de vie de ces bâtiments.
L'armée de l'air perdra, en 1997, sur le plan des effectifs, 249 sous-officiers et 6 276 appelés.
Trois bases aériennes seront fermées ou transformées en détachement-air : Limoges, Chartres et Toul.
J'étais à Chartres, en juin 1940, sous un bombardement allemand. Nous avons dû partir avec nos appareils vers Saint-André-de-l'Eure. Ce que nous craignions surtout, d'ailleurs, c'était que la cathédrale ne soit gravement touchée ; heureusement, tel n'a pas été le cas.
A Toul, l'escadron de chasse 3/11 va être dissous. Cet escadron est l'héritier des traditions des escadrilles SPA 69 et SPA 88, créées respectivement en 1915 et 1917, et qui évoquent les souvenirs de Guynemer et de Fonck. L'escadron qui va disparaître, présent à Toul depuis 1967, volait sur F 100 et sur Jaguar. Il a participé aux opérations Tacaud-Lamentin, Manta et, plus récemment, Desert Storm, dans le ciel du Koweït et de l'Irak.
L'armée de terre va procéder à la dissolution de trente-quatre organismes et de vingt régiments. Je vais les citer, avec la ville où ils se trouvent actuellement, car ils sont tellement attachés, on le sait, à la texture même de la nation que, dans toutes les villes, dans tous les départements concernés, leur départ sera vécu comme un véritable drame : le 5e régiment d'infanterie, à Beynes, dans les Yvelines ; le 8e régiment d'infanterie, à Noyon, dans l'Oise ; le 24e régiment d'infanterie, à Vincennes, dans le Val-de-Marne ; le 99e régiment d'infanterie, à Sathonay, dans le Rhône ; le 151e régiment d'infanterie, à Verdun, dans la Meuse ; le 1er régiment de dragons, à Lure, dans la Haute-Saône ; le 4e régiment de cuirassiers, à Bitche, dans la Moselle ; le 2e régiment de dragons, à Laon, dans l'Aisne ; le 1er régiment d'artillerie, à Montbéliard, dans le Doubs ; le 15e régiment d'artillerie, à Suippes, dans la Marne ; le 2e régiment de commandement et de soutien, à Versailles, dans les Yvelines ; le 71e régiment du génie, à Oissel, dans la Seine-Maritime ; le 18e régiment de transmissions, à Epinal, dans les Vosges ; le 51e régiment de transmissions, à Compiègne, dans l'Oise ; le 7e régiment d'hélicoptères de combat, à Essey-lès-Nancy, dans la Meurthe-et-Moselle.
En tant que représentant des Français de l'étranger, j'y ajoute les régiments installés à l'extérieur, et notamment ceux qui étaient ou sont actuellement stationnés au-delà du Rhin. Les forces françaises en Allemagne ont été le bouclier de la France et l'avant-garde de sa sécurité pendant la longue période de la guerre froide.
Je rends hommage à ces forces, qui ont servi de façon exemplaire et, en même temps, ont apporté une coopération nouvelle à un pays, au début ennemi, et finalement allié et ami. Nos compatriotes, militaires ou civils, doivent être remerciés d'avoir su communiquer avec les populations de telle façon que les deux peuples se sentent aujourd'hui solidaires.
Les régiments qui quitteront l'Allemagne, en 1997, et seront dissous sont : le 19e groupe de chasseurs, à Villingen, le 3e régiment de dragons, à Stetten, le 53e régiment d'artillerie, à Breisach, et le 10e régiment du génie, à Spire.
Toutes les unités que j'ai citées, en France ou à l'étranger, ont un passé glorieux. Elles ont participé à tous les combats de notre pays, non seulement pendant les deux guerres mondiales, bien sûr, mais aussi - et dans quelles conditions ! - pendant les campagnes d'Indochine et d'Afrique du Nord ; plus récemment, elles ont participé aux opérations de maintien de la paix dans le monde entier, tout particulièremnt dans l'ex-Yougoslavie.
Monsieur le ministre, nous voici de nouveau confrontés à une situation difficile. L'immonde attentat d'hier soir nous oblige à faire de nouveau appel à nos forces armées. Le plan Vigipirate est réactivé.
Je sais que vous-même, comme le Gouvernement tout entier, demeurez très vigilants. Nous allons de nouveau avoir besoin de nos soldats pour la sécurité de notre pays. Réfléchissons, soyons bien sûr qu'aucune décision, aucune précipitation ne risque de gêner, voire d'empêcher, les missions que l'armée française doit continuer à accomplir.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon temps de parole est malheureusement épuisé. En dressant le tableau d'honneur des unités qui vont disparaître en 1997, j'ai voulu rendre un dernier hommage aux marins, aux aviateurs, aux soldats de ces glorieux régiments, à tous les citoyens français qui, sous l'uniforme et dans leurs rangs, ont si bien servi notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Cohérence et conformité, telles sont les qualités du projet de budget de la défense pour 1997 que vous nous présentez, monsieur le ministre.
Avec un montant de 243,3 milliards de francs, ce budget est la juste traduction des engagements budgétaires prescrits par la loi de programmation pour les années 1997 à 2002, votée par le Parlement en juin dernier.
Il s'inscrit aussi, et surtout, dans le long processus de réforme de notre outil de défense, annoncé par le Président de la République le 22 février 1996.
Dans le droit-fil des propos tenus par notre collègue Serge Vinçon, dans son excellent rapport, je me félicite que le Parlement soit aussi étroitement associé à cette réforme en profondeur, réforme que vous conduisez, monsieur le ministre, avec l'énergie que l'on vous connaît.
A quelques semaines de la Sainte-Geneviève, je voudrais plus particulièrement parler de la gendarmerie, qui me paraît, à bien des égards, exemplaire.
En effet, les gendarmes sont les dignes héritiers d'une longue tradition qui a façonné la bonne image dont ils jouissent auprès de nos concitoyens, image renforcée par la professionnalisation accrue d'aujourd'hui.
Le gendarme, inviolable mais non invulnérable, est investi d'une mission sacrée par le serment prêté. Il a le devoir de faire respecter la loi au péril de sa vie, dont il consent en quelque sorte le sacrifice. Tel est le prix à payer pour vaincre la peur de ceux qui se placent sous sa protection.
Ce prix est aujourd'hui un lourd tribut. Je voudrais ici rendre hommage aux dix-huit gendarmes tués dans l'exercice de leur mission et à leurs 805 collègues blessés, dont 306 victimes d'agressions, depuis le 1er janvier de cette année.
Il faut souligner la diversité des missions de la gendarmerie : protection des personnels et des biens, secours en montagne, en mer, circulation routière, police judiciaire, activités de recherches.
A cela s'ajoutent trois secteurs d'intervention qui retiennent particulièrement l'attention : le travail clandestin, les atteintes à l'environnement et même la toxicomanie, pour laquelle la gendarmerie développe en milieu rural et périurbain des actions de prévention innovantes qui méritent d'être saluées.
Comme l'a rappelé notre collègue Michel Alloncle dans son rapport, excellent de clarté et de précision, la gendarmerie constate aujourd'hui le tiers des crimes et délits et peut se prévaloir de la moitié des affaires résolues.
De plus, la participation accrue à la protection du territoire appelle la gendarmerie à s'opposer aux actions insidieuses et aux opérations hostiles pouvant porter atteinte à la sécurité du territoire et des populations. La mise en oeuvre du plan Vigipirate a mobilisé, dans la période récente, 15 000 gendarmes chaque jour. Cette mobilisation va, bien entendu, s'accroître encore du fait de la réactivation du dispositif à son plus haut niveau, à la suite du retour sanglant de la barbarie, hier soir, à la station de métro Port-Royal.
A cet égard, je partage la préoccupation exprimée par notre rapporteur quant à la modicité de la dotation prévue pour les dépenses centralisées de soutien liées aux opérations de maintien de l'ordre. En effet, 133 millions de francs sont inscrits, pour un besoin de 230 millions de francs. C'est d'autant plus vrai que la gendarmerie mobile est toujours plus sollicitée et que le nombre moyen de jours de déplacement des unités ne cesse d'augmenter, passant de 171 en 1990 à 208 en 1995.
Enfin, je n'oublie pas que la gendarmerie assure l'exclusivité des transfèrements judiciaires et militaires, ce qui la contraint à mobiliser toute l'année plus d'un millier d'hommes, situation anormale et injustifiée.
Certes, la gendarmerie vit aujourd'hui une transition dans son histoire, source d'interrogations auxquelles vous avez répondu avec conviction, monsieur le ministre, lors des huitièmes rencontres de la gendarmerie, le 7 novembre dernier, à Montluçon.
Si, bien sûr, l'augmentation de 4,5 % des effectifs d'ici à l'année 2002 et l'arrivée de 50 000 réservistes sont plutôt de bonnes nouvelles, bien des questions se posent quant au recrutement des 16 000 gendarmes auxiliaires prévus ou quant au programme de requalification et de revalorisation des carrières. Néanmoins, je salue l'effort indéniable consenti dans ce budget pour améliorer la situation des gendarmes, effort qui ne demande qu'à être poursuivi.
Je voudrais cependant attirer particulièrement votre attention sur la nécessité de favoriser un retour à un rythme normal de déroulement des carrières, nécessité dont témoigne le nombre excessif de capitaines et de lieutenants-colonels « hors créneau d'avancement » qui ont dépassé la limite supérieure du grade pour être proposables.
Enfin, je ne peux que m'associer aux remarques déjà formulées sur l'insuffisant renouvellement du parc d'hélicoptères de la gendarmerie, sur le besoin d'une arme mieux adaptée pour la gendarmerie départementale ou sur les besoins en immobilier.
Pour conclure, je formulerai, monsieur le ministre, deux observations sur des problèmes auxquels il me semble pouvoir être remédié à moindre frais.
La première appelle un effort de communication pour mieux faire connaître à nos concitoyens la nouvelle organisation des services de gendarmerie intervenue depuis 1994.
La seconde a trait, d'une part à la nécessité de renforcer la présence de la gendarmerie dans les instances de coopération européenne et, d'autre part, de développer les actions de coopération bilatérales ou multilatérales dont certains exemples démontrent tout l'intérêt pour la promotion d'un réseau de transmission tel que Rubis.
On demande toujours plus à la gendarmerie. Le budget pour 1997 commence à lui en donner les moyens. Je l'approuve dans l'espoir que les efforts engagés seront poursuivis. Nous gardons en mémoire la phrase de Jean Anouilh, dans Médée : « C'est bon d'avoir le ciel pour soi, et aussi la protection du gendarme » ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bourges.
M. Yvon Bourges. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la défense pour 1997 est le premier budget pour la mise en oeuvre de la nouvelle politique de défense, l'adaptation de nos armées et de leurs équipements face aux nouvelles menaces - nous en avons eu hier, hélas ! un nouveau et tragique témoignage - ainsi qu'à la situation géopolitique née de l'éclatement du monde soviétique en 1989.
C'est le mérite du chef de l'Etat et du Gouvernement d'avoir eu le courage de tirer les enseignements de ces circonstances nouvelles et d'entreprendre, certes, une réforme nécessaire, mais qui pose, dans de nombreux domaines, des questions difficiles.
Le budget pour 1997 est donc le point de départ de cette révision et de l'application de la nouvelle loi de programmation militaire.
La première question est celle de la conformité de ce budget à la loi de programmation. Hors pensions, les crédits de paiement inscrits au budget pour 1997 s'élèvent à 190,9 milliards de francs, qui correspondent aux 185 milliards de francs inscrits en 1995, comme il était prévu. La répartition entre crédits de fonctionnement et crédits de paiement est de 102,2 milliards de francs, soit 53,5 %, pour les premiers, et de 88,7 milliards de francs, soit 46,5 %, pour les seconds. Cela est conforme aux prévisions de l'article 2 de la loi de programmation et aux dispositions du paragraphe 2.1.1 sur l'affectation des crédits d'investissement, préoccupation d'ailleurs évoquée tout à l'heure par M. Blin.
La part du budget de la défense dans le budget de l'Etat est sensiblement maintenue de 1996 à 1997. Pour ce qui est de l'utilisation de l'affectation des crédits, les rapporteurs de nos commissions, dans leurs analyses, ont éclairé notre assemblée.
Les moyens dont vous disposerez en 1997, monsieur le ministre, exigent de tous les personnels un effort constant pour assurer le meilleur service au moindre coût. L'étalement des crédits, donc des programmes de réalisation des matériels, ne peut que difficilement répondre aux impératifs des industries de défense comme il exige des choix difficiles dans l'équipement des forces.
Après des années de refus d'entamer les réformes qu'appellaient les profondes transformations de la situation internationale, après des années d'un laxisme qui a amené à geler, c'est-à-dire à faire disparaître, une part importante des crédits à peine votés par le Parlement - ce n'était pas sans conséquence dans l'exécution des programmes, on le voit encore, en particulier en 1996 - nous entrons maintenant dans une période où les ressources annuelles en crédits de paiement sont assurées, ce qui vous permet, monsieur le ministre, de disposer du recul et du temps suffisants pour mettre en cohérence l'adaptation de l'armée et de ses équipements aux nouvelles formes des menaces.
Précise dans les engagements financiers, la loi de programmation établit le catalogue des armes et des moyens dont nos armées ont besoin. Pour autant, à partir des financements assurés, le calendrier et sans doute aussi les systèmes d'armes ne sauraient être immmuablement définis six ans à l'avance.
L'évolution est la loi de la vie, et l'adaptation aux réalités une nécessité si l'on veut être efficace dans l'accomplissement de ces missions. C'est cette certitude qui inspire l'article 3 de la loi, qui prévoit la possible révision des échéanciers des programmes industriels, ce qui permet l'adaptation de ceux-ci.
Ne manquez pas, monsieur le ministre, d'user de cette faculté à la lumière de l'expérience acquise au cours des premières années de la loi de programmation, en particulier.
Dans la première phase de préparation à la mise en oeuvre de la grande réforme dont vous avez la charge, vous vous attachez à assurer aux personnels, militaires et civils, les voies adaptées autant que possible à chaque situation. Le Parlement sera prochainement saisi de ce dossier et nous y apporterons une attention vigilante, comme à la répartition des unités de nos armées. Ce dernier point pose, en effet, des problèmes douloureux à bien des collectivités territoriales et appelle des compensations indispensables, notamment la délocalisation de nombreux organismes, ce qui peut être pour eux d'ailleurs l'occasion d'adopter une organisation plus rationnelle au plan de leurs activités.
Les difficultés qu'entraîne la réduction des commandes aux industries de défense sont déjà actuelles, qu'il s'agisse de grands groupes, de modestes entreprises sous-traitantes ou encore de nos arsenaux. Le Gouvernement n'en ignore pas les conséquences, comme le prouvent les crédits alimentant le fonds de restructuration de la défense ou le fonds d'adaptation industrielle pour ce qui relève de votre ministère. Certains sites sont également éligibles à des fonds européens.
Ce doit être d'ailleurs un devoir pour tous les responsables politiques et, d'abord, pour tous les ministères d'apporter leur participation active à la recherche des moyens pouvant permettre à la réforme décidée par le chef de l'Etat de s'accomplir avec les concours qu'exige, en une telle tâche, la solidarité nationale.
La recherche de marchés à l'exportation, tout comme l'ouverture des industries militaires sur de nouvelles activités par des restructurations ou bien des diversifications constituent la condition du maintien de la capacité nationale et de la qualité de nos productions, ce qui est essentiel pour l'avenir.
Par la création d'une concertation régionale, alliant élus et hauts fonctionnaires, civils et militaires, des sites concernés, comme par l'intervention de projets et d'engagements répondant à la vocation de chacun d'eux, le dialogue indispensable a été organisé.
Les problèmes à résoudre se décantent. Des démarches ont été faites, et quelques réponses ont déjà pu être apportées.
Sur ce terrain, je vous demande, monsieur le ministre, que la concertation que je viens d'évoquer soit mieux organisée, d'une part, au plan local, pour éviter les surenchères désordonnées, ce qui, je le reconnais, ne relève pas totalement de vous, et, d'autre part, au plan gouvernemental, spécialement au niveau du ministère de la défense, en fixant clairement les instances d'instruction et les niveaux de décision afin de travailler en cohérence et en confiance.
En outre, j'insiste pour que les mesures n'interviennent pas au compte-gouttes, sans grand effet dans l'opinion, mais sous forme de nombreux projets proposant une véritable et forte réponse aux inquiétudes et associant tous les acteurs concernés. D'ailleurs, monsieur le ministre, dans ma région, nous y travaillons avec vos services.
Face au malaise et au doute, la réponse ne doit plus tarder. Oui ! il y a urgence à engager tous les partenaires dans une phase constructive mobilisant les énergies et ouvrant la voie de l'espérance.
La réforme de nos armées étant l'occasion de problèmes sérieux et de difficultés nombreuses, il est évidemment facile de critiquer la politique que nous soutenons. Pour de nombreux censeurs, c'est avoir la mémoire bien courte et oublier les responsabilités et les devoirs qu'appelle l'exercice du pouvoir.
En effet, si les changements indispensables et urgents qu'appellent notre société et même nos mentalités doivent s'accomplir dans une économie fragilisée et dans une situation sociale qui interpelle chacun de nous, on ne saurait ignorer, sauf dans le mensonge démagogique, que ces difficultés résultent d'un héritage de plusieurs années, lourd à assumer pour le Gouvernement, mais qui devrait interdire, ne serait-ce que par pudeur, les critiques de ceux qui y ont une large part.
MM. Jean Chérioux et Christian de La Malène. Très bien !
M. Yvon Bourges. Le projet de l'armée française de demain, dont nous abordons la première étape, lui permettra de remplir ses missions. Elle ne sera pas diminuée pour le service de la France. Avec 340 000 hommes, hors gendarmerie, à la fin de la période, elle est l'équivalent de l'actuelle armée allemande et son effectif est supérieur à celui de l'armée britannique.
Enfin, la création d'un pilier européen pour la sécurité du continent doit permettre de disposer, avec l'ensemble des armées de chaque pays, d'une force considérable, apte à faire face à toutes les situations, notamment à la reconstitution d'une armée adverse de masse, si elle advenait.
La réforme dans laquelle le chef de l'Etat engage la nation est justifiée et nécessaire. S'il est vrai que la situation économique du pays contraint à en mesurer les moyens, c'est l'exigence devant laquelle se trouvent aussi nos partenaires. L'effort militaire mobilise, en France, en 1996, 2,4 % du PIB, soit 12,7 % du budget, 2,6 % en Grande-Bretagne, et 1,7 %, en Allemagne, soit 10,68 % du budget fédéral.
Pour ce qui nous concerne, nous savons que la loi de programmation assure à nos armées des ressources qui ne faibliront pas en francs constants, ce qui n'est pas le cas chez tous nos voisins et partenaires.
Ne nous décourageons pas, mes chers collègues, et apportons au Gouvernement, singulièrement au ministre de la défense, un soutien sans réserve pour réussir ensemble, dans l'intérêt de la France et pour la grandeur de notre pays. Le groupe du RPR n'y manquera pas, et approuvera le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë. Monsieur le ministre, le budget que nous examinons est bien conforme, comme cela a été dit ce matin, à la première annuité de la loi de programmation. Je note d'ailleurs avec satisfaction que le concept de « moyens disponibles » a été abandonné. Ainsi, vous revenez à une présentation budgétaire plus classique, ce qui permet au Parlement de mieux exercer son contrôle.
Je ne reviendrai pas sur les orientations que vous avez choisies pour la loi de programmation militaire. Votée, celle-ci est désormais la loi de la République. Ces choix, nous les connaissons, ce sont ceux d'une armée professionnelle ! Ils pèsent et ils continueront de peser sur votre budget, avec des conséquences que je juge néfastes. En effet, malgré les réductions d'effectifs, vous êtes contraint d'augmenter sensiblement les crédits de fonctionnement.
Ce fameux titre III est incompressible, vous le savez bien. Et si vous voulez un recrutement de qualité, vous serez obligé de le maintenir à ce niveau, peut-être même de l'accroître. L'exemple britannique, confirmé lors des auditions devant notre commission au Sénat, nous a appris que les économies, lorsqu'elles doivent se faire, se font toujours sur le titre V.
Ce n'est pas un secret : les plus hautes autorités militaires éprouvent sur ce point de grandes craintes.
En outre, votre budget, une fois voté, sera-t-il respecté ? En effet, pour reprendre les propos du porte-parole du groupe du RPR à l'Assemblée nationale, M. Galy-Dejean, et du responsable défense de l'UDF, M. Darrason, l'exécution du budget 1996 est « exécrable ».
A ce jour, 8,5 milliards de francs de crédits ont été annulés, s'ajoutant aux 12 milliards de francs de l'année 1995. A ces annulations, s'ajoute le coût des opérations extérieures, soit 5,5 milliards de francs.
L'exécution du budget que vous nous proposez est donc fortement compromise.
Vous n'avez plus de marge budgétaire. Si le budget de l'équipement respecte la loi de programmation, c'est un respect très formel. Par exemple, un milliard de francs de crédits d'entretien relevant normalement du titre III ont été transférés vers le titre V, créant un effet d'optique, mais affaiblissant encore notre potentiel d'investissement.
Je connais l'argumentaire du Gouvernement : « C'est l'héritage des socialistes ». M. Bourges l'a d'ailleurs repris tout à l'heure. Je vais vous surprendre, monsieur le ministre : oui ! il y a bien un héritage spécifique à la défense, mais c'est d'abord celui de la loi de programmation militaire votée en 1987 à la quasi-unanimité des groupes, dont le vôtre et le mien. Je ne suis pas sûr que ce soit ce que nous ayons fait de mieux à l'époque...
Cette loi, qui fixait les crédits du budget de la défense à hauteur de 4 % du PNB en 1991, prévoyait le renouvellement de tous les matériels en dotation dans nos armées ainsi que la modernisation de nos forces nucléaires.
Dès ce moment-là déjà, des voix se faisaient entendre pour évoquer le goulet d'étranglement financier qui se profilerait à la fin du siècle. Nous y sommes. M. François Heisbourg, l'un des meilleurs experts - il était à l'époque directeur de l'Institut international des études stratégiques - dénonçait la « boulimie programmatique » et soulignait le décalage existant entre le poids des programmmes militaires et l'effort budgétaire que le pays pouvait consentir.
Cette loi fut révisée à la baisse en 1989, suscitant l'opposition totale de ceux qui gouvernent aujourd'hui. Vous-même, monsieur le ministre - vous étiez alors président du groupe de l'UDF - vous protestiez, au mois de novembre 1989, contre « la restriction apportée à l'effort de défense ».
Puis, en 1993, il y a donc seulement trois ans, le RPR se félicitait d'être la seule formation politique à demander une augmentation substantielle des crédits de la défense.
Pourtant, les problèmes étaient connus. A telle enseigne que, lors du débat budgétaire de 1994, le rapporteur spécial pour le titre V à l'Assemblée nationale, M. Arthur Paecht, estimait que la plupart des très grands programmes militaires arrivaient simultanément à la phase de fabrication, pour un coût total de 500 milliards de francs. C'est pourquoi il écrivait : « Leur financement requiert des crédits suffisants pour les années à venir, interdisant toute réduction du budget d'équipement ».
Or, monsieur le ministre, vous maintenez ces programmes, tout en réduisant les cibles et, dans le même temps, vous baissez les crédits d'équipement dans des proportions considérables. Comment, dès lors, obtenir la réduction de 30 % des coûts de production, objectif louable et que j'approuve, alors que ces matériels sont livrés au compte-gouttes ?
Conséquence de ces non-choix : nos armées connaissent et connaîtront des difficultés pour mener des interventions extérieures.
Par ailleurs, aurions-nous dû, dès 1988, revoir les composantes de la force d'action navale ? En tout cas, à titre personnel, je pense qu'il est plus que temps d'en repenser les moyens. De ce point de vue, la coopération avec les autres marines européennes dans le cadre d'EUROMARFOR est incontestablement un élément positif dont nous prenons acte.
Osons poser la question : notre pays pourra-t-il se doter d'un deuxième porte-avions nucléaire ? Toujours à titre personnel, je crois qu'il faut avoir le courage de dire que, dans le cadre budgétaire que vous nous proposez, la France n'aura pas les crédits nécessaires pour se doter seule d'un deuxième porte-avions de ce type.
En revanche, les réflexions de la DCN sur un nouveau concept de l'amphibie multi-missions, le bâtiment d'intervention polyvalent, méritent d'être poursuivies. Je souhaiterais que vous nous donniez le plus d'informations possible sur ce sujet, monsieur le ministre.
La rigueur budgétaire oblige à avoir des priorités. Je remarque à ce titre, pour m'en réjouir, que le montant des crédits spatiaux permettra de terminer Hélios I, de continuer les programmes Syracuse II, Hélios II, ainsi que le satellite-radar Horus.
Très bien ! Mais je suis préoccupé de la participation allemande à ces programmes. Car, à ce jour, aucun crédit n'est inscrit dans le budget allemand de la défense pour 1997 concernant les programmes spatiaux.
Or, vous le savez bien, monsieur le ministre, il n'y aura pas de défense européenne indépendante si celle-ci n'a pas les moyens de son autonomie concernant ses sources de renseignement et d'information.
La France en a fait la cruelle expérience lors de la guerre du Golfe, et c'est précisément pour cette raison qu'un effort particulier fut engagé dès l'année 1991, afin d'améliorer nos moyens de renseignement. Le ministre de la défense de l'époque, Pierre Joxe, fit alors augmenter de 17 % les crédits du spatial militaire, doublant les dotations consacrées aux recherches « amont ». Il restructura le renseignement en créant la direction du renseignement militaire et la brigade de renseignement et de guerre électronique. Enfin, il regroupa, sous l'autorité du chef d'état-major, les forces spéciales en créant le commandement des opérations spéciales. Cela aussi, monsieur le ministre, c'est l'héritage !
Mais cet héritage, il faut le faire fructifier. Les crédits spatiaux représentent actuellement 3,7 % du titre V, et ce ratio constitue un minimum.
Comme je vous l'ai dit l'an dernier après notre collègue M. Jean Faure, la France doit continuer les études pour se doter d'un système d'alerte avancée, véritable complément de notre force de dissuasion. De même, notre capacité d'observation devrait être complétée par une capacité d'écoute électro-magnétique.
Si les Européens n'ont pas suffisamment perçu l'enjeu de cette politique spatiale, les Etats-Unis, eux, l'ont fort bien compris en proposant à l'Allemagne un système d'observation « clés en main ». Ainsi espèrent-ils « casser » l'émergence d'une politique spatiale militaire européenne qui, pour le moment, n'existe pas encore.
N'en doutons pas, pour atteindre un tel objectif, les Américains joueront de toute leur influence au sein de l'Alliance atlantique. D'ailleurs, n'est-ce pas l'un des objets du débat actuel portant sur les commandements régionaux ?
C'est pourquoi j'aimerais revenir un instant sur le problème des alliances. Lors du débat précédent, à la fin du mois d'octobre, je vous avais dit et je maintiens, en pesant mes mots, que la France avait « entamé un processus de réintégration » de l'Alliance atlantique. En réponse, vous m'aviez affirmé le contraire. Quelle signification faut-il donner alors à l'ensemble des mesures prises depuis un an ? Tentons de dépasser notre contradiction en ne nous en tenant qu'aux faits.
Monsieur le ministre, vous participez désormais aux réunions des ministres de la défense des pays membres de l'OTAN. La France occupe toute sa place au comité militaire, que vous avez vous-même qualifié d'« instance majeure de l'organisation ».
Certes, nous ne sommes pas dans le comité des plans de défense, ni même dans le groupe des plans nucléaires, mais nous acceptons désormais de parler de « dissuasion concertée » au sein de l'OTAN. La France approuve le concept de « groupes de forces interarmées multinationales », proposé en janvier 1994 par les Américains. Et vous nous avez présenté, lors du débat sur la défense en mars, un modèle d'armée conforme aux schémas de l'OTAN.
D'ailleurs, si j'en crois les propos par un haut responsable militaire - et pas n'importe lequel ! - tenus dans Terre magazine, - l'armée de terre se prépare à ce « retour progressif dans l'OTAN ». Il s'agit d'augmenter le taux d'encadrement, afin de participer pleinement aux structures militaires de l'Alliance, et d'adopter en outre les procédures de l'OTAN, afin que l'interopérabilité soit totale.
Toutes ces décisions ont illustré votre volonté de privilégier la rénovation de l'OTAN de l'intérieur, afin d'y construire, disiez-vous, le pilier européen de la défense.
Une autre démarche était possible : celle qui consistait à privilégier l'UEO comme instrument d'une future entité européenne de défense.
C'est ainsi que le président François Mitterand a toujours considéré que la défense de l'Europe ne pouvait se concevoir en dehors de l'Alliance atlantique. Encore fallait-il, selon lui, « connaître les limites de l'Alliance et de son organisation ». Vous venez, semble-t-il, de les découvrir après le refus américain de confier à un Européen le commandement du sud de l'Europe.
Mais François Mitterrand ajoutait que « l'Europe en tant que telle ne doit manquer aucune occasion de se structurer par une politique commune et par là même se donner une défense propre ». C'est pour cette raison que, voilà douze ans, le 27 octobre 1984, la France a pris l'initiative de « réactiver » l'UEO, par la déclaration de Rome. Je me réjouis d'ailleurs que votre collègue M. de Charette ait reconnu, lui, l'importance de cette décision.
Toutefois, vous avez récemment évolué, j'en conviens. (M. le ministre sourit.) Un pas significatif a ainsi été franchi avec la création de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, ce qui établit le principe d'une « préférence européenne ».
Mais nos différences d'appréciations n'ont pas porté que sur ce sujet. En effet, lors du débat sur la loi de programmation militaire, le groupe socialiste n'a pas voté le texte, parce que nous récusions la philosophie qui le sous-tendait.
Nous ne pouvons que confirmer nos désaccords, car, en plus, au nom de la professionnalisation, vous désorganisez nos forces armées et vous mettez en péril notre tissu industriel de défense.
Non seulement vous compromettez les capacités opérationnelles de nos armées, en ne les dotant pas des matériels nécessaires, mais vous sacrifiez l'avenir en opérant des coupes injustifiées dans les crédits recherche et développement !
M. le président. Monsieur Delanoë, je dois vous dire que vous commencez à amputer le temps de parole des collègues de votre groupe.
M. Bertrand Delanoë. Je vous remercie de m'en prévenir et je conclus donc.
Contrairement à vos propos, monsieur le ministre, le ministère de la défense ne se gère pas comme une entreprise privée. Il est du devoir du Gouvernement de planifier sur le long terme, ce qui implique de conserver le contrôle de notre industrie de défense.
Or, vous préférez la démanteler en la privatisant dans des conditions hasardeuses, comme ce fut le cas pour l'entreprise Thomson.
Comment M. le Premier ministre a-t-il pu oser dire que le numéro 3 mondial de l'électronique de défense ne valait rien ? En rendant un avis non conforme, la commission de privatisation a sanctionné votre démarche. Nous condamnons cette politique de Meccano industriel qui dessert non seulement les intérêts de la France, mais aussi de l'Europe !
Pour toutes ces raisons, vous l'avez compris, et conformément à la position que nous avons prise au mois de juin, nous voterons contre votre budget ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. René Monory.)