M. le président. La parole est à M. Pluchet.
M. Alain Pluchet. Ma question s'adressait à M. le ministre de la défense, que je n'aperçois pas en cet instant, mais, comme elle concerne également l'industrie, je crois que M. Borotra pourra me répondre.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la fusion d'Aérospatiale et de Dassault, dont les modalités doivent être prochainement fixées.
A l'heure où le mariage Boeing-McDonnell va créer, après Lockheed-Martin, un nouveau géant mondial de l'industrie aérospatiale militaire, la restructuration de notre industrie aéronautique est indispensable. Dans ce contexte de concurrence mondiale, notre industrie aéronautique est en effet appelée à se restructurer en passant du stade de la coopération à celui de l'intégration nationale.
Plus largement, la baisse des budgets militaires à la suite de la fin de la guerre froide, l'appel de plus en plus important à des technologies à double usage, civil et militaire, voire à des financements bancaires, sont autant de réalités qui nous montrent la nécessité stratégique et économique d'une restructuration de l'industrie aéronautique à l'échelon européen.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelle est la position française sur la stratégie européenne à adopter s'agissant de l'industrie aéronautique ? Face notamment à la stratégie des firmes américaines, qui semblent avoir majoritairement suivi la voie de l'intégration par fusion ou rachat, les firmes européennes doivent-elles privilégier une intégration nationale et des coopérations transnationales ?
Enfin, pouvez-vous nous donner des précisions sur le projet d'organisation industrielle regroupant Aérospatiale et Dassault, un projet industriel qui fixe la création d'un groupe commun permettant de constituer une seule centrale d'achats, mais se contentant, semble-t-il, d'établir de simples passerelles entre les deux bureaux d'études ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Monsieur le sénateur, la fusion entre Boeing, qui est le premier constructeur d'avions civils au monde, et McDonnell Douglas, qui est le troisième constructeur débouche, il est vrai, sur un géant qui représente un chiffre d'affaires de 250 milliards de francs et qui est le premier au monde dans les domaines civil et militaire.
Quand on assiste à une fusion qui était prévisible, il faut en tirer les conséquences non seulement à l'échelon français et européen, mais aussi du point de vue industriel et commercial. Il faut bien se rendre compte que, au travers de cet engagement, les Etats-Unis sont en fait en train d'affirmer leur prétention à une hégémonie mondiale en matière de stratégie industrielle dans les domaines spatial et aéronautique.
La création d'une entreprise qui occupera la première place mondiale dans le domaine de l'aéronautique civil et militaire crée, vous avez eu raison de le souligner, une ambiguïté permanente en ce qui concerne les préfinancements ou les subventions.
Il nous faut donc en tirer les conséquences.
La première se situe à l'échelon national. Il faut accélérer le processus du rapprochement voulu par le Président de la République entre les deux constructeurs remarquables dans le domaine de l'aéronautique que sont Dassault et Aérospatiale. Cette fusion doit intervenir le plus rapidement possible, dans le respect des intérêts des deux parties.
Deuxièmement, il faut accélérer le processus de la transformation d'Airbus en société. Il est absolument nécessaire que cette entreprise, qui doit nous permettre de relever le défi américain dans le domaine aéronautique, dispose de tous les moyens pour être un concurrent mondial à l'égal des meilleurs. Il l'est déjà du point de vue technique et technologique.
Il faut instamment lui confier des projets : l'avion lourd A 3 X, d'une part, l'avion de cent places avec les Chinois, d'autre part, doivent constituer l'occasion de créer ce groupe européen de dimension mondiale, doté de la capacité et de l'ambition d'être l'un des tout premiers au monde.
Troisièmement, il faut réfléchir à l'attitude des Européens face au défi de nature économique que nous lancent les Etats-Unis. Il faut prendre conscience de la nécessité de mener une offensive industrielle à l'échelon européen, en particulier dans les secteurs stratégiques, afin que puissent émerger des groupes de dimension mondiale qui permettent de renforcer le socle industriel, fondement de la puissance économique et politique de l'Europe de demain.
Je considère que, trop souvent dans ce domaine, des intérêts aujourd'hui divergents dictent aux pays des comportements radicalement opposés à la construction de cette industrie européenne. Du même coup, ils laissent la place à des solutions bureaucratiques ou administratives ou au seul critère du libéralisme, qui ne pèsent pas lourd à l'échelon européen lorsque ces secteurs stratégiques sont engagés dans une concurrence mondiale.
Si l'Europe veut maintenir la puissance qui est la sienne aux plans économique et industriel, elle doit s'engager dans la voie de la coopération, afin de déboucher sur une stratégie industrielle commune. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Yves Guéna. Il faut en avoir la volonté !
M. Pierre Fauchon. Il n'est rien de plus urgent que de faire l'Europe !

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