SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Diverses dispositions relatives à l'immigration. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Article 3 bis (p. 2 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques n°s 63 de M. Pagès, 119 de M. Allouche et 197 de Mme Dusseau ; amendement n° 120 rectifié de M. Allouche. - MM. Robert Pagès, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Joëlle Dusseau, MM. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Guy Allouche. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.

Article 3 ter (p. 3 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques n°s 64 de M. Pagès, 121 de M. Allouche et 198 de Mme Dusseau ; amendement n° 122 rectifié de M. Allouche. - MM. Robert Pagès, Michel Dreyfus-Schmidt, Mmes Joëlle Dusseau, Monique ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre, Michel Caldaguès. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 4 (p. 4 )

Amendement n° 79 de M. Vasselle et sous-amendement n° 214 de M. Caldaguès. - MM. Alain Vasselle, Michel Caldaguès, le rapporteur, le ministre, Robert Badinter. - Retrait de l'amendement, le sous-amendement devenant sans objet.

Article 4 (p. 5 )

MM. Michel Caldaguès, Robert Pagès, Mme Danièle Pourtaud, M. le ministre, Mme Monique ben Guiga, MM. Guy Allouche, Christian Bonnet, Robert Badinter, François Autain.
Amendements n°s 199 de Mme Dusseau, 123 à 127 de M. Allouche, 3 rectifié de M. Diligent, 170 à 174 de M. Pagès, 15 de la commission et sous-amendements n°s 212 et 213 de M. Pagès ; amendements n°s 4 rectifié de M. Hyest et 16 de la commission ; amendements identiques n°s 17 de la commission et 5 rectifié de M. Hyest ; amendements n°s 175, 176 de M. Robert Pagès et 128 de M. Guy Allouche. - Mme Joëlle Dusseau, MM. le ministre, Guy Allouche, André Diligent, Mmes Jacqueline Fraysse-Cazalis, Monique ben Guiga, MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, Guy Fischer. - Rejet des sous-amendements n°s 212 et 213, les amendements n°s 171 et 172 devenant sans objet.

Suspension et reprise de la séance (p. 6 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 7 ).
M. le président.

THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE ET DE L'IMAGE
DE CHÂTEAUVALLON (p. 8 )

MM. Jack Ralite, Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture.

RÉALITÉ ET CONSÉQUENCES
DE L'« EMBELLIE » ÉCONOMIQUE (p. 9 )

MM. Yann Gaillard, Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances.

SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE ALGÉRIEN (p. 10 )

MM. Claude Estier, Alain Juppé, Premier ministre.

EFFECTIVITÉ DE L'INTERDICTION
DES MINES ANTIPERSONNEL (p. 11 )

MM. Jacques Machet, Charles Millon, ministre de la défense.

INFORMATION SUR LES PRODUITS
GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (p. 12 )

MM. Ambroise Dupont, Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.

INCITATION À LA CESSATION D'ACTIVITÉ
DES MÉDECINS (p. 13 )

MM. Guy Cabanel, Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.

RÉORGANISATION DE L'ANNÉE UNIVERSITAIRE (p. 14 )

MM. Alain Gérard, François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

SÉCURITÉ DES MATÉRIELS DANS LES ÉTABLISSEMENTS
D'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE (p. 15 )

MM. Jean-Louis Carrère, François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES
ET RÉFORME DU SERVICE NATIONAL (p. 16 )

MM. Marcel Lesbros, Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur.

AIDES À LA CRÉATION D'EMPLOIS
DANS LE MONDE RURAL (p. 17 )

MM. François Gerbaud, Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration.

Suspension et reprise de la séance (p. 18 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

4. Diverses dispositions relatives à l'immigration. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 19 ).

Article 4 (suite) (p. 20 )

Amendements n°s 177 à 179 de M. Pagès, 18 à 20 de la commission, 129 et 130 rectifié de M. Allouche. - Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois, Ivan Renar, Mme Monique ben Guiga, MM. Guy Allouche, Guy Fischer, Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Jean-Luc Mélenchon, Michel Dreyfus-Schmidt, André Diligent, Michel Caldaguès, Jean-Jacques Hyest, Pierre Fauchon, Alain Vasselle, Michel Rocard, Yann Gaillard, Jean Chérioux. - Retrait de l'amendement n° 4 rectifié ; rejet des amendements n°s 199, 123 rectifié à 125, 127 à 129, 130 rectifié (par division), 170, 174 à 179 et, par scrutin public, de l'amendement n° 3 rectifié ; adoption des amendements n°s 15, 17, 5 rectifié, 18 à 20 et, par scrutin public, de l'amendement n° 16, les amendements n°s 126 et 173 devenant sans objet. Mme Monique ben Guiga.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4 (p. 21 )

Amendement n° 180 de M. Pagès. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 4 bis (p. 22 )

Amendements identiques n°s 65 de M. Pagès et 131 de M. Allouche ; amendement n° 21 de la commission. - MM. Guy Fischer, Guy Allouche, le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt, le président, Mme Monique ben Guiga. - Rejet des amendements n°s 65 et 131 ; adoption de l'amendement n° 21.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 ter (p. 23 )

Amendements identiques n°s 22 de la commission, 66 de M. Pagès et 132 de M. Guy Allouche. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements identiques n°s 22, 66 et 132 supprimant l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

Article 5 (p. 25 )

M. Robert Badinter.
Amendements identiques n°s 67 de M. Pagès et 134 de M. Allouche ; amendement n° 135 de M. Allouche. - Mme Nicole Borvo, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre, Robert Badinter, le rapporteur. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 5
ou avant l'article 6 (p. 26 )

Amendements n°s 78 de M. Jean-Jacques Robert et 181 de M. Pagès. - M. Jean-Jacques Robert, Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.

Article additionnel après l'article 5 (p. 27 )

Amendement n° 136 de M. Allouche. - Rejet.

Article 6. - Adoption (p. 28 )

Articles additionnels après l'article 6 (p. 29 )

Amendement n° 137 de M. Allouche. - MM. Guy Allouche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 45 de M. Caldaguès. - MM. Michel Caldaguès, le rapporteur, le ministre, Daniel Hoeffel, Mme Monique ben Guiga, M. Dominique Braye. - Rejet.
Amendement n° 182 de M. Pagès. - MM. Claude Billard, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo. - Rejet.

Article 6 bis (p. 30 )

Amendements identiques n°s 23 de la commission, 6 rectifié de M. Hyest, 68 de M. Pagès et 138 de M. Allouche. - Adoption des amendements n°s 23, 6 rectifié, 68 et 138 supprimant l'article.

Article 6 ter (p. 31 )

Amendements identiques n°s 24 de la commission, 69 de M. Pagès et 139 de M. Allouche. - MM. le rapporteur, Jack Ralite, le ministre. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 6 ter (p. 32 )

Amendement n° 186 de M. Pagès. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 7 (p. 33 )

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre.
Amendements n°s 140 de M. Allouche et 25 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre, le rapporteur. - Rejet de l'amendement n° 140 ; adoption de l'amendement n° 25.
Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 34 )

Articles additionnels après l'article 7 (p. 35 )

Amendements n°s 141 rectifié de M. Allouche et 187 de M. Pagès. - M. Michel Rocard, Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le ministre, Jack Ralite, Mme Monique ben Guiga, MM. Michel Rufin, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des deux amendements.
Amendement n° 188 de M. Pagès. - MM. Claude Billard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 189 de M. Pagès. - MM. Jack Ralite, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 7 bis (p. 36 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques n°s 70 de M. Pagès et 142 de M. Allouche. - MM. Jack Ralite, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 8 (p. 37 )

M. Robert Badinter.
Amendements identiques n°s 71 de M. Pagès et 143 de M. Allouche ; amendements n°s 26 à 30, 211, 31 rectifié de la commission et 144 rectifié de M. Allouche ; 32 rectifié de la commission et sous-amendements identiques n°s 58 rectifié de M. Gournac et 81 rectifié de M. Ceccaldi-Raynaud ; amendement n° 33 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Robert Badinter, Alain Gournac, Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Bonnet, Jean-Jacques Hyest. - Rejet des amendements n°s 71, 143 et 144 rectifié ; adoption des amendements n°s 26 à 30, 211, 31 rectifié, des sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié, des amendements n°s 32 rectifié, modifié, et 33.
Adoption de l'article modifié.

Article 8 bis (p. 38 )

Mme Monique ben Guiga.
Amendements identiques n°s 72 de M. Pagès et 145 de M. Allouche. - MM. Claude Billard, le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 8 ter (p. 39 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendement n° 146 de M. Allouche. - Mme ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 9 A (p. 40 )

Amendement n° 73 de M. Pagès. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Article 9 (p. 41 )

Amendements n°s 74 de M. Pagès et 147 de M. Allouche. - MM. Jack Ralite, Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 147 ; rejet de l'amendement n° 74.
Adoption de l'article.

Article 9 bis (p. 42 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements n°s 75 de M. Pagès, 34, 35 de la commission. - MM. Jack Ralite, le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet de l'amendement n° 75 ; adoption des amendements n°s 34 et 35.
Adoption de l'article modifié.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

Article 10 (p. 43 )

Mme Monique ben Guiga.
Amendements identiques n°s 76 de M. Pagès et 148 de M. Allouche ; amendements identiques n°s 36 de la commission et 149 de M. Allouche ; amendement n° 150 de M. Allouche. - MM. Claude Billard, Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo. - Rejet des amendements n°s 76 et 148 ; adoption des amendements n°s 36 et 149 ; retrait de l'amendement n° 150.
Mme Monique ben Guiga.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (précédemment réservé) (p. 44 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques n°s 61 de M. Pagès et 110 de M. Allouche. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article 11 (p. 45 )

M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques n°s 37 de la commission, 8 rectifié de M. Hyest, 77 de M. Pagès et 151 de M. Allouche. - MM. le rapporteur, Jean-Jacques Hyest, Mme Nicole Borvo, M. le ministre. - Adoption des quatre amendements supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 11 (p. 46 )

Amendements n°s 190 à 193 de M. Pagès. - MM. Claude Billard, le rapporteur, le ministre, Jack Ralite, Mme Nicole Borvo. - Rejet des amendements n°s 190, 192, 193 et, par scrutin public, de l'amendement n° 191.

Vote sur l'ensemble (p. 47 )

M. Robert Badinter, Mme Hélène Luc, MM. Christian Bonnet, Serge Vinçon, Jean-Jacques Hyest, Jack Ralite, Jacques Bimbenet, Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois ; le ministre.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

5. Communication de l'adoption définitive de propositions d'actes communautaires (p. 48 ).

6. Dépôt d'une proposition de loi (p. 49 ).

7. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 50 ).

8. Ordre du jour (p. 51 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 165, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration. [Rapport n° 200 (1996-1997).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3 bis.

Article 3 bis

M. le président. « Art. 3 bis . _ L'article 12 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour temporaire peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, en infraction avec l'article L. 341-6 du code du travail. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 3 bis est l'un des nombreux articles introduits dans le texte par l'Assemblée nationale. Il n'est donc pas dû à l'initiative du Gouvernement, il n'avait pas été proposé par M. le ministre de l'intérieur dans ce projet de loi rendu nécessaire pour corriger les dysfonctionnements des lois de 1993. Il ne s'agit donc pas d'une disposition purement technique.
Cette disposition donnerait à l'administration le pouvoir de retirer la carte de séjour temporaire - l'objet de l'article 3 ter est identique en ce qui concerne la carte de résident - à l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation de l'article L. 341-6 du code du travail, c'est-à-dire une personne en situation irrégulière.
L'article L. 341-6 du code du travail dispose en effet : « Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.
« Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu à l'alinéa précédent. »
Cela signifie qu'un étranger qui emploierait, alors que lui-même serait en situation régulière, un étranger en situation irrégulière serait passible de sanction. C'est la moindre des choses, et cette disposition est évidemment déjà prévue dans le code du travail.
Toutefois, en ce qui concerne la carte de résident, la sanction dépend de la gravité des faits. Le cas d'un « négrier » qui emploie de nombreux travailleurs irréguliers et les exploite est inadmissible, et il doit être expulsé le plus tôt possible. En revanche, le cas d'un résident installé en France avec toute sa famille depuis trente ans et qui emploie un jour un garçon pour nettoyer son jardin pendant une heure n'est pas similaire.
Or, l'ordonnance prévoit déjà, en son article 25, qui énonce la liste des personnes inexpulsables, que celles-là peuvent tout de même être expulsées lorsqu'elles sont condamnées définitivement à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée quelconque pour une infraction prévue, en particulier, à l'article L. 364-2-1 du code du travail.
Et l'article L. 364-2-1 du code du travail est précisément celui qui prévoit des peines pour ceux qui commettraient une infraction à l'article L. 341-6, c'est-à-dire qui emploierait un travailleur irrégulier.
Donc, je me répète - mais j'en ai terminé, monsieur le président (Sourires) - il est d'ores et déjà possible d'expulser une personne qui a été condamnée à une peine de prison ferme, quelle qu'en soit la durée, si elle a employé un travailleur irrégulier.
Dans ces conditions, est-il absolument nécessaire de donner, en plus, à l'administration la possibilité d'expulser cette personne avant même qu'elle soit condamnée - nous le verrons tout à l'heure - et alors que cette condamnation peut être une amende de 100 francs ou de 200 francs ? Sûrement pas !
C'est pourquoi nous sommes contre ces articles.
M. le président. Sur l'article 3 bis , je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 119 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 197 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 3 bis .
Par amendement n° 120, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélanchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par l'article 3 bis pour compléter l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « en infraction avec » par les mots : « ayant fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement de ».
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 63.
M. Robert Pagès. Nous n'éprouvons aucune sympathie particulière pour les employeurs de main-d'oeuvre clandestine, dans les conditions souvent épouvantables que nous connaissons. Encore faudrait-il quelquefois distinguer, comme le disait notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, entre le véritable négrier et l'employeur occasionnel. Mais ce n'est pas l'essentiel dans ce texte.
Ce qui nous semble le plus important - j'y reviendrai avec l'amendement n° 64 - c'est qu'il y a là une sorte de double peine suivant que l'on a affaire à un Français ou à un étranger. Il nous semble que c'est dangereux et, de surcroît, que ce n'est pas admissible, car tout dans notre législation, tout dans notre Constitution réaffirme le principe de l'égalité devant la loi. Or, ici, il y a rupture du principe d'égalité.
C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut supprimer cet article, d'autant que les textes actuels prévoient déjà d'autres possibilités de sanctionner les atteintes au droit du travail.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 119.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement tend à supprimer l'article 3 bis, pour les raisons que j'ai dites à l'instant.
C'est un problème un peu technique, mais je pense que tout le monde l'a tout de même bien compris. Je me bornerai donc à répéter très brièvement ce que j'ai dit tout à l'heure.
Vous souhaitez que l'étranger qui emploie un travailleur irrégulier puisse être expulsé, dès lors qu'il est condamné définitivement à une peine de prison sans sursis quelle qu'en soit la durée.
Le texte vise les différentes infractions au code du travail, mais sans préciser la condition d'une condamnation définitive. Il donnerait donc, en plus, à l'administration le pouvoir de retirer purement et simplement la carte de séjour sans même qu'il y ait condamnation. Cela suffit ! Il n'appartient pas à l'administration de déterminer s'il y a contravention ou non, les tribunaux sont là pour cela ! C'est ce que nous proposerons de préciser dans un instant, à titre de repli. A titre principal, concernant la durée de la peine, les diverses lois Pasqua sont déjà descendues très en dessous de la barre habituelle pour ce genre de délit. Or la peine visée ici n'est pas un an de prison ferme, mais une peine de prison ferme quelle qu'en soit la durée. Cela peut donc être un ou deux jours !
Je ne comprends pas, monsieur le rapporteur, que vous n'ayez pas vous-même demandé la suppression de ces articles nouveaux qui « surchargent la barque » ! Vous avez prétendu vouloir vous en tenir au texte initial du Gouvernement. Ce n'est pas ce que vous faites jusqu'à présent ! Certes, le Gouvernement ne s'est pas encore prononcé, et peut-être M. le ministre va-t-il nous surprendre heureusement en demandant lui-même la suppression de ces articles ! Mais la position de la commission m'étonne, car elle est contraire à la philosophie que M. le rapporteur a jusqu'à présent présenté comme sienne.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 197.
Mme Joëlle Dusseau. Je vais, bien sûr, reprendre les arguments des orateurs qui m'ont précédée.
Il est évident que l'on traite différemment l'employeur qui recourt au travail illégal selon qu'il est Français ou non ! Cette discrimination me paraît déjà abusive, mais l'amalgame qui est fait quel que soit le type de l'emploi du travailleur illégal et quelle qu'en soit la durée me paraît tout à fait scandaleux.
Par ailleurs, prévoir qu'il y aura une décision administrative - c'est ce qui me frappe d'une manière générale dans ce projet de loi, et il faut que nous y réfléchissions - constitue une extension tout à fait abusive du recours à l'administration plutôt qu'à la justice. C'est grave, en cette matière comme en d'autres, car, comme le disait M. Dreyfus-Schmidt, il existe déjà, dans les lois existantes, tout un arsenal - heureusement, d'ailleurs ! - qui permet de retirer sa carte de séjour à celui qui, dans un certain nombre de circonstances, emploie de manière scandaleuse ou anormale des personnes qui sont en situation irrégulière.
Nous généralisons des dispositions sans discrimination, et par décision administrative. Cela me paraît anormal, et je demande donc la suppression de cet article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 120.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai déjà dit à quel point cet amendement était un amendement de repli, puisque nous continuons à demander avec beaucoup d'insistance la suppression de l'article 3 bis, qui donne un pouvoir exorbitant à l'administration.
Surtout, que l'on ne nous fasse pas de grandes déclarations en prétendant que nous sommes favorables au travail irrégulier, au travail dissimulé, et que nous voulons éviter qu'il y ait une double peine !
Je note simplement que, si c'est un national qui emploie des irréguliers - c'est très grave aussi, de la part d'un national ! - il sera condamné à de la prison, mais ne sera pas expulsé, on ne lui retirera pas une carte quelconque.
Que l'on ne nous reproche pas, donc, de nous opposer à ce que l'étranger qui emploierait des irréguliers soit condamné à une double peine. Nous sommes parfaitement d'accord. On peut expulser ces employeurs quelle que soit leur situation de famille lorsqu'ils ont employé des irréguliers et qu'ils ont été condamnés à une peine de prison ferme, quelle qu'en soit la durée. C'est déjà prévu dans la loi.
Mais, je l'ai dit, il y a tout de même une différence énorme entre ces deux situations et, ici, nous tombons dans l'arbitraire le plus complet.
De plus, l'article 3 bis dispose que : « La carte de séjour temporaire peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, en infraction avec l'article L. 341-6 du code du travail. » A tout le moins, il aurait fallu remplacer les mots : « en infraction avec », par les mots : « ayant fait l'objet d'une condamnation définitive à l'infraction prévue par ». Je rectifie donc l'amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, dans le texte proposé par l'article 3 bis pour compléter l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à remplacer les mots : « en infraction avec » par les mots : « ayant fait l'objet d'une condamnation définitive à l'infraction prévue par ».
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 63, 119, 197 et 120 rectifié ?
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Depuis quarante-huit heures, j'entends sur toutes les travées de la gauche de cet hémicycle des propos tendant à inciter le Gouvernement à ne pas se tromper de cible, à frapper fort l'employeur qui fait travailler des personnes dans des conditions irrégulières, qui verse un salaire dérisoire à un étranger en situation irrégulière dans des ateliers clandestins... Eh bien ! nous y sommes !
Mme Joëlle Dusseau. Il n'y a pas que cela dans le travail irrégulier !
M. le président. Je vous en prie, madame Dusseau.
M. Paul Masson, rapporteur. Les articles 3 bis et 3 ter ont précisément pour objet de frapper non pas le salarié mais l'employeur et, en l'espèce, l'employeur étranger titulaire d'un titre de séjour ou d'une carte de résident, donc quelqu'un qui jouit de la confiance du Gouvernement de la République.
Et que fait cet étranger employeur à qui le Gouvernement a accordé sa confiance ? Il tourne les lois de la République, il favorise l'immigration clandestine, il exploite son monde et il gagne de l'argent dans des conditions irrégulières !
Pour lutter contre cet état de choses, il nous est proposé un dispositif efficace. C'est une décision administrative, qui a effet immédiat. Mais cette décision n'est pas automatique, il y a toujours appréciation : le texte dit « peut » et non pas « doit ».
Mme Joëlle Dusseau. C'est l'administration, pas la justice !
M. Paul Masson, rapporteur. L'administration a son tribunal, madame. Elle a sa hiérarchie, elle a ses recours, les recours gracieux et les recours contentieux.
Donc, le tribunal administratif jugera. Il jugera et - je réponds là à l'observation de M. Dreyfus-Schmidt - si, effectivement, la condamnation définitive du fait est sans rapport avec la mesure prise, le tribunal administratif annulera la mesure prise par l'autorité qui l'a prononcée. (Mme Joëlle Dusseau s'exclame.)
M. le président. Madame Dusseau, en l'instant, seul M. le rapporteur a la parole.
M. Paul Masson, rapporteur. Par conséquent, je n'ai pas le sentiment que l'on surcharge la barque en prenant une mesure qui frappera de manière effective et spectaculaire. Car cela se saura !
A cet égard, il sera beaucoup plus efficace, me semble-t-il, d'avoir cette réaction immédiate sur une flagrance, puisque l'intéressé sera pris sur le fait, que d'attendre le jugement et l'appel, qui suivront parallèlement leur cours jusqu'à la condamnation définitive, le cas échéant.
En effet, pendant tout ce temps, l'étranger aura changé de situation, il aura transformé son exploitation, il sera parti ailleurs, et la procédure recommencera ailleurs.
On ne peut à la fois tenir des discours particulièrement véhéments sur le travail au noir et dire, à chaque fois qu'une mesure est proposée, que c'est trop, que c'est injuste. Il faut savoir ce que l'on veut !
Voilà pourquoi la commission à émis un avis défavorable sur les amendements n°s 63 et 119, 197 et 120 rectifié. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Encore une fois, je ne vous comprends pas, messieurs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On va vous expliquer !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Cela étant, je vois parfaitement tout ce qui nous sépare.
C'est vrai, ce n'est pas moi qui ai rédigé cet article. Mais pourquoi aurais-je dû refuser une disposition intéressante qui émanait de l'Assemblée nationale ? C'est cela le pouvoir législatif, monsieur Dreyfus-Schmidt !
Sur le fond, le dispositif vise les employeurs étrangers de main-d'oeuvre étrangère sans titre de travail. A l'encontre de ces gens-là, je vous le dis, même si cela ne vous plaît pas, je ne veux faire preuve d'aucune faiblesse. Il n'est pas concevable qu'on laisse ces individus continuer à sévir.
Peut-être le dispositif n'est-il pas assez efficace à vos yeux. En tout cas, par cette procédure, nous donnons à l'administration la faculté de retirer le titre de séjour après une procédure contradictoire...
Mme Joëlle Dusseau. Où est la procédure contradictoire ?
M. le président. Madame Dusseau, je vous en prie.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mais, madame, c'est tout ce qui nous sépare.
Je le répète depuis le début de ce débat : j'entends, dans ce pays, lutter chaque jour contre les employeurs de main-d'oeuvre clandestine et, en l'espèce, j'entends lutter plus efficacement contre les étrangers qui emploient une main-d'oeuvre clandestine.
Je n'ai pas de faiblesse, et c'est tout ce qui nous sépare, car, en fin de compte, vous cherchez par des moyens dilatoires à éviter qu'un message fort soit adressé à ces gens-là. Moi, je veux leur envoyer un message fort parce qu'ils sont une insulte à tous les travailleurs de France.
Voilà pourquoi je suis tout à fait défavorable aux quatre amendements !
Mme Joëlle Dusseau. Ce n'est pas possible !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 63, 119 et 197.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. On se fait la part belle en laissant accroire que ceux qui siègent dans cette partie gauche de l'hémicycle défendent les étrangers employeurs de main-d'oeuvre étrangère clandestine. Il est évident que nous luttons contre ces gens !
M. Christian Bonnet. Paroles !
Mme Monique ben Guiga. La plupart des textes tendant à réprimer le travail clandestin ont été votés à l'époque où les socialistes étaient majoritaires ; il suffit de regarder le code du travail !
Par ailleurs, ce n'est pas nous qui diminuons à ce point les crédits de l'inspection du travail qu'il n'y a plus assez d'inspecteurs pour effectuer les contrôles nécessaires.
Pour nous, un dispositif efficace, ce n'est pas nécessairement une sanction administrative, comme le prétend M. le rapporteur.
Dire que c'est spectaculaire, que c'est dissuasif, que cela se saura, que cela fera peur, c'est adopter une attitude répressive brutale, sans tenir compte du droit, minimal, à une procédure contradictoire.
Où est la procédure contradictoire lorsqu'on fait l'objet d'une sanction administrative ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est le droit commun, madame !
Mme Monique ben Guiga. Il n'y a pas de procédure contradictoire ! L'infraction n'est pas vérifiée ; sa gravité n'a pas été mesurée au cours d'une procédure judiciaire. S'il est juste, en effet, de retirer la carte de séjour à un négrier, il faut tout de même que celui-ci ait été condamné, qu'on n'en reste pas au stade de l'infraction, où l'on a déjà vu des choses quelque peu bizarres !
L'annulation d'une mesure administrative par le tribunal administratif peut demander plusieurs années. Si donc un étranger est injustement accusé d'employer de la main d'oeuvre clandestine, il faudra des années pour que le tribunal administratif revienne sur la sanction.
Voilà pourquoi nous demandons que cet employeur étranger soit condamné et que ce soit à ce titre qu'on lui retire sa carte de séjour.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis frappée par le gêne de M. le rapporteur et de M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne suis pas gêné du tout !
Mme Joëlle Dusseau. En effet, le texte fait tomber le couperet de la décision administrative, et il se rendent bien compte qu'il y a là quelque chose qui n'est pas très sain sur le plan du droit. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est vous qui le dites !
Mme Joëlle Dusseau. Alors, ils prétendent qu'on pourra toujours saisir le tribunal administratif ; ...
M. Jean Chérioux. Oui !
Mme Joëlle Dusseau. ... devant lequel il y aura une procédure contradictoire.
Or, la loi permet déjà de faire en sorte que, après jugement, donc après une procédure légale, la personne qui a commis l'infraction soit punie, c'est-à-dire se voie retirer sa carte de séjour et soit renvoyée. Pourquoi ne pas continuer tout simplement à utiliser ce qui existe ?
J'ai assisté naguère - au vrai sens du terme, c'est-à-dire il y a quelques jours - au débat sur le travail illégal.
M. Christian Bonnet. Nous aussi !
Mme Joëlle Dusseau. A cette occasion j'ai entendu nombre de nos collègues souligner le fait que, après tout, être un employeur illégal, bien sûr, ce n'était pas bien, mais qu'il ne fallait pas exagérer, que ce n'était pas un crime, qu'il ne fallait pas prévoir de trop lourdes peines de prison ou d'amendes trop élevées. Nous en avons entendu des choses sur certaines travées !
Et voilà que, soudain, cet employeur, à qui l'on trouvait, hier, un certain nombre d'excuses, qui a un titre de séjour tout à fait légal, qui peut, lui aussi, avoir une circonstance atténuante, se voit opposer une décision administrative ! Donc pas de jugement, pas de procès !
Tout le monde pense aux filières illégales organisées. Mais qu'en sera-t-il de l'étudiant étranger qui a une carte de séjour et qui fait un petit boulot pendant les vacances ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il n'est pas employeur !
Mme Joëlle Dusseau. Si la personne qui l'a employé pour garder les enfants, par exemple, se trouve être un étranger, on lui retirera sa carte de séjour par décision administrative.
Voilà ce que l'on est en train de faire : un amalgame total, quelles que soient les situations.
Hier soir, quand vous avez mis en place et conforté ce système de fichier centralisé d'empreintes digitales, j'ai cité George Orwell en disant : « Big Brother vous regarde ». Cet écrivain a écrit un autre livre, La Ferme des animaux. Dans ce livre, on trouve une phrase célèbre que tout le monde cite : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres ».
Vous êtes en train de créer, mes chers collègues, des animaux moins égaux que d'autres, ...
M. Philippe de Bourgoing. C'est tout de même fabuleux !
Mme Joëlle Dusseau. ... non seulement avec cet article, mais avec toute une série d'articles, que vous avez votés !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Madame Dusseau, lorsque vous commettez une infraction au code la route, votre permis de conduire peut vous être retiré par l'administration avant toute décision juridiciaire. Vous êtes bien d'accord ?
Mme Joëlle Dusseau. Oui !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Cela veut donc dire, madame, que la procédure existe déjà.
Par ailleurs, en vertu du décret du 30 novembre 1983, il y a toujours un débat contradictoire lorsqu'une mesure est défavorable.
Ces deux précisions vous amèneront peut-être à réviser votre position !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de grâce, pas de faux débat entre nous !
M. Jean-Jacques Hyest. Bien dit, monsieur Allouche !
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Guy Allouche. Si vous lisez attentivement le code du travail, et les dates des décrets et des décisions qui ont été prises, vous constaterez que nous ne pouvons pas être accusés de ce dont vous nous accusez.
En effet, dès 1990-1991, un projet de loi contre le travail illégal a été présenté. Si ma mémoire est fidèle, et en la circonstance elle l'est, l'opposition d'alors, aujourd'hui la majorité, s'est opposée à ce texte.
Je suis navré de constater - et je ne porte pas de jugement - que vous êtes forts avec les faibles et faibles avec les forts. (M. Michel Dreyfus-Schmidt applaudit.)
Voilà quelques jours, dans ce même hémicycle, un projet de loi sur le travail illégal a été profondément édulcoré au motif que les sénateurs de la majorité sénatoriale avaient subi un assaut des lobbies patronaux.
Un sénateur socialiste. C'est ce que je disais hier !
M. Michel Caldaguès. Je n'ai rien reçu, moi !
Mme Joëlle Dusseau. C'est normal, vous êtes convaincu d'avance !
M. Guy Allouche. Nous avons eu connaissance qu'en ce domaine 6 % seulement des infractions concernaient l'emploi de personnes en situation irrégulière. Certes, ce sont déjà 6 % de trop. Mais de grâce, n'en tirez pas argument pour mettre en difficulté des patrons, qui sont répréhensibles certes, et personne ne vous dira le contraire, mais à l'égard desquels il faut respecter un certain parallélisme. Vous serez plus convaincants si vous êtes tout aussi sévères avec le lobby patronal français, qui, lui, exploite honteusement toute cette main-d'oeuvre clandestine et en situation irrégulière. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès. D'accord !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais dire à M. le ministre que je suis exactement comme lui : je ne le comprends pas.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Nous ne nous sommes jamais compris !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est évidemment toujours possible pour vous de nous montrer du doigt en disant que nous voulons protéger les étrangers qui emploient des travailleurs en situation irrégulière. L'argument est facile, démagogique et de mauvaise foi. Pourtant, tel n'est pas le cas. (M. Michel Caldaguès s'exclame.)
C'est tellement peu le cas que, nous, nous avons cru naïvement qu'il nous suffirait de dire que ce que vous visez est déjà prévu par l'ordonnance en question, et ce depuis 1991. C'est en effet en 1991 qu'il a été précisé que les étrangers qui ont été condamnés pour l'emploi d'étrangers irréguliers, fût-ce à un jour de prison, peuvent être expulsés. N'est-ce pas vrai, monsieur le ministre ?
Et, le 24 août 1993, votre majorité a repris cet article pour ajouter les cas de proxénétisme.
M. Michel Rufin. Heureusement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais personne, à l'époque, n'a pensé à la mesure, et vos services eux-mêmes n'y ont pas pensé.
Nous avons donc cru, nous, qu'il nous suffirait de vous dire que la loi le prévoyait déjà et que vous nous répondriez : « Oui, c'est vrai, donc nous allons supprimer cet article. »
Or vous nous répondez, monsieur le rapporteur : « Il y a des recours possibles. »
Mais non, il n'y aura pas de recours possible si celui qui a employé un étudiant deux heures pour garder sa fille le soir se voit retirer sa carte de résident, puisque la loi prévoit que c'est possible. Si l'on a un compte à régler avec celui-là pour une raison quelconque ce sera possible ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Michel Caldaguès. N'exagérez pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je dis, messieurs, que ce sera possible, et ce même si l'intéressé avait des moyens de droit à faire valoir, parce qu'il n'aura pas même été jugé.
Je le répète, et j'aimerais que vous m'entendiez : ...
M. Alain Gournac. On vous entend !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... un étranger résident temporaire ou titulaire d'une carte de dix ans qui emploie un étranger irrégulièrement peut être expulsé s'il a été condamné ne fût-ce qu'à une peine de prison d'une journée. Cela suffit comme cela !
Mme Joëlle Dusseau. Non, cela ne leur suffit pas !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 63, 119 et 197, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 120 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Recommençons donc !
Lorsque l'on retire brusquement sa carte à quelqu'un qui est peut-être là depuis des années et qui a là ses parents, ses enfants, etc., c'est à la justice seule qu'il appartient de constater s'il y a infraction. Ce n'est pas à l'administration, qui n'a pas qualité pour cela.
C'est pourquoi nous demandons purement et simplement de prévoir qu'il faut attendre, pour expulser : un, qu'il y ait eu une condamnation, deux, que celle-ci soit devenue définitive.
N'est-ce pas le minimum ? A moins d'entrer dans l'arbitraire le plus complet !
Sur l'ensemble de ces dispositions, ce qui sépare la gauche de la droite, c'est que, pour la droite, l'administration a tous les pouvoirs, alors que, pour nous, l'administration est là uniquement pour exécuter les décisions administratives et que l'autorité judiciaire doit veiller au respect des garanties nécessaires.
Nous devrions être d'accord sur ce point puisqu'il est écrit dans la Constitution que c'est l'autorité judiciaire qui est la gardienne des libertés.
Nous sommes là au coeur du problème. Nous sommes d'accord à la rigueur, mais à la condition que l'autorité judiciaire veille au respect de la liberté individuelle.
Vous dites que ce n'est pas la peine, que l'administration est assez grande et que l'on pourra introduire des recours, comme le soutient M. le rapporteur - recours qui, si nous sommes dans le cas minimum, n'auront aucune chance d'aboutir. Mais là n'est pas le problème. Je le répète, il n'appartient pas à l'administration de dire s'il y a infraction ou non, c'est l'autorité judiciaire qui doit en décider et éventuellement condamner.
C'est pourquoi nous demandons au Sénat au moins de voter cet amendement n° 120 rectifié, qui, vous le voyez, est un amendement de repli puisqu'il donne l'autorisation, que vous avez acceptée en ne votant pas l'amendement de suppression, à l'administration de retirer la carte, même s'il n'y a pas de condamnation à une peine de prison, fût-ce un jour.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 bis.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste également.
Mme Joëlle Dusseau. Moi aussi !

(L'article 3 bis est adopté.)

Article 3 ter

M. le président. Art. 3 ter . _ Après l'article 15 bis de la même ordonnance, il est inséré un article 15 ter ainsi rédigé :
« Art. 15 ter . _ La carte de résident peut être retirée à l'employeur ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'allons pas recommencer l'ensemble des débats.
L'article 3 bis permet à l'administration de retirer la carte de séjour temporaire, et l'article 3 ter permettrait, s'il était adopté, de retirer la carte de résident.
Vous n'allez certainement pas faire de différence ; vous aurez à dire s'il y a, en la matière, expulsion possible ou non.
Tout à l'heure, Guy Allouche disait que ne seraient pas expulsables ceux qui ne sont pas expulsables. Mais si ! Car l'article 25 prévoit que s'il y a condamnation à un seul jour de prison, il peut y avoir expulsion. Mais, me direz-vous sans doute, s'il y a condamnation à une amende de 100 francs, les condamnés ne seront pas expulsables en vertu de l'article 25. Cela constitue une précarisation.
En effet, qu'aurez-vous créé ?... Un sans-papier ! L'étranger qui aura été condamné, pour avoir employé un étranger irrégulier, à une peine de prison ferme, quelle qu'en soit la durée, se verra retirer sa carte de résident, mais il ne sera pas expulsable en vertu de l'article 25 ; c'est-à-dire que vous aurez créé un nouveau sans-papier. C'est très exactement cela.
Franchement, si nous sommes vraiment là pour empêcher qu'il puisse y avoir encore des sans-papiers inexpulsables, il n'est peut-être pas très opportun d'en créer de nouveaux. Or c'est très exactement ce que vous faites. Continuez !
M. le président. Sur l'article 3 ter, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 64 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 121 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 198 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 3 ter.
Par amendement n° 122 rectifié, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par l'article 3 ter pour compléter l'article 15 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « en violation des dispositions de », par les mots : « ayant fait l'objet d'une condamnation définitive à l'infraction prévue par ».
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Robert Pagès. Les arguments ont été déjà largement développés, aussi raccourcirai-je mon propos...
Plusieurs sénateurs du RPR. Oui !
M. Robert Pagès. Je peux l'allonger si vous le souhaitez, mes chers collègues.
Plusieurs sénateurs du RPR. Non !
M. le président. Ne découragez aucune bonne volonté, je vous prie.
M. Robert Pagès. Ce second article vise une catégorie un peu différente de celle dont traitait le précédent.
Je rappellerai notre position fondamentale : dans tous les cas, il faut sanctionner indiscutablement les atteintes au droit du travail.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Robert Pagès. De ce point de vue, nous ne faisons preuve d'aucun laxisme.
Ces sanctions seraient certainement plus efficaces si elles s'appuyaient sur un corps d'inspecteurs du travail bien payé, bien étoffé et bien doté. Ce n'est pas le cas à notre avis.
Dans cet article, il nous est proposé, au contraire, des sanctions de type administratif qui - si vous me permettez l'expression - versent une louche supplémentaire...
M. René-Georges Laurin. Allouche ? (Sourires.)
M. Robert Pagès. ... sur la tête du coupable parce qu'il est étranger. C'est cela que je veux dénoncer et qui motive notre amendement de suppression.
Il n'y a pas à faire de différence entre un coupable étranger et un coupable français. Il nous semble qu'il s'agit là d'un grand principe républicain d'égalité que nous devons sauvegarder.
Je le rappelle : les sanctions existent, et elles ne sont pas légères. Appliquons-les à bon escient et dans la pleine égalité !
Voilà pourquoi il faut absolument voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 121.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis intervenu sur l'article 3 ter et j'ai dit pourquoi il fallait le supprimer. Je ne m'expliquerai donc pas davantage. (« Très bien ! » « Bravo ! » sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau, pour présenter l'amendement n° 198.
Mme Joëlle Dusseau. Nous sommes toujours dans un domaine capital, puisqu'il a trait à la différence entre la justice et l'administration, entre le droit et l'arbitraire.
Nous devons avoir bien présent à l'esprit que ce projet de loi met en place toute une série de mesures qui permettent à la police de pénétrer dans les locaux et à l'administration de prendre ensuite telle ou telle décision.
Voici le type d'Etat que nous sommes en train de créer : un Etat dans lequel l'arbitraire va régner. C'est le contraire d'un Etat de droit, dans lequel la justice décide des peines.
Pourtant, la justice peut jouer son rôle, nous le savons bien. Il existe en effet un arsenal de lois qui prévoient, à juste titre, des condamnations très fermes telles que des peines d'emprisonnement et des amendes. Ces condamnations entraînent des conséquences, que nous connaissons et que nous ne cessons de rappeler pour que vous l'entendiez mieux. Mais, visiblement, vous ne souhaitez pas l'entendre.
Vous savez qu'un employeur illégal condamné à une peine d'emprisonnement se voit retirer son titre de séjour et sa carte de résident. Vous savez aussi que la justice est la seule façon pour un prévenu de se défendre et de présenter ses arguments.
Cependant, là, par les dispositions que vous mettez en place, vous faites obstacle à la procédure judiciaire et vous instituez un système arbitraire, dans lequel la police et l'administration prennent des décisions qui, en dépit de ce que prétendent M. le président de la commission des lois et M. le ministre de l'intérieur, ne seront pas contestables.
Enfin - je reprends ainsi un argument de M. Dreyfus-Schmidt, qui me paraît capital - on est en train de créer une nouvelle catégorie de « ni régularisables ni expulsables ».
Selon M. le ministre, ce projet de loi a pour objet de faire disparaître ce type de situations. Mais, en l'occurrence, il aboutit à créer une catégorie supplémentaire !
Est-ce bien raisonnable ? Je ne le crois pas ! Mais je ne crois pas non plus que vous soyez capables d'entendre des arguments raisonnables. (Rires sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 122 rectifié.
Mme Monique ben Guiga. Pour défendre cet amendement, je citerai un texte intéressant, qui émane du syndicat des juridictions administratives. Que dit ce syndicat ? (Murmures sur les travées du RPR.)
Peut-être le mot « syndicat » vous semble-t-il suspect ! Pourtant, il s'agit du syndicat des juridictions administratives, qui, par principe, est bien placé pour connaître des sanctions concernant l'emploi irrégulier d'étrangers.
Selon ce syndicat, « les sanctions concernant l'emploi irrégulier d'étrangers existent et les pouvoirs publics disposent déjà d'un arsenal pénal impressionnant en la matière.
« Ces sanctions sont appliquées par les tribunaux qui peuvent, le cas échéant, assortir la peine principale qu'ils prononcent d'une interdiction du territoire.
« De plus, par dérogation à la règle qui veut qu'un étranger ne puisse être expulsé s'il n'a pas été condamné à une peine d'au moins un an de prison ferme, il peut l'être dès lors qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée quelconque pour emploi d'un étranger démuni d'autorisation de travail, c'est l'article 23 de l'ordonnance.
« Donner au préfet la possibilité de retirer un titre de séjour pour ce motif serait extrêmement grave.
« D'une part, cela reviendrait à confier à une autorité administrative les pouvoirs qui doivent revenir à l'autorité judiciaire, puisque le texte ne prévoit pas que l'intéressé doit avoir été condamné pour un tel délit mais seulement qu'il doit être en infraction avec la disposition visée du code du travail : autrement dit, c'est le préfet qui constate l'infraction !
« D'autre part, ce pouvoir s'exercerait sans aucune garantie, puisque le seul contrôle s'exercerait, comme toujours en matière de titres de séjour, a posteriori. La censure de la décision préfectorale n'interviendrait que plusieurs années après, avec toutes les conséquences qui en résultent.
« Enfin, la possibilité de retirer le titre de séjour n'est enserrée dans aucune condition. Autrement dit, un étranger qui a toutes ses attaches en France pourrait se voir retirer son titre alors que, pour cette raison, il est en principe inexpulsable. »
Je vous le répète : nous sommes en train de créer une nouvelle catégorie d'étrangers sans papiers, donc en situation irrégulière, mais non expulsables.
Mon dernier argument pour défendre cet amendement se fonde sur une citation de Mme Monique Chemillier-Gendreau, qui est professeur de droit international et membre du collège des médiateurs...
M. Jean Chérioux. C'est quoi, le collège des médiateurs ?
Mme Monique ben Guiga. Selon elle, le vrai danger pour notre pays, ce n'est pas l'immigration, ce n'est pas la menace de l'étranger, mais le chemin du régime policier emprunté à travers vos lois. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains indépendants.)
M. Jean Chérioux. Ça, c'est la démocratie !
M. René-Georges Laurin. Qu'est-ce que c'est que le collège des médiateurs ?
Mme Monique ben Guiga. Voilà ce qu'il nous faut mettre en évidence : petit à petit, de loi en loi, on habitue les Français à supporter qu'il y ait un pouvoir administratif, un pouvoir policier et de moins en moins de pouvoir judiciaire.
M. Henri de Raincourt. On ne s'en aperçoit pas !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas plus mal !
Mme Monique ben Guiga. Et cela, c'est grave pour la République ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 64, 121, 198 et 122 rectifié ?
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne vais pas reprendre la même discussion qu'à l'article 3 bis, je me limiterai à dire que la commission est défavorable à l'ensemble des amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 64, 121 et 198.
M. Michel Caldaguès Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le président, mes chers collègues, mon propos n'est pas de critiquer le droit d'amendement, qui est un droit inhérent à l'activité parlementaire et à la souveraineté nationale. Je voudrais cependant dire, parce qu'il faut appeler les choses par leur nom, que nous venons d'assister à une mobilisation en faveur d'employeurs qui sont des négriers.
Mme Monique ben Guiga. Sophiste !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La démagogie et la mauvaise foi, les voilà !
M. Michel Caldaguès. Non, ce n'est pas de la démagogie ! Il s'agit bien de négriers !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole pour le moment. Laissez s'exprimer M. Caldaguès.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voulais souligner où est la démagogie !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole !
M. Michel Caldaguès. Ce sont des négriers, qui s'enrichissent sur le dos de ceux que vous prétendez défendre, à savoir les plus modestes.
Cette démonstration est indécente et je tenais à le souligner. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Estier. C'est vous qui tenez des propos indécents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Je vous donne maintenant la parole, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai dit tout à l'heure qu'il serait de mauvaise foi, qu'il serait démagogique de prétendre que nous voulons protéger les négriers. En effet, dès 1991, c'est un gouvernement que nous soutenions qui a prévu que, dès lors qu'il y avait condamnation à une peine de prison sans sursis, quelle qu'en soit la durée, l'expulsion était possible. Mais il a alors été décidé qu'il fallait auparavant que la justice s'exprime, car il peut y avoir des différences considérables d'un cas à l'autre.
Voilà pour les faits !
Pourtant, M. Caldaguès s'est levé pour donner à la mauvaise foi et à la démagogie que je venais d'évoquer un nom et un visage ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Michel Rufin. Vous êtes des experts !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Faire de la démagogie, être de mauvaise foi, c'est peut-être votre conception de la politique. La nôtre, c'est de défendre ce que nous croyons juste, même si nous savons qu'il y a des Caldaguès pour tenter de masquer la vérité. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Nouvelles protestations sur les travées du RPR.)
M. Michel Rufin. Vous n'avez pas l'apanage de la vérité !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je dirai une seule phrase : pour moi, avant d'être condamné, tout être humain a droit d'être jugé. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 64, 121 et 198, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 122 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 ter.
(L'article 3 ter est adopté.)

Article additionnel avant l'article 4

M. le président. Par amendement n° 79, MM. Vasselle et Balarello proposent d'insérer, avant l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 12 bis de la même ordonnance, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Une carte spéciale d'identification est délivrée de plein droit à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie, par tous moyens, résider en France habituellement depuis plus de quinze ans.
« Une carte de séjour temporaire peut lui être délivrée sur décision préfectorale en fonction d'éléments spécifiques tirés de sa situation personnelle et familiale.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 214, présenté par M. Caldaguès, et tendant, avant le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 79, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Parlement sera informé chaque année du nombre de personnes ayant bénéficié de ces dispositions. »
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 79.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet de placer dans une situation intermédiaire les étrangers qui relèvent des dispositions de l'alinéa 3° de l'article 4 du projet de loi initial, alinéa qui a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Cet alinéa 3° disposait : « A l'étranger non polygame qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; ».
L'Assemblée nationale a voulu éviter une régularisation automatique et systématique de tous les étrangers qui se trouvent sur notre territoire depuis plus de quinze ans.
Est-il nécessaire de rappeler que ces mesures concerneront des personnes étrangères qui se trouvent sur notre territoire depuis 1982 ?
Je crois me souvenir que des dispositions de régularisation importantes ont été prises dès les années quatre-vingt, qui ont permis à nombre d'étrangers d'être en situation régulière. On pouvait imaginer que, depuis ce temps-là, on avait pu contrôler de manière un peu plus stricte tout phénomène d'immigration et toute situation de clandestinité d'un certain nombre d'étrangers sur l'ensemble du territoire national. Or il n'en est rien, puisqu'on éprouve le besoin, au travers de cette disposition, de confirmer la possibilité de permettre à des étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'une régularisation.
Je souhaite répondre à la préoccupation du Gouvernement et de M. le ministre de l'intérieur. Je propose donc de délivrer à tous ces étrangers une carte spéciale d'identification, une carte de séjour temporaire. Voilà qui permettrait d'identifier l'ensemble des clandestins qui se trouvent sur le territoire national sans rétablir un droit systématique à la régularisation, comme le prévoit la commission des lois.
Quant à l'appréciation de leur situation, le représentant de l'Etat le mieux placé pour y procéder, c'est le préfet. Sa décision se fonderait sur des éléments spécifiques de la situation personnelle ou familiale des intéressés.
Pour bien préciser le dispositif, nous proposons qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article.
Cette proposition que nous faisons avec mon collègue M. Balarello m'apparaît d'autant plus justifiée que, si elle répond à une situation tout à fait marginale sur le territoire national - M. le ministre de l'intérieur a dit à l'Assemblée nationale que quarante ou cinquante personnes seraient concernées en métropole, ce qui est peu au regard du nombre total d'étrangers - et il ne faut pas oublier les départements et les territoires d'outre-mer que notre collègue M. Othily a cité dans la discussion générale, ainsi qu'en commission des lois, je suppose, l'exemple flagrant de la Guyane.
La Guyane compte actuellement plus de 40 000 clandestins pour 114 000 habitants. En raison de sa situation géographique, ce département accueille des étrangers originaires du Surinam, du Brésil ou de Haïti. Cette situation est très mal vécue par la population.
Il ne serait ni acceptable ni compréhensible...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je termine, monsieur le président.
Il ne serait ni acceptable ni compréhensible, disais-je, que l'on réponde à ce problème en soumettant un projet de loi spécifique à l'examen du Parlement et que, en attendant, on régularise les 40 000 clandestins de ce département.
C'est la raison pour laquelle je souhaite vivement que mon amendement soit adopté par la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès, pour présenter le sous-amendement n° 214.
M. Michel Caldaguès. Au cours de la discussion générale, j'ai clairement exprimé ma préférence pour le maintien du texte voté par l'Assemblée nationale, laquelle a supprimé le 3° de l'article 4.
Entre-temps, MM. Vasselle et Balarello ont déposé l'amendement n° 79.
J'ai par ailleurs constaté qu'un couperet s'abattait systématiquement sur les amendements que j'avais eu l'honneur de déposer et j'en suis venu à augurer bien mal du sort de la position que je comptais défendre sur l'article 4.
C'est dans ces conditions que l'amendement de MM. Vasselle et Balarello m'est apparu comme une solution de repli, qui pourrait être de nature à apaiser les scrupules de conscience d'un grand nombre d'entre nous.
Je reviendrai ultérieurement sur ces scrupules de conscience mais, dans le temps dont je dispose en cet instant, je souhaite indiquer que le principal d'entre eux vient de ce que le texte auquel le Gouvernement et la commission semblent attachés nous engage à ouvrir un droit à l'attribution d'une carte de séjour de façon globale, sans restriction, ou presque, et surtout pérenne, car c'est en quelque sorte une machine à répétition.
Dire qu'il n'y aurait que quelques dizaines de bénéficiaires - on a cru même devoir articuler le chiffre de vingt-sept, qui est totalement fallacieux - c'était faire bon marché de ce que cette disposition est destinée à fonctionner non pas seulement en 1997 pour ceux qui sont présents ou supposés tels en France depuis 1982, mais aussi en 1998 pour ceux qui y sont depuis 1983, et ainsi de suite.
Cela est d'autant plus choquant que, aux termes du texte, le Parlement n'a pas la moindre notion du contrôle qui devrait être effectué sur chacun des cas et qui incombe au pouvoir exécutif, en vertu des prérogatives régaliennes dont il dispose.
Je considère que le pouvoir exécutif doit assumer pleinement ses responsabilités au lieu de demander au Parlement une ouverture de droit globale, générale et pérenne au Parlement. Une telle ouverture, nous ne pouvons pas la donner, compte tenu des cas que nous avons en tête.
Quant au sous-amendement n° 214, il tend simplement à faire en sorte que le Parlement puisse y voir clair et savoir si c'est à tort ou à raison que j'ai mis en doute les estimations du nombre de bénéficiaires qui nous ont été données. Voilà pourquoi je propose que le Parlement soit informé chaque année du nombre des bénéficiaires de la disposition visée par l'amendement n° 79.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 79 et sur le sous-amendement n° 214 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Avec cet amendement et ce sous-amendement, on anticipe le débat sur l'article 4.
Pour l'Assemblée nationale, il ne faut pas régulariser la situation des étrangers en situation irrégulière et qui vivent en France habituellement depuis quinze ans.
Lorsque nous aborderons l'article 4, la commission vous proposera, elle, de régulariser la situation de ces étrangers. Il y a un choix à faire, et le Sénat se déterminera souverainement.
MM. Vasselle et Balarello nous soumettent une solution intermédiaire, qui n'est pas sans intérêt. Elle consiste à régulariser la situation des étrangers visés, mais à la régulariser différemment, par le biais d'une carte spéciale d'identification.
J'indique d'emblée que la commission a émis un avis défavorable sur cette proposition, qui tend à créer une catégorie de titre tout à fait spécifique, établissant donc une distinction entre les étrangers régularisés et singularisant ceux à qui ce titre spécifique serait attribué.
Or nous sommes opposés à la distinction en cette matière, car il est évident que ceux qui seraient ainsi régularisés en quelque sorte « à regret » ne pourraient que nourrir un complexe, qui affecterait leur comportement face à l'administration, au voisinage, voire à la famille.
Je pense qu'il faut, soit régulariser, soit ne pas régulariser. Personnellement, je propose de le faire. Il peut être justifié de ne pas le faire, mais le faire à moitié m'apparaît comme une démarche ambiguë, qui conduirait à créer un droit mineur et donnerait à penser que c'est avec une espèce de frilosité que le législateur a légiféré.
Astucieusement, l'amendement n° 79 permet d'éviter de choisir. Or il me semble que, dans ce débat, en cet instant et s'agissant de ces gens-là, il faut choisir : chacun se déterminera en conscience.
S'agissant du sous-amendement n° 214, la logique suppose que la commission émette également un avis défavorable. Toutefois, l'idée de M. Caldaguès de savoir ce qu'il en est exactement de ces régularisations que nous allons évoquer dans un instant est une bonne idée. Il serait en effet utile que le Gouvernement s'engage, si les régularisations sont effectivement opérées, ce qui dépend du vote du Parlement, à nous livrer périodiquement les résultats de ces régularisations. Ainsi, nous saurons précisément combien de personnes sont effectivement concernées.
Peut-être conviendrait-il d'inscrire une telle disposition dans le texte. La navette permettra éventuellement de le faire. Mais je serai heureux d'entendre le Gouvernement s'exprimer dès maintenant sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 79 et le sous-amendement n° 214 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Vasselle, pour résoudre le difficile problème des étrangers en situation irrégulière qui résident en France depuis plus de quinze ans, vous proposez de leur octroyer un document d'identification sans pour autant leur donner un titre de séjour.
J'y ai beaucoup réfléchi et je ne peux malheureusement pas vous suivre dans cette voie.
En effet, il ne faut pas, me semble-t-il, créer un droit particulier pour certains. Il faut éviter les ambiguïtés juridiques. De deux choses l'une : ou bien l'on admet au séjour un étranger, et alors il faut lui accorder un titre de séjour de plein exercice, ou bien on ne l'admet pas, et alors il doit quitter le territoire.
Monsieur Vasselle, vous savez avec quelle détermination je lutte, depuis vingt mois, contre l'immigration irrégulière, le travail clandestin et les filières ; je me suis complètement investi dans ce combat. C'est pourquoi je me permets de vous demander avec amitié, mais aussi avec insistance, de retirer cet amendement qui ne convient pas à notre droit. A défaut, je serais contraint d'inviter la Haute Assemblée à le repousser.
J'en viens au sous-amendement n° 214.
Depuis que j'occupe mes fonctions au ministère de l'intérieur, je crois avoir su démontrer l'importance que j'attachais à l'information de la représentation nationale et de l'ensemble des Français sur ces questions. Je suis évidemment prêt à donner également les informations demandées par M. Caldaguès et dont M. le rapporteur a souligné l'intérêt. Pour autant, je ne pense pas qu'il faille le prévoir dans la loi.
Toutefois, je prends l'engagement solennel de venir devant les commissions compétentes des deux assemblées pour fournir toutes les indications chiffrées qui leur paraîtront utiles.
M. le président. Nous allons maintenant passer au vote de l'amendement et du sous-amendement.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. J'ai écouté avec intérêt les propos de M. le rapporteur relatifs à la singulière distinction que l'amendement n° 79 tendrait à introduire dans notre droit, et je partage son analyse. C'est en effet une disposition bien étonnante qui nous est soumise.
Je n'ai point besoin de rappeler que chacun d'entre nous a une identité. Selon le Grand Robert, que j'ai pris le soin de consulter, l'identité est le fait pour une personne d'être un individu donné.
Quant à l'identification, c'est le processus par lequel on détermine une identité. L'exemple qui est d'ailleurs donné dans le Grand Robert est significatif : il évoque l'identification d'un cadavre ou celle d'un criminel.
M. Michel Caldaguès. Ou d'un assuré social !
M. Robert Badinter. Certes, mais tel n'est pas le sens que visait le Grand Robert, pas plus d'ailleurs que M. Vasselle.
Ainsi que M. le rapporteur l'a souligné, la création de ce titre spécial ferait que, à côté de la carte de résident, il y aurait, pour une catégorie d'étrangers « en état d'identification », cette carte, ce signe particulier.
Je veux croire que les auteurs de l'amendement n'ont pas mesuré la portée de ce qu'ils proposaient, qui n'est rien d'autre qu'un processus de stigmatisation, conduisant l'étranger concerné à se sentir différent de tous les autres étrangers. C'est pour cela que je rejoins la position prise par la commission des lois.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je ne suis pas totalement insensible à l'argumentation qui a été développée par M. le rapporteur et par M. le ministre de l'intérieur, et je comprends les difficultés que pourrait engendrer cette identification.
Cela étant, j'ai souhaité, avec mon collègue José Balarello, transmettre au Gouvernement un message fort émis par l'opinion publique, qui comprend assez mal que l'on n'applique pas une politique plus rigoureuse en matière d'immigration, même si, monsieur le ministre - et je dois vous en donner acte - vous avez fait preuve, au cours de ces vingt derniers mois, d'une très grande détermination. En effet, votre action dans ce domaine n'a pas faibli, il faut le reconnaître et vous en féliciter,...
Un sénateur du RPR. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. ... et l'ensemble du dispositif que vous nous proposez d'adopter tend à vous donner des moyens supplémentaires pour lutter contre le phénomène de l'immigration.
Mais était-il alors nécessaire, au moment où vous souhaitez renforcer cette lutte contre l'immigration, notamment clandestine,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Notamment !
M. Alain Vasselle. ... de maintenir une disposition législative qui tend précisément à régulariser la situation d'un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière ?
Cela est mal perçu par l'opinion. A travers cette disposition, et même si tout un arsenal de mesures est par ailleurs mis en oeuvre pour restreindre l'immigration, nous allons lui donner le sentiment que, en définitive, le Gouvernement et la majorité vont une fois de plus régulariser la situation d'un certain nombre d'étrangers qui sont présents sur le territoire national depuis plus de quinze ans.
Dans ces conditions, deux solutions s'offraient à moi.
La première consistait tout simplement à me rallier à la position adoptée par l'Assemblée nationale et à combattre l'amendement de la commission visant à rétablir la disposition que j'ai évoquée.
La seconde était de trouver une formule permettant à la fois d'atteindre l'objectif que le Gouvernement s'est fixé et de recenser et d'identifier les étrangers concernés, dont la situation est tout de même inacceptable.
Faut-il rappeler - j'en parlais hier avec M. Philippe de Gaulle - que l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui avait été approuvée par les socialistes, les communistes, les radicaux et le général de Gaulle, disposait que toute personne entrée sur le territoire national de manière irrégulière devait retourner dans son pays et ne pouvait bénéficier d'une régularisation de sa situation ?
M. Jacques Mahéas. Cela a fait la fortune de certains !
Mme Monique ben Guiga. Que faisaient Renault et Peugeot pendant ce temps-là ?
M. Alain Vasselle. On est revenu depuis sur ce principe, et l'on a fait preuve, au fil des années - et le parti socialiste n'a, de ce point de vue, de leçons à donner à personne - d'un laxisme regrettable !
M. Jacques Mahéas. C'est minable !
M. Alain Vasselle. Mais permettez, avant de vous faire connaître ma position quant au retrait éventuel de mon amendement, de laisser mon collègue Michel Caldaguès s'exprimer sur son sous-amendement...
M. le président. Laissez-moi le soin de mener les débats, mon cher collègue !
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Mes chers collègues, mon sous-amendement n° 214 est en quelque sorte le passager d'un bateau qui se trouve bien près d'être envoyé par le fond. A l'instar de certains commandants de sous-marin pendant la guerre, notre rapporteur a cependant eu le geste chevaleresque d'offrir le salut à ce passager, et le passage à proximité d'une vedette gouvernementale a permis à M. le ministre de parachever l'acte de sauvetage. Je ne peux que m'en déclarer satisfait !
Cela étant, je regrette que la proposition de M. Vasselle n'ait pas reçu un accueil favorable, parce qu'il ne me reste maintenant qu'une solution : m'accrocher résolument au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Je le ferai dans un instant.
En ce qui concerne les conséquences éventuelles, et presque certaines, d'un vote qui n'irait pas dans ce sens, je produirai des informations qui seront peut-être de nature à influer sur le cours des choses. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. La magie noire !
M. le président. Monsieur Vasselle, maintenez-vous votre amendement n° 79 ?
M. Alain Vasselle. Il ne m'a pas été répondu à propos du problème majeur qui se pose en Guyane.
J'espère obtenir des éclaircissements sur ce point mais j'accepte, dans l'attente, de retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 214 n'a plus d'objet.

Article 4

M. le président. « Art. 4. _ Les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de la même ordonnance sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit :
« 1° A l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ;
« 2° A l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans, ou bien depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans s'il justifie être dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine ;
« 3° Supprimé.
« 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié depuis au moins deux ans, dont le conjoint est de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé, que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;
« 5° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français de moins de seize ans, résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant et qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité de père ou mère d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'est délivrée à l'étranger que s'il subvient à ses besoins depuis au moins un an ou depuis sa naissance ;
« 6° A l'apatride qui réside régulièrement en France depuis plus de six mois ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs. »
Sur l'article, la parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai déjà eu l'occasion de souligner que le plus grave inconvénient, à mes yeux, du texte proposé par la commission, lequel reprend le texte initial du Gouvernement, était de nous conduire à prendre une décision en aveugle, sans savoir à quels cas la mesure s'appliquera.
J'observerai tout d'abord, une fois encore, que la réserve concernant l'état de polygamie, qui figurait d'ailleurs également dans l'amendement n° 79 de M. Vasselle, auquel j'adresse donc amicalement la même remarque, est fallacieuse. Toute contestation portant sur cette restriction risquerait d'être écoutée d'une oreille favorable par les juges. Il faut le savoir et en peser les conséquences !
En effet, la jurisprudence est claire sur ce point. Je citerai à cet égard un extrait des pages 319 et 320 du Traité de droit international privé de Batiffol et Lagarde : « La bigamie est-elle un délit pour celui dont la loi personnelle, que nous déclarons applicable à son état, admet la polygamie ?
« Il a longtemps été répondu affirmativement au vu de la jurisprudence réprimant les infractions au droit de la famille quel que soit le statut personnel de leur auteur. Mais des décisions récentes ont donné à penser que la conciliation des deux attitudes inpliquerait le principe de la consultation de la loi civile étrangère.
« Cette position a l'avantage de mettre à l'abri de la qualification de la loi pénale française un comportement que la règle française de conflit de loi prescrit de tenir pour régulier. »
Cela signifie très clairement que l'on considère qu'il n'est pas possible de contester la situation d'un étranger, ou même d'un Français d'origine étrangère, vivant en état de polygamie sur notre territoire, dès lors que celui-ci résulte de son statut antérieur.
En d'autres termes, cette restriction me paraît tout à fait illusoire.
Aussi constate-t-on, face à l'état de polygamie, ...
Mme Monique ben Guiga. C'est trop facile ! C'est nous les victimes !
M. Michel Caldaguès. ... une molle résignation de la part de nos administrations publiques, de nos services sociaux et de nos juridictions ?
J'ai sous les yeux un procès-verbal d'enquête de l'Office des migrations internationales, qui avait procédé à l'inspection d'un logement à l'occasion de l'examen d'une demande de certificat d'hébergement. Ce procès-verbal, émanant d'une administration de la République française, comme il est précisé dans l'en-tête, indique : « Personnes vivant de manière permanente dans le logement ; 56 ans, l'hébergeant, 38 ans, l'épouse, 25 ans, l'épouse ». Deux épouses, officialisées par un document administratif ! Je cite ce cas, car je le connais très bien.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. J'en termine, monsieur le président.
Je signale que l'une des femmes a été épousée à quatorze ans et que, depuis, mari a pris femme pour la troisième fois. On n'en est plus à une près !
Je reviendrai sur ce point lors des explications de vote, puisque mon temps de parole est épuisé. Mais voilà ce qui peut se cacher derrière la décision que l'on nous invite à prendre, mes chers collègues.
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. L'affaire des sans-papiers a mis au jour le cas douloureux de personnes non expulsables parce que parents d'enfants français ou conjoints de Français, mais privés de papiers à cause des lois Pasqua.
Ces personnes avaient donc, pour ainsi dire, le droit de séjourner légalement en situation irrégulière dans notre pays !
Afin de remédier à cet état de fait absurde, on aurait pu croire que le Gouvernement, par l'intermédiaire de son ministre de l'intérieur, allait proposer une carte de résident valable dix ans à ces personnes dites « protégées ».
Il n'en est rien ! Ce qui est proposé, c'est seulement l'attribution d'une carte renouvelable permettant un séjour d'un an. Après avoir jeté des milliers de personnes dans la clandestinité avec les lois de 1993, on les place donc aujourd'hui dans une situation pour le moins précaire.
Cette précarité, doublée d'une suspicion latente, va à l'encontre de la volonté d'intégration des immigrés, et le présent projet de loi ne mettra pas fin à l'absurdité des situations nées de l'application des lois Pasqua.
En effet, il tend à pérenniser l'irrégularité du séjour, notamment des conjoints sans papiers qui, au terme de deux ans de mariage - ou d'un an, selon la commission des lois du Sénat -, pourront enfin obtenir cette carte de séjour d'un an.
Une fois encore, sous couvert de lutter contre l'immigration illégale, on fabrique des clandestins. A coup sûr, comme le disait le médiateur de la République, d'autres Saint-Bernard vont émerger après l'adoption de ce texte !
Ainsi, le projet de loi accroît encore la complexité de la législation en vigueur. La création de trois régimes juridiques différents, pour les enfants entrés en France, selon l'âge illustre bien ce point.
Voilà, mes chers collègues, quelques réflexions que m'inspire l'article 4, qui reste bien en deçà des espérances des « sans-papiers », des démocrates et d'une large fraction de notre population.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Nous abordons maintenant le volet prétendument humanitaire de ce projet de loi.
Avant même d'évoquer dans le détail les dispositions de l'article 4, nous pouvons d'ores et déjà regretter de nouveau, monsieur le ministre, que vous ne sachiez pas répondre simplement à une question simple.
Qu'est-ce qui vous empêche, alors que vous semblez trouver une solution aux impasses créées par les lois Pasqua et mises en lumière par la grève de la faim des sans-papiers de Saint-Bernard, de poser le principe de la régularisation des personnes non expulsables ? Ces étrangers, à la fois non régularisables et non expulsables, ont, vous le savez, tous vocation à vivre en France. Non seulement vous ne permettez pas de résoudre tous ces cas, mais vous commencez par n'accorder à ces personnes qu'un titre de séjour provisoire d'un an, en ne leur offrant ainsi qu'une existence précaire sur notre sol.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
Mme Danièle Pourtaud. Les attaches familiales sont pourtant plus durables, monsieur le ministre.
La France est liée par la Convention européenne des droits de l'homme. Je ne peux croire que vous êtes de ceux qui le regrettent et qui vivent ses principes comme une contrainte. Le droit à une vie familiale normale est un droit entier. Or, vous voulez diviser ce droit pour en tirer le moins de conséquences possible. Je ne prendrai que quelques exemples.
Lorsqu'un enfant est entré en France avant l'âge de dix ans, y a vécu plusieurs années, fréquente nos écoles, a appris notre langue et, bien souvent, ne connaît qu'elle - nous ne faisons, par ailleurs, aucun effort pour lui permettre d'apprendre la langue de son pays d'origine... mais c'est un autre sujet - peut-il envisager son avenir ailleurs qu'en France ?
Quelle absurdité de le contraindre à faire la preuve de son impossibilité de mener une vie familiale dans son pays d'origine ! Quel acharnement ridicule ! Faudra-t-il qu'il apporte la preuve que plus un seul membre de sa famille ne vit dans son pays d'origine ?
Autre incohérence : pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, comment le parent étranger d'un enfant français peut justifier subvenir effectivement aux besoins de son enfant alors qu'il est en situation irrégulière et qu'il ne peut donc pas travailler légalement ?
Pour ce qui est des conjoints de Français, il s'agit, là encore, d'une disposition soupçonneuse et absurde. Le conjoint étranger d'un Français devra désormais se maintenir sur notre sol en situation irrégulière pendant deux ans avant de prétendre à un titre de séjour.
Quelle est, par ailleurs, l'utilité de cette mesure, puisque l'administration peut à tout moment remettre en cause un titre de séjour obtenu à la suite de ce que l'on appelle un « mariage blanc » ?
Vous préférez la politique du soupçon et vous portez ainsi atteinte, me semble-t-il, à une institution qui vous est pourtant chère.
Outre ce que ces dispositions ont de profondément injuste et de déstabilisant pour les étrangers qui vivent en France, elles ne vous permettront en fait de n'obtenir qu'une seule chose : la multiplication des cas juridiquement inextricables et humainement intenables.
Cette façon tatillonne et mesquine d'ouvrir des possibilités très restrictives de régularisation ne fera pas contrepoids à cette loi policière. Rien ne saurait d'ailleurs y faire contrepoids. Rien ne pourrait justifier cet arsenal complexe de mesures policières qui, nous l'avons montré tous au long de ces débats, seront probablement inefficaces et portent atteinte aux libertés publiques.
M. Jacques Mahéas. Oui !
Mme Danièle Pourtaud. Si vous aviez au moins montré une volonté claire et forte d'offrir la possibilité à ceux qui ont vocation à vivre sur notre sol de le faire légalement, nous pourrions alors penser que vous avez un début de vision de ce que peut être une politique d'intégration.
Ce n'est malheureusement pas le cas, et cet article montre bien que votre volonté affichée de lutte contre l'immigration clandestine masque, en fait, la volonté de précariser l'ensemble de la population étrangère vivant en France.
En effet, vous refusez aussi de régulariser ceux qui vivent depuis quinze ans en France, qui ont eu, à un moment ou à un autre, un titre de séjour et qui, souvent, ont payé des impôts et des cotisations sociales. N'ont-ils pas assez montré leur désir d'intégration ? Croyez-vous qu'il s'agisse de clandestins ? Non ! La plupart du temps, ces personnes sont entrées régulièrement en France, elles ont obtenu un titre de séjour qui s'est ensuite perdu dans un imbroglio administratif qu'elles maîtrisaient mal.
L'Assemblée nationale a autorisé leur expulsion. Je souhaite que le débat qui s'est engagé à l'instant avec l'examen de l'amendement visant à insérer un article additionnel avant l'article 4 permette de revenir sur cette situation.
Nous verrons bien !
Cette précarisation généralisée est source de conflits et de rejets. C'est elle qui crée l'immigration irrégulière.
M. le président. Veuillez conclure, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je vais conclure, monsieur le président.
C'est ce processus qui fait le lit de l'insécurité et des théories xénophobes.
Vous aviez l'occasion, monsieur le ministre, de construire une législation stable et cohérente en vous inspirant des critères proposés par le collège des médiateurs ou par la commission nationale consultative des droits de l'homme. Vous pouvez encore le faire. Sinon, nous serions conduits à penser que vous préférez donner des gages à l'extrême droite et laisser place à l'arbitraire. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, ...
M. Guy Allouche. Plus fort !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Allouche, ne vous inquiétez pas, je vais me rapprocher du micro. J'ai tellement envie que vous m'entendiez, et que vous ne vous contentiez pas de m'écouter.
L'article 4 est important. Il s'agit en fait, vous l'avez bien vu, de trouver des solutions pour des personnes qui, en raison des lois de 1981, 1989 et 1993, ne peuvent être expulsées mais n'ont pas droit à un titre de séjour.
M. Jacques Mahéas. Surtout la loi de 1993 !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce que vous dites n'apporte rien, monsieur le sénateur. Je vous en prie, ne compliquez pas une situation qui est déjà très difficile.
M. le président. En l'instant, M. le ministre a seul la parole.
Monsieur Mahéas, vous vous exprimerez quand votre tour viendra.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Cette situation est le plus souvent ingérable, en particulier pour les membres de familles françaises.
Cet article - j'en assume la responsabilité - a été imaginé, rédigé, voulu d'abord pour les familles qui comportent des Français - soit des conjoints, soit des enfants - c'est-à-dire plus de 80 % des dossiers qui nous sont soumis.
Je ne veux pas entrer dans des querelles de mots. Je précise simplement que cet article vise à mettre un terme à des situations qui, qu'on le veuille ou non, quelles que soient nos prises de position, portent atteinte à la possibilité de mener une vie familiale normale et, au-delà, à la crédibilité de notre politique et à l'application de la loi.
J'ai souhaité aussi, par cet article, que la loi comporte une indication claire, afin de guider efficacement les services des préfectures et de leur permettre, en dehors des cas qu'elle prévoit, de récuser tout chantage à la régularisation. Tel est le fondement de cet article.
Oui, je souhaite le règlement d'un maximum de situations d'étrangers qui ne sont ni régularisables ni expulsables. Je le dis comme je le pense.
Cependant, nous ne devons pas aller jusqu'à encourager la fraude. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du RPR.) Ce serait le cas si nous régularisions les conjoints des Français entrés irrégulièrement, car nous favoriserions alors les mariages blancs. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Cela existe !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. De même il faut convenir, s'agissant des parents d'enfants français, que le seul exercice juridique d'une autorité parentale partielle ne répond pas à l'objectif. Ce qui compte, c'est que le père assume effectivement l'entretien de l'enfant, sinon la régularisation n'a pas de sens.
Mme Monique ben Guiga. Et la mère ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Pourquoi prévoir un titre de séjour d'un an ? Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ces personnes sont dans une situation non conforme à la loi : elles sont en séjour irrégulier et n'ont pas droit à une carte de dix ans en vertu de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Ensuite et surtout, pendant ce délai d'un an, les services vont pouvoir vérifier s'il y a ou non risque de trouble à l'ordre public. (Mme Dusseau proteste.)
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Jean Chérioux. Cela existe !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.
M. Jean Chérioux. Ils ne se sentent pas concernés par l'ordre public ; cela ne les intéresse pas !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est important, parce que je suis aussi responsable de l'ordre public.
Il s'agit d'un article équilibré.
La Haute Assemblée doit bien prendre conscience de notre objectif. Nous voulons avant tout trouver des solutions pour des familles qui sont dans une situation ingérable parce qu'elles ne sont, compte tenu de la combinaison d'un certain nombre de textes, ni expulsables ni régularisables.
M. Jacques Mahéas. Les lois Pasqua !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Non ! il s'agit des lois de 1981 et de 1989.
Mais l'important, ce n'est pas d'écrire l'histoire,...
M. Jacques Mahéas. C'est de dire la vérité !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... c'est de trouver des solutions pour des situations humaines difficiles. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole et à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Je crains que l'équilibre que vous évoquez, monsieur le ministre, ne soit celui de la carotte et du bâton, même au sein de l'article 4, qui, en principe, devait résoudre les situations inextricables créées, à ma connaissance - j'ai participé au débat - par la loi de 1993.
M. Jean Chérioux. Non, avant !
Mme Monique ben Guiga. Dans deux cas, ont été créées des catégories d'étrangers non expulsables et non régularisables, et le regroupement familial a été soumis à des conditions telles qu'un grand nombre de Français vivant en France n'auraient pas le droit, si elles leur étaient appliquées, d'avoir leur femme et leurs enfants auprès d'eux.
M. Jacques Mahéas. Voilà la vérité !
Mme Monique ben Guiga. Deux verrous dans les lois Pasqua ont eu pour conséquence que des étrangers sont devenus ni expulsables ni régularisables.
D'abord, aucune régularisation postérieure à une entrée irrégulière n'est possible, et cette mesure frappe avant tout des femmes et des enfants qui sont entrés en France hors regroupement familial - j'y reviendrai.
Ensuite et surtout, il n'existe aucun moyen de passer d'un titre de séjour à un autre titre de séjour. Je vais vous donner un exemple, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir et donc je ne m'y attarderai pas en cet instant.
Il s'agit du cas de l'étudiante étrangère qui vient en France et qui se marie. Son titre de séjour d'étudiante n'est pas transformable sans retour dans son pays en un titre de séjour de conjoint. Or, comme, en général, le mariage intervient peu avant la naissance du premier enfant - c'est ainsi aujourd'hui, vous le savez - quand va-t-elle retourner dans son pays ? Juste avant l'accouchement ? Après ? Va-t-elle se séparer de son mari ? Séparer un jeune couple est bien difficile. Après trente ans de mariage, on se sépare plus facilement, mais au début...
En somme, cette impossibilité de transformer un titre de séjour en un autre titre de séjour crée des situations totalement inextricables.
Je voudrais citer un autre cas. Il s'agit d'une jeune femme algérienne rentrée en catastrophe en France en 1994, avec son mari français et sa belle-mère française, laquelle enseignait le français dans un village perdu d'Algérie et était menacée ; dans de telles conditions, tout le monde part. Jusqu'à ce jour, et en dépit de l'intervention de vos services, monsieur le ministre, il ne lui a été donné par la préfecture du Havre que des récépissés valables trois mois, et pas même la carte de séjour temporaire que vous aviez demandé qu'on lui délivre. Vous n'êtes même pas obéi, monsieur le ministre !
Un tel cas est pourtant évident. On ne va pas la renvoyer dans son village de Kabylie alors qu'elle a épousé un garçon dont la mère est française, qui est français lui-même, et qu'elle risquerait de s'y faire assassiner.
Par ailleurs, le regroupement familial est devenu très difficile. Les exigences sont telles en matière de revenus et de logement que nombre d'étrangers ne peuvent y satisfaire. En effet, on leur demande de disposer déjà d'un logement de dimensions suffisantes, alors qu'ils n'auront droit à l'allocation de logement qu'après l'arrivée de leur famille. Dans ces conditions, les entrées en France de femmes et d'enfants hors regroupement familial continuent !
Enfin, monsieur le ministre, vos préfets n'appliquent pas les circulaires de 1994 et de 1995 destinées à résoudre les cas humanitaires ! Voilà pourquoi ce projet de loi déçoit vraiment les principales associations s'occupant, pour l'honneur de la France, de tous ces étrangers placés dans des situations familiales et administratives inextricables.
La CIMADE, qui n'est pas une organisation extrémiste, qui est même...
M. Emmanuel Hamel. Très modérée !
Mme Monique ben Guiga. ... très modérée, effectivement, parle d'une régularisation ambiguë et au compte-gouttes.
Le conseil consultatif des droits de l'homme, s'il apprécie la régularisation de quelques cas, souligne néanmoins le maintien dans l'irrégularité d'un certain nombre d'étrangers présents en France. Mais j'aurai l'occasion d'en reparler.
Le collège des médiateurs, dont M. Laurin ignorait l'existence, est l'organisme le plus déçu.
M. le président. Il va vous falloir conclure, madame ben Guiga !
Mme Monique ben Guiga. Je vous donne les noms de quelques membres de ce collège des médiateurs : Lucie et Raymond Aubrac, Monique Chemillier-Gendreau, André Costes, directeur des oeuvres de migration pour l'Eglise de France, Stéphane Hessel, ambassadeur de France, Paul Ricoeur, philosophe, Henri Madelin, rédacteur en chef de la revue Etudes, Louis Schweitzer, secrétaire général de la Fédération protestante, Germaine Tillon, ancienne résistante et ethnologue.
M. le président. Il vous faut conclure, madame !
Mme Monique ben Guiga. Voilà les irresponsables qui demandent que l'on ait enfin une attitude humaine envers tous ces étrangers qui vivent en France dans des conditions abominables ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Il s'agit là d'un point fort du texte.
Monsieur le ministre, lorsque vous avez annoncé votre intention de proposer au Parlement un texte d'ajustement, nous avons été nombreux à considérer que ce n'était pas mal : nous pensions qu'un projet de loi très court - un article unique - permettrait, compte tenu de l'impasse juridique dans laquelle les lois de 1993 ont mis un certain nombre de personnes, de donner à ces dernières un titre de séjour temporaire. Une telle solution aurait été intelligente et perçue très différemment.
Or, de quoi discutons-nous ? D'un drôle de cocktail, composé d'une dose de pseudo-libéralisme avec l'article 4 et de quatre doses de mesures coercitives et répressives.
Monsieur le ministre il serait prudent de votre part de ne pas évoquer ce qui s'est passé en 1981, car les dispositions prises étaient liées au fait que des milliers d'étrangers étaient entrés en France avant l'arrivée de la gauche au pouvoir...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. En 1981, il y a eu 133 000 régularisations !
Mme Danièle Pourtaud. Ces étrangers étaient déjà sur le territoire !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Vous avez régularisé 133 000 personnes !
M. Guy Allouche. Je répète que ces étrangers ont été régularisés en 1981 parce qu'ils étaient déjà sur le territoire, avant même l'arrivée de la gauche au pouvoir ! C'est vous qui les avez donc laissés passer, le ministre de l'intérieur étant alors notre collègue Christian Bonnet !
M. Christian Bonnet. Il va vous répondre !
M. Guy Allouche. Mais volontiers !
Monsieur le ministre, en commission, je vous ai posé une question. Avec le sourire, qui vous est coutumier, vous m'avez dit : « Je ne vous répondrai pas ! »
On peut lire, à la page 11 du rapport écrit de M. Masson, que l'article 51 de la loi du 24 août 1993 a prévu l'élaboration par le Gouvernement d'un « rapport portant notamment sur le nombre des étrangers ayant été admis à séjourner sur le territoire national au cours de l'année écoulée et sur les mesures mises en place pour lutter contre l'immigration clandestine ».
Depuis 1993, aucun rapport ne nous a été remis ! Même dans le cadre de ce débat, nous n'avons pas obtenu de données chiffrées très précises.
Ce silence sur les chiffres est en réalité un prétexte pour laisser accroire à l'opinion que ces personnes en situation irrégulière envahissent le pays. Nous savons bien que ce n'est pas le cas !
Je vous ai dit mardi, monsieur le ministre, que vous aviez une obsession, et on le vérifie : vous ne voulez pas nous donner de chiffres précis sur les situations que nous évoquons, car votre premier objectif est l'expulsion du maximum de personnes. Si ces dernières le méritent, il faut les expulser ; mais, dans le cas contraire, vous forcez alors un peu la dose !
Par ailleurs, vous voulez limiter au maximum les entrées, d'où les certificats d'hébergement.
Enfin, vous laissez encore dans l'impasse juridique six catégories de personnes qui ne sont pas expulsables, mais que vous ne voulez pas régulariser. En effet, si le bon sens avait triomphé avec ce projet de loi, si toutes ces personnes qu'on ne peut pas expulser avaient été régularisées, vous auriez dû élaborer une loi de régularisation ; or, vous ne voulez pas vous y résoudre, car vous savez que, pour vous, c'est politiquement contre-productif.
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Allouche !
M. Guy Allouche. Avec l'article 4, vous laissez dans l'impasse juridique des catégories de personnes, d'ailleurs peu nombreuses, alors que nous aurions souhaité que le bon sens triomphe en la circonstance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Je voudrais faire un rappel opportun.
En 1980, a été votée une première loi destinée à lutter contre l'immigration clandestine. Ce texte a été purement et simplement abrogé dès l'été 1981 par notre excellent collègue M. Autain, alors secrétaire d'Etat, parce que Gaston Defferre, mon successeur au ministère de l'intérieur, avec lequel j'entretenais d'excellentes relations, n'avait aucune envie, maire de Marseille qu'il était, de se hasarder à abroger un texte qui, apparemment, donnait satisfaction à beaucoup d'habitants de sa ville ! Il s'est ensuivi une régularisation portant, selon le chiffre officiel, sur 133 000 clandestins.
Nos collègues ont énormément de difficultés à comprendre que, dans un monde de signes, toute régularisation est un feu vert : c'est le signal envoyé jusqu'aux extrémités du monde qu'il est possible de venir en France en situation irrégulière et de s'y faire régulariser par la suite !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Christian Bonnet. Par ailleurs, toute loi, qu'il s'agisse de la loi de 1980, de la loi de 1986 ou de la loi de 1993, est considérée comme un feu rouge et un véritable barrage à l'aspiration de tous ces pauvres gens qui voudraient venir en France en situation irrégulière, avec l'espoir de se faire régulariser. C'est pourquoi, à mon avis, ce mot n'a pas été employé dans le débat par M. le ministre de l'intérieur. A priori, je suis férocement hostile à toute régularisation, parce qu'elle appelle de nouvelles immigrations clandestines. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. « Férocement » est le mot !
M. Jacques Mahéas. Saint-Bernard est un contre-exemple !
M. Christian Bonnet. Mais je suis favorable au texte du Gouvernement, car il permettra une identification. Je sais que M. le ministre préfère avoir sur le territoire des étrangers régularisés et identifiables, plutôt que des immigrés en situation irrégulière, dont même l'Office des migrations internationales est incapable de dire le nombre ! C'est le directeur de l'OMI, je crois, qui évaluait le nombre de ces irréguliers entre 50 000 et un million, sans pouvoir donner de chiffre exact ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Il s'agit non pas d'envisager une régularisation de masse, mais d'éviter une législation pointilliste qui ne fera, je le crains, que nourrir à nouveau des cas de personnes en situation irrégulière entrant dans la clandestinité et une jurisprudence qui ne cesse - je dois le dire - de rendre le droit plus touffu.
La seule réponse logique et simple à la situation des personnes actuellement non expulsables, situation due - il faut avoir le courage de l'admettre ! - aux défauts des lois de 1993, c'est celle qu'a formulée M. Mazeaud. On peut ainsi lire la phrase suivante, à la page 45 du rapport de M. Mazeaud : « Soulignons à titre liminaire qu'une solution logique aurait purement et simplement consisté à prévoir l'attribution de plein droit d'une carte de séjour à toutes les personnes non expulsables pour peu que leur présence ne constitue pas une menace à l'ordre public. Cette option, sans doute vigoureusement critiquée par certains, quoique frappée au coin du bon sens » - on ne saurait mieux dire ! - « aurait définitivement mis en accord la pratique avec le droit et singulièrement renforcé notre législation dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. On peut même applaudir M. Mazeaud !
M. Robert Badinter. Mais c'est cela que l'on n'est pas capable de faire, car on veut réserver des pouvoirs à l'administration au cas par cas.
C'est pourquoi, pour une fois que nous avions l'occasion de pouvoir simplifier la législation, il nous fallait absolument choisir cette solution-là, qui était claire et humaine. Je regrette que la suggestion de M. Mazeaud n'ait pas été adoptée ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Notre honorable collègue M. Bonnet a semblé, dans son intervention, dissocier l'action menée par Gaston Defferre et par moi-même, en 1981, lorsque nous étions tous deux membres du Gouvernement.
Je rappelle qu'il existe une solidarité gouvernementale et que Gaston Defferre, comme tous mes collègues d'alors, était d'accord avec la loi, adoptée en 1981, qui abrogeait la loi de 1980.
Monsieur Bonnet, vous avez déclaré que la régularisation menée à bien en 1981 avait eu un effet d'appel sur les candidats à l'immigration, tels ceux des pays du Maghreb, par exemple. Mais on pourrait développer une thèse inverse, à savoir que les mesures que vous avez déjà prises et celles que contient ce projet de loi fabriquent des clandestins. Ainsi, c'est parce que la politique que vous avez menée pendant des années a fabriqué un tel nombre de clandestins que nous avons été obligés de procéder à cette régularisation ! (Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Christian Demuynck. Affabulateur ! C'est la meilleure, celle-la !
M. Jacques Mahéas. Non, c'est vrai !
M. Alain Gouriac. On se moque de nous !
M. François Autain. La situation dans laquelle nous sommes a une ressemblance avec celle que nous avons connue en 1981. Nous sommes confrontés à la présence d'un nombre important de clandestins, et il va vous falloir, comme vous l'avez déjà fait, essayer d'examiner chaque situation et de procéder à une régularisation au cas par cas.
Vous ne pourrez pas faire l'économie de ces régularisations partielles, car ces dernières sont le seul moyen d'éviter les situations dramatiques que vous connaissez et auxquelles un homme sensible ne peut pas ne pas répondre, sauf à être, comme vous, monsieur Bonnet, « férocement » opposé à toute régularisation », ce qui n'est pas notre cas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi de vingt-neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté du débat, je les appellerai un par un.
Par amendement n° 199, Mme Dusseau propose de supprimer cet article.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. L'article 4 est lourd de conséquences. Il modifie les conditions de délivrance et de renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire, en faisant référence à la notion de menace pour l'ordre public.
Une fois de plus, avec cette notion, nous entrons dans un dispositif à la fois flou et dangereux, car elle est laissée à l'appréciation discrétionnaire de l'administration.
Les jeunes qui entrent dans leur dix-huitième année sont régularisés systématiquement s'ils ont leur résidence habituelle en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de six ans, ou bien l'âge de dix ans s'ils justifient être dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans leur pays d'origine.
Je veux seulement vous faire remarquer, mes chers collègues, que, quand vous avez dix-huit ans et que vous êtes arrivé en France depuis l'âge de dix ans, vous y êtes depuis huit ans au moins ; à dix-huit ans, c'est donc la moitié - ou presque - de votre vie que vous avez passée en France ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Robert Calmejane. Ils ne vivent pas vieux !
Mme Joëlle Dusseau. La moitié de votre vie à ce moment-là, bien sûr ! C'est un peu comme si, vous, à soixante-dix ans, vous aviez passé la moitié de votre vie, soit trente-cinq ans, en France et que l'on vous demandait alors de faire la preuve de l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans votre pays d'origine ! C'est inhumain, c'est aussi aberrant, c'est en contradiction totale avec la situation réelle des jeunes concernés.
Quant à celui qui est en France depuis plus de quinze ans, vous le savez, l'Assemblée nationale a supprimé la possibilité, pourtant ouverte par le Gouvernement, de sa régularisation.
Je suis sensible au fait que la commission des lois du Sénat en propose le rétablissement, mais je veux insister sur le fait que les personnes qui sont en France depuis plus de quinze ans font au moins la preuve d'une belle persévérance. Ils ont, en quinze ans, noué toute une série de liens amicaux, familiaux. C'est long, quinze ans !
Je regrette donc vivement la décision de l'Assemblée nationale.
Cela étant, M. le ministre a dit que l'on ne pouvait que leur donner une carte de séjour d'un an, parce qu'il pourrait y avoir menace contre l'ordre public.
Si l'on ne s'est pas rendu compte que, depuis quinze ans, ces personnes menaçaient l'ordre public, ce n'est pas en un an de plus que l'on prouvera qu'il peut y avoir une menace ! Vraisemblablement, les intéressés se seront fondus dans la masse - certes, dans l'illégalité - et ne demanderont qu'une chose : rester.
Dans un autre domaine, mes chers collègues, j'ai été extrêmement frappée par l'obsession de l'auteur du texte à propos de la non-polygamie.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Eh oui !
Mme Joëlle Dusseau. A tous les paragraphes, systématiquement, il est fait mention de l'étranger non polygame.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Eh bien oui !
Mme Joëlle Dusseau. Tout à l'heure, notre collègue M. Bonnet nous rappelait qu'il convenait de faire attention aux signes. Une loi, en effet, ce ne sont pas seulement des décisions, mais aussi des signes. Il convient donc de faire attention à ceux que vous donnez avec cette obsession de la non-polygamie.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Oui !
M. le président. Madame Dusseau, il vous faut conclure !
Mme Joëlle Dusseau. Cela laisse à penser qu'il existerait deux catégories d'étrangers, les étrangers polygames et les étrangers non polygames !
M. René-Georges Laurin. Evidemment !
Mme Joëlle Dusseau. Actuellement, trois millions de cartes de séjour ont été délivrées en France, Or, monsieur le ministre, vos services estiment à environ 10 000 les étrangers qui vivent en état de polygamie.
M. René-Georges Laurin. C'est scandaleux !
M. Alain Gournac. C'est trop !
Mme Joëlle Dusseau. C'est quand même l'exception ! Je voudrais donc vous mettre en garde contre l'image que vous risquez de donner des étrangers,...
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes pour la libération de la femme !
Mme Joëlle Dusseau. ... image qui ne peut être que négative.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je voudrais vous dire, madame, que, oui, je suis contre la polygamie. Mais ce n'est pas moi qui suis contre : c'est la loi, et je fais respecter la loi. Or la loi dit que la polygamie est un trouble à l'ordre public. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président,...
M. le président. Madame Dusseau, vous n'avez pas la parole !
M. René-Georges Laurin. Vous n'allez tout de même pas défendre la polygamie ! Une femme ? C'est une honte !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est de l'inconscience !
M. le président. Monsieur Laurin,...
M. René-Georges Laurin. Je m'insurge ! Qu'on puisse être pour la polygamie...
Mme Joëlle Dusseau. Je vous interdis de dire une chose pareille ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Madame Dusseau, monsieur Laurin, si vous avez des problèmes à régler, allez les régler dehors ! (Brouhaha.)
Par amendement n° 123, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 44 :
« Sauf si leur présence constitue une menace grave pour l'ordre public, les étrangers visés à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 bénéficient de plein droit d'une carte de séjour temporaire. »
La parole est à M. Allouche. (Le brouhaha persiste.)
Mes chers collègues, je vous en prie ! Pour l'instant, seul M. Allouche a la parole, et je vous demande de l'écouter dans le calme.
M. Guy Allouche. La classe est dissipée, monsieur le président !
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes très calmes !
M. René-Georges Laurin. Nous sommes calmes, mais indignés !
M. Guy Allouche. Monsieur le président, mes chers collègues, avant d'aborder cet amendement n° 123, je pense qu'il serait utile que chacun de nous prenne connaissance de la presse de ce matin, qui fait état du rapport de l'Institut national d'études démographiques : cela nous éviterait d'employer des clichés erronés et chacun aurait une idée plus juste de la réalité de la population qui vit sur notre territoire.
Avec l'amendement n° 123, nous proposons une mesure de bon sens, que j'évoquais il y a un instant : nous souhaitons accorder un titre de séjour à tous ceux qui ne sont pas expulsables et qui sont sur le territoire depuis une quinzaine d'années.
Nous souhaitons que, sauf si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public, tout étranger visé à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 bénéficie de plein droit d'une carte de séjour temporaire.
La nouvelle rédaction de l'article 4 que nous proposons comporte deux modifications par rapport au texte initial. L'une, l'addition du mot « grave », est, techniquement, de pure cohérence législative, mais elle est politiquement importante et fera donc l'objet d'un amendement distinct. (Le brouhaha ne cessant pas, M. Allouche interrompt son discours.)
M. Jacques Mahéas. Oui, arrêtez-vous, mon cher collègue, ils n'écoutent pas !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Allouche, je vous prie !
M. Guy Allouche. Sur le fond, monsieur le ministre, la raison initiale qui vous a poussé à mettre cette loi en chantier est le fait que la loi Pasqua de 1993 a introduit dans notre droit la dangereuse notion de « personnes étrangères non expulsables », car l'ordonnance de 1945 a défini des exigences humaines sur lesquelles nul ne veut revenir, et « non régularisables », car la loi de 1993 soumettait leur régularisation à des exigences qui ne sont pas toujours compatibles avec la réalité empirique des situations concrètes.
Votre objectif était de limiter ou, mieux, de supprimer cette zone de non-droit et d'insécurité juridique.
Telle qu'il est rédigé, votre projet va multiplier les cas de personnes non régularisables non expulsables, à qui l'on interdira de chercher un emploi et de s'installer de manière à pouvoir être régularisées. Ce sont ces « irréguliers contraints » qui peuvent être poussés à des comportements extrêmes pour survivre !
Mes chers collègues, certains membres du groupe de l'Union centriste ont également déposé un amendement en ce sens. Il serait juste, il serait généreux, il serait humainement souhaitable que la Haute Assemblée prenne en compte la situation des intéressés - ils ne sont pas très nombreux - et que nous appliquions ensemble une mesure de bon sens afin que ces personnes qui, de toute façon, ne pourront pas repartir puissent avoir une carte de séjour temporaire qui leur permette de vivre normalement et d'élever dignement leurs enfants.
M. le président. Par amendement n° 3 rectifié, MM. Diligent, Amoudry, Arnaud, Arzel, Badré, Ballayer, Barraux, Baudot, Bécot, Belot, Bernadaux, Bernardet, Blaizot, Blin, Mme Bocandé, MM. Bohl, Cantegrit, Cluzel, Daunay, Deneux, Dessaigne, Dulait, Egu, Fauchon, Faure, Franchis, Genton, Grignon, Henry, Herment, Huchon, Huriet, Hyest, Lagourgue, Lambert, Le Breton, Le Jeune, Lesbros, Lorrain, Machet, Madelain, Malécot, Marquès, Mathieu, Louis Mercier, Millaud, Poirier, Pourchet, Richert, Guy Robert, Rocca Serra, Vecten et de Villepin proposent de rédiger comme suit l'article 4 :
« Les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, les étrangers visés à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 bénéficient de plein droit d'une carte de séjour temporaire. »
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour revenir sur les propos tenus par Mme Dusseau. Certaines formes d'antiracisme font quelquefois, en effet, le jeu des racistes... et je ne mets pas en cause Mme Dusseau elle-même, bien entendu.
J'ai ainsi eu plusieurs fois l'occasion d'aller devant les tribunaux. La dernière fois, j'y ai été cité comme témoin parce que le président de mon office d'HLM avait pris la responsabilité de couvrir un chef d'agence qui avait refusé, pendant un certain temps, l'installation dans son îlot de personnes provenant d'un certain pays d'Afrique. Horreur ! La Ligue des droits de l'homme a porté plainte, et j'ai été appelé comme témoin.
J'ai expliqué qu'il s'agissait d'un îlot peuplé avec des ménages polygames en provenance d'un pays d'Afrique noire - il existe peu de ménages polygames en Afrique du Nord - et que cette question revêtait une importance particulière dans certains HLM, où les ménages se partagent le nettoyage des paliers et des escaliers. Comme c'est généralement à la femme que l'on demande d'accomplir cette tâche, s'il y a polygamie, on ne sait plus à quelle femme s'adresser ! (Sourires.)
J'ai donc expliqué que la décision du chef d'agence s'inscrivait dans une politique antiraciste, pour une raison extrêmement simple : il faut avant tout éviter les ghettos. J'avais d'ailleurs pris soin d'apporter à la barre un article de M. Harlem Désir - qui ne peut être suspecté à cet égard - intitulé : « Evitons les ghettos ».
Certaines formes d'antiracisme - et je pourrais citer nombre d'exemples - font le jeu du Front national, parce qu'elles s'exercent de manière maladroite.
M. Alain Gournac. Très bien ! Il a raison !
M. André Diligent. Mais j'en viens à l'amendement n° 3 rectifié.
Je ne suis pas d'accord avec M. Bonnet... mais je m'aperçois qu'il n'est pas là, et j'ai horreur de parler des absents, surtout s'il s'agit de M. Bonnet...
Mme Monique ben Guiga. Nous lui répéterons vos propos !
M. le président. Attention, votre temps s'écoule, monsieur Diligent !
M. André Diligent. Mais il est vrai que, maintenant qu'il n'est plus ministre de l'intérieur, il m'intéresse moins ! (Sourires.)
Je vous vois sourire, mes chers collègues, et cela me donne l'occasion de regretter une nouvelle fois que la langue française n'ait jamais mis en usage le point d'ironie : il y a le point d'interrogation, le point d'exclamation, les points de suspension... mais pas le point d'ironie, grâce auquel on peut dire littéralement le contraire de ce que l'on pense en étant sûr que le lecteur rétablira de lui-même. J'ai ainsi parfois pu lire sous mon nom, dans le Journal officiel - mais sans point d'ironie, hélas ! - des propos que j'avais bien tenus mais qu'il fallait interpréter de manière opposée.
Cette parenthèse refermée, je dirai que les difficultés - parfois légitimes, parfois exagérées - que l'on rencontre pour faire aboutir un dossier de régularisation transforment cette procédure en grand obstacle à affronter. Il ne s'agit donc pas d'un appel d'air ! Je le dis en toute simplicité, parce que j'ai des dizaines de dossiers sur mon bureau.
M. Badinter a cité à cet égard le rapport de M. Mazeaud. Pour ma part, je me référerai à celui de M. Masson, qui est plus important pour moi que celui de M. Mazeaud, malgré l'estime que je porte à ce dernier, surtout quand il ne dit pas du mal du Sénat. (Sourires.)
M. Alain Gournac. Lui, ce sont les virgules ! (Nouveaux sourires.)
M. André Diligent. Qu'écrit M. Masson ? « Pour autant, les auteurs du projet de loi n'ont pas souhaité mettre en totale cohérence la liste des bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour temporaire avec celle des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement, solution qui - comme l'a relevé le président Pierre Mazeaud - aurait pu avoir le mérite de la logique et aurait singulièrement simplifié la législation dans ce domaine. »
Quel soulagement, et quelle économie, d'ailleurs ! C'est la raison pour laquelle, pour une simple question de bon sens, je soutiens fermement l'amendement que je vous présente.
Il ne s'agit pas pour moi d'être désagréable envers M. le ministre - nous sommes ici en dehors des clivages majorité-minorité - mais de considérer que, comme on l'a dit dans cette enceinte hier et avant-hier, on peut avoir, au sein d'un même camp, des idées différentes. C'est d'ailleurs la gloire du parlementaire que de pouvoir, de temps en temps et sans franchir le Rubicon, s'exprimer même si l'on est en désaccord avec certains de ses amis. Voilà qui fait la beauté de la République et de la démocratie ! (Mme ben Guiga applaudit.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! Vous êtes courageux !
M. André Diligent. Si cet amendement vise à doter tout étranger non expulsable d'une carte de séjour, c'est tout simplement parce que j'ai constaté que la lui refuser, c'est le vouer au travail clandestin, sauf à en faire un miséreux ou à l'inciter à la délinquance et au trafic, parfois, pour nourrir sa famille.
Mme Monique ben Guiga. Exactement !
M. André Diligent. Le titre de séjour est un droit que je considère supérieur à tout le reste : c'est le droit d'Antigone.
C'est la raison pour laquelle cette question n'est pas simplement une question de coeur, mais également une question de bon sens.
En des temps anciens, dans certaines îles asiatiques, on ne tuait pas immédiatement les condamnés à mort ; on les abandonnait sur un îlot rocheux.
Toutes proportions gardées, monsieur le ministre, car je ne vous prends pas pour un bourreau (Sourires), en l'espèce, on fait un peu la même chose : on laisse les gens dans une situation dont ils ne peuvent sortir en restant dans la légalité. On les pousse, sinon au crime, du moins à la misère, à la délinquance.
Refuser cet amendement, dans la situation actuelle, ce serait donc accepter d'être un fauteur de troubles civils.
Je ne sais si je vous ai convaincu, monsieur le ministre, mais il serait intéressant que vous puissiez dire que vous l'avez été après un débat de haut niveau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, j'ai été nommément mise en cause et je souhaite répondre.
M. le président. Non, madame, pas maintenant. Si c'est pour un fait personnel, vous pourrez avoir la parole en fin de séance.
Mme Joëlle Dusseau. Deux minutes, monsieur le président.
M. le président. Non, madame.
M. André Diligent. Je vous ai mise en cause, madame ? J'ai simplement exprimé l'admiration que j'ai pour vous. (Exclamations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. Oh ! une aventure ! (Sourires.)
M. André Diligent. Une admiration purement intellectuelle, mes chers collègues. Il n'est plus question, là, ni de monogamie ni de polygamie. (Nouveaux sourires.) C'est sur le plan purement platonique que j'avouais mon admiration pour Mme Dusseau, à qui il arrive de faire des observations très intelligentes.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président... (Protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Madame Dusseau, non !
Mme Joëlle Dusseau. On a dit que je faisais le lit du racisme !
M. le président. Madame Dusseau, non !
Par amendement n° 124, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : « constitue une menace », d'insérer le mot : « grave ».
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Qui, parmi nous, pourrait tolérer que des personnes étrangères en situation irrégulière sèment le trouble sur notre territoire ?
Il convient cependant de rappeler que la réserve de l'ordre public - que le barreau de Paris, que les magistrats interprètent comme une mesure très floue, très imprécise - a été introduite dans la loi du 9 septembre 1986.
M. Jean-Jacques Hyest. Elle date de 1984 !
M. Guy Allouche. La réserve de l'ordre public a été prévue par la loi du 9 septembre 1986, monsieur Hyest. Elle a été supprimée par la loi du 2 août 1989 et elle a été rétablie par la loi du 24 août 1993. C'est le signe que, derrière cette notion volontairement floue, se cache quelque chose.
J'en veux pour preuve ce qui s'est passé, hier encore, lorsque quelques femmes sans papiers ont manifesté, comme elles le font depuis quelques jours. Ces femmes ont été arrêtées.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Guy Allouche. Elles ont été conduites au commissariat de police.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Guy Allouche. Au bout de quelques heures, elles ont été relâchées.
Chaque jour, elles continueront de manifester, elles seront arrêtées...
M. Alain Gournac. C'est normal !
M. Guy Allouche. ... et elles seront relâchées parce qu'on ne peut pas les expulser.
Mais ce qui est à craindre, c'est qu'à force de manifestations répétées le Gouvernement ne dise qu'elles menacent l'ordre public...
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Guy Allouche. ... et qu'elles ne soient expulsées.
Mes chers collègues, l'expression « menace pour l'ordre public » est trop floue. Voilà pourquoi nous proposons d'ajouter que cette menace doit être « grave », ce terme visant des choses bien précises. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 170, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « la carte de séjour temporaire » par les mots : « la carte de résident ».
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. L'affaire des sans-papiers a confirmé pour le moins l'incohérence et l'absurdité des lois Pasqua.
Depuis 1993, de nombreux étrangers qui ont vocation à vivre en France en raison soit de leurs attaches familiales, soit de l'ancienneté de leur séjour, n'ont pu obtenir un titre de séjour alors même qu'ils étaient protégés contre les mesures d'éloignement du territoire.
Depuis 1993, des étrangers entrés en France à l'âge de sept, neuf ou dix ans, qui ont suivi la quasi-totalité de leur scolarité dans notre pays, se retrouvent, à leur majorité, privés de tout droit à un titre de séjour et sont priés de rentrer dans leur pays d'origine, où ils n'ont bien souvent plus aucune attache familiale.
Ainsi les lois Pasqua ont-elles créé des situations non seulement absurdes mais inhumaines et, par conséquent, inacceptables.
Avec le présent projet de loi, on prétend remédier à cette situation, en accordant un titre de séjour d'un an aux catégories d'étrangers protégés légalement contre les reconduites à la frontière en raison des liens particuliers qui les unissent à la France.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de mettre sérieusement en doute la volonté du Gouvernement de remédier à ces situations. En effet, la solution contenue dans le présent projet, qui consiste à accorder un titre de séjour d'un an à des parents d'enfants français ou à des conjoints de Français, titre non renouvelable de plein droit et qui n'autorise pas automatiquement l'étranger à travailler, institutionnalise la précarité. Ce n'est ni sérieux ni acceptable.
Comment le Gouvernement ose-t-il, dès lors, parler d'intégration des personnes d'origine étrangère ?
Notre amendement tend à revenir à la situation antérieure aux lois Pasqua, en accordant une carte de résident valable dix ans aux étrangers qui ont vocation à vivre en France.
C'est la seule solution qui soit à la fois sérieuse, responsable et respectueuse des personnes concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. Par amendement n° 125, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas,Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
« 2° A l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans. »
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Cet amendement tend à supprimer le membre de phrase qui ajoute à la condition de résidence habituelle en France depuis l'âge de dix ans l'obligation de justifier l'impossibilité dans laquelle on est de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine pour obtenir une carte de séjour temporaire quand on atteint l'âge de dix-huit ans et qu'on est entré en France hors regroupement familial.
Cette obligation, ajoutée à la condition d'âge, ne peut, en réalité, être satisfaite. Il s'agit, en effet, de prouver quelque chose de négatif : il faut prouver que l'on ne pourra pas mener une vie familiale normale dans son pays d'origine.
Qu'entend-on par vie familiale normale ? Va-t-on user de l'argument que les familles africaines sont beaucoup plus étendues que les nôtres pour dire que, après tout, avoir un oncle ou une grand-mère en Afrique suffit pour mener une vie familiale normale ?
Avoir trois frères en France et un qui est resté au pays, cela permet-il de mener une vie familiale en France plutôt qu'au pays ou le contraire ? C'est une notion subjective et susceptible de toutes sortes d'interprétations, les unes favorables, les autres défavorables.
La condition d'âge est déjà rigoureuse. Il n'est pas bon d'en ajouter une autre.
En fait, ces jeunes qui atteignent l'âge de dix-huit ans en France et qui sont entrés hors regroupement familial seront lourdement pénalisés pour une faute commise non pas par eux mais par leurs parents. En droit moderne, c'est tout de même difficile à admettre : le fils est pénalisé pour la faute de son père !
Voyons maintenant la situation de ces milliers de jeunes telle qu'elle est décrite par les différentes associations qui s'occupent d'eux.
A dix-huit ans, ils deviennent expulsables, après avoir été scolarisés en France, après avoir été imprégnés des moeurs et de la mentalité française, et alors que, dans leur pays d'origine - je peux en témoigner - ils sont considérés comme des étrangers et traités de « Français » de façon plutôt péjorative.
En tant que professeur enseignant dans un pays étranger, j'ai eu à connaître des suicides des jeunes rentrés dans leur pays d'origine dans de telles conditions. Je ne dis pas cela pour émouvoir à bon compte ; je connaissais la jeune fille qui s'est suicidée, je l'avais eue comme élève. Tout simplement, elle ne s'était pas réadaptée, car c'était impossible après avoir passé dix ans en France !
A dix-huit ans, donc, si ces jeunes ne veulent pas se séparer de leur famille et de leurs amis, ils n'ont qu'une solution : plonger dans la clandestinité, ce qui signifie, M. Diligent l'a dit, devenir travailleurs clandestins, voire, dans certains cas, délinquants.
Les plus favorisés sont les lycéens, parce qu'ils sont protégés par leurs enseignants et leurs condisciples.
Vous semblez ignorer complètement la grande solidarité de la jeunesse, messieurs. Les jeunes ne se préoccupent pas de savoir qui a telle ou telle carte. Ils ont des condisciples qu'ils aiment, dont ils sont solidaires et qu'ils sont prêts à aider. Instinctivement, ils soutiennent leurs copains qui entrent en clandestinité, et les enseignants suivent, évidemment, parce qu'ils aiment leurs élèves et qu'ils ne se préoccupent pas de savoir si ces derniers se trouvent en situation régulière ou irrégulière sur le territoire national.
Il faut bien voir que, si la procédure de regroupement familial n'a pas été respectée, c'est parce qu'elle est beaucoup trop restrictive. Voici les chiffres de ces dernières années publiés par l'OMI : en 1993, 32 140 personnes ont fait l'objet de regroupements familiaux ; en 1994, elles étaient 20 646, soit 35,8 p. 100 de moins et, en 1995, 14 360, soit 30 p. 100 de moins. Au total, on constate donc une baisse de plus de la moitié en trois ans.
Croyez-moi, des jeunes de dix-huit ans entrés avant ou après l'âge de dix ans hors regroupement familial, il y en aura encore plus dans les années qui viennent, et nous n'aurons rien résolu avec le présent texte !
M. le président. Par amendement n° 15, M. Masson, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« 2° A l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans, ou bien depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans lorsque l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine est établie ; ».
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements, présentés par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le sous-amendement n° 212 tend :
I. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 15 pour les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à remplacer les mots : « six ans » par les mots : « dix ans » ;
II. - A la fin du texte proposé par l'amendement n° 15 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à supprimer les mots : « ou bien qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans lorsque l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine est établie ».
Le sous-amendement n° 213 a pour objet :
I. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 15 pour les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « six ans » par les mots : « dix ans ».
II. - En conséquence, dans ce même alinéa, de remplacer les mots : « dix ans » par les mots : « treize ans ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Paul Masson, rapporteur. Cet amendement a pour objet de proposer une nouvelle rédaction du troisième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Cet article, je le rappelle, concerne l'étranger mineur ayant une résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans - c'est le texte en vigueur - et celui qui réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans.
Il s'agit d'arriver, pour ce dernier, à obtenir la délivrance d'une carte de séjour. Pour cela, il faut qu'il apporte la preuve de son « impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine » - c'est le texte du projet de loi.
Nous atténuons la charge de la preuve qui pèse sur l'intéressé, car, dans la rédaction initiale du Gouvernement, cette preuve semblait difficile à apporter. Ce faisant, nous facilitons l'accès à la carte de séjour.
Cet amendement me paraît ainsi répondre, en partie, aux objections qui ont été formulées lors de la présentation de l'amendement précédent.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre les sous-amendements n°s 212 et 213.
M. Robert Pagès. Le sous-amendement n° 212 vise à accorder de plein droit un titre de séjour aux étrangers résidant en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de dix ans, et non celui de six ans.
La rédaction actuelle de l'article 4 ne prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger entré en France après l'âge de six ans et avant l'âge de dix ans qu'à la condition qu'il fasse la preuve de son impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine.
Cette restriction ne nous semble guère souhaitable : d'une part, comme M. le rapporteur, Paul Masson, le note, la preuve de cette impossibilité pourra, dans bien des cas, être difficile à établir, d'autre part, elle sera sujette à des interprétations plus ou moins restrictives.
Qu'est-ce, en effet, qu'une vie familiale effective ? Faudra-t-il que l'ensemble des membres de la famille du jeune homme ou de la jeune fille soit en France, la mère et le père ainsi que les frères et soeurs ? Ou seule la présence du père, par exemple, suffira-t-elle ?
Comment évaluer justement chaque situation sans s'immiscer dans la vie privée de chaque famille ?
Non, cette restriction comporte une trop grande part d'arbitraire.
Mais surtout, un jeune en France depuis l'âge de sept ans, huit ans et même dix ans, qui a effectué la quasi-totalité, voire toute sa scolarité dans notre pays doit pouvoir demeurer, s'il le souhaite, sur le sol français à sa majorité.
On ne peut prôner l'intégration et laisser des jeunes dans l'insécurité et l'indétermination quant à leur avenir.
Quant au sous-amendement n° 213, il vise à accorder un titre de séjour à l'étranger qui a sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans s'il est dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine.
La situation actuelle, discriminatoire et restrictive, qui a eu pour effet d'accroître considérablement le nombre de personnes et de familles migrantes privées de toute existence légale et réduites à vivre dans l'angoisse permanente du lendemain, ne peut plus durer.
Cette politique prive ces personnes, et particulièrement les plus jeunes d'entre elles, d'un droit fondamental qui est celui de pouvoir vivre en famille. Nous débattions voilà quelques semaines de la journée nationale des droits de l'enfant ; nous sommes, là, au coeur même du sujet.
Comment est-il possible de parler d'intégration quand on précarise administrativement les enfants en leur déniant le droit de vivre sans la crainte épouvantable d'être expulsés ?
Il est absolument nécessaire de revenir complètement sur la suppression de la délivrance de plein droit de la carte de résident aux enfants entrés en France avant l'âge de dix ans.
Or le texte se contente d'entrouvir une porte pour les jeunes entre six et dix ans qui pourront prétendre à une carte de séjour temporaire à leur majorité s'ils justifient être dans l'impossibilité de poursuivre toute vie familiale dans leur pays d'origine.
Face aux difficultés prévisibles du renvoi des jeunes majeurs qui auront vécu, pour certains, pendant douze ans en France, le Gouvernement se contente de reprendre l'un des critères posés par la jurisprudence pour apprécier les atteintes au droit de mener une vie familiale normale, au sens de l'article 8 de la convention des droits de l'homme.
En effet, si la présente disposition est présentée comme une amélioration pour l'avenir, elle est, en fait, une régression pour les cinq prochaines années. Tous les jeunes concernés qui vont avoir dix-huit ans d'ici au 24 août 2001 n'auront pas la carte de résident à laquelle ils peuvent prétendre encore aujourd'hui. Ils devront remplir des conditions plus strictes pour obtenir, à la place, un titre de séjour d'un an, dont le renouvellement sera chaque année soumis aux mêmes conditions. Il est donc plus que probable que cela créera de nouveaux sans-papiers.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter notre sous-amendement n° 213.
M. le président. Mes chers collègues, pour la clarté du débat, nous allons nous prononcer tout de suite sur les sous-amendements n°s 212 et 213.
Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements ?
M. Paul Masson, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable : ces deux sous-amendements remettent en cause les principes de la loi de 1993.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 212, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 213, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 172, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
« I. - Dans le troisième alinéa (2e) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : "six ans" par les mots : "dix ans". »
« II. - En conséquence, dans ce même alinéa, de remplacer les mots : "dix ans" par les mots : "treize ans". »
Par amendement n° 173, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de rétablir le quatrième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans la rédaction suivante :
« 3° A l'étranger non polygame qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; »
Monsieur Pagès, ces deux amendements me semblent ne plus avoir d'objet...
M. Robert Pagès. En effet, monsieur le président, ces deux amendements n'ont plus d'objet.
Je regrette toutefois que les sous-amendements n°s 212 et 213 n'aient pas suscité plus de réflexion, car nous touchons là à de la matière vivante : ils concernent, en particulier, des jeunes qui ne peuvent pas porter sur eux les fautes éventuelles de leurs parents.
J'ai toute ma vie été enseignant, comme quelques-uns ici ; nous savons que les enfants et les jeunes ont une grande sensibilité, presque exacerbée. Il est très difficile de vivre dans un pays lorsqu'on n'est pas dans une situation de régularité. Les enfants, les jeunes, sentent très bien cette discrimination. Ils éprouvent une véritable angoisse et celle-ci, vous le savez, chez les enfants et les jeunes, s'exprime souvent par de la violence, parce qu'ils ne disposent pas d'autres moyens pour se faire entendre.
Selon moi, votre refus obstiné montre que vous n'avez pas la réelle volonté de favoriser l'intégration de ces jeunes qui constitueront un jour, même si vous ne le voulez pas, un socle de notre population, comme nous, qui sommes sans doute ici nombreux à être issus de ces personnes venues d'ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. Les amendements n°s 212 et 213 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 4 rectifié, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de rétablir le quatrième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans la rédaction suivante ;
« 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de quinze ans ; ».
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Dans l'esprit de l'amendement n° 3 rectifié de M. Diligent, il ne me paraît pas souhaitable de créer des situations dans lesquelles des étrangers ne sont pas expulsables, mais sont régularisables. Tout d'abord, refuser de régulariser les étrangers qui sont en France depuis plus de quinze ans sous prétexte que la situation va perdurer revient en quelque sorte à dire que les règles que nous voulons fixer pour assurer un meilleur contrôle de l'immigration ne sont pas plus efficaces que celles qui étaient en vigueur.
Mme Monique ben Guiga. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Si l'on croit à l'efficacité de la politique menée grâce à un certain nombre de mesures, ce type de situations ne devrait plus exister.
Nous connaissons tous des étrangers qui ont suivi des études en France pendant un certain nombre d'années, qui sont repartis six mois dans un autre pays puis qui sont revenus en France, où ils résident depuis quinze ans. Ils ne sont pas clandestins ; tout le monde connaît leur situation. On a d'ailleurs considéré que, dans la mesure où ils sont restés quinze ans, ils sont devenus inexpulsables. Des jeunes peuvent être nés en France, puis partis dans un autre pays, quelquefois avant d'avoir atteint l'âge de la majorité, pour suivre leur conjoint. Plus tard, ils reviennent en France et ils se voient refuser leurs droits. La résolution de tous ces cas, qui sont fort peu nombreux, me paraît légitime.
C'est pourquoi, sous la réserve qu'il n'existe aucune menace pour l'ordre public, nous proposons cet amendement. Mais il ne faut jamais oublier que la réserve de la menace pour l'ordre public s'applique toujours, non pas depuis les lois de 1986, comme l'a dit tout à l'heure un de nos collègues, mais depuis les lois de 1984 sur l'attribution des cartes temporaires comme des cartes de résident. Cette notion est bien connue en droit administratif et n'est pas si floue que cela, contrairement à ce qui a été dit. Ne pas être une menace pour l'ordre public est la condition d'obtention d'une carte de séjour temporaire comme d'une carte de résident. Cela a toujours été inclus dans les principes généraux pour l'attribution de ces cartes.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 16, M. Masson, au nom de la commission, propose de rétablir dans la rédaction suivante le quatrième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Cet amendement n° 16 a le même objet que celui que vient de défendre M. Hyest voilà quelques instants. Membre de la commission des lois, peut-être acceptera-t-il tout à l'heure de le retirer.
Nous touchons là à l'un des points essentiels de notre discussion. Je ne rappelle pas le contexte, chacun le connaît. Il y a en France une sorte de difficulté juridique qui conduit, d'une part, à constater que des situations irrégulières ne peuvent pas être régularisées de par la loi et d'autre part, que les personnes dans ces situations irrégulières sont protégées par l'article 25 de l'ordonnance de 1945 et ne peuvent pas être expulsées ou reconduites à la frontière.
Plusieurs catégories d'étrangers se trouvent dans cette situation, mais, parmi toutes ces catégories que nous allons retrouver ou que nous avons déjà évoquées au fil des amendements, il en est une qui est particulièrement sensible aux uns et aux autres mais je me garderai de classer à cet égard les bons d'un côté et les mauvais de l'autre.
Je comprends très bien, et ce à plusieurs titres, mes chers collègues, qu'on puisse dire que la régularisation d'étrangers en situation irrégulière vivant depuis quinze ans sur le territoire national est une erreur. On peut le dire parce que c'est une prime à l'irrégularité. On peut le dire parce que cette régularisation va prendre pour l'opinion publique une connotation qu'elle n'a pas. On peut le dire parce que l'exemple que l'on donne va encourager d'autres étrangers à agir de même.
A l'inverse cependant, on peut soutenir avec autant de force et de conviction, et sans pour autant devoir être classés dans les rangs des laxistes ou des résignés, que ces étrangers établis depuis quinze ans en France sont des personnes qui ont vécu parmi nous volontairement, qui n'ont pas toujours été en situation irrégulière, qui ont été étudiants ou qui ont eu des titres de séjour, et qui, pour des raisons ou d'autres, valables ou non valables, ne les ont pas fait renouveler ou ont cru avoir une meilleure situation en n'ayant pas de titres de séjour. N'allons pas, à cet égard, sonder les reins et les coeurs : il y a mille raisons ! Elles ne sont pas toutes honnêtes.
Mais le fait est là : elles ont vécu parmi nous, et les voisins, les amis, français ou étrangers, eux en situation régulière, les fréquentent. On dit même qu'ils ont parfois payé des impôts locaux...
Faut-il appliquer à ces personnes l'intransigeance et la rigueur de la loi ? Personnellement, je pense le contraire, et c'est l'objet de cet amendement qui a été, vous l'imaginez, longuement débattu en commission des lois et qui a suscité des objections aussi valables les unes que les autres.
Du point de vue des principes juridiques, il ne me paraît pas sain de conserver au coeur de la cité des gens dont tout le monde sait qu'ils sont en situation irrégulière, mais que l'on voit tous les jours. On se dit : de deux choses l'une : ou seul le Gouvernement ne sait pas, et ce gouvernement n'a pas l'efficacité qui serait souhaitable, ou le Gouvernement le sait, et il tolère cette irrégularité.
Je crois qu'il faut régulariser, qu'il faut le faire dans la clarté. Je pense, par ailleurs, qu'il vaut mieux, d'un point de vue strict de sécurité, savoir où sont les gens, avoir pour chacun d'eux une position juridique, savoir ce qu'ils font, à quel titre ils sont là, plutôt que de tolérer ce flou artistique, qui est un peu hypocrite et conduit, précisément, à toutes les erreurs.
On m'objectera que c'est vrai pour l'instant, mais que, chaque année, d'autres personnes auront résidé en France depuis plus de quinze ans, et que ce sera à l'infini.
Je réponds, mes chers collègues, que, depuis 1993, nous avons pris un certain nombre de dispositions qui portent leurs fruits et qui doivent - surtout si nous adoptons les propositions que le Gouvernement nous fait en ce moment - porter demain davantage encore de fruits.
Si nous nous estimons battus d'avance, si nous considérons que rien n'est possible, parce qu'il y en aura autant demain qu'aujourd'hui, et après-demain autant que demain, ce n'est pas la peine de dire que nous serons plus efficaces que ceux qui nous ont précédés.
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. Paul Masson, rapporteur. Je pense qu'il faut faire à cet égard confiance au Gouvernement et aux administrations qui, derrière le Gouvernement, agissent pour que les lois soient respectées.
Mes chers collègues - et j'en aurai terminé sur ce point à ce moment du débat - il me paraît objectivement sain et raisonnable de faire droit à cet amendement n° 16, c'est-à-dire de régulariser ceux qui se trouvent en France depuis plus de quinze ans, étant entendu, je le répète, qu'il ne s'agit pas de clandestins ; il s'agit simplement de personnes qui ne sont pas couvertes par notre droit, puisque les dispositions en vigueur ne permettent ni de les régulariser ni de les expulser.
M. le président. Par amendement n° 126, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rétablir le quatrième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans la rédaction suivante :
« 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie en France et qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Chacun aura constaté que notre amendement est semblable à ceux qui ont été présentés par M. Hyest et par M. le rapporteur.
Tout à l'heure, nous disions que le Sénat ferait preuve de bon sens s'il mettait un terme à cette situation absurde, injuste et même stupide.
Par conséquent, M. Hyest ne m'en voudra pas si je lui dis que je fais mienne l'argumentation qu'il a développée en défendant l'amendement n° 4 rectifié. M. le rapporteur ne m'en voudra pas non plus si je lui dis que je peux également faire mienne une large part des propos qu'il vient de tenir.
Si, sur ce point précis, nous pouvons nous retrouver - nous souhaitons, en effet, que soient régularisés ceux qui se trouvent effectivement sur notre territoire depuis quinze ans, dans des conditions que vient de rappeler M. le rapporteur - je crois que nous aurons fait oeuvre utile.
M. le président. Par amendement n° 173, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rétablir le quatrième alinéa (3°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans la rédaction suivante :
« 3° A l'étranger non polygame qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; »
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à accorder un titre de séjour aux étrangers résidant en France depuis plus de quinze ans.
Il s'agit en effet de revenir sur une disposition particulièrement choquante introduite par Mme Suzanne Sauvaigo et votée par la majorité de l'Assemblée nationale, disposition qui prive du bénéfice d'une carte de séjour d'un an les étrangers résidant en France depuis plus de quinze ans et aujourd'hui en situation irrégulière.
Selon les auteurs de cette modification, une telle mesure reviendrait à accorder « une prime à l'immigration clandestine ».
Permettez-moi de dire que cet argument relève plus de la mauvaise foi que de la volonté de régler de manière équitable et humaine des situations difficiles. En effet, si ces étrangers sont actuellement sans papiers, c'est bien, dans ce cas précis, le résultat de l'application des lois Pasqua.
En effet, la multiplication des conditions préalables à l'obtention ou au renouvellement des titres de séjour a fait basculer dans l'irrégularité nombre d'étrangers installés en France depuis bien des années et parfaitement intégrés à notre pays.
M. Josselin de Rohan. Quinze ans, madame, c'est 1982. Laissez M. Pasqua tranquille !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Le groupe communiste républicain et citoyen tient à marquer sa solidarité avec ces personnes qui, en France depuis plus de quinze ans, ont travaillé, souvent fondé une famille et ainsi jeté les bases d'une nouvelle existence sur notre sol.
Il serait inhumain de remettre en cause la vie de ces familles qui, après des années passées en France, ont perdu une grande partie de leurs attaches dans leur pays d'origine.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez balayer ce passé d'un revers de la main, et ce d'autant moins que le fameux argument de l'immigration clandestine, brandi à tout propos par certains membres de la majorité, n'a rien à voir avec le cas de ces personnes.
Vous savez par ailleurs, monsieur le ministre, que les étrangers dans cette situation, donc concernés par cette régularisation, sont peu nombreux : ils sont moins d'une cinquantaine par an.
Quant au prétendu « appel d'air » que cette régularisation entraînerait, permettez-moi d'émettre de sérieux doutes.
Quel étranger croyez-vous attirer avec pour seule perspective quinze ans de vie clandestine, quinze ans d'humiliation, de précarité, de petits boulots, quinze ans de misère dans la crainte continuelle du contrôle policier et cela dans l'espoir fort hypothétique d'obtenir finalement un titre de séjour d'un an ! Ce n'est pas sérieux !
Aussi, que la commission des lois propose à la Haute Assemblée de revenir sur cette disposition adoptée par l'Assemblée nationale nous paraît la moindre des choses, et nous nous en félicitons.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 127, présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 :
« 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie en France, dont le conjoint est de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire soit régulière et que la communauté de vie soit effective et lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; »
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Par cet amendement, notre groupe propose de supprimer la condition de durée du mariage pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire d'un an au conjoint étranger. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Bien sûr, nous connaissons tous l'existence des mariages blancs !
M. Josselin de Rohan. Il y en a beaucoup trop !
Mme Monique ben Guiga. Je sais, en tant que sénateur des Français de l'étranger, que des filières existent, à partir de la Turquie et du Maroc.
M. Josselin de Rohan. Ah bon ? Vraiment ?
Mme Monique ben Guiga. Je connais mieux ces situations-là que vous. Je sais que cela existe. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Rufin. On n'a jamais dit le contraire !
Mme Monique ben Guiga. Mais dès lors que l'on fait croire que toutes les Françaises et tous les Français qui épousent des étrangers sont des complices d'étrangers qui veulent s'installer frauduleusement sur le sol français, on aboutit à créer des situations totalement absurdes. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Imaginez la situation que l'on a créée avec cette condition de durée du mariage d'un an avant la délivrance d'une carte temporaire, que l'Assemblée nationale voudrait même porter à deux ans.
Que se passe-t-il ?
Deux cas de figure se présentent : ou le conjoint étranger entré régulièrement en France doit s'y maintenir en situation irrégulière pendant un an pour se conformer à la condition de vie commune, ou le conjoint français doit s'expatrier pendant un an pour répondre à la même condition.
Quant à l'étranger marié, mais entré irrégulièrement, il doit retourner dans son pays pour y solliciter un visa de séjour. Alors, se présentent deux cas, comme me l'ont expliqué les fonctionnaires compétents du ministère des affaires étrangères. Soit le consulat est plutôt bienveillant, estime que le mariage est tout à fait sincère et il s'efforce de réduire les délais, si bien qu'en quelques mois l'étranger marié à un Français pourra revenir vivre en France avec son conjoint.
Soit, en dépit des instructions réitérés du ministre des affaires étrangères, le consulat refuse tout visa, sans en référer au service des étrangers en France, ce qui est pourtant prévu, au simple motif de l'entrée irrégulière en France antérieurement à cette demande.
En effet, si l'étranger est retourné dans son pays pour faire une demande de visa, c'est bien qu'il était entré irrégulièrement auparavant dans notre pays. Si, au motif de l'entrée irrégulière, on lui interdit définitivement toute possibilité de visa, il ne pourra jamais revenir en France pour se marier, même si, déjà, un ou deux enfants sont nés. Je connais des personnes dans cette situation.
Ce qui provoque le plus de situations irrégulières dramatiques pour des couples dits « mixtes » - mais, en principe, tous les couples sont mixtes ! - c'est l'impossibilité d'obtenir la transformation d'un titre de séjour d'étudiant en titre de séjour de conjoint.
Je vous livre à ce propos le cas de Mme A.,...
M. Alain Gournac. Et Mme B.,... ?
Mme Monique ben Guiga. ... étudiante préparant une thèse. Elle se marie, et trois naissances rapprochées l'empêchent de poursuivre ses études. Elle perd son statut d'étudiante. (Exclamations sur les travées du RPR.) Pour obtenir le statut de conjoint, il faut qu'elle rentre dans son pays. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mais enfin, messieurs, on a le droit d'avoir trois naissances rapprochées ! On peut ne pas être très douée pour le contrôle des naissances ! C'est arrivé à d'autres, et ce n'est pas scandaleux !
M. Michel Ruffin. Rien que des cas particuliers !
Mme Monique ben Guiga. Pour obtenir son titre de séjour, elle doit donc rentrer dans son pays. Mais que faire des enfants pendant ce temps-là ? Comment organiser quatre ou cinq mois de séjour à l'étranger quand l'aîné des enfants est déjà scolarisé en France ? Que peut faire Mme A... ?
M. Alain Gournac. Qu'elle reparte chez elle !
Mme Monique ben Guiga. Cela fait trois ans qu'elle est irrégulièrement en France, depuis que son visa d'étudiante lui a été supprimé et qu'on n'a pas voulu lui délivrer un titre de séjour. (Protestations sur les travées du RPR.)
Ce sont des situations absurdes, qui rendent la vie impossible à des personnes de bonne foi, à d'honnêtes gens.
Les étrangers ne sont pas tous d'abominables personnages, qui ne visent qu'à troubler l'ordre public en France ! (Applaudissement sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Par amendement n° 174, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent, dans le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 de remplacer les mots : « au moins deux ans » par les mots : « au moins six mois ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'assemblée nationale a porté d'un an à deux ans la durée de mariage exigée pour obtenir une carte de résident, afin, prétendument, de prévenir les fraudes qui résultent des mariages de complaisance.
Cette mesure est complètement disproportionnée par rapport à l'importance de ces pratiques. De plus, on ne vise pas seulement les étrangers, on porte aussi atteinte aux libertés de tout Français qui aurait eu le malheur de choisir un conjoint étranger.
L'introduction du délai d'un an participait déjà du même fantasme : les immigrés seraient prêts à tous les subterfuges et tromperies pour acquérir un titre de séjour. Prolonger ce délai d'un an, c'est participer à la suspicion systématique à l'encontre de l'étranger et de ceux qui les fréquentent.
Déjà victimes de l'introduction du délai d'un an par les lois dites « Pasqua », les couples dont un des conjoints est de nationalité étrangère seraient dorénavant obligés de supporter un an supplémentaire de tracasseries administratives ou de clandestinité.
Il est évident que cette logique est contraire à une véritable application du droit de vivre en famille.
Notre amendement, lui, va à l'encontre de la logique de soupçon qui pèse sur ce qu'il est convenu d'appeler les « couples mixtes ».
Il met en cause les dispositions proposées par l'Assemblée nationale et il ne se contente pas de revenir à la législation précédente. En rester à celle-ci reviendrait à accepter ce qui est inacceptable tout en donnant l'impression de vouloir « adoucir » le texte et apparaître « modéré ».
Cette hypocrisie ne trompe personne. Ce n'est pas ainsi que l'on respecte le droit de vivre en couple, en famille !
Ainsi, les Français mariés à des étrangers qui vivent dans leurs pays d'origine doivent supporter, après avoir eu toutes les peines du monde à se faire rejoindre, parce que le visa indispensable sera, le plus souvent, refusé pour « risque migratoire majeur », un long délai supplémentaire. Les couples ont le « choix», soit de vivre dans le pays du conjoint étranger - à condition que ce pays veuille bien qu'un Français s'installe sur son territoire - mais pourquoi le voudrait-il si la France ne veut pas accueillir l'autre membre du couple ? - soit de vivre séparé et de ne pas pouvoir faire la preuve de leur vie commune, soit de vivre dans la clandestinité.
Vous le constatez, la mécanique discriminatoire est en place, que le délai soit d'un an, comme le prévoit la législation actuelle, ou qu'il soit prolongé, comme le propose l'Assemblée nationale. Elle pourrait être encore et encore aggravée, jusqu'à rendre quasiment impossible la vie en couple de milliers de personnes.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 5 rectifié est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent, dans le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à remplacer les mots : « deux ans » par les mots : « un an ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Paul Masson, rapporteur. La question est de savoir, lorsque l'un des conjoints est français et l'autre étranger, quelle durée de mariage est requise pour que le conjoint étranger puisse bénéficier de la carte de séjour temporaire.
Je constate que, pour des cas comparables, s'agissant du bénéfice de la carte de résident de dix ans, par exemple, les textes actuels prévoient une durée de mariage de un an.
Par ailleurs, la mesure de protection contre une décision d'éloignement concerne le conjoint marié à un Français depuis au moins un an.
Ainsi, dans la législation existante, la durée habituelle de référence en cette matière est de un an.
Très logiquement, le Gouvernement avait donc proposé, dans son projet de loi, pour le cas qui nous occupe, une durée de un an. L'Assemblée nationale a cru devoir porter ce délai à deux ans, ce qui est en dissonance avec d'autres dispositions de l'ordonnance de 1945, que je viens d'évoquer.
L'amendement n° 17 a simplement pour objet de ramener à un an la durée du mariage nécessaire à l'obtention par le conjoint étranger de la carte de séjour temporaire.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 5 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, le même souci de cohérence m'avait amené aux mêmes conclusions.
M. le président. Voilà un chef-d'oeuvre de brièveté ! (Sourires.)
Par amendement n° 175, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de supprimer les mots : « que son entrée sur le territoire français ait été régulière ».
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Cet amendement vise à permettre à l'ensemble des étrangers conjoints de Français d'obtenir un titre de séjour.
Dans l'état actuel du texte que nous présente le Gouvernement, ceux qui sont entrés en France sans visa ne pourront pas être régularisés. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous demander à quelle logique répond cette restriction. Vous allez maintenir dans la clandestinité des étrangers mariés à des Français qui, vous le savez bien, ne peuvent être reconduits à la frontière. Une telle mesure porte atteinte au droit fondammental de vivre en famille. Vous prétendez apporter des réponses aux situations inextricables engendrées par les lois Pasqua ; alors, pourquoi cette exception ?
En effet, quelle autre perspective auront ces conjoints de Français que celle d'une vie clandestine ? A moins, bien sûr - mais je n'ose le croire - que votre préférence n'aille à l'expatriation des Français mariés à des étrangers et de leurs enfants ?
Voyez à quoi vous conduit votre obsession anti-immigrés !
Ces étrangers conjoints de Français ne pourront pas travailler légalement en France. Vous êtes-vous demandé comment ils subviendront aux besoins de leur famille ? Songez donc aux conditions de vie que vous leur réservez !
Vous parlez de violence, mais c'est votre texte qui constitue, en lui-même, une véritable agression, source de réactions vives bien légitimes de la part des personnes concernées par ces mesures inhumaines.
Est-ce là votre interprétation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, qui garantit à chacun le droit à une vie familiale et privée ?
Cette restriction révèle à quel point le texte proposé par le Gouvernement fait peu de cas des situations vécues par les couples mixtes et ne vise en réalité qu'à pérenniser les situations de précarité et d'exclusion que subissent des étrangers en nombre croissant.
M. Alain Vasselle. Que faites-vous des mariages de complaisance ?
M. le président. Par amendement n° 128. MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
« 5° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, résidant en France, père ou mère d'un enfant français, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale ; »
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Cet amendement de repli tend à redéfinir les conditions d'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire au père ou à la mère d'un enfant français afin de supprimer la conditon d'âge de l'enfant, l'obligation de subvenir à ses besoins, car il ne peut pas en avoir les moyens, et, enfin, la reconnaissance postérieure à la naissance.
Le problème de l'irrégularité du séjour des parents d'enfants français et, donc, à ce titre, non expulsables, a été le détonateur du mouvement des sans-papiers.
En 1995 et en 1996, trois circulaires ont offert aux préfets des possibilités de régulariser ces parents inexpulsables. Les faits prouvent que la plupart d'entre eux n'ont pas voulu user de la faculté qui leur était donnée par ces circulaires. Il a fallu des grèves de la faim et des mouvements de solidarité pour que, dans tel ou tel département, il soit procédé à des régularisations dans des situations de ce type.
Le texte qui nous est proposé fait passer cette pratique de régularisation dans la loi, mais d'une façon restrictive.
D'abord, on ne donne qu'une carte de séjour temporaire.
A ce sujet, je tiens à signaler que, selon toutes les informations que nous recueillons, quand un étranger a droit à une carte de séjour temporaire, la tendance observée dans les préfectures est de ne lui remettre qu'un récépissé et, quand il a droit au renouvellement de sa carte de dix ans, la tendance est de ne lui délivrer qu'une carte de séjour d'un an. Or, chacun le sait, bien souvent, les étrangers ne peuvent véritablement défendre leurs droits.
Je m'inquiète donc de voir ce parent d'enfant français, qui est inexpulsable, qui vit en France depuis quelques années, n'avoir qu'une carte de séjour temporaire.
Admettons que les préfectures soient rigoureuses, appliquent ce qui leur est demandé et donnent trois cartes temporaires d'un an, avec le droit à l'emploi : on peut espérer que, au bout de trois ans, ce parent d'enfant aura une carte de séjour de dix ans. Mais je n'en suis pas sûre parce que tous les échos qui nous parviennent, directement ou par le biais des associations, font état d'une réduction de la délivrance de cartes de séjour de dix ans à des personnes qui y ont droit.
Cette parenthèse étant refermée, je reviens à l'objet de notre amendement.
Dans le texte précédent, les conditions d'exercice de l'autorité parentale et de prise en charge des besoins effectifs de l'enfant constituaient une alternative : il fallait satisfaire soit à la première soit à la seconde. Dans le texte qui nous est soumis, elles sont cumulatives.
Si cette restriction était maintenue en l'état, elle aboutirait en fait à vider le texte de tout contenu.
En effet, le parent en situation irrégulière doit prouver, pour être régularisé, qu'il a des ressources grâce auxquelles il subvient aux besoins de l'enfant. Or il ne peut avoir officiellement des ressources puisque, étant irrégulier, il n'a pas droit à l'emploi. Dès lors, même s'il a des ressources et qu'il subvient aux besoins de l'enfant, ce sera parce qu'il travaille irrégulièrement et il ne pourra pas apporter la preuve exigée.
Si l'on maintient le cumul des conditions, on empêchera donc de fait le parent étranger en situation irrégulière d'obtenir sa régularisation parce qu'il ne pourra jamais satisfaire à la condition de prise en charge des besoins de l'enfant.
Enfin, je veux soulever le problème de la femme au foyer. Il y a, en effet, des mères d'enfants français qui sont en situation irrégulière et qui sont femmes au foyer. Par définition, ces femmes n'ont pas de ressources personnelles. Comment va-t-on apprécier leur participation à l'entretien de l'enfant ? Tiendra-t-on compte des soins, de l'alimentation, ou encore des câlins et des jeux, qui sont également très importants dans le développement d'un enfant ? Je pose la question. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Par amendement n° 176, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « seize ans », par les mots : « dix-huit ans ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 4 du projet de loi modifie l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945, qui est relatif à l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire. Il a pour objet d'éviter ces situations dans lesquelles un étranger n'est ni éloignable ni susceptible de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour.
Malheureusement, cet article 4, qui devait constituer le volet « libéral » de votre projet de loi, monsieur le ministre, est loin de combler les espérances qu'on pouvait nourrir tant il est restrictif.
Il est restrictif, tout d'abord, en ce sens que, au lieu d'attribuer une carte de résident de dix ans directement aux personnes dites « protégées », il ne leur accorde qu'une carte de séjour temporaire d'un an.
Il est restrictif, ensuite, parce qu'il a même été question d'écarter de cette régularisation les étrangers résidant en France depuis plus de quinze ans.
Enfin, il est restrictif quant aux conditions requises pour bénéficier de ce titre provisoire.
Ainsi, le 5° de cet article dispose qu'une carte de séjour temporaire est attribuée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français de moins de seize ans ».
Le droit à la carte de séjour temporaire pour les parents n'est donc ouvert que jusqu'au seizième anniversaire de l'enfant.
Cette disposition est, en fait, conçue pour empêcher la régularisation des parents des jeunes qui, en vertu de la loi, peuvent choisir de devenir français entre seize et dix-huit ans par manifestation de volonté.
Pourquoi cette limite d'âge de seize ans ? Au nom de quoi et par rapport à quoi fixez-vous un tel couperet ?
Je vous rappelle que, derrrière les mots, se trouvent des personnes vivant de véritables drames humains. Il est grand temps de considérer les étrangers comme de véritables sujets de droit !
En réalité, le Gouvernement ne souhaite pas que ces étrangers bénéficient du choix de leur enfant de devenir français.
Il y a fort à craindre que, loin de disparaître, la catégorie des parents d'enfants français en situation irrégulière ne se perpétue.
Pour élargir le champ d'application de l'article 4, nous proposons de remplacer la référence à l'âge de seize ans par la référence à l'âge de dix-huit ans.
Monsieur le ministre, votre texte prend explicitement le parti de placer des étrangers pourtant régularisables dans la précarité.
La solution que vous avez trouvée pour en finir avec l'impasse juridique créée par les lois Pasqua ne repose que sur la délivrance de titres de séjour provisoires dont le renouvellement est moins que jamais assuré.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter notre amendement, qui vise à une meilleure prise en compte de la situation des étrangers et à leur meilleure intégration dans notre pays.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures pour les questions d'actualité au Gouvernement, à l'issue desquelles se poursuivra la discussion du présent projet de loi.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

3

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je rappelle que la discipline que nous nous sommes imposée veut que les ministres et les auteurs de question ne prennent la parole que pour deux minutes et demie chacun.
En effet, j'ai été très amicalement réprimandé par certains d'entre vous, qui se sont plaints d'avoir dû poser leur question alors que la retransmission télévisée était terminée.
Il me paraît tout à fait possible que chacun puisse intervenir durant l'heure prévue.

THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE ET DE L'IMAGE
DE CHÂTEAUVALLON

M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
A Toulon, un maire Front national s'acharne à détruire trente-deux ans d'histoire culturelle sur la danse et la pensée que symbolisent le centre de Châteauvallon et son directeur-fondateur, Gérard Paquet, licencié honteusement ces derniers jours.
Face à cette attaque insolente et dominatrice, il faut animer une insurrection pluraliste de la liberté.
Beaucoup en sont déjà, à Toulon et dans le Var. Des artistes y sont engagés. Lors du tour de France des états généraux de la culture, 4 000 d'entre eux se sont associés à ce sursaut éthique. Le ministre de la culture est présent et agissant. Les présidents du conseil général et du conseil régional aussi.
Le 13 février, à huit heures trente, un rassemblement de colère solidaire aura lieu devant le tribunal de Toulon, où le maire veut obtenir la dissolution du centre et effacer ainsi la trace culturelle d'un lieu magnifique, original et créateur.
Je devrais être satisfait de ce mouvement, qui grandit avec l'option intraitable de Châteauvallon.
Pourtant, une évidence éclate, qui a encouragé, et jour après jour conforte le maire de Toulon, le préfet du Var participe à la déstabilisation destructive de Châteauvallon, intervenant en justice et au conseil d'administration du centre, en contradiction avec le ministre de la culture. Le 13 février, par exemple, au tribunal de Toulon, il agira côte à côte avec le maire.
Alors, je pose la question : où est l'Etat ? Avec les libertés, Châteauvallon, le ministre de la culture, ou avec la destruction de Châteauvallon et le maire de Toulon ?
Monsieur le Premier ministre, vous avez fait des déclarations claires sur le Front national. Comment se peut-il qu'un préfet fasse l'inverse et que vous soyez habité - permettez-moi l'expression - par une sorte d'« impuissance démissionnaire » ?
Le préfet du Var, qui a par ailleurs du travail, dans lequel il excelle, m'a-t-on dit, doit être démis. Ce ne serait pas la première fois, mais ce serait l'affirmation de l'autorité de la République.
Pour ma part, je demeure au côté du veilleur de Châteauvallon, Gérard Paquet, et du centre, parce que j'ai droit et devoir, avec le monde de la culture et des arts, et plus généralement avec les citoyens, de secouer ce lieu de France d'un acte de malfaisance perpétré par un maire Front national et, malheureusement, par un préfet.
Nous sommes, le ministre de la culture est et le Gouvernement doit être, selon la belle image de René Char, « à l'heure exacte de la conscience ». (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, depuis plus de trente ans, le Théâtre national de la danse et de l'image et son directeur-fondateur, M. Gérard Paquet, ont fait de Châteauvallon un des pôles d'excellence de la culture de ce pays.
J'ai rencontré hier après-midi M. Jean-Claude Gaudin, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et M. Hubert Falco, président du conseil général du Var, et nous nous sommes engagés à maintenir la tradition culturelle de Châteauvallon, conformément aux valeurs qui nous inspirent. Nous n'accepterons aucun projet culturel qui ne soit conforme à l'esprit qui anime le Théâtre national de la danse et de l'image de Châteauvallon.
Dans l'hypothèse d'une dissolution de l'association, que vous avez évoquée, MM. Jean-Claude Gaudin, Hubert Falco et René Arnoux, maire d'Ollioules, que je voudrais saluer ici, se sont associés à moi pour confirmer que le domaine de Châteauvallon ne saurait être utilisé à une autre fin que celle à laquelle il a été destiné depuis l'origine.
S'il le faut, monsieur Ralite, nous sommes prêts à mettre sur pied une nouvelle structure, dont la destination sera similaire à celle de l'association actuelle et dont la situation permettra d'affirmer notre volonté commune d'assurer et de promouvoir une culture libre, ouverte et rayonnante. Ce lieu pourra être sis dans le département du Var, et même sur le territoire de la ville de Toulon. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RÉALITÉ ET CONSÉQUENCES
DE L'« EMBELLIE » ÉCONOMIQUE

M. le président. La parole est M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Elle tient en quatre petits mots : faut-il y croire ?
Faut-il céder au devoir d'optimisme en ce début d'année ?
Les taux d'intérêt sont les plus bas depuis trente-cinq ans, le dollar, la livre et la lire se sont redressés, au point de rendre obsolètes les polémiques, naguère si vives, sur le franc fort et les dévaluations compétitives, le déstockage est enrayé, l'investissement va probablement reprendre, et l'on constate de meilleures anticipations chez les chefs d'entreprise.
Est-ce l'embellie ?
Si embellie il y a, sera-t-elle ressentie par les Français dans leur situation personnelle ? Surtout, sera-t-elle suffisante pour faire reculer le chômage ?
Les instituts de conjoncture, publics et privés, confirment désormais, monsieur le ministre, que la hausse du PNB sera de 2,3 %, ce qui correspond à l'hypothèse sur laquelle vous avez bâti votre budget. Au cas où la croissance serait plus importante, pouvez-vous en mesurer l'impact sur les finances publiques et nous éclairer sur l'usage qui serait fait de cette manne tant espérée ?
Il faut « aller plus loin dans la lutte contre le chômage », a dit le Président de la République.
Pour répondre à cet appel, je n'imagine certes pas que vous augmenterez la dépense publique, même si les besoins de recapitalisation des entreprises publiques s'accumulent, menaçants.
Pourriez-vous, deuxième hypothèse, aller plus loin dans la réduction de la dette de l'Etat ? A moins que - troisième hypothèse, sans doute la plus probable - vous n'entrepreniez de diminuer le poids des prélèvements qui étouffent l'emploi.
Mais par où commencerez-vous ?
Entendez-vous « raboter » la hausse conjoncturelle de la TVA décidée en 1995, accélérer la baisse de l'impôt sur le revenu ou alléger les cotisations sociales, notamment pour ce qui concerne les emplois les moins qualifiés ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. De toute façon, les résultats ne sont pas bons.
M. Jean Chérioux. Vous parlez d'expérience !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, votre question tient, vous l'avez dit, en quatre petits mots. Ma réponse pourrait, elle, tenir en cinq petits mots. (Sourires.) A la question : faut-il y croire ? je réponds qu'il faut garder le cap, comme vient de le réaffirmer avec force M. le Président de la République. (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'embellie n'est pas pour demain !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. L'économie française va mieux, et elle ira de mieux en mieux. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Robert Calmejane. Silence, les fossoyeurs !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Les indices convergents se multiplient.
Ainsi, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, les taux d'intérêt sont à leur plus faible niveau depuis trente-cinq ans, et les parités de change viennent aujourd'hui soutenir la croissance. Nous avons abouti à un renversement ordonné de ces parités : le dollar, par rapport à la moyenne des parités en 1996, progresse de 10 %, tandis que la lire et la livre sterling se sont appréciées de 15 %.
M. Jean-Louis Carrère. Et le chômage ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Il faut maintenant consolider ces ajustements.
Mais nous les avons obtenus sans qu'aient été pour autant modifiées les parités à l'intérieur du système monétaire européen. Autrement dit, l'appréciation du dollar n'a pas remis en cause la parité entre le deutschemark et le franc, et c'est très bien ainsi.
Telle est la tendance.
Nous devons maintenant garder le cap. Il s'agit de tenir les dépenses publiques...
M. René-Pierre Signé. Il s'agit de tenir !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et de ne pas s'imaginer que l'on disposera d'emblée d'une manne considérable. J'avais qualifié de réaliste, au mois de septembre, l'hypothèse selon laquelle le taux de croissance du PNB atteindrait 2,3 %. Cette affirmation suscitait alors quelque scepticisme ; mais aujourd'hui, et je m'en réjouis, ce taux est considéré comme un minimum. J'estime que la croissance sera supérieure à 2,3 %, et nous savons qu'alors la France créera à nouveau des emplois.
Pour nos compatriotes, ce qui compte, au-delà des indices, c'est, pour ceux qui sont au chômage, de retrouver un emploi et, pour ceux qui sont salariés, de constater, comme ils viennent de le faire, que leur salaire net a progressé.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. René-Pierre Signé. Surtout pour ce qu'il dit !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... et que le montant de leur impôt sur le revenu se trouve allégé.
Le Gouvernement a choisi de donner la priorité à l'emploi. Je crois donc qu'il serait imprudent de répartir trop tôt les fruits de cette croissance. La priorité, c'est l'emploi, il faut par conséquent tenir le cap...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous vous répétez !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... pour alléger le poids de l'impôt sur le revenu et des charges sociales, qui entravent le développement de l'emploi. (Protestations sur les travées socialistes.)
Les fruits de la croissance doivent être affectés en priorité à l'emploi. Telle est notre orientation fondamentale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Personne ne vous croit !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est le cap que nous tiendrons, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous devons réduire les déficits publics et alléger le poids de l'impôt. Nous allons dans la bonne direction, l'économie va mieux, et elle ira de mieux en mieux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE ALGÉRIEN

M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le Premier ministre, je suis heureux de votre présence au banc du Gouvernement, car c'est à vous que s'adresse ma question.
Depuis des mois et des mois, et plus particulièrement ces dernières semaines, chaque jour nous apporte les nouvelles d'horribles massacres perpétrés en Algérie par des groupes terroristes contre des civils, hommes, femmes et enfants, ces actes n'épargnant pas des personnalités de premier plan, comme on a pu le constater, la semaine dernière, avec l'assassinat du leader syndicaliste Abdelhak Benhamouda.
Le premier réflexe doit être de s'incliner devant les victimes de ces crimes abominables, mais aussi de rendre hommage au courage de la population algérienne, qui continue à vivre, à sortir, à travailler, en dépit des menaces permanentes qui pèsent sur elle.
Cependant, les liens qui unissent la France et l'Algérie par l'histoire, la géographie, la culture, l'économie, les hommes, sont trop profonds pour que l'on s'en tienne à un simple constat.
Il ne s'agit pas - nous savons les Algériens très sourcilleux à ce sujet - de se mêler des problèmes intérieurs de ce pays, et encore moins, pour nous Français, de dresser, par exemple, la liste des partis qui devraient participer aux élections annoncées pour le printemps prochain, dont on peut seulement se demander si elles pourront se tenir normalement dans un tel climat.
Vous avez dit fort justement cette semaine, monsieur le Premier ministre, que l'avenir de l'Algérie ne se décide plus à Paris. Mais il est tout aussi vrai que Paris ne peut être indifférent à l'avenir de l'Algérie.
Ni ingérence ni indifférence, mais solidarité avec le peuple algérien, qui refuse la violence des groupes islamiques et qui aspire depuis si longtemps à une vraie démocratie. Si les Algériens attendent quelque chose de la France, c'est bien cette solidarité, et nous l'exprimons, quant à nous, avec toutes les forces démocratiques qui existent en Algérie.
Je vous interroge, monsieur le Premier ministre : le Gouvernement est-il prêt à manifester cette solidarité en toutes occasions, ce qui peut signifier aussi - et cela nous rapproche d'un débat que nous avons engagé mardi dernier dans cet hémicycle - se montrer plus généreux pour accueillir en France des Algériennes ou des Algériens menacés dans leur vie ? Est-il prêt à s'associer à toute démarche internationale, et notamment à toute initiative qui émanerait de pays de l'Union européenne pour aider à ramener la paix civile dans ce pays aujourd'hui martyrisé ?
En dehors de tout clivage partisan, il est évidemment de l'intérêt de la France que l'Algérie retrouve le plus rapidement possible les conditions d'une vie démocratique et d'un développement pacifique qui lui permettent de jouer le rôle qui lui revient, en particulier dans ce bassin méditerranéen qui nous est commun. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Au risque peut-être de vous surprendre, monsieur Estier, je vous dirai que je n'ai pas grand-chose à changer à votre intervention,...
M. Claude Estier. Cela ne me surprend pas !
M. Alain Juppé, Premier ministre. ... qui constituait davantage une déclaration qu'une question.
Nous ressentons tous ici un sentiment d'horreur devant tant de barbarie et nous sommes unanimes pour exprimer au peuple algérien notre sympathie, car c'est un peuple qui souffre dans sa chair, dans sa culture et dans son esprit.
Nous sommes d'accord pour estimer que le destin de l'Algérie ne se décide pas à Paris et qu'il nous faut peut-être « dépouiller le vieil homme » dans ce domaine et rompre avec des habitudes qui appartiennent définitivement au passé.
Nous sommes d'accord pour dire qu'il ne faut pas laisser le peuple algérien isolé, car ce serait ajouter au drame qu'il vit d'autres difficultés, notamment de caractère économique.
Nous sommes d'accord pour dire que le seul parti que nous défendons en Algérie, c'est le parti de la démocratie. Celui-ci doit s'exprimer dans des élections aussi transparentes et incontestables que possible.
C'est le langage que tiennent la France et sa diplomatie depuis de nombreuses années.
Aller au-delà, nous ingérer dans le choix de ceux qui doivent participer à ces élections, ce serait confondre notre responsabilité morale et une ingérence qui n'est plus de mise.
Voilà les quelques idées sur lesquelles nous pouvons, aujourd'hui, tous nous retrouver. N'en faisons pas un prétexte à polémique, parce que le sujet est trop grave, pour l'Algérie et pour nous.
Il est vrai que nous ne pouvons pas être indifférents, compte tenu de tout ce que vous avez rappelé, à ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée.
La France a tenu ce langage depuis plusieurs années et elle continuera à le tenir.
Elle est prête, bien sûr, à s'associer à toute initiative internationale qui, dans le respect de ces principes, et notamment de la souveraineté de l'Algérie, pourrait apporter du réconfort et une perspective de paix et de réconciliation au peuple algérien. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Paul Girod applaudissent également.)

EFFECTIVITÉ DE L'INTERDICTION
DES MINES ANTIPERSONNEL

M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense et concerne l'interdiction de la fabrication et de la vente des mines antipersonnel.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le problème posé par les mines antipersonnel, qui préoccupe également, depuis de nombreuses années, notre collègue Claude Huriet.
La France a fait des avancées significatives en ce domaine : elle a mené une action diplomatique dès 1993, a interdit la production et la vente de ses mines en 1995 et leur utilisation « sauf exception » en 1996.
A l'échelon international, 1997 est une année fondamentale puisque pourrait se concrétiser, en décembre, la signature d'un traité international d'interdiction des mines, tel que le propose le Canada.
Or, par sa volonté de voir le sujet des mines traité par la conférence du désarmement plutôt qu'au sein d'un forum novateur proposé par le Canada, la France, notre pays, donne le sentiment de se placer au côté des pays qui refusent tout évolution rapide de la situation internationale en ce domaine.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous apporter des précisions sur trois points.
A quel moment la France s'associera-t-elle pleinement au processus engagé par le Canada ?
Quand l'engagement gouvernemental, pris en octobre 1996, de présenter au Parlement un projet de loi sur l'interdiction de la fabrication et de la vente des mines sera-t-il tenu ?
Quel sera le calendrier de destruction des stocks de mines françaises, annoncé en septembre 1996 ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, vous savez que, depuis un certain nombre d'années, la France figure parmi les pays qui luttent d'une manière quotidienne et tenace pour la destruction et l'interdiction des mines antipersonnel.
Dès 1986, la France a pris la décision de ne plus exporter de mines antipersonnel. En 1995, notre pays a pris la décision de commencer à détruire ses stocks, pour donner l'exemple à la communauté internationale.
Vous me demandez si la France n'est pas en retard par rapport aux initiatives prises par le Canada. Je vous réponds : non, bien au contraire, puisqu'elle a soutenu l'initiative du Canada dans ce domaine ; mieux, elle participera, la semaine prochaine, à la réunion qui se tiendra à Vienne dans le cadre du processus lancé par le Canada dans le domaine de l'interdiction des mines antipersonnel.
La France aurait préféré que ce soit la conférence du désarmement qui soit saisie de la question. Notre diplomatie continue, en fait, à agir en ce sens, pour que la décision soit prise par toute la communauté internationale, afin d'aboutir ainsi à l'interdiction et à la destruction des mines antipersonnel.
Vous m'avez interrogé sur le calendrier de destruction des stocks. Je puis vous préciser que, depuis le 17 septembre 1996, la destruction des stocks a été engagée. J'ose espérer que peu à peu la parole et les actions de la France seront un signe pour toute la communauté internationale, afin que l'on s'engage dans la voie de l'interdiction des mines antipersonnel et de leur destruction.
M. le Premier ministre a pris l'engagement de déposer un projet de loi sur cette question avant la fin de la présente session. Ce projet de loi sera effectivement déposé sur le bureau des assemblées avant la fin de cette session ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants. - M. Cabanel applaudit également.)

INFORMATION
SUR LES PRODUITS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

M. le président. La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le Premier ministre, madame le ministre, messieurs les ministres, ma question s'adressait à M. Philippe Vasseur. Mais je connais les raisons pour lesquelles il n'est pas présent dans cet hémicycle. Aussi, je remercie par avance celui d'entre vous qui voudra bien répondre à cette question.
Dans un avis du ministère de l'économie et des finances, paru au Journal officiel du 2 février, et concernant les opérateurs économiques de la filière alimentaire, vient d'être énoncée l'obligation d'étiquetage des produits composés, en tout ou en partie, d'organismes génétiquement modifiés.
Saluons la rapidité avec laquelle le Gouvernement devance l'application de la directive européenne relative à l'étiquetage des « nouveaux aliments » et la qualité de l'information fournie par M. le ministre de l'agriculture.
Il s'agit maintenant de s'intéresser à la pertinence de l'étiquetage.
A la lecture de l'avis, on comprend que l'étiquetage ne s'imposera que si l'on peut véritablement déceler des organismes génétiquement modifiés dans la denrée ou si cette dernière présente de nouvelles caractéristiques dues à leur présence.
En somme, il s'agit d'une obligation plutôt légère au regard des interrogations qui pèsent sur les conséquences pour l'homme, non connues actuellement, de la présence d'organismes génétiquement modifiés dans l'alimentation.
N'oublions pas que la plante génétiquement modifiée va nourrir un animal dont la viande sera consommée par l'homme. N'oublions pas non plus que le soja génétiquement modifié va permettre de produire de l'huile, produit transformé dans lequel la présence d'organismes génétiquement modifiés est indétectable. Autant de répercussions en chaîne qui interviennent en aval et qui ne sont pas identifiables.
Ce qui pose problème, c'est l'omniprésence dans l'alimentation humaine et animale de certains produits issus de plantes modifiées. On peut être circonspect, également, en ce qui concerne l'influence de ces dernières sur l'environnement même, notamment par l'effet des pollens.
Ne voyez pas pour autant dans mon propos une attitude de défiance face au progrès ou un quelconque catas-trophisme.
Au point où nous en sommes, pourriez-vous simplement nous dire comment vous envisagez la mise en place d'une information des consommateurs la plus complète possible, et ce que vous en attendez ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, en l'absence de M. Vasseur, retenu en province, je vous apporterai les précisions suivantes.
D'abord, le Gouvernement partage tout à fait votre approche sur les problèmes des organismes génétiquement modifiés.
Pendant des siècles, les progrès en matière végétale ont consisté à marier des variétés existantes : c'était l'hybridation. Depuis quelques années, les progrès de la science biologique permettent, à travers le génie génétique, d'inventer des espèces nouvelles.
Face à ce progrès, le Gouvernement a l'intention de ne prendre aucun risque à l'égard de la sécurité des consommateurs. Cela s'appliqe à l'alimentation humaine, mais ausssi, pour les excellentes raisons que vous avez évoquées, monsieur le sénateur, à l'alimentation animale.
C'est pourquoi la mise sur le marché de produits génétiquement modifiés sera subordonnée à deux conditions.
La première, c'est un avis scientifique autorisé, national et européen, incontestable. C'est ainsi que le maïs génétiquement modifié a été soumis à l'avis de la commission du génie biomoléculaire, présidé par le professeur Axel Kahn, à l'avis du Conseil supérieur de l'hygiène publique et à l'avis de trois comités scientifiques européens.
La seconde condition, c'est une obligation d'étiquetage. Vous l'avez rappelé, dimanche dernier, est paru au Journal officiel un texte qui rend obligatoire l'étiquetage de tout produit qui serait mis à la consommation sur le marché français et qui aurait été fabriqué par des procédés génétiques.
C'est dans ces conditions que nous avons admis sur le marché des variétés de maïs génétiquement modifié, et ce à l'importation, et pas encore pour les maïs fabriqués sur le sol national parce que nous avons besoin, d'abord, de faire une enquête scientifique sur la qualité des semences utilisées.
Je crois ainsi pouvoir vous garantir, monsieur le sénateur, que toutes les dispositions sont prises en France, premier pays à avoir agi dans ce domaine, pour que nous puissions bénéficier des progrès de la biologie sans que cela se fasse en quoi que ce soit au détriment de la santé des consommateurs. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Paul Girod applaudit également.)

INCITATION À LA CESSATION D'ACTIVITÉ DES MÉDECINS

M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Ma question s'adresse à M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale.
Cette question a trait au dispositif connu sous le nom de MICA, mécanisme incitatif à la cessation d'activité, proposé aux médecins par une loi de 1988 sur la sécurité sociale et qui leur permet de prendre leur retraite à soixante ans, au lieu de la date légale de soixante-cinq ans prévue par leur caisse autonome de retraite. Ce dispositif a été repris dans l'ordonnance du 24 avril 1996 sur la réforme de la sécurité sociale, avec un abaissement à cinquante-sept ans de l'âge à partir duquel les médecins peuvent bénéficier de ce mécanisme, et même, à titre exceptionnel jusqu'au 31 décembre 1997, à cinquante-six ans.
Cette mesure de réduction de l'offre médicale, dans une démographie médicale un peu excessive, a été bien comprise par certains médecins. Nombre d'entre eux ont déjà pris des dispositions pour cesser leur activité.
Malheureusement, ce dispositif n'est pas applicable, car l'article 4 de la loi de 1988 avait prévu un accord conventionnel, c'est-à-dire un accord entre les syndicats médicaux et les caisses d'assurance maladie, ou, à défaut, un décret pris par le Gouvernement.
Or, la négociation conventionnelle engagée en juillet 1996 et reconduite en décembre 1996 a, jusqu'à présent, échoué. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une ultime réunion aura lieu le 17 février prochain.
Ma question est la suivante : en cas d'échec de cette ultime conciliation conventionnelle, le Gouvernement est-il prêt à prendre un décret pour rendre applicable le dispositif dénommé MICA et pour répondre à la demande des médecins qui se sont parfois placés dans une situation difficile ? Par ailleurs, êtes-vous en mesure, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous dessiner à grands traits les principales dispositions de ce décret ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, à défaut d'avoir été pris en main depuis quinze ans, nous avons un véritable problème de démographie médicale à gérer en France, car on constate de nombreux déséquilibres.
M. Jacques Mahéas. Vous n'avez rien fait !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Nous avons un premier déséquilibre entre généralistes et spécialistes. Nous avons un deuxième déséquilibre au sein des spécialistes, avec certaines spécialités que l'on ne trouve plus. Nous avons un troisième déséquilibre entre l'hôpital et la médecine de ville. Nous avons un quatrième déséquilibre qui est géographique, puisque des régions sont surmédicalisées alors que d'autres sont sous-médicalisées. Enfin, nous avons un déséquilibre général qui tient à la concentration excessive de médecins, puisque notre pays compte, en proportion, 20 % de médecins de plus que le Canada et 40 % de plus que la Grande-Bretagne et le Japon.
Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, il existe un mécanisme d'incitation à la cessation d'activité. Il a été conçu par M. Jacques Barrot voilà dix-sept ans. Il a été repris dans une loi du 4 janvier 1988 et l'ordonnance du 26 avril 1996, qui fait suite au discours du 15 novembre 1995 de M. le Premier ministre, prévoit une incitation plus forte à la cessation d'activité.
Dans un premier temps, du fait du vide conventionnel, M. Jacques Barrot et moi-même avons prolongé les dispositions en vigueur, qui concernaient les médecins dont l'âge était compris entre soixante et soixante-cinq ans.
Dans un deuxième temps, nous avons demandé au président de la caisse nationale d'assurance maladie d'ouvrir des négociations qui doivent aboutir avant le fin du mois de février.
Si ces négociations n'aboutissaient pas, nous prendrions alors immédiatement un décret permettant d'appliquer ce mécanisme à partir de l'âge de cinquante-six ans, avec un dispositif de départ plus favorable qu'il ne l'est actuellement.
Voilà ce que je suis en mesure de vous dire aujourd'hui sur ce très important sujet, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RÉORGANISATION DE L'ANNÉE UNIVERSITAIRE

M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Dans le cadre de la mission sur l'information et l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires, présidée par M. Adrien Gouteyron, le Sénat a beaucoup réfléchi sur les dysfonctionnements du système d'orientation et sur l'échec des étudiants qui en résultait en premier cycle.
Parmi les propositions qu'elle a émises pour y remédier, la mission proposait une nouvelle organisation de l'année universitaire en premier cycle.
Je me félicite donc, monsieur le ministre, que, dans le cadre de la réforme de l'université, dont vous avez présenté le premier rapport d'étape voilà deux jours, soit retenue l'idée d'une semestrialisation du premier cycle, avec un semestre initial à l'entrée de l'université offrant des possibilités d'orientation variées à l'étudiant.
Je souhaiterais que vous puissiez nous détailler les modalités de cette réforme. Je m'interroge notamment sur les possibilités de redoublement de la première année et sur l'organisation pratique de celle-ci. Je souhaiterais également connaître le calendrier de la mise en oeuvre des mesures annoncées et savoir notamment comment les facultés vont s'organiser pour offrir un enseignement dans chacune des disciplines d'un même champ. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir noté que, dans cette importante réforme de l'université, les changements qui vont affecter l'entrée au sein de cette dernière sont tout à fait essentiels.
En effet, comme l'avait noté le Sénat, l'échec était lié, pour beaucoup, à une mauvaise orientation : les lycéens s'inscrivant à l'université le faisaient parfois sans connaître la discipline dans laquelle ils allaient s'inscrire - songez, par exemple, aux juristes qui découvrent le droit à l'université, et qui ont pu s'en faire une fausse idée - et sans savoir non plus ce qu'est la réalité du travail universitaire, lequel est fort différent, dans son principe, de ce qui est demandé au lycée.
Il nous a donc semblé qu'une vraie décision d'orientation ne pouvait se prendre qu'après l'expérience initiale de la découverte de la discipline et des méthodes de travail, et avec une possibilité de réorientation. C'est pourquoi le semestre initial, qui organisera l'entrée à l'université des nouveaux étudiants dès la rentrée prochaine, comportera trois unités d'enseignement - j'ai abandonné le mot de « module », ne voyant pas exactement ce qu'il voulait dire - à savoir une unité d'enseignement de la discipline choisie, une unité d'enseignement de la méthodologie du travail universitaire et une unité de découverte des disciplines proches dans lesquelles l'étudiant pourrait se réorienter au bout d'un semestre universitaire. Voilà qui lui permettra, à l'issue de ce semestre initial, soit de confirmer son choix initial, soit de préférer d'autres disciplines du champ pour un DEUG, ou des formations courtes permettant une réorientation.
Telle était, je crois, la philosophie du travail du Sénat. Nous avons pu trouver des dispositions pratiques qui ont, me semble-t-il, rassemblé beaucoup d'avis positifs, ce qui est heureux pour l'université.
Ce changement très profond, que M. le Premier ministre avait appelé de ses voeux, que M. le Président de la République avait promis et qui, me semble-t-il, est de nature à donner un nouveau visage à l'université du xxie siècle, interviendra dès la rentrée prochaine pour les nouveaux étudiants entrant à l'université. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SÉCURITÉ DES MATÉRIELS DANS LES ÉTABLISSEMENTS
D'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE

M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
J'aurais pu, bien sûr, monsieur le ministre, vous parler de la réduction du nombre de postes ouverts aux épreuves de recrutement.
M. René-Pierre Signé. On en parlera plus tard !
M. Jean-Louis Carrère. J'aurais pu aussi vous parler de la violence à l'école et de l'absence, selon moi, de solutions concrètes proposées.
Mais aujourd'hui, je vous parlerai d'une question qui préoccupe beaucoup les lycéens, les parents d'élèves, les professeurs et les chefs d'établissement, et qui a été longuement abordée par l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires : je veux parler des machines dans les lycées d'enseignement professionnel et technique.
En ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles sur le budget de l'enseignement technique, j'avais attiré votre attention et celle du Gouvernement à cet égard.
L'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires, créé par décret en 1995, a procédé, lors de sa séance inaugurale du 12 juillet, à la mise en place de groupes de travail. L'un d'entre eux a notamment la charge du suivi de l'application des règles de sécurité dans les ateliers. Cette mission peut éventuellement être étendue à l'ensemble des mesures de sécurité relatives aux bâtiments.
Le constat est alarmant : près de 60 % des quelque 30 000 machines-outils recensées dans 1 933 établissements ne seraient pas conformes aux normes de sécurité définies par un décret du 11 janvier 1993 pris en vertu d'une directive européenne du 30 novembre 1989, qui est entrée en application depuis le 1er janvier.
En outre, monsieur le ministre - M. le Premier ministre le sait également puisqu'il a été destinataire de ces conclusions - près de 30 % de ces machines, essentiellement dans les secteurs de la mécanique et de la métallurgie, devraient être supprimées. Ce constat est d'autant plus inquiétant que les machines, selon l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires, sont à l'origine de 20 % des accidents dont sont victimes les lycéens ; mais cette proportion est, en fait, beaucoup plus importante puisqu'un quart seulement des élèves fréquentent les ateliers des établissements techniques.
Alors, monsieur le ministre, qu'avez-vous fait et qu'allez-vous faire ? Contraindrez-vous les régions à réaliser les investissements nécessaires, alors que, comme vous le savez, elles n'ont prévu que 900 millions de francs sur les 2 100 millions de francs nécessaires ?
Etes-vous le gouvernement de la République le mieux placé...
M. René-Pierre Signé. Non !
M. Jean-Louis Carrère. ... et ce au moment où vous différez l'application des contrats de plan, alors même que certaines régions, comme la région Aquitaine, ont contracté avec l'Etat ?
Ensuite, monsieur le ministre, élaborerez-vous un plan d'urgence, comme vous le fîtes naguère afin de réaliser ces mises aux normes ?
M. Josselin de Rohan. Et la question ?
M. Alain Vasselle. Y a-t-il une question ?
M. Jean-Louis Carrère. Quelles réponses allez-vous apporter, quels engagements allez-vous prendre à l'endroit des élus, des parents, des enseignants, mais aussi des proviseurs qui, compte tenu de leur responsabilité pénale, s'impatientent légitimement, et des enfants, qui, s'ils voient leurs cours supprimés, éprouveront encore, plus de difficultés d'insertion qu'ils n'en éprouvent déjà quand il n'y a pas de problème ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Mahéas. Avec la croissance, il ne devrait pas y avoir de problème !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Carrère, je ferai une réponse beaucoup plus courte que la question que vous avez posée (Rires sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes), question dont je ne crois d'ailleurs pas que l'objet essentiel était d'interroger le Gouvernement !
M. Bernard Piras. Cela vous gêne !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'était plutôt une diatribe, et je vais donc gommer tout aspect polémique dans ma réponse.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que vos amis ont exercé la responsabilité du pouvoir pendant la plus grande partie de la période que vous avez évoquée. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Yann Gaillard. Tiens, tiens !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Carrère, ce n'est pas facile, c'est vrai, et cela s'impose de soi-même. (Brouhaha sur les travées socialistes.) Je vais en donner la preuve :...
M. Bernard Piras. C'est un peu facile ! Regardez plutôt devant vous !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... la directive européenne que vous avez évoquée date de 1989 !
M. Jean-Louis Carrère. Heureusement que vous écartez la polémique !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le texte réglementaire qui a fixé une date limite a été signé par vos amis en 1993. Vous avez donc mis quatre ans pour faire entrer dans un texte cette directive européenne ! Que je sache, vous ne vous êtes pas préoccupés à l'époque des financements et des conséquences des textes que vous avez pris. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Mais si !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Alors, monsieur le sénateur, c'est très simple !
Le Gouvernement pouvait-il en conscience changer autoritairement la date d'application du texte,...
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas ce que je vous ai demandé !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ... et donc lever les conditions de sécurité ?
Ma réponse est non.
M. Claude Estier. Ce n'est pas la question !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Sept années se sont écoulées. Il était normal que le Gouvernement maintienne la date et, d'ailleurs, il n'avait pas, je crois, les moyens juridiques de changer cette date prise en vertu d'une directive européenne.
Par ailleurs, qu'avons-nous fait ? Nous avons demandé aux proviseurs et aux recteurs, en concertation avec les présidents de région, de vérifier quel était le degré d'urgence de la mise aux normes. En effet, dans ces dernières figurent non seulement ce qui touche à la sécurité et qui ne peut être différé, mais aussi d'autres aspects qui intéressent le confort des conditions de travail et qui peuvent être un peu étalés dans le temps.
C'est cette hiérarchie de la sécurité qui est en train d'être mise en place : partout, des accords et des conventions sont passés entre les établissements, le rectorat et les régions pour que les travaux indispensables et urgents soient effectués. C'est ainsi que, à court terme, nous allons pouvoir achever ce plan.
Je trouve heureux que les machines de l'éducation nationale, comme d'autre machines, soient soumises aux règles de sécurité et que chacun fasse l'effort de compréhension nécessaire pour que ne soient pas confondues les dispositions relevant de la sécurité et les mesures ressortissant à la mise aux normes, qui peuvent attendre sans doute un peu plus longtemps. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES
ET RÉFORME DU SERVICE NATIONAL

M. le président. La parole est à M. Lesbros.
M. Marcel Lesbros. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, vous connaissez comme nous-mêmes le dévouement exemplaire et la présence permanente sur le terrain de nos 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. Ils accomplissent un travail remarquable en toutes circonstances, quelquefois au péril de leur vie. Nous leur rendons tous un hommage largement mérité.
Dans la grande réforme du service national et la professionnalisation de l'armée, voulue par M. le Président de la République, une place de choix devrait être réservée aux sapeurs-pompiers volontaires, tous bénévoles.
Je souhaite ainsi, monsieur le ministre, attirer votre attention sur l'évolution possible du service des sapeurs-pompiers dans le cadre de la grande réforme du service national en cours de discussion.
Je tiens à souligner à nouveau la part importante du volontariat dans les services de sécurité apportés aux populations par les sapeurs-pompiers.
Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, selon quelles modalités le Gouvernement envisage de favoriser, dans le cadre du nouveau service national, le volontariat en faveur du corps des sapeurs-pompiers. Ne serait-il pas possible, notamment, que l'engagement contracté par les sapeurs-pompiers volontaires dans les corps de sapeurs-pompiers puisse être compté comme service national ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, des décisions que vous prendrez dans ce domaine en faveur des jeunes engagés dans ce secteur public. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - Mme Printz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous savez combien l'apport des volontaires dans les services d'incendie et de secours est considérable. Si ces services sont ce qu'ils sont en France, c'est parce qu'il y a 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. Le projet de loi que vous avez voté voilà quelques mois tendait d'ailleurs précisément à renforcer encore ce volontariat, l'observation de l'évolution du nombre des volontaires sur plusieurs années démontrant en effet que cette courbe s'érode.
La possibilité offerte aux sapeurs-pompiers de servir dans les unités de sécurité civile, là aussi au titre du service national, a eu un très grand succès puisque l'effectif est passé de 451 postes en 1994 à 909 en 1996 et que, aujourd'hui, nous offrons plus de 1 000 postes à des jeunes pour servir dans les corps de sapeurs-pompiers au titre des unités de la sécurité civile.
Le projet de loi relatif à la réforme du service national, préparé en particulier par les services du ministère de la défense, laisse une large place au volontariat, surtout dans le domaine de la sécurité et de la prévention.
Je vais utiliser toutes les dispositions de la loi du 3 mai 1996 pour faire en sorte que de plus en plus de jeunes choisissent le volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers, notamment dans les unités de sécurité civile. Nous sommes ainsi en train, au sein du ministère de l'intérieur, d'élaborer tout un dispositif pour inciter les jeunes à choisir cette voie, et j'en ferai part, le moment venu, aux très nombreux parlementaires qui ont compris que le texte que le Gouvernement avait fait voter au mois de mai dernier allait dans le sens du renforcement du volontariat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

AIDES À LA CRÉATION D'EMPLOIS
DANS LE MONDE RURAL

M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration.
Hier, au cours du conseil des ministres, vous avez, monsieur Gaudin, dressé le bilan des aides à la localisation des activités pour l'année 1996.
Ce bilan est positif, puisque 231 projets de création ou d'extension d'entreprises ont ainsi bénéficié de la prime d'aménagement du territoire, pour un montant, avez-vous dit, de 717 millions de francs.
Nous nous félicitons de ces aides, qui vont favoriser la création de 20 000 emplois directs.
M. René-Pierre Signé. C'est ce que nous allons voir !
M. François Gerbaud. Nous y voyons une première et heureuse illustration concrète de ce que la loi d'orientation du 4 février 1995 a prévu.
Sans doute ces premiers résultats sont-ils plus urbains que ruraux. Ce n'est pas un regret, mais un constat qui souligne l'urgence de la mise en place d'un dispositif en faveur du monde rural, pour lequel, jusqu'à ce jour, la loi d'orientation est plus promesse que réalité.
Il faut qu'au pacte de relance pour la ville corresponde, dans l'égalité des chances, un pacte de relance pour le monde rural, qui ne peut pas et ne veut pas se résigner à n'être qu'un espace de respiration dans une politique d'aménagement du territoire que certains considèrent comme étant en panne.
M. René-Pierre Signé. Elle est abandonnée !
M. François Gerbaud. Dans cet objectif, quand pensez-vous revoir les zonages européens et nationaux, source d'inégalité territoriale et de complexité du fait de la mauvaise lisibilité de leurs critères et de leur géographie ?
Envisagez-vous d'y porter remède dans le très attendu schéma national d'aménagement du territoire ?
Quand allez-vous mettre de l'ordre dans l'inextricable maquis des fonds et des primes si diverses qu'elles s'apparentent à un aventureux jeu de piste ?
Enfin, sur la foi d'une expérience récemment vécue, épargnez-nous les étranges procédures qui conduisent à imposer à des communes qui n'y sont pas encore prêtes des structures intercommunales comme une impérative et hégémonique condition d'accès à certaines dotations, notamment à la dotation de développement rural, dont il faudra sans doute revoir le champ d'application.
Monsieur le ministre, au moment où l'on constate une certaine relance économique, donnez un nouveau souffle au monde rural ! Donnez-lui la chance de participer à cette relance économique ! Au moment où un récent sondage indique une remontée de l'indice du moral des Français, après avoir réconforté Billancourt, ne désespérez pas la France verte ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur Gerbaud, vous avez raison de le souligner, le bilan des aides à la localisation des activités est très positif, puisque le nombre des emplois créés à ce titre est le plus élevé depuis 1988 et qu'il est en augmentation de 35 % par rapport à celui de 1995.
Voilà les chiffres.
M. Jacques Mahéas. Vous déplacez les emplois !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ce sont les chiffres ! Ils indiquent une bonne indication. (Rires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est du mauvais Pagnol !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. On a l'impression, même, que cela vous contrarie ! Il est exact, d'ailleurs, que vous excellez surtout quand les choses vont mal et que cela vous dérange lorsqu'elles vont bien ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Ces emplois ont été créés dans les zones d'aménagement du territoire,...
M. René-Pierre Signé. Et le chômage ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... qui couvrent largement les territoires ruraux et, en particulier, monsieur Gerbaud, cela ne vous a pas échappé, tout le sud du département de l'Indre.
M. René-Pierre Signé. Pourquoi le chômage augmente-t-il ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Concernant la multiplication du zonage et la complexité des dispositifs d'aides, je peux difficilement vous donner tort, mais tous ces zonages correspondent à des sources de financement. Et quand votre éminent collègue sénateur de Maine-et-Loire, M. Huchon, nous demandait, semaine après semaine, de faire inclure dans l'objectif II le canton de Champtoceaux, combien il a été heureux de voir que la Commission de Bruxelles, cédant aux pressions du Gouvernement français, acceptait exceptionnellement de changer les zonages ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'était pas trop difficile !
M. René-Pierre Signé. Il a été gâté ! Il faut continuer avec nous !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Zonages, objectif I, objectif II, objectif 5 B, tous ont apporté - il faut savoir le reconnaître - des aides européennes substantielles et intéressantes.
M. René-Pierre Signé. Et les cantons de gauche ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Pour autant, j'ai demandé à mes services, sur instruction du Premier ministre, d'étudier cette question et de faire des propositions de simplification.
Mais il faut savoir que le gouvernement français n'est pas seul à décider et que Bruxelles a son mot à dire, que les zonages européens ne seront pas revus avant 1999 et que 85 % du territoire - et presque 100 % du département que vous représentez à la Haute Assemblée, monsieur Gerbaud (Exclamations amusées sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR) -...
M. Bernard Piras. Il est gâté !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... étant aujourd'hui couverts par au moins un zonage, toute simplification aboutirait à retirer des avantages à certains. Voilà la difficulté !
M. René-Pierre Signé. Il n'y connaît rien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Concernant l'avenir du monde rural, je partage tout à fait votre préoccupation. J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici même et je le confirme, les Français ne comprendraient pas que nos campagnes fragiles...
M. René-Pierre Signé. Vous ne les connaissez pas !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... ne bénéficient pas de la même sollicitude que les villes.
C'est pourquoi j'ai préparé un plan en faveur du monde rural. Ce plan est très simple. Ce n'est pas une loi cadre, mais il vise à apporter de l'aide dans les domaines de l'emploi, du logement et des services publics.
M. René-Pierre Signé. Parlons-en, des services publics !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ce plan est actuellement soumis à la concertation interministérielle.
Par ailleurs, depuis quinze mois, nous apportons, dans les banlieues en difficulté de nos villes, beaucoup d'innovations. Elles ne soulèvent pas tant de critiques puisque les maires de gauche profitent aussi, bien entendu, des zones franches et que je ne les entends pas émettre beaucoup de réserves sur ce point ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Oui, il faudra l'équité ! Oui, il faudra la justice ! Oui, il faut faire un effort pour la France rurale !
M. Ivan Renar. Il faut construire les villes à la campagne !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. C'est ce que vous avez été incapables de faire et que nous, nous faisons ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.

Article 4 (suite)

M. le président. Mes chers collègues, dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 4, à l'amendement n° 177.
Par amendement n° 177, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer le mot : « et » par le mot : « ou ».
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis. Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Cet amendement tend à soumettre la délivrance d'un titre de séjour aux étrangers parents d'enfants français à des conditions alternatives et non pas, comme dans le projet, cumulatives.
Ces conditions sont les suivantes : l'exercice de l'autorité parentale et la prise en charge des besoins effectifs de l'enfant.
Ces deux conditions figurent déjà dans l'ordonnance de 1945 - à l'article 15, relatif à la délivrance de la carte de résident, et à l'article 25, concernant les personnes pour lesquelles l'expulsion est impossible - mais elles sont alternatives et non cumulatives.
Pourquoi ne pas avoir repris telle quelle la rédaction de l'ordonnance de 1945, si ce n'est pour mettre un obstacle supplémentaire à l'obtention de la carte de séjour temporaire pour certains parents étrangers, d'autant qu'on sait bien de quelle manière les préfectures interprétent l'exigence de subvenir effectivement aux besoins de l'enfant ? Par-delà le versement de sommes d'argent, l'apport affectif, la présence à côté de l'enfant, souvent, ne comptent pas.
Par ailleurs, comment un étranger peut-il verser de l'argent quand il n'a pas le droit de travailler, faute de papiers, sauf à travailler dans la clandestinité ?
Notre amendement, en ce qu'il tend à remplacer le mot « et » par le mot « ou », peut paraître anodin ; il est loin de l'être.
M. le président. Par amendement n° 18, M. Masson, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la seconde phrase du sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« Lorsque la qualité de père ou de mère d'un enfant résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire n'est délivrée à l'étranger que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, de suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est un amendement rédactionnel. Nous avons la faiblesse de penser qu'il clarifie le texte. M. le président. Par amendement n° 178, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le sixième alinéa (5°) du texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° A l'étranger non polygame, dont le concubin est de nationalité française, à condition qu'il soit titulaire depuis au moins un an d'un certificat de concubinage établi dans les conditions légales et délivré en France, que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le concubin ait conservé la nationalité française et que la communauté de vie n'ait pas cessé ; »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Chacun le sait, le nombre des mariages en France tend à diminuer d'année en année, les 417 000 unions enregistrées en 1972 ayant constitué un point culminant.
En 1992, 271 400 mariages seulement ont été célébrés.
Aussi nous apparaît-il important que la Haute Assemblée, consciente de cette évolution, permette à l'étranger dont le concubin est de nationalité française de disposer des mêmes droits que l'étranger vivant maritalement avec une personne de nationalité française.
La commission des lois, considérant qu'il était nécessaire - je cite le rapport - de « limiter le plus possible les catégories d'étrangers qui sont à la fois ni éloignables, ni susceptibles de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire », a proposé de réduire à un an la durée de mariage requise pour un conjoint de Français, revenant ainsi sur la durée de deux ans introduite par l'Assemblée nationale.
C'est un pas. Je tiens toutefois à rappeler qu'avant les fameuses lois Pasqua cette durée était de six mois.
Considérant que le Sénat a finalement retenu la durée d'un an, nous proposons que l'on fasse de même pour les concubins étrangers de Français.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 19 tend :
A. - Après le sixième alinéa (5°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° bis. A l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ; »
B. - En conséquence, dans le premier alinéa de l'article 4, à remplacer les mots : « six alinéas » par les mots : « huit alinéas ».
L'amendement n° 20 vise à rédiger comme suit le dernier alinéa (6°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« 6° A l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un office français de protection des réfugiées et apatrides, ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 19 tend à élargir un peu le champ d'application de l'article 4 - nous répondons en cela au souhait de M. Diligent - encore une fois dans cette recherche de l'homogénéisation des articles 12 bis et 25 de l'ordonnance de 1945.
La catégorie des titulaires de rente qui ne peuvent être éloignés du territoire en application de l'article 25 de l'ordonnance de 1945 mérite aussi d'être considérée, me semble-t-il.
En pratique, peu de personnes sont concernées : seize étrangers titulaires d'une rente ont bénéficié d'une carte de résident en 1995.
L'amendement n° 20 présente l'avantage, me semble-t-il, de clarifier la situation des apatrides. Il tend à préciser l'ajout de l'Assemblée nationale en prévoyant la carte de séjour temporaire dès l'obtention du statut et en reprenant pour le conjoint et les enfants les conditions fixées pour la carte de résident par l'article 15 de l'ordonnance.
M. le président. Par amendement n° 129, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° A l'étranger père ou mère d'un enfant né en France et ayant sa résidence effective en France. »
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Cet amendement vise à améliorer la situation des parents d'enfants nés en France et qui ont vocation à devenir Français à partir de l'âge de seize ans s'ils y ont résidé pendant toute leur jeunesse.
Il s'agit donc d'accorder une carte de séjour temporaire au père et à la mère d'un enfant né en France et qui y a sa résidence effective. Ce critère a été proposé par le collège des médiateurs dans sa réflexion sur la situation des sans-papiers.
Il y a plusieurs cas connus en France, en particulier celui des femmes de Colombes, soutenues par la mairie de la ville, qui ont fait la grève de la faim pour obtenir des titres de séjour.
Pour faire la grève de la faim, il faut avoir une très forte motivation et être dans une situation particulière de détresse, car on ne se lance pas dans ce genre d'action à la légère.
Une fois de plus, mes chers collègues, je vais vous infliger l'exposé d'un cas particulier, pour vous montrer qu'il ne s'agit pas d'idées en l'air.
Une femme originaire d'un des trois pays du Maghreb accouche à Paris d'une fillette. C'est une enfant naturelle née d'une liaison avec un compatriote établi régulièrement en France. Cette femme vit en France. Puis, le couple se sépare ; mais le père reconnaît l'enfant.
Au regard du pays d'origine, seul le père a le pouvoir parental sur l'enfant. Lui seul peut demander un passeport pour cet enfant au consulat du pays d'origine. Ce passeport est refusé à plusieurs reprises à la mère ; elle ne peut donc pas ramener l'enfant dans le pays. La mère est bloquée en France. Que faisons-nous ?
M. le président. Par amendement n° 130 rectifié, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° A l'étranger gravement malade, ayant entrepris un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait des conséquences préjudiciables à sa santé.
« ...° A l'étranger victime de persécutions de la part d'un groupe sans lien avec un Etat. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement a été rectifié en ce que nous proposons de compléter le texte proposé par l'article 4 non plus par un alinéa mais par deux, et chacun sait à quoi nous faisons allusion dans le second.
M. le président. Par amendement n° 179, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° A l'étranger gravement malade ayant entrepris en France un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait de graves conséquences pour sa santé. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à faire bénéficier d'un titre de séjour les étrangers gravement malades qui ont entrepris en France un traitement auquel ils ne peuvent avoir accès dans leur pays d'origine et dont l'interruption entraînerait de graves conséquences pour leur santé.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, devrait, à notre sens, comporter une disposition protégeant les malades étrangers. Nous ne la trouvons pas ! Aucune mention particulière pour les malades ne figure dans le texte. Quel mépris pour la santé des étrangers et, plus généralement, pour la santé publique !
Nous savons tous que les pays d'origine des étrangers malades, que ce soient les Etats du Maghreb ou d'Afrique noire, le Portugal, en Europe, voire, plus loin, la Turquie, ont souvent un bas niveau sanitaire et ne disposent pas, par exemple, des trithérapies pour les malades du sida.
Le conseil national du sida estimait, l'année dernière, à 500 environ le nombre d'étrangers en situation irrégulière atteints par le VIH.
Sur les 150 malades qui se sont adressés à l'association AIDS, plus de la moitié sont en France depuis plus de dix ans, certains étant même nés sur le territoire français. On peut considérer qu'ils sont intégrés !
Dans ces conditions, pourquoi ne pas leur accorder une carte de séjour temporaire, qui leur permettrait de poursuivre leur traitement médical ?
Par cet amendement, nous n'entendons pas encourager des abus, loin de là.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Guy Fischer. Au nom de quoi ne pas régulariser la situation de ces personnes, qui risquent alors d'être renvoyées chez elles, où elles ne pourront se soigner ?
En adoptant cet amendement, c'est un pas en avant vers plus d'humanité que vous feriez en matière de santé publique.
M. le président. Par amendement n° 47, MM. About, Plasait et Serge Mathieu proposent :
A. - De compléter l'article 4 par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« II. - Ce même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La date de validité de la carte délivrée à l'étranger mineur visé au deuxième alinéa (1°) est identique à celle mentionnée sur la carte de séjour temporaire du parent dont la durée de séjour en France est la plus longue. »
B. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : « I. - ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements déposés sur l'article 4, à l'exception de ceux qu'elle a elle-même présentés ?
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 199 vise à supprimer l'article.
Je rappelle à Mme Dusseau, que l'ordre public constitue un objectif de valeur constitutionnelle. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 123 vise à rétablir la carte de séjour temporaire de plein droit pour tous ceux qui se trouvent en situation de « ni-ni », c'est-à-dire ni expulsables ni titulaires d'une carte.
La commission souhaite à cet égard s'en tenir à la prise en compte dans le dispositif de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 de la plupart des situations qui ont soulevé des difficultés, laissant au préfet le soin d'apprécier au cas par cas les quelques situations résiduelles toujours légèrement différentes les unes des autres.
Imaginer que la loi pourrait couvrir tous les cas me semble assez illusoire ; il vaut mieux que l'appréciation sur le terrain reste la règle pour les 20 % environ de cas qui n'auront pas pu bénéficier du dispositif légal proposé.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 123.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.
Notre collègue M. Diligent est un philosophe humaniste. Il sait qu'il existe des principes derrière les grands principes. Il connaît aussi la position intellectuelle de M. Pierre Mazeaud, lequel n'a pas cru devoir la mettre en application devant l'Assemblée nationale, ce qui est bien regrettable à certains égards, car il aurait pu mettre en harmonie ses principes et la réalité. Mais le fait est là, M. Mazeaud a défendu avec beaucoup de pugnacité le projet gouvernemental.
Je reprends les positions non pas de principe de M. le président de la commission des loi de l'Assemblée nationale, mais ses solutions concrètes.
Effectivement, entre les principes et la logique, il y a ce qui est souhaitable et, mon cher collègue, il y a ce qui est possible, puis il y a l'appréciation du pragmatisme des situations et enfin, horreur ! il y a l'opportunité.
Vous me saississez, mon cher collègue, quand je parle de l'opportunité : entre les principes et l'opportunité, il faut sauvegarder sa conscience. C'est ce que la commission des lois s'est efforcée de faire. C'est pourquoi, si cet amendement est maintenu, je serai, à mon grand regret, obligé de le combattre.
L'amendement n° 124 concerne la carte de séjour temporaire de plein droit. Le groupe socialiste propose d'insérer le mot « grave ». Un tel amendement remettrait en cause une solution définie en 1993, qui est applicable également à la carte de résident aux termes des articles 14 et 15 de l'ordonnance de 1945. L'avis de la commission est donc défavorable.
La commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 170, pour les mêmes motifs.
S'agissant de l'amendement n° 125, la commission a émis un avis défavorable.
Elle propose - c'est l'amendement n° 15 que j'ai déjà défendu - une nouvelle rédaction qui atténue la charge de la preuve pour l'étranger mineur. Nous avons le sentiment d'apporter une réponse partielle à l'amendement n° 125.
Les amendements n°s 4 rectifié et 126 me paraissent satisfaits par l'amendement n° 16.
Sur l'amendement n° 127, relatif au conjoint français, la commission a émis un avis défavorable, puisqu'il tend à supprimer la condition liée à la durée du mariage, ce qui est contraire au souhait de la commission de prévoir une durée d'un an.
L'amendement n° 174 a trait également au conjoint d'un Français. L'amendement n° 17 de la commission rétablit la durée d'un an, qui figurait dans le projet de la loi initial. L'amendement n° 174 étant contraire à la position adoptée par la commission, celle-ci ne peut qu'y être défavorable.
L'amendement n° 5 rectifié me paraît satisfait.
L'amendement n° 175 concerne également les étrangers conjoints de français. La condition liée à la régularisation de l'entrée sur le territoire doit être, me semble-t-il, maintenue afin de prévenir les fraudes. La même condition est prévue pour l'attribution de la carte de résident. La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également hostile à l'amendement n° 128, qui a trait aux parents d'un enfant français. En effet, cet amendement a pour objet de supprimer les conditions liées à l'âge de l'enfant, à l'obligation de subvenir à ses besoins ainsi qu'à la reconnaissance postérieure à la naissance. Cet amendement est donc contraire à la position adoptée par la commission.
La commission est également hostile à l'amendement n° 176. En effet, elle a retenu l'âge de seize ans. Il n'y a pas lieu de porter cet âge à dix-huit ans.
La commission est défavorable à l'amendement n° 177, qui concerne les parents d'enfants français et qui tend à remplacer la conjonction « et » par la conjonction « ou ».
Elle est également hostile à l'amendement n° 178.
Elle a exprimé un avis défavorable sur l'amendement n° 129 relatif aux parents d'un enfant né en France car elle est fidèle à sa logique.
Sur l'amendement n° 130 rectifié, je ferai un peu les mêmes observations que pour les autres amendements. Il a pour objet de traiter à la fois du cas des étrangers malades et des victimes de persécutions. Il importe de prendre le temps de la réflexion à cet égard. C'est un amendement qui est assez lourd de signification, et je crois que, dans les faits les préfets ont jusqu'à présent résolu les situations en cause dans des conditions qui, à ma connaissance, sont relativement satisfaisantes.
De toute façon, le Gouvernement a toujours la possibilité de traiter la question au cas par cas au plan national. Je suggère de ne pas inscrire ce dispositif dans la loi ; il aurait un effet incitatif qui serait en définitive préjudiciable à la cause que l'on veut défendre.
C'est pourquoi, avec beaucoup de précautions de langage et tout en respectant l'objectif qui est recherché, j'émets au nom de la commission un avis défavorable.
Je ferai à peu près le même commentaire s'agissant des adjonctions qui avaient été présentées concernant les victimes de persécutions.
Je rappelle qu'il y a le droit commun en ce qui concerne le statut de réfugié. Tout le monde le connaît, ce n'est pas ici l'heure d'en débattre. Cette disposition de la deuxième partie de l'amendement n° 130 rectifié ouvre une brèche dans le droit commun en ce qui concerne la reconnaissance du statut de réfugié. Le statut de réfugié est accordé en France à des gens qui sont victimes de persécutions politiques du fait du gouvernement légal qui est en place dans le pays d'où ils viennent.
M. Jean-Luc Mélenchon. En Algérie, vous voyez bien que c'est le FIS qui ouvre la brèche !
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne vise ni l'Algérie ni aucune situation particulière ; je parle du droit français. Nous ne légiférons ni pour une situation, ni pour l'instant présent ; nous visons le long terme. Rien ne nous dit que, demain, nous ne nous trouverons pas devant des situations totalement différentes en droit et que le fait d'avoir ouvert cette brèche dans notre bloc de lois, qui a maintenant la vertu de l'ancienneté et la patine du temps, ne risque pas de nous causer des problèmes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à l'heure, vous disiez le contraire !
M. Paul Masson, rapporteur. En conséquence, je suggère de maintenir les choses dans leur état actuel.
En tout état de cause, il est prévu dans la Constitution, et même dans la Constitution modifiée en 1993 au congrès de Versailles - vous vous souvenez sans doute que la modification a même conduit le législateur souverain à changer les réflexions du Conseil constitutionnel -...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Paul Masson, rapporteur. ... que l'Etat a toujours la possibilité d'exercer son droit régalien de donner asile à des victimes de persécutions - je ne parle pas de l'octroi du statut de réfugié OFPRA.
Au terme de cet exposé, la commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 130 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n° 179, qui recouvre partiellement les mêmes situations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 199.
S'agissant des amendements n°s 123 et 3 rectifié, je comprends parfaitement le raisonnement qui les inspire, celui-là même qui a guidé, au départ, la réflexion du Gouvernement en vue de régler, si possible, tous les cas d'étrangers ne pouvant être expulsés et qui n'ont pas vocation de plein droit à obtenir un titre de séjour.
Ne disons pas que c'est telle ou telle loi qui a fabriqué des clandestins !
M. Jean-Luc Mélenchon. Quand même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Chacun a raison et chacun a tort. C'est la multiplication de ces lois qui est responsable. Evitons toute polémique, ce n'est pas l'objet du débat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Soyez élégant avec votre prédécesseur !
M. Jean Chérioux. C'est trop facile !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne veux ouvrir aucune polémique...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Moi non plus !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et, au lieu de regarder sans cesse en arrière, je préfère trouver des solutions aux problèmes qui sont les nôtres.
Pourquoi ne pourrions pas dire que ce sont les étrangers, qui, en ne respectant pas les lois, se sont mis dans une situation difficile.
Ce constat n'empêche pas qu'à titre humanitaire nous cherchions à régler la plupart de ces situations par la loi.
Je voudrais en venir aux raisons qui m'ont amené à ne pas vouloir toutes les régler ainsi.
Si nous supprimions la condition d'entretien effectif de l'enfant par les parents d'enfants français, nous aurions le résultat suivant : n'importe quel étranger pourrait reconnaître un enfant français, ne pas s'en occuper et obtenir un titre.
M. Jean-Luc Mélenchon. Franchement ! Vous parlez d'êtres humains, tout de même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Mélenchon, vous avez eu tout loisir de vous exprimer, et je ne vous ai pas interrompu. Alors, laissez-moi terminer ! Donnez à ce débat un peu de dignité au lieu de crier sans arrêt !
Imaginons maintenant que nous supprimions la condition d'âge des enfants, soit seize ans : un parent d'un enfant né en France qui n'aurait jamais vécu en France et ne se serait jamais soucié de son enfant vivant en France pourrait utiliser la manifestation de volonté de son enfant à seize ans pour acquérir le droit d'un séjour en France.
Imaginons enfin que nous supprimions la condition d'entrée régulière pour les conjoints de Français : ne voit-on pas que la pression des mariages blancs serait alors très forte puisque la garantie du visa aurait été éliminée ?
J'ajoute que, parmi les catégories d'inexpulsables citées à l'article 25, figurent les personnes condamnées, mais à une peine inférieure à un an, ce qui n'est pas notre sujet.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s 123 et 3 rectifié. Je tiens à rendre hommage à la générosité de M. Diligent, mais je lui demande d'accepter mon réalisme.
Je suis également défavorable aux amendements n°s 124, 170 et 125, mais j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 15, présenté par la commission.
Les amendements n°s 4 rectifié, 16, 126 et 173 sont relatifs aux étrangers qui résident en France depuis plus de quinze ans, et je souhaite, sur ce point également, apporter quelques explications.
Tout d'abord, il appartient à l'intéressé d'établir la durée et la continuité de son séjour en France. C'est donc de peu de personnes qu'il s'agit.
Ensuite, si nous avons échoué à reconduire l'étranger avant qu'il n'ait atteint quinze ans de résidence, c'est peut-être en raison du laxisme des politiques menées avant 1993, mais il n'en demeure pas moins que, sur un plan juridique, le Conseil d'Etat a précisé dans son avis du 22 août 1996 qu'un renvoi serait le plus souvent illégal parce que contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
En outre, si l'on ne peut effectivement pas compter, après un séjour de quinze ans, sur le renvoi effectif de l'intéressé, je préfère que l'intéressé entre dans la légalité plutôt que de le voir continuer à alimenter l'économie souterraine.
Enfin, il faut être raisonnable : quinze ans, c'est une période qui marque la vie d'une femme ou d'un homme, une période au cours de laquelle des liens personnels se sont tissés et d'autres défaits. En fait, après quinze ans, l'intéressé n'a plus guère de liens avec son pays d'origine et il a fait sa vie en France.
Ma conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, est que ces cas résiduels ne pourront être réglés de manière satisfaisante autrement que par le biais de ce que le Gouvernement vous propose. Les régularisations individuelles ne peuvent être qu'un expédient. Il faut traiter cette affaire dans la clarté, c'est-à-dire au travers de la loi.
Il n'est pas question pour moi de procéder à des régularisations de masse, comme celles qu'ont opérées les gouvernements socialistes en 1981 et 1982... (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. Quelle rengaine !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et comme souhaitent le faire encore certains socialistes : je vous renvoie notamment au discours de M. Mélenchon.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'éviter qu'une politique de fermeté ne puisse courir le risque d'être discréditée parce qu'elle aurait ignoré certains cas incontournables, en fait comme en droit.
En définitive, je vous demande de rétablir le projet initial du Gouvernement et donc d'accorder une carte de séjour, sous réserve de l'ordre public, sous réserve de la polygamie, pour une durée de un an, aux personnes qui vivent en France depuis plus de quinze ans.
Naturellement, cette carte de séjour donnée à ces personnes vivant en France depuis plus de quinze ans ne confère pas un droit irréversible au séjour, car elle ne les exonère pas du respect de nos lois.
J'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 16 de la commission. Du même coup, les amendements n°s 4 rectifié, 126 et 173 se trouvent satisfaits.
Sur les amendements n°s 127 et 174, l'avis est défavorable.
J'en viens aux amendements identiques n°s 17 et 5 rectifié, qui ont pour objet de ramener de deux ans à un an la durée de mariage requise du conjoint étranger d'un Français pour le faire accéder de plein droit à un titre de séjour.
Le souci de l'Assemblée nationale était d'éviter au maximum les fraudes grâce à une durée de deux ans. C'est un souci légitime, mais ce choix ne me paraît pas le bon.
Il serait en effet paradoxal qu'il soit plus facile de devenir Français que d'être titulaire d'un titre de séjour. Or ce serait bien le cas si l'on exigeait une durée de mariage de deux ans puisque c'est cette même durée qui autorise sans restriction un conjoint de Français à obtenir la nationalité française par simple déclaration, en application de l'article 21, alinéa 2, du code civil.
Je suis donc favorable aux amendements n°s 17 et 5 rectifié.
En revanche, je suis défavorable, comme la commission, aux amendements n°s 175, 128, 176 et 177.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 18, un avis défavorable sur l'amendement n° 178 et un avis favorable sur l'amendement n° 19 ainsi que sur l'amendement n° 20.
En effet, la procédure d'accès au statut d'apatride devant l'OFPRA est déjà suffisamment longue et il n'est, dès lors, pas utile d'ajouter un délai de six mois.
Sur l'amendement n° 129, l'avis est défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 130 rectifié, qui est relatif aux malades, notamment, je rappelle que les étrangers en situation irrégulière souffrant de pathologies graves, lorsque leur traitement n'est pas assuré dans leur pays, peuvent obtenir une autorisation provisoire de séjour, et il est bien qu'il en soit ainsi.
Par conséquent, l'amendement est inutile.
D'ailleurs, le renvoi des malades graves dans des pays dépourvus de structures médicales est impossible, comme le Conseil d'Etat l'a souligné à maintes reprises depuis l'arrêt Olmos Quintero de 1990, et encore dernièrement dans son avis du 22 août 1996.
En ce qui concerne les étrangers victimes de persécutions mais qui ne peuvent pour autant se réclamer légalement du statut de réfugié, la loi ne peut prévoir un droit au séjour formulé de façon aussi générale ; cela ne pourrait qu'ouvrir la porte à des abus.
En revanche, je le rappelle, la France s'interdit d'éloigner un étranger à destination d'un pays si l'intéressé établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cette règle est même inscrite à l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par ailleurs, la France s'honore d'accueillir temporairement des étrangers qui sont victimes, dans leurs pays, de situations de violence politique aiguë ou de guerre civile. Elle le fait de façon pragmatique et humaine, en tenant compte des situations individuelles.
Je vous le dis comme je le pense pour l'avoir vécu depuis vingt mois : ne codifions pas ces règles empiriques ; conservons des éléments de souplesse pour traiter dans la discrétion ces cas difficiles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 130 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° 179, et ce dans l'intérêt même des personnes concernées.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 199, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 123.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Lorsqu'il s'agit d'ouvrir à des étrangers le droit d'accéder à notre territoire dans des conditions régulières alors qu'ils font l'objet de persécutions de la part de groupes qui ne relèvent pas de l'Etat - on pense ici à la situation de l'Algérie, a-t-on dit, mais nous aurions pu évoquer d'autres situations - M. le rapporteur parle de la force de la loi, qui couvre tout, les cas particuliers ne pouvant être que des « exceptions ».
Lorsque nous traitons de la situation des personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables, l'argument exactement inverse est avancé : la loi ne doit pas tout couvrir ; on ne doit traiter qu'au cas par cas.
Lorsque le ministre argumente contre nous, il commence par dire qu'il faut laisser les polémiques de côté, qu'il faut non pas regarder derrière soi, mais aller de l'avant et traiter les problèmes qui sont devant nous. Hélas ! quelques instants plus tard, il ne peut déjà plus résister à la tentation de reprendre le refrain sur les régularisations de masse de la période 1981-1982, en exonérant les gouvernements antérieurs, qu'il soutenait, de leurs responsabilités dans la création de cette masse considérable de personnes qui n'étaient pas régularisées.
Dès lors, il faut bien le dire, la discussion ne relève plus du registre de la loyauté. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Monsieur le ministre, la réponse que nous proposons, nous, est simple ; elle correspond au point de vue qui est exprimé à la fois par le groupe socialiste et par le groupe de l'Union centriste et qui l'a été par plusieurs des vôtres à l'Assemblée nationale.
Nous sommes face à un problème inextricable puisque des gens ne peuvent ni être régularisés ni être expulsés. Dans la plupart des cas, c'est du fait des lois Pasqua qu'ils se trouvent dans cette situation.
En toute hypothèse, il y sont parce que, généralement, ils sont parents d'enfants voués à devenir français.
Nous voulons, nous, apporter à cela une réponse qui soit à la fois simple et conforme tant à l'intérêt de notre pays qu'à la vision humaniste dont il est porteur.
A nos yeux, il est effectivement dans l'intérêt de notre pays que nos enfants bénéficient de la présence de leurs parents. Nous avons intérêt à ce que les parents, fussent-ils étrangers, veillent sur les petits Français pendant leur jeunesse.
Voilà la philosophie générale. On règle le problème de manière simple et on renvoie aux autorités compétentes le soin de traiter les exceptions.
Pour vous, c'est l'inverse, monsieur le ministre. Quelle étrange vision de la vie nous aurions si nous devions tous penser comme vous le suggérez ! Il faut faire des lois qui persécutent le plus grand nombre, les parents de nos enfants, au motif qu'ils pourraient se trouver des personnes - la nature est certes ainsi faite, mais ce sont des exceptions ! - qui adopteraient des enfants pour les abandonner, qui auraient une vocation particulière à se marier pour ensuite ne pas vivre avec leur conjoint, etc. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Des comme ça, il y en a beaucoup !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ces turpitudes sont l'exception et on ne fait pas la loi en fonction des monstres ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Vasselle. C'est de l'hypocrisie, de la démagogie !
M. Jean-Luc Mélenchon. On fait la loi en fonction de l'intérêt général. En tout cas, moi, c'est comme ça que je le conçois !
Par conséquent, nous souhaitons une mesure simple plutôt qu'une nomenclature, et sans le règlement au cas par cas par des administrations prétendument bienveillantes mais qui, en fait, ne le sont pas, comme vous le savez, puisque vous donnez vous-même toutes les instructions pour qu'elles ne le soient pas ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. Comment peut-on dire des choses pareilles ?
Mme Nelly Olin. C'et incroyable !
M. Alain Vasselle. Ils ne peuvent pas y croire !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Dans cette explication de vote sur l'amendement n° 123, je tiens à dire à M. le ministre que si, depuis mardi, il oppose systématiquement des dénégations à tout ce que nous disons, dans sa réponse, il y a un instant, il nous a donné acte sur trois points.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous ai dit ce matin que vous n'avez pas voulu faire de loi de régularisation parce que, politiquement, vous ne pouviez pas la défendre, et vous venez de le reconnaître.
Ensuite, nous avons dit qu'avec ce projet de loi il y aurait de nouveaux cas comparables à ceux de l'église Saint-Bernard, de nouveaux cas de personnes en situation de non-droit, dans les mois, dans les années qui viennent.
Enfin, monsieur le ministre, vous nous avez apporté la confirmation de la prééminence de l'administration sur le judiciaire, puisque vous accordez aux préfets le droit de régler certains cas. Vous donnez une prééminence au politique puisque nous savons tous que les préfets prennent leurs ordres au ministère de l'intérieur.
Monsieur le ministre, vous n'avez que confirmé toutes nos craintes et tous les reproches que nous vous adressions à propos de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je crois que notre amendement n° 123 doit être rectifié. En effet, son texte est le suivant : « Sauf si sa présence constitue une menace grâce pour l'ordre public, les étrangers... », ce qui est incorrect. Il conviendrait d'écrire : « Sauf si leur présence ».
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 123 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Après cette modification, notre amendement est identique à l'amendement n° 3 rectifié !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans l'amendement n° 3 rectifié, le mot « grave » ne figure pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est exact.
M. Dominique Braye. N'essayez pas de contourner !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous pourrions dans ces conditions retirer notre amendement, nous rallier à l'amendement n° 3 rectifié, mais il faudrait être certain que ce dernier ne sera pas retiré...
M. Jean Chérioux. Vous pourrez le reprendre, s'il est retiré !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez raison, monsieur Chérioux, merci de nous signaler cette possibilité.
M. Guy Allouche. Merci, monsieur Chérioux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, c'est l'essentiel, monsieur le ministre, si vous voulez que ce soient les préfets qui, au coup par coup - et à la différence des procureurs de la République eux, ils obéissent ! - régularisent la situation des étrangers qui sont inexpulsables, vous disposez d'un moyen très simple : retirez immédiatement votre projet de loi !
M. Alain Gournac. On n'est pas là pour ça !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour le reste, vous nous avez fait part d'une étude d'impact fort intéressante et que cite M. Masson sans son rapport : « En 1993, les catégories d'étrangers bénéficient de plein droit d'une carte de résident ont été modifiées pour éviter des fraudes et des pratiques abusives et faire en sorte que les étrangers ne puissent pas bénéficier de dispositions dérogatoires alors même qu'ils ne remplissent manifestement pas les conditions pour s'en prévaloir.
« Toutefois, il s'avère qu'en maintenant dans sa rédaction ancienne l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui donne la liste des étrangers protégés contre une mesure d'éloignement, la loi a favorisé l'émergence de situations complexes. »
En d'autres termes, ou bien vous modifiez l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui dresse la liste des inexpulsables, ou bien vous estimez que ce n'est pas possible et donc vous décidez de donner une carte à tous ceux qui sont inexpulsables, de manière qu'il n'y ait plus de sans-papiers.
Je ne saurais mieux dire que ceci : « Cette solution est frappée au coin du bon sens.
« Elle met en accord la pratique avec le droit et simplifie notre législation.
« Doit-on préciser que ce fut le constat auquel était arrivé M. Pierre Mazeaud dans son rapport écrit de l'Assemblée nationale sur ce texte ? »
M. Jean Chérioux. Vive M. Mazeaud !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je viens de citer trois phrases qui constituent l'objet de l'amendement n° 3 rectifié.
Nous en sommes d'accord, « nous », c'est-à-dire M. Mazeaud, ainsi que MM. Diligent, Amoudry, Arnaud, Arzel, Badré, Ballayer, Barraux, Baudot, Becot, Bélot, Bernadaux, Bernardet, Blaizot, Blin, Mme Bocandé, MM. Bohl, Cantegrit, Cluzel, Daunay, Deneux, Dessaigne, Dulait... « (Oh ! là ! là ! » sur les travées du RPR), et nous, socialistes ! C'est frappé au coin du bon sens !
Tous ces noms à l'appui, je me permets d'insister sur ce point qui constitue un « tournant » dans ce texte.
Vous prétendez qu'il suffit de s'en remettre aux préfets. On retomberait alors dans le cas de figure de l'église Saint-Bernard ! Si c'est ce que vous vouliez, ce n'était pas la peine de faire tout cela !
Vous êtes même coupable d'avoir lancé cette procédure législative, qui remue toutes ces idées dont on sait à qui elles profitent ! Si ce n'était que pour cela, il valait mieux ne pas faire de loi du tout ! (Vives exclamations sur les travées du RPR.)
Quitte à en élaborer une, au moins qu'elle serve à empêcher qu'il y ait des sans-papiers !
Mes chers collègues, nous vous demandons de voter notre amendement ; mais sachez que nous sommes disposés à voter l'amendement n° 3 rectifié, parce qu'il est frappé au coin du bon sens ; nous espérons qu'il ne sera pas retiré. Si tel était le cas, j'indique d'ores et déjà que nous le reprendrions. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Vous reconnaissez que vous avez fait le lit de l'extrême droite !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. André Diligent. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, j'ai fait l'effort de voter des dispositions que vous nous avez proposées parce que je suis confiant dans la manière dont vous les appliquerez.
Cela dit, je me mets à votre place, et l'opinion que j'ai de vous me dicte ma conduite. Vous avez toujours, au cours de votre carrière, fait ce que vous considériez comme votre devoir, par delà toute autre considération. J'en ferai de même.
Je ne vais pas reprendre tous les arguments qui ont été dits et répétés au cours de ce débat, mais je considère qu'il s'agit d'un amendement essentiel, auquel je veux m'accrocher. Je pense que nous ne regretterons pas, plus tard, de l'avoir adopté parce qu'il traduira une décision de bon sens prise en conscience.
Ne l'interprétez pas comme un acte d'hostilité, monsieur le ministre, mais je maintiens cet amendement. Je souhaite en effet qu'il soit voté afin que nous évitions bien des difficultés supplémentaires.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je reconnais une vertu à l'amendement n° 3 rectifié de M. Diligent, que je ne voterai cependant pas, c'est qu'il tend à supprimer la condition de non-polygamie que j'avais ce matin décrite comme largement illusoire, me fondant sur des arguments qui me paraissent difficilement contestables.
Je suis obligé de constater que c'est une marque d'honnêteté intellectuelle que celle qui consiste à ne pas vouloir créer l'illusion par une disposition qui ne sera pas appliquée parce que les tribunaux empêcheront son application.
Je maintiens ce qualificatif d'honnêteté intellectuelle, même si la démarche de M. Diligent - et je le regrette - contribue à officialiser a contrario la pratique, devenue trop courante de la polygamie en France. (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Monique ben Guiga. C'est une obsession !
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. A force de voter des textes, on ne sait plus très bien où l'on va.
Quoi qu'il en soit, estimer que, dans un Etat de droit où la polygamie est interdite et constitue un délit, le fait de vivre en état de polygamie ne constitue pas une menace pour l'ordre public et ouvre automatiquement la possibilité d'obtenir un titre de séjour serait quelque peu paradoxal, mes chers collègues !
Je considère donc que l'amendement que nous avons déposé, loin d'encourager la polygamie, se limite à régler les problèmes pour les non-expulsables.
En fait, nous ne sommes pas, ou très peu, éloignés de la position du Gouvernement.
Notre amendement a le mérite de simplifier une législation qui est touffue et complexe et que l'on est toujours obligé de remettre sur le métier. J'accepte donc difficilement que l'on puisse prétendre qu'il vise à encourager la polygamie, car c'est complètement faux !
M. Michel Caldaguès. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je voudrais dire pourquoi je voterai moi aussi cet amendement.
Si je comprends bien, le projet de loi que nous examinons se veut à la fois simplificateur, pour résoudre un certain nombre de situations inextricables, et généreux.
Selon moi, quand on veut être simplificateur, il faut vraiment l'être, et simplifier à travers des découpages extrêmement compliqués ce n'est pas vraiment simplifier !
Par ailleurs, lorsque l'on veut être généreux, il faut l'être sans parcimonie !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Dans la mesure où cet amendement, dont l'objet est par ailleurs limité, constitue un progrès par rapport au projet de loi et va dans le sens que nous souhaitons pour résoudre des situations inextricables ou inhumaines, nous le voterons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 : :

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 149
Contre 168

Le Sénat n'a pas adopté.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 170, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L'amendement n° 16 de la commission des lois répondant tout à fait à nos préoccupations, je retire l'amendement n° 4 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Il convient de rappeler que si le texte de l'Assemblée nationale était maintenu, l'Etat continuerait à disposer du pouvoir régalien, qu'il exerce par l'intermédiaire des préfets, pour résoudre les cas qui lui paraissent relever de sa responsabilité et non pas de celle des parlementaires, lesquels n'ont aucun pouvoir d'investigation. Le vote de l'Assemblée nationale n'a donc pas privé le Gouvernement de ce pouvoir régalien.
S'il s'agit d'un texte de loi, comme c'est le cas, l'examen au cas par cas n'est plus possible, parce que c'est un droit qui est institué par le 3° de l'article 4, moyennant une preuve par tous moyens. J'ai fait justice de la réserve sur la polygamie qui, malheureusement, en raison de la jurisprudence, n'a plus beaucoup de consistance.
Alors, que peut-il se produire ? Eh bien, des cas que nous n'avons pas prévus peuvent apparaître.
Je ne prétends pas qu'en matière d'immigration irrégulière il n'y ait que des situations scandaleuses - il existe aussi des cas pénibles, voire dignes de commisération. Néanmoins, certaines situations sont bel et bien scandaleuses, et je vais vous donner un exemple qui n'est sans doute pas isolé.
Le 3° de l'article 4, dans la rédaction initiale du texte, fait courir la période de quinze ans, à partir de l'année 1982 ; par conséquent, cela nous amène en 1997. Or, sachez que, en 1982, un réseau de prostitution,...
M. Pierre Biarnès. Ah !
M. Michel Caldaguès. ... qualifié par la police d'« organisation structurée », avec des responsables collectant les recettes, a fait entrer en France cinq cents prostituées originaires d'un pays d'Afrique non francophone.
Mme Monique ben Guiga. Ouf !
M. Michel Caldaguès. C'est la seule précision que je puisse apporter, et elle ne change rien à l'affaire.
Ce réseau a introduit ces femmes sur notre territoire en leur faisant réclamer le statut de réfugié et demander le bénéfice du droit d'asile. Suite à cette demande, elles ont obtenu un récépissé qui leur a tenu lieu, pendant plusieurs années, de titre de séjour. Elles le présentaient avec un certain sourire aux policiers qui les interpellaient dans un arrondissement limitrophe de celui que j'administre.
Lorsque la cohabitation a permis de renforcer les moyens de l'OFPRA et, par conséquent, d'accélérer les procédures, un certain nombre de ces demandes d'asile scandaleuses ont été rejetées. Puis, on s'est enlisé.
Je dois reconnaître objectivement que le gouvernement de M. Rocard a contribué à renforcer les moyens de l'OFPRA, mais pour aboutir à quoi ? Après le rejet de ces demandes d'asile scandaleuses, il n'a été procédé, en tout et pour tout, qu'à une seule reconduite à la frontière, en 1991. Depuis, ces prostituées se sont égayées dans la nature, les unes logeant dans des studios, les autres dans des foyers pour travailleurs immigrés - j'ai des informations très précises sur ce point.
M. Guy Allouche. Vous êtes bien introduit, mon cher collègue !
M. Michel Caldaguès. En l'état actuel des choses, elles vont pouvoir bénéficier, si nous ne maintenons pas le texte de l'Assemblée nationale, des dispositions du 3° de l'article 4.
En effet, la réserve touchant à l'ordre public n'est pas applicable, chacun sachant que la prostitution n'est plus, d'après les textes, contraire à celui-ci. Elles pourront, de ce fait, obtenir une carte de sécurité sociale, bénéficier de tous les avantages que cela implique et se voir décerner un titre de séjour.
Je ne pense pas que le réseau de prostitution que j'évoquais à l'instant puisse s'en plaindre !
Alors, mes chers collègues, dans une discussion comme celle-là, des problèmes de conscience se posent.
M. le président. Monsieur Caldaguès, il faut conclure.
M. Michel Caldaguès. j'arrive à ma conclusion, monsieur le président.
On ne peut se contenter de déclarations abstraites, il faut aussi tenir compte de ce qui se passe sur le terrain.
C'est la raison pour laquelle je ne saurais, en aucun cas, permettre des opérations comme celle que je viens de décrire. Il en existe peut-être d'autres, sur lesquelles je n'ai pas d'informations. (Applaudissements sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien ! Voilà un homme courageux !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Pour ce qui me concerne, j'adopterai une position identique à celle de notre collègue Michel Caldaguès,...
M. Emmanuel Hamel. Vous ne serez pas le seul !
M. Alain Vasselle. ... et je me rallierai à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
M. Dominique Braye. Moi aussi !
M. Alain Vasselle. Je comprends cependant les difficultés auxquelles se trouve confronté M. le ministre de l'intérieur.
Est-il nécessaire de rappeler encore une fois, comme je l'ai fait lorsque j'ai présenté l'amendement que j'ai finalement accepté de retirer, que, si les ordonnances de 1945 avaient été appliquées scrupuleusement depuis leur signature, nous n'en serions certainement pas là ? De plus, l'adoption, sous des gouvernements socialistes, des lois de 1981, 1989, 1991 et 1993 a provoqué à l'époque la régularisation en masse de la situation d'un grand nombre d'étrangers,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes répétitif !
M. Alain Vasselle. ... et l'on pouvait au moins espérer que ces gouvernements feraient preuve de rigueur en matière d'entrée sur le territoire d'immigrés en situation irrégulière. Or il n'en a rien été ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
La situation que nous connaissons aujourd'hui nous oblige à légiférer de nouveau, et c'est parce qu'un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière se maintiennent depuis 1982 sur le territoire national - on n'a pas eu le courage, à l'époque, de prendre des mesures d'expulsion à leur encontre - que M. le ministre se trouve dans une situation difficile.
M. Claude Estier. Et les lois Pasqua ? Elles ont servi à quoi ?
M. Alain Vasselle. Et l'on nous demande aujourd'hui de prendre des dispositions tendant à régulariser la situation d'étrangers qui séjournent de façon irrégulière dans notre pays depuis 1982 !
Cette situation est vraiment inacceptable, d'autant plus que l'opinion publique n'y est pas du tout prête, bien au contraire, et M. le ministre de l'intérieur le sait bien.
C'est la raison pour laquelle je ne peux, en ce qui me concerne, accepter une proposition comme celle qui nous est soumise. Je suis d'ailleurs persuadé que, si l'on consultait l'opinion publique sur ce sujet, soit par sondage, même si l'on ne légifère pas par sondage, soit par référendum, la majorité des Français soutiendrait les sénateurs qui s'apprêtent à voter contre cet amendement, dont je fais partie, ainsi que M. Caldaguès.
M. Emmanuel Hamel. L'immense majorité !
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je voudrais dire à notre collègue Alain Vasselle qu'il a tort de se fatiguer à défendre de tels arguments.
Monsieur Vasselle, vous avez présenté les législatures, ou les mandatures, socialistes comme des catastrophes nationales... (« Il a raison ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Dominique Braye. Regardez dans quel état se trouve le pays !
M. Emmanuel Hamel. Hélas pour le France !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et vous, vous avez fait 1 800 milliards de francs de dettes !
M. le président. Mes chers coillègues, la parole est à M. Allouche, et à lui seul !
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Dominique Braye. Vous avez reconnu vous-même que c'était une catastrophe !
M. Guy Allouche. Non, monsieur Braye, je ne l'ai pas reconnu, contrairement à ce que vous dites !
Si cela avait été le cas, pensez-vous que les Français auraient été idiots au point de réélire brillamment François Mitterrand en 1988 ? Pensez-vous vraiment que les Français auraient été idiots au point de donner à la gauche la majorité en 1988 ? (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Emmanuel Hamel. Ils ont été trompés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela vous va bien de dire ça !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, n'insultez pas le suffrage universel ! Il faut le respecter.
En 1988, les Français ont clairement fait leur choix après les deux années de gestion d'un gouvernement dirigé à l'époque par M. Chirac.
Aussi est-il inutile de vous répéter sans cesse, monsieur Vasselle. Vous n'êtes pas crédible sur ce point !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons déposé un amendement n° 126, qui sera examiné après l'amendement n° 16 de la commission, auquel il ressemble beaucoup, avec cette différence qu'il y est précisé que l'étranger ne doit pas vivre en France en état de polygamie.
M. Christian Bonnet. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aimerais donc demander à M. le rapporteur, puisque les mots « en France » sont absents du texte de son amendement, si nous sommes bien d'accord sur le fait qu'il s'agit uniquement de prendre en compte la situation sur notre territoire de l'étranger, et que si, polygame, il retourne dans son pays voir ses autres femmes, cela ne nous regarde pas. Je pense que nous sommes bien d'accord à ce propos. (M. le ministre fait un signe d'approbation.) M. le ministre approuve, je l'en remercie.
Il s'agit donc bien de la situation en France. Puisque nous sommes d'accord, nous modifions notre amendement en supprimant les mots « en France », ainsi que la conjonction de coordination « et, » qui ne se justifie plus.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 126 rectifié, visant à rétablir le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par l'article 4 pour remplacer les trois premiers alinéas de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans la rédaction suivante :
« 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ; »
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre amendement est donc désormais très exactement semblable à celui de la commission.
M. Jean Chérioux. Vous allez donc le voter !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, lorsque vous mettrez aux voix l'amendement de la commission, vous mettrez, je suppose, le nôtre aux voix en même temps.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Ça nous gêne un peu !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement pour la République.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 103:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317159298
Contre 19


Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements n°s 126 rectifié et 173 n'ont plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 127.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. En guise d'explication de vote, je demanderai à M. le ministre de nous expliquer comment on peut vivre ensemble dans l'irrégularité la première année de mariage.
M. Michel Rocard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Nous sommes, une fois de plus, devant l'enjeu profond de ce projet de loi. La disposition qui va être adoptée est l'une des plus typiques. En effet, nous allons créer une obligation d'irrégularité pendant un an.
Je souhaitais simplement attirer votre attention sur ce point. J'ajouterai que cela ne me paraît pas très intelligent, ni même cohérent avec ce que vous voulez faire. Voyez où pousse l'outrance !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne peux pas m'empêcher de m'exprimer en cet instant, car je me souviens du débat qui nous a opposés, chers collègues de la majorité, lors de l'examen des lois Pasqua, au moment où vous avez déjà créé une suspicion d'irrégularité pouvant donner lieu à poursuites à l'encontre du conjoint, en l'occurrence le conjoint français, qui, ayant épousé un étranger, aurait rompu cette union avant le délai de deux ans. Cette disposition était déjà assez extraordinaire.
Cette fois, il s'agit de la disposition inverse. Il est créé une obligation de mariage avec une année de situation irrégulière. Je ne puis m'empêcher de vous dire en souriant que ce sera véritablement la première catégorie de Français à qui, pour faire le choix de son conjoint, sera imposée une obligation de mariage. Je me permets de rappeler que l'immense majorité des couples se forment aujourd'hui en concubinage. Mais j'imagine qu'une telle situation vous fait honneur et que vous ne voyez pas de quoi je veux parler. Pourtant, c'est la vie, c'est ainsi que les choses se passent.
Il existe donc deux catégories de Français. Il y a, d'une part, ceux qui aiment d'autres Français, qui peuvent donc vivre en concubinage et avoir des enfants, ce qui est le cas d'une très large majorité de nos jeunes concitoyens. Il y a, d'autre part, ceux qui, pour leur malheur, aiment des étrangers, et qui sont donc contraints d'adopter une forme de vie commune particulière qu'est le mariage. Vous retardez de près d'un siècle ! (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Chérioux proteste.) M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 174, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 17 et 5 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale, et donc à ne pas suivre la proposition faite par l'Assemblée nationale et visant à porter le délai à deux ans.
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement. En effet, la rédaction de l'Assemblée nationale me paraît plus plausible et mieux à même d'atteindre l'objectif que l'on cherche à atteindre.
A l'appui de la position de la commission, il a été dit que cette disposition, si nous l'adoptions, ne serait pas en harmonie avec d'autres dispositions législatives qui, elles, font référence au délai d'une année.
J'aurais préféré que l'harmonisation joue dans le sens inverse, c'est-à-dire que la durée de deux ans soit maintenue et que les dispositions qui font référence à un an soient harmonisées en conséquence. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Dix ans, c'est mieux, non ?
M. Alain Vasselle. Je crois d'ailleurs me souvenir que lorsque nous avons délibéré sur d'autres textes, la référence de deux ans a été prise en compte par le Parlement pour veiller à la bonne stabilité des couples. Il était hors de question que le Parlement adopte la durée de six mois : il ne fallait pas encourager la formation de couples de circonstances visant à favoriser l'entrée d'étrangers en France.
Telle est la raison pour laquelle la période de deux ans me paraît mieux adaptée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mettez trente ans !
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Puisque, comme l'a souligné M. Mélenchon, le concubinage s'est généralisé et est donc on ne peut plus fréquent, pourquoi cette fièvre de mariages à répétition chez certains ? (Vives protestations sur les travées socialistes.)
Mme Monique ben Guiga. C'est insultant à la fin ! Nous sommes insultés à longueur de temps. Il y a des millions de Français qui sont mariés à des étrangers.
M. Michel Caldaguès. Et c'est ce qui nous rend attentifs.
C'est la raison pour laquelle je ne retirerai pas cet amendement.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Je demande que l'on me présente des excuses ! Je suis veuve d'un étranger ! Des millions de Français sont mariés à des étrangers ! Nous ne sommes pas tous des fraudeurs, des clandestins ou des malfrats ! Alors, ça suffit ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Pourquoi vous sentez-vous visée ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vos propos sont réellement indignes et je tiens à m'associer à la réaction de ma collègue.
On entend, ici, des choses incroyables, notamment que le législateur aurait à se préoccuper de la bonne stabilité des couples. Mais de quoi vous mêlez-vous ? Ce n'est pas une chambre à coucher ici, c'est un Parlement, où l'on a à organiser les conditions dans lesquelles les gens peuvent vivre, et de la manière la plus libre qui soit. Le reste les regarde.
Quelle est cette espèce de suspicion aprioriste jetée sur les couples mixtes, auxquels vous demandez une confirmation pendant deux ans ? Oseriez-vous demander une telle confirmation à vos propres enfants ?
M. Michel Caldaguès. Nos enfants, ils sont français !
Un sénateur du RPR. Et, surtout, pas aussi pressés de se marier !
M. Jean-Luc Mélenchon. Qu'est-ce que ça veut dire ? Sans compter cette manie de parler toujours de l'étranger comme d'un fraudeur en tout ! Vraiment, vous passez les bornes ! Pesez au moins vos mots. Si le pays - à en croire les échos, il est sensible au fait qu'autant de sénateurs soient réunis pour examiner à fond ce dossier - venait à entendre ce qui se dit ici, il serait, j'en suis sûr, révulsé et trouverait que c'est indigne d'une assemblée comme la nôtre. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je considère, comme le Gouvernement et la commission, qu'il est nécessaire de revenir au texte initial. En l'occurrence, je ne suis pas d'accord avec M. Caldaguès.
M. Charles de Cuttoli. Vous avez bien tort !
M. Yann Gaillard. J'ai en effet peut-être tort, si j'en crois votre grande expérience, mon cher collègue !
La réaction de nos collègues socialistes est hors de propos. Je ne vois pas en quoi M. Caldaguès a insulté les veuves d'étranger. La tension est montée sans véritable justification. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR et sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappellerai très brièvement qu'en vertu de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion l'étranger marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française. Il ne peut donc pas être expulsé.
De surcroît, en vertu de l'article 15, dans le même cas, il a droit à une carte de résident dès lors que non seulement il est entré régulièrement sur le territoire, mais qu'il y séjourne de manière régulière. Nous sommes bien d'accord.
Pourquoi donc celui qui est très exactement dans le même cas n'aurait-il pas droit à une carte, dès lors que, peut-être, il séjourne irrégulièrement, mais - c'est marqué en toutes lettres dans le quatrième alinéa - qu'il est entré régulièrement sur le territoire français ?
Il est marié depuis plus d'un an, et il est entré régulièrement sur le territoire français. Vous voulez qu'il ait une communauté de vie et vous voudriez qu'il n'ait pas de carte de résident ? Franchement, c'est impensable, ce n'est pas raisonnable ! C'est comme cela que vous fabriquez des sans papiers !
Si vous n'en voulez plus, il faut voter, c'est évident, l'amendement proposé, qui est un minimum.
Nous aurions voulu, quant à nous, qu'une carte puisse être délivrée dès lors que les gens sont mariés, un recours, conformément aux textes, pouvant toujours être engagé en cas de mariage suspect. Vous ne le voulez pas. Mais, au moins, qu'il y ait identité entre l'article 25, c'est-à-dire les personnes inexpulsables, et les cartes de résidents temporaires !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 17 et 5 rectifié, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 175, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 176, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 178, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 129, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 130 rectifié.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. On ne peut pas être insensible au souci exprimé dans le premier alinéa de cet amendement, comme d'ailleurs dans l'amendement n° 179, surtout après avoir entendu les orateurs qui ont montré que ces dispositions visaient des situations réelles extrêmement douloureuses, qui existent dans notre pays.
Mais il faut reconnaître aussi que M. le ministre a bien voulu donner tous apaisements en ce qui concerne l'attitude de l'administration et des pouvoirs publics vis-à-vis de ces malades.
Je voudrais apporter mon témoignage : j'ai la responsablité d'une institution qui s'occupe de ce genre de malades. Un nombre très important d'entre eux se trouvent dans une situation d'irrégularité évidente, et certains sont mêmes expulsables à la suite d'une condamnation pénale. Je peux vous apporter le témoignage que, dans aucun cas, il n'est procédé à l'expulsion de toutes ces personnes qui sont soignées dans les hôpitaux comme tout le monde et bénéficient de tous les traitements. C'est à l'honneur de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean Chérioux. Face à cette situation, les amendements présentés posent à mon avis un problème, dans la mesure où ils ont un aspect général qui me paraît gênant. Telle est la raison pour laquelle je ne les voterai pas.
Je dois néanmoins reconnaître qu'ils ont au moins la vertu d'avoir posé le problème. En effet, ces personnes, qui souffrent et sont incertaines sur leur vie même, souhaitent savoir si elles pourront poursuivre les soins.
C'est pourquoi il est bon que ce problème ait été évoqué au sein de la Haute Assemblée.
Je vous demanderai simplement, monsieur le ministre, de rappeler solennellement quelle est la position du Gouvernement à cet égard. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, l'amendement n° 130 rectifié posant deux problèmes très importants, je demande un vote par division. Je bornerai donc mon explication de vote à la première partie de cet amendement, qui concerne les étrangers gravement malades.
Je remercie très vivement M. Chérioux pour la teneur de ses propos. A partir de là, je voudrais m'efforcer de le convaincre et de persuader l'ensemble du Sénat de voter cet amendement.
En effet, nous sommes d'accord sur un point : lorsqu'un étranger gravement malade a entrepris un traitement auquel il ne peut avoir accès dans son pays d'origine et dont l'interruption entraînerait des conséquences préjudiciables à sa santé, il ne doit pas y avoir d'expulsion. Nous demandons donc qu'il bénéficie d'une carte de résident temporaire.
M. le ministre nous a dit tout à l'heure que, dans la pratique, il n'y avait pas de problème. M. Chérioux apporte le témoignage qu'il n'y a pas d'exception à cette règle qui est, dit-il - et c'est vrai - à l'honneur de la France. Et j'ajoute qu'elle est à l'honneur du gouvernement actuel et des précédents gouvernements qui se sont succédé et qui ont appliqué une telle règle.
Mais pourquoi le Parlement n'irait-il pas jusqu'à inscrire cet honneur de la France dans la loi ? En raison de l'aspect général de la règle, avez-vous indiqué, monsieur Chérioux. Mais puisque vous nous dites précisément qu'il n'y a pas d'exception à cette règle, c'est donc que cela doit être général !
De plus, les gouvernements peuvent changer ; la loi, elle, est inscrite dans le marbre. Or, monsieur Chérioux, vous dites vous-même que ces malades doivent avoir une garantie. L'engagement du Gouvernement est tout de même une garantie moins solide que la loi elle-même !
Monsieur Chérioux, pour que ces malades puissent se soigner tranquillement, pour que l'inquiétude ne s'ajoute pas à leur souffrance physique, il faut inscrire cette disposition dans la loi, car c'est une garantie supplémentaire. Voilà pourquoi nous demandons avec beaucoup de confiance à l'ensemble du Sénat de voter la première partie de l'amendement n° 130 rectifié. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je me suis exprimé tout à l'heure sur ce sujet extrêmement difficile et délicat.
Je rappelle encore une fois que les étrangers en situation irrégulière souffrant d'une pathologie grave et suivant un traitement médical dont ils ne pourraient bénéficier dans leur pays ne sont jamais reconduits à la frontière.
Avant ce débat, j'ai demandé à mes services si des cas d'erreurs avaient été enregistrés. On ne m'en a signalé aucun !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien, alors ?
M. Jean Chérioux. Il est important que cela se sache, monsieur le ministre, et c'est pourquoi il est bon que vous le disiez !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Dès que nous sommes alertés, nous prenons beaucoup de précautions : nous demandons une expertise médicale et nous interrogeons nos diplomates. Je n'ai d'ailleurs qu'à me satisfaire de la grande responsabilité en ce domaine des fonctionnaires du ministère de l'intérieur, car ils font vraiment très attention.
Par conséquent, il me paraît inutile de faire figurer dans la loi une telle disposition. Franchement, cela serait alors considéré comme une atteinte portée à l'action de la France. Nous n'avons pas besoin d'un tel texte pour respecter à la fois la jurisprudence et notre honneur. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'ai été saisi par M. Dreyfus-Schmidt d'une demande de vote par division de l'amendement n° 130 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour le premier alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 179 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur Chérioux, les propos que vous venez de tenir font chaud au coeur et vous honorent.
Nous ne pouvons pas non plus oublier que, au moment où certains, au sein de la majorité actuelle, avancaient l'idée d'une possible interruption des soins, M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, a jugé cette proposition honteuse et scandaleuse. Il est bon, de temps à autre, d'entendre des propos comme ceux que vous venez de tenir, mon cher collègue.
J'en viens au texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement compris quel en était l'objectif et même - oserai-je le dire ? - la noblesse. Nous nous rangeons en quelque sorte à votre argument selon lequel il est à craindre que, au-delà du cas auquel nous pensons à l'heure présente - inutile d'insister, chacun comprend - une telle disposition, compte tenu de la situation mondiale et de tous les foyers de guerre civile que l'on constate ici ou là, constituerait effectivement un appel.
Nous aurions souhaité l'inscription de cette mesure dans la loi. Même si ce n'est pas le cas, il est bon, monsieur le ministre, que le Gouvernement rappelle, comme vous l'avez fait à l'instant, que, pour celles et ceux qui vivent dans des conditions dramatiques, la France, au cas par cas, ne fermera pas la porte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'ensemble de l'amendement n° 130 rectifié est rejeté.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. L'objectif affiché de cet article 4 était donc de régler le cas des étrangers qui n'étaient pas expulsables et qui, jusqu'alors, n'étaient pas régularisables.
Au total - vous l'avez dit, monsieur le ministre - vous avez voulu régler « le maximum de cas ». Je ne sais pas exactement ce que l'expression veut dire.
Je constate simplement que l'on va régler par ce vote quelques cas relativement peu nombreux et que l'on va encore en créer d'autres.
J'ai donc le regret de penser que, dans dix-huit mois ou dans deux ans, avec vous ou avec votre successeur, si la majorité passe le cap de mars 1998, nous nous retrouverons - nous serons en effet confrontés à une aggravation des situations que vous prétendez améliorer - avec une suite d'occupations diverses de lieux publics, d'églises, de stades, et de troubles dans les quartiers difficiles, où le chômage désespère les jeunes et où, parmi ces jeunes désespérés, il y en a d'encore plus désespérés qui conjuguent le chômage avec l'irrégularité, après avoir pourtant passé toute leur jeunesse en France.
Ce qui me frappe dans cet article qui se voulait l'article magnanime, généreux, c'est que, en fait, l'obsession de la fraude, qui est la caractéristique du présent projet de loi, affleure à chaque instant.
Au lieu de considérer la population dont on veut régler les conditions de vie en France dans son ensemble, on prend en compte les quelques cas de fraude ou de détournement de procédure et on légifère pour les fraudeurs, contre les fraudeurs, sans s'occuper des conséquences de cette attitude pour la majorité des honnêtes gens.
Cela signifie que vous assimilez l'ensemble des étrangers pour lesquels vous légiférez à ces quelques fraudeurs et malfrats, qui existent parmi eux comme dans toute population. C'est cela qui est grave, c'est cette assimilation qui est présente dans l'esprit de tous les xénophobes et que nous retrouvons ici, quoi que vous en disiez.
Alors, quand vous nous parlez de réalisme, de fermeté, de raison, je dis que le réalisme, la fermeté et la raison qui conduisent à séparer des familles, à bannir des jeunes élevés en France ou à les contraindre à la clandestinité dès leur dix-huitième anniversaire, à punir des enfants pour la faute de leur père, à enserrer le mariage avec un étranger dans des règles quasiment impossible à respecter dans la majorité des cas, ce réalisme, cette fermeté et cette raison sont, permettez-moi de vous le dire, de l'aveuglement !
Ce qui frappe, finalement, dans un pays comme le nôtre, c'est de se trouver devant un texte qui ne contient aucune générosité, alors que le fondement de notre identité républicaine c'est la générosité. La France n'est pas un pays comme les autres, la France, ce n'est pas l'Allemagne, la France, ce n'est pas la Suisse, la France, ce n'est pas la Grande-Bretagne...
M. Emmanuel Hamel. Qu'elle reste la France !
Mme Monique ben Guiga. Nous sommes fiers d'être Français, d'avoir un autre héritage politique et culturel que les autres pays d'Europe, avec lesquels nous nous entendons bien mais qui n'ont pas ce qui fait de la France un pays différent des autres et regardé dans le monde entier comme tel.
Nous nous enfonçons dans la mesquinerie, et nous poussons cette mesquinerie même dans le don : nous donnons et, en même temps, nous retirons. La mesquinerie dans la répression, la mesquinerie dans le don, vraiment, ce n'est pas conforme à l'honneur de la France. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan. Ce sont des termes qu'ils ne faut pas galvauder, madame !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. Par amendement n° 180, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membre du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est ainsi rédigé :
« Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de défendre cet amendement, je voudrais apporter une précision et confirmer que, comme l'a indiqué notre collègue Jacqueline Fraysse-Cazalis en expliquant notre vote sur l'amendement n° 16, le groupe communiste républicain et citoyen a bien voté pour ledit amendement.
Voilà qui mérite d'être confirmé publiquement, puisqu'une dépêche d'agence fait apparaître une position différente. Il s'agit donc d'être clair : nous avons voté pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an aux immigrés en situation irrégulière résidant sur le territoire depuis plus de quinze ans.
M. le président. Mon cher collègue, le sens du vote du groupe communiste républicain et citoyen est connu puisqu'il a été exprimé par Mme Fraysse-Cazalis.
Cela étant, la présidence ne peut assurer le suivi et la rectification de toutes les dépêches de presse : ce serait un trop vaste programme.
Mais je vous redonne la parole, pour défendre maintenant l'amendement n° 180.
M. Guy Fischer. Je comprends fort bien votre position, monsieur le président, mais cette mise au point s'imposait au sein de notre hémicycle.
S'agissant de l'amendement n° 180, l'article 15 de l'ordonnance de 1945 concerne les conditions de délivrance de la carte de résident de « plein droit ».
Cette disposition a été complétée par les lois dites « Pasqua », qui ont modifié en profondeur les conditions d'attribution.
Ainsi, depuis 1993, deux conditions ont été ajoutées : la régularité du séjour, et la régularité de l'entrée sur le territoire. Comment, dès lors, peut-on parler de délivrance du titre de plein droit ?
Ces nouvelles conditions ont entraîné une diminution des cas dans lesquels un étranger peut se voir attribuer une carte de résident.
Cette modification des conditions de délivrance des cartes de résident est, pour une bonne part, responsable de l'émergence des sans papiers.
Avant 1993, certains d'entre eux avaient pu bénéficier d'une carte de résident de plein droit. Ce n'est, hélas ! plus le cas.
C'est pourquoi nous proposons de revenir à la rédaction antérieure à 1993, ce qui permettrait de donner des papiers à ceux qui n'en ont pas.
L'adoption de cet amendement constituerait une avancée considérable et permettrait de rééquilibrer un tant soit peu le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Nous sommes dans un cas bien différent, qui concerne l'octroi de la carte de résident. Ce n'est pas rien, la carte de résident : elle ouvre droit à une situation qui est totalement pérenne !
En 1993, d'une façon tout à fait justifiée, le Gouvernement à subordonné l'octroi de cette carte à l'absence de menace pour l'ordre public.
Pour le groupe communiste républicain et citoyen, la menace doit être grave, et la condition de régularité du séjour et de l'entrée sur le territoire ne plus être exigée.
Comment pourrait-on admettre un tel dispositif, qui va à l'encontre et de l'esprit et de la lettre de la loi de 1993 ? La commission est donc défavorable à l'amendement n° 180.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 180, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 200, Mme Dusseau propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« La carte de séjour temporaire est délivrée à l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux.
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 4 bis

M. le président. « Art. 4 bis . - Le premier alinéa de l'article 16 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« La carte de résident est valable dix ans. Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public et sous réserve des dispositions des articles 15 bis et 18, elle est renouvelée de plein droit. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 65 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 131 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 201 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 4 bis.
Par amendement n° 21, M. Masson, au nom de la commission, propose de compléter in fine le texte présenté par l'article 4 bis pour le premier alinéa de l'article 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par une phrase ainsi rédigée : « Le renouvellement de plein droit de la carte de résident est subordonné à la condition que l'étranger ait conservé sa résidence habituelle en France. »
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 65.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous proposons la suppression de l'article 4 bis, qui a été inséré par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, sur la proposition de M. Jean-Paul Philibert et de plusieurs de ses collègues.
Cet article tend à donner une nouvelle rédaction au premier alinéa de l'article 16 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de subordonner le renouvellement de la carte de résident à l'absence de « menace pour l'ordre public ».
Nous ne pouvons accepter une telle référence à une notion aussi mal définie que la menace à l'ordre public, soumise, au surplus, à l'appréciation des services préfectoraux.
Même les lois de 1993 n'étaient pas allées jusque-là puisqu'elles prévoyaient le renouvellement de plein droit de la carte de résident.
Au-delà du caractère discrétionnaire de cette appréciation, c'est la clé de voûte de la sécurité du séjour des étrangers qui est remise en cause, alors que la loi sur la carte unique de dix ans, votée à l'unanimité en juillet 1984, avait consacré la nécessité de garantir le droit au séjour aux étrangers durablement installés en France.
En recréant une précarité et une insécurité pour tous, l'article 4 bis constitue une grave régression aux conséquences très importantes.
On ne peut pas se contenter de ce qui est écrit dans le rapport de M. Masson, à savoir que le présent article met en cohérence les règles applicables au renouvellement de la carte de résident avec celles qui sont relatives à la délivrance de ladite carte.
Comme si cela ne suffisait pas, la commission des lois du Sénat propose un amendement complétant cet article 4 bis , afin de subordonner le renouvellement de la carte de résident à la condition que l'étranger ait conservé sa résidence habituelle en France.
Cet ajout prend en compte, lit-on dans le rapport de M. Masson, la préoccupation exprimée par l'Assemblée nationale à l'article 4 ter concernant la péremption de la carte de résident.
Pour notre part, nous ne pouvons accepter ni les dispositions de l'article 4 bis ni celles de l'article 4 ter .
Par conséquent, je vous propose d'adopter dans un premier temps, notre amendement de suppression de l'article 4 bis , par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 131.
M. Guy Allouche. Nous demandons nous aussi la suppression de l'article 4 bis .
Tout d'abord, cet article s'éloigne nettement de l'esprit du texte de 1984, adopté, cela mérite d'être souligné, à l'unanimité par le Parlement.
L'article 14 de l'ordonnance de 1945 prévoit que la délivrance de la carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public, et l'article 15 de la même ordonnance subordonne la délivrance de plein droit de la carte de résident à l'absence de menace pour l'ordre public.
Nous sommes dans le cadre d'une condition préalable à la délivrance d'un titre de séjour, aisément compréhensible puisqu'elle vise une présence de longue durée sur notre territoire. Il est donc inutile d'insister.
En revanche, il n'a jamais été envisagé de considérer le cas de menace pour l'ordre public comme un motif de refus de renouvellement de la carte de résident. En effet, en la circonstance, les personnes intéressées sont des étrangers en situation régulière qui, par hypothèse, résident en France depuis plus de dix ans, et sont donc sur la voie d'une forte intégration dans la société française. Le but recherché consiste à instaurer un cadre stable à des situations personnelles fragiles.
Avec l'article 4 bis , la sécurité du séjour des étrangers en situation régulière est remise en cause en l'absence de toute garantie.
La notion de « menace pour l'ordre public » est difficile à discerner. Une définition trop stricte en limite l'application, une définition trop floue risque d'ouvrir la voie de l'arbitraire. Il faut donc faire confiance à l'appréciation de l'administration et à la vigilance des juges.
Toutefois, depuis l'adoption des lois Pasqua de 1993, de nombreux cas portés à notre connaissance témoignent d'un renforcement de l'arbitraire administratif.
Face à la décision du préfet de refuser le renouvellement de la carte, vous supprimez la garantie préalable accordée à l'intéressé, puisque le projet de loi prévoit, à l'article 5, la suppression de la commission du séjour. Or c'est devant cette commission que « l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent pour l'octroi ou le renouvellement d'un titre de séjour », selon l'article 18 bis de l'ordonnance.
Le contrôle du juge administratif demeure susceptible de s'exercer. Mais ce dernier est limité à une erreur manifeste d'appréciation de la décision et n'intervient, de toute façon, qu'après son exécution puisque le recours n'a pas un caractère suspensif.
Je signale, enfin, que la référence à la menace pour l'ordre public est superflue. S'il existe une menace d'une réelle gravité - par exemple une condamnation à une peine de prison au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis - l'expulsion reste toujours possible : je vous renvoie à l'article 23 de l'ordonnance de 1945.
De toute évidence, cet article 4 bis risque de déstabiliser le séjour des étrangers titulaires de la carte de résident.
Quant à l'amendement proposé par la commission des lois, je crains fort qu'il n'accentue l'aspect négatif de ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. L'amendement n° 201 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 65 et 131.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 21 tend à compléter l'article 4 bis , tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.
La commission a estimé, en effet, qu'il fallait préciser que le renouvellement de plein droit de la carte était subordonné à la condition que l'étranger ait conservé sa résidence habituelle en France.
Le renouvellement d'une carte de résident, ce n'est pas n'importe quoi ! Est concerné par cette mesure celui dont on constate qu'il est totalement habitué à nos lois, totalement transparent sur le plan de la respectabilité, dont il est acquis, en définitive, qu'il est non seulement en situation régulière mais qu'il vit en symbiose même avec la collectivité nationale. Et l'on voudrait que sa résidence habituelle ne soit pas conservée en France ?
Cela me paraît tellement évident que je me demande même pourquoi je me donne la peine d'être aussi long.
J'en viens à l'avis de la commission sur les amendements n°s 65 et 131.
Ces amendements ont pour objet de supprimer l'article 4 bis , dans lequel l'Assemblée nationale a opportunément introduit la notion de « menace pour l'ordre public » à propos de l'octroi de la carte de résident et de son renouvellement.
Je le répète, il est important de savoir que l'étranger qui demande le renouvellement d'une carte de résident n'est pas en situation de troubler l'ordre public. Mais, là encore, cela me paraît tellement évident que je demande pourquoi j'ai besoin d'y insister.
La commission est donc, bien évidemment, défavorable aux amendements identiques n°s 65 et 131.
J'entends constamment parler d'arbitraire administratif. Pourquoi faire sans cesse ce procès à l'administration française ? L'administration travaille sous le contrôle régulier et permanent du Gouvernement, qui gouverne. A cet égard, l'administration est totalement transparente. Si, par mégarde ou par malveillance, elle ne l'était pas, les tribunaux sont là pour sanctionner ses manquements éventuels. Si le recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif est prévu par les textes, ce n'est pas pour rien ; il est fait pour être utilisé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 65, 131 et 21 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 65 et 131, et favorable à l'amendement n° 21.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 65 et 131.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il m'apparaît qu'il serait bon que la discussion soit commune aux articles 4 bis et 4 ter .
En effet, l'amendement n° 21 est ainsi fait qu'il entraînerait ipso facto , s'il était adopté, l'adoption de l'amendement suivant, n° 22, qui tend à supprimer l'article 4 ter .
Nous en sommes bien d'accord, monsieur le rapporteur ?
M. Paul Masson, rapporteur. Tout à fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il serait donc normal que la discussion soit commune avec les amendements déposés sur l'article 4 ter , de manière qu'on sache à quoi s'en tenir.
C'est pourquoi je vous demande qu'il en soit ainsi, monsieur le président.
En l'instant, je souhaite donner quelques précisions au Sénat.
L'article 4 bis est ainsi rédigé : « La carte de résident est valable dix ans. Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public » - c'est ce qu'on ajoute au texte actuel - « et sous réserve des dispositions de l'article 15 bis et de l'article 18, elle est renouvelée de plein droit. »
L'article 15 bis de l'ordonnance de 1945 concerne la polygamie. Quant à l'article 18, il énonce que « la carte de résident d'un étranger qui aura quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans consécutifs est périmée ».
Or, la commission propose, dans l'amendement n° 21, de compléter l'article 4 bis par une phrase qui figurait en termes à peu près identiques à l'article 4 ter : « Le renouvellement de plein droit de la carte de résident est subordonné à la condition que l'étranger ait conservé sa résidence habituelle en France ».
M. Paul Masson, rapporteur. Habituelle et permanente.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est tout à fait autre chose.
J'étais inscrit sur l'article 4 bis . J'ai renoncé à la parole, estimant que l'article 22 (7°), de l'ordonnance prévoyait d'ores et déjà que la carte on pouvait ne pas être accordée ou renouvelée lorsqu'il y a menace pour l'ordre public et que ce n'était donc pas la peine de le répéter ; on pouvait, dès lors, supprimer l'article 4 bis . Mais là n'est pas l'essentiel.
En revanche, l'article 4 ter dispose, vous le savez, que la carte est périmée lorsque l'étranger n'a plus sa résidence « habituelle et permanente » en France. C'est évidemment idiot, car, si l'on n'a pas, pendant trois ans, de résidence permanente en France, cela veut dire que l'on n'est pas sorti pendant trois ans de sa maison. Vous le pensez aussi, monsieur le rapporteur, et vous avez donc supprimé cette notion.
Il n'empêche qu'à l'article 4 bis vous parlez de la résidence « habituelle ». Qu'est-ce qu'une résidence habituelle ? Qui va apprécier ?
Lorsqu'un étranger habite quatre mois en France, quatre mois à Rome, quatre mois aux Etats-Unis,...
M. Josselin de Rohan. Il a les moyens, votre étranger !
M. Jean Chérioux. Demandez à Bercy comment cela se passe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous donne un exemple !
Où est la résidence habituelle de l'étranger ? Il a parfaitement le droit d'avoir plusieurs résidences. Il est tout à fait libre. Va-t-on lui retirer sa carte sous le prétexte qu'il n'a plus sa résidence habituelle en France ? En fait, il a conservé sa résidence habituelle à Paris, où il est quatre mois, parce qu'il a, par exemple, des enfants à Rome !
M. Jean Chérioux. C'est six mois, la résidence !
M. Michel Caldaguès. Vous avez oublié Las Vegas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette notion de résidence habituelle est donc parfaitement arbitraire.
Voilà pourquoi je demande que l'on vote sur l'article 4 bis tel qu'il est et que l'amendement n° 21 soit, lui, appelé en discussion commune avec les amendements déposés sur l'article 4 ter, à défaut de quoi il n'y aura pas de véritable débat.
M. le président. Monsieur le président Dreyfus-Schmidt, de par votre ancienneté de vice-président, vous êtes bien plus orfèvre que moi-même en matière de règlement ! Mais vous contribuez à la formation rapide du nouveau vice-président que je suis.
L'article 42, alinéa 7, énonce que la discussion porte successivement sur chaque article et sur les amendements qui s'y rattachent. Votre demande n'est donc pas recevable.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 65 et 131, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 21.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Je n'arrive pas à bien saisir la notion de résidence « habituelle et permanente ».
Dans le monde d'aujourd'hui, quantité de gens ont ce que les sociologues appellent une « double résidence », tout simplement parce qu'ils ont des centres d'intérêt économiques ou affectifs simultanément dans deux pays. C'est très fréquent, et cela n'a rien de choquant, sauf à avoir une conception tellement hexagonale, départementale, cantonale, communale de la vie...
M. Jean Delaneau. Ce n'est déjà pas si mal !
Mme Monique ben Guiga. ... que l'on n'imagine pas une seconde que d'autres puissent avoir des centres d'intérêt en plusieurs endroits.
Un sénateur du RPR. Georges Soros !
M. Jean Chérioux. Il faut un avocat spécialisé en droit international !
Mme Monique ben Guiga. Certains peuvent avoir ont un commerce à Paris et une petite exploitation agricole au Maghreb. Il faut bien aller de l'un à l'autre, faire marcher le tout ; il y a des enfants d'un côté, il y a des enfants de l'autre. On se débrouille, on passe d'un pays à l'autre.
Pour ce qui est de la « résidence habituelle », pour ma part, j'en suis à trois : deux en France et une en Tunisie.
M. Jean Chérioux. Vous payez bien des impôts quelque part ?
Mme Monique ben Guiga. Je paie mes impôts...
M. Jean Chérioux. Eh bien ! pour le pire, c'est là qu'est votre résidence habituelle !
Mme Monique ben Guiga. C'est prévu par les conventions fiscales bilatérales. Il n'y a pas de problème, je suis en règle avec le fisc, monsieur Chérioux.
La vie d'aujourd'hui fait qu'on peut être amené à résider dans plusieurs endroits, et avec l'avion c'est facile.
En fait, dans cette affaire, si l'on insiste, c'est parce qu'il y a un lien avec les questions de sécurité sociale et d'assurance maladie, et il est plutôt bizarre que personne ne le dise.
Depuis 1986, les étrangers retraités du régime général de la sécurité sociale, qui ont payé des cotisations d'assurance maladie toute leur vie, qui continuent à en payer sur leur retraite, qui paient la CSG et le RDS, perdent tout droit à prestations s'ils quittent la France définitivement.
Autrement dit, jusqu'à la fin de leur vie, ils vont payer des cotisations d'assurance maladie qui, en aucun cas, ne leur donneront droit à prestations, même s'ils rentrent en France pour se faire soigner. Cette loi de 1986 est donc parfaitement inique.
Si donc on tient à introduire cette notion de résidence habituelle, c'est, me semble-t-il, pour se « débarrasser » une fois pour toutes de ces gens, qui sont bons pour payer des cotisations de sécurité sociale, mais qui ne sauraient en aucun cas percevoir des prestations.
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne comprends pas. Pourquoi ce hourvari autour de la notion de « résidence habituelle » ?
Je suppose, madame, que vous préférez « habituel » à « permanent ». L'amendement suivant de la commission devrait donc vous satisfaire. Je suis ainsi plus proche de vous en parlant de résidence « habituelle » qu'en parlant de résidence « permanente ».
Qu'est-ce que la résidence habituelle ? Toute la jurisprudence nationale le sait, ne serait-ce que pour l'inscription sur les listes électorales !
En outre, j'observe, madame, qu'à l'article 4, qui n'est pas si loin, le groupe socialiste, en votant l'amendement n° 16, a voté un dispositif concernant les étrangers ayant leur résidence habituelle en France ! (Sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Inquiétante amnésie !
M. Paul Masson, rapporteur. Pourquoi, dès lors, éprouver tout à coup un tel sentiment de frustration à l'article 4 bis , après avoir voté, à l'article 4, l'amendement n° 16, pour lequel je m'honore d'avoir reçu votre propre suffrage ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Madame ben Guiga, l'article 25 de l'ordonnance de 1945 fait référence à la résidence habituelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il convient que nous nous comprenions bien, que nous parlions au moins de la même chose.
Actuellement, l'article 4 bis prévoit le renouvellement de plein droit de la carte sous réserve des dispositions de l'article 15 bis, qui traite de la polygamie, et de l'article 18, qui vise celui qui a quitté le territoire français depuis plus de trois ans, étant entendu qu'il peut demander, soit avant son départ, soit pendant son séjour à l'étranger, à prolonger ce séjour.
M. le rapporteur, s'il ne modifie pas l'article 18, propose cependant d'ajouter à l'article 4 bis deux conditions pour le renouvellement de la carte.
D'abord, la présence de l'étranger ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public. C'est le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. Je n'y vois personnellement pas d'inconvénient et cela figure d'ailleurs déjà au 7° de l'article 22.
Mais M. le rapporteur ajoute une seconde condition pour le renouvellement : l'étranger doit avoir en France sa résidence habituelle.
Je ne comprends pas : en droit français, on est obligé d'avoir un domicile, sauf les parlementaires, qui ont droit à deux domiciles quand ils représentent la province ; c'est ce que considère à juste titre le fisc. En revanche, tous les Français ont le droit d'avoir plusieurs résidences ; nul n'est tenu d'avoir une résidence habituelle.
En conséquence, je ne vois vraiment pas pourquoi la carte d'un résident ne serait pas renouvelée sous prétexte qu'il n'aurait pas conservé sa résidence habituelle en France. En outre, cette rédaction est tellement floue qu'elle donne à l'administration un pouvoir vraiment excessif.
J'aurais voulu que M. le rapporteur explique franchement qu'aux conditions prévues par l'Assemblée nationale pour le renouvellement de la carte - c'est-à-dire trois conditions, l'article 15 bis, l'article 18 et la menace pour l'ordre public - il ajoutait, lui, une condition supplémentaire en maintenant l'article 18 tel qu'il est.
Voilà ce qu'il propose et c'est parce que nous ne sommes pas d'accord que nous vous demandons de rejeter l'amendement n° 21.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4 bis, ainsi modifié.

(L'article 4 bis est adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela a un avantage, l'article sera en navette !

Article 4 ter

M. le président. « Art. 4 ter . - L'article 18 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 18 . - La carte de résident d'un étranger qui n'a plus sa résidence habituelle et permanente en France depuis plus de trois ans est périmée.
« La période mentionnée ci-dessus peut être prolongée si l'intéressé en fait la demande soit avant son départ de France, soit pendant son séjour à l'étranger. »
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Masson au nom de la commission.
L'amendement n° 66 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 132 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnes, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et appentés.
L'amendement n° 202 est présenté par Mme Dusseau.
Ces quatre amendements tendent à supprimer l'article 4 ter .
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Paul Masson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence : l'amendement n° 21 à l'article 4 bis ayant été adopté, il convient de supprimer l'article 4 ter.
M. le président. Les amendements n°s 66 et 132 sont, je rappelle, identiques. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 66, 132 et 22, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence l'article 4 ter est supprimé.
Mes chers collègues, nous allons interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 4 ter

M. le président. Par amendement n° 133, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas,Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le paragraphe IV de l'article 22 de l'ordonnance n° 42-2658 du 2 novembre 1995 est abrogé : »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 5

M. le président. « Art. 5. - La section 3 du chapitre II de la même ordonnance est abrogée. »
Sur l'article, la parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet article prévoit la suppression de la commission départementale du séjour des étrangers, qui joue, dans le déroulement des procédures, un rôle extrêmement utile.
Cette commission, composée de trois magistrats spécialisés, notamment d'un membre des juridictions administratives, rend son avis lorsqu'il s'agit de la délivrance ou du renouvellement des cartes de séjour.
Je souligne l'importance de cet avis parce que, lors des auditions auxquelles M. le rapporteur a procédé, les représentants des barreaux ont eu l'occasion de souligner ce que signifiait pour les étrangers la possibilité de se faire entendre par des magistrats à l'occasion d'un débat contradictoire.
Il n'est jamais indifférent pour quiconque de présenter devant des magistrats en occurrence ses moyens de défense en public. Cela permet de sentir que l'on est écouté, ce qui, à tous égards, est indispensable.
Jadis, cette commission rendait des décisions puis, à partir de 1993, elle est devenue une simple instance de consultation. Cependant, d'après les renseignements très précis qui nous ont été fournis par M. Maugendre, membre du Conseil de l'ordre, qui s'occupe beaucoup de telles affaires au barreau de la Seine-Saint-Denis - c'est-à-dire dans une préfecture où ces questions se posent avec acuité - plus de 90 % des avis rendus par la commission sont suivis par la préfecture.
Par ailleurs, à Paris, toujours selon ce praticien, compétent en la matière, il n'y a jamais eu de refus de délivrance de carte de séjour après un avis favorable de la commission.
La raison en est simple : nous sommes en présence de magistrats très compétents, notamment de magistrats du tribunal administratif, et je n'ai pas besoin de rappeler que ce n'est pas la simplicité qui caractérise cette législation, et ce ne sont pas les votes qui sont intervenus qui vont simplifier les choses.
Cette commission est utile, elle permet de donner à ceux qui font valoir leurs droits le sentiment qu'ils sont entendus et d'éviter des contentieux, parce que le préfet statue en parfaite connaissance de cause grâce à l'avis qu'elle rend.
Toutes ces raisons commandent son maintien et non sa suppression.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Jusqu'à maintenant, la commission départementale du séjour des étrangers est essentiellement saisie du cas des conjoints de Français ou des parents d'enfants français.
Dès lors que l'on supprime toute ambiguïté et que l'on donne à ces personnes liées à la France par des relations familiales vocation à un titre de séjour temporaire, leur dossier ne sera plus soumis à la commission du séjour, qui, par là même, perd son utilité. Or, il ne faut pas maintenir indéfiniment des organismes qui sont inutiles.
M. le président. Sur l'article 5, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 67 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 134 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer l'article 5.
Par amendement n° 135, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès,Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 5 :
« Dans l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
« I. - Après le cinquième alinéa, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« le renouvellement de la carte de séjour temporaire ;
« II. - Avant le dernier alinéa de cet article, d'insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Si la commission émet un avis favorable à l'octroi ou au renouvellement du titre de séjour, celui-ci doit être délivré. »
Par amendement n° 203, Mme Dusseau propose de rédiger comme suit l'article 5 :
« Dans l'article 18 bis de la même ordonnance les références au département sont remplacées par des références à la région.»
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 67.
Mme Nicole Borvo. Je défends cet amendement parce que nous ne sommes pas convaincus par les arguments qui viennent d'être développés.
En effet, cette commission départementale qui est issue de la loi de 1989 a été mise en place afin de renforcer les garanties juridiques offertes aux étrangers résidant régulièrement en France ou ayant vocation à y vivre durablement.
Déjà, en 1993, lors de l'examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, le gouvernement de l'époque et son ministre de l'intérieur, M. CharlesPasqua, avaient envisagé de supprimer cette commission. Finalement, ses pouvoirs ont été effectivement réduits.
La commission du séjour est donc actuellement compétente pour les refus de délivrance d'une carte de résident de plein droit et de délivrance d'un titre de séjour aux étrangers protégés contre une mesure d'éloignement.
Elle est saisie chaque année d'un peu plus de 1 000 dossiers. Ce n'est pas du tout négligeable.
Aujourd'hui, le Gouvernement justifie sa suppression par le fait que la nouvelle rédaction de l'article 12 bis de l'ordonnance proposée par l'article 4 du présent projet de loi rendrait inutile l'existence de cette commission.
Nous pensons que cela est faux car l'article 4 du projet de loi, comme on a déjà pu s'en rendre compte, ne mettra pas fin à la catégorie des « ni régularisables ni reconductibles à la frontière ». De plus, il ne prévoit l'attribution d'une carte de séjour que pour une durée d'un an. de nombreux problèmes de renouvellement risquent de voir le jour ces prochaines années.
Enfin, cette commission du séjour est un lieu de débat contradictoire où l'étranger peut faire utilement valoir les éléments de sa situation personnelle.
Cette suppression ne nous étonne guère quand on voit l'insensibilité, face au désarroi des sans-papiers par exemple.
Mais je crois que ce jeu est dangereux.
Les étrangers qui sont en France ont des droits et doivent bénéficier des garanties juridiques qu'accorde à tout individu un Etat de droit. C'est pourquoi nous pensons qu'il est absolument nécessaire de maintenir cette commission départementale.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 134.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vraiment tout à fait extraordinaire ! En 1993, malgré nos protestations, le pouvoir décisionnel des commissions du séjour des étrangers a été supprimé.
Un peu curieusement, elles étaient composées, vous le savez, du président du tribunal de grande instance, d'un magistrat du tribunal de grande instance et d'un magistrat des tribunaux administratifs. Elles n'avaient donc pas le caractère d'autorité judiciaire en tant que telles - c'était des commissions administratives - mais elles comportaient une majorité de membres de l'autorité judiciaire.
Ces commissions prenaient des décisions et constituaient une garantie pour ceux qui craignaient que l'administration n'aille trop vite ou n'obéisse à d'autres pulsions que celles qui auraient été officiellement annoncées.
En 1993, on a certes maintenu les commissions, mais en ne leur reconnaissant plus qu'un rôle consultatif.
Je vous rappelle que, à l'époque, j'avais proposé de les supprimer, car cela aurait été plus clair, plus franc. On m'avait alors expliqué que ces commissions avaient quand même un intérêt et qu'elles se réuniraient beaucoup plus facilement parce qu'elles auraient moins de travail.
Mais aujourd'hui on nous dit que, parce qu'elles auront moins de travail, on ne pourra plus les réunir assez souvent et qu'il vaut donc mieux les supprimer !
Ce que je vous dis, je ne l'invente pas ! Dans sa réponse à une de mes questions écrites, le 16 juin 1994, votre prédécesseur expliquait : « En application des lois du 24 août 1993 et du 30 décembre 1993, le préfet est tenu de réunir une commission du séjour lorsqu'il envisage de refuser la délivrance d'une carte de résident de plein droit à un étranger mentionné à l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ou la délivrance d'un titre de séjour à un étranger mentionné à l'article 25 de ladite ordonnance.
« Le champ de compétence de la commission du séjour se trouve ainsi réduit, puisque le préfet n'est plus tenu de la réunir lorsqu'il envisage de refuser le renouvellement d'une carte de séjour temporaire et, d'autre part, l'avis qu'elle peut émettre est désormais facultatif. »
Ainsi s'exprimait M. Pasqua.
Mais ce n'est pas tout. Ecoutez bien, vous qui n'avez de cesse de dire que vous ne voulez pas le désavouer : « Ainsi, la commission du séjour fonctionnera de façon plus souple et permettra au préfet de la réunir plus facilement qu'auparavant. »
J'ai cité M. Pasqua ! Et vous venez de nous dire très exactement le contraire !
Dans ces conditions, je me permets de souligner, pour les membres du groupe du RPR qui sont encore ici présents...
M. Emmanuel Hamel. Qu'insinuez-vous ?
M. Michel Caldaguès. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela veut dire qu'il y a encore des membres du RPR dans l'hémicycle, c'est tout ! Cela dit, très franchement, s'il n'y en avait plus aucun, je n'y verrais pas d'inconvénient ! (Protestations sur les travées du RPR.)
Ne cherchez là rien de désobligeant.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Dreyfus-Schmidt vous avez beaucoup de talent, certes, mais, ne vous en déplaise, j'ai, au début de mon propos, rendu hommage à M. Pasqua...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ... et à la loi de 1993.
Je ne retire pas un mot de ce que j'ai dit. J'ai beaucoup d'estime pour le travail fait par M. Pasqua à ce sujet, et j'aurais d'ailleurs aimé que vous le souteniez à l'époque. Mais les choses changent et évoluent. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le vote que je vous demande d'émettre, mes chers collègues, correspond à vos principes et non aux miens.
N'est-il pas illogique, je le répète, de rendre hommage à une personne tout en faisant exactement le contraire de ce qu'elle disait ? Vous prétendez aujourd'hui qu'on ne pourra plus réunir maintenant ces commissions parce qu'elles n'auront plus assez de travail, alors que votre prédécesseur estimait au contraire qu'on pourrait les réunir plus souvent parce qu'elles auraient moins de travail.
Je reviendrai tout à l'heure sur les statistiques, car, dans cette réponse de M. Pasqua, certaines étaient extrêmement intéressantes.
Nous souhaitons que ces commissions soient maintenues. Nous aurions certes préféré qu'elles retrouvent - et elles le retrouveront un jour ! - leur pouvoir de décision.
M. le président. La parole est à M. Badinter, pour présenter l'amendement n° 137.
M. Robert Badinter. Il suffit de lire cet amendement pour constater qu'il s'inscrit dans la ligne d'une restitution des compétences perdues.
M. le président. L'amendement n° 203 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 67, 134 et 135 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Sur ces trois amendements, l'avis de la commission est défavorable.
M. le ministre a exposé les conditions dans lesquelles nous avons voté l'article 4. A partir de ce moment, la saisine de la commission du séjour perd manifestement beaucoup d'intérêt, puisqu'elle sera saisie de beaucoup moins d'affaires.
J'observe à cet égard que M. Dreyfus-Schmidt a une dialectique très précise, mais qu'il ne peut pas opposer les déclarations de M. Pasqua en 1993 à la situation actuelle...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, 1994 !
M. Paul Masson, rapporteur. ... parce que la situation actuelle est totalement différente. Entre les déclarations de M. Pasqua et maintenant, il y a le vote de l'article 4, qui change radicalement la matière sur laquelle la commission du séjour est appelée à travailler.
Mon rapport écrit fait très précisément ressortir les incidences que pourrait avoir le nouvel article 4 sur la matière dont la commission du séjour pourrait être saisie.
Manifestement, cette commission a beaucoup moins d'intérêt aujourd'hui qu'elle n'en avait après le vote de la loi de 1993, laquelle avait elle-même susbtantiellement diminué son rôle. Vous pouvez, bien sûr, le déplorer, mais le Parlement en avait ainsi décidé.
Il est clair que, désormais, la commission du séjour n'aura plus guère d'utilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 67 et 134, ainsi que sur l'amendement n° 135 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 67 et 134.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, j'ai déjà dit l'attention avec laquelle nous avions lu votre rapport. Il n'est tout de même pas sans intérêt de rappeler que M. Pasqua, non pas en 1993 mais bien en 1994, a bien voulu me dire que, du moment que la commission aurait moins de travail, elle fonctionnerait de manière plus souple, ce qui permettrait au préfet de la réunir plus facilement qu'auparavant.
Je me suis donc permis de m'étonner lorsque vous-même m'avez indiqué que, du fait du vote de l'article 4, elle aurait encore moins de travail et, dans ses conditions, deviendrait sans doute difficile à réunir.
Je crois utile, en cet instant, de rappeler les termes de votre rapport écrit. Voici ce qu'on y lit, notamment : « ... si la nouvelle rédaction de l'article 12 bis de l'ordonnance proposée par l'article 4 du projet de loi était adoptée,... » - pour l'instant, il l'est - « ... la condition d'entrée régulière n'étant plus requise que pour les seuls conjoints de Français, les trois quarts des intéressés se verraient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire.
« L'activité de la commission de séjour diminuerait donc fortement.
« L'étude d'impact du projet de loi fait donc valoir que cela "reviendrait à espacer considérablement ses réunions et ralentirait de ce fait l'instruction de ces dossiers. Sa raison d'être, par là même, étant remise en cause, il est préférable de la supprimer".
« En second lieu, les difficultés de fonctionnement de ce dispositif en particulier dans les petits départements - déjà soulignés en 1993 - constituent un autre motif de suppression de la commission du séjour.
« L'étude d'impact relève qu'"elle ne constitue pas ... une véritable garantie pour les interressés et peut être source d'incompréhension entre les magistrats qui y siègent et l'administration dont la compétence n'est pas liée par l'avis émis". »
Et voilà ! Si trois magistrats, deux de l'ordre judiciaire, un de l'ordre administratif, ne sont pas d'accord avec l'administration, ce n'est pas bon pour le moral des troupes ! Il faut donc supprimer la commission de séjour des étrangers ! Nous ne pouvons pas accepter ces raisons. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les deux amendements identiques, n°s 67 et 134, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 135, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article additionnel après l'article 5
ou avant l'article 6

M. le président. Je suis saisi de deux amendements amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 78, M. Jean-Jacques Robert propose d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 :
« I. - Les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "dix ans".
« II. - La somme : "200 000 francs" est remplacée par la somme : "500 000 francs".
« B. - Le paragraphe II du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne qui aura introduit et transporté en France un ou plusieurs étrangers en situation irrégulière au regard des règles d'entrée et de séjour sur le territoire national sera tenue de prendre en charge les frais afférents à la procédure d'éloignement susceptible d'être engagée à l'encontre du ou des étrangers concernés. En cas de pluralité d'auteurs, ils seront solidairement responsables des frais d'éloignement. »
Par amendement n° 181, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du paragraphe I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est ainsi rédigé :
« Toute personne qui, par aide directe ou indirecte, dans un but lucratif, aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France ou d'un Etat avec lequel la France a passé une convention sur l'immigration sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 200 000 francs. »
La parole est à M. Jean-Jacques Robert, pour défendre l'amendement n° 78.
M. Jean-Jacques Robert. Les filières d'introduction d'immigrés clandestins sont de plus en plus aux mains d'organisations criminelles structurées. Une répression efficace de ces délinquants, tenant compte de cette dimension, nécessite la possibilité d'utiliser leur encontre l'incrimination d'« association de malfaiteurs », et de leur appliquer les sanctions qui sont prévues à l'article 450-1 du code pénal.
Cet amendement a ainsi pour objet de prévoir un renforcement des sanctions encourues par les personnes facilitant l'entrée ou le séjour irrégulier en France, mais aussi par ceux qui incitent les émigrants potentiels au départ avec des promesses d'eldorado pour les exploiter ensuite dans des ateliers clandestins.
Obliger les « passeurs » et les personnes exploitant des étrangers en situation irrégulière à prendre en charge les frais afférents à la procédure d'éloignement marquera la volonté du législateur de frapper durement les réseaux organisés, qui ont souvent des ramifications internationales.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 181.
Mme Nicole Borvo. Notre amendement vise à mettre fin aux effets beaucoup trop rigoureux des dispositions sanctionnant l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour d'un étranger en situation irrégulière. Il faut, certes, se protéger des réseaux organisés, mais encore convient-il de savoir de quoi l'on parle.
L'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 a fait naître des situations où l'absurde le dispute à l'inhumain : des Français ou des étrangers résidant en France depuis de longues années se sont vus poursuivis en justice et condamnés pour aide au séjour irrégulier d'un étranger en situation irrégulière ; ces étrangers étaient bien souvent leur époux ou leur épouse, leur concubin ou leur concubine.
La loi du 21 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme a introduit, dans l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, un nouvel alinéa qui exclut les poursuites pénales lorsqu'il s'agit d'un ascendant ou d'un descendant de l'étranger ou encore de son conjoint. Mais rien n'est prévu pour les concubins ou les amis, qui pourront donc toujours ainsi être poursuivis.
Cette modification laisse persister une définition beaucoup trop large des délits que ledit article a pour objet de réprimer. Si des dispositions fermes doivent sanctionner la complicité de l'introduction d'étrangers en situation irrégulière ainsi que des actes commis sciemment pour faciliter, à des fins lucratives, la circulation ou le séjour de ces personnes, cela ne doit pas avoir pour effet de qualifier de délits des actes accomplis au nom de l'amitié et, bien souvent, en toute innocence.
Le tribunal correctionnel de Lille a jugé une jeune femme de vingt-huit ans qui vit avec un Zaïrois en concubinage, parce qu'elle a hébergé un couple d'amis, dont l'un des membres est Zaïrois, en ignorant que celui-ci était en situation irrégulière.
Le 26 novembre, la jeune femme est arrêtée sur son lieu de travail, puis gardée à vue pendant vingt-cinq heures. Sans attendre la décision du tribunal, son employeur l'a licenciée.
Cet exemple, qui n'est pas un cas isolé, montre combien la rédaction actuelle de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 peut conduire à de véritables drames humains et doit être modifiée de façon que ce genre de situation ne puisse se renouveler.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Paul Masson, rapporteur. D'une façon générale, la position de la commission consiste à ne pas élargir le champ du projet de loi. Le ministre l'a dit plusieurs fois, il s'agit d'un texte technique dont la vocation n'est pas de reprendre tout le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine ou de servir de prétexte à un vaste débat sur l'ordonnance de novembre 1945. Il s'agit strictement de régler les problèmes que peut poser le départ de notre territoire de personnes qui y sont entrées clandestinement.
C'est en vertu de cette position de principe que la commission s'est prononcée contre les amendements n°s 78 et 181, qui ont des objets radicalement différents puisque M. Jean-Jacques Robert veut aggraver les sanctions prévues par l'article 21 de l'ordonnance de 1945, alors que le groupe communiste républicain et citoyen souhaite limiter le champ d'application de ce même article.
Pour être contradictoires, ces deux propositions n'en ont pas moins toutes deux pour effet de déplacer le débat vers un sujet que nous n'estimons pas opportun d'aborder dans le cadre de cette discussion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 78, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 181, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. Par amendement n° 136, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : ", le préfet de police peuvent," sont insérés les mots : "après que l'intéressé a fait valoir ses observations dans les conditions prévues par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

M. le président. « Art. 6. - Le IV de l'article 22 bis de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter d'une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le 1er septembre 1999, cet appel sera interjeté, dans les mêmes conditions, devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un membre de cette cour désigné par lui. Le même décret fixe les modalités d'application de cette disposition. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 6

M. le président. Par amendement n° 137, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « vingt-quatre heures » par les mots : « quarante-huit heures ».
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement tend à porter de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai de recours administratif contre un arrêté de reconduite à la frontière. Cette disposition offre, dans le cadre du maintien en rétention prévu à l'article 35 bis de l'ordonnance de 1945, la possibilité pour l'intéressé d'être effectivement éclairé sur ses droits et d'user de son pouvoir de recours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. L'intéressé est déjà informé de ses droits et de l'assistance qu'il peut trouver auprès d'un conseil et d'un interprète dans l'imprimé qui lui est notifié en même temps que l'arrêté de reconduite à la frontière. Cela est indiqué en toutes lettres dans mon rapport écrit et je l'ai rappelé en commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le délai de vingt-quatre heures est en principe suffisant pour que, comme l'a dit M. le rapporteur, l'intéressé puisse exercer ses droits en matière de recours. D'ailleurs, la commission européenne des droits de l'homme, dans deux décisions, en date du 30 octobre 1991 et du 10 mars 1994, a elle-même estimé que ce délai de vingt-quatre heures était suffisant.
Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 137, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 45, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere, François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa (1°) de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, par dérogation aux dispositions du présent article, la reconduite à la frontière de l'étranger mineur est possible lorsque ses parents ou les personnes qui en ont la charge effective font eux-mêmes l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire, si aucune personne résidant régulièrement en France, et désignée par ses parents, ne peut le prendre à sa charge dans le cadre d'une tutelle ou d'une délégation d'autorité parentale. »
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Cet amendement est inspiré par l'idée qu'il n'est pas très heureux que des parents se servent du statut de leurs enfants pour empêcher l'exécution d'une décision sanctionnant une infraction au statut des étrangers ; mais il est en outre plus que regrettable de séparer les enfants de leurs parents.
J'ajoute que lorsque des parents peuvent, du fait du statut de leurs enfants, échapper à la juste sanction de l'irrégularité de leur séjour, cela revient en quelque sorte, si l'on y réfléchit bien, à appliquer le jus sanguinis, mais en remontant le cours des générations.
Or, quand on parle du jus sanguinis, on entend des exclamations d'horreur, sauf lorsqu'il est de nature à conforter des situations délictuelles. Et le cas n'est pas unique !
Je tenais à souligner ce point pour justifier le dépôt de cet amendement, qui prévoit que « la reconduite à la frontière de l'étranger mineur est possible lorsque ses parents ou les personnes qui en ont la charge effective font eux-mêmes l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire, si aucune personne résidant régulièrement en France, et désignée par ses parents, » - ce dernier membre de phrase est important, car il signifie que la reconduite à la frontière d'un mineur n'est pas obligatoire - « ne peut le prendre à sa charge dans le cadre d'une tutelle ou d'une délégation d'autorité parentale. »
Je signale en outre que cet amendement reprend le texte de l'article 25, alinéa 1°, de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel qu'il résultait de la loi du 9 septembre 1986.
Cette date, mes chers collègues, me rappelle quelque chose ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission a examiné avec intérêt l'amendement n° 45.
Après débat, elle a préféré ne pas inscrire dans la loi un dispositif très personnalisé qui justifie d'un examen au cas par cas. En effet, il y a cent situations possibles de l'enfant mineur par rapport à ses parents.
Le dispositif actuel, qui permet à l'administration de statuer sur le terrain, en prenant en compte des cas particuliers, a paru plus souple que celui qui est proposé par l'amendement et codifié dans l'article 25 de l'ordonnance.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense qu'il n'est pas raisonnable - et je ne suis pourtant pas, croyez-le, partisan du laxisme - de prévoir dans la loi la reconduite à la frontière des mineurs. Il faut au contraire faire jouer pleinement l'autorité parentale, qui amène en effet, le plus souvent, les parents étrangers en instance de reconduite à la frontière à garder avec eux leurs enfants, surtout s'ils sont en bas âge.
J'ajoute que l'arrêt Diallo de la cour d'appel de Lyon, en date du 4 juillet 1996, montre bien que la jurisprudence permet de traiter ces situations avec le discernement nécessaire, dans le respect, autant que faire se peut, de l'unité des familles.
Les décisions du Conseil d'Etat vont d'ailleurs dans le même sens, en se référant le plus souvent, lorsqu'elles écartent un recours introduit contre un arrêté de reconduite, à la possibilité, pour les parents, d'emmener leurs enfants avec eux. Il faut se souvenir, à cet égard, de l'arrêté pris par le préfet de Seine-Maritime le 29 juillet 1994.
En conséquence, il n'est nul besoin pour le législateur d'intervenir en cette matière sensible. Je demande donc aux sénateurs de la majorité de ne pas voter cet amendement. Je suis résolument défavorable à son adoption.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 45.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. J'ai déjà eu l'occasion de dire, avec une pointe d'humeur, que je n'avais pas beaucoup de chance avec les amendements que j'ai déposés en compagnie d'une dizaine de mes amis.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous non plus !
M. Michel Caldaguès. Je constate que la chance persiste à me fuir, bien que je demeure persuadé que l'amendement n° 45 s'appuie sur de solides justifications, qui avaient d'ailleurs fait l'objet d'une loi, votée septembre 1986. Peut-être était-ce une aberration, mais c'est ainsi !
Puisqu'il faut y passer, on y passera. Mais c'était le dernier des amendements que j'avais à défendre, alors permettez-moi cette familiarité, mes chers collègues : si j'étais en train de jouer à la belote avec M. le ministre et M. le rapporteur, ce qui ne doit pas manquer d'agrément, je pourrais dire, en cet instant, que je suis capot. (Rires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas que pour la belote !
M. le président. L'amendement n° 45 est retiré.
M. Michel Caldaguès. Pas du tout inconscient le président ! Ce n'est pas parce qu'on est capot qu'on se retire de la partie !
M. le président. Je vous prie de m'excuser, mon cher collègue. Je ne suis pas expert en belote !
Dans ces conditions je vais mettre aux voix l'amendement n° 45.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Je voudrais simplement dire qu'il s'agit d'un domaine vraiment trop sensible sur le plan humain pour que l'on puisse introduire dans la loi une telle disposition.
J'approuve donc les propos de M. le ministre de l'intérieur : il n'est pas raisonnable, au point où nous en sommes arrivés dans ce débat difficile et particulièrement délicat vis-à-vis de l'opinion publique, de retenir un amendement de cette nature.
En mon âme et conscience, et avec toute ma conviction, je voudrais plaider en faveur de son rejet, afin de conserver un minimum de logique, de cohérence et d'humanité au texte qui nous est soumis. (M. Pierre Fauchon applaudit.)
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Notre groupe approuve la position adoptée par M. le ministre de l'intérieur.
En effet, il ne serait pas convenable de se référer à des conventions internationales pour favoriser l'expulsion d'enfants. Nous pensons que, dans ce domaine, il faut raison garder.
D'ailleurs, un fonctionnaire a été condamné pour avoir voulu faire expulser, en même temps que sa mère, un bébé né en France.
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Je partage tout à fait l'opinion de M. le ministre et de mon collègue Daniel Hoeffel.
Ayant soutenu M. Caldaguès à propos de nombreux amendements, parce que j'estimais qu'ils étaient pleins de bon sens et empreints de sa connaissance de la réalité des problèmes qui se posent à notre pays, je voudrais lui demander, à titre amical et au nom d'un certain nombre de membres de notre groupe, de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 182, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucune mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière ne peut être prise à l'encontre d'un étranger médicalement reconnu comme atteint d'une pathologie grave figurant sur la liste des "affections de longue durée" visée à l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale ou de ses parents ou tuteurs, s'il est mineur ou incapable.
« Un certificat valant autorisation de résidence luî est délivré de plein droit. Celui-ci est renouvelable de plein droit pendant la durée de son traitement. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement vise à compléter l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en ajoutant à la liste des étrangers protégés contre les mesures d'éloignement du territoire français ceux qui sont médicalement reconnus comme atteints d'une pathologie grave.
Notre amendement prévoit, en outre, que lorsqu'il s'agit d'un mineur, cette protection légale contre la reconduite à la frontière s'applique également aux parents ou aux tuteurs de l'enfant.
La nécessité d'adopter cette disposition est, depuis de nombreuses années, régulièrement soulignée par les associations d'aide aux étrangers et aux malades.
Cependant, rien n'a été fait.
Ainsi, des malades ou des parents d'enfants malades sans papiers sont arrêtés à l'occasion de contrôles d'identité ou même après l'engagement d'une procédure de régularisation qui a permis de les identifier. Ils sont alors conduits dans des centres de rétention, puis renvoyés dans leur pays d'origine, qui est en général un pays du tiers monde ne disposant ni des infrastructures ni des personnels médicaux ni des médicaments nécessaires.
Mes chers collègues, je vous laisse imaginer les conséquences souvent dramatiques qui découlent de ces reconduites à la frontière !
Pourtant, le 21 août 1996, M. le ministre de l'intérieur avait affirmé qu'aucun malade ne serait renvoyé dans son pays. Le Premier ministre, M. Alain Juppé, avait lui aussi déclaré, peu après : « Jamais il ne nous est venu à l'idée d'expulser quelqu'un qui est gravement malade. »
Or, ce principe a connu certaines entorses en ce qui concerne les « sans-papiers » de l'église Saint-Bernard, et il semble en outre qu'il ait été totalement oublié lors de la préparation du présent projet de loi.
En effet, aucune disposition relative aux étrangers gravement malades ne figure dans le texte que nous soumet le Gouvernement.
Il n'est pas possible, pensons-nous, de continuer à fermer les yeux.
Laissez-moi, pour vous convaincre, vous exposer rapidement le cas d'un jeune Algérien reconduit à la frontière en 1995, alors qu'il était atteint de la tuberculose. Son arrêté de reconduite à la frontière a depuis été annulé, mais on lui refuse obstinément un visa pour revenir en France. Déprimé, malade, il attend en Algérie.
Un pays qui se réclame des droits de l'homme ne peut impunément faire prévaloir des intérêts sécuritaires qui compromettent la santé d'individus, quelle que soit leur situation administrative.
Tel est l'objet de l'amendement que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Nous avons déjà eu un débat de même nature, voilà une heure, à propos de l'amendement de M. Allouche, s'agissant d'un sujet non pas identique mais similaire.
M. Jean Chérioux nous avait alors livré un témoignage particulièrement émouvant que chacun a salué, selon lequel il ne s'était jamais passé quoi que ce soit qui puisse être attentatoire à la morale et à l'honneur.
Je répondrai à notre collègue Claude Billard de la même façon s'agissant de l'amendement n° 182. A ma connaissance, il n'existe pas un cas où l'appréciation portée sur le terrain par les préfets ait pu entâcher de quelque manière que ce soit la dignité et l'honneur du pays.
Est-il nécessaire de codifier l'honneur de la France ? Je ne le crois pas. Je pense donc que, s'agissant de cas très particuliers, nous devons, encore une fois, faire confiance à ceux qui sont au plus près des cas particuliers.
Mon collègue comprendra qu'il n'est pas question de ne pas prendre en considération son amendement, mais je pense que, vu sous cet angle, il serait presque un peu agaçant que le législateur se sente dans l'obligation juridique de codifier, alors que notre pays se targue d'avoir toujours respecté les droits fondamentaux de la personne, s'agissant d'un malade et d'une maladie grave.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 182.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Très souvent, vous êtes animés par le souci d'aller dans le détail s'agissant des dispositions législatives. En l'occurrence, la formulation retenue est suffisamment générale pour être inscrite dans la loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 182, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6 bis

M. le président. « Art. 6 bis . - Au début du quatrième alinéa (3°) de l'article 25 de la même ordonnance, les mots : "L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que" sont supprimés. »
Je suis saisi de cinq amendements identiques visant à supprimer cet article.
L'amendement n° 23 est présenté par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 6 rectifié est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 68 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 138 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 204 est présenté par Mme Dusseau.
Il s'agit d'amendements de coordination.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.

Articles additionnels après l'article 6 bis

M. le président. Par amendement n° 94, M. Plasait propose d'insérer, après l'article 6 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Au huitième alinéa (7°) de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, les mots : "un an" sont remplacés par les mots : "six mois". »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 93, M. Plasait propose d'insérer, après l'article 6 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa (2°) du I de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :
« 2° Le demandeur ne dispose pas d'un logement comportant un nombre suffisant de pièces tel qu'il puisse être considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Articles additionnels avant l'article 6 ter

M. le président. Par amendement n° 183, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du paragraphe I de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, les mots : "deux ans" sont remplacés par les mots : "un an". »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 184, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Supprimer le sixième alinéa (5°) de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 185, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Supprimer le septième alinéa de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 6 ter

M. le président. « Art. 6 ter . - Le I de l'article 29 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Lorsque le mariage entre un étranger résidant en France et son conjoint qui a été admis au séjour comme membre de la famille a été dissout ou annulé au terme d'une procédure juridique moins de deux ans après l'admission au séjour de ce conjoint, cet étranger ne peut faire venir auprès de lui un nouveau conjoint au titre du regroupement familial qu'après un délai de deux ans à compter de la dissolution ou de l'annulation du mariage. »
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 69 est déposé par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 139 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Josette Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Michel Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 205 est déposé par Mme Dusseau.
Tous quatre tendent à supprimer l'article 6 ter .
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 24.
M. Paul Masson, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 6 ter , qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui concerne le regroupement familial.
Nous comprenons la finalité de cette disposition, à savoir faire échec au regroupement polygamique. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision en date du 13 août 1993, a jugé incompatible avec le droit de mener une vie familiale normale l'impossibilité de faire venir son nouveau conjoint dans le délai de deux ans après dissolution ou annulation d'un précédent mariage.
Le dispositif que l'Assemblée nationale nous propose n'est pas tout à fait identique à celui qui a été adopté en 1993 et qui, à l'époque, a été censuré. Il reproduit néanmoins le même délai.
Cet article risquerait de faire peser une présomption de fraude sur ceux qui ont divorcé et se sont remariés en dehors de toute intention de polygamie, outre l'observation que j'ai faite concernant la quasi-similitude des deux dispositions : celle qui a été adoptée en 1993 et celle que l'on nous présente aujourd hui.
Je propose donc de supprimer purement et simplement l'adjonction qui a été votée par l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, j'ai quitté un instant l'hémicycle et les trois amendements précédents n'ont pas été examinés. Cela est très regrettable car ils concernaient le regroupement familial dans toutes ses dimensions.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est trop tard !
M. le président. Monsieur Ralite, j'ai appelé ces amendements.
Nous en sommes maintenant à l'amendement n° 69.
M. Jack Ralite. L'article 6 ter a été introduit par l'Assemblée nationale. Il précise que, « lorsque le mariage entre un étranger résidant en France et son conjoint qui a été admis au séjour comme membre de la famille a été dissout ou annulé au terme d'une procédure juridique moins de deux ans après l'admission au séjour de ce conjoint, cet étranger ne peut faire venir auprès de lui un nouveau conjoint au titre du regroupement familial qu'après un délai de deux ans à compter de la dissolution ou de l'annulation du mariage ».
Cette disposition a pour objet d'empêcher les regroupements familiaux de type polygamique.
En réalité, cela revient à introduire une présomption de fraude à l'égard de ceux qui ont divorcé et se sont remariés en dehors de toute intention polygamique, comme le note M. Masson dans son rapport.
C'est symptomatique, me semble-t-il, de l'obsession de la fraude. Certains députés ont même évoqué les « divorces bidon ».
Par ailleurs, comme le rappelle, à juste titre, M. Masson dans ce même rapport, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993, a déclaré contraire à la Constitution cette disposition en considérant que « le délai de deux années imposé à tout étranger pour faire venir son nouveau conjoint après dissolution ou annulation d'un précédent mariage dans le cadre du regroupement familial méconnaît le droit de mener une vie familiale normale ».
La commission a beau jeu de supprimer cet article 6 ter, pour laisser croire que, désormais, le projet de loi est équilibré.
Nous ne sommes pas dupes. Nous notons la correction de ce qui constituait une aggravation très forte introduite par l'Assemblée nationale. Cependant, nous restons vigilants et très critiques à l'égard de l'ensemble des mesures de ce texte.
Je tenais à le dire, car il est important que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale et visant à durcir le dispositif soit supprimée. Cela étant, le texte, dans son fondement, ne devient pas modéré pour autant. Il est lui-même déjà très grave. C'est pourquoi nous avions déposé trois amendements sur le regroupement familial.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter notre amendement n° 69, qui tend à supprimer l'article 6 ter.
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 139.
M. Guy Allouche. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 205 est-il soutenu ?...
Je suppose que la commission est favorable aux amendements identiques n°s 69 et 139 ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission considère qu'ils sont satisfaits, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 24, 69 et 139 ?
M. Jean-Louis Debré. ministre de l'intérieur. Je suis bien évidemment favorable à l'amendement n° 24, et donc aux amendements n°s 69 et 139. M. le rapporteur a très clairement expliqué ce qu'il en était.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements indentiques n°s 24, 69 et 139, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 ter est supprimé.

Article additionnel après l'article 6 ter

M. le président. Par amendement n° 186, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 6 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 175-2 du code civil est supprimé. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Nous proposons de supprimer l'article 175-2 du code civil, qui a été instauré par les lois dites « Pasqua », en 1993.
Pour permettre une bonne compréhension de notre proposition, je rappelle les termes de cet article :
« Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 du présent code, l'officier de l'état civil peut saisir le procureur de la République. Il en informe les intéressés.
« Le procureur de la République dispose de quinze jours pour faire opposition au mariage ou décider qu'il sera sursis à sa célébration. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil et aux intéressés.
« La durée du sursis décidée par le procureur de la République ne peut excéder un mois.
« Le mariage ne peut être célébré que lorsque le procureur de la République a fait connaître sa décision de laisser procéder au mariage ou si, dans le délai prévu au deuxième alinéa, il n'a pas porté à la connaissance de l'officier de l'état civil sa décision de surseoir à la célébration ou de s'y opposer, ou si, à l'expiration du sursis qu'il a décidé, il n'a pas fait connaître à l'officier de l'état civil qu'il s'opposait à la célébration.
« L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis devant le président du tribunal de grande instance, qui statuera dans les dix jours. La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d'appel, qui statuera dans le même délai. »
Nous considérons que cet article du code civil, sa simple lecture l'atteste, peut entraîner des atteintes graves à l'encontre de la vie privée des couples dits « mixtes ».
Cette disposition instaurée par l'une des « lois Pasqua » jette la suspicion sur ces couples et peut entraîner, si des maires sont mal intentionnés - et il y en a, je pense à des villes comme Orange, Toulon ou Marignane - des dérives incacceptables.
Pour rendre une part de sa dignité à la législation de notre pays, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement de suppression de cet article inique du code civil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Vous savez combien, en 1993, ont été intenses les débats concernant la lutte contre les mariages de complaisance, d'où l'article 175-2 du code civil, que nous avons longuement débattu et sur lequel nous avons beaucoup travaillé.
Il n'est pas question, aujourd'hui, de revenir ni sur le débat qui avait alors eu lieu, ni sur cet article. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 186, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7

M. le président. « Art. 7. - Le septième alinéa (4° ) de l'article 31 bis de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation de demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article 7 est tout simplement curieux. Le texte en vigueur précise que l'admission en France d'un demandeur d'asile - vous voyez que nous sommes dans le statut du droit d'asile - ne peut être refusée que si « la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ». C'est le 4°, et il est clair !
On nous propose d'ajouter l'alinéa suivant : « Constitue en particulier un recours abusif à la procédure d'asile, au sens du présent article, la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. »
Donner dans la loi un exemple du cas général visé à l'alinéa précédent est tout de même une technique législative curieuse.
La formulation : « Constitue en particulier un recours abusif (...) la présentation frauduleuse de plusieurs demandes » signifie qu'il existe d'autres cas de recours abusif. En l'occurrence, la présentation frauduleuse de plusieurs demandes est donnée en exemple.
M. Masson nous éclaire dans son rapport écrit. On peut en effet lire dans ce dernier les phrases suivantes :
« Il pouvait sembler que la rédaction du 4° de l'article 31 bis - c'est celui que je vous ai lu - aurait dû suffire à permettre le rejet de demandes de ce type.
« La résolution des ministres des Etats de l'Union européenne responsables de l'immigration sur les demandes d'asile manifestement infondées, prise à Londres le 30 novembre 1992, dont a été directement inspiré le 4° de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, retient cette interprétation. »
Encore une fois, s'il y a plusieurs demandes d'admission de séjour, il y a évidemment une fraude !
Cette résolution des ministres des Etats de l'Union européenne « considère, en effet, que constitue un recours abusif aux procédures d'asile le cas où le demandeur a, sans raison valable, délibérément omis de signaler qu'il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités ».
Vous avez bien entendu, monsieur le rapporteur, et j'attire votre attention sur les mots : « sans raison valable ». Cela signifie donc qu'il peut y avoir des raisons valables et que la présentation de plusieurs demandes sous plusieurs identités n'est donc pas forcément abusive. Chaque cas doit être examiné : il peut y avoir des erreurs, d'identité notamment.
Cela me paraît aller de soi, et c'est également votre avis, monsieur le rapporteur. C'est peut-être d'ailleurs pourquoi vous souhaitez le rétablissement de l'adjectif « frauduleuse » que l'Assemblée nationale a supprimé.
Je poursuis la lecture du rapport écrit :
« Néanmoins, deux arrêts du Conseil d'Etat (12 décembre 1986 et 9 février 1994) n'ont pas reconnu les fraudes à l'identité parmi les motifs de refus de la demande. »
Je n'ai pas eu le temps de lire ces deux arrêts du Conseil d'Etat, qui ne figurent pas en annexe au rapport écrit et qui viennent de m'être communiqués.
Mais il me semble tout de même suffisant - n'est-il pas vrai ? - que les travaux préparatoires, ici, affirment que, sans raison valable, c'est un recours abusif que de présenter une demande frauduleusement sous plusieurs identités. Mais ce n'est pas la peine de l'inscrire dans la loi, car, sinon, la loi aurait vraiment une drôle d'allure ! N'est-il pas vrai, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais répondre à M. Dreyfus-Schmidt. L'article 7 est-il nécessaire ? A mon avis, oui, et ce pour répondre à une question concrète : comment traiter les demandes d'asile formulées en préfecture par des étrangers se présentant sous des identités différentes à seule fin d'obtenir un récépissé de la préfecture pour blanchir un séjour irrégulier ?
Les demandes d'asile multiples constituent-elles un phénomène marginal ? Malheureusement non, comme le montre le fait que plus de 5 % des demandes d'asile émanent de personnes s'étant présentées sous des identités multiples.
Dès lors, peut-on agir sur le fondement du texte actuel ? Ce point est contestable, car le Conseil d'Etat n'a jugé qu'une fois de l'application de l'article 31 bis, 4°, par deux décisions du 2 octobre 1996, et ce dans un sens plutôt restrictif.
C'est d'autant plus important que, dans l'arrêt « Tschibangu » du 12 décembre 1986, il a estimé qu'une deuxième demande formulée sous une identité différente par une même personne ne pouvait être considérée comme irrecevable.
Il faut donc bien en venir à clarifier l'interprétation de l'article 31 bis dans le cas qui nous occupe. On ne peut s'appuyer sur le texte actuel, et c'est pourquoi l'article 7 est nécessaire.
M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 140 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 206 est déposé par Mme Dusseau.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 25, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 7 pour compléter le septième alinéa (4°) de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, de remplacer les mots : « présentation de demandes » par les mots : « présentation frauduleuse de plusieurs demandes ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 140.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Comme toujours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En même temps que je l'écoutais, je lisais l'arrêt « Tschibangu ».
J'ai parfaitement compris ce que veut dire le Conseil d'Etat. Surtout, laissons le Conseil d'Etat continuer à dire ce qu'il dit !
En l'occurrence, ce n'est pas parce qu'une fraude a été commise à l'occasion de la deuxième demande que la première n'était pas fondée : « En l'espèce, la commission des recours des réfugiés s'est bornée à estimer, par la décision attaquée, que la fraude commise à l'occasion de la seconde demande de M. Tschibangu avait pour effet de priver l'intéressé de tout droit au bénéfice de l'application à son profit de la convention de Genève, sans rechercher si la première demande était elle-même entachée de fraude. Elle n'a ainsi pas donné de base légale à sa décision. »
Le deuxième arrêt, en date du 9 février 1994, est à peu près du même ordre. Voici ce qu'indique le sommaire de l'arrêt « Mme Chuong » : « Si la commission des recours des réfugiés peut légalement se fonder sur les changements intervenus dans les déclarations d'un étranger concernant son identité pour apprécier au fond si les faits allégués sont établis, elle ne peut, sans entacher sa décision d'erreur de droit, se fonder sur l'article 18 du décret du 2 mai 1953 pour déclarer le recours irrecevable en raison de ces changements. »
C'est tout ! Il faut donc examiner le fond ! Par conséquent, plutôt que de chercher à contourner les arrêts du Conseil d'Etat parce qu'ils ne disent pas qu'il est frauduleux de présenter plusieurs demandes sous des noms différents et qu'ils invitent à regarder si la première demande était fondée ou non, il faut surtout sauvegarder cette jurisprudence ! Il ne faut donc absolument pas voter l'article 7, qui est curieux.
En effet, si la demande d'asile repose sur une faute délibérée, aucun problème ne se pose alors, dans la mesure où le droit d'asile ne doit pas être accordé. Mais si la fraude délibérée n'est pas à la base de la requête et que cette dernière est fondée, il faut évidemment accorder le droit d'asile. Il faut donc supprimer l'article 7.
Certes, la commission propose d'ajouter le mot « frauduleuse », et cet article restera donc en navette. C'est un moindre mal, car, franchement, ce point mérite qu'on s'y arrête et qu'on lise de près les deux arrêts du Conseil d'Etat de 1986 et de 1994, afin de constater que les explications que j'ai développées sont fondées et qu'il y a lieu de supprimer purement et simplement cet article.
Telle est en tout cas ma conviction, et je vous remercie de voter en ce sens, mes chers collègues.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. M. Dreyfus-Schmidt veut maintenir le droit d'admission au séjour des demandeurs multiples et frauduleux.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non, seulement si leur demande est fondée !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Moi, je ne le veux pas, voilà ce qui nous sépare !
M. le président. L'amendement n° 206 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 25 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 140.
M. Paul Masson, rapporteur. Je crois que M. Dreyfus-Schmidt a défendu mon amendement... (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 25 vise simplement à rétablir la notion de présentation frauduleuse de plusieurs demandes, qui figurait dans le projet de loi initial, et, ainsi, à rendre à ce texte toute son ampleur et tout son objet.
Il est par ailleurs intéressant d'examiner le raisonnement de M. Dreyfus-Schmidt.
Notre collègue déclare qu'il y a des arrangements entre chefs d'Etat et de gouvernement, mais que ces arrangements n'ont pas de valeur normative.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Paul Masson, rapporteur. Le Conseil d'Etat, dans son arrêt tout récent du 6 décembre 1996, déclare que, « par suite, le ministre de l'intérieur (...) ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer (...) les résolutions des 30 novembre et 1er décembre 1992 des ministres des Etats membres de la Communauté dépourvues de valeur normative ».
Le Conseil d'Etat ne reconnaît donc pas qu'un document diplomatique par lequel les chefs d'Etat et de gouvernement s'organisent pour adopter une procédure identique a une valeur normative.
La commission, quant à elle, considère que la loi, à cet égard, est supérieure à une interprétation que peut donner le Conseil d'Etat, quelle que soit la noblesse de cette institution, que personne ne conteste. Mais vous m'accorderez, mon cher collègue, que la loi est supérieure à un jugement portant sur une interprétation de la loi ; c'est tout le fond du débat.
Nous avons le droit de préciser que constitue un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes sous des identités différentes. Cela confirme effectivement la loi et la précise, ce qui me paraît tout à fait ressortir à la responsabilité du Parlement.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 140.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 140 et favorable à l'amendement n° 25.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 140.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous travaillons mal !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous lisons le rapport de M. Masson, qui est copieux et qui vise deux arrêts du Conseil d'Etat, en date, l'un, du 12 décembre 1986, l'autre, du 9 février 1994. Je les demande, et on me les communique. Puis M. le rapporteur se lève et fait état d'un arrêt du 6 décembre 1996 qui n'est pas cité dans son rapport et que je ne connais donc pas !
M. Paul Masson, rapporteur. Et pour cause !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Et alors ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, si l'on veut discuter d'un problème, mieux vaut quand même disposer de tous les éléments !
Si je comprends bien - c'est tout de même très important - le Conseil d'Etat confirme par cet arrêt de 1996 ce qu'il avait déjà décidé en 1986 et en 1994 : le fait d'être saisi de plusieurs demandes, dont certaines sont frauduleuses, n'exclue pas que l'une d'entre elles puisse ne pas l'être, et qu'il faut, par conséquent, examiner le fond.
Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Je n'ai pas dit qu'il fallait accorder le droit d'asile à une personne qui ne le mérite pas : j'ai dit qu'il ne fallait pas le refuser à quelqu'un qui le mérite au motif qu'il aurait présenté plusieurs demandes. Ce n'est pas la même chose, et c'est très exactement, me semble-t-il, ce que le Conseil d'Etat a décidé par trois fois - en 1986, en 1994 et en décembre 1996 - c'est-à-dire au terme d'une jurisprudence dont on peut dire qu'elle est constante.
Il faut donc véritablement renoncer à ce second alinéa de l'article 7.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 140, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voterai l'amendement n° 25, pour que l'article 7 fasse l'objet de la navette !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, ainsi modifié.

(L'article 7 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance suspendue, à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements visant à insérer des articles additionnels après l'article 7.

Articles additionnels après l'article 7

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 141 rectifié, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :
« Le statut de réfugié est accordé par l'OFPRA aux victimes de persécutions de la part d'un groupe autonome sans lien avec un Etat. »
Par amendement n° 187, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« ... - La convention de Genève du 28 juillet 1951 s'applique aux personnes victimes de l'action de certains groupes lorsque les pouvoirs publics sont manifestement incapables d'assurer leur protection. Le droit d'asile peut donc être accordé à ces personnes par la France. »
La parole est à M. Rocard, pour défendre l'amendement n° 141 rectifié.
M. Michel Rocard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'élément qui est à l'origine du dépôt de cet amendement est transparent ; vous l'avez tous deviné.
Nous visons des situations semblables à celle que connaît aujourd'hui l'Algérie, mais ce n'est pas la seule.
Comme vous le savez, aujourd'hui, l'asile politique ne peut être demandé que par ceux qui sont victimes de persécutions de la part d'un Etat. Tels sont nos textes, l'Histoire les justifie. Ce furent d'ailleurs de bons textes. Mais, en Algérie, aujourd'hui - et le cas peut fort bien se répéter ailleurs - des femmes, des hommes, journalistes, universitaires, médecins, syndicalistes, militants des droits de l'homme ou simples partisans de la laïcité, sont harcelés, pourchassés, menacés chaque jour dans leur vie même par des extrémistes intégristes qui sont par ailleurs en lutte contre l'Etat algérien. Ces terroristes intégristes sont autonomes, sans liens avec un Etat, ce qui ne les empêche pas d'exercer de véritables persécutions sur des hommes, des femmes et des enfants dont l'Etat est incapable d'assurer la sécurité. Il s'agit notoirement de persécutions politiques, et il est clair que nous devons reconnaître le droit d'asile à ces courageuses victimes.
Il faut donc modifier la loi pour que ce droit leur soit assuré. C'est notre devoir évident envers ces hommes et ces femmes, qui s'opposent à l'intégrisme au nom même des valeurs dont se réclame la France. Il serait déshonorant de leur refuser notre secours sous prétexte que ceux qui les persécutent n'ont pas encore atteint leur but, qui est précisément de s'inspirer de l'Etat - algérien en l'espèce, mais pas seulement peut-être - pour faire régner leur ordre. La protection de la France serait mieux venue et plus respectable si elle était accordée avant et non pas après l'échec de leur combat démocratique.
Permettez-moi deux mots de plus.
L'argument au nom duquel ce secours serait refusé, nous le connaissons bien : quel précédent créons-nous, quelles ouvertures faisons-nous ! Je vous entends déjà, monsieur le ministre,...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai rien dit !
M. Michel Rocard. ... et je sais même que vous serez, là-dessus, de bonne foi.
Reste que, pour le moment, nous avons ce cas massif ; les autres, que l'on peut deviner, ne sont pas situés dans nos zones - on n'est pas en francophonie, là ! - et ne sont pas immédiatement dangereux.
Mais, dans le cas particulier de l'Algérie, nous avons vécu, ces dernières semaines, une critique du silence. Nous ne savons pas quoi faire. Le drame algérien est atroce, et chacun d'entre nous ne peut décider du « comment ». Nous n'avons plus que l'idée que le colonialisme est fini, que nous n'avons rien à dire, que nous n'avons pas, au nom de l'Histoire, de leçons de morale à donner.
Et, cependant, nous ne pouvons pas ne pas continuer à aider ce peuple financièrement - ce que nous faisons avec raison, monsieur le ministre, ma critique n'est pas là - mais nous devons savoir que cette aide, légitime, je le répète, est interprétée comme une aide à un gouvernement et non pas, ce qu'elle est, comme une aide à un peuple. Et, donc, nous sommes sous incrimination.
J'ai été l'un des négociateurs des accords avec l'Algérie, dont vous gérez la continuité. Donc, nous parlons sans méfiance. Vous êtes sous la pression d'une demande, d'un message neuf, et vous ne voulez pas, ne pouvez pas, n'osez pas, n'avez pas envie - et je ne vous donne pas tort - de passer à une condamnation de l'Etat algérien actuel puisqu'il donne l'impression de ne jouer que la répression : vous savez que ce serait une politique dangereuse.
Dans ces conditions, vous êtes, monsieur le ministre, en recherche d'un signal, d'un signal qui voudrait dire que la politique de la France vis-à-vis de l'Algérie n'est pas seulement un soutien qui, bien que donné à un peuple, se traduit et est interprété comme le soutien à un gouvernement.
Pourquoi pas cette occasion-là, qui serait comprise et légitimerait la continuité de notre aide ? C'est un problème grave, très grave. Nous sommes attendus.
Il me vient un voeu stupide.
Il vous faut, monsieur le ministre, répondre en séance, tout de suite. Moi, je préférerais vous laisser la nuit pour réfléchir au fond, mais la procédure ne nous le permet pas.
Pensez tranquille, monsieur le ministre. De toute façon, nous n'en sommes qu'à la première lecture au Sénat, nous nous reverrons sur ce sujet, qui est très lourd, très grave, et qui ne permet pas l'emphase car il est très important. Comme l'Algérie ne sera pas le seul cas pour l'avenir, la dignité des peuples, des grands peuples, comme le nôtre, se jouera aussi sur leur faculté de reconnaître que les persécutions ne sont pas seulement le fait des Etats.
Merci d'une attention aussi superbe. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 187.
Mme Hélène Luc. Nous proposons, par cet amendement, que la France applique désormais dans sa plénitude la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative aux réfugiés.
La France, en effet, adopte une conception particulièrement restrictive de la commission de Genève, contrairement aux recommandations du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Notre pays écarte ainsi toute persécution émanant d'un agent autre que l'Etat, sauf si le demandeur parvient à prouver que ce dernier est complice.
Cette attitude extrêmement et excessivement stricte a eu pour conséquence, par exemple, en 1995, la seule acceptation de 30 demandes d'asile sur les 2 208 dossiers déposés.
Connaissant la situation algérienne - des femmes, en particulier - et les exactions horribles des groupes fanatiques, une telle position de notre pays n'est pas digne de nos traditions démocratiques.
Je tiens enfin à souligner que le Parlement européen a, tout récemment, adopté une résolution sur les garanties minimales pour les procédures d'asile.
Le deuxième point de cette résolution est très clair. Je vous le lis, mais vous devez le connaître : « Le Parlement européen demande aux Etats membres de respecter les recommandations du Haut commissariat aux réfugiés, qui, en conformité avec les termes du paragraphe 95 du guide des procédures et critères à appliquer pour la détermination du statut de réfugié, réaffirme que la convention de Genève s'applique aux personnes victimes de l'action de certains groupes lorsque les pouvoirs publics sont manifestement incapables de les protéger. »
Le Sénat va-t-il se situer aujourd'hui en deçà de ces exigences démocratiques, qui nous apparaissent minimales ? Nous espérons que non et nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 141 rectifié et 187 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Le débat que nous venons d'avoir au détour des deux amendements n°s 141 rectifié et 187 a déjà été abordé ce matin. Je ne vais donc pas, ce soir, répéter ce que j'ai dit il y a quelques heures.
Cela étant, monsieur Rocard, je ne sais pas s'il est opportun, au détour d'un amendement et dans un débat qui n'a rien à voir avec l'affaire qui nous occupe, d'évoquer la convention de Genève et le dispositif de l'OFPRA. (M. Dreyfus-Schmidt et Mme Luc protestent.)
Quand je dis que l'amendement n'a rien à voir avec l'affaire qui nous occupe, je veux parler du projet de loi tel que le Gouvernement nous l'a présenté !
Est-il opportun d'évoquer la loi de 1952, qui a acquis ses lettres de noblesse, sa forme, sa procédure, son contentieux, sa jurisprudence, et de chambouler tout ce système parce que l'on se croit obligé, à un moment ou à un autre, de « faire un effet » vis-à-vis de l'extérieur ? Je ne sais pas si c'est pour cela que nous sommes là ce soir, ou s'il s'agit d'aborder un texte avec la modestie que son examen requiert.
En tout cas, la commission des lois ne se croit pas autorisée à juger, à travers cet amendement, d'événements extérieurs qui sont prodigieusement compliqués et dont les résonances sont profondes.
J'appelle encore une fois l'attention de la Haute Assemblée sur le fait que le Gouvernement a toute latitude pour accorder l'asile territorial à qui le souhaite. C'est un droit régalien que la France a toujours pratiqué avec générosité, qui a été consolidé par la récente révision constitutionnelle et qui figure en toutes lettres dans notre Constitution.
Mme Hélène Luc. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai, monsieur le rapporteur !
M. Paul Masson, rapporteur. A quoi bon, ce soir, ici, revenir sur un dispositif qui est parfaitement rodé ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai, la convention de Genève ne s'applique pas !
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne crois pas que ce soit l'heure ni le lieu d'évoquer, au détour d'un amendement, des événements de cette nature.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 141 rectifié.
M. Michel Rocard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Je suis sensible au fait que M. le rapporteur ait cherché, dans cette conversation délicate, à ne pas dramatiser le ton, à ne pas tomber dans l'outrance.
Quel est notre métier, monsieur le rapporteur ? Nous sommes législateurs. Ce métier consiste à faire la loi en fonction de tout ce qui se passe : tout responsable politique est toujours instantanément saisi de tout ce qui se passe partout, et nous sommes ici dans une assemblée de la République pour en faire la synthèse sous forme législative.
Je connais le pouvoir régalien de donner asile. Reste que des fragilités demeurent au contentieux et que l'écriture de la loi qui décrit le droit d'asile comme conditionné par la Constitution d'un Etat est une inhibition pour tous les organismes qui sont sous vos ordres. Je le sais fort bien, et c'est ce que je demande que l'on lève.
Quant à l'opportunité, monsieur le rapporteur, j'eusse préféré que vous ayez raison et que nous n'ayons pas lieu de le faire. Mais l'urgence est là ! Voilà ce qui m'incite à ne pouvoir tenir pour recevable la réponse de M. le rapporteur.
Nous sommes bien obligés d'introduire dans la loi son objet ! Car, enfin, monsieur le ministre, pourquoi nous avez-vous saisis, sinon pour décrire législativement, de manière claire, les conditions dans lesquelles des étrangers dont nous décrivons les situations - certaines ne relèvent que du droit de séjour, d'autres peuvent relever du droit d'asile - sont autorisés à séjourner régulièrement, avec un titre régulier, en France ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parfaitement !
M. Michel Rocard. Cette définition de l'objet même qui vous a conduit à nous proposer de légiférer ensemble fait que le drame que j'ai évoqué relève de notre compétence législative d'aujourd'hui.
Aucun d'entre nous ne l'aurait souhaité, je vous en donne acte ! Mais avons-nous le droit, ne le souhaitant pas, devant cette horreur, de faire comme si elle ne nous saisissait pas au coeur de la loi ?
Monsieur le rapporteur, aucun d'entre nous, ici, ne vous a pris pour un ultra. Nous avons eu souvent, au cours de cette séance, des moments d'émotion à vous entendre, sachant même que, parfois, vous étiez tiré plus loin que vous ne l'auriez intellectuellement voulu ; les motivations des phrases de votre beau rapport nous l'ont fait comprendre. Vous êtes dans une automaticité.
Il reste que votre réponse ne peut nous satisfaire. C'est pourquoi, contre l'avis de la commission, je voterai mon amendement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je souhaite également dire un mot sur cette grave question.
On nous dit, encore une fois, qu'on traite d'une question technique et qu'il y a urgence à traiter de cette question et pas d'une autre. Je l'ai dit hier dans mon intervention, à force de reporter l'essentiel au nom de l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel.
Vous ne pouvez imaginer le nombre de visites - et je ne crois pas que mon cas soit unique ! - que le maire d'une ville qui compte beaucoup d'Algériens - je suis ce maire - reçoit de personnes anxieuses, dramatiquement anxieuses, devant tant et tant d'assassinats qui les touchent et dont on sait bien qu'ils existent !
M. le rapporteur dit que la situation est compliquée. Mais la mort de dizaines, de centaines d'Algériens victimes de l'islamisme intégriste, ce n'est, malheureusement, pas compliqué !
Donc, ce soir, une possibilité nous est offerte, dans le cadre de la loi, de faire un grand geste, un geste qui n'est d'ailleurs pas seulement demandé par le groupe socialiste, au nom duquel vient de s'exprimer M. Michel Rocard, et par le groupe communiste républicain et citoyen, au nom duquel a parlé tout à l'heure Mme Hélène Luc.
Le collège des médiateurs a tenu ses assises ici même, au Sénat, le 18 novembre dernier. Il a voulu définir une nouvelle politique d'immigration. Il a annoncé quelques urgences, précisant qu'une des plus importantes, à ses yeux, était relative au droit d'asile.
Permettez-moi de lire un extrait de l'appel qu'il a lancé : « Là encore, le climat de méfiance systématique à l'égard de certains étrangers a conduit à des conséquences inadmissibles.
« L'asile doit être accordé à tous ceux qui doivent fuir leur pays devant la persécution qui les menace, que cette menace provienne de l'Etat lui-même ou qu'elle soit le résultat de sa carence. Plus largement, l'asile humanitaire doit être étendu, au-delà d'une définition pointilleuse de la persécution, aux cas d'extrême détresse.
« Dans tous les cas, les risques encourus par les demandeurs d'asile doivent être appréciés avec réalisme et humanité, sans excès de juridisme soupçonneux et en tenant compte des difficultés de preuves inhérentes à de telles situations. »
Parmi les hommes et les femmes qui ont rédigé ce texte, on retrouve MM. Pierre Lyon-Caen, Edgar Morin, le philosophe Paul Ricoeur, M. Laurent Schwartz, Mme Germaine Tillion, MM. Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, André Costes, de la revue Etudes, Stéphane Hessel, l'ambassadeur Paul Bouchet, qui préside la commission consultative, les résistants Lucie et Raymond Aubrac ; des juristes, Monique Chemillier-Gendreau, Mireille Delmas-Marty...
Vraiment, il faut traiter de cette question. Les deux amendements qui sont proposés sont de l'ordre de la conscience.
Nous avons besoin de gestes symboliques parce que eux seuls peuvent condenser à l'usage de tous une signification indubitable. Il y a des gestes symboliques nécessaires, et nous pouvons en faire un ce soir. S'ils sont inaccomplis, leur manque est assez évident pour être ressenti par la conscience des contemporains.
C'est un vote de conscience que nous vous demandons, au nom de nos traditions et au nom de ce monde dont nous sommes, avec les Algériens, les enfants solidaires. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Les Algériens, qui depuis maintenant quatre ans sont victimes d'une guerre effroyable parce qu'on ne sait plus où sont les ennemis, ont besoin de la France.
Les plus menacés, nous le savons, sont ceux qui, par leur culture et par l'usage de la langue française, sont les plus proches de nous. On motive leur assassinat par le fait qu'ils appartiennent au parti de la France, ne l'oubliez pas !
Ces hommes et ces femmes résistent de façon extraordinaire. Je vais régulièrement en Algérie : il faut voir ce que représente cette résistance, ce que représentent, par exemple, le fait d'arriver à faire passer le baccalauréat partout dans le pays, le fait d'aller voter, comme ils l'ont fait, pour l'élection présidentielle.
Nombre de ceux qui demandent à se réfugier en France ne demandent pas à le faire de façon définitive. Ils ont besoin de respirer un peu, de reprendre leur souffle, de se retrouver en sécurité pendant quelques mois. Or, cela, nous ne le leur accordons plus.
Je vous rappelle deux chiffres concernant les visas : en 1996, nous n'avons accordé en tout et pour tout que 48 000 visas d'entrée en France pour ce pays, alors qu'à une certaine époque, avant que le conflit ne commence, nous en avons délivré jusqu'à 800 000 par an !
Ce cordon sanitaire que nous avons établi entre l'Algérie et la France fait que le peuple algérien, qui résiste aux islamistes, a le sentiment que nous le lâchons, que nous n'avons que méfiance envers lui et que le seul soutien que nous apportons à l'Algérie, c'est un soutien à un gouvernement qu'ils récusent aussi.
Humainement, ce que nous faisons est une erreur. Mais c'est aussi une erreur politique, lourde de conséquences pour l'avenir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Michel Rufin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Rufin.
M. Michel Rufin. On ne sera pas étonné que je suive l'avis de la commission, et ce pour une raison fort simple : dans ma commune, j'ai créé, voilà maintenant près de huit ans, un CADA, c'est-à-dire un centre d'accueil de demandeurs d'asile, qui est contrôlé et vérifié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
De tels centres, il y en a, à ma connaissance, trente-trois en France. Quel est leur rôle ? Accueillir des demandeurs d'asile. Or, dans mon CADA, il y a des Algériens, des journalistes algériens, qui sont menacés de mort par le FIS, le Front islamique du salut, ou par d'autres mouvements. Donc, la France les accueille.
Mais elle accueille aussi, dans mon CADA, des Maliens, ainsi qu'un couple d'Egyptiens, lui aussi en délicatesse avec son gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils n'auront pas le droit d'asile !
M. Michel Rufin. Je vous prie de me laisser parler, monsieur Dreyfus-Schmidt ! Vous ne connaissez pas ce centre, vous ne l'avez pas visité ! Alors, laissez-moi expliquer ce qui s'y passe. C'est invraisemblable !
Il y a également deux couples de Soudanais parce que, au Soudan aussi, il y a des problèmes : le gouvernement arrête et martyrise une partie de la population, notamment pour des raisons de religion. Il y a encore des Rwandais.
Ainsi, certains collègues apprennent avec stupéfaction qu'en France on héberge déjà des demandeurs d'asile, aux frais de l'OFPRA, c'est-à-dire de la France !
J'ajoute que l'on héberge non seulement des couples, mais aussi des enfants. Ces enfants fréquentent l'école de ma commune, où un maître spécialisé, muni d'un diplôme ad hoc, s'adresse particulièrement à eux.
Alors, de grâce, messieurs, n'exagérez pas, ne poussez pas trop loin le bouchon, ne nous prenez pas pour des demeurés. La France a toujours rempli son rôle de puissance accueillante et elle a toujours hébergé ceux qui étaient dans le malheur. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Rocard. Bravo, monsieur Rufin, c'est très beau, mais mettez-le dans la loi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vois pas ce qui peut faire dire à M. Rufin que nous pousserions le bouchon trop loin ou que nous prendrions qui que ce soit, en particulier nos collègues, pour des demeurés. Ce n'est pas le cas !
C'est vrai, je ne connais pas personnellement votre CADA, monsieur Rufin, mais j'en connais d'autres. Il y en a un tout près de chez moi, à Lure, où l'on accueille, en effet, les demandeurs d'asile.
Je me permettrais simplement de dire, tout à l'heure, que vous donniez l'exemple d'étrangers auxquels, malheureusement, la législation et la convention de Genève ne permettent pas d'accorder le droit d'asile. Je n'ai rien dit d'autre. En effet, la convention de Genève ne permet d'accorder le droit d'asile qu'à ceux qui sont persécutés pour leur combat pour la liberté par leur Etat et non pas par d'autres que leur Etat, en particulier par des groupes internes.
Voilà pourquoi il convient de changer la législation si l'on veut - et, si j'ai bien compris, M. Rufin le veut - que ceux qui sont persécutés par des groupes autonomes sans lien aussi avec leur Etat puissent obtenir le droit d'asile de l'OFPRA.
Et puisque nous sommes d'accord, monsieur Rufin, c'est parfait : votez notre amendement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 187, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 188, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 32 bis de l'ordonnance de 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« A réception d'une demande de statut de réfugié par l'OFPRA ou d'un recours par la commission de recours, le demandeur est systématiquement convoqué à un entretien approfondi assisté d'un interprète, si besoin est, pour un examen complet de la situation. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement a pour objet d'organiser le débat de la procédure relative aux demandeurs d'asile.
Nous souhaitons en effet que, dès l'enclenchement de la demande du statut de réfugié auprès de l'OFPRA ou d'un recours devant la commission de recours, le demandeur soit systématiquement et sans délai convoqué à un entretien.
Cet entretien approfondi, réalisé en présence d'un interprète, si besoin est, servirait à faire le point sur la situation exacte du demandeur. Celui-ci pourrait ainsi d'emblée être informé des pièces et justificatifs dont il aurait besoin pour étayer son dossier.
Tout le monde sait en effet que les personnes qui demandent le statut de réfugié ont quitté leur pays dans des conditions difficiles et que, a priori, elles ne sont pas en possession de tous les documents qui sont susceptibles d'être demandés par l'OFPRA, sinon c'est la raison elle-même qui fait qu'on est réfugié qui donnerait lieu à interrogation.
Nous proposons donc de donner aux intéressés une information dès le départ afin qu'ils puissent réellement mener à bien leur démarche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Les moyens de l'OFPRA ont été considérablement renforcés ces dernières années. L'office accomplit une oeuvre tout à fait remarquable dans des conditions d'objectivité et de transparence totales. Il n'y a donc pas lieu de modifier les procédures en vigueur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... mises en place sous le gouvernement Rocard !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 188, repoussé par la commission et par le Gouvenement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 95, M. Plasait propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 37 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée est abrogé. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 189, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Devant la commission de recours des réfugiés, elle est accordée aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Notre amendement a pour objet de permettre aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'accéder à l'aide juridique à l'occasion d'un recours devant la commission de recours des réfugiés.
Les personnes amenées à exercer un recours devant cette commission sont souvent celles dont les revenus sont les plus modestes.
Or, pour elles, se faire assister d'un avocat serait à la fois indispensable, mais tout à fait impossible compte tenu de leurs moyens financiers.
C'est dans un souci d'équité et de respect des droits de la défense que nous proposons d'élargir aux demandeurs d'asile l'accès à l'aide juridique.
Il s'agit d'accorder un meilleur accès à la justice de notre pays à des gens qui sont confrontés, dans leurs démarches administratives, à des difficultés qui les dépassent bien souvent et pour lesquelles ils ont besoin d'un conseil.
Comment peut-on parler du respect des droits de la défense si l'on n'aborde pas la question clé, à savoir l'argent ?
Cette question se pose avec autant d'acuité pour toutes les familles à revenus modestes, qu'elles soient françaises ou immigrées.
Elle se pose néanmoins d'une façon encore plus aiguë lorsque la vie des personnes est en jeu, lorsque, demandant l'asile politique, elles doivent expliquer leur situation afin d'éviter l'expulsion, le renvoi dans leur pays.
C'est pourquoi nous souhaitons que, dans le cas précis des demandes d'asile, devant la commission des recours aux réfugiés, l'aide juridique soit accordée aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour.
C'est tout le sens de l'amendement n° 189.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. La loi du 10 juillet 1991, en son article 3, deuxième alinéa, vous donne satisfaction.
Permettez-moi d'en donner lecture : « Les personnes de nationalité étrangère » - c'est bien d'elles qu'il s'agit - « résidant habituellement et régulièrement en France sont également admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle ».
En conséquence, cet amendement n'a pas lieu d'être, et l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7 bis

M. le président. « Art. 7 bis . - L'article 33 de la même ordonnance est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'un étranger est remis aux autorités d'un État dans les conditions prévues au présent article, l'autorité visée au deuxième alinéa peut, en raison de la gravité du comportement ayant motivé cette décision et en tenant compte de la situation personnelle de celui-ci, prendre une décision d'interdiction du territoire d'une durée maxi male d'un an à compter de l'exécution de la remise de l'étranger aux autorités de l'État concerné.
« La décision prononçant l'interdiction du territoire constitue une décision distincte de celle de remise. Elle est motivée et ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations. Elle emporte de plein droit reconduite à la frontière de l'étranger concerné. »
Sur l'article, la parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avions déposé un amendement n° 133 qui tendait à abroger le paragraphe IV de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Nous avons également déposé un amendement de suppression de l'article 7 bis, que je vais présenter en même temps que je vais m'exprimer sur l'article.
Le paragraphe IV de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose qu'une interdiction du territoire d'une durée minimale d'un an peut être prononcée par l'autorité administrative, ce qui nous paraît parfaitement choquant.
Nous l'avions déjà relevé lorsque vous l'aviez inscrit dans la loi du 24 août 1993, d'une manière plus choquante encore puisque, quelles que soient les circonstances, la peine atteignait forcément un an.
Mais le Conseil constitutionnel est intervenu, qui a expliqué que les peines automatiques ne peuvent pas exister.
Compte tenu de cette décision, vous avez, dans la loi du 30 décembre 1993, nuancé cette rédaction ajoutant que les représentants de l'Etat pouvaient, en raison de la gravité du comportement ayant motivé la reconduite à la frontière, et en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé, prendre une décision d'interdiction du territoire d'une durée maximale d'un an, à compter de l'exécution de la reconduite à la frontière.
Mais le fond reste le même : ce n'est pas le juge qui décide mais l'administration.
Aujourd'hui, l'article 7 bis que vous nous proposez prévoit très exactement la même possibilité lorsqu'un étranger est remis aux autorités d'un Etat dans les conditions prévues à l'article 33 de l'ordonnance, et ce dans le cadre de la convention de Schengen.
C'est en effet le même cas. Et vous lui appliquez ce que vous aviez décidé dans le cas précédent. Vous êtes dans votre logique en proposant pour les immigrés qui sont remis aux autorités d'un Etat de l'espace Schengen par un autre Etat de l'espace de Schengen les dipositions que vous avez déjà prévues en 1993.
Vous le voyez bien, ce texte n'a pas seulement l'objectif affiché de diminuer le nombre de sans-papiers. Vous profitez de ce projet de loi pour rechercher autre chose. Il n'y a pas de raison que cela s'arrête ! Il a été question l'autre jour du Moloch qui se dévore lui-même : il n'y a pas de raison que chacune de nos sessions ne soit pas agrémentée par quelque nouvelle trouvaille en la matière. Si nous en sommes à la vingt-cinquième modification de l'ordonnance de 1945, nombre d'entre nous auront, hélas, l'occasion d'en voir encore beaucoup. Un jour, peut-être pas si lointain, ce seront de bonnes modifications ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 142 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Tous deux tendent à supprimer l'article 7 bis.
La parole est à M. Ralite, pour défendre l'amendement n° 70.
M. Jack Ralite. L'article 7 bis a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative de sa commission des lois et de plusieurs députés, avec l'accord du Gouvernement, et complète l'article 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatif à la procédure de réadmission.
L'article 7 bis étend le champ de l'interdiction du territoire français aux cas d'étrangers remis par la France à un autre Etat européen dans le cadre des accords de Schengen.
De plus, il est proposé que le préfet compétent pour la procédure de réadmission puisse prendre une décision d'interdiction administrative du territoire d'une durée maximale d'un an à compter de la remise.
Nous sommes opposés à cet article et proposons de supprimer avec cet amendement la possibilité d'assortir d'une interdiction administrative du territoire la décision de réadmission.
M. le président. L'amendement n° 142 a déjà été exposé.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 70 et 142 ?
M. Paul Masson, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il ne s'agit pas de régulariser les sans-papiers, comme vous l'avez dit, il s'agit de tout autre chose : faire respecter l'Etat souverain qu'est la France, représentée par son Gouvernement. Il y a des règles qui sont fixées par le Gouvernement, et il convient de faire en sorte que ceux qui veulent entrer sur notre territoire les respectent ! C'est tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ce sont de nouvelles règles !
M. Paul Masson, rapporteur. Effectivement, nous avons étendu à ce dispositif ce qui est pratiqué dans un cas similaire et l'avons adapté en fonction de la décision du Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 70 et 142, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7 bis .

(L'article 7 bis est adopté.)

Article 8

M. le président. « Art. 8. - L'article 35 bis de la même ordonnance est ainsi modifié :
« 1° Il est inséré, à la fin du premier alinéa, un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de maintien au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien. » ;
« 2° Aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : « vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots : « quarante-huit heures » ;
« Au sixième alinéa, les mots : « six jours » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;
« 3° Il est inséré, après le quatrième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance. » ;
« 4° Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou son délégué de déclarer le recours suspensif. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, doit être formé dans les quatre heures qui suivent le prononcé des ordonnances précitées. Pendant ce délai, la personne est retenue dans les locaux du tribunal. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée et qui n'est pas susceptible d'appel. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. » ;
« 5° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la mesure d'éloignement ne peut pas être exécutée dans les délais prévus par le présent article en raison de faits ou de comportements constitutifs des infractions mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 27, le préfet en informe sans délai le procureur de la République et transmet à celui-ci les renseignements, procès-verbaux et actes de procédure concernant l'application du présent article. »
Sur l'article, la parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons l'un des articles les plus importants et l'un des sujets les plus difficiles de ce texte.
Je marque tout de suite que l'article 8, tel qu'il est présenté à la Haute Assemblée, aboutit à altérer le délicat équilibre d'une procédure complexe, et je tiens à expliquer pourquoi. Notre attention a été attirée sur ce point de façon très pressante par les représentants des barreaux, mais aussi par les associations de défense des immigrés.
Je rappelle - ce n'est jamais inutile - le déroulement de cette procédure complexe.
Au point de départ existe, pour celui contre lequel intervient la procédure de reconduite à la frontière, la possibilité d'une rétention administrative. Conformément à la Constitution - qui, je le rappelle, confie au seul magistrat de l'ordre judiciaire la protection de la liberté individuelle - c'est un magistrat de l'ordre judiciaire qui intervient à l'issue des vingt-quatre heures de rétention administrative.
Dans le cadre de la procédure qui est maintenant soumise à notre examen, ce délai est porté à quarante-huit heures, ce qui correspond très exactement, je le reconnais volontiers, aux limites posées par une jurisprudence constitutionnelle.
Pendant ce délai, l'étranger se voit donc retenu. Or, dans le texte tel qu'il est, il est seulement précisé qu'il sera informé de ses droits, au besoin par un interprète.
Il est nécessaire de bien voir à qui nous avons affaire et de mesurer le degré de connaissance et de compréhension, pour l'étranger maintenu en rétention, de ce que sont ses droits dans une procédure si complexe.
Jusqu'à présent, après vingt-quatre heures, l'étranger était conduit devant le magistrat de l'ordre judiciaire et, évidemment, son avocat, dans les moments qui précédaient, le mettait véritablement au courant de ses droits - car une chose est de les lui exposer, une autre de les lui expliquer.
C'est à ce moment-là que, tout naturellement, l'étranger utilisait les voies de recours prévues et qu'il contestait la rétention en même temps que l'arrêté de reconduite.
Or cet étranger ne sera désormais conduit devant le magistrat qu'après quarante-huit heures. Aussi le délai de vingt-quatre heures prévu pour former un recours en annulation de l'arrêté de reconduite sera-t-il le plus souvent expiré.
A partir de ce moment-là, on peut dire que la reconduite à la frontière pourra s'effectuer sans que l'étranger ait été au courant de ses droits.
Tout à l'heure, M. Allouche a présenté un amendement - sans doute aurait-il été préférable de le réserver jusqu'à ce stade de la discussion - pour demander que le délai offert à l'étranger pour pouvoir contester la décision de reconduite à la frontière soit porté de vingt-quatre à quarante-huit heures. Il s'agissait d'établir un parallélisme de forme entre le délai pendant lequel l'étranger est placé en rétention administrative avant de voir le juge et le délai offert pour pouvoir utiliser effectivement les voies de recours.
C'est une exigence très importante des droits de la défense et, véritablement, je ne comprendrais pour quelles raisons, augmentant le délai pour présenter l'étranger devant le juge, gardien des libertés individuelles, on ne lui donnerait pas, de la même façon, vingt-quatre heures de plus pour exercer les voies de recours contre l'arrêté de reconduite.
Tel est l'essentiel de ce que je tenais à souligner. Il s'agit d'une question très importante concernant l'exercice des voies de recours. Vous savez toute l'importance qu'ont les droits de la défense dans ce domaine, leur essence constitutionnelle.
Je suis convaincu que, à cet égard, aussi bien M. le rapporteur que M. le ministre comprendront la nécessité d'ouvrir ce délai supplémentaire de vingt-quatre heures, lequel ne gêne d'ailleurs en rien puisqu'il s'écoule, je le rappelle, en rétention. Ce délai est nécessaire pour pouvoir exercer convenablement les voies de recours. L'équilibre sera ainsi retrouvé. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Sur l'article 8, je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 143 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 207 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 8.
Par amendement n° 26, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du 1° de l'article 8, de remplacer les mots : « à la fin du premier alinéa » par les mots : « après le quatrième alinéa ».
Par amendement n° 27, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du 2° de l'article 8, de remplacer les mots : « quatrième et cinquième alinéas » par les mots : « septième et dixième alinéas ».
Par amendement n° 28, M. Masson, au nom de la commission, propose d'insérer, après le premier alinéa du 2° de l'article 8, un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« Dans le dixième alinéa, les mots : "fixé au présent alinéa" sont remplacés par les mots : "fixé au huitième alinéa". »
Par amendement n° 29, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le second alinéa du 2° de l'article 8, de remplacer les mots : « Au sixième alinéa » par les mots : « Au onzième alinéa ».
Par amendement n° 144, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le 2° du texte présenté par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, d'insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Il est inséré, après le cinquième alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la rétention, l'étranger est appelé à s'entretenir avec un avocat. Si il n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, il peut demander à ce qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Le bâtonnier est informé de cette demande par tout moyen et sans délai. »
Par amendement n° 30, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du 3° de l'article 8, de remplacer les mots : « après le quatrième alinéa » par les mots : « après le neuvième alinéa ».
Par amendement n° 211, M. Masson, au nom de la commission, propose d'insérer, après le 3° de l'article 8, un alinéa ainsi rédigé :
« 3° bis . Au onzième alinéa, les mots : "au septième alinéa" sont remplacés par les mots : "au huitième alinéa". »
Par amendement n° 31 rectifié, M. Masson, au nom de la commission, propose d'insérer, après le 3° de l'article 8, un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« 3° bis . Au douzième alinéa, les mots : "au septième et au onzième alinéas" sont remplacés par les mots : "au huitième et au treizième alinéas". »
Par amendement n° 32 rectifié, M. Masson, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le 4° de l'article 8 :
« 4°. Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, à titre exceptionnel, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est transmis immédiatement au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° 58 rectifié est présenté par MM. Gournac, Demuynck et Pelchat.
Le sous-amendement n° 81 rectifié est déposé par MM. Ceccaldi-Raynaud et Courtois.
Tous deux tendent, dans la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 32 rectifié, après le mot : « toutefois », à supprimer les mots : « , à titre exceptionnel ».
Par amendement n° 33, M. Masson, au nom de la commission, propose de supprimer le 5° de l'article 8.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 71.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement a pour objet de supprimer la prolongation de vingt-quatre heures de la rétention d'un étranger, pour des raisons de droit, ainsi que la possibilité offerte au procureur de la République de demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de donner un effet suspensif à l'appel interjeté par le ministère public.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que des êtres humains sont parqués comme des animaux dans les zones de non-droit que sont les centres de rétention.
Dans les Hauts-de-Seine et à Paris, des centres de rétention ont fonctionné clandestinement pendant des années dans des conditions inhumaines.
Les centres de rétentions ont connu dès le début des dérives de ce genre.
Rappelons-nous qu'en 1978-1979 est découvert, à Marseille, plus précisément à Arenc, un hangar dans lequel sont entassés, depuis des semaines, des dizaines d'étrangers en situation irrégulière, que les autorités de police envisagent de refouler, mais qui, pour des raisons matérielles, ne peuvent quitter immédiatement la France. Ils sont là, sans aucune communication avec l'extérieur, et dans des conditions de salubrité et d'hygiène impensables.
C'est seulement en 1981 que l'on donnera un tant soit peu un statut juridique à ces zones de non-droit.
Un tant soit peu, dis-je, car ces zones s'apparentent toujours à ce qu'elles étaient au départ, c'est-à-dire à des endroits où la répression et la privation de liberté s'abattent sur de nombreux êtres humaines dont le seul crime est d'avoir tenté de franchir les frontières de la France pour y trouver asile, ou de rejoindre un parent, un mari.
Ce qui caractérise, la rétention des étrangers, c'est qu'avec l'application de la loi les pouvoirs du juge sont souvent ceux d'un simple agent de voyage : il constate les possiblités de départ pour les non-admis, se borne à consulter les horaires des compagnies aériennes et à proposer à l'administration de faire partir le non-admis par le premier vol disponible.
Quant au droit d'avoir recours à un interprète, il est exercé très souvent « à distance », par téléphone, ce qui n'est pas sans présenter de sérieux inconvénients pour l'étranger retenu dans ces centres.
Les demandes de soins médicaux, les demandes de visite d'un médecin sont fréquemment rejetées.
De plus, il semble que le service médical de certains centres de rétention, en particulier celui de Roissy, ne garde aucun double des certificats médicaux.
Les agents de l'Office des migrations internationales présents dans les zones d'attente à Roissy et à Orly se borneraient à vendre des cigarettes, des cartes téléphoniques, de la nourriture. Leur action est purement matérielle. Ils n'apportent aucune assistance juridique aux étrangers maintenus.
Les fonctionnaires de police surveillent les étrangers et accordent ou non un droit de visite de l'avocat, et, dans la pratique, ces visites s'apparentent souvent à celles qui sont faites aux détenus dans les prisons.
Les autres visites sont soumises également au bon vouloir du fonctionnaire de police.
Si l'on voulait forcer le trait sur la situation dans les centres de rétention, on dirait que la police est partout mais que la justice n'est nulle part !
En fait, la politique de l'immigration zéro crée ces zones de non-droit, que l'opinion publique connaît trop peu.
L'absence de dispositions relatives aux prestations qui doivent être fournies aux étrangers retenus dans ces centres explique également les conditions matérielles, parfois gravement défectueuses, dans lesquelles se déroule la rétention.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est souhaitable de ne pas prolonger la rétention.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, je tiens à présenter quelques observations d'ordre général sur cet article 8, qui est essentiel, comme l'a dit M. Badinter à juste titre, et auquel j'attache la plus grande importance.
Cet article traite précisément de la rétention administrative des étrangers qui font l'objet d'une meseure d'éloignement, c'est-à-dire de personnes en situation irrégulière, d'étrangers qui ont troublé l'ordre public.
L'enjeu de la procédure est donc primordial pour la bonne application de la loi.
Nous avons vu - tout le monde en a parlé - que les conditions de rétention en France de ces catégories d'étrangers étaient encadrées d'une manière particulièrement stricte, et M. le rapporteur a montré, au début de ce débat, mardi dernier, combien les comparaisons internationales étaient défavorables à la France en ce qui concerne l'ordre public.
Ainsi, en Grande-Bretagne, patrie des droits de la défense, de l' habeas corpus, modèle judiciaire pour certains juristes...
M. Robert Badinter. Pas pour moi !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Pour moi non plus, monsieur Badinter. Mais c'est un modèle pour certains, et vous le savez aussi bien que moi, qui voudraient que l'on transpose en France le modèle judiciaire britannique.
En Grande-Bretagne donc la rétention administrative sans intervention du juge peut être indéfinie.
Aux Pays-Bas, elle peut être de trente jours ; en Espagne, de quarante jours ; en Belgique, de deux mois ; en Allemagne de six mois...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, je vous en prie !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Et en France ? Sept jours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il vous plaît !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je peux quand même rappeler les législations étrangères ! (Exclamations sur les travées socialistes.) Laissez-moi terminer !
Mme Nelly Olin. C'est la vérité !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne fais pas de théorie, je cherche uniquement, vous le savez, à mieux appliquer la loi. C'est l'objet de ce texte : pas plus, pas moins.
En l'occurrence, je cherche à faire en sorte que le Gouvernement, l'administration respectent la loi. Cette orientation motive chacune des dispositions de ce texte. Je vais les prendre une par une.
Vous connaissez tous la jurisprudence de la Cour de cassation, plus particulièrement l'arrêt « Rasmi » du 28 février 1996, qui nous amène à penser qu'il n'est plus possible de placer à nouveau en rétention un étranger pour l'éloigner s'il lui est arrivé d'y avoir été placé auparavant et de n'avoir pu être éloigné.
Une telle décision peut encourager des étrangers à s'opposer à leur départ puisque, s'ils agissent ainsi, on ne peut plus les éloigner.
Je considère que cela n'est pas acceptable, car cela veut dire clairement, compte tenu, hélas ! de la proportion d'échecs de nos tentatives d'éloignement, d'ailleurs liés à la brièveté des rétentions, que l'étranger qui a échappé à l'éloignement une fois jouit désormais de l'impunité.
L'application à la lettre de cette jurisprudence « Rasmi » conduit à frapper les arrêtés de reconduite à la frontière, les arrêtés d'expulsion ou même les interdictions judiciaires du territoire d'une sorte de caducité.
Je ne peux pas, en ce qui me concerne, l'accepter, et je crois que le Parlement, lui non plus, ne peut pas l'accepter.
Je ne peux l'accepter ni au regard de l'application de la loi ni au regard de mes responsabilités actuelles. Je me tourne donc vers le législateur pour faire prévaloir le simple bon sens.
Le deuxième élément est le suivant : faire passer de vingt-quatre à quarante-huit heures la première période de rétention n'est pas attentatoire aux libertés ni en droit ni en fait. Le Conseil constitutionnel l'a précisé, vous le savez, monsieur Badinter, le 9 janvier 1980. Mais, surtout, la prolongation de ce délai est nécessaire en pratique parce que, sans cela, l'administration n'aurait pas la possibilité d'argumenter juridiquement quant à la nécessité d'une prolongation en réponse aux demandes croissantes des juges. Les affaires de cet été l'ont montré, je ne veux pas y revenir.
J'en arrive au troisième élément. Là encore, les affaires de cet été ont souligné les défauts des pratiques actuelles. Les dispositions en vigueur ne prévoyant pas explicitement que le délai de vingt-quatre heures n'est pas un délai pour juger de la prolongation mais pour la demander, bien des décisions de refus de prolongation ont été motivées par un dépassement du délai de vingt-quatre heures au moment de l'audience. Mais on oubliait alors de tenir compte du fait que la demande de prolongation avait été faite avant et que le retard était imputable à la multiplication des moyens dilatoires, utilisés principalement par les intéressés. Cela non plus n'est pas tenable.
Quatrième élément : l'appel suspensif du parquet dans les conditions étroitement définies par le projet de loi est également une nécessité pratique.
A qui sert un appel si la Cour d'appel statue sans que sa décision puisse prolonger effectivement la rétention, puisque, à défaut d'effet suspensif, l'étranger sera introuvable ?
Mais il y faut prévoir des précautions - j'en conviens - d'où la lourde procédure mise en place à la seule discrétion de l'autorité judiciaire.
J'ajoute que cet appel n'est pas dissymétrique puisque le parquet n'est pas une partie à l'instance ; il est ici l'arbitre, garant de la bonne application de la loi ; c'est sa finalité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle est bien bonne !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, ne cherchez pas à opposer l'action de l'administration aux principes fondamentaux du droit, ni même l'administration aux juges, cela n'a rien à voir !
Nous sommes en police administrative ; celle-ci doit pouvoir agir au nom de l'ordre public, et je ne pense pas que ces procédures souffrent d'un défaut de contrôle juridictionnel. Le rapporteur, M. Masson, a bien montré qu'au contraire trois juges interviennent à tout instant : le juge administratif, le juge civil et le juge pénal. Cette procédure n'est pas remise en cause.
Il me semble cependant que nous devrons un jour nous engager dans la voie d'une simplification, sans pour autant affaiblir les garanties pour les intéressés.
Oui, cet article 8 est important. Oui, cet article 8 est nécessaire ! Oui, cet article 8 est utile. Et, surtout, il est conforme à notre droit et ne remet nullement en cause le contrôle juridictionnel.
Voilà pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de suivre le Gouvernement sur ce terrain. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 143.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article aggrave les lois de 1993, qui ne vous suffisent plus.
Il y a la rétention administrative, la rétention judiciaire et la prison - ne l'oublions pas ! - qui vous donne beaucoup de temps pour préparer vos reconduites à la frontière, ce qui d'ailleurs, bien souvent, ne vous suffit pas non plus. Il fallait le rappeler.
Vous citez les exemples d'autres pays, monsieur le ministre, mais nous avons nos traditions, notre conception de l'honneur.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, lorsque vous avez cité la durée de la rétention en Allemagne - six mois - et vous auriez pu préciser qu'elle y est renouvelable six mois, je vous ai interrompu. En effet, veuillez m'excuser de rappeler à M. Jacques Larché que cela me rappelle des souvenirs et que je trouve que ce n'est pas un exemple à nous donner ! (Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Vous n'avez pas le droit de dire cela !
M. Jacques Legendre. Ce n'est pas admissible !
Mme Nelly Olin. C'est de l'amalgame !
M. Michel Rufin. C'est scandaleux !
M. Dominique Braye. C'est indigne de dire cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai des raisons de pouvoir le dire, figurez-vous !
M. le président. Restons-en, je vous prie, à l'amendement n° 143, mes chers collègues.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de dire qu'une rétention administrative est, par définition, une mesure de privation de liberté prise dans des conditions qui ne dépendent pas du juge.
M. le rapporteur et moi-même sommes allés visiter des centres de rétention, à Nice, à Marseille. M. le rapporteur pourra vous le dire, ce que nous avons vu ne nous a pas paru digne de notre pays. C'est ainsi !
Lorsque vous portez à quarante-huit heures la durée de la rétention administrative en prétendant que quarante-huit heures, ce n'est pas beaucoup, vous souhaitez en fait - c'est écrit dans le rapport et vous le reconnaissez vous-même, monsieur le ministre - éviter que l'intéressé ne soit amené devant le juge, alors que celui-ci pourrait au moins lui faire connaître ses droits. Certes, il est précisé que l'administration doit l'en tenir informé mais, dans la pratique, il ne l'est que lorsqu'il est devant le juge. Sur ce point vous n'avez pas répondu.
Et l'on comprend votre silence lorsque l'on sait que la jurisprudence a estimé que vingt-quatre heures, puis six jours, puis éventuellement, exceptionnellement, soixante-douze heures de rétention administrative étaient suffisants, et que l'on ne pouvait pas, au bout de sept jours, reprendre l'intéressé et recommencer ! Alors qu'avec un seul arrêté de reconduite à la frontière, vous dépassez les six mois plus six mois de nos voisins allemands, à condition qu'il y ait chaque fois sept jours entre-temps ! Nous ne sommes pas d'accord !
Vous demandez que l'appel soit suspensif, avec cet argument extraordinaire : le procureur ne serait pas partie au procès. Mais comment ! Qu'est-ce qu'une partie au procès ? Monsieur le ministre, vous le savez aussi bien que nous : c'est quelqu'un qui prend part au procès, qui donne son point de vue et qui dispose des mêmes armes que les autres. Si le procureur, et lui seul, peut demander que l'appel soit suspensif, il n'y aura plus égalité des armes.
Dans le droit commun, la personne accusée d'un crime grave - ce n'est plus un malheureux irrégulier venu en France pour pouvoir vivre, pour pouvoir manger ! - est obligatoirement présentée au juge d'instruction après vingt-quatre heures de rétention administrative. Et si le juge d'instruction décide de la mettre en liberté, l'appel n'est pas suspensif : elle est immédiatement mise en liberté.
Voulez-vous traiter quelqu'un qui est seulement un irrégulier plus mal que quelqu'un qui est peut-être accusé d'un crime ou d'un délit grave ? Cela ne nous paraît pas possible !
Lorsque vous écrivez dans votre texte...
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il vous reste seize secondes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un débat important, monsieur le président...
M. le président. Douze secondes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et l'article est long.
M. Dominique Braye. Vous aussi !
M. Philippe François. On coupe !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que, en attendant de savoir si l'appel sera suspensif, l'intéressé reste retenu. Autrement dit, la décision est déjà suspensive avant même d'être prise, ce qui n'est pas admissible non plus. Voilà une aggravation considérable !
M. Pasqua avait estimé que ce qu'il nous avait demandé en 1988, puis en 1993, le 24 août, puis le 30 décembre, lui suffisait. Mais cela ne vous suffit jamais et vous foulez de plus en plus aux pieds les principes de l'indispensables respect des droits et garanties fondamentaux. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Jack Ralite applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 207 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 26, 27, 28 et 29.
M. Paul Masson, rapporteur. Ce sont des amendements rédactionnels.
M. le président. La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 144.
M. Robert Badinter. Cet amendement s'inscrit exactement dans la ligne de la préoccupation que j'ai exprimée, préoccupation à laquelle, en analysant les dispositions de l'article 8, vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre.
Je rappelle quelle est cette préoccupation : il s'agit de donner à celui qui fait l'objet de la décision administrative, afin qu'il puisse contester celle-ci, un délai de quarante-huit heures puisqu'il ne sera réellement informé de ses droits qu'au moment où s'enclenchera la procédure de contrôle par le magistrat de l'ordre judiciaire. Cela permettrait de faire en sorte que, concrètement, les droits de la défense, au sens le plus fort du terme, soient pleinement assurés.
Je précise une nouvelle fois que cela ne change rien au maintien de l'intéressé en rétention. Cela lui permet simplement d'être véritablement informé de ses droits.
L'amendement n° 144 prévoit que, au bout de vingt heures de rétention administrative, l'intéressé puisse s'entretenir effectivement avec un avocat.
Comme l'a rappelé fort justement Michel Dreyfus-Schmidt, c'est ainsi que les choses se passent pour ceux qui font l'objet d'une procédure pénale : au bout de vingt heures, ils peuvent s'entretenir avec leur avocat. On ne saurait donc concevoir que, dans le cas qui nous occupe, il puisse en être autrement. On ne peut pas traiter l'étranger en situation irrégulière plus mal qu'on ne traite celui qui fait l'objet d'une procédure pénale.
Bien entendu, monsieur le ministre, il s'agit ainsi de faire en sorte que non seulement ses droits lui soient notifiés par l'administration - il n'y comprend trop souvent rien, il faut bien le dire - mais encore qu'un avocat lui explique précisément quelles garanties lui offre la loi. C'est l'exercice effectif et le respect effectif des droits de la défense que nous demandons.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Si je comprends bien, monsieur Badinter, vous proposez la venue de l'avocat à la vingtième heure.
M. Robert Badinter. C'est cela !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mais, en vertu des ordonnances de 1945, l'étranger placé en rétention administrative peut demander l'avocat tout de suite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, il « peut » !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Or, moi, je propose qu'on maintienne les ordonnances de 1945.
En fait, vous me dites : « Non, pas tout de suite, à la vingtième heure. » Il y a là quelque chose qui m'échappe ! Finalement, vous allez bien plus loin que l'ordonnance de 1945. Eh bien, moi, je dis : « Restons-en à cette législation ! » (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 30, 211, 31 rectifié et 32 rectifié.
M. Paul Masson, rapporteur. Les amendements n°s 30, 211 et 31 rectifié sont des amendements rédactionnels.
Avec l'amendement n° 32 rectifié, nous abordons l'une des modifications essentielles introduites dans le dispositif de la rétention administrative, puis de la rétention judiciaire.
Il s'agit de la possibilité donnée au procureur qui fait appel d'une décision du juge de remise en liberté, par le biais d'un refus de prolonger la rétention administrative, de demander que son appel ait un effet suspensif. Le cas visé est celui d'un étranger qui, pour une raison ou pour une autre, n'aurait pas été éloigné, soit que son identité n'ait pas été révélée, soit que sa nationalité ne soit pas connue, soit que le consul n'ait pas délivré à temps le laissez-passer provisoire.
Je ne reviens pas sur le débat qui s'est instauré autour des délais excessivement brefs de la rétention administrative. M. le ministre s'en est longuement expliqué voilà un instant. Moi-même, dans le rapport et dans ma présentation initiale du texte, j'ai largement fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la France du fait de cette brièveté.
Pour l'instant, il s'agit de savoir comment on peut pallier, sans mettre en cause ni les droits de l'homme ni les droits de la défense, les inconvénients de ce système, dont, il faut bien le dire, les effets pervers apparaissent évidents tous les jours.
A cette fin, la commission propose de resserrer le dispositif gouvernemental ; c'est l'objet de l'amendement n° 32 rectifié.
Nous proposons que, comme le prévoyait le texte initial du projet de loi, la transmission du dossier au président de la cour d'appel soit immédiate, rejetant toute idée de délai, celui-ci fût-il très bref. Nous pensons en effet que cette procédure, que nous qualifions par ailleurs d'exceptionnelle, ne doit pas souffrir le moindre délai.
En outre, je l'ai dit, l'amendement marque le caractère exceptionnel de la procédure d'appel suspensif prévu par l'article 8.
Par ailleurs, cet amendement précise que la demande d'effet suspensif doit être motivée par l'absence de garantie d'une représentation effective de l'intéressé. En clair, cela signifie évidemment que l'intéressé est susceptible de « s'évanouir dans la nature ». Si le procureur a le sentiment qu'un tel risque existe, il peut demander au président de la cour d'appel de déclarer le recours suspensif.
Mes chers collègues, je crois que vous apprécierez toute l'importance de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 58 rectifié.
M. Alain Gournac. Nous regrettons de ne pas pouvoir suivre notre éminent rapporteur.
En effet, pourquoi restreindre a priori le champ d'appel suspensif ? Ni le Gouvernement dans son texte initial ni l'Assemblée nationale dans sa rédaction ne l'ont fait ! Pourquoi donner ainsi matière à des jurisprudences restrictives de la part des juges ?
Faudrait-il, au cas où une série de décisions du même jour seraient manifestement erronées, que le procureur ne fasse appel que de certaines d'entre elles ? Comment faire le tri afin de garantir le caractère exceptionnel que prescrirait la loi, alors que le vice juridique fondant l'appel suspensif pourrait être le même pour toutes ?
Véritablement, le handicap que représentent pour la réforme les mots « à titre exceptionnel » paraît bien inopportun, d'autant que la portée juridique en est incertaine.
Ce n'est d'ailleurs pas cela qui nous immunisera contre les décisions du Conseil constitutionnel ! On se demande, bien au contraire, si, le caractère exceptionnel n'étant défini en aucune façon, on ne s'expose pas, en retenant ce critère, à une atteinte au principe d'égalité devant la loi.
En fait, nous avons besoin de la réforme que propose le Gouvernement. Ne la faisons donc pas à moitié. (« Très bien ! » sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud, pour défendre le sous-amendement n° 81 rectifié.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. A moi, comte rapporteur, trois mots ! (Sourires.) Je veux supprimer trois mots, soit presque une simple virgule. Mais quelle peut être l'importance d'une virgule ! Je vais en donner un exemple.
M. Mazeaud a dit : « Le Sénat ne sert qu'à modifier les virgules ». (Sourires.) On peut dire aussi : « M. Mazeaud, a dit le Sénat, ne sert qu'à modifier les virgules » ! (Rires.)
Vous voyez quelle importance peut avoir une simple virgule.
Moi, je demande la suppression de trois mots !
L'équilibre de cet article 8 est extrêmement délicat. Le Gouvernement y a réfléchi, et chaque mot a son importance, à la place où il se trouve.
Certes, j'aurais volontiers approuvé M. le président Badinter lorsqu'il a demandé que l'on s'assurât du respect des droits de la défense ; en tant qu'avocat, je suis immédiatement tenté de lui donner raison. Mais, tout le monde l'a vu, dès qu'il a voulu toucher à un mot du texte, il a abouti à un résultat contraire à ses espérances.
En indiquant, monsieur le rapporteur, que le procureur ne pourra présenter sa demande qu'à titre exceptionnel, vous imposez une condition qui s'ajoute à d'autres que vous avez introduites dans le texte, lesquelles prévoient déjà que le procureur doit motiver sa demande, et qu'il ne peut le faire que pour un seul motif, à l'exclusion de tout autre, celui de l'absence de garanties de représentation effectives.
Avec trois mots, trois simples mots, vous détruisez, comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure avec ma virgule, tout un équilibre délicat, extrêmement sensible, celui de l'article 8.
Je suis donc vraiment désolé, monsieur le rapporteur, je suis en désaccord avec vous. Mais soyez assuré que c'est à titre exceptionnel. (Rires et applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 33.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 33 apporte à certains égards une détente après le débat intense que nous venons de vivre grâce à plusieurs de nos collègues.
Le 5° de l'article 8, qui a été ajouté par l'Assemblée nationale, revient sur ce qui est une pure évidence.
Je rappelle que l'article 40 du code de procédure pénale fait obligation à tout fonctionnaire - le préfet est un fonctionnaire, éminent, bien sûr, mais c'est un fonctionnaire - dans l'exercice de ses fonctions, de faire part sans délai au procureur de tout délit dont il peut avoir connaissance. Est-il nécessaire de le spécifier à nouveau dans la loi ?
Certes, supprimer le 5° de l'article 8 est plus grave que déplacer une virgule, mes chers collègues. Que M. Ceccaldi-Raynaud m'en excuse auprès du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et avertisse celui-ci que, parfois, le Sénat s'arroge d'autres rôles que celui de déplacer des virgules.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais dire quelques mots sur les sous-amendements identiques n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
Je comprends parfaitement la démarche de leurs auteurs. En effet, les mots « à titre exceptionnel » sont restrictifs. Ils ne figuraient d'ailleurs pas dans le texte initial du projet de loi, parce que l'expression est ambiguë »...
M. Alain Gournac. Très !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... et n'a pas de valeur juridique bien définie.
Par conséquent, à titre tout à fait exceptionnel (Sourires.), je ne suis pas d'accord avec M. le rapporteur, et j'accepte a contrario les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion, à l'exception bien sûr de ceux qu'elle a elle-même déposés, ainsi que sur les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié ?
M. Paul Masson, rapporteur. En ce qui concerne les amendements identiques n°s 71 et 143, l'avis de la commission est, bien entendu, défavorable. Nous n'allons pas reprendre les longues explications qui ont été données à ce sujet.
Je profite de cette occasion pour rappeler à notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt que nous avons visité ensemble les centres de rétention de Nice et de Marseille. J'ai fait un sort à cette visite dans mon rapport écrit en soulignant qu'il serait vraiment utile que le ministre de l'intérieur disposât de crédits permettant d'améliorer certaines de ces installations.
Cela n'a certes rien à voir avec le fond du débat, car ce n'est pas parce qu'un local est vétuste ou exigu que le fondement juridique de la rétention est remis en cause, mais je confirme, par loyauté, le constat que nous avons dressé, M. Dreyfus-Schmidt et moi, surtout à Nice et dans une moindre mesure, à Marseille.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Paul Masson, rapporteur. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais simplement rassurer M. le rapporteur et M. Dreyfus-Schmidt : des travaux importants de rénovation et d'extension du centre de rétention de Nice ont été entrepris, et il en sera de même très bientôt pour le centre de rétention de Marseille.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces précisions, qui ont, si j'ose dire, leur prix !
M. le président. Je viens d'être saisi d'un amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, après le 2° du texte proposé par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Il est inséré, après le cinquième alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la rétention, l'étranger est appelé à s'entretenir avec un avocat. S'il n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, il peut demander à ce qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Le batônnier est informé de cette demande par tout moyen et sans délai. »
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Il me semble qu'une confusion est intervenue.
Si on lit avec attention le début du texte de l'amendement, on constate qu'il est bien précisé : « Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article... », c'est-à-dire que c'est l'alinéa auquel M. le rapporteur faisait allusion qui est visé.
Pour lever l'équivoque, nous avons rectifié notre amendement de la façon suivante : « Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées, l'étranger » - et voici la rectification que j'ai apportée - « est appelé à s'entretenir avec un avocat. »
En effet, l'étranger doit absolument pouvoir entrer en contact avec un avocat qui le conseillera. Songez à qui nous avons affaire ! Quand on indique à l'étranger qu'il peut faire appel à un conseil, il ignore s'il ne devra pas rémunérer celui-ci. A l'expiration du délai de vingt heures, des garanties lui sont données.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Je vous rends la parole, monsieur le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 144 rectifié, ainsi que sur les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
M. Paul Masson, rapporteur. Cette rectification ne modifie pas, sur le fond, l'avis défavorable de la commission.
En effet, M. Badinter « cale » la rétention administrative sur la procédure qui est déjà prévue pour la garde à vue, d'où un commencement de confusion entre ces deux procédures qui ne sont identiques : la rétention administrative ne conduit pas forcément à une procédure judiciaire ou pénale. Il faut donc lever cette équivoque.
Pour ce motif, qui me semble essentiel, je ne suis pas favorable à l'amendement n° 144 rectifié.
J'ajoute que l'intéressé - on l'a précisé à propos de l'amendement n° 137 - est informé par écrit de ses droits et doit signer ce document lors de la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière.
Je crois donc que l'on ne peut pas dire que l'intéressé et ses conseils ne sont pas informés des conditions dans lesquelles l'appel peut être interjeté.
Par conséquent, l'amendement n° 144 rectifié me paraît malvenu, puisqu'il tend à instaurer une confusion entre deux dispositifs dont la nature juridique - nous en sommes tous d'accord - est très différente : on ne peut ni les rapprocher ni les fondre.
Par ailleurs, j'estime que les droits de la défense sont particulièrement protégés, puisqu'il s'agit sans doute de l'un des rares cas où l'intéressé est informé par écrit de ses droits dès la notification de la décision.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 144 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il ne sait pas lire ?
M. Paul Masson, rapporteur. En ce qui concerne les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié, je ne partage pas, bien évidemment, le point de vue de leurs auteurs. Qu'ils veuillent bien m'en excuser ! Cela prouve, entre parenthèses, combien nous faisons preuve, les uns et les autres, de liberté d'esprit, puisque nous pouvons ne pas être d'accord, tout en étant, dans bien d'autres circonstances, parfaitement en harmonie.
L'expression « à titre exceptionnel » ne nous est pas venue au hasard de la plume, ni dans le simple souci de déplacer une virgule. Vous avez dit, monsieur Ceccaldi-Raynaud, combien chaque mot pèse dans un débat comme celui-là, et combien, en définitive, tous nos travaux seront examinés à la loupe.
Si j'ai introduit l'expression « à titre exceptionnel » à cet endroit du texte, c'est par homothétie et par référence aux mêmes trois mots qui figurent dans un autre dispositif prévu par le même article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans ce cas, les mots : « à titre exceptionnel » n'ont pas fait l'objet de contestations juridiques majeures.
Je veux ce que l'on veut, et si je ne suis pas suivi sur ce point. Je n'en porterai pas le deuil. Mais, moi, je vous donne cependant rendez-vous : nous verrons, si le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer, à qui il donnera raison.
Les mots « à titre exceptionnel » n'ont pas pour objet de compliquer la procédure, et M. le ministre sait combien nous sommes attentifs à son combat et au dispositif courageux qu'il met en place.
Si je souhaite introduire ces mots dans le texte, ce n'est pas pour me faire plaisir ou pour plaire à quiconque dans cette enceinte ; c'est parce que je considère que la procédure prévue est exceptionnelle. En effet, elle permet à un procureur de dire : « Monsieur le juge, vous pouvez recourir à l'article 66 de la Constitution, mais, moi, je fais appel, je demande de surseoir à la mise en liberté de tel individu. La possibilité ouverte au juge de recourir à cet article est grave et exceptionnelle. C'est pourquoi je considère qu'il agit « à titre exceptionnel ».
On peut contester cette interprétation. Pour ma part, je considère qu'il ne s'agit pas d'une procédure ordinaire. J'ai la faiblesse de penser que les trois mots, « à titre exceptionnel », ne sont pas de trop.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 71 et 143.
En revanche, il est favorable aux amendements n°s 26 à 29.
En ce qui concerne l'amendement n° 144 rectifié, je maintiens ma position. En effet, pourquoi obliger celui qui ne veut pas d'avocat à en prendre un ? Je suis contre cette obligation et donc opposé à l'adoption de cet amendement.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 30, 211, 31 rectifié et 32 rectifié, ainsi que sur les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
Enfin, il est défavorable à l'amendement n° 33.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 71 et 143.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je remercie M. le rapporteur d'avoir bien voulu confirmer l'indication importante que je m'étais permis de donner tout à l'heure sur ce que sont, en réalité, les centres de rétention. M. le ministre a indiqué que des travaux étaient engagés. C'est bien. Cependant, ce n'est pas simplement un problème de travaux. C'est aussi, souvent, une question de personnel.
Voilà deux ans environ, M. Masson et moi-même sommes allés visiter les centres de rétention de Nice et de Marseille. Nous ne sommes allés qu'à Nice et à Marseille. Or, il serait sans doute bon que tous, ici, nous puissions visiter les centres de rétention administrative, les centres de rétention judiciaire, les zones d'attente, et ce systématiquement, afin que nous sachions ce qu'il en est. On ne peut s'appuyer sur l'exemple des pays étrangers pour affirmer qu'il faut retenir les individus longtemps. En effet, dans notre pays, les locaux ne permettent pas de retenir les personnes concernées dans des conditions décentes.
Il y a le droit et le fait. On ne peut créer le droit si le fait ne le supporte pas. C'est très important.
Nous avons déjà des textes à notre disposition. En l'état actuel, il est inutile de « tordre » ainsi le droit. Pourquoi prévoir des monstres juridiques comme celui qui nous est proposé, aux termes duquel, en attendant que le premier président décide si l'appel, qui n'appartiendrait qu'au seul procureur, est suspensif ou non, on rend l'appel déjà suspensif en retenant l'intéressé ? Voilà qui dépasse l'entendement ! Aussi, nous vous demandons fermement d'adopter notre amendement de suppression.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 71 et 143, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 144 rectifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. C'est la différence des délais, je tiens à le rappeler de nouveau, qui aboutit à cette exigence supplémentaire.
Nous le savons, en l'état actuel de la législation, c'est au terme du délai de vingt-quatre heures, quand l'étranger est présenté au juge, que, très généralement, il exerce ses recours, parce que jusqu'alors il n'a pas compris. C'est précisément parce que l'on porte le délai à quarante-huit heures sans augmenter le délai d'exercice des voies de recours que nous souhaitons introduire cette précaution supplémentaire.
Si l'étranger ne s'est pas entretenu avec l'avocat - on ne le force pas, on l'appelle à le faire - il aura un avocat commis d'office qui lui expliquera ses droits. Pourquoi à la vingtième heure ? Ce n'est pas par similitude avec la garde à vue - j'ai indiqué qu'on ne peut pas donner moins à l'étranger en rétention qu'à celui qui fait l'objet d'une procédure correctionnelle ou criminelle - c'est parce que, quatre heures plus tard, il sera trop tard. En effet, on pourra alors disposer de cet individu en lui disant qu'il n'a pas exercé de voie de recours. C'est pour empêcher ce manquement de fait aux droits de la défense que nous avons déposé cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 211, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les sous-amendements n°s 58 rectifié et 81 rectifié.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il m'a semblé que M. le rapporteur défendait avec un peu de passion...
M. Paul Masson, rapporteur. Vous me connaissez mal !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. ...mais agréablement, amicalement, fraternellement, les trois mots que plusieurs de mes collègues et moi-même combattons. Pour notre part, nous ne mettons aucune passion à défendre la modification que nous proposons. Surtout, il ne nous vient pas à l'esprit que, si cette modification était adoptée, ce désaveu pourrait vous atteindre, monsieur le rapporteur.
Nous considérons que, en l'occurrence, il existe un risque d'erreur. On verra ce qu'il en adviendra, avez-vous dit, monsieur le rapporteur.
Je vous fais remarquer que, s'agissant de cet alinéa, nous avons accepté, dans la joie, deux modifications.
D'abord, vous imposez au procureur de motiver sa décision, ce qui ne figurait pas dans le texte du Gouvernement. Cela va l'inciter à ne pas faire appel.
Ensuite, vous l'autorisez à intervenir seulement s'il démontre que l'étranger n'offre pas de garantie de représentation effective. Il ne peut recourir à aucun autre moyen ; vous l'avez en quelque sorte enchaîné.
Nous disons : cela suffit, il ne faut pas trop charger la barque en ajoutant qu'il ne peut agir qu'« à titre exceptionnel ». Ces trois mots ont une signification littéraire mais n'ont pas de signification juridique.
Il s'agit, je vous prie de le remarquer, non pas d'une décision, mais d'une simple demande, ce qui est différent. Il y a effectivement une différence entre la décision et la simple demande, la décision appartenant à un autre.
Si vous précisez qu'il agit « à titre exceptionnel », le procureur aura du mal à motiver pourquoi il en est bien ainsi, puisque les mots « à titre exceptionnel » ne constituent pas une notion juridique. Aussi, c'est inévitable, le président de la cour remettra l'individu en liberté.
J'insiste de toutes mes forces, monsieur le rapporteur, pour que vous renonciez à ces trois mots, car ils sont extrêmement dangereux.
M. Christian Bonnet Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. J'aurais souhaité pouvoir assister à la réunion de la commission des lois mercredi dernier, mais quand on est président de la commission des finances d'un conseil général et que c'est le jour du vote du budget,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui, il ne faut pas cumuler !
M. Christian Bonnet. A partir du moment où on ne cumule pas les fonctions, on peut se permettre de cumuler les mandats qui sont exercés de manière collégiale !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, la preuve !
M. Emmanuel Hamel. C'est un enrichissement de la personne ! (Sourires.)
M. Christian Bonnet. J'ai le sentiment que les termes « à titre exceptionnel » ouvriraient le champ à des interprétations divergentes au sein d'une même juridiction susceptibles d'être considérées comme portant atteinte au principe d'égalité des citoyens.
« A titre exceptionnel », cela veut tout dire et rien dire ! Cela permet tout et le contraire de tout. Je prends un seul exemple : à en croire le protagoniste de la session unique, nous ne devions jamais siéger en séance de nuit. Eh bien, nous voyons depuis trois jours ce qu'il en est ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Monsieur le président, je ne prolongerai pas le débat, même à titre exceptionnel ! (Sourires.) Si je suis battu, et, avec moi, la majorité de la commission des lois, ce ne sera pas un drame ; la terre ne s'arrêtera pas de tourner. C'est la logique du débat parlementaire. Croyez-moi, mes chers collègues, je n'ai pas mis la moindre passion dans la défense de ce texte. Si je l'ai proposé, c'est parce que j'avais et j'ai toujours la faiblesse de penser qu'il est meilleur.
Je ne veux pas affaiblir le dispositif à cet égard, et c'est donc le Sénat, dans sa sagesse, qui décidera.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Si vous gagnez, ce sera grâce aux voix socialistes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Bonnet a raison : il est dommage que nous soyons obligés de siéger en séance de nuit.
M. Albert Vecten. Exceptionnellement ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. La faute à qui ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Trois jours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il était évident que ne prévoir que trois petits jours pour la discussion d'un texte de cette importance - mais M. le ministre des relations avec le Parlement me voit venir (Sourires) - sans compter les questions orales sans débat, les questions d'actualité au Gouvernement et les réunions de groupe, mardi, c'était s'exposer à être obligé de travailler tardivement ce soir.
M. Alain Gournac. Cela a été plus rapide à l'Assemblée nationale !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Vous n'avez rien dit lors de la conférence des présidents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, je vous l'ai dit, monsieur le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Toujours est-il que les sous-amendements tendant à supprimer les mots : « à titre exceptionnel » ont au moins le mérite de la franchise ! Je comprends en effet que M. le rapporteur n'accepte des procédures aussi exorbitantes du droit commun que de loin et en considérant... que c'est à titre exceptionnel !
Je voudrais rappeler - je regrette que M. Jacques Larché, qui n'aime pas travailler après minuit, nous le savons, ne soit pas là -...
M. le président. Je vous indique qu'il n'est que vingt-trois heures trente, monsieur Dreyfus-Schmidt ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes cruel de le faire remarquer. Moi, j'aimais mieux faire croire qu'il était minuit passé !
Toujours est-il que M. le président de la commission des lois - vous vous en souvenez - avait proposé un référé-liberté consistant à ce que l'intéressé puisse faire appel de la décision du juge d'instruction décidant de l'incarcérer devant le président du tribunal de grande instance.
Il avait été conduit à dire que, dans l'attente de cette décision, l'intéressé était gardé dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Je vous rappelle la rédaction du début de l'amendement n° 32 rectifié : « Toutefois, à titre exceptionnel, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. » Je vous ai rappelé que, quand un juge d'instruction décide de mettre quelqu'un en liberté, il sort. « Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est transmis immédiatement au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. »
J'avais oublié de souligner l'effroyable rédaction « pour y statuer ». Vous pouvez voter cela si vous le voulez, mes chers collègues, mais cela paraît tout de même curieux ! Il est dommage que M. Maurice Schumann ne soit pas là non plus !
Mais je poursuis ma lecture de l'amendement n° 32 rectifié : « Celui-ci décide sans délai s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice »...
M. Alain Gournac. On l'a lu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... « jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue... ». Par conséquent, il n'a pas encore été décidé que l'appel est suspensif et, pourtant, on retient l'intéressé. Même à titre exceptionnel, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons accepter cela, et je pense que personne parmi ceux qui pourraient être amenés à contrôler les lois que nous faisons ne pourrait l'accepter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix les sous-amendements identiques n°s 58 rectifié et 81 rectifié, repoussés par la commission et acceptés par le Gouvernement.

(Les sous-amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 32 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. La commission des lois a considéré que cette disposition était parfaitement inutile dans la mesure où elle figure déjà dans des textes. Il n'est vraiment pas nécessaire de rappeler dans chaque texte particulier les dispositions générales, car il est évident qu'elles sont obligatoires. Ce point ne figurait d'ailleurs pas dans le projet de loi initial.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux souligner un « monstre » supplémentaire : celui qui permet, tous les huit jours, de libérer l'intéressé sept jours, et ce indéfiniment.
Je suis convaincu - je l'ai dit - que, Dieu merci ! l'article 8, tel que vous l'avez bâti, est tellement monstrueux qu'il est totalement contraire à la Constitution !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8 bis

M. le président. « Art. 8 bis . _ L'article 38 de la même ordonnance est abrogé. »
Sur l'article, la parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Cet article 8 bis consiste à supprimer l'article 38 de l'ordonnance de 1945, disposition transitoire prévue par la loi du 24 août 1993 et, exceptionnellement, plutôt favorable aux jeunes issus de l'immigration.
En effet, cette disposition consistait à maintenir la délivrance de plein droit de la carte de résident mentionnée à l'article 15 à l'étranger qui n'a pas été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial et qui justifie par tous moyens y avoir sa résidence habituelle depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans, à condition qu'il soit entré en France avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993 et que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Dans la mesure où la loi du 24 août 1993 était plus restrictive que les dispositions antérieures et où elle abaissait l'âge d'entrée sur le territoire à six ans, cette disposition permettait de maintenir jusqu'en 2001 le bénéfice de plein droit de la carte de résident aux jeunes entrés en France en dehors du regroupement familial entre six et dix ans avant 1993.
Or il s'avère que, contrairement à ce qui est affirmé, la nouvelle loi est encore plus restrictive que celle de 1993, puisque l'article 4, en son deuxième alinéa, accorde une carte temporaire et non une carte de résident à ces jeunes, à condition qu'ils soient dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans leur pays d'origine.
La suppression de l'article 38 équivaudrait à donner à cette loi un caractère rétroactif et aurait des effets néfastes pour les jeunes placés dans une situation dramatique dont ils ne sont pas du tout responsables.
Nous estimons donc que cette disposition transitoire doit être maintenue, car elle demeure nécessaire. L'article 4 ne supprime pas son intérêt, et elle est plus favorable aux jeunes dont nous nous préoccupons.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 72 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 145 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer l'article 8 bis.
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 72.
M. Claude Billard. Comme vient de l'indiquer Mme ben Guiga, cet amendement vise à maintenir l'article 38 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, article qui permet de délivrer une carte de résident de plein droit à l'étranger qui vit en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et qu'il est entré en France en dehors du regroupement familial avant l'application de la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration.
La suppression de cette disposition transitoire tend à tirer les conséquences de l'article 4 du projet de loi qui permettrait aux étrangers concernés, c'est-à-dire des jeunes ayant effectué la majeure partie de leur scolarité en France, de bénéficier non plus d'une carte de résident valable dix ans et renouvelable maintenant de plein droit, mais d'un titre de séjour d'un an, et ce sans aucune garantie de renouvellement.
Il s'agit donc, en fait, de rendre encore un peu plus précaire la situation des étrangers, et ce même quand il s'agit de jeunes.
Comment demander à un jeune vivant en France depuis au moins l'âge de dix ans de s'intégrer si, après avoir pu espérer bénéficier d'une carte de résident à sa majorité, il ne peut plus attendre qu'un titre de séjour à la condition de prouver qu'il est dans l'impossibilité de poursuivre une vie de famille normale dans son pays d'origine ? Franchement, cette manière de faire est indigne d'un pays se réclamant des droits de l'homme !
Jouer ainsi avec l'avenir des jeunes risque de faire naître chez eux un sentiment d'amertume et de rancune, et donc de compromettre leur bonne intégration, question qui, dans la situation actuelle, prend toute son importance.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga, pour défendre l'amendement n° 145.
Mme Monique ben Guiga. J'ai déjà défendu cet amendement en expliquant pourquoi nous estimons que l'article 38 de l'ordonnance de 1945 doit être maintenu jusqu'en 2001.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 72 et 145.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vraiment, « défavorable », c'est tout de même un peu court !
M. Michel Mercier. C'est pour rééquilibrer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, au contraire, car, si la commission et le Gouvernement nous avaient fourni des explications susceptibles de nous convaincre, nous ne serions plus intervenus !
M. Jean Chérioux. Nous sommes tellement heureux de vous entendre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Puisque vous êtes heureux de nous entendre, soyez gentils de bien nous écouter !
Il s'agit d'un article nouveau - il ne figurait en effet pas dans le projet de loi initial - qui résulte de l'adoption d'un amendement présenté comme un texte de conséquence : une carte temporaire étant délivrée, en vertu de l'article 4 du projet de loi, à ceux qui sont concernés par cet article 8 bis , c'est-à-dire : « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans, ou bien depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans s'il justifie être dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale effective dans son pays d'origine », on pourrait supprimer l'article 38, qui prévoyait la même chose pour ceux qui sont entrés en France avant le 24 août 1993. Ce serait cependant une erreur, car l'article 38 leur reconnaissait le droit non pas à la carte provisoire, mais à la carte de résident.
Cela signifie-t-il que vous revenez sur les droits acquis du fait de la loi du 24 août 1993 ? Ou bien que vous allez retirer à ceux qui sont entrés sur notre territoire avant cette date la carte de résident que vous leur avez donnée pour la remplacer par une carte provisoire ?
Avouez, monsieur le rapporteur, que c'est un véritable problème, qui n'apparaît nullement dans votre rapport ! Avouez, monsieur le ministre, qu'il y a là une véritable question et qu'il ne suffit pas de nous répondre purement et simplement : « Défavorable » ! Notre argument mérite au moins une réponse !
Lorsque nous déposons un amendement tel que celui-là, nous espérons qu'au moins l'erreur sera reconnue et qu'elle sera corrigée. Ce serait si simple ! Mais, s'entêter sans dire pourquoi, véritablement, nous ne comprenons pas !
Je me permets donc d'insister pour vous demander de renoncer à cet article 8 bis auquel le Gouvernement n'avait nullement songé, d'autant que ce dernier tait les raisons qu'il a de le maintenir.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je souhaite moi aussi demander des explications. Que l'on refuse ces deux amendements, soit ! Mais on ne peut pas se contenter de dire : « Défavorable » !
Au nom des jeunes, franchement, il est nécessaire de nous donner des explications, car l'adoption de ces amendements serait tout à fait utile.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et notre explication ? C'est ça, les droits du Parlement ?
M. le président. Nous en sommes au vote, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas vous qui présidez, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelle honte !
M. Emmanuel Hamel. C'est un mot de trop !
M. Jean Chérioux. Vous n'avez pas à nous juger ! Pas de fausse indignation !
M. Michel Rufin. Oui, taisez-vous !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 72 et 145, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 bis.

(L'article 8 bis est adopté.)

Article 8 ter

M. le président. « Art. 8 ter . - Le III de l'article 40 de la même ordonnance est abrogé. »
Sur l'article, la parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je dis que c'est une honte...
M. Jean Chérioux. Pas de fausse indignation ! On n'est pas au théâtre ici, on est au Parlement de la République !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et que le débat parlementaire est fait pour échanger des arguments.
M. Alain Gournac. Gardez votre calme !
M. Emmanuel Hamel. L'injure n'est pas un argument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne pas répondre à des arguments qui sont évidemment de bonne foi - je crois même qu'ils sont juridiquement fondés - c'est véritablement montrer pour le Parlement tout entier un mépris qui contraste avec les affirmations que nous avons entendues il n'y a pas si longtemps et en vertu desquelles vous prétendiez lui reconnaître plus de droits.
C'est une honte !
M. Dominique Braye. A force de crier au loup...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oh ! Vous n'arrêtez pas de « brayer ».
M. Dominique Braye. Oh, comme c'est drôle !
M. Alain Gournac. C'est vous qui braillez depuis ce matin !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez la parole sur l'article 8 ter !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, c'est moi qui ai la parole, et moi seul, et je vous remercie, monsieur le président, de le faire remarquer à notre collègue, qui ne cesse d'intervenir depuis trois jours.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, venez-en au fait, c'est-à-dire à l'article 8 ter, avec les termes qui conviennent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'y viens : je suis obligé de constater que cet article 8 ter est la conséquence pure et simple de la suppression de la commission du séjour.
M. le président. Par amendement n° 146, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer l'article 8 ter.
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. De même que l'article 8 ter est un article de coordination lié à la suppression de la commission du séjour, nous déposons un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable, par coordination !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 146, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 ter.
(L'article 8 ter est adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES

Articles additionnels avant l'article 9 A

M. le président. Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Plasait.
L'amendement n° 96 tend à insérer, avant l'article 9 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 21-2 du code civil est complété par les mots : "et que l'étranger ou apatride ne vive pas en état de polygamie". »
L'amendement n° 97 vise à insérer, avant l'article 9 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 21-27 du code civil est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé : "Il en est de même de celui qui vit en état de polygamie". »
L'amendement n° 98 a pour objet d'insérer, avant l'article 9 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 25 du code civil est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« "... s'il a été condamné en France en application de l'article 433-20 du nouveau code pénal". »
Ces amendements sont-ils soutenus ?...

Article 9 A

M. le président. « Art. 9 A. - Après le deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. »
Je suis saisi de deux amendement indentiques.
L'amendement n° 73 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 208 est déposé par Mme Dusseau.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 73.
Mme Nicole Borvo. L'article 9 A, qui a été ajouté à l'Assemblée nationale par MM. Léonard et Philibert, durcit le texte initial. En effet, il rallonge, de fait, la peine d'interdiction du territoire français lorsqu'elle est complémentaire à une peine de prison effective.
La durée de l'interdiction du territoire n'est pas décomptée lorsque l'étranger est en prison. Ainsi, le décompte prendra effet à sa sortie de prison.
Une fois encore, on ajoute de la répression à texte qui, au départ, se voulait équilibré et était censé résoudre les problèmes soulevés par la situation des sans papiers.
La preuve est faite que vous avez profité de cette occasion pour verrouiller davantage encore les lois sur la maîtrise de l'immigration.
Pour ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous proposent de supprimer l'article 9 A.
M. le président. L'amendement n° 208 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 73 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 A.

(L'article 9 A est adopté.)

Article 9

M. le président. « Art. 9. _ Au I de l'article 132-70-1 du code pénal, il est inséré, après les mots : "des étrangers en France", les mots : "ou, s'agissant d'un étranger dépourvu des documents de voyage permettant l'exécution d'une mesure d'éloignement, des infractions prévues à l'article 19 ou au premier alinéa de l'article 27 de la même ordonnance ou d'une infraction prévue au sixième alinéa de l'article 33 de la même ordonnance". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 74, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 147, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après les mots : « des infractions prévues », de rédiger ainsi la fin de l'article 9 : « aux articles 19, 27 alinéa 1 et 33 alinéa 6 de la même ordonnance. »
La parole est à M. Ralite, pour défendre l'amendement n° 74.
M. Jack Ralite. L'article 9 étend le champ du placement en rétention judiciaire au cas d'étrangers remis par la France aux Etats européens dans le cadre des accords de Schengen.
Nous y sommes opposés.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de supprimer cet article en adoptant notre amendement n° 74.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 147.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne le défends pas - je ne me fais pas d'illusion ! - mais je le présente et l'explique.
Il nous est apparu que l'article 9 était mal écrit puisque l'on y vise les « infractions prévues à l'article 19 ou au premier alinéa de l'article 27 de la même ordonnance ou une infraction prévue au sixième alinéa de l'article 33 de la même ordonnance ».
Nous avions fait un effort de présentation, nous avions essayé de nous exprimer en bon français.
M. le rapporteur nous ayant indiqué, en commission, qu'il était défavorable à cet amendement, nous le retirons.
M. le président. L'amendement n° 147 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 74 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable : il paraît indispensable d'étendre le champ d'application de la rétention judiciaire, qui est contrôlée par le juge pénal et qui ouvre un délai de trois mois pour procéder à l'identification.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9 bis

M. le président. « Art. 9 bis. - Après le quatrième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
Dans une zone comprise entre soit les frontières terrestres, soit le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations précitées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si nous ne parlons pas pour nos collègues, nous parlerons au moins pour le Conseil constitutionnel !
Il était déjà fait référence à la Guyane dans l'article 3, sur lequel nous ne nous sommes pas étendus parce qu'il y a tant de choses à dire que l'on ne peut tout dire.
Des règles particulières ont été arrêtées sur une zone de vingt kilomètres le long des frontières des Etats liés par la convention de Schengen. Les frontières ayant été supprimées, il paraissait en effet normal et logique de prévoir une surveillance plus particulière dans de telles zones de part et d'autre de ce que j'allais appeler les anciennes frontières.
Toutefois, en Guyane, la situation est différente : il s'agit d'un département français, et aucun des Etats qui l'entourent n'est lié à la France par la convention de Schengen. On ne peut donc appliquer à la Guyane les dispositions qui sont prévues dans les anciennes frontières métropolitaines.
Cela nous paraîtrait d'ailleurs absolument contraire à la Constitution.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 75 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 209 est déposé par Mme Dusseau.
Tous deux tendent à supprimer l'article 9 bis .
Par amendement n° 34, M. Masson, au nom de la commission, propose de remplacer le premier alinéa et le début du deuxième alinéa de l'article 9 bis par les dispositions suivantes :
« L'article 78-2 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral... »
Par amendement n° 35, M. Masson, au nom de la commission, propose de supprimer la dernière phrase du texte présenté par l'article 9 bis pour compléter l'article 78-2 du code de procédure pénale.
La parole est à M. Ralite, pour défendre l'amendement n° 75.
M. Jack Ralite. Je reprendrai exactement les arguments que vient de développer notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt : effectivement, les accords de Schengen ne sont pas applicables aux Etats qui entourent la Guyane.
Je tiens à souligner que ce département se trouve au milieu du tiers monde, que ses habitants subissent une situation dramatique, avec un fort taux de chômage et une précarité résultant de l'organisation néo-coloniale de son économie.
M. Jean Chérioux. Ce serait plutôt l'inverse !
M. Jack Ralite. Quand on y va - j'y suis allé ! - c'est pénible à constater.
M. Alain Gournac. Pourquoi les gens viennent-ils chez nous, alors ?
M. Jean Chérioux. Les gens y viennent parce qu'on y est plus heureux !
M. Jack Ralite. Les mouvements récents qui s'y sont déroulés et qui ont obligé le ministre de l'éducation à se rendre sur place prouvent bien que je dis la vérité, et votre trouble tient sans doute au fait que je dis la vérité.
M. Jean Chérioux. C'est une contrevérité !
M. Jack Ralite. En tout cas, il sera plus facile de poursuivre là-bas des immigrés que d'assurer une vie décente à cette région qui ne connaît pas un développement économique équilibré !
C'est une sorte de mur que l'on met autour de la Guyane, avec une précarisation encore plus grande pour les habitants et les immigrés. Je crois qu'il vaudrait mieux, au contraire, travailler à son développement, grâce à des coopérations mutuellement avantageuses.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l'article 9 bis.
M. le président. L'amendement n° 209 est-il soutenu ?...
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 34 et 35 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 75.
M. Paul Masson, rapporteur. Les amendements n°s 34 et 35 sont d'ordre rédactionnel.
Pour ce qui est de l'amendement n° 75, il faut en effet parler un peu de la Guyane.
C'est un département français...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce que j'ai dit !
M. Paul Masson, rapporteur. ... qui se trouve dans une situation géographique exposée par sa nature même. De l'autre côté de la frontière - et non pas dans ce département - il y a la misère, et il est tout à fait explicable que l'on aille de la misère vers un peu d'espoir, vers un peu de liberté.
Pour cette raison, la moitié des étrangers, soit un quart des habitants de la Guyane, sont en situation irrégulière. Or il s'agit d'un département français et je ne vois pas pourquoi on ferait une différence entre la Guyane et la Corrèze, par exemple.
M. Jean-Luc Mélenchon. Justement : parce qu'il n'y a personne !
M. Paul Masson, rapporteur. Exactement ! Seulement, la Corrèze n'est pas environnée par la pauvreté !
M. Jean Chérioux. Voilà !
Mme Hélène Luc. Mais il y a beaucoup de pauvreté, en Corrèze ! Connaissez-vous ce département ?
M. Paul Masson, rapporteur. J'y suis né, madame !
Mais je reviens à la Guyane.
Je considère qu'il y a là une situation anormale. Je ne dis pas que cette procédure est exceptionnelle et je ne me réfère pas aux accords de Schengen, contrairement à ce que l'on peut penser : je dis simplement qu'il y a similitude des formes.
Qu'a-t-on fait avec le dispositif de Schengen ? On a, d'une part, non pas supprimé les frontières, mais permis la libre circulation des personnes à la frontière.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !
M. Paul Masson, rapporteur. Mais, d'autre part, en compensation de cette liberté de circuler sur la ligne frontière, on a dit que, dans une bande de vingt kilomètres, des dispositions dérogatoires permettraient les contrôles d'identité...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !
M. Paul Masson, rapporteur. ... et, depuis ce soir - si le texte est définitivement adopté - la visite sommaire des véhicules utilitaires.
En l'occurrence, comme il n'y a pas, si je puis dire, de frontière parce qu'on ne peut pas contrôler la frontière entre la Guyane et les pays voisins, il faut, là aussi, qu'il y ait une espèce de compensation et donc, par similitude avec ce qui se fait sur le territoire métropolitain, que des dispositions exceptionnelles soient prises dans une bande de vingt kilomètres.
Tel est l'objet de l'amendement qui a été présenté à l'Assemblée nationale, et c'est pourquoi la commission invite le Sénat à repousser l'amendement n° 75.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 75, 34 et 35.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. La différence de développement économique entre la Guyane et les deux Etats les plus proches, le Brésil et le Surinam, fait peser une forte pression migratoire sur ce département, où le quart de la population serait composée d'étrangers en situation irrégulière.
Ce département français présente donc bien des risques particuliers d'infraction et d'atteinte à l'ordre publique liés à la circulation internationale des personnes. Ce constat constitue un motif d'intervention du législateur, comme le montre la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 1993, dans laquelle sont reconnus, en général, comme motif d'intervention pour des contrôles d'identité les risques particuliers.
Nier ces risques particuliers, en l'espèce, serait un défi au bon sens. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 75.
En revanche, il est favorable aux amendements n°s 34 et 35.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 75.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. J'entends bien ce que nous dit M. le rapporteur : en Guyane, le quart de la population serait en situation irrégulière. Voilà un jugement terrible sur la situation d'un pays !
Le quart de la population ! Et l'on veut régler cela par des mesures de gendarmerie et de police ? C'est impossible !
Une initiative intéressante serait la convocation d'une conférence régionale, où la France, le Surinam et le Brésil pourraient essayer de voir comment on peut régler ce grave problème.
Je suis allé à Maripasoula. Il y a là sept ou huit gendarmes, d'ailleurs magnifiques de dévouement. Mais que peuvent-ils faire ?
On a vu les événements auxquels ont donné lieu les problèmes à l'université. On va créer dans ce département une situation explosive.
Vous voulez régler une situation difficile ; en fait, loin de la régler, vous allez l'aggraver.
Encore une fois, il faut une initiative de caractère international, à laquelle participerait la France. La question est importante, je ne la sous-estime pas. En l'état, c'est vers un mur que l'on précipite la population !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux rappeler en cet instant que, dans la discussion générale, nous avons entendu notre collègue Georges Othily demander que l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne s'applique plus en Guyane et qu'il y ait un texte spécifique.
Pourquoi ? Parce que, a-t-il expliqué : « De nombreux Guyanais vivent en concubinage avec des étrangers irréguliers, originaires d'Haïti, du Surinam, du Guyana ou du Brésil, qui ne pourront être expulsés puisque leurs enfants sont français. » C'est là un extrait de l'analytique.
Et de poursuivre : « Comment la police et la gendarmerie, sur place, devront-elles gérer ces situations nouvelles, qui, loin d'être marginales, se multiplient au fil des mois ?... S'il n'y a chez nous aucune difficulté à repérer et à expulser les clandestins, c'est qu'ils sont légion. »
Vous le voyez, l'arme que vous lui proposez, il n'en veut pas lui-même.
Nous non plus !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.

(L'article 9 bis est adopté.)
(M. Jean Delaneau remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

Article 10

M. le président. « Art. 10. _ Il est inséré, au chapitre III du titre II du livre premier du code de procédure pénale, après l'article 78-2, un article 78-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 78-2-1 . _ Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre ou la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1° ) sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, où sont en cours des activités de construction, de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commercialisation, en vue :
« _ de s'assurer que ces activités ont donné lieu à l'immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce ou des sociétés lorsqu'elle est obligatoire, ainsi qu'aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et l'administration fiscale ;
« _ de se faire présenter le registre unique du personnel et les documents attestant que les déclarations préalables à l'embauche ont été effectuées ;
« _ de contrôler l'identité des personnes occupées, dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre ou qu'elles ont fait l'objet des déclarations mentionnées à l'alinéa précédent.
« Les réquisitions du procureur de la République sont écrites et précisent les infractions, parmi celles visées aux articles L. 324-9 et L. 341-6 du code du travail, qu'il entend faire rechercher et poursuivre, ainsi que les lieux dans lesquels l'opération de contrôle se déroulera. Ces réquisitions sont prises pour une durée maximum d'un mois et sont présentées à la personne disposant des lieux ou à celle qui la représente.
« Les mêmes dispositions sont applicables, sur réquisitions du procureur de la République spécialement motivées, aux locaux principalement à usage professionnel. »
Sur l'article, la parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. L'article 10 reprend pratiquement mot pour mot les termes de l'article L. 611-13 du code du travail, que je lis :
« Dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentées pour la recherche et la constatation des infractions de travail clandestin et d'emploi d'étrangers sans titre prévues aux articles L. 324-9 et au premier alinéa de l'article L. 341-6 du code du travail, les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, peuvent, sur ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui, rendue sur réquisitions du procureur de la République, procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail mentionnés aux articles L. 231-1 du code du travail et 1144 du code rural... »
L'article 10 tend donc à transférer ces dispositions du code du travail dans le code de procédure pénale et à en confier l'initiative au parquet plutôt qu'au siège.
De notre point de vue, la détection et la répression du travail irrégulier relèvent du code du travail, et l'exécution doit en être confiée, pour l'essentiel, à l'inspection du travail.
Or, que constatons-nous ?
Cet article a d'abord été retiré du projet de loi sur le travail dit « clandestin », actuellement en navette. Même si nous désapprouvons l'article sur le fond, nous estimons qu'il était là à sa place, alors que, dans le projet qui nous occupe, il est déplacé.
En effet, que les coupables soient étrangers ou français ne change rien à la nature ni à la gravité du délit.
En fait, si l'on insère ici ledit article, ce n'est pas innocent. C'est pour désigner les étrangers comme les principaux coupables en matière de travail qualifié de « clandestin ».
Après tout, le Français qui travaille en situation irrégulière, cela peut être pardonnable ; l'employeur français qui emploie des gens en situation irrégulière c'est à peu près pardonnable. Mais, si ce sont des étrangers qui travaillent en situation irrégulière, là, cela devient criminel. Mention en est faite dans le code de procédure pénale ! C'est gravissime !
Tout comme la commission consultative des droits de l'homme, nous estimons que les opérations de vérification menées dans les locaux des entreprises par les officiers de police judiciaire doivent l'être en présence d'inspecteurs du travail, car ce sont eux qui ont la compétence nécessaire aux vérifications prévues dans l'article.
Voilà pourquoi nous nous opposons à cet article.
M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 76 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 148 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 210 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 10.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 149 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 10 pour l'article 78-2-1 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 150, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 10 pour l'article 78-2-1 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures prises en application des dispositions prévues au présent article font l'objet d'un procès-verbal remis à l'intéressé. »
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Claude Billard. Cet amendement vise à supprimer l'autorisation donnée aux officiers de police judiciaire d'entrer dans les entreprises pour y faire des contrôles d'identité afin, soi-disant, de lutter contre le travail illégal.
Prévue à l'origine dans le projet de loi sur le travail illégal, cette disposition a finalement été introduite dans le présent texte à la suite de l'avis du Conseil d'Etat.
Une telle mesure, monsieur le ministre, est aussi scandaleuse ici que dans le texte sur le travail illégal.
Cette intrusion des forces de police, en dehors des contrôles juridiaires normaux et alors même qu'aucun délit n'a été commis et qu'il s'agit d'un domicile privé, est extrêmement choquante.
Le véritable objet de cette disposition est de renforcer la traque aux immigrés irréguliers, qui sont certes en infraction avec les lois sur l'entrée et le séjour, mais en aucun cas auteurs du délit de travail dissimulé, dont ils sont des victimes au même titre que les autres salariés travaillant au noir.
Car, s'il existe des salariés non déclarés, je vous rappelle, monsieur le ministre, que c'est parce qu'il existe des employeurs peu respectueux des obligations légales du code du travail.
Ce sont ces patrons, ces employeurs et, plus encore, les donneurs d'ordre qu'il faut sanctionner très sévèrement.
Ce sont eux les responsables, car, croyez-moi, ce n'est jamais de plein gré que l'on accepte de travailler dans des ateliers clandestins, où les normes de sécurité et d'hygiène sont inexistantes, au mieux déplorables, où l'on reçoit un salaire de misère, qui, au surplus, n'ouvre aucun droit à une couverture sociale, qu'il s'agisse de l'assurance maladie ou de l'assurance vieillesse.
Au lieu de cela, vous préférez vous attaquer aux travailleurs étrangers en situation irrégulière.
Vous entretenez l'amalgame selon lequel immigration clandestine et travail illégal sont une seule et même chose. Vous alimentez la xénophobie en faisant croire que les étrangers sont responsables du chômage.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les statistiques prouvent que cette confusion est dénuée de tout fondement. En 1994, l'emploi irrégulier d'étrangers représentait 6 % des verbalisations pour travail dissimulé.
S'il s'agit de lutter contre le travail illégal, cette mesure se trompe donc de cible.
Et s'il s'agit de traquer les étrangers dépourvus de titre de séjour, votre manoeuvre est illégale.
Aucun contrôle d'identité ne peut être toléré dans un domicile privé quand aucun délit n'a été commis.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne saurait cautionner une mesure qui prévoit l'accès de la police dans les lieux de travail sur simple réquisition du parquet et qui traduit donc une extension considérable du pouvoir policier.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 148.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai sous les yeux une décision du Conseil constitutionnel, saisi notamment par MM. Jacques Chirac, Alain Juppé, Jacques Toubon, Bernard Pons, Mme Suzanne Sauvaigo, etc., qui soutenaient que les dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 40 du code des postes et télécommunications étaient attentatoires aux libertés individuelles et au droit de propriété.
Je donne lecture de certains des considérants.
« Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'au nombre de ces règles figurent, notamment, la détermination des catégories de personnes compétentes pour constater les infractions aux dispositions pénalement sanctionnées, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs, ainsi que les modalités suivant lesquelles elles exécutent leurs missions ;
« Considérant que dans l'exercice de cette compétence, le législateur doit assurer la garantie des droits et libertés de valeur constitutionnelle ; qu'il lui incombe notamment de préserver l'exercice des droits de la défense, de veiller au respect dû au droit de propriété et de placer sour le contrôle de l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, toute mesure affectant, au sens dudit article, la liberté individuelle ; qu'en particulier, la protection de cette liberté rend nécessaire l'intervention de l'autorité judiciaire lorsque peut être mise en cause l'inviolabilité du domicile ;
« Considérant que "ces pouvoirs sont attribués dans le but de rechercher des infractions..., qu'ils ne sont assujettis à aucune exigence procédurale autre que l'obligation faite aux officiers et agents de police judicaire ainsi qu'aux fonctionnaires habilités et assermentés de transmettre dans les cinq jours les procès-verbaux qu'ils établissent au procureur de la République ; que n'est prévue ni l'information préalable de ce magistrat ni la communication d'une copie du procès-verbal à la personne concernée" - ici non plus - "qu'il n'est pas fait mention d'une limitation dans le temps de l'accès aux locaux visés au 2e alinéa ;" - ici non plus - "que n'est pas non plus prise en considération l'hypothèse dans laquelle les locaux susceptibles d'être visités serviraient, pour partie, de domicile aux intéressés ;" » ici non plus, puisque les locaux mixtes pourraient être visités.
M. Jean-Jacques Hyest. Il y a un amendement de la commission sur ce sujet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne parle pas de l'amendement de la commission ; je suis en train de demander la suppression du texte tel que l'a adopté l'Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 210 est-il soutenu ?
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement de la commission a pour objet de supprimer du texte tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale la référence aux locaux mixtes. Dans notre esprit, il s'agit en effet uniquement de visiter des locaux professionnels en opérant sur réquisition du procureur. Il nous paraît peu approprié d'étendre ces visites à des lieux qui pourraient être, ne serait-ce que partiellement, des locaux servant de domicile.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 149.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aurai aimé entendre M. le rapporteur dire que ce sont ses propres amis politiques qui avaient demandé au Conseil constitutionnel d'apporter cette précision, comme je viens de le rappeler.
M. Jean Chérioux. Vous l'avez dit tellement brillament !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 150.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 76, 148, 149 et 150.
M. Paul Masson, rapporteur. Sur les amendements identiques n°s 76 et 148, la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 149 me paraît satisfait par l'amendement identique n° 36 de la commission.
Quant à l'amendement n° 150, j'avoue que je n'ai pas d'avis ; je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 76, 148, 36, 149 et 150 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Les amendements n°s 76 et 148 ont pour objet de supprimer l'article 10 du projet de loi, lequel permet d'étendre les procédures de contrôle d'identité sur réquisition du parquet dans les lieux de production et les chantiers.
Lors d'une enquête préliminaire en matière de travail clandestin, l'article L. 611-13 du code du travail confère aux officiers de police judiciaire d'importants pouvoirs puisque, sur autorisation du président du tribunal de grande instance, ils peuvent effectuer des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction sans avoir à recueillir l'assentiment de la personne, contrairement aux dispositions du droit commun.
Or, actuellement, la police nationale, la gendarmerie nationale et même les officiers de police judiciaire ne peuvent effectuer aucun contrôle d'identité dans les lieux à usage professionnel, c'est-à-dire ne constituant pas un domicile, en vue de vérifier la régularité des embauches de salariés.
Naturellement, cela empêche de mettre en oeuvre toute réelle politique préventive et ne contribue pas à dissuader le recours au travail clandestin.
Une étude récente effectuée sur 21 543 personnes impliquées dans une procédure de travail clandestin a montré que 43 % des personnes impliquées étaient d'origine étrangère. Cette étude a été jointe en annexe au rapport de M. Ruddy Salles, présenté à l'Assemblée nationale. Elle est connue et elle est à la disposition de tout le monde.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes trop bons avec vous !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Les dispositions proposées obéissent à toutes les exigences constitutionnelles. Elles visent simplement à permettre une efficace politique de prévention du travail clandestin et d'emploi d'étrangers sans titre de travail.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est paradoxal que certains élus, notamment ceux du parti communiste, qui dénoncent régulièrement la responsabilité des employeurs et du travail clandestin dans le problème de l'immigration illégale, s'opposent à l'adoption de cet article visant précisément à rendre plus efficace la lutte contre ce phénomène. Nous, nous ne nous contentons pas de mots, nous agissons ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
S'agissant de l'amendement n° 36, déposé par M. Masson, et de l 'amendement n° 149, je m'en remets à la sagesse du Sénat. Il y a, c'est vrai, un problème constitutionnel, et j'attends avec intérêt la décision de la Haute Assemblée.
S'agissant de l'amendement n° 150, cette disposition n'est probablement pas inutile,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes trop bon !
Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... bien que l'on ne puisse en méconnaître la lourdeur ; mais son caractère législatif est douteux. Pour ces raisons, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Vous voyez, monsieur Dreyfus-Schmidt, que je vous écoute de temps en temps.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 76 et 148.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, au Sénat, nous nous appelons « groupe communiste républicain et citoyen ».
S'agissant de la suppression de l'article 10, je ne crois pas qu'il s'agit, en l'occurrence, de poursuivre les employeurs qui ont recours au travail illégal ; cela se saurait ! En fait, il s'agit ici de porter une nouvelle fois atteinte aux droits des salariés ; c'est tout à fait différent !
M. Jean-Pierre Schosteck. Argutie !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 76 et 148, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 36 et 149, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 150.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat. Je disais de ma place à M. le ministre qu'il avait bien compris que nous étions bons avec le Gouvernement.
En effet, dans la décision dont j'ai lu quelques extraits tout à l'heure, le Conseil constitutionnel avait censuré le texte relatif aux télécommunications, à la demande de M. Chirac et de Mme Sauvaigo, notamment parce que n'était pas prévue la communication d'une copie du procès-verbal à la personne concernée.
Cela dit, vous faites comme vous voulez ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 150, pour lequel la commission et le Gouverneent s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'épreuve à main levée est déclarée douteuse.)
M. le président. Mes chers collègues, il y a doute. Nous allons procéder par assis et levé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans ces conditions, je retire l'amendement, monsieur le président.
Après tout, s'il n'en veulent pas...
M. Emmanuel Hamel. Quelle sagesse que ce retrait !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est votre droit de retirer l'amendement, mais il n'est pas absolument certain que le Sénat n'en veuille pas. Si vous tenez à ce texte, je peux le mettre aux voix par assis et levé. (M. Dreyfus-Schmidt fait un signe de dénégation.)
M. Alain Gournac. Non, puisqu'il l'a retiré !
M. le président. L'amendement n° 150 est donc retiré.
Je vais mettre aux voix l'article 10.
Mme Monique ben Guiga. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. La seule explication de vote possible a été rédigée voilà deux siècles et demi. Je veux parler de la fable Les animaux malades de la peste, dont je vais vous lire quelques passages. (Exclamations sur les travées du RPR.)

« Un mal qui répand la terreur,
« Mal que le Ciel en sa fureur
« Inventa pour punir les crimes de la terre,
« La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
« Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
« Faisait aux animaux la guerre.
« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.


« Le Lion tint conseil, et dit : "Mes chers amis,
« Je crois que le Ciel a permis
« Pour nos péchés cette infortune ;
« Que le plus coupable de nous
« Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
« Peut-être il obtiendra la guérison commune.


Vous savez, mes chers collègues, que le renard déclare le lion non coupable, que, pour les crimes de l'ours et du tigre, on passe. Enfin, arrive l'âne. (« L'Ane vint à son tour... », sur les travées du RPR.)

« L'Ane vint à son tour et dit : "J'ai souvenance
« Qu'en un pré de Moines passant,
« La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
« Quelque diable aussi me poussant,
« Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
« Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net."
« A ces mots, on cria haro sur le baudet.
« Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
« Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
« Ce pelé, ce galeux, d'où venait leur mal.
« Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
« Manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable !
« Rien que la mort n'était capable
« D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
« Selon que vous serez puissant ou misérable,
« Les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir. »


(De nombreux sénateurs reprennent en choeur la morale de la fable.)
La société française est malade du chômage ! Cela fait trois jours que nous cherchons le pelé, le galeux, coupable du mal : c'est l'étranger ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 2 (précédemment réservé)

M. le président. « Art. 2. _ Au troisième alinéa de l'article 8 de la même ordonnance, les mots : "des articles 78-1 et 78-2 du code de procédure pénale" sont remplacés par les mots : "des articles 78-1, 78-2 et 78-2-1 du code de procédure pénale". »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est évident que, maintenant, il est possible d'introduire dans l'article 8 de l'ordonnance l'article 78-2-1 du code de procédure pénale puisqu'il a été adopté avec l'article 10 du projet de loi...
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 110, est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 195 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 2.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 61.
Mme Nicole Borvo. Nous le retirons, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 110.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous le retirons !
M. le président. Les amendements n°s 61 et 110 sont retirés.
L'amendement n° 195 est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 11

M. le président. « Art. 11. _ Après le premier alinéa de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque l'allocataire conjoint ou concubin du père ou de la mère des enfants au titre desquels les prestations familiales sont demandées n'est pas père ou mère de ces enfants, le bénéfice de ces prestations est subordonné à la preuve de la régularité du séjour du conjoint ou concubin du parent des enfants concernés. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit encore d'un article nouveau auteurs, Mme Sauvaigot, M. Philibert et M. de Courson se sont tous trompés en voulant supprimer les prestations familiales à un allocataire qui n'est pas en situation irrégulière au motif qu'il est le conjoint ou le concubin d'un étranger en situation irrégulière.
Cet article 11 dispose que « le bénéfice de ces prestations est subordonné à la preuve de la régularité du séjour du conjoint ou du concubin du parent des enfants concernés. » Or, par définition, ce parent est en situation régulière !
En fait, ses auteurs voulaient parler de la preuve de la régularité du séjour du parent des enfants concernés.
Ils se sont mis à trois pour déposer un amendement, qui a été adopté par l'Assemblée nationale, et qui est très visiblement le résultat d'une erreur.
Sur le fond, il est incroyable de s'en prendre à des enfants, de les priver du bénéfice des prestations familiales alors qu'il existe un allocataire et que ce dernier a le droit de les percevoir.
Dans ces conditions, nous demandons bien évidemment la suppression de ces dispositions.
M. le président. Sur l'article 11, je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 37 est présenté par M. Masson, au nom de la commission.
L'amendement n° 8 rectifié est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 77 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 151 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Tous quatre tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 37.
M. Paul Masson, rapporteur. L'article 11 a été ajouté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement. Il prévoit que l'octroi des prestations familiales sera subordonné à la preuve de la régularité du séjour du parent des enfants lorsque l'allocataire conjoint ou concubin du parent de l'enfant au titre duquel les prestations sont demandées n'est pas lui-même père ou mère de ces enfants.
Je souligne que la condition de régularité est d'ores et déjà imposée à l'allocataire lui-même, qui doit, en outre, avoir la charge effective et permanente des enfants.
Dès lors, il nous semble qu'une condition nouvelle tenant à la situation du parent des enfants, lequel n'en assume pas la charge, pourrait être préjudiciable aux enfants.
J'ajoute que, sur le plan pratique, cette disposition paraît être difficilement applicable dès lors que le contrôle ne porterait pas sur l'allocataire lui-même.
Pour toutes ces raisons, la commission a pensé qu'il fallait purement et simplement supprimer l'article 11.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Compte tenu des très bonnes explications de M. le rapporteur, je n'ajouterai qu'une chose : si certains fantasment, leurs fantasmes sont vraiment bizarres !
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 77.
Mme Nicole Borvo. Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux execellents propos que vient de tenir M. le rapporteur, si ce n'est qu'il existe dans tout cela une cohérence : la suspicion.
Les directives du pouvoir qui voudraient que l'on soupçonne derrière chaque malade un consommateur irresponsable de médicaments, derrière chaque chômeur un faux chômeur, derrière chaque RMIste un parasite et derrière chaque immigré un clandestin trouvent dans ce texte leur consécration : derrière chaque immigré, forcément clandestin, selon cette logique, il y a un bénéficiaire illégal de prestations familiales, alors qu'il a en charge des enfants et qu'il est lui-même allocataire.
Je tiens à faire observer que l'Etat français a fait l'objet de multiples condamnations par les tribunaux français et la Cour de justice de Luxembourg parce qu'il persiste dans son refus de verser l'allocation aux adultes handicapés et le minimum vieillesse aux ressortissants non communautaires.
Ceux-là vivent en France en toute régularité, mais, au train où vont les choses, on se demande si ce sera encore le cas demain. Or ils ont travaillé des dizaines d'années dans notre pays.
On constate des comportements vraiment cyniques.
Aussi, tout le monde sera sans doute d'accord pour supprimer l'article 11 !
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 151.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je considère que j'ai déjà défendu cet amendement.
M. le président. Je suppose, monsieur le rapporteur, que la commission est favorable aux amendements n°s 8 rectifié, 77 et 151 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Absolument, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 37, 8 rectifié, 77 et 151 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, l'article 11 a été adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement. Je ne puis donc que me réjouir que, sur l'ensemble des travées, à droite...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Caldaguès n'est pas là !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... comme à gauche, vous souhaitiez revenir sur cette disposition et souteniez la position du Gouvernement.
Il s'agissait d'une atteinte aux droits de l'enfant. Je ne pouvais pas, je ne peux pas et je ne pourrai jamais l'accepter.
M. Michel Mercier. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 37, 8 rectifié, 77 et 151.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 est supprimé.
M. Jean-Luc Mélenchon. Bon débarras !

Articles additionnels après l'article 11

M. le président. Par amendement n° 49, MM. About, Plasait et Mathieu proposent, après l'article 11, d'ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 21-7 du code civil est complété par les dispositions suivantes :
« , à l'exception de ceux nés de parents étrangers en situation irrégulière ou présents de manière temporaire sur le sol français, en qualité de visiteurs, d'étudiants ou pour exercer une activité professionnelle, au moment de leur naissance. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 190, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 11, d'ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Les reconduites à la frontière ordonnées dans le cadre de la législation actuelle sont suspendues jusqu'à la date de promulgation de la présente loi. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Le présent amendement, qui a pour objet d'insérer un article additionnel prévoyant de suspendre les reconduites à la frontière jusqu'à la promulgation de la présente loi, veut marquer un coup d'arrêt à la logique répressive qui tend à prévaloir un peu partout, en France et en Europe.
Cet amendement vise à donner le temps de créer les conditions nécessaires pour que le Parlement débatte sereinement, et loin des fantasmes discriminatoires et sécuritaires, d'une nouvelle législation concernant l'immigration.
Car c'est de cela que le pays a besoin et non de la poursuite de ce qui a déjà échoué et que le présent texte aggrave encore.
L'interpellation récente par des forces de police de sans-papiers et de ceux qui les soutiennent à Paris montre malheureusement que tel n'est absolument pas l'objectif du Gouvernement.
Quant à nous, nous voulons appuyer tous les efforts allant dans le sens d'une redéfinition en profondeur des relations Nord-Sud et Est-Ouest, dans le sens d'une authentique politique de développement répondant aux besoins des populations.
Plus qu'un enjeu de société, c'est un choix de civilisation.
Dans une société en crise, c'est l'intégration des immigrés qui est en cause et, au-delà, celle d'une part croissante de la population.
Au lieu de fixer des quotas d'expulsions, il s'agit donc de combattre résolument le chômage de masse, la précarité, qui s'accroît, et la mise en cause du service public, qui a ébranlé de manière considérable l'intégration et l'épanouissement des salariés français et immigrés.
Une politique de l'immigration responsable doit contribuer à mettre fin à ces véritables cancers qui rongent notre société chaque jour un peu plus.
La politique actuelle met au service du patronat une main-d'oeuvre corvéable à merci, exploitée sans vergogne par des filières clandestines et dont certains patrons tirent le plus grand profit.
Il n'est dès lors pas étonnant que le patronat, ses représentants du CNPF en particulier, d'habitude si prolixes sur les sujet les plus divers, restent muets quant au débat sur l'immigration.
Plutôt que d'expulser à tour de bras, il s'agit de combattre cette politique qui bénéficie au seul patronat.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 190, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 191, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, M. Billard, Mme Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis, M. Leyzour, Mme Luc, MM. Minetti, Renar proposent d'ajouter, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 227 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les ressortissants étrangers résidant en France depuis cinq ans et âgés d'au moins dix-huit ans ont le droit de vote aux élections municipales. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Cet amendement est important, puisqu'il a trait à la vie démocratique dans les communes de notre pays.
Cette mesure nous apparaît indispensable pour favoriser la participation de tous, Français et étrangers, à la vie de la cité.
Comment évoquer, en effet, une quelconque intégration si l'on continue à exclure des processus de décisions locales des habitants qui sont partie prenante de la vie sociale ?
Dans nos villes, les étrangers sont concernés directement par le fonctionnement des différentes institutions.
Les enfants d'étrangers vont à l'école, les étrangers travaillent, consomment, participent aux associations et, enfin, je tiens à souligner ce point important, paient des impôts, notamment les impôts locaux.
Notre proposition prend à contre-pied tant la logique d'exclusion valorisée par le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté que la logique de haine, de rejet, développée par le Front national.
Enfin, la nécessité du respect des institutions de notre pays par les populations étrangères est souvent rappelée. Nous estimons que ceux qui avancent cette exigence devraient leur permettre d'accéder au droit légitime de participation à la gestion des communes.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Avant Vitrolles ? Ce n'est pas possible !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je suis naturellement défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
M. Emmanuel Hamel. Comme ça, ce sera clair et net !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 104:

Nombre de votants 237
Nombre de suffrages exprimés 237
Majorité absolue des suffrages 119
Pour l'adoption 16
Contre 221

Le Sénat n'a pas adopté.
M. Alain Gournac. Il en manque !
M. le président. Par amendement n° 192, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, M. Billard, Mme Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis, M. Leyzour, Mme Luc, MM. Minetti et Renar proposent d'ajouter après l'article 11, l'article additionnel suivant :
« Dans le premier alinéa de l'article 2-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, après les mots : "territoire français", sont insérés les mots : "ainsi que les ressortissants étrangers résidant en France depuis cinq ans". »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Les auteurs de cet amendement estiment qu'il est nécessaire de ne pas faire de distinction entre ressortissants étrangers à l'occasion des élections européennes, sous peine de générer une discrimination supplémentaire inadmissible entre étrangers vivant sur notre sol.
Je souhaiterais, à l'occasion de la défense de cet amendement, vous rappeler les propos tenus le 2 juin 1992 par l'un de nos éminents collègues, ancien ministre, qui prévenait la Haute Assemblée en ces termes : « Si je ne m'abuse, cela se passait ainsi à Athènes : il y avait les Athéniens, citoyens à part entière, les Grecs, qui jouissaient de certains droits seulement et les "métèques", qui n'avaient pas droit de cité. Voilà ce que nous allons reproduire. »
M. Jean-Pierre Schosteck. N'importe quoi !
M. Pierre Fauchon. Mais les métèques ne faisaient pas la guerre !
M. Jack Ralite. Et M. Pasqua, car il s'agissait de lui, poursuivait avec vigueur : « Allez parler d'intégration après cela ! ».
Vous ne cessez d'insister sur la nécessité de lutter contre l'immigration clandestine de façon à permettre l'intégration des étrangers vivant régulièrement sur notre territoire.Vous savez pourtant pertinemment que ce n'est pas grâce à ce texte, qui favorise - les débats l'ont montré - l'amalgame entre étranger et terroriste, entre étranger et délinquant, entre étranger et chômage, que vous permettrez une réelle intégration. Bien au contraire !
Telles sont les raisons pour lesquelles, nous opposant à votre logique, nous vous proposons de refuser toute discrimination entre étrangers et de promouvoir une réelle intégration en adoptant notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 192, repousé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 193, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'ajouter, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les sections II à VI du chapitre V du titre II du livre II du code pénal deviennent respectivement les sections III à VII et il est inséré, après la section I de ce chapitre, une section II nouvelle ainsi rédigée :

« Section II

« Des propos et des messages racistes

« Art. 225-4-1 . - Le fait de proférer publiquement des propos ou de diffuser, par quelque moyen que ce soit, un message portant atteinte à la dignité, l'honneur ou la considération d'une personne ou d'un ou plusieurs groupes de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion, que celles-ci soient ou non déterminées, est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amende.
« Lorsque les propos ou le message visés à l'alinéa précédent ont pour objet de provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un ou plusieurs groupes de personnes, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et 500 000 francs d'amende.
« L'action publique se prescrit par une année révolue à compter du jour où le délit prévu aux alinéas précédents a été commis si, dans l'intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. »
« Art. 225-4-2 . - Lorsque le délit prévu par l'article 225-4-1 est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
« II. - Il est inséré, après l'article 225-19 du code pénal, un article 225-19-1 ainsi rédigé :
« Art. 225-19-1 . - Les personnes physiques coupables du délit prévu par l'article 225-4-1 encourent également la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35.
« Dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 225-4-1, est également encourue, sauf lorsque la responsabilité du condamné est retenue, comme auteur ou complice, en application des dispositions particulières des lois qui régissent la presse écrite ou audiovisuelle, l'interdiction des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 pour une durée de cinq ans au plus ainsi que la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit. »
« a) Au premier alinéa de l'article 225-19 du code pénal, les mots : "infractions prévues par les sections I et III du présent chapitre" sont remplacés par les mots : "infractions prévues par les sections I et IV du présent chapitre".
« b) Aux articles 225-20 et 225-21 du même code, les mots : "section II" sont remplacés par les mots : "section III". »
« III. - A l'article 2-1 du code de procédure pénale, les mots : "les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal" sont remplacés par les mots : "les infractions réprimées par les articles 225-2, 225-4-1 et 432-7 du code pénal et le délit réprimé par l'article 42-7-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives".
« a) L'article 2-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque l'infraction aura été commise envers une personne considérée individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de la personne intéressée ou, si celle-ci est mineure, l'accord du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal. »
« IV. - Au premier alinéa de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : "le sixième alinéa de l'article 24" sont remplacés par les mots : "l'article 30".
« a) Sont abrogés les sixième et septième alinéas de l'article 24, les deuxième et troisième alinéas de l'article 32, les troisième et quatrième alinéas de l'article 33, la deuxième phrase du 6° de l'article 48 et l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Toutefois les faits réprimés par les dispositions abrogées à l'alinéa précédent, commis avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, demeurent punissables sur le fondement desdites dispositions dès lors qu'ils tombent également sous le coup de l'article 225-4-1 du code pénal dans sa rédaction résultant de l'article premier ci-dessus. Il est procédé à la poursuite et au jugement de ces faits selon les règles qui étaient applicables à la date à laquelle ils ont été commis.
« V. - La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Tout le monde le sait, un débat existe dans le pays sur les modalités juridiques nécessaires à une lutte efficace contre les propos racistes et xénophobes.
Chacun garde en mémoire les excès d'un Le Pen affirmant l'inégalité des races dans la plus totale impunité. Chacun a présent à l'esprit l'écho inquiétant de la démagogie du Front national parmi une population désorientée par les ravages de la crise.
Cela ne peut plus continuer ainsi : ce sont les valeurs mêmes de la République et de la démocratie qui sont en cause.
Des mesures doivent donc être prises pour sanctionner les auteurs de tels propos ou écrits.
Le Gouvernement a déposé un projet de loi qui, à défaut d'être pleinement satisfaisant, a le mérite de proposer une première réponse.
La majorité tergiverse et refuse de débattre de ce texte. Le Gouvernement n'insiste d'ailleurs pas pour qu'il soit inscrit à l'ordre du jour. Pourtant, M. Alain Juppé doit mettre ses appels à la lutte contre le Front national en accord avec ses actes.
Les acteurs de cet amendement estiment que le débat doit avoir rapidement lieu.
Le lien avec le débat sur l'immigration est évident. Le véritable matraquage législatif assené par la droite depuis 1993 à l'encontre des étrangers participe à l'évidence à la montée de la xénophobie et du racisme.
Comment parler d'une politique d'immigration si la France n'assure pas, conformément à sa tradition démocratique, le rejet radical du racisme ?
Cet amendement trouve donc pleinement sa place dans le présent projet de loi.
Il reprend les dispositions du projet gouvernemental, ce qui montre notre souci d'avancer rapidement pour la mise en place d'une législation efficace contre le racisme. Il a malheureusement été rejeté par la majorité de la commission des lois.
Nous estimons que la majorité du Sénat se doit de montrer aujourd'hui que sa volonté de combattre le racisme est aussi forte que celle de s'attaquer aux droits, déjà bien restreints, des immigrés dans notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 193, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 99, M. Plasait propose d'ajouter, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement dépose au Parlement, chaque année, au mois de janvier, un rapport qui retrace l'action des pouvoirs publics et les résultats obtenus dans la lutte contre l'immigration clandestine. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Arrivés au terme de ce débat, efforçons-nous de dégager à la fois ce que furent ses temps forts et ce que peuvent être ses enseignements.
Les temps forts, j'en distinguerai deux.
Je laisse de côté, en cet instant, les développements juridiques, les problèmes concernant la lisibilité d'une législation devenue illisible et les difficultés que je perçois encore dans l'article 8. Nous reprendrons tout cela en deuxième lecture.
Le premier temps fort, ce fut lorsque nous avons débattu du certificat d'hébergement. En effet, s'agissant de l'obligation d'aller dénoncer à l'autorité municipale le départ de celui ou celle que l'on a reçu, j'ai eu un instant, un instant seulement, le sentiment que l'on comprenait que le bénéfice ne pouvait être qu'illusoire au regard de la lutte contre les filières ou contre les trafiquants de travail clandestin aussi bien qu'en matière de terrorisme. Vous pensez bien que, dans de tels cas, ce n'est pas en faisant des déclarations auprès des municipalités que l'on procède.
Quoi qu'il en soit, j'ai eu le sentiment qu'on avait compris que cette mesure pèserait en fait sur ceux qui sont établis sur notre sol, qu'il s'agisse des Français ou des étrangers installés régulièrement en France. Ceux-là ne demandent qu'une chose : recevoir leurs parents, leurs amis, leurs proches.
Mais la réponse a été non !
Le deuxième temps fort, ce fut à propos de ce qui constituait l'objectif nécessaire du texte, c'est-à-dire la régularisation de ces situations créées par les défauts de la loi elle-même.
On a parlé de la force injuste des lois. Celles de 1993 nous en ont donné l'illustration.
Il était impossible de maintenir pareille situation : celle qui fait que des étrangers sont à la fois non régularisables et non éloignables.
Il fallait donc régulariser, et j'ai cru que ce qui était la logique même allait s'imposer, c'est-à-dire qu'on allait les régulariser tous.
Eh bien, non ! Il a fallu encore trier, il a fallu encore sérier. On s'est obstiné à ne pas faire droit à la fois à la raison et au coeur. A cet égard, l'essentiel du problème a été méconnu.
J'en viens à la législation contre l'immigration clandestine. A cet égard, on ne peut pas dire que les dispositions font défaut ! Je me souviens, monsieur le ministre, des déclarations tonitruantes de votre prédécesseur sur ce sujet ; c'était il y a seulement deux ans !
Ce qui demeure l'essentiel à cet égard, je le répéterai toujours, c'est la nécessité profonde de l'intégration de tous ceux qui vivent sur notre sol et qui, à aucun prix - je pense en particulier aux jeunes gens - ne doivent se sentir, de quelque façon que ce soit, exclus, différenciés, mis à l'écart, soupçonnés au sein de la communauté nationale.
Voilà l'enjeu clé. Et cet enjeu-là, vous l'avez méconnu.
Je vous ai dit, monsieur le ministre, au début de ce long parcours, que je ne mettais pas en doute vos intentions. Mais je crois que vous n'avez pas choisi le bon chemin. Il aurait suffi d'accepter la régularisation logique et humaine que nous vous proposions. Pour le reste, nous avons le temps de reconstruire comme il convient la législation sur les étrangers.
Ce qu'on nous a proposé et qui va être voté, même si de légers progrès ont été accomplis au Sénat, va à l'encontre de l'essentiel : cela méconnaît l'intégration. C'est pourtant elle qui, lorsque nous légiférons dans cette matière, doit à tout moment demeurer notre premier objectif.
J'en ajouterai un second, qu'il faut également conserver toujours présent à l'esprit.
Nous sommes une grande nation, et j'utilise à dessein les termes qui sont nés au moment de la Révolution française. Si nous sommes une grande nation, ce n'est pas seulement par les moyens matériels dont nous disposons. C'est aussi à cause de l'idée que, dans le monde entier, on se fait de la France. Cette idée-là, pour les jeunes étudiants étrangers, pour tant de populations étrangères, pour tant de coeurs d'étrangers qui nous sont acquis au-delà de nos frontières, gardons-nous, pour une simple législation de bureau, de la remettre en cause.
Cela fait partie de notre patrimoine le plus précieux, qui a été si difficilement conquis, tant de fois remis en cause dans l'histoire de la République, mais que la République a toujours su maintenir.
N'oublions jamais cela et, même à travers des dispositions très techniques, conservons toujours clairement devant nous ces objectifs. Ils valent bien, croyez-moi, ceux d'une législation de police et de soupçon. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront résolument contre ce projet de loi, qui relève, dans le droit-fil des lois Pasqua, du matraquage législatif.
L'étranger est en effet une nouvelle fois montré du doigt comme responsable de tous les maux dont souffre la société française. Ce texte est le reflet juridique des fantasmes xénophobes qui désignent l'immigration comme source du chômage, de la violence et même du déficit de la sécurité sociale.
Renforcement policier de la pratique des certificats d'hébergement, mesures de confiscation des passeports, création de fichiers des empreintes digitales, fouilles dans les véhicules, visites domiciliaires inopinées chez les hébergeants, interventions policières dans les entreprises, accélération des procédures de reconduite à la frontière, restrictions importantes apportées aux possibilités de régularisation, assimilation permanente de l'étranger à une menace contre l'ordre public : cette liste non exhaustive montre bien le caractère profondément autoritaire et sécuritaire de ce projet de loi par lequel vous cédez de fait, monsieur le ministre, et quoi que vous en disiez, à la pression de la propagande du Front national.
Nous n'acceptons pas cette surenchère dans l'instauration de mesures répressives, mesures qui bafouent les valeurs de la République.
Comment accepter cette politique gouvernementale qui généralise la précarité, se résigne à l'extension du chômage et au développement de la crise, privilégie la loi de l'argent, au détriment du respect de la dignité humaine, et qui, pour masquer ses effets dévastateurs en matière économique et sociale, fait de la lutte contre l'immigration son cheval de bataille, à la grande joie de ceux qui en font leur thème de campagne ?
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen n'acceptent pas que la mondialisation soit érigée en triomphe du libéralisme et perçue comme l'outil et le moyen d'une circulation sans entrave des capitaux et d'une mise en concurrence des peuples.
Nous préférerions de beaucoup parler de coopération, plutôt que de ce concept de mondialisation, qui rime avec profit et exploitation.
Or, de coopération et d'un véritable essor de celle-ci, la majorité n'a pas voulu entendre parler, pas plus d'ailleurs que de la convention internationale de Genève.
Il n'y aura pourtant pas de développement harmonieux de l'humanité sans un investissement déterminé et considérable dans l'aide aux pays en difficulté.
Ce projet de loi ne réglera rien, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité. Il accentuera au contraire les incompréhensions, les divisions, les peurs et les haines, et il favorisera, je le répète, l'essor de l'extrême droite.
Nous voterons donc contre ce projet de loi, et nous appelons tous ceux qui, dans cet hémicycle, ont la démocratie et la République au coeur à faire de même.
Mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même sommes fiers d'avoir donné de la France, à l'occasion de ce débat, le visage d'un pays humaniste, attaché à la coopération et aux valeurs humaines, d'une terre d'accueil qui respecte le droit d'asile, d'une nation d'hommes et de femmes courageux, épris de leur pays et de la liberté universelle.
Les intellectuels algériens, les femmes algériennes, assassinés par des fanatiques, sont en ce moment même des défenseurs exemplaires de cette liberté, et leur combat fera date dans l'histoire. Un hommage sera d'ailleurs rendu demain soir, à Charonne, à ceux qui sont tombés dans leur combat pour la liberté de l'Algérie, et nous associerons dans cet hommage celles et ceux qui, par centaines, sont aujourd'hui victimes de forces occultes.
Nous continuerons, mesdames, messieurs de la majorité, dans le respect de chacun et pour le bonheur de tous, à oeuvrer avec cette France qui mène le combat pour sauver notre industrie nationale, pour créer des emplois, pour faire en sorte que les jeunes aient à nouveau confiance dans l'avenir, pour que tous ses habitants vivent mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants se félicite de ce dispositif destiné à corriger certains dysfonctionnements, et il complimente le Gouvernement d'avoir pris, malgré maints obstacles, cette initiative.
Il approuve les dispositions que contient le texte, dans la forme qu'elles revêtent au terme de cette discussion. Elles lui paraissent en effet donner aux pouvoirs publics plus de moyens pour lutter efficacement contre l'immigration irrégulière, tout en prévoyant les garanties qui s'inscrivent dans le droit-fil de nos traditions d'hospitalité et sans sombrer pour autant dans un angélisme qui, par une sorte de fatalisme, a toujours nourri la xénophobie.
Chacun aura compris que le groupe des Républicains et Indépendants dans son ensemble votera le projet de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si depuis mardi nous légiférons, c'est pour maintenir le cap de la politique d'immigration suivie depuis 1993, puisque les orientations fixées alors, après des années de laxisme, demeurent plus que jamais pertinentes pour l'avenir. Si nous légiférons, c'est parce qu'il est apparu que certaines procédures en vigueur devaient être aménagées.
Le débat qui s'est engagé depuis plusieurs jours a été argumenté, riche et fructueux.
Cependant, nous ne pouvons que regretter que ce projet de loi, destiné uniquement à freiner l'immigration clandestine, ait été, dès le début, frappé d'anathème ; il est devenu l'objet de passions partisanes et, parfois, de procès d'intention. Nous le déplorons.
En effet, les dispositions de ce texte respectent les principes rappelés par notre rapporteur, Paul Masson, qui a accompli un travail remarquable, chacun en convient, et à qui nous tenons à rendre hommage. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le premier de ces principes, c'est le droit, pour chaque pays, d'organiser sa politique d'immigration, de faire appliquer, à l'encontre des étrangers en situation irrégulière, des mesures d'éloignement, et de contrôler l'immigration régulière. C'est le devoir de l'Etat.
L'élaboration des mesures proposées a également obéi à un second principe : celui du respect des droits fondamentaux, qui ont valeur constitutionnelle, de tous ceux qui résident sur notre territoire, quel que soit leur statut, ce qui est l'honneur de la France.
Enfin, nous avons voulu assurer, en tous lieux, l'ordre public, notion trop souvent oubliée et qui, pourtant, est le garant de la paix publique. Il est temps de rejeter l'éthique de la complaisance et de la fausse humanité, dont souffrent les Français les plus pauvres et les immigrés exploités, déracinés et trop souvent victimes de profiteurs de toutes sortes.
Par ailleurs, je tiens, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, à exprimer ma reconnaissance aux forces de police et de gendarmerie engagées, dans des conditions souvent difficiles, dans la lutte contre l'immigration clandestine, et dont nous pouvons mesurer chaque jour l'efficacité. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) La nation tout entière leur doit son soutien.
En votant ce texte, monsieur le ministre, le groupe du RPR approuve sans réserve votre politique courageuse, dont nous pouvons déjà mesurer les résultats très positifs au bénéfice de la France.
Cette politique ne nous surprend pas, nous qui connaissons votre lucidité courageuse, votre détermination et votre sens de l'Etat. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. La législation sur l'entrée et le séjour en France des étrangers n'a, comme on l'a rappelé plusieurs fois, cessé d'être reprise, quelquefois ravaudée, suivant d'ailleurs l'évolution, depuis 1945, de l'immigration.
Le texte, tel qu'il résulte des travaux de la Haute Assemblée, n'apporte pas, monsieur le ministre, comme je l'avais prédit, une révolution du droit existant. Il se contente d'améliorer et de rendre applicables certaines procédures.
A cet égard, je ne comprends guère que l'on puisse à la fois affirmer que l'on doit lutter contre l'immigration illégale et incontrôlée et refuser de se donner les moyens de le faire.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes, il faut veiller au respect des droits des immigrés, qui doivent notamment pouvoir prouver leur bonne foi, et le rôle de l'opposition est sans doute de nous le rappeler. Encore que les parangons de vertu et les donneurs de leçons soient parfois un peu excessifs et un peu fatigants...
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais rien, dans les procédures prévues par le projet de loi, ne paraît devoir justifier la méfiance et la suspicion permanentes qui pèsent sur les services de l'Etat, quels qu'ils soient, dont la tâche est parfois si difficile et qui se sentent souvent bien découragés. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest. Les débats sur l'immigration laissent souvent un goût amer, tant ils semblent faire de l'étranger, et même des enfants, un ennemi à combattre, source de tous nos maux, alors qu'il faut d'abord tout faire pour permettre à ceux qui se trouvent régulièrement sur notre sol de mener une vie sûre et tranquille - s'ils respectent nos lois - et pour favoriser leur intégration.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ce projet de loi qui le permettra !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais l'intégration, c'est une question non pas de textes, mais de volonté de la nation dans son ensemble. On peut élaborer tous les textes que l'on veut, c'est un pays fort qui peut intégrer les étrangers, et non pas un pays peureux. (« Très bien ! » sur les travées de l'Union centriste.)
Monsieur le ministre, loin d'être liberticide, votre texte vise à remédier aux dysfonctionnements constatés, sources de difficultés, d'incompréhensions et de réactions malsaines.
Il faut affirmer que toute nation, en fonction de sa situation économique et sociale, a non seulement le droit, mais le devoir de contrôler les flux migratoires. Il faut lutter résolument contre les tricheurs et ceux qui exploitent les plus pauvres. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Notre devoir vis-à-vis des demandeurs d'asile - et il est vrai qu'il existe des cas difficiles - et de ceux que tant de liens familiaux ou autres rattachent à notre pays ne saurait nous dispenser de mettre en oeuvre une politique d'immigration claire, cohérente et efficace. C'est ce que nous propose le Gouvernement.
Souhaitons que ce projet de loi, que le groupe de l'Union centriste votera tel qu'il a été amendé, notamment grâce au travail de notre rapporteur, dont la compétence juridique, la sagesse et l'humanité sont à souligner particulièrement, puisse contribuer à résoudre ce problème lancinant de l'immigration clandestine, que certains s'ingénient à grossir pour mieux attenter aux libertés des étrangers, et demain aux libertés de tous. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Au moment où s'achève ce débat, je voudrais, moi aussi, dire quelques mots.
Si je pense beaucoup aux immigrés, je voudrais m'arrêter un instant sur ceux à qui ce projet de loi risque de donner des illusions, c'est-à-dire à nos concitoyens qui connaissent de grandes difficultés, les chômeurs, les RMIstes et ceux qui ont un emploi précaire, ces personnes qui vivent actuellement comme si elles étaient en trop, comme si elles étaient superflues, ces personnes à qui on ne demande plus de s'acquitter de quelque tâche que ce soit, qui perdent leur place dans le chaînon symbolique des générations, ces personnes à qui on demande finalement de se faire oublier, de se faire petites.
Peut-on contraindre des femmes et des hommes à l'oubli de soi, sans qu'ils se demandent, au bout d'un certain temps, ce qu'ils ont fait pour mériter ce sort ? Alors, chacun de ceux qui les fréquentent intimement - je crois que c'est mon cas, je le dis sans forfanterie - sait quelle déconsidération d'eux-mêmes leur vient, déconsidération allant parfois jusqu'à la haine, d'abord haine de soi, puis haine de l'autre, ressentiment à l'égard de l'autre, et ils vivent cela dans la douleur. Eh bien ! à ce moment-là si l'étranger est montré du doigt - et le Front national sait ce qu'il fait ! - il étourdit la douleur par la passion.
Tout à l'heure, je me suis permis de citer Nietzsche, je veux y revenir : « Le trait fondamental de la volonté humaine, c'est qu'elle a besoin d'un but et, plutôt que de ne rien vouloir, elle veut le rien. L'homme ainsi est sauvé, il a un sens, il cesse d'être comme une feuille dans le vent, jouet de l'absurde, de la privation de sens, il peut désormais vouloir quelque chose, et ce qu'il veut, pourquoi et par quoi il le veut importe peu. Sa volonté elle-même est sauve. L'homme aime mieux vouloir le néant que ne pas vouloir. » Je le répète, à ce moment-là, le Front national joue le rôle d'organisateur de la vengeance imaginaire. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, laisser parler M. Ralite. C'est un moment important de ce projet de loi.
M. Jack Ralite. Si, donc, dans mes interventions, j'ai pu marquer quelque passion, c'est que ça, c'est ma vie quotidienne de maire d'une grande ville de banlieue de la région parisienne.
M. Alain Gournac. Vous n'êtes pas le seul !
M. Philippe François Il y en a d'autres qui sont maires !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ecoutez-le !
M. Jack Ralite. Je ne dis que personne personne n'a la même expérience, j'explique une expérience sociale qui, les élections de Vitrolles le montrent, débouche sur des événements très graves.
M. Philippe François. C'est vous qui les provoquez !
M. le président. Monsieur François, je vous en prie. Il s'agit d'un texte important ; il convient d'en achever l'examen dans le calme et la courtoisie.
M. Alain Gournac. Eh bien, votons !
M. Philippe François. L'important, c'est de voter, et non pas d'écouter du baratin !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Ralite.
M. Jack Ralite. J'ajoute que c'est malheureusement une tradition historique quand il y a crise et difficultés de désigner l'étranger.
A la fin du xixe siècle, au moment de la grande dépression, des parlementaires, déjà, rivalisaient d'ingéniosité pour décourager les étrangers de demeurer dans un pays au développement industriel duquel ils n'avaient pourtant pas peu contribué.
A la fin de l'année 1889, dix parlementaires réclamaient des taxes exceptionnelles, un livret pour les étrangers, où tout serait noté de leurs déplacements et de leurs emplois, trois ans de service obligatoire dans la légion, etc.
J'ai noté, dans une thèse de 1898, sur la police des étrangers, la phrase suivante : « Bien que la statistique des sans travail n'ait jamais été faite, il est incontestable que le nombre des ouvriers français sans travail est de beaucoup inférieur à celui des étrangers qui sont employés dans notre pays. En conséquence, nous nous trouvons en face de cette constatation brutale : s'il n'existait pas d'étrangers en France, il y aurait du travail pour tous nos nationaux. » C'est la première remarque fondamentale que je voulais faire.
J'en formulerai deux autres, et je vous prie de m'en excuser.
M. Alain Gournac. Oh...
M. Jack Ralite. Ce matin, a été publié le rapport de l'INED, l'institut national d'études démographiques. Je pense qu'il faut y réfléchir.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Jack Ralite. Il ne s'agit pas d'un petit document.
Quand il précise qu'au 1er janvier 1986 la France métropolitaine n'aurait compté que 45 millions d'habitants s'il n'y avait pas eu d'immigration étrangère, cela veut dire qu'une force énorme de notre importance nationale et citoyenne tient, bien sûr, aux Français de souche, mais aussi à ces immigrés.
Il ajoute : « On ne peut réfléchir à la maîtrise de l'immigration qu'en gardant cet état de fait à l'esprit. » Il conclut ainsi : « L'insatisfaction récurrente de l'opinion publique sur la gestion de l'immigration étrangère n'est donc pas justifiée par les faits, mais elle se nourrit d'objectifs politiques peu réalistes dont l'immigration zéro est une des figures malheureuses. » Non, nous sommes un pays qui, par son histoire,...
M. Dominique Braye. Vous auriez dû aller jusqu'au bout de ce texte et ne pas le tronquer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Arrêtez !
M. Jack Ralite. Il est très long ! En tout cas, ce que je cite, c'est la vérité ! Vous pouvez d'ailleurs le vérifier. Je ne falsifie pas les textes !
M. Dominique Braye. Si !
M. Jack Ralite. Ce pays, notre France, il s'est formé, c'est comme ça, d'une mêlée au cours des siècles.
Je ne veux pas être malicieux, mais lors du débat de 1984, au cours duquel tous ensemble, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, nous avions voté un texte intéressant,...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jack Ralite. ... M. Jean Foyer, qui ne partage pas mes idées, déclarait : « Mais l'histoire nous révèle que tous les grands peuples ont été en réalité le résultat d'un mélange qui, un beau jour, s'est juridiquement définitivement affirmé et consolidé par l'attribution d'une citoyenneté ou d'une nationalité commune. »
M. Alain Gournac. Eh oui ! Et ce n'est pas à vous de le dire !
M. Jack Ralite. Il poursuivait ainsi : « Cela a été l'histoire de la France, qui est faite de composants ethniques extraordinairement nombreux. Et ce que la nation française a réussi à réaliser, la façon dont elle a réussi à se faire pendant des siècles, c'est ce que notre époque aura à accomplir en intégrant des composants nouveaux, afin de mériter - je l'espère - ce compliment que le vieux poète latin adressait à l'antique Rome : "De nations diverses, tu as fais une patrie unique". »
M. Emmanuel Hamel. A force de se mélanger, on se détruit !
M. Jack Ralite. Voilà ce que je voulais dire. Et je ne quitte pas cet hémicycle en étant pessimiste, même si ce qui va être voté me semble grave. On a beaucoup cité Braudel : c'est un immense monsieur. Mais il y a un autre immense français qui a parlé de la Méditerranée, c'est Jacques Berque, qui disait : « J'appelle à des Andalousies toujours recommencées dont nous portons en nous à la fois les décombres amoncelés et l'inlassable espérance. » Les décombres, nous les avons nommés ; l'inlassable espérance, nous aurions pu tous en faire le tour. Nous l'avons fait de ce côté-ci de l'hémicycle. C'est cela l'avenir de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Pauvre France, si c'est cela son avenir !
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi simplement, à cette heure, de préciser que, soucieux de soutenir le Gouvernement dans ses efforts pour lutter contre l'immigration clandestine, source de misère pour nombre d'hommes et de femmes, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, dans sa majorité, votera le texte qui nous est soumis.
Il tient à remercier et à féliciter M. le rapporteur de l'excellent et important travail qu'il a réalisé sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission des lois. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, n'étant pas des nôtres ce soir par suite d'un empêchement impérieux, je suis amené à improviser quelques mots au nom de la commission.
D'abord, et c'est tellement justice, je veux remercier M. le rapporteur, qui, vous l'avez tous constaté, a apporté la démonstration d'une connaissance approfondie de ce dossier, tout de même très complexe techniquement. Au long des méandres, qui n'étaient pas toujours faciles à suivre, de ce texte, il a fait preuve d'une sérénité, d'une clarté et d'une indépendance de jugement auxquelles, je crois, nous pouvons tous rendre hommmage. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe François. Bravo, monsieur le gouverneur ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Ensuite, je voudrais, bien sûr, remercier la majorité, qui a bien voulu généralement, et sauf circonstances exceptionnelles (Nouveaux sourires) faire confiance à la commission. Comme vous l'avez dit, cher collègue Ceccaldi-Raynaud, les circonstances exceptionnelles ne comptent pas. Donc, je considère que la commission a constamment bénéficié d'une grande confiance.
Je voudrais aussi remercier l'ensemble de notre assemblée, car nombreux étaient les sénateurs présents lors de ces débats, lesquels se sont tout de même déroulés sur plusieurs jours, ce qui n'a sans doute pas été confortable pour tout le monde.
Ces débats ont connu ce qu'il faut de moments de tension, ce qu'il faut de moments d'humour. Au total, me semble-t-il - et moi qui ne suis pas intervenu dans le débat, je crois pouvoir en porter témoignage -, ont prévalu une grande sérénité et une grande conscience des responsabilités, des enjeux. Au-delà des décisions immédiates, de toutes les conséquences de ces textes, notre assemblée a prouvé qu'elle était une assemblée de réflexion, au sens le plus noble du terme.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir suivi vous-même ce débat, en dépit d'un tempérament que nous sentons dynamique et fougueux - et Dieu merci ! dans les fonctions qui sont les vôtres - avec sérénité, parfois avec une sorte de détachement et distanciation, de manière à nous laisser libres de nos choix et à quasiment nous donner l'impression que ce projet de loi était le nôtre tout autant que le vôtre. Ainsi avons-nous travaillé, je crois pouvoir le dire, excellemment. Nous pouvons, les uns et les autres, en être satisfaits.
Cela étant, je n'ai pas le sentiment - je reprends un instant mon rôle de porte-parole de la majorité - que nous ayons à nous faire quelque reproche que ce soit, même si ce sont des reproches que j'ai cru percevoir dans les réflexions des uns ou des autres.
Cher collègue et ami Badinter, nous n'avons à aucun moment eu le sentiment d'agir dans un esprit - je crois vous citer - de police et de soupçon. Je ne sais à qui vous pensiez, mais ce ne pouvait être à nous, permettez-moi de vous le dire fermement.
Madame Luc, vous vous êtes référée à l'humanisme et M. Ralite nous a ému, comme toujours, et avec le talent que chacun lui connaît et auquel je suis heureux de rendre hommage. Cependant, nous avons le sentiment que l'humanisme, comme la générosité, est largement réparti sur toutes les travées de notre assemblée.
Il ne s'agit pas nécessairement du même humanisme. Le nôtre est peut-être nourri de plus de réalisme et sans doute d'un peu plus de lucidité que le vôtre, mais il n'en est pas moins sincère, et j'ai la faiblesse, que dis-je, j'ai la force de croire que plus lucide, il est plus utile et plus fécond à la société. Il s'inscrit dans les meilleures traditions du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier les présidents de séance - notamment vous-même -, qui ont dirigé nos débats avec autorité et impartialité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais exprimer également ma reconnaissance non pas à titre exceptionnel, mais à titre permanent, à M. Paul Masson. Sa compétence, sa disponibilité et sa modération se sont imposées à tous. Merci ! monsieur le rapporteur.
Je voudrais vous remercier, mesdames et messieurs les sénateurs. Lorsque l'on observe avec recul ces trois jours, on constate que notre débat a été un débat de qualité, où chacun a pu, avec son tempérament, sa passion, son « détachement », exposer en toute sérénité son point de vue.
Je me souviens d'une phrase d'Anatole France, qui doit marquer notre conscience, surtout dans ces débats difficiles : « Heureux ceux qui n'ont qu'une vérité. Plus heureux et plus grands ceux qui, ayant fait le tour des choses, ont assez approché la vérité pour savoir qu'on n'atteindra jamais la vérité. »
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre présence.
Merci d'abord à vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, qui avez, en très grand nombre, suivi, accompagné le Gouvernement pendant ces trois jours. Vous partagez la volonté du Gouvernement de mieux lutter contre l'immigration irrégulière afin de mieux intégrer les étrangers en situation régulière.
Cette législation est faite non pas contre telle ou telle idée extrémiste, contre telle ou telle idéologie laxiste, mais en fonction de la certaine idée de la France que nous portons tous en nous, quelle que soit notre place dans cet hémicycle.
Cette certaine idée de la France, c'est celle d'une France accueillante, hospitalière, bienveillante à l'égard de celles et de ceux qui veulent partager, comme disait Renan, « notre communauté de destins », une France qui s'impose à tout le monde parce qu'elle sait, chez elle, faire respecter la loi.
La lutte contre l'immigration irrégulière suppose que les masques tombent, que l'on écarte les faux-semblants, les illusions et que l'on assume ses responsabilités. Nous assumons les nôtres non par des paroles, mais par des dispositions équilibrées et avec des procédures conformes à notre tradition juridique.
Nous avons su, je le crois, trouver progressivement un équilibre entre la défense des libertés individuelles, qui sont indispensables dans une grande nation comme la France, et la capacité de l'Etat à se défendre contre celles et ceux qui violent ou ne veulent pas respecter les lois de la République.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, en matière d'immigration, le Gouvernement garde son cap. Oui, la France est une grande nation, une nation qui sait, dans de tels débats, écarter la passion - en tout cas pour certains ! - sortir de la facilité, de la fausse générosité, de l'hypocrisie et des illusions et qui pose comme règle absolue une certaine idée de la démocratie, c'est-à-dire un régime où ont leur place toutes celles et tous ceux qui, quels que soient la couleur de leur peau, leur religion et leur itinéraire passé, ont fait de la loi votée par le Parlement leur dogme, une nation qui assume en ce domaine ses responsabilités avec humanité, mais aussi avec fermeté.
Je remercierai enfin les sénateurs du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen, que nous avons écoutés avec attention et intérêt. Si nous ne partageons pas les mêmes vérités, ils ont néanmoins pu exprimer les leurs avec sincérité. Je ne leur ai jamais fait de procès d'intention et je les remercie de ne pas m'en avoir fait.
Mesdames et messieurs les sénateurs du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen, je tiens enfin à vous remercier de votre présence tout au long de ces débats, présence qui tranche - permettez-moi de le dire - avec l'absence remarquée des députés socialistes et communistes à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le résultat est exactement le même !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 105:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 96

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

5

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 5 février 1997, l'informant que :
- la proposition d'acte communautaire E 145 - « proposition modifiée de directive du Conseil concernant la protection des consommateurs en matière de contrats négociés à distance » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 29 janvier 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 675 - « proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume de Suède à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d'accise, conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4 de la directive 92/81/CEE » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 27 janvier 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 714 - « proposition de décision du Conseil autorisant certains Etats membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d'accise conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (France : fuel lourd), (Grèce : essence sans plomb) » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 27 janvier 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 670 - « proposition de décision du Conseil autorisant la République française à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d'accise conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 27 janvier 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 742 - « lettre de la Commission européenne - DG XXI - Douane et fiscalité indirecte. Notification du Royaume d'Espagne concernant l'établissement de taux différenciés pour l'essence sans plomb en application des dispositions de l'article 8, paragraphe 4 de la directive 92/81/CEE du Conseil » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 27 janvier 1997 ;
- la proposition d'acte communautaire E 750 - « lettre de la Commission européenne - DG XXI - Douane et fiscalité indirecte. Demande des autorités portugaises concernant la reconduction d'une réduction du taux d'accise sur le fuel lourd à faible teneur en soufre en application des dispositions de l'article 8.4 de la directive 92/81/CEE du Conseil » a été adoptée définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 27 janvier 1997.

6

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Jean-Marc Pastor, William Chervy, Marcel Bony, Fernand Tardy, Bernard Piron, François Autain, Germain Authié, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Robert Castaing, Roland Courteau, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Aubert Garcia, Claude Haut, Roland Huguet, Jean-Pierre Masseret, Georges Mazars, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean Peyrafitte, Paul Raoult, René Régnault, Michel Rocard, Gérard Roujas, André Rouvière, René-Pierre Signé, Marcel Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi relative à la traçabilité de la viande bovine.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 210, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Oudin une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 211, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 février 1997 :
A dix heures :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 163, 1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 54, 62 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Rapport (n° 176, 1996-1997) de M. Luc Dejoie, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 17 février 1997, à dix-sept heures.
A seize heures :
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 204, 1996-1997) de M. Lucien Neuwirth, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur sa proposition de loi (n° 193, 1996-1997) relative aux conditions d'éligibilité pour les élections aux caisses d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales.
3. Discussion de la question orale avec débat (n° 10) de M. Claude Huriet à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la sécurité sanitaire en France et les conditions de son renforcement :
M. Claude Huriet appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur les travaux consacrés récemment, par la commission des affaires sociales, au renforcement de la sécurité sanitaire.
La commission des affaires sociales a, en effet, déposé le 29 janvier dernier le rapport de la mission d'information sur la sécurité et la veille sanitaires qu'elle avait constituée le 21 mai 1996.
Ce rapport a d'abord dressé le bilan des conditions dans lesquelles est garantie la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme et la veille sanitaire.
Elle a considéré que l'Etat, qui est le garant de la sécurité sanitaire, devrait être en mesure de remplir trois missions : l'évaluation des actes thérapeutiques, le contrôle des produits et la veille sanitaire.
L'Etat s'est récemment donné les moyens d'assumer la mission d'évaluation des actes avec la création, par une ordonnance du 24 avril 1996, de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Il a doté cette agence de crédits et de moyens juridiques d'intervention qui peuvent être considérés comme satisfaisants.
En revanche, les conditions dans lesquelles est réalisé le contrôle des produits destinés à l'homme ne présentent pas toutes les garanties nécessaires. Ainsi, si la sécurité sanitaire du médicament est aujourd'hui bien assurée, les réformes entreprises dans les années 1990 pour le sang et les greffes ne sont pas achevées, notamment en ce qu'elles ne procèdent pas toujours à la nécessaire séparation entre les missions de contrôle des produits et celle d'organisation de la production. La mission d'information a également considéré que la nouvelle législation d'origine communautaire sur les dispositifs médicaux, si elle est en progrès par rapport à l'ancienne législation française, toujours en vigueur pour certains dispositifs, ne peut être considérée comme satisfaisante. En effet, elle n'exige pas véritablement l'évaluation du rapport bénéfice/risque des dispositifs, n'encadre pas suffisamment la production et la distribution des dispositifs et risque d'être appliquée de manière non homogène à l'intérieur de la Communauté.
La mission d'information a également constaté que nombre de produits de santé ou de produits frontière n'étaient pas encadrés par une législation ou une réglementation assez rigoureuse.
Enfin, elle a estimé que la sécurité sanitaire des produits alimentaires ne pouvait être garantie dans la mesure où la législation applicable à ces produits ne procède pas à une bonne évaluation des risques qui leur sont associés, où elle est plus centrée sur la santé de l'animal que sur celle de l'homme et où l'indépendance des contrôles n'est pas bien garantie.
Concernant la troisième mission de l'Etat, la veille sanitaire, la misson d'information a estimé qu'elle n'était pas assurée dans des conditions satisfaisantes, et que les procédures de détection, d'alerte et de recommandation n'étaient pas bien établies ou coordonnées.
Au vu de ce constat, la commission des affaires sociales formule plusieurs propositions. Pour assurer le contrôle des produits dans le respect de leur spécificité, elle propose de créer une agence des produits et dispositifs médicaux et une agence de la sécurité sanitaire des produits alimentaires.
Pour garantir les conditions dans lesquelles est assurée la veille sanitaire, elle propose de mettre en place un Institut de la veille sanitaire, qui constituera une tête de réseau et un lieu propre à centraliser les fonctions de détection, d'alerte et de recommandation aux pouvoirs publics.
Elle propose aussi que les fonctions de l'administration centrale du ministère de la santé soient recentrées sur ses missions de participation à la définition de la politique de santé et de réglementation, sur tous les sujets qui intéressent la santé de l'homme.
Enfin, elle propose d'instituer, sous la présidence du Premier ministre, un comité permanent de sécurité sanitaire composé des responsables des agences, de l'Institut de veille sanitaire, du directeur général de la santé et de responsables d'administration centrale qui assurent le contrôle sanitaire de produits ou de milieux.
Ce comité, dont la vice-présidence serait confiée au ministre chargé de la santé, constituerait le lieu de rencontre utile à la coordination et à la gestion des crises.
L'auteur de la question souhaiterait connaître les premières réactions du Gouvernement au constat établi par la commission et aux propositions qu'elle formule.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion : lundi 17 février 1997, à dix-sept heures.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 55 rectifié, 1996-1997) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 février 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 18 février 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 7 février 1997, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Statut du personnel
de la Compagnie Air France Europe

557. - 6 février 1997. - M. Claude Billard demande à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme quelles seront les conséquences de l'extension du statut du personnel de la compagnie national Air France au personnel de la compagnie Air France Europe.

Situation préoccupante des juridictions
de l'Hérault

556. - 6 février 1997. - M. Gérard Delfau interpelle M. le garde des sceaux sur la situation préoccupante des juridictions dans le département de l'Hérault. Plusieurs faits expliquent ce constat : la forte croissance démographique, observée depuis le recensement de 1982, a provoqué la multiplication des plaintes. Le développement touristique du littoral y a ajouté les procédures liées à une augmentation considérable des accidents de la route et au contentieux de l'urbanisme. Enfin, les transits de population et l'éclatement des cadres de vie urbains et ruraux ont favorisé les transgressions de la norme. De récentes statistiques montrent des taux de délinquance et de crimes de sang supérieurs à la moyenne nationale. Or les créations de postes n'ont pas suivi la même courbe ascendante. Aussi, les efforts courageux des magistrats et des personnels du greffe n'ont pu enrayer cette spirale. Et, par leurs avertissements, les plus hautes autorités de la cour ont tenté d'attirer votre attention. Le budget de la nation pour 1997 ne laisse guère d'espoir d'inverser cette descente aux abîmes qui démoralise les citoyens, les élus, mais aussi les magistrats. Il vient un moment où c'est la démocratie, elle-même, qui est en péril. Nous n'en sommes plus loin. C'est pourquoi, s'appuyant sur les fortes paroles de M. le Président de la République en faveur de la justice, il demande au garde des sceaux de faire connaître ses intentions. Quelles mesures seront prises pour remédier à cette situation déjà souvent décrite ? Et selon quel calendrier, en accord avec M. le Premier ministre, un plan de rattrapage devenu urgent pourra-t-il être amorcé ?



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 6 février 1997


SCRUTIN (n° 102)



sur l'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. André Diligent et les membres du groupe de l'Union centriste et rattachés, à l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire aux étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement).

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 149
Contre : 166

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Pour : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Pour : 53.
Contre : 5. _ MM. Didier Borotra, Pierre Hérisson, Michel Mercier, Louis Moinard et Michel Souplet.

Abstention : 1. _ M. Daniel Hoeffel.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Contre : 43.
Abstention : 1. _ M. Jacques Larché.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Claude Belot
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
François Blaizot
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Jean Cluzel
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Marcel Deneux
Rodolphe Désiré
Georges Dessaigne
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Michel Dreyfus-Schmidt
André Dulait
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
André Egu
Claude Estier
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Guy Fischer
Serge Franchis
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Jacques Genton
François Giacobbi
Francis Grignon
Claude Haut
Marcel Henry
Rémi Herment
Jean Huchon
Roland Huguet
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Philippe Labeyrie
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Dominique Larifla
Henri Le Breton
Edouard Le Jeune
Guy Lèguevaques
Marcel Lesbros
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
Michel Manet
René Marquès
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
François Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Jean-Marie Poirier
Jean Pourchet
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Philippe Richert
Roger Rinchet
Guy Robert
Michel Rocard
Jacques Rocca Serra
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent


Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Honoré Bailet
José Balarello
Bernard Barbier
Janine Bardou
Henri Belcour
Georges Berchet
Jean Bernard
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Charles Descours
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Pierre Hérisson
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roger Husson
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Lucien Lanier
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
François Lesein
Maurice Lombard
Simon Loueckhote
Roland du Luart
André Maman
Philippe Marini
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Guy Poirieux
Christian Poncelet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Serge Vinçon

Abstentions


MM. Daniel Hoeffel et Jacques Larché.

N'ont pas pris part au vote


MM. Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages exprimés : 317
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour l'adoption : 149
Contre : 168

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 103)



sur l'amendement n° 16, présenté par M. Paul Masson, au nom de la commission des lois, à l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire aux étrangers justifiant par tous les moyens de plus de quinze ans de résidence en France).


Nombre de votants : 316
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 297
Contre : 19

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 82.
Contre : 10. _ MM. Jean Bernard, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Philippe de Gaulle, Adrien Gouteyron, Emmanuel Hamel, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Gérard Larcher, qui présidait la séance, et Charles de Cuttoli.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Pour : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Pour : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Pour : 44.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Monique ben Guiga
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Guy Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Georges Dessaigne
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Yann Gaillard
Aubert Garcia
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
François Giacobbi
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Félix Leyzour
Claude Lise
Maurice Lombard
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Minetti
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Robert Pagès
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Alain Richard
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Guy Robert
Michel Rocard
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade


André Vallet
Albert Vecten
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber

Ont voté contre




Philippe Adnot
Jean Bernard
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Philippe Darniche


Hubert Durand-Chastel
Alfred Foy
Philippe de Gaulle
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Jacques Habert
Emmanuel Hamel


Jean-Pierre Lafond
André Maman
Jean-Jacques Robert
Jean-Pierre Schosteck
Alex Türk
Alain Vasselle

N'ont pas pris part au vote


MM. Charles de Cuttoli, Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 317
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour l'adoption : 298
Contre : 19

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 104)



sur l'amendement n° 191, présenté par M. Robert Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article 11 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration (droit de vote aux élections municipales de certains ressortissants étrangers).


Nombre de votants : 237
Nombre de suffrages exprimés : 237
Pour : 16
Contre : 221

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Contre : 16.
N'ont pas pris part au vote : 7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Contre : 94.

GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour : 1. _ M. Jean-Luc Mélenchon.
N'ont pas pris part au vote : 74.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre : 43.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Contre : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Nicole Borvo
Michelle Demessine
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Félix Leyzour
Paul Loridant
Hélène Luc
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar

Ont voté contre


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

N'ont pas pris part au vote


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Claude Pradille
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Régnault
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 105)



sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.



Nombre de votants : 316
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 220
Contre : 96

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Contre : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 16.
Contre : 7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Michel Caldaguès.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Pour : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Pour : 43.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Pour : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy


Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

N'a pas pris part au vote


MM. Michel Caldaguès, Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Delaneau, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.