SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001



M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Afin de disposer des moyens impérieusement nécessaires à la lutte contre le terrorisme alimenté notamment par le trafic de stupéfiants et les trafics d'armes et qui peut s'appuyer sur l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les dispositions du présent chapitre sont adoptées pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2003.
« Le Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant cette date, d'un rapport d'évaluation sur l'application de l'ensemble de ces mesures. »
Le sous-amendement n° 84, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaufils, Beaudeau et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« I. - A la fin du premier alinéna du texte proposé par l'amendement n° 2, remplacer le millésime : "2003" par le millésime : "2002".
« II. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du même texte :
« Un rapport d'évaluation sur l'application de l'ensemble de ces mesures sera soumis à l'approbation du Parlement par le Gouvernement avant le 30 juin 2002.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je vais encore rappeler que je suis longuement intervenu hier sur l'ensemble des points traités par ces amendements en les présentant dans le détail. Je vais néanmoins revenir globalement sur les mesures nouvelles qu'ils contiennent.
Voici donc une série d'amendements déposés par le Gouvernement après les attentats intervenus le 11 septembre dernier aux États-Unis.
Comme je l'ai déjà dit, c'est parce qu'il existe des réseaux terroristes internationaux, dont certains sont établis dans plusieurs pays européens, que la France a besoin de compléter sa législation en adoptant des mesures qui, d'une part, garantissent la prévention des actes de terrorisme et, d'autre part, facilitent les enquêtes sur les faits de terrorisme ou les infractions qui y concourent.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, un nouveau chapitre intitulé : « Dispositions renforçant la lutte contre le terrorisme » vous est présenté par voie d'amendements.
Il faut y voir la volonté du Gouvernement d'agir vite en utilisant le support qui répond le mieux à cette exigence de rapidité. Il faut le faire maintenant et non dans plusieurs mois, comme je l'ai dit hier, car chacun se rend compte que la menace est actuelle et qu'il est préférable de renforcer les mesures de contrôle plutôt que d'avoir à faire face à un drame.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités en mettant en place, dès le 11 septembre, le plan Vigipirate renforcé. Mais Vigipirate doit s'appuyer aussi sur des outils juridiques adaptés aux moyens qu'utilisent les terroristes eux-mêmes. Cet ajout a un caractère inhabituel, mais il est souhaité par le Gouvernement et approuvé par le Président de la République.
Nous devons renforcer la lutte contre le terrorisme international sur trois points : d'abord, en nous attaquant au financement des réseaux terroristes et aux trafics qui l'alimentent, trafic d'armes, trafic de stupéfiants, etc. ; ensuite, en protégeant nos concitoyens contre des menaces directes dans des lieux publics ou dans les transports aériens ; enfin, en développant nos capacités d'investigation face à des terroristes qui utilisent pour communiquer entre eux les nouvelles technologies de la communication.
Mais nous avons souhaité, Marylise Lebranchu - que je remercie d'être présente et qui défendra tout à l'heure un certain nombre d'amendements - et moi-même, faire en sorte que ces dispositions adoptées dans l'urgence et dans les circonstances que j'ai rappelées n'aient pas immédiatement un caractère permanent ni s'étendent à toutes les catégories d'infractions.
Le Gouvernement a donc entendu en fixer les limites sur deux plans.
D'abord, il a tenu à ce que les infractions visées ne concernent que la lutte contre le terrorisme ; les trafics d'armes et de stupéfiants, qui sont visés par ces dispositions, ne le sont qu'à titre accessoire et limitatif, mais ce sont bien ces infractions qui « nourrissent » le terrorisme et qui doivent servir de support à l'action des services de police ou de la gendarmerie nationale.
Ensuite, le Gouvernement sans faire preuve d'un optimisme exagéré, a fixé la durée d'application de ces nouvelles dispositions à deux ans. A l'issue de ce délai, un rapport au Parlement permettra de mesurer l'efficacité et l'utilité desdites dispositions. Chacun, le Gouvernement et le Parlement, prendra alors ses responsabilités.
J'indique par ailleurs que, à tout moment, le Gouvernement répondra aux questions du Parlement concernant l'application de ces mesures. Cela me semble naturel et, à cette fin, comme je l'ai dit hier, Le Gouvernement est prêt à présenter un rapport d'évaluation à la fin de l'année 2002.
Compte tenu de ces indications, je souhaite que le groupe communiste républicain et citoyen retire son sous-amendement et je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter l'ensemble de ces mesures instituées à titre temporaire, qui prendront fin automatiquement le 31 décembre 2003, sauf nouvelle intervention du législateur ou, s'agissant du projet de loi sur la société de l'information, qui viendra un jour prochain en discussion devant le Parlement, confirmation par celui-ci de tout ou partie de ces dispositions particulières, extraites d'un texte plus global qui a déjà été soumis à l'avis du Conseil d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Bret, pour présenter le sous-amendement n° 84.
M. Robert Bret. Avec ce sous-amendement, les sénateurs communistes n'ont pas le sentiment de formuler une demande déraisonnable.
Nous considérons simplement que, dès lors qu'on entre dans le domaine de l'exceptionnel - qui justifie notamment le recours à l'urgence et une discussion parlementaire écourtée -, il ne paraît pas aberrant de prévoir des procédures d'encadrement renforcé.
Nous sommes d'accord avec le Gouvernement pour considérer que la fixation d'un terme à l'application de ces mesures et un véritable contrôle parlementaire sont des garanties essentielles. Il s'agit tant de s'assurer de leur réelle efficacité que de nous prémunir contre d'éventuels dérapages.
Mais ces mesures risquent de devenir formelles si elles sont dès à présent adoptées en vue d'une pérennisation à l'échéance fixée, comme les interventions d'hier nous le laissent craindre.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas occulter le fait que nous légiférons aujourd'hui sous le coup de l'émotion et de l'inquiétude ; c'est là un simple constat. Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement ? Mais il est également évident que nous aurons besoin, à un moment, de prendre du recul pour apprécier objectivement la portée du dispositif.
Prévoir une intervention du Parlement à une échéance réduite à un an, comme nous le proposons, aurait le mérite de permettre une évaluation fondée sur des éléments objectifs, tenant compte de l'évolution du contexte et des premiers enseignements pratiques.
Nous sommes également sceptiques, monsieur le ministre, quant à la valeur contraignante du rapport d'évalutation tel que le prévoit l'amendement n° 2 du Gouvernement, dans la mesure où il n'interviendrait qu'à l'issue de ces deux ans. Nous préférons de beaucoup l'idée d'un rapport d'étape, sur la base duquel il pourrait explicitement être procédé à des ajustements.
Nous vous donnons acte, monsieur le ministre, de l'engagement que vous avez pris de répondre à tout moment aux questions du Parlement concernant l'application des mesures prévues dans le présent chapitre. Nous avons également noté la possibilité d'un rapport dès le 31 décembre 2002.
Toutefois, outre que nous souhaiterions voir cet engagement figurer expressément dans la loi - ce qui lierait pour l'avenir vos éventuels successeurs -, nous pensons que le Gouvernement aurait tout à gagner à réitérer sa confiance dans le jugement du Parlement en lui demandant de se prononcer sur la prorogation de ces mesures et sur leur adaptation.
A défaut d'un dispositif plus contraignant, nous souhaitons nous en tenir à notre sous-amendement initial.
Pour permettre au Parlement d'exercer un contrôle beaucoup plus poussé, nous avions pensé à la mise en place d'une commission de suivi qui, par exemple, aurait été destinataire d'un rapport hebdomadaire sur l'application de chacune des mesures. Cette commission aurait pu, à l'instar des commissions d'enquête parlementaires, bénéficier de moyens d'investigation accrus et avoir la faculté d'auditionner les personnes de son choix.
Nous savons cependant à quels obstacles constitutionnels se heurte une telle proposition et, pour l'heure, nous avons opté pour une rédaction souple.
J'appelle la plus grande attention de nos collègues et du Gouvernement sur l'importance à la fois symbolique et pratique de notre sous-amendement.
D'un point de vue symbolique, le Parlement ne saurait se dessaisir de la question des moyens de la lutte contre le terrorisme et la laisser sous la seule responsabilité de l'exécutif : c'est, je l'imagine, dans cet état d'esprit que sera discutée, le 25 octobre prochain, une question orale relative aux moyens de la lutte européenne.
Sur le plan pratique, nos concitoyens attendent de nous que nous exercions le contrôle tendant à vérifier, en particulier, que les mesures adoptées auront bien été appliquées dans le cadre fixé par le Parlement et qu'auront été évités les dérapages : le délit de faciès n'est pas seulement théorique, monsieur le ministre !
Pour notre part, nous attendons en particulier du Gouvernement qu'il s'engage fermement à ce que l'évaluation porte sur des éléments très concrets, notamment qu'il puisse être fait état des procédures policières et judiciaires engagées sur la base des dispositions exceptionnelles, ainsi que sur les suites qui leur auront été données.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que, en aucune manière, ces mesures ne pouvaient constituer un quelconque chèque en blanc donné par le Parlement au Gouvernement. Dont acte. Mais vous avez la possibilité de donner toute la mesure de ce souci en acceptant notre sous-amendement.
Ce que nous proposons ne vise en fin de compte qu'à permettre à la démocratie parlementaire de fonctionner dans les meilleures conditions. C'est pourquoi, si le Gouvernement se refusait à modifier son amendement, je souhaiterais, mes chers collègues, que vous vous prononciez en faveur de notre sous-amendement.
Si celui-ci n'est pas adopté, vous le comprendrez, nous ne pourrons voter le dispositif prévu au présent chapitre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 2 et sur le sous-amendement n° 84 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission des lois est favorable à l'amendement n° 2.
J'ai expliqué hier combien nous nous associions au travail que doivent accomplir l'ensemble de nos services de sécurité, et combien était grave la situation à laquelle nous sommes confrontés. J'ai dit que celle-ci exigeait l'union nationale derrière le Gouvernement.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 84, il ne nous semble pas que le raccourcissement du calendrier soit très opportun. Accessoirement, il soulève une difficulté supplémentaire : à la date à laquelle nos collègues demandent qu'un rapport soit présenté, c'est-à-dire à la fin du mois de juin 2002, le gouvernement, quel que soit le résultat des diverses élections auxquelles nous aurons procédé, sera nécessairement différent de celui d'aujourd'hui et à peine installé. Ne serait-ce que pour cette raison, cette proposition n'est pas très raisonnable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 84.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aurais pu cosigner le sous-amendement n° 84, car je suis absolument d'accord avec ses auteurs.
Tout le monde est bien conscient que, compte tenu des circonstances, certaines mesures désagréables doivent être prises : cela n'est pas contesté. Tout le monde est bien conscient que ces dispositions doivent être adoptées dans l'urgence et qu'elles le seront puisque la procédure est telle qu'elles doivent être votées d'abord par le Sénat puis, dans les mêmes termes, par l'Assemblée nationale.
Voilà déjà une raison pour laquelle, à mon grand regret, je ne pourrai pas voter le sous-amendement n° 84. Mais je me console en constatant que l'amendement n° 2 du Gouvernement permet, me semble-t-il, de donner satisfaction aux auteurs de ce sous-amendement.
Il est vrai que le 31 décembre 2003, c'est loin, et que nous pouvons espérer revenir à la légalité républicaine, pour appeler les choses par leur nom, bien plus tôt. Mais, à mon avis, rien n'empêche que ce soit avant la date fixée, qui n'est qu'une date butoir.
S'agissant du rapport d'évaluation, j'avais moi-même estimé que la date du 30 juin n'était pas bonne. Celle du 15 octobre ne le serait sans doute pas non plus, la rentrée parlementaire s'effectuant seulement deux semaines avant. Après avoir pris connaissance des amendements, j'avais, pour ma part, songé au 1er novembre 2002. Mais l'amendement n° 2 du Gouvernement prévoit que le « Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant cette date, d'un rapport d'évaluation sur l'application de l'ensemble de ces mesures », c'est-à-dire que ce rapport pourra éventuellement être déposé très tôt : par exemple, le 1er novembre 2002.
Le sous-amendement aurait, certes, l'avantage de faire figurer a point dans la loi, ce qui correspond à notre souci commun, mais je fais confiance au Gouvernement pour nous entendre et j'espère que la situation permettra de déposer ce rapport bien avant la date limite indiquée par le Gouvernement, c'est-à-dire avant le 31 décembre 2003.
J'espère aussi que le Parlement pourra, sur proposition ou non du Gouvernement, abroger ces dispositions bien avant le 31 décembre 2003.
Voilà pourquoi je ne voterai pas le sous-amendement n° 84, que j'approuve par ailleurs.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Le groupe du RPR ne marchandera pas son vote sur les dispositions qui nous sont présentées par le Gouvernement pour lutter contre le terrorisme. Il le fera d'autant moins que certaines de ces dispositions, en particulier la fouille des véhicules, avaient été proposées de longue date par MM. Calmejane, Chérioux, Debavelaere, François, de Gaulle, de La Malène, notre regretté collègue Jean-Jacques Robert, M. Schosteck, aujourd'hui rapporteur, M. Vasselle ainsi que par moi-même. Malheureusement, à l'époque, notre amendement n'avait pas connu un sort heureux.
Il vaut mieux, en règle générale, prendre des mesures avant que l'événement ne survienne plutôt que lorsqu'il est survenu. Mais le pire serait de ne rien faire du tout.
Il n'y a donc pas, chez nous, de ces restrictions mentales que certains manifestent, un peu comme ceux qui approuvent la course d'une automobile tout en jetant une poignée de clous sur la chaussée. Tel n'est pas du tout notre état d'esprit. Notre vote sera donc très clair et nous espérons qu'il concourra à la prise de précautions qui sont aujourd'hui plus indispensables que jamais.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 84, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Bret.
M. Robert Bret. Avec cet amendement, nous entrons dans le dispositif antiterroriste voulu par le Gouvernement.
Il s'agit ici, si l'on reprend l'exposé des motifs, de renforcer « l'efficacité des services d'enquête » aux fins de la lutte contre le terrorisme pour « assurer la plus grande sécurité des Français dans une période où le risque est accru et actuel ».
Certes, nul ne peut nier que le contexte actuel nécessite la mise en place de dispositifs spécifiques de lutte contre le terrorisme, même si nous ne sommes pas convaincus que les plus pertinents de ces dispositifs puissent résulter de modifications législatives, tant il est vrai que c'est certainement par le biais d'une coopération internationale accrue, notamment en direction de la Méditerranée, que se situeront les vrais enjeux de la lutte.
Il est également certain que c'est sur un travail de fond des services de renseignement, notamment en matière de financement du terrorisme, qu'il conviendra de concentrer une partie des efforts.
La question qui nous est aujourd'hui posée est de savoir s'il convient de renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme déjà contenues dans le code pénal.
La réponse ne va pas de soi, monsieur le ministre, dès lors qu'existe un dispositif déjà restrictif des libertés publiques, et il aurait été opportun de procéder, notamment s'agissant des fouilles et des perquisitions, à une évaluation de l'état du droit.
Nous aurions également souhaité que le Parlement soit informé d'une manière plus complète sur l'état de la menace terroriste en France, en particulier sur l'activité de la mouvance fondamentaliste.
Sur des sujets aussi graves, l'information du Parlement doit être pleine et entière, car c'est lui qui légifère. C'est d'autant plus vrai que le dispositif proposé semble, au terme d'un examen attentif, moins verrouillé qu'il y paraît.
Je ne donnerai, à ce stade du débat, que quelques exemples qui me paraissent significatifs et qui font regretter aux sénateurs communistes qu'une discussion plus approfondie n'ait pu avoir lieu, en concertation avec le ministère de l'intérieur.
Tout d'abord, l'encadrement dans le temps du processus nous semble trop peu contraignant. Je me suis expliqué sur ce point en défendant tout à l'heure le sous-amendement n° 84, notamment en évoquant le rôle du Parlement. On m'a alors soupçonné de faire preuve de restriction mentale, mais je laisse à l'auteur de cette accusation la responsabilité de son appréciation.
Ensuite, le champ des mesures proposées est moins restreint qu'il y paraît, notamment lorsqu'on sait que certains tribunaux n'hésitent pas à poursuivre pour trafic de stupéfiants le délit d'usage.
Je ne dis pas que ces mesures donneront forcément lieu à des dérives ou à des dérapages, mais je veux simplement indiquer que l'atteinte potentielle aux libertés publiques n'est pas aussi théorique qu'il y paraît.
Fouille des véhicules, perquisitions de domiciles, fouille à corps, levée du secret et de l'anonymat des communications et des messages électroniques : ces dispositions sont loin d'être anodines en ce qu'elles touchent à des libertés fondamentales.
Je me souviens que, en d'autres temps, un ministre de l'intérieur avait pu déclarer que « la démocratie doit s'effacer devant la raison d'Etat ».
Nous voulons aujourd'hui nous assurer qu'un gouvernement moins bien intentionné en matière de libertés ne pourra pas, demain, utiliser ces mesures à mauvais escient.
Certes, monsieur le ministre, je note qu'un réel effort a été fait dans le sens du contrôle constant de ces mesures par l'autorité judiciaire, au travers de la nécessité de réquisitions écrites et motivées du procureur pour procéder à des fouilles ou à des persquisitions.
Mais la rédaction du dispositif proposé nous paraît insuffisante. Ainsi, pourquoi les locaux syndicaux sont-ils exemptés de fouilles lorsqu'ils situent dans les ports et non lorsqu'ils sont situés dans une enceinte aéroportuaire ? Je vous pose la question !
Nous pourrions néanmoins accepter ces mesures, à condition que leur encadrement strict dans le temps et que le contrôle effectif du Parlement puissent être assurés.
A défaut, je dois dire que nous ne pourrions qu'être très réservés sur l'ensemble de ces mesures, à l'exclusion de celles qui sont relatives au financement des réseaux terroristes, dont nous avons déjà dit la semaine dernière qu'elles allaient dans le sens que nous souhaitions.
Il existe, en tout cas, au moins un amendement qui nous semble vraiment contestable : celui qui délègue à des polices privées les fouilles et palpations de sécurité.
Monsieur le ministre, vos explicatiuons et vos assurances à ce sujet n'ont pas suffi, je le crains, à emporter nos réticences, d'autant que l'encadrement administratif de ces personnels nous a semblé bien trop limité.
Nous continuons par ailleurs à nous interroger sur certains points comme la durée limite d'exercice des contrôles ou les fouilles dans les établissements privés non sensibles.
En l'état, les sénateurs communistes ne pourront voter les dispositions proposées et ils choisiront de s'abstenir.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je serai bref, car j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer lors de la discussion générale.
Nous sommes fortement attachés à la question fondamentale des droits de l'homme et à leur garantie : c'est une de nos convictions profondes.
Cela étant, il est vrai que le monde vit aujourd'hui un drame, une tragédie, et que de nombreuses populations sont exposées à des risques majeurs. Notre pays n'est d'ailleurs pas à l'abri en la matière ! Or ces actions relèvent d'une logique contraire aux droits de l'homme, à savoir la logique du fanatisme.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Exactement !
M. Jean-Claude Peyronnet. Un trop grand laxisme risque d'entraîner, dans ces conditions, des dérives d'une gravité exceptionnelle.
A partir du moment où les dispositions qui nous sont proposées sont limitées dans le temps, où le contrôle de l'application de ces mesures par l'autorité judiciaire est bien établi et satisfait aux décisions prises en 1995 par le Conseil constitutionnel, nous considérons que ce serait la pire des faiblesses, avec tous les dangers que cela comporte, que de ne pas voter ces dispositions.
Nous les voterons donc, avec la conviction qu'elles sont absolument nécessaires et qu'il y a urgence en la matière.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Comme l'a très bien dit mon collègue et ami M. Peyronnet, l'ensemble du dispositif qui fait l'objet des amendements qui nous sont proposés par le Gouvernement sera certainement analysé dans le futur comme un ensemble de mesures de défense républicaine.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qui guide notre action, a fondé la démocratie française sur quatre grands principes, parmi lesquels figurent la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression.
La liberté, nous sentons bien qu'elle est en cause lorsque le terrorisme, fondé sur l'intolérance, sur le fascisme, sur la pression, sur la mort, sur la haine, essaie d'entraver les peuples libres en mettant en cause une liberté qu'ils ont conquise et qu'ils ont, au long des siècles, défendue.
Nous savons bien qu'il n'y a pas de liberté sans sûreté ! Si, en 1789, après le 4-août, la sûreté a été incluse dans la Déclaration des droits de l'homme, c'est bien parce que, avant, sous la monarchie, elle n'était pas assurée : on pouvait mourir à tout moment sous l'action de son voisin, des forces royales, que sais-je encore...
Bref, la sûreté est la garantie première de la liberté et se donner les moyens de la garantir contre le phénomène du terrorisme international auquel ces mesures prétendent répondre, c'est une forme de résistance à l'oppression, principe auquel fait également référence la Déclaration de 1789.
A partir du moment, mes chers collègues, où l'ensemble de ces mesures - je fais appel sur ce point à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sous la Ve République - sera toujours mis en oeuvre sous le contrôle de l'autorité judiciaire, c'est-à-dire de celui qui, selon la Constitution que nous nous sommes donnée en 1958, est le garant de la liberté individuelle, à partir du moment où le Parlement ne renoncera à aucun de ses pouvoirs, où ses travaux ne seront pas suspendus - nous ne sommes pas en guerre, comme en 1940 - et où il pourra à tout moment demander au Gouvernement des explications, explications que le Gouvernement lui fournira comme il l'a fait dans le passé dans chacune des deux assemblées pendant la guerre du Golfe pour expliquer le déroulement des opérations, alors je considère que nous avons toutes les garanties nécessaires.
Je dis amicalement à nos collègues communistes que, même si je ne suis pas de ceux qui croient aux sondages - je m'en méfie beaucoup ! -, force est aujourd'hui de reconnaître qu'avec une constance assez surprenante tous ceux qui ont été réalisés ces jours-ci sont unanimes. Même s'ils subiront une éventuelle petite gêne dans leur vie quotidienne, ceux de nos concitoyens qui n'ont rien à se reprocher ont répondu, à une écrasante majorité - c'est d'ailleurs pourquoi ces sondages-là ont une signification, tant la majorité des réponses est forte -, qu'ils attendaient ces mesures.
Ce qui marque aujourd'hui les Etats-Unis, après le drame du 11 septembre, c'est la psychose et c'est la peur. Alors, si nous savons montrer au pays que nous prenons les précautions nécessaires dès maintenant - et, par parenthèse, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, je crois qu'il vaut mieux avoir les armes et ne pas s'en servir que ne pas les avoir du tout - non seulement nous aurons fait notre devoir au regard des principes constitutionnels dont nous sommes aussi les gardiens, mais nous aurons contribué à éviter à notre pays la psychose qui frappe si lourdement les Etats-Unis.
Pour tous ces motifs, madame le garde des sceaux, monsieur la ministre, comme mes amis, je voterai sans aucune réticence l'ensemble du dispositif proposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Trucy applaudit également.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, un article 78-2-2 ainsi rédigé :
« Art. 78-2-2. - Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite des actes de terrorisme visés par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal, des infractions en matière d'armes et d'explosifs visées par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre et par les articles 20, 31 et 32 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, ou des faits de trafic de stupéfiants, visés par les articles 222-34 à 222-38 du codé pénal, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21, peuvent, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine, procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au sixième alinéa de l'article 78-2 mais aussi à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.
« Pour l'application des dispositions du présent article, les véhicules en circulation ne peuvent être immobilisés que le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite qui doit avoir lieu en présence du conducteur. Lorsqu'elle porte sur un véhicule à l'arrêt ou en stationnement, la visite se déroule en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule ou, à défaut, d'une personne requise à cet effet par l'officier ou l'agent de police judiciaire et qui ne relève pas de son autorité administrative. La présence d'une personne extérieure n'est toutefois pas requise si la visite comporte des risques particuliers.
« En cas de découverte d'une infraction ou si le conducteur ou le propirétaire du véhicule le demande ainsi que dans le cas où la visite se déroule en leur absence, il est établi un procès-verbal mentionnant le lieu et les dates et heures du début et de la fin de ces opérations. Un exemplaire en est remis à l'intéressé et un autre est transmis sans délai au procureur de la République.
« Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. En l'état actuel du droit, contrairement aux douaniers, qui peuvent, en application de textes spéciaux, opérer des visites de véhicules, les dispositions légales ne permettent pas aux services de police et de gendarmerie d'exercer une action préventive de contrôle : ils ne sont pas autorisés à visiter les véhicules automobiles, et donc à ouvrir les coffres de voitures.
Le texte qui vous est proposé répond aux critères de constitutionnalité tels qu'ils ont été définis par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision du 18 janvier 1995, en prévoyant que ces visites de véhicules n'auront lieu que sur réquisition écrite du procureur de la République et pour des temps et lieux déterminés.
Il ne les autorise que pour des infractions strictement définies visant des faits de terrorisme et de trafic d'armes ou de stupéfiants, dans des lieux et pour une période de temps strictement définis, sous le contrôle d'un magistrat.
La visite du véhicule est faite en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule par un officier de police judiciaire ou sous sa responsabilité, par un agent de police judiciaire.
L'immobilisation du véhicule est limitée au temps strictement nécessaire à la visite et le conducteur ou le propriétaire peut demander à recevoir un procès-verbal des opérations ainsi effectuées.
Compte tenu de l'ensemble des garanties ainsi introduites, je vous demande d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite poser à M. le ministre une question, qui a d'ailleurs déjà été soulevée dans la discussion générale par notre porte-parole habituel sur ce sujet, M. Jean-Claude Peyronnet.
Tout le monde, M. Michel Charasse en faisait état à l'instant, demande que l'on se défende et que l'on prenne des précautions dans la situation actuelle. On comprend donc que ce qui n'était pas possible hier - le Conseil constitutionnel, à la demande du Sénat, s'était prononcé sur ce point - soit nécessaire pendant une période que nous espérons la plus courte possible.
Tout le monde le comprend, mais tout le monde sait aussi que cela risque de causer de la gêne à beaucoup, et peut-être à certains particulièrement.
Dans la mesure où des pouvoirs vont être donnés, non seulement aux policiers, mais à des membres d'organismes privés, même s'ils sont agréés, il me paraît tout à fait indispensable, monsieur le ministre, que vous insistiez sur la courtoisie toute particulière qui est nécessaire de la part de ceux qui effectueront les contrôles et qui doivent être convaincus que 99,9 % des personnes qu'ils vont être amenés à contrôler sont d'honnêtes citoyens et qu'il n'est pas mauvais que les choses se passent poliment.
Le mot « courtoisie » figurait dans le décret de 1903 en ce qui concerne la maréchaussée, et tout le monde a toujours reconnu que les gendarmes ne manquent pas de courtoisie.
Monsieur le ministre, je me permets d'insister tout particulièrement sur ce point : nos concitoyens, on va les ennuyer avec ces contrôles ; c'est normal, ils l'admettent, ils le comprennent ; mais il l'admettront et le comprendront d'autant mieux que les choses se passeront de la manière que nous souhaitons tous, c'est-à-dire avec courtoisie.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'ai déjà eu l'occasion de dire à M. Dreyfus-Schmidt qu'il faut, en tout lieu et à tout moment, que les policiers soient respectueux du droit et de la dignité des personnes.
Aujourd'hui, peut-être beaucoup plus que par un passé qui a marqué les esprits, les policiers respectent cette déontologie ; aujourd'hui, ils sont mieux formés qu'ils ne l'ont jamais été.
Je souhaite vous le dire en toute amitié, monsieur Dreyfus-Schmidt, particulièrement aujourd'hui : je fais confiance aux policiers pour qu'ils soient les agents du droit et de la liberté pour tous nos concitoyens.
Bien sûr, les consignes de courtoisie doivent être répétées en permanence et elles le seront encore, mais n'ayez aucune inquiétude, monsieur le sénateur. Les policiers ne sont pas perçus comme portant atteinte aux libertés, puisque, au contraire, ils sont là pour assurer la sécurité, donc la liberté, et faire en sorte que le droit soit respecté dans notre pays.
Je voulais que cela soit rappelé au lendemain de la mort de deux d'entre eux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 76 du code de procédure pénale, un article 76-1 ainsi rédigé :

« Art. 76-1. - Par dérogation aux deux premiers alinéas de l'article 76, si les nécessités de l'enquête relative à l'une des infractions en matière d'armes et d'explosifs visées par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre et par les articles 20, 31 et 32 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ou à l'un des crimes ou délits en matière de stupéfiants visés par les articles 222-34 à 222-38 du code pénal l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser, par décision écrite et motivée, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21, à procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction sans l'assentiment de la personne chez laquelle elles ont lieu. La décision du juge des libertés et de la détention doit préciser la qualification des infractions dont la preuve est recherchée, les éléments de fait laissant présumer de leur existence ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les opérations doivent être effectuées. Les dispositions de l'article 57 sont alors applicables.
« Lorsque les perquisitions et saisies ne concernent pas des locaux d'habitation, le juge des libertés et de la détention peut autoriser leur réalisation en dehors des heures prévues à l'article 59.
« Le fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
« II. - Le premier alinéa de l'article 706-24 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : "Si ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation, le juge des libertés et de la détention peut autoriser leur réalisation en dehors des heures prévues à l'article 59." »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. En matière de lutte anti terroriste, lorsque les conditions d'application de l'article 706-16 du code de procédure pénale sont réunies, c'est-à-dire lorque la compétence concurrente du tribunal de grande instance de Paris s'exerce pour les crimes et les délits terroristes, la loi du 15 juin 2000 donne compétence au juge des libertés et de la détention pour autoriser le parquet à procéder à des perquisitions en enquête préliminaire, sans l'assentiment de la personne concernée.
Ce même texte a confié au juge des libertés et de la détention, saisi par réquisition écrite du procureur de la République, les possibilités de perquisition de nuit en procédure de flagrance.
Ce dispositif mérite d'être complété, afin de permettre la mise en oeuvre de procédures judiciaires d'anticipation du risque terroriste, avant même que la qualification spécialisée ne soit établie.
Ainsi seront possibles, dans le cadre de l'enquête préliminaire, des opérations de perquisition dûment autorisées et contrôlées par l'autorité judiciaire : lutte contre le trafic d'armes, contre le trafic de stupéfiants, etc.
Cet outil procédural est de nature à renforcer la lutte contre les réseaux de soutien au terrorisme avant même que le lien terroriste ne soit procéduralement établi et à éviter l'ouverture d'informations judiciaires dans les ressorts non spécialisés, rendant délicate ensuite la procédure de regroupement et de dessaisissement des informations judiciaires.
La coordination entre parquets reste plus facile et plus rapide à organiser, ne serait-ce que pour préparer la centralisation des procédures à Paris. Le contrôle du juge des libertés et de la détention est plus rigoureux encore que celui du juge d'instruction, car le premier nommé autorisera les perquisitions au cas par cas au vu des éléments indiquant l'existence des infractions, ce qui me semble de nature à apaiser les inquiétudes, s'il en reste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
Je suis saisi de deux amendements présentés par le Gouvernement.
L'amendement n° 5 est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 282-8 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :
« Art. L. 282-8. - En vue d'assurer préventivement la sûreté des vols, tant en régime national qu'international, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du code de procédure pénale peuvent procéder à la visite des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules pénétrant ou se trouvant dans les zones non librement accessibles au public des aérodromes et de leurs dépendances.
« Les officiers de police judiciaire peuvent également faire procéder à cette visite sous leurs ordres par des agents de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne que les entreprises de transport aérien ou les gestionnaires d'aérodromes ont désignés ou fait désigner par des entreprises liées par un contrat de louage de services pour cette tâche. Ces agents doivent être préalablement agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République. En ce qui concerne la visite des bagages à main, ils procèdent à leur inspection visuelle et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. En ce qui concerne la visite des personnes, leur intervention porte sur la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle. Avec le consentement de la personne, ils peuvent procéder à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne du même sexe que la personne qui en fait l'objet.
« Les agréments prévus au précédent alinéa sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement apparaissent incompatibles avec l'exercice des missions susmentionnées. L'agrément ne peut être retiré par le représentant de l'Etat dans le département ou par le procureur de la République qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations. Il peut faire l'objet d'une suspension immédiate en cas d'urgence.
« Les agents des douanes peuvent, dans le même but et dans les mêmes lieux, procéder à la visite des bagages de soute, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules en régime international. Ils peuvent y faire procéder sous leurs ordres par des agents désignés dans les conditions fixées aux deux alinéas précédents.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
L'amendement n° 6 est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 323-5 du code des ports maritimes est ainsi rédigé :
« Art. L. 323-5. - En vue d'assurer préventivement la sûreté des transports maritimes et des opérations portuaires qui s'y rattachent, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du code de procédure pénale, peuvent procéder à la visite des personnes, des bagages, des colis, des marchandises, des véhicules et des navires, à l'exception des parties à usage exclusif d'habitation et des locaux syndicaux, pénétrant ou se trouvant dans les zones portuaires non librement accessibles au public, délimitées par arrêté préfectoral.
« Les officiers de police judiciaire peuvent également faire procéder à ces opérations sous leurs ordres par des agents de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et par le procureur de la République, que les personnes publiques gestionnaires du port désignent pour cette tâche. En ce qui concerne la visite des bagages à main, ces agents procèdent à leur inspection visuelle et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. En ce qui concerne la visite des personnes, leur intervention porte sur la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle. Avec le consentement de la personne, ils peuvent procéder à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne du même sexe que la personne qui en fait l'objet.
« Les agréments prévus au précédent alinéa sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement apparaît incompatible avec l'exercice des missions susmentionnées. L'agrément ne peut être retiré par le représentant de l'Etat dans le département et par le procureur de la République qu'après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations. Il peut faire l'objet d'une suspension immédiate en cas d'urgence.
« Les agents des douanes peuvent, sous les mêmes conditions et dans les zones visées au premier alinéa, procéder à la visite des personnes, des bagages, des colis, des marchandises, des véhicules et des navires, à l'exception des parties à usage exclusif d'habitation et des locaux syndicaux. Ils peuvent y faire procéder sous leurs ordres par des agents désignés dans les conditions et selon les modalités fixées aux deux alinéas précédents.
« Les agents de l'Etat précités peuvent se faire communiquer tous documents nécessaires aux visites auxquelles ils procèdent.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ces amendements ont pour objet de renforcer les contrôles des personnes lors d'opérations d'embarquement dans les ports et les aéroports.
Les fouilles de bagages à main dont sont porteurs les passagers où les palpations de sécurité destinées à assurer le contrôle des passagers lors de l'accès dans les zones d'embarquement ne peuvent aujourd'hui être effectuées que par des officiers de police judiciaire.
Le fait a depuis longtemps débordé le droit. Chacun comprend que, dans cette période nouvelle, il vaut mieux que les effectifs de police soient employés à des tâches de prévention et d'investigation et à des contrôles mobiles plutôt qu'à des opérations de contrôle purement matérielles.
L'amendement du Gouvernement consiste donc à autoriser les agents de police judiciaire et les adjoints de sécurité ou les gendarmes volontaires et, à titre subsidiaire, les agents privés de sécurité à effectuer, en dehors de l'inspection visuelle des bagages qu'ils peuvent déjà faire, la fouille des bagages à main ainsi que des palpations de sécurité, sous un certain nombre de strictes garanties.
Ces agents sont sous le contrôle et les ordres des officiers de police judiciaire, qui sont présents à proximité des zones de contrôle.
La visite des personnes requiert l'usage des dispositifs techniques de contrôle : portiques, détecteurs, etc.
La palpation elle-même, qui n'est évidemment pas une fouille au corps, ne peut être réalisée qu'avec le consentement de la personne concernée ; à défaut, l'officier de police judiciaire compétent doit être requis. Elle doit être faite bien entendu par une personne du même sexe.
J'indique enfin que les agents privés de sécurité sont habilités par le préfet et le procureur de la République.
Ce dispositif est décliné pour le contrôle des zones d'embarquement des aéroports, d'une part, et des ports maritimes, d'autre part.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ces dispositions étant hautement nécessaires, la commission est favorable aux amendements n°s 5 et 6.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 3 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
« Art. 3-1 . - Les personnes physiques exerçant l'activité mentionnée au deuxième alinéa de l'article 1er peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages à main et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.
« Les personnes physiques exerçant l'activité mentionnée au deuxième alinéa de l'article 1er, spécialement habilitées à cet effet et agréées par le représentant de l'Etat dans le département, peuvent, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne du même sexe que la personne qui en fait l'objet. Ces circonstances particulières sont constatées par un arrêté du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police, qui en fixe la durée et détermine les lieux ou catégories de lieux dans lesquels les contrôles peuvent être effectués. »
Le sous-amendement n° 86, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa et dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 7, après les mots : "de l'article 1er", insérer les mots : "ou à l'article 11-1". »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cet amendement, qui vise à assurer la protection des personnes dans les lieux recevant du public - stades, grands magasins, théâtres, musées, pour citer quelques exemples - ou les lieux sensibles, tels que les centrales nucléaires, a deux finalités.
Au premier alinéa du texte qu'il vous est proposé d'adopter, il s'agit de mettre en adéquation la réalité et le droit.
Chacun a constaté, depuis la décision de mettre en oeuvre le dispositif Vigipirate, que, pour l'accès à des lieux recevant du public ou à des sites sensibles, des personnels procédaient à l'inspection visuelle des sacs et bagages à main. Il convient de conforter cette action indispensable à la protection de nos concitoyens en la faisant exécuter par les seuls agents de sécurité privée habilités au titre de la loi du 12 juillet 1983, et en les autorisant à fouiller éventuellement les bagages transportés.
Je tiens à insister sur ce point : le champ d'application de ces dispositions concerne les lieux recevant du public ou les sites sernsibles. Si besoin était, en application de l'article 19 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, un décret en Conseil d'Etat pourra préciser ce champ d'appliation.
Ensuite, au second alinéa de ce même texte, il est également prévu de mettre en oeuvre, dans tout lieu recevant du public, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique, constatées par arrêté préfectoral, des mesures de palpation de sécurité. On pense, par exemple, à certaines rencontres sportives qui nécessitent des dispositifs préventifs de contrôle d'accès renforcés.
M. le président. La parole est à M. Karoutchi, pour présenter le sous-amendement n° 86.
M. Roger Karoutchi. Il s'agit d'étendre les dispositions prévues par l'amendement n° 7 à l'ensemble du secteur des transports publics.
Ainsi que M. le ministre vient de le dire à l'instant, il souhaite accorder, dans des lieux comme les théâtres, les enceintes sportives, la possibilité d'un contrôle. Mais au même titre que ces lieux, et nous l'avons vu lors de ces dernières années, il est clair que le métro, à Paris, et les trains sont aussi les cibles éventuelles d'attentats.
Par conséquent, ce sous-amendement vise simplement à faire en sorte que le personnel de sécurité de la RATP et celui de la SNCF - même si je ne suis pas toujours d'accord sur la manière dont sont organisés les services de sécurité en question, mais nous y reviendrons ultérieurement dans nos débats - aient les mêmes droits que les personnels de sécurité à l'entrée des stades.
S'il doit y avoir fouille de bagages ou palpation, il faut étendre ces dispositifs de sécurité au métro et aux trains parce que c'est d'abord là que la crainte de nos concitoyens s'exprime le plus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 et sur le sous-amendement n° 86 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 86 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je comprends bien l'objet de ce sous-amendement, mais je le crois inutile.
En effet, l'article 27 du projet de loi déjà voté qui introduit un article 11-1 dans la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds donne d'ores et déjà aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP la possibilité de procéder, si besoin, à des fouilles de bagages et à des palpations de sécurité.
Ces agents ont pour mission, selon la disposition votée, de veiller à la sécurité des personnes et des biens, dans le cadre d'une mission de prévention. Ils ont ainsi une mission analogue à celles qui sont dévolues aux agents de sécurité privée qui se verront reconnaître, de par le présent article, la possibilité de procéder à des fouilles de bagages et à des palpations de sécurité.
En conséquence, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, dès lors qu'ils seront agréés à ce titre, pourront procéder à des fouilles de bagages et à des palpations de sécurité.
Le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article 11-1 qui doit préciser les conditions d'exercice des missions des agents de sécurité internes de la SNCF et de la RATP en fera mention pour éviter toute ambiguïté.
Dès lors, le sous-amendement n° 86 n'est pas utile, et je souhaiterais vivement qu'il soit retiré compte tenu des discussions et des travaux que nous avons conduits avec les responsables, notamment de la commission des lois de l'Assemblée nationale, afin que nous puissions aboutir, ensemble, comme convenu, publiquement et dans la transparence.
M. le président. Monsieur Karoutchi, votre sous-amendement est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Puisque, M. le ministre s'engage à ce que les services de sécurité de la RATP et de la SNCF soient expressément cités dans le décret, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 86 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Concrètement, pour que ce texte soit appliqué, y a-t-il assez de femmes agents de police judiciaire ou agents des sociétés de sécurité privées susceptibles de procéder, de femme à femme, à la palpation de sécurité ? Sinon ce texte sera inutile faute de la possibilité concrète de l'appliquer.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, je vous prie de m'excuser de poser une question de caractère rédactionnel à M. le ministre : s'agissant d'inspections visuelles de bagages à main ou de palpations de sécurité, est-il nécessaire de préciser qu'elles ne concernent que les personnes physiques ?
Je ne vois pas bien comment elles pourraient intéresser des personnes morales ! Peut-être pourrions-nous donc faire l'économie de l'adjectif « physiques »... (Sourires.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je saisis le sens de votre remarque, monsieur Fauchon, mais chacun a bien compris qu'il s'agit de personnes physiquement constituées et pas d'autre chose ! (Nouveaux sourires.)
Je veux maintenant rassurer M. Hamel : le corps des adjoints de sécurité concernés par ces mesures se féminise largement, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant des effectifs de police, même si une progression y est observée. La proportion des femmes est de l'ordre de 20 % dans la police et elle est beaucoup plus élevée chez les adjoints de sécurité. C'est également vrai pour les personnels des sociétés privées qui pourront être agréées pour procéder à ces fouilles et à ces palpations.
Je peux donc réitérer la garantie que j'avais déjà apportée : il n'y aura de contrôle par palpation que de sexe à sexe afin d'éviter des problèmes qu'à cette heure je ne voudrais pas évoquer moi non plus, monsieur le sénateur.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je voterai, bien sûr, cet amendement. Toutefois, je souhaite vous demander, monsieur le ministre, si les agents de sécurité de la ville de Paris sont habilités au même titre que les personnels visés par cet amendement. Je pense, en particulier, à ceux qui sont affectés à la garde des points sensibles tels que les mairies d'arrondissements. Je suis obligé de faire observer, car je les connais un peu, que ces personnels ne sont pas encore féminisés et que nous sommes loin de la parité, tout simplement parce qu'ils exercent un métier assez dangereux.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pour éviter toute ambiguïté, je procéderai aux vérifications utiles, mais je ne crois pas que les agents de la ville de Paris soient concernés par les mesures dont nous discutons actuellement. Par conséquent, d'une certaine manière, vous avez une réponse à votre question, monsieur le sénateur. (M. Caldaguès s'exclame.) A priori, les agents de la ville de Paris ne sont pas concernés par ce type de palpations.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous venons de leur attribuer la qualité d'agent de police judiciaire adjoint. A ce titre, ils pourraient être habilités à le faire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter. L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 17 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un article 17-1 ainsi rédigé :
« Art. 17-1 . - Les décisions administratives d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant, soit l'exercice de missions de sécurité ou de défense, soit l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce, soit l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, font l'objet d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des candidats n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.
« Les enquêtes administratives dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat peuvent donner lieu à la consultation par des agents habilités de la police et de la gendarmerie nationales, des traitements autorisés de données personnelles gérés par les services de police judiciaire ou de gendarmerie, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours, dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la nation.
« La consultation mentionnée au précédent alinéa peut également être effectuée pour l'exercice de missions ou d'interventions lorsque la nature de celles-ci ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes. »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il s'agit de la consultation des fichiers.
Actuellement, l'Etat ne dispose pas des moyens légaux nécessaires pour s'assurer que telle ou telle personne qu'il veut recruter ou agréer dans des fonctions touchant à la sécurité, ou encore que tel ou tel agent ayant accès à certaines zones sensibles, comme les sites de centrales nucléaires, présente toutes les garanties au regard des exigences de la sécurité du plus grand nombre.
L'amendement n° 8 permet d'organiser ce type d'enquête pour s'assurer, dans des conditions juridiquement claires, du comportement des personnes dont l'emploi concerne directement la sécurité des personnes.
Concrètement, cela vise l'exercice des missions de sécurité et de défense, l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce ou l'utilisation de matériels et de produits présentant un caractère dangereux, notamment le port d'armes.
Ces enquêtes ne pourront être réalisées que dans les cas où l'administration doit, le cas échéant, à la demande d'un employeur privé, prendre une décision d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation dans des conditions prévues par ces dispositions législatives et réglementaires. La liste en sera déterminée par décret en Conseil d'Etat.
Les garanties sont, là aussi, présentes.
Premièrement, le champ d'application de ces mesures sera volontairement circonscrit, et sera précisément défini par un décret pris après consultation du Conseil d'Etat.
Deuxièmement, la consultation ne pourra avoir lieu que dans le cadre de la prise d'une décision administrative, elle-même encadrée par des dispositions législatives et réglementaires susceptibles d'être soumises, le cas échéant, au contrôle de légalité du juge administratif, éventuellement dans le cadre d'une procédure en référé.
Troisièmement, une condition est posée par les termes de la loi : cette consultation doit correspondre à la stricte mesure exigée par la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la nation, ce qui doit impliquer une prise en compte dûment proportionnée à ces seuls objectifs des éventuels constats contenus dans ces fichiers.
Bien entendu, ces garanties ressortissent du fait que seuls pourront être consultés les fichiers dûment autorisés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
Enfin, le dernier alinéa de l'amendement permet aux services de police et de gendarmerie, lorsqu'une intervention de police administrative laisse apparaître un risque d'atteinte à l'ordre public, par exemple à l'occasion d'une intervention sur un forcené, de consulter les fichiers, cette consultation se faisant toujours, je le rappelle, par des personnels habilités. Il s'agit là de préserver la vie des policiers et des gendarmes qui, en consultant le fichier, pourront mieux appréhender le risque encouru.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article L. 32-3 du code des postes et télécommunications, deux articles L. 32-3-1 et L. 32-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 32-3-1. - I. - Les opérateurs de télécommunications, et notamment ceux mentionnés à l'article 43-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sont tenus d'effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative à une communication dès que celle-ci est achevée, sous réserve des dispositions des II, III et IV ci-après.
« II. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le IV, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications.
« III. - Pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de télécommunications, les opérateurs peuvent, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement, les catégories de données techniques qui sont déterminées, dans les limites fixées par le IV, selon l'activité des opérateurs et la nature de la communication, par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Les opérateurs peuvent en outre réaliser un traitement de ces données en vue de commercialiser leurs propres services de télécommunications, si les usagers y consentent expressément et pour une durée déterminée. Cette durée ne peut, en aucun cas, être supérieure à la période correspondant aux relations contracturelles entre l'usager et l'opérateur.
« IV. - Les données conservées et traitées dans les conditions définies aux II et III portent exclusivement sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs et sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers.
« Elles ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications.
« La conservation et le traitement de ces données s'effectuent dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les opérateurs prennent toutes mesures pour empêcher une utilisation de ces données à des fins autres que celles prévues au présent article.
« Art. L. 32-3-2 . - La prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés aux article L. 33-1 L. 34-1 et L. 34-2 pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de télécommunications présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement.
« La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de télécommunications d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité. »
« II. - Il est rétabli, dans le même code un article L. 39-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 39-3. - I. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait pour un opérateur de télécommunications ou ses agents :
« 1° De ne pas procéder aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonyme les données relatives aux communications dans le cas où ses opérations sont prescrites par la loi ;
« 2° De ne pas procéder à la conservation des données techniques dans les conditions où cette conservation est exigée par la loi.
« Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction à été commise.
« II. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au I.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° La peine mentionnée au 2° de l'article 131-9 du code pénal, pour une durée de cinq ans au plus ;
« 3° La peine mentionnée au 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-9 du code pénal porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
Le sous-amendement n° 87, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du II du texte proposé par le I de l'amendement n° 9 pour l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications, remplacer les mots : "d'un an" par les mots : "de trois mois". »
Le sous-amendement n° 78, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le II du texte proposé par le I de l'amendement n° 9 pour l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications par les mots suivants : ", ainsi que les conditions d'une juste rémunération des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs". »
Le sous-amendement n° 76, présenté par M. Pelchat et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le I de l'amendement n° 9 pour l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les coûts liés aux équipements et aux personnels nécessaires à la conservation des données visées au présent article n'incombent pas aux opérateurs de télécommunication et notamment ceux mentionnés à l'article 43-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée. Les modalités de prise en charge de ces coûts par l'Etat seront définies par le décret en Conseil d'Etat prévu au paragraphe II du présent article. »
Le sous-amendement n° 88, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le I de l'amendement n° 9 pour l'article L. 32-3-1 du code des postes et rélécommunications par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les coût d'équipement et d'exploitation nécessaires à la conservation des données visées au présent article sont à la charge de l'Etat. Les modalités de prise en charge seront definies par le décret en Conseil d'Etat prévu au paragraphe II du présent article. »
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 9.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Cet amendement concerne la conservation des données de connexion.
Les événements récents ont démontré que l'utilisation des moyens de télécommunications, des réseaux numériques et de l'Internet était au coeur des échanges d'informations entre les membres des réseaux terroristes.
Ces pratiques nous conduisent évidemment à nous interroger sur la capacité de nos services judiciaires à enquêter soit sur les crimes et délits commis sur les réseaux numériques - intrusion, piratage, vol de données - soit sur les crimes et délits commis à l'aide des réseaux numériques.
De telles enquêtes supposent que puissent être exploitées les données enregistrées par les opérateurs de télécommunications à l'occasion de l'établissement des communications en cause. Ces données sont, en effet, autant de « traces » laissées par les intéressés dans le monde virtuel, comme le seraient des empreintes ou des indices dans le monde réel. Mais, dans le monde virtuel, ces données peuvent faire l'objet d'un effacement absolu, laissant ainsi l'infraction ou sa préparation sans aucun indice ou preuve matériels.
Il est nécessaire que la France se dote, à cet égard, d'un dispositif législatif clair et transparent encadrant strictement la conservation de ces données techniques à des fins de recherche, de constatation et de poursuite des infractions pénales, de manière que les autorités judiciaires ne soient pas tributaires des données conservées pour leurs propres besoins par les opérateurs, selon les choix commerciaux qu'ils auront fait. Tel est l'objet de l'amendement n° 9, qui reprend ainsi des dispositions présentées par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information.
J'entends préciser, pour la clarté du débat, que n'est ici en question que la conservation des données permettant d'identifier un poste émetteur et, le cas échéant, un poste récepteur, la durée de la connexion, voire ses conditions techniques. Il ne s'agit, en aucune façon, de l'interception du contenu des communications qui, pour les échanges téléphoniques comme pour les échanges de courrier électronique, a d'ores et déjà et continuera à avoir pour seul cadre légal la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications.
Donner un cadre législatif clair et transparent à la conservation des données techniques qui ont trait aux télécommunications impose de revoir l'ensemble du dispositif relatif aux obligations des opérateurs.
En effet, en vertu d'une directive européenne en date du 15 décembre 1997, les opérateurs de télécommunication ont, en principe, l'obligation d'effacer ou de rendre anonyme l'ensemble des données dont ils disposent dès que la communication est terminée. La conservation des données n'est donc envisageable que par voie d'exception à ce principe, notamment pour les besoins liés à la facturation par les opérateurs eux-mêmes de leurs services ou, selon les termes de l'article 14 de la directive, lorsque cela « constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder la sûreté de l'Etat, la défense, la sécurité publique, la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales ».
C'est cette logique que les modifications proposées au code des postes et télécommunications déclinent, tout en apportant trois précisions.
Tout d'abord, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, énumérera précisément la nature des données susceptibles d'être ainsi conservées tant au titre des besoins propres des opérateurs qu'au titre des besoins des enquêtes pénales. Ce décret précisera également leur durée de conservation, étant entendu que celle-ci ne saurait être supérieure à un an, maximum posé par la loi. Cette durée correspondra également à celle des besoins propres des opérateurs puisque la prescription de l'action en paiement des services de télécommunication sera désormais fixée uniformément à un an.
Ensuite, les données ainsi conservées - je l'ai déjà précisé - ne pourront en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit. Elles ne pourront être transmises, en dehors de l'opérateur concerné, qu'aux autorités judiciaires, dans le cadre d'une procédure pénale.
Enfin, un dispositif pénal est prévu pour sanctionner la méconnaissance des obligations posées par cet article, en ce qui concerne tant le principe d'effacement que l'obligation subsidiaire de conservation.
En conclusion, je souhaite rappeler que ces dispositions, comme les autres qui vous sont aujourd'hui proposées au titre du renforcement de la lutte contre le terrorisme, voient leur application limitée dans le temps. Elles ne sont évidemment pas par nature d'application provisoire et elles avaient bien été conçues, à l'origine, de façon pérenne. Mais la procédure d'urgence souhaitée par ce Gouvernement pour assurer une entrée en vigueur la plus rapide possible de ces mesures nécessite que le Parlement soit assuré d'être saisi, comme l'a expliqué tout à l'heure mon collègue Daniel Vaillant, dans des délais raisonnables et dans des conditions plus habituelles, des modalités de leur pérennisation.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour défendre le sous-amendement n° 87.
M. Jean-Jacques Hyest. On s'aperçoit qu'il est quelquefois difficile d'approuver ou d'appliquer rapidement les directives. A cet égard, les opérateurs vont se voir imposer, par exception, un certain nombre d'obligations. Bien évidemment, celles-ci ont un coût qui, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel en d'autres domaines, doit être à la charge de l'Etat.
Dans la mesure où le financement de cette obligation n'était pas précisé, il me paraissait préférable de prévoir une limitation dans le temps, étant entendu qu'une période de trois mois semblait suffisante. Toutefois, comme d'autres amendements prévoyant les modalités de remboursement de cette charge ont été adoptés, avec l'accord de la commission des lois, je retire ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 87 est retiré.
La parole est à M. Hérisson, pour défendre le sous-amendement n° 78.
M. Pierre Hérisson. L'amendement n° 9 du Gouvernement reprend des dispositions initialement prévues pour figurer dans le projet de loi sur la Société de l'information, déposé à l'Assemblée nationale.
C'est à ce titre que le bureau de la commission des affaires économiques, qui n'est pas saisie du texte, m'a mandaté pour étudier la question. Nous en avons débattu hier, lors de notre réunion, et les commissaires de la majorité sénatoriale ont soutenu le sous-amendement que je vous présente.
L'amendement n° 9 du Gouvernement pose le principe de l'effacement des données techniques liées aux télécommunications et, surtout, aux connexions à Internet, afin de préserver l'anonymat et la vie privée, mais il prévoit deux exceptions à cet effacement, pour une durée maximale d'un an : d'une part, pour les besoins de la facturation par les opérateurs et, d'autre part, pour la recherche, la constatation et la poursuite des infractions pénales.
Les événements récents ont montré qu'il fallait pouvoir utiliser les données techniques relatives aux communications et aux connexions Internet, qui sont autant de « traces » laissées par les terroristes. On ne peut donc que souscrire au principe de cet amendement, qui rendra plus efficaces les recherches judiciaires. C'est ce qu'ont fait, dans une position commune, les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d'accès à Internet. D'ores et déjà, les fournisseurs d'accès à Internet, par exemple, répondent à cinq cents réquisitions judiciaires par an sur les données de connexions qu'ils conservent actuellement pour trois mois au plus.
Toutefois, s'agissant d'une dépense de sécurité publique, il me semble important de préserver l'égalité de tous devant les charges publiques, impératif qui a été rappelé l'an dernier par le Conseil consitutionnel dans sa décision sur le collectif budgétaire, au sujet de la prise en charge du financement des interceptions de sécurité. L'Etat voulait transférer le paiement aux opérateurs ; le Conseil constitutionnel, saisi par les sénateurs, l'avait refusé.
Le sous-amendement n° 78 répond à cet impératif en reprenant les termes mêmes de la décision du Conseil constitutionnel et il clarifie le régime de prise en charge des coûts afférents au stockage de ces données, que l'amendement du Gouvernement ne précise pas. Il s'agit de rémunérer les prestations assurées au titre de la sécurité publique, à la demande de l'Etat, par les opérateurs.
J'ajoute que tel est déjà le cas, sur le fondement d'un texte réglementaire, pour les réquisitions judiciaires actuelles. Cependant, pour augmenter de trois à douze mois maximum le délai de stockage des données, des dépenses devront être engagées tant en équipements que pour l'exploitation ultérieure de ces données. Il me semble légitime que la collectivité en supporte le coût.
J'en profite pour m'associer aux préoccupations exprimées par notre excellent rapporteur et par MM. Hyest et Pelchat, également auteurs de sous-amendements.
J'attends du Gouvernement deux précisions.
D'une part, quel type de données seront concernées par le décret ? Il vaut mieux, à mon avis, inclure les données de connexions et non l'ensemble des données de trafic qui, étant donné leur nombre, auraient un coût exorbitant pour la collectivité.
D'autre part, quel sera le délai de stockage ? Je pense qu'il faut laisser au décret le soin de le préciser, mais j'aimerais avoir la confirmation que l'avis de la CNIL sera suivi par les rédacteurs du décret. Le délai d'un an semble, en effet, un peu excessif.
Monsieur le président, je vous prie d'excuser la longueur de cette présentation, mais il s'agit d'un sujet très important et il convenait que soit clarifiée la décision du Conseil constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Pelchat, pour présenter le sous-amendement n° 76.
M. Michel Pelchat. Je le retire, monsieur le président, au profit du sous-amendement n° 78.
M. le président. Le sous-amendement n° 76 est retiré.
La parole est à M. Hyest, pour défendre le sous-amendement n° 88.
M. Jean-Jacques Hyest. Je le retire, monsieur le président, également au profit du sous-amendement n° 78.
M. le président. Le sous-amendement n° 88 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 9 et sur le sous-amendement n° 78.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 9, sous réserve que le Gouvernement fournisse des apaisements précis à nos collègues MM. Hérisson et Pelchat.
La commission est favorable au sous-amendement n° 78, présenté par M. Hérisson.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 78 ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le sous-amendement n° 78 vise à mettre à la charge de l'Etat les coûts générés par l'obligation de conservation des données imposée aux opérateurs de télécommunication par l'amendement n° 9, que je viens de défendre.
Les principes posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 2000 selon lesquels les opérateurs de réseaux de télécommunication ne sauraient supporter les coûts générés par l'équipement et le fonctionnement des dispositifs techniques justifiés exclusivement par des nécessités d'ordre public sont évidemment applicables en l'espèce, et le Gouvernement n'entend pas y déroger.
Cependant, des dispositifs de conservation des données techniques relatives aux télécommunications peuvent toujours, comme c'est le cas aujourd'hui, être mis en place par les opérateurs pour leurs propres besoins commerciaux, en premier lieu pour leurs besoins de facturation. Les opérateurs vont utiliser cette possibilité. Il conviendra donc de déterminer au cas par cas, notamment pour les opérateurs qui offrent des services gratuits, si les obligations générées par la loi induisent effectivement des surcoûts identifiables, et dans quelle mesure ces surcoûts ne seront pas compensés par les frais relatifs aux réquisitions judiciaires. Si tel est le cas, il va de soi que le Gouvernement prendra les dispositions nécessaires pour assurer leur prise en charge.
Cependant, je ne saurais accepter en l'état ce sous-amendement n° 78.
En effet, à la différence de la disposition législative censurée par le Conseil constitutionnel, les termes de la loi que nous soumettons à votre vote ne contredisent pas du tout le principe constitutionnel ainsi rappelé. Compte tenu donc de ces explications, il serait souhaitable que M. Hérisson retire le sous-amendement n° 78.
Je répondrai maintenant en quelques mots aux questions incidentes qui m'ont été posées.
S'agissant des sujétions techniques imposées aux opérateurs, la part la plus significative est constituée en réalité, vous avez raison, par l'organisation de la conservation. Reste que, une fois cette conservation organisée, le délai de conservation dans la limite d'un an ne change guère ni la nature ni l'importance des dispositifs techniques à mettre en place, compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure pour la facturation. Nous nous engageons donc à examiner les situations au cas par cas, y compris pour tout ce qui concerne les services gratuits.
Vous m'avez également demandé des précisions concernant la CNIL Nous examinerons avec intérêt le résultat de la consultation de la CNIL et nous en tiendrons le plus grand compte.
Mais je vous dois toute la transparence et toute la clarté nécessaires et je m'empresse d'ajouter que si, par exemple, la CNIL se prononçait pour un délai de quinze jours, compte tenu de ce qu'on sait des procédures pénales et des enquêtes préliminaires, nous ne pourrions l'accepter. Songez à ces délits dont on a déjà eu malheureusement à parler, pédo-pornographie, réseaux pédophiles, traite des êtres humains, ou organisation de réseaux terroristes. Si un magistrat ne devait disposer que de deux ou trois semaines pour recueillir les données utiles, et compte tenu de l'importance du temps dans les procédures, qui seul garantit le sérieux du travail accompli, cela reviendrait à nous interdire l'accès à ces données. Gageons que la CNIL, à qui nous fournirons un maximum de précisions sur les enquêtes et ce qu'elles exigent, nous accordera un délai suffisant.
Mais je ne serais pas franche avec vous si je vous disais qu'en tout état de cause nous accepterions si le délai, bref soit-il, car nous serions alors confrontés aux problèmes que j'évoquais. Voilà pourquoi je tenais à être très claire sur la position du Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Dans ces conditions, je souhaiterais que le sous-amendement soit retiré.
M. le président. Monsieur Hérisson, le sous-amendement n° 78 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson Oui, monsieur le président.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. J'aurais souhaité que ce sous-amendement fût retiré sur la foi de mes arguments qui, malheureusement, ne semblent pas avoir été assez convaincants. Dans ces conditions, j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président. Monsieur Moreigne, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Michel Moreigne. Au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, le sous-amendement n° 78 n'est pas recevable.
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 230 du code de procédure pénale, il est inséré un titre IV ainsi rédigé :

« Titre IV. - Dispositions communes
« Chapitre unique
« De la mise au clair des données chiffrées nécessaires à la manifestation de la vérité.
« Art. 230-1 . - Sans préjudice des dispositions des articles 60, 77-1 et 156, lorsqu'il apparaît que des données saisies ou obtenues au cours de l'enquête ou de l'instruction ont fait l'objet d'opérations de transformation empêchant d'accéder aux informations en clair qu'elles contiennent ou de les comprendre, le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peut désigner toute personne physique ou morale qualifiée, en vue d'effectuer les opérations techniques permettant d'obtenir la version en clair de ces informations ainsi que, dans le cas où un moyen de cryptologie a été utilisé, la convention secrète de déchiffrement, si cela apparaît nécessaire.
« Si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement et que les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie del'affaire peut prescrire le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au présent chapitre.
« Art. 230-2 . - Lorsque le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire décident d'avoir recours, pour les opérations mentionnées à l'article 230-1, aux moyens de l'Etat couverts par le secret de la défense nationale, la réquisition écrite doit être adressée au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information, avec le support physique contenant les données à mettre au clair ou une copie de celui-ci. Cette réquisition fixe le délai dans lequel les opérations de mise au clair doivent être réalisées. Le délai peut être prorogé dans les mêmes conditions de forme. A tout moment, l'autorité judiciaire requérante peut ordonner l'interruption des opérations prescrites.
« Le service de police judiciaire auquel la réquisition a été adressée transmet sans délai cette dernière ainsi que, le cas échéant, les ordres d'interruption, à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret. Les données protégées au titre du secret de la défense nationale ne peuvent être communiquées que dans les conditions prévues par la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une commission consultative du secret de la défense nationale.
« Art. 230-3 . - Dès l'achèvement des opérations ou dès qu'il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l'expiration du délai prescrit ou à la réception de l'ordre d'interruption émanant de l'autorité judiciaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l'organisme technique au service de police judiciaire qui lui a transmis la réquisition. Sous réserve des obligations découlant du secret de la défense nationale, les résultats sont accompagnés des indications techniques utiles à la compréhension et à leur exploitation ainsi que d'une attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis.
« Ces pièces sont immédiatement remises à l'autorité judiciaire par le service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information.
« Les éléments ainsi obtenus font l'objet d'un procès-verbal de réception et sont versés au dossier de la procédure.
« Art. 230-4 . - Les décisions judiciaires prises en application du présent chapitre n'ont pas de caractère juridictionnel et ne sont susceptibles d'aucun recours.
« Art. 230-5 . - Sans préjudice des obligations découlant du secret de la défense nationale, les agents requis en application des dispositions du présent chapitre sont tenus d'apporter leur concours à la justice. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Dans les cas les plus sophistiqués de cryptologie, le déchiffrement des messages entre membres des réseaux terroristes suppose le recours à des experts de très haut niveau, voire à des moyens d'Etat couverts par le secret de la défense nationale. Il est donc nécessaire d'organiser le recours à ces moyens de manière à assurer leur fiabilité juridique dans le cadre d'une procédure pénale. Tel est l'objet de l'amendement n° 10 rectifié proposé par le Gouvernement, qui est également repris des dispositions présentées dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information.
A cet effet, les articles 230-1 à 230-5 nouveaux du code de procédure pénale prévoient la possibilité, pour les autorités judiciaires, si la peine encourue est supérieure à deux ans d'emprisonnement, de saisir l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, qui sera chargé de transmettre la demande de déchiffrement à un centre technique d'assistance placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Les résultats devront être communiqués au magistrat compétent par la même voie, accompagnés des indications techniques utiles à leur compréhension et à leur exploitation, dans le respect, toutefois, des obligations découlant du secret de la défense nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, après l'article 11 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications, un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1 . - Les personnes physiques ou morales qui fournissent des prestations de cryptologie visant à assurer une fonction de confidentialité sont tenues de remettre aux agents autorisés dans les conditions prévues à l'article 4, sur leur demande, les conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen des prestations qu'elles ont fournies. Les agents autorisés peuvent demander aux fournisseurs de prestations susmentionnés de mettre eux-mêmes en oeuvre ces conventions, sauf si ceux-ci démontrent qu'ils ne sont pas en mesure de satisfaire à ces réquisitions.
« Le fait de ne pas déférer, dans ces conditions, aux demandes des autorités habilitées est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 EUR d'amende.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les procédures suivant lesquelles cette obligation est mise en oeuvre ainsi que les conditions dans lequelles la prise en charge financière de cette mise en oeuvre est assujettie par l'Etat ».
« II. - Il est inséré, après l'article 434-15-1 du code pénal, un article 434-15-2 ainsi rédigé :
« Art. 434-15-2 . - Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR d'amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.
« Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en oeuvre de la convention aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 EUR d'amende. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Ce dispositif est également extrait des dispositions préparées dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information. Il constitue le deuxième élément de lutte contre l'usage frauduleux de moyens de cryptologie qui interviennent dans la commission d'infractions particulièrement graves liées, on l'a vu, à des actes de terrorisme ou de grande criminalité.
Dans le cadre des interceptions de sécurité menées par l'autorité administrative, les fournisseurs de prestations de cryptologie seront ainsi tenus de fournir les conventions de chiffrement ou de faire la preuve de leur incapacité à exécuter cette demande. Leur refus sera réprimé de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Parallèlement, sera réprimé le fait de refuser de remettre la convention de déchiffrement d'informations cryptées ou de la mettre en oeuvre, lorsqu'un moyen de cryptologie est susceptible d'avoir été employé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit. Le refus de déférer à cette réquisition sera réprimé de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. La peine sera aggravée si la remise de la convention de déchiffrement aurait permis d'éviter la commission du crime ou du délit ou d'en limiter les effets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 706-70 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXIII ainsi rédigé :
« Titre XXIII
« De l'utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure
« Art. 706-71 . - Lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, l'audition ou l'interrogatoire d'une personne ainsi que la confrontation entre plusieurs personnes peuvent être effectués en plusieurs points du territoire de la République se trouvant reliés par des moyens de télécommunications garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacun des lieux, un procès verbal des opérations qui y ont été effectuées. Ces opérations peuvent faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel ou sonore, les dispositions des quatrième à neuvième alinéas de l'article 706-52 sont alors applicables.
« En cas de nécessité, résultant de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer, l'assistance de l'interprète au cours d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation peut également se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunications.
« Les dispositions du présent article sont également applicables pour l'exécution simultanée sur un point du territoire de la République et sur un point situé à l'extérieur, de demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères ou des actes d'entraide réalisés à l'étranger sur demande des autorités judiciaires françaises.
« Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. L'internationalisation des réseaux criminels et terroristes, la mondialisation de la riposte, qui mobilise de nombreuses autorités policières et judiciaires dans le monde, le respect scrupuleux des règles de procédure pénale imposant des délais raccourcis de procédure, tout cela invite à l'utilisation de nouvelles méthodes d'investigation et au recours à l'usage de moyens appropriés pour rendre plus efficace et plus rapide la réponse judiciaire.
Le dispositif proposé doit permettre, pour les nécessités de l'enquête ou de l'instruction, de procéder à l'audition, l'interrogation, la confrontation de personnes situées en plusieurs points du territoire national ou à l'étranger, par le recours à un moyen de communication audiovisuel avec enregistrement.
Ainsi, la définition d'un cadre juridique permettant l'utilisation d'un moyen de communication audiovisuel au cours de la procédure permettrait de faciliter, par exemple, des auditions de témoins ou de personnes mises en cause pour des faits similaires, appartenant à des mêmes réseaux terroristes mais tenus à la disposition d'autorités judiciaires de différents Etats, comme nous en avons discuté hier à propos du mandat d'arrêt européen.
De tels actes de procédure ainsi juridiquement validés permettraient une rapidité d'exécution de l'acte, une facilité pour procéder à un nouvel acte d'instruction, un amoindrissement des risques liés aux transferts de personnes et l'évitement, au moins provisoire, des règles complexes relatives aux prêts de détenus, à l'exécution des commissions rogatoires internationales avec déplacement du magistrat et des enquêteurs, ou à l'extradition.
La mise en oeuvre de ce dispositif est préconisée, par exemple, par la convention d'entraide pénale du 29 mai 2000, non encore transposée.
Dans certains cas très récents, si nous avions pu bénéficier de ce type d'enregistrement au lieu de remises provisoires, qui sont extrêmement lourdes, nous aurions été beaucoup plus promptes dans certaines enquêtes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par la commission.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .
L'amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 6 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 421-1 du code pénal est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;
« 7° Les délits d'initié prévus à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier. »
« II. - Il est inséré, après l'article 421-2-1 du code pénal, un article 421-2-2 ainsi rédigé :
« Art. 421-2-2. - Constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou bien utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d'un tel acte. »
« III. - L'article 421-5 du code pénal est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "L'acte de terrorisme défini à l'article 421-2-1 est puni" sont remplacés par les mots : "Les actes de terrorisme définis aux articles 421-2-1 et 421-2-2 sont punis".
« 2° Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« La tentative du délit défini à l'article 421-2-2 est punie des mêmes peines. »
« 3° Au dernier alinéa, les mots : "au délit prévu" sont remplacés par les mots : "aux délits prévus." »
« IV. - Il est inséré, après l'article 422-5 du code pénal, deux articles 422-6 et 422-7 ainsi rédigés :
« Art. 422-6. - Les personnes physiques ou morales reconnues coupables d'actes de terrorisme encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. 422-7. - Le produit des sanctions financières ou patrimoniales prononcées à l'encontre des personnes reconnues coupables d'actes de terrorisme est affecté au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. »
« V. - L'article 706-17 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'instruction des actes de terrorisme définis aux 5° à 7° de l'article 421-1 du code pénal et à l'article 421-2-2 de ce même code peut être confiée, le cas échéant dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 83, à un magistrat du tribunal de grande instance de Paris affecté aux formations d'instruction spécialisées en matière économique et financière en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 704. »
« VI. - Il est inséré, après l'article 706-24-1 du code de procédure pénale, un article 706-24-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-24-2. - En cas d'information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que l'exécution de la confiscation prévue à l'article 422-6 du code pénal, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.
« La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
« La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
« Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national. »
« VII. - Il est inséré, après l'article 689-9 du code de procédure pénale, un article 689-10 ainsi rédigé, qui sera applicable à la date d'entrée en vigueur de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme ouverte à la signature à New York, le 10 janvier 2000 :
« Art. 689-10. - Pour l'application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature à New York le 10 janvier 2000, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article 689-1 toute personne coupable d'un crime ou d'un délit défini par les articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal lorsque cette infraction constitue un financement d'actes de terrorisme au sens de l'article 2 de ladite convention. »
« VIII. - L'article L. 465-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, les mots : "de six mois d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende" sont remplacés par les mots : "d'un an d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende".
« 2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 150 000 euros dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait pour toute personne autre que celles visées aux deux alinéas précédents, possédant en connaissance de cause des informations privilégiées sur la situation ou les perspectives d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de réaliser, directement ou indirectement, une opération ou de communiquer à un tiers ces informations, avant que le public en ait connaissance. Lorsque les informations en cause concernent la commission d'un crime ou d'un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 1 500 000 euros si le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Il s'agit des dispositions relatives à la lutte contre le financement du terrorisme visant à transposer la convention des Nations unies du 10 janvier 2000.
Les mesures législatives spécifiques au terrorisme, adoptées dans notre pays à partir de 1986 et complétées depuis, ont notamment pour objet de permettre de poursuivre comme des actes de terrorisme l'organisation du soutien logistique aux attentats.
C'est la condition d'une prévention efficace du terrorisme.
La dimension des attentats commis aux Etats-Unis et la réalité d'une menace qui concerne l'ensemble des pays occidentaux supposent que les actes de terrorisme commis ou prévus reposent sur un financement quantitativement important et disponible dans un grand nombre de pays.
C'est donc en faisant de la lutte contre le financement du terrorisme un objectif en soi et en se dotant des textes qui permettent de le réprimer avec efficacité que nous pourrons prévenir des actes de terrorisme susceptibles d'être commis en France ou dans d'autres pays.
Consciente de ces enjeux, la France a pris l'initiative, dès septembre 1998, de promouvoir, au sein des Nations unies, l'idée d'une convention pour la répression du financement du terrorisme.
L'assemblée générale des Nations unies a, le 9 décembre 1999, adopté cette convention, qui a été ouverte à la signature le 10 janvier 2000 et signée par la France, le jour même, à New York.
Le Sénat a adopté à l'unanimité, le 11 octobre dernier, le projet de loi autorisant sa ratification.
L'article proposé assure la traduction indispensable des principes de la convention du 10 janvier 2000 dans le droit pénal et la procédure pénale.
Il intègre les délits de blanchiment et d'initié à la liste des actes de terrorisme de l'article 421-1 du code pénal.
En ce qui concerne le blanchiment, cette disposition ne modifie en rien les éléments constitutifs de l'infraction ni les peines encourues.
Ce complément de définition des actes terroristes a pour objet de reconnaître juridiquement qu'un acte de blanchiment peut être commis en relation avec une entreprise terroriste. Il permet de l'intégrer dans un dossier pénal terroriste ou d'approfondir les investigations dans un dossier pénal distinct, mais traité de manière coordonnée.
En ce qui concerne le délit d'initié, cette disposition a deux objets : étendre l'incrimination et lui conférer la qualification d'infraction terroriste.
Elle se trouve, en outre, justifiée par deux arguments principaux.
D'une part, les mouvements de fonds et de valeurs boursières inspirés par une spéculation fondée sur une information privilégiée relative à la perspective d'attentats terroristes ne pourraient pas être pénalement réprimés sans cette disposition.
D'autre part, si la preuve peut être rapportée de tels agissements spéculatifs d'initiés, il importe que les investigations fassent apparaître le lien avec une entreprise terroriste.
L'incrimination spéciale de l'acte de financement d'une entreprise terroriste reprend très directement le texte de la convention pour incriminer le fait de financer une entreprise terroriste en connaissance de cause.
Ce délit autonome pourra conduire à mener des investigations financières à côté ou en appui des enquêtes de démantèlement des réseaux terroristes. Par comparaison avec l'application des règles relatives à la complicité, la création d'un délit autonome présente l'avantage tout à la fois de permettre la poursuite de l'infraction dans un dossier distinct traité plus rapidement et de rassembler les compétences des juges financiers et des juges spécialisés dans la lutte antiterroriste.
Les articles visés dans le III de l'amendement sont des dispositions de coordination technique.
Quant à la définition d'une peine complémentaire de confiscation de l'ensemble des biens du patrimoine du délinquant terroriste et de l'affectation du produit des condamnations au fonds de garantie des actes de terrorisme, il s'agit de deux dispositions nouvelles des articles 422-6 et 422-7 du code pénal qui correspondent très directement au texte de la convention, plus précisément à l'article 8 de son paragraphe 1 et à l'article 8 de son paragraphe 4.
La peine complémentaire de confiscation du patrimoine du délinquant est déjà prévue en droit français en matière de trafic organisé de stupéfiants, de blanchiment des capitaux et de crimes contre l'humanité.
Ce texte va au-delà en permettant une sanction à caractère patrimonial sur l'ensemble des biens d'un délinquant, qu'ils aient été « bien ou mal acquis ».
Il est assorti d'un dispositif permettant le gel des avoirs, préalable indispensable à la confiscation prononcée par la juridiction de jugement.
Enfin, l'affectation au fonds de garantie des victimes répond au besoin d'assurer à tous ceux qui sont victimes d'actes de terrorisme, actes dont l'ampleur peut être exceptionnelle, une juste réparation.
Ce dispositif est préconisé par la convention du 10 janvier 2000.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 73.
M. Henri de Richemont. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Je souhaiterais que vous nous apportiez une précision, madame le ministre.
Il est dit, à l'article 706-24-2, que « la condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés ». Or il n'y a plus de procédure de validation des saisies conservatoires : la condamnation entraîne ipso facto la validation de ces dernières. Cela signifie-t-il que la saisie conservatoire se transforme en saisie-exécution ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Les dispositions de l'article 706-24-2 ne sont que la reprise, appliquée aux faits de terrorisme, des dispositions de l'article 706-30, qui concerne les infractions en matière de trafic de stupéfiants et que le loi sur les nouvelles régulations économiques a étendu à d'autres infractions, comme le blanchiment.
Ces dispositions figuraient initialement dans le code de la santé publique à l'article L. 627-4, qui résulte d'une loi du 31 décembre 1987, et elles ont toujours comporté cette précision. Celle-ci paraît en effet utile, car c'est une condamnation pénales qui valide les saisies conservatoires effectuées selon les règles du code de procédure civile pendant l'instruction alors que, normalement, c'est une condamnation civile qui aboutit à ce résultat.
C'est pourquoi il était nécessaire de présenter ce texte.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis désolé d'intervenir à cette heure avancée, mais faire du droit pénal dans la hâte m'inquiète toujours un peu, et, en l'occurrence, je m'interroge vraiment, madame le garde des sceaux.
En quoi le délit d'initié est-il en rapport avec le terrorisme ? Autant établir un lien se comprend parfaitement s'agissant du financement du terrorisme ou de la gestion de fonds, autant cela paraît peu clair s'agissant du délit d'initié... ou alors on profite, comme vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, de l'examen du présent texte pour se mettre par anticipation en conformité avec la proposition de directive du Parlement et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marchés. Terrorisme ou pas, dans tous les cas, ses dispositions s'appliqueront. Concernant le financement du terrorisme, la France a signé une convention, mais il n'en va pas de même pour le délit d'initié, qui se différencie du terrorisme.
Je regrette, je le dis franchement, que l'on profite du présent texte pour introduire dans notre droit une disposition sans doute souhaitable, mais dont on aurait voulu discuter au fond.
M. Michel Caldaguès. On charge la barque !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Si cette disposition a été discutée aussi par le Conseil et par le Parlement européen, c'est parce qu'il est apparu qu'il était possible, ou probable - l'enquête le dira - qu'il y ait eu délit d'initié avant les récents attentats. Il nous a semblé anormal, à nos collègues européens comme à nous-mêmes, qu'alors que tout est mis en oeuvre pour lutter contre les réseaux terroristes les participants à un délit d'initié lié à un acte de terrorisme soient, eux, entièrement à l'abri de toute poursuite.
Il faut que les magistrats puissent vérifier que les ventes d'actions d'entreprises mises en difficulté par les attentats intervenues à la veille de ceux-ci sont - c'est possible - des actes totalement fortuits, ou, au contraire, le fait de personnes ayant été prévenues parce qu'elles sont, de près ou de loin, liées aux réseaux terroristes.
Les Etats-Unis ont mis sur la table de toutes les négociations, y compris celles des futures conventions qu'adopteront les Nations unies, ce sujet tout à fait nouveau parce qu'il répond à un type de comportement jusqu'alors inconnu.
Par ailleurs, nous n'excluons pas que des manoeuvres puissent être organisées par un réseau terroriste pour mettre « à genoux » telle ou telle entité économique. Cette possibilité est cependant beaucoup plus difficile à établir que la première, sur laquelle nous nous sommes donc davantage appuyés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter .

Division additionnelle après l'article 6 ter (suite)