SEANCE DU 21 FEVRIER 2002


M. le président. La parole est à Mme Papon.
Mme Monique Papon. Madame la ministre, dans notre pays, la consommation de drogue, notamment par les jeunes, revêt une particulière gravité. En effet, les chiffres publiés récemment par l'Observatoire des drogues et des toxicomanies sont alarmants.
Alors qu'il y a une dizaine d'années, 34 % des garçons et 17 % des filles déclaraient consommer des drogues à dix-huit ans, ils sont aujourd'hui respectivement 59 % et 43 % à avouer cette pratique. Plus consternant encore, les deux tiers des jeunes scolarisés de quatorze à dix-neuf ans affirment connaître un endroit où acheter des drogues, que je me refuse à qualifier de douces. Arrive en tête l'établissement scolaire, suivi des bars et des lieux publics.
La situation est d'autant plus préoccupante qu'aux troubles engendrés par cette consommation, et qui conduisent tout droit à l'isolement, à l'absentéisme scolaire et à la marginalisation, s'ajoutent ceux dus à l'alcool. Je pense aux accidents de la route qui sont provoqués par de jeunes conducteurs sous l'emprise conjointe de l'alcool et de la drogue.
Que dire de ces adolescents, souvent en recherche d'identité, qui s'imaginent « branchés » parce qu'ils fument une « barrette » ?
Madame la ministre, que ce soit la mission interministérielle, la campagne de communication ou les plans départementaux triennaux, vous ne réussissez pas à endiguer cette banalisation de l'usage des drogues. Dès lors, le Gouvernement a-t-il l'intention de réagir et de prendre les mesures significatives qui s'imposent...
M. Alain Gournac. Trop tard !
Mme Monique Papon. ... afin de lutter efficacement contre ce fléau qui pénètre tous les milieux et qui éprouve durement les familles ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la sénatrice, c'est bien volontiers que je réponds à votre question en l'absence de M. le ministre délégué à la santé, qui se trouve à Lyon.
Le Gouvernement s'est engagé dans un programme ambitieux de lutte contre les risques liés à la consommation de produits psychoactifs, risques que vous avez eu tout à fait raison de rappeler.
Il a ainsi lancé, en 1999, un plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances qui comprenait les axes d'action suivants : l'amélioration de la connaissance des produits et des consommations, la communication et l'information du grand public, notamment par le biais de campagnes nationales, comme celle de l'année dernière qui a permis l'édition, à près de deux millions et demi d'exemplaires, d'une brochure dont je vous recommande la lecture et la diffusion autour de vous, la prévention, l'accueil, l'orientation, les soins et l'insertion des usagers, la formation des professionnels chargés de prendre en charge lesdits usagers.
Je rappelle également l'application de la loi pénale, notamment le renforcement de la répression du trafic de stupéfiants. Lorsque j'étais garde des sceaux, j'avais envoyé, le 17 juin 1999, deux circulaires de politique pénale.
S'agissant du rôle de la loi, il est nécessaire de rappeler que tous les pays qui ont dépénalisé l'usage des stupéfiants, à savoir l'Italie, l'Espagne et le Portugal, ont conservé un régime de sanctions administratives. Ceux qui souhaitent aller plus loin, comme la Suisse et les Pays-Bas, et obtenir le retrait du cannabis de la liste des produits stupéfiants figurant dans les conventions internationales sont très minoritaires.
En France, la loi de 1970 prévoit des sanctions pénales. J'ai demandé au parquet, dans les circulaires dont je vous ai parlé, de favoriser les réponses alternatives, sanitaires et éducatives.
Poser la question de l'avenir de la loi de 1970 ne revient certainement pas à vouloir banaliser l'usage des stupéfiants car toute conduite addictive est dangereuse et doit être combattue, ce n'est pas avoir comme objectif la légalisation du cannabis, ce doit être d'abord l'occasion de s'interroger sur le rôle de la loi telle qu'elle a été écrite il y a trente ans et qui n'a pas permis de contenir l'augmentation de la consommation. Voilà à quel débat, je pense, il faudrait que nous soyons invités, parce que nous avons évidemment comme objectif commun de lutter contre les conduites addictives quelles qu'elles soient et qui sont toutes un fléau pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.
M. le président. Mes chers collègues, mesdames, messieurs les ministres, dans quelques heures, l'ordre du jour prioritaire du Sénat, tel qu'il est fixé par le Gouvernement en application de l'article 48 de la Constitution, sera épuisé.
Je vous rappelle que nous avions subordonné à l'achèvement de l'ordre du jour prioritaire la suspension des travaux en séance publique, qui pourra donc être décidée.
Néanmoins, pour le Sénat, qui est une assemblée parlementaire permanente, il n'y a pas à proprement parler de fin de législature, notamment pour les commissions permanentes et les délégations, qui poursuivront de nombreux travaux de réflexion et de contrôle à travers de multiples auditions, missions d'information, groupes de travail et groupes d'étude portant sur les sujets les plus variés.
MM. Alain Gournac et Gérard Larcher. Tout à fait !
M. le président. En cet instant, je voudrais remercier toutes les sénatrices et tous les sénateurs, qui ont accompli un travail important pour l'examen des projets et propositions de loi ainsi que pour le contrôle de l'activité gouvernementale, conformément à la Constitution.
Je voudrais également remercier tous les membres du Gouvernement, qui ont bien voulu, par-delà nos légitimes divergences politiques, participer au débat sénatorial.
Vous comprendrez que j'adresse des remerciements particuliers au ministre des relations avec le Parlement, M. Jean-Jack Queyranne (Applaudissements), qui ne s'est jamais départi de sa volonté de favoriser le dialogue républicain entre le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat. Chacun a apprécié, dans l'hémicycle et à la conférence des présidents, sa courtoisie et sa volonté constante de trouver les solutions propres à faciliter le travail sénatorial, compte tenu des contraintes de l'ordre du jour prioritaire, particulièrement encombré ces derniers temps.
A la veille d'échéances électorales essentielles, je forme le souhait que chacun, dans le respect du dialogue républicain, puisse exprimer dans la sérénité ses propres convictions et avancer ses propositions dans le grand débat national qui engagera l'avenir de notre pays pour les prochaines années. (Applaudissements.)
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux, au nom du Gouvernement, remercier le Sénat du travail qu'il a accompli au cours de cette législature. Celle-ci ne prendra fin pour l'Assemblée nationale que le 18 juin, même si le Parlement interrompt dès ce soir ses travaux en séance publique. Cependant, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, le Sénat poursuivra ses travaux, car, étant une assemblée permanente, il n'est pas tenu par le terme de la législature.
Après les propos très aimables que vous m'avez adressés, monsieur le président, je soulignerai la contribution que le Sénat a apportée à l'oeuvre législative et à l'oeuvre de contrôle, qui sont les missions de la Haute Assemblée.
Sur le plan législatif, à la fin de cette session - c'est-à-dire ce soir - 223 lois devraient avoir été adoptées, dont 81, soit plus du tiers, sont d'origine parlementaire. C'est le signe d'une croissance de l'initiative parlementaire, notamment par rapport aux débuts de la Ve République. Parmi ces 81 lois d'origine parlementaire, 28 sont issues de propositions de loi déposées par des sénateurs.
En ce qui concerne le partage de l'initiative législative et les navettes, deux lois sur trois ont été adoptées en termes identiques par les deux assemblées : l'Assemblée nationale n'a donc eu le dernier mot qu'une fois sur trois. Enfin, plus de la moitié des amendements déposés et adoptés par le Sénat ont été repris par l'Assemblée nationale,...
M. Gérard Larcher. C'est parce qu'ils sont bons !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... ce qui est le signe d'un partage du travail bien assumé entre les deux assemblées.
En ce qui concerne la fonction de contrôle, nous venons de participer à une séance de questions d'actualité au Gouvernement, et les missions d'enquête et d'information ont mené leurs travaux.
Le Sénat a également apporté sa contribution à la réforme de l'ordonnance de 1959, ce grand texte qui régit les finances de l'Etat, concourant ainsi de façon importante à la réforme de l'Etat. Sur ce sujet, le Sénat et l'Assemblée nationale ont pu parvenir, mesdames, messieurs les sénateurs, à une rédaction consensuelle.
Monsieur le président, vous avez rappelé qu'ont surgi des points de différence, de divergence, de désaccord, qui sont bien légitimes en démocratie et qui ont été tranchés suivant les règles de notre Constitution.
Au nom du Gouvernement, je voudrais remercier Mmes et MM. les sénateurs de tous les groupes politiques de l'intérêt des échanges que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée, et vous remercier, monsieur le président, ainsi que les vice-présidents, de l'impartialité dont vous avez fait preuve et de la courtoisie qui a prévalu dans l'organisation des travaux.
Je veux aussi remercier, au nom de tous mes collègues du Gouvernement, le personnel de la Haute Assemblée, qui a toujours suivi les travaux avec beaucoup de professionnalisme et a ainsi rendu compte de l'action du Sénat. A tous, merci !
Nous allons maintenant nous séparer pour cette période des grands rendez-vous démocratiques ; je pense que nous aurons tous à coeur de faire vivre dans nos départements, mais aussi à l'échelon national, le débat auquel les Français ont droit. (Vifs applaudissements.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même sommes très sensibles aux compliments adressés au Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)