SEANCE DU 21 FEVRIER 2002


ACCORD AVEC LES NATIONS UNIES
CONCERNANT L'EXÉCUTION
DES PEINES PRONONCÉES
PAR LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL
POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 195, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. [Rapport n° 197 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, ou TPIY, s'est imposé peu à peu comme un instrument essentiel de la justice pénale internationale et de la lutte contre l'impunité.
Depuis sa création en 1994, il a prononcé quatorze condamnations définitives, cinq acquittements ; sept accusés comparaissent actuellement devant les chambres de première instance et quatorze personnes ont été condamnées en première instance devant la chambre d'appel.
La France a toujours soutenu l'action du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Naturellement, elle a respecté les obligations découlant du statut du tribunal et de la loi d'adaptation en droit interne du 2 janvier 1995, ce qui a conduit, notamment, à organiser l'audition d'agents publics français, à communiquer sur sa demande au tribunal des documents et des éléments de preuve, à rechercher des témoins ou encore à procéder à l'arrestation et à la remise d'accusés.
Mais surtout, il s'agit d'affirmer concrètement et de manière visible notre soutien à cette institution, en répondant dans toutes la mesure possible aux demandes d'assistance qu'elle nous adresse et qui vont au-delà de ses obligations.
A ce titre, nous avons, par le passé, mis à disposition du tribunal des experts légistes et des gendarmes spéléologues.
Je n'insisterai pas sur le progrès de la conscience humaine représenté par le développement du droit international, qui s'est concrètement traduit par les tribunaux de Nuremberg, de Tokyo, d'Arusha et de La Haye. De même, nous pouvons espérer obtenir avant l'été la soixantième ratification concernant la Cour pénale internationale ; mais je vous renvoie pour plus de détails à l'excellent rapport rédigé par votre collègue M. Patrice Gélard.
Aujourd'hui, le présent accord entre la France et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie constitue un pas supplémentaire dans cette dynamique de coopération internationale. L'accueil de condamnés n'est pas une obligation du statut. Il s'agit d'une faculté ouverte à tout Etat, qui doit en informer le Conseil de sécurité, ainsi que le prévoit l'article 27 du statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Cet accord ajoute donc un volet à notre coopération avec le tribunal et traduit en même temps notre solidarité européenne à l'égard de l'Etat hôte du tribunal, les Pays-Bas, en partageant avec lui la charge que représente l'incarcération des personnes condamnées.
Six accords de ce type sont déjà en vigueur : avec l'Italie, l'Espagne, la Norvège, la Suède, la Finlande et l'Autriche. Des négociations sont en cours avec le Danemark, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon et la République tchèque. Tous s'inspirent de l'accord type proposé en 1995 par les Pays-Bas, qui a donc servi de base à l'accord soumis aujourd'hui à votre approbation.
Au regard du droit français, le présent accord ne soulève pas de difficultés. L'accueil d'un condamné est soumis à l'acceptation préalable des autorités françaises compétentes au cas par cas, et sans qu'un refus ait à être motivé. Les dispositions du droit français en matière carcérale sont applicables à ces prisonniers.
Le tribunal pourra à tout moment décider le transfert sous la garde d'un autre Etat ou du tribunal. Ce pourrait être le cas, par exemple, s'il y avait un désaccord entre le tribunal et la France sur l'application d'une mesure de grâce, de commutation de peine ou d'une mesure ayant pour effet de modifier la durée de la peine. Cette solution, inspirée de celle qui a été adoptée dans le traité portant statut de la Cour pénale internationale et a été reconnue compatible avec la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1999, permet d'éviter de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ainsi qu'à l'exercice du droit de grâce présidentiel. En effet, le tribunal ne se prononce pas sur la mesure prise par l'Etat d'accueil mais la rend « sans objet » en retirant le prisonnier du territoire de cet Etat.
La France prendra en charge les frais encourus dans le cadre de l'exécution de la peine et ne pourra mettre fin à l'accord avant que toutes les peines auxquelles il s'applique soient purgées ou cessent d'être exécutoires.
Ces dispositions n'auront qu'une portée financière limitée en raison évidemment du petit nombre - nous l'espérons du moins - de personnes susceptibles d'être accueillies.
M. Michel Pelchat. Eh oui !
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat. Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies, concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que se déroule à La Haye le procès de Slobodan Milosevic devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, procès venant après de nombreux autres qui n'ont pas eu le même retentissement médiatique, nous examinons aujourd'hui l'accord tendant à établir les modalités d'accueil et de détention en France de personnes condamnées par ce tribunal.
Créé en 1993 par l'organisation des Nations unies, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a déjà prononcé quatorze condamnations définitives, et trente-neuf inculpés sont en détention en attente de la fin de la procédure qui les vise.
L'objet immédiat de cet accord qui vous est soumis est modeste et concret : il détermine les conditions dans lesquelles notre pays, à l'image de six autres nations occidentales, pourra accueillir sur son sol certains de ces condamnés, et soulager ainsi les Pays-Bas de ce fardeau moral et matériel.
Cependant, cette modestie ne doit pas nous conduire à sous-estimer la valeur symbolique de l'engagement français, qui exprime l'adhésion pleine et entière de notre pays à cette forme de justice internationale, regroupant, outre le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda et, bientôt, un autre tribunal ad hoc pour juger des crimes commis durant la guerre civile en Sierra Leone. A ces tribunaux spéciaux s'ajoutera sans doute prochainement la Cour pénale internationale, lorsque les soixante ratifications requises pour sa création auront été réunies.
Premier exemple d'une justice supranationale depuis les tribunaux réunis à la suite de la Seconde Guerre mondiale, le TPIY a subi les aléas d'une institution d'un type nouveau.
Dès sa création, la France a conçu ce tribunal, de façon indissoluble, comme instrument de lutte contre l'impunité et partie intégrante du règlement de paix et de conciliation durable. Ainsi, notre pays a adapté sa législation interne pour coopérer avec cette juridiction, et l'accord sur l'exécution des peines vient renforcer cette coopération.
Ce tribunal a acquis sa pleine efficacité avec l'évolution politique intervenue en République fédérale de Yougoslavie. En effet, alors que le régime du président Milosevic refusait de coopérer avec le tribunal, les autorités politiques qui lui ont succédé, fortes de leur légitimité démocratique, se sont engagées dans cette coopération.
Il faut relever que, dès 1995, les Pays-Bas s'étaient préoccupés des conséquences du fonctionnement du TPIY sur le nombre de personnes incarcérées sur leur territoire à titre préventif ou de condamnation.
Les autorités hollandaises avaient donc élaboré un accord type permettant à des pays tiers d'accueillir certains des condamnés.
La France doit donc finaliser son engagement par la ratification de cet accord.
Il faut souligner que l'accueil de condamnés est une faculté ouverte à tout Etat, et non une obligation.
Pour mettre en oeuvre cette faculté, notre pays a élaboré le dispositif présenté dans l'accord, qui tient en trois points.
Premièrement, le TPIY proposera un ou des prisonniers condamnés définitivement à l'accord des autorités politiques françaises ; la décision d'accord ou de refus n'aura pas à être motivée.
Deuxièmement, en cas d'accord, la France pourra assortir ce dernier de conditions.
Troisièmement, en contrepartie, le TPIY pourra retirer un prisonnier de France si surgit un désaccord entre les deux parties sur l'application de ces conditions.
Ainsi se trouve surmonté un éventuel conflit entre les dispositions constitutionnelles françaises conférant le droit de faire grâce au Président de la République, et le TPIY, qui jugerait inopportune une mesure de grâce, générale ou particulière, aboutissant à une réduction de peine au bénéfice d'une personne ayant été condamnée par lui. En effet, en ce cas, le tribunal international peut s'opposer non pas à la décision de grâce, mais à ses effets sur le condamné en le retirant de France.
En conclusion, il faut souligner que l'accord sur l'exécution des peines constituera, une fois ratifié, la dernière étape d'une coopération qui s'est déjà exprimée sur le plan matériel. Ainsi, la France a-t-elle contribué pour 6,3 millions de dollars au fonctionnement de cette juridiction en 2001, ce qui l'a située au quatrième rang des contributeurs.
Les frais inhérents à l'incarcération des prisonniers acceptés par la France seront également à la charge de notre pays.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la commission des affaires étrangères vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet accord. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougouslavie, signé à La Haye le 25 février 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi est adopté à l'unanimité.

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