SEANCE DU 21 FEVRIER 2002


Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le ministre, dès 1997, vous l'avez rappelé, le Gouvernement et sa majorité ont voulu initier une nouvelle politique des transports qui, tout en accompagnant la croissance économique, tout en répondant aux besoins de mobilité, rende les transports plus sûrs et plus respectueux de l'environnement. Cet engagement s'est principalement traduit par un rééquilibrage des moyens en faveur du rail, qu'il s'agisse du transport de voyageurs ou du transport de marchandises.
Ce projet de loi, qui vise à autoriser la ratification de l'accord entre la France et l'Italie pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, illustre parfaitement ces nouvelles orientations.
La question du trafic de marchandises dans la région transalpine est devenue très préoccupante : les tonnages transportés ont été multupliés par quatre depuis 1970, et la part du marché de la route est passée de 25 % à près de 75 %.
Les conséquences, on les connaît : l'insécurité routière augmente - parfois de manière dramatique, comme le montre l'accident du tunnel du Mont-Blanc -, les atteintes à l'environnement progressent et la qualité de vie des populations locales se détériore.
La réalisation de cette nouvelle liaison ferroviaire est donc très attendue. Elle est bien plus qu'une simple liaison ferroviaire : elle traduit la volonté du Gouvernement de développer durablement le fret ferroviaire, non seulement sur l'ensemble du territoire, mais également et surtout pour la traversée de zones sensibles comme le massif alpin ; elle illustre la volonté du Gouvernement de dessiner une politique des transports s'inscrivant pleinement dans un cadre européen.
La réalisation de ce tunnel de cinquante-deux kilomètres sous les Alpes, décidée le 19 janvier 2001 - j'ai bien entendu votre calendrier, monsieur le ministre -, et formalisée par l'accord signé le 29 janvier 2001 avec le Gouvernement italien, est très attendue car elle doit mettre un terme à l'hégémonie du transport routier dans cette région. L'idée est de transférer sur le rail entre 20 % et 30 % du trafic de poids lourds à l'horizon 2015, horizon lointain. Mais vous avez annoncé, monsieur le ministre, que cette échéance serait ramenée à 2012. J'espère que tout sera mis en oeuvre pour respecter ce calendrier.
En attendant, plusieurs mesures ont été prises pour remédier à l'engorgement des vallées alpines, sécuriser la circulation et éviter que les atteintes à l'environnement ne se poursuivent.
Il s'agit, tout d'abord, de la définition de nouvelles règles de circulation dans les tunnels routiers. Je pense à la circulation alternée qui sera instaurée dans le tunnel du Mont-Blanc, à l'interdiction de circulation imposée aux poids lourds les plus polluants ou aux mesures que nous venons d'adopter dans la loi du 3 janvier 2002 et qui visent à faciliter le travail des gendarmes en matière de sécurité routière.
Il s'agit, ensuite, du lancement, dès cette année, d'un service d'autoroute ferroviaire sur la ligne existante, qui, dès 2005-2006, avec 300 000 poids lourds, doublera la capacité ferroviaire.
En outre, ce projet, tout à fait remarquable, constitue les prémices d'une véritable politique européenne des transports qui ne se cantonne pas à de simples mesures de libéralisation, mais organise les déplacements au sein de l'Europe dans un souci d'aménagement durable des territoires. Cela est d'autant plus fondamental pour notre pays que celui-ci, par sa situation géographique en Europe, est un pays de transit, au carrefour des liaisons entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest.
Je note avec satisfaction que, à ce titre, la Commission propose, dans son Livre blanc sur la politique des transports à l'horizon 2010, de doubler la participation de l'Union européenne au financement de cette liaison. La question du financement est en effet fondamentale et elle a été longuement évoquée au cours du débat. La facture étant estimée à 11 milliards d'euros, il est impératif que l'Union participe pleinement au financement de ce projet.
Enfin, pour conclure, et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir mentionné ce point dans votre intervention, permettez-moi, en tant qu'élue du Sud-Ouest, de souhaiter que la réalisation de la liaison transpyrénéenne, annoncée lors du sommet franco-espagnol de Perpignan en octobre dernier, aboutisse rapidement. En attendant, le groupe socialiste votera sans réserve ce projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la République française et la République italienne pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Très bien !
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Le groupe des Républicains et Indépendants votera, bien entendu, des deux mains le texte autorisant la ratification de cet accord, dont il se félicite.
Ce texte me donne l'occasion de faire quelques observations.
D'abord, je tiens à insister, comme ma collègue du groupe socialiste, sur la faiblesse de l'effort financier de l'Union européenne dans cette opération. En l'occurrence, nous avons une occasion inespérée de faire prendre conscience à nos concitoyens que nous sommes une communauté européenne solidaire s'agissant de l'ensemble des problèmes que nous pouvons rencontrer. Nous avons été solidaires, en termes militaires, pour des problèmes difficiles à régler dans certaines régions du continent européen. Il est bien d'afficher cette cohésion en de telles occasions. Il serait bien également que l'Union européenne montre une plus grande cohésion et assure une meilleure prise en compte lorsqu'il s'agit de questions comme celle que nous examinons aujourd'hui.
Je regrette donc vivement que la participation financière de l'Union européenne soit si faible. En effet, les camions qui traversent la France et l'Italie viennent de tous les Etats européens et ils contribuent à l'activité économique de tous les pays d'Europe. Il s'agit là d'une véritable dimension européenne.
En l'occurrence, l'Europe se prive donc de l'occasion de démontrer combien elle est utile à la vie quotidienne de nos concitoyens.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. D'accord !
M. Michel Pelchat. Les crédits que les Français et les Italiens consacreront à ce projet pourraient bénéficier à d'autres développements, y compris au rail, dans d'autres secteurs qui en ont tant besoin.
La moindre des choses serait de le dire. Il faut continuer à appuyer notre action. Je ne conteste pas que vous l'ayez fait, monsieur le ministre. Je dis simplement que nous devons poursuivre dans cette voie.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je continuerai !
M. Michel Pelchat. En effet, la liaison Lyon-Turin n'est pas le seul problème. Après celle-ci, d'autres opérations, qui ont une dimension européenne, devront être prises en considération et financées par l'Union européenne. Je pense à la réalisation de la liaison transpyrénéenne, que Mme Bergé-Lavigne a évoquée.
Il y a différentes manières de le faire. La France, plus que l'Italie, est placée non pas au carrefour mais au coeur des liaisons européennes. En effet, aucun déplacement de poids lourds international ne peut se faire sans traverser notre pays. Pour les poids lourds qui traversent la France en empruntant ces itinéraires et ce futur tunnel, peut-être faudrait-il envisager de créer une taxe ou de demander une contribution spécifique à l'Union européenne.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il y a déjà le péage !
M. Michel Pelchat. Certes, monsieur le ministre, mais ce n'est pas à vous que j'apprendrai que les recettes de péage des poids lourds contribuent à peine à la remise en état des liaisons autoroutières qu'ils détériorent. Vous connaissez le coût de telles opérations, vous savez combien les poids lourds accélèrent la détérioration des autoroutes et vous savez combien cela coûte à l'ensemble des contribuables.
On ne peut pas prendre une position sur un tel sujet sans mener une réflexion. En tout cas, ce problème mérite d'être posé. En effet, on ne peut pas ne pas s'interroger sur le coût acquitté par les poids lourds pour circuler sur nos autoroutes au regard des détériorations qu'ils y occasionnent.
En outre, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir rappelé que, depuis très longtemps, on avait tenté de réhabiliter le rail. Je vous sais gré, surtout, d'avoir dit qu'il ne s'agissait pas d'une seule orientation politique de la droite ou de la gauche. Plusieurs gouvernements, dont les sensibilités politiques étaient différentes, ont, en effet, suivi la même politique depuis de nombreuses années. Pour ma part, et là je m'exprime non plus au nom du groupe des Républicains et Indépendants mais à titre personnel, j'ai toujours été convaincu que nous faisions fausse route en éliminant le rail, notamment pour le transport de marchandises. Il est bon que l'opinion publique ait aujourd'hui pris conscience de ce problème et les gouvernements, quels qu'ils soient, celui auquel vous appartenez comme ceux qui lui succéderont, devront en tenir compte.
M. Jean-Pierre Vial. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je ne reprendrai pas l'historique de plusieurs déclarations car je constate une certaine résistance sur quelques points. (Sourires.) L'histoire tranchera !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. D'accord !
M. Jean-Pierre Vial. Ce dossier appartient déjà un peu à l'histoire. En effet, il remonte à une vingtaine d'années et on pourrait citer bien des noms de ministres qui se sont succédé, de Bernard Pons à Bernard Bosson. Mais, comme vous l'avez noté - et chacun peut s'en féliciter -, ce dossier a bénéficié d'une certaine accélération. Je ne veux pas lier cette dernière à certains drames ; mais reconnaissons que certaines prises de conscience n'auraient peut-être pas existé en l'absence de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, notamment.
J'en viens au financement. J'avais cru, tout à l'heure, atténuer le discours en faisant état de certains exemples. Mais, en fait, j'ai aggravé la situation puisque vous êtes revenu sur ces exemples qui sont, pour vous, un moyen de résister et de vous opposer à la mixité du financement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis ouvert à tout !
M. Jean-Pierre Vial. D'abord, l'Europe le demande et, si elle avait vraiment adopté une position de refus, pourquoi, dans ce cas, l'Etat n'aurait-il pas pu s'engager plus tôt à assumer un financement qui ne devrait être pris en charge par personne d'autre que par la seule collectivité nationale ?
S'il doit y avoir mixité du financement, celle-ci doit être trouvée le plus rapidement possible, et je suis tout à fait d'accord, comme cela a été demandé par plusieurs intervenants, pour que l'Europe soit sollicitée. L'Europe a financé jusqu'à 50 % de certaines infrastructures portuaires. Là, il s'agit d'une infrastructure européenne de première importance ; l'Europe pourrait donc être sollicitée plus encore, et ce serait peut-être d'ailleurs l'occasion de faire le lien avec l'enjeu du rail.
En ce qui concerne cet enjeu du rail, monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que les élus soient aussi opposés que vous le dites à ce que le rail prenne toute sa place.
Aujourd'hui, nous sommes bien plus inquiets de constater que le rail n'est pas parvenu à occuper la place que nous souhaitons lui voir tenir.
Au regard de l'évolution du trafic routier sur les quinze dernières années, il est tout à fait regrettable que le rail n'ait pas pris sa part, et il faut que, au-delà des financements, la SNCF ait la volonté, par un geste tout à fait significatif, de favoriser ce mode de transport.
En conclusion, j'évoquerai deux points.
En ce qui concerne le tunnel sous le massif de Belledonne, monsieur le ministre, l'accord que vous nous soumettez prévoit, dans ses premières dispositions, qu'il appartient à la première section, laquelle fait partie de la section internationale. Puis, vous nous dites que cela fera partie de la section française. Soit ! De toute façon, nous sommes sur l'itinéraire de fret de marchandises qui ne sera aucunement accompagné par les collectivités. L'intérêt que cette section soit prise en compte dans la section internationale, c'est justement de pouvoir bénéficier de l'accompagnement de l'Europe. En effet, si cette section n'était pas intégrée à l'itinéraire international, l'Europe pourrait ne pas intervenir sur cette partie.
Le dernier point concerne la démarche de grand chantier.
Monsieur le ministre, la vallée de la Maurienne a eu une expérience qui n'est pas très éloignée, notamment avec la création de l'autoroute que vous connaissez bien, d'une procédure de grand chantier. Cette procédure doit être remise en place non seulement pour la vallée de la Maurienne mais également pour les deux sections de la partie basse, c'est-à-dire la Combe de Savoie et l'avant-pays savoyard, qui est également une vallée très en difficulté sur le plan social.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je suis d'accord !
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que Rhône-alpin, je tiens à me réjouir de la haute tenue et du sérieux de ce débat. La ratification qui va intervenir donnera véritablement naissance à l'un des plus grands projets, sinon au plus grand, du xxie siècle.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce projet de loi est adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)

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