SEANCE DU 21 FEVRIER 2002


CONVENTION SUR L'ACCÈS
À L'INFORMATION
EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 210, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes). [Rapport n° 247 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, négociée dans le cadre de la commission économique pour l'Europe au sein des Nations unies, a été signée le 25 juin 1998 à Aarhus, au Danemark. Trente-cinq Etats européens ont signé la convention, ainsi que la Communauté européenne.
Cette convention a pour objet de permettre l'implication de tous les citoyens concernés, notamment par l'accès approprié à l'information détenue par les autorités publiques et par la possibilité de participer aux processus décisionnels. Il s'agit de garantir une meilleure protection de l'environnement et de permettre au public de mieux défendre le droit qui lui est reconnu par l'article 1er de la convention de vivre dans un environnement sain.
Les obligations principales inscrites dans la convention incombent aux pouvoirs publics des parties, à l'exception de tous les organes ou institutions agissant dans leur capacité de législateur ou leur capacité juridictionnelle.
Dans le cas de la France, la convention ne peut donc être applicable ni au Parlement ni aux juridictions judiciaires et administratives agissant dans leur fonction juridictionnelle.
Le premier volet de la convention porte sur l'accès du public à l'information sur l'environnement détenue par les autorités publiques.
La convention invite les autorités publiques à mettre à la disposition du public les informations sur l'environnement qui leur sont demandées, sous réserve de certains cas où la demande peut être refusée : demande abusive, documents en cours d'élaboration, secret industriel et commercial, relations internationales ou défense nationale. Un tel rejet doit être motivé et notifié par écrit.
Elle encourage les Etats signataires à mettre en place une politique active concernant la collecte et la diffusion d'informations sur l'environnement.
Le second volet porte sur la participation du public à certains processus décisionnels.
La convention indique la nature des informations qui doivent être adressées au public et prévoit notamment le droit pour le public de soumettre par écrit ou par oral toutes ses observations, informations ou analyses contribuant à la prise de décision. Les résultats de cette procédure de participation doivent être pris en considération.
Les activités entrant dans le champ d'application de cette convention sont énumérées à l'annexe 1 : il s'agit, par exemple, des raffineries de pétrole et de gaz, des centrales nucléaires et autres réacteurs nucléaires, de la gestion des déchets.
Les dispositions de cette convention peuvent également s'appliquer à la décision d'autorisation de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés.
Le dernier volet de la convention porte sur l'accès à la justice en matière d'environnement.
Elle engage les Etats parties à veiller à ce que les personnes ayant demandé l'accès à une information sur l'environnement aient la possibilité de former un recours en justice devant un tribunal ou une instance indépendante. De même, les personnes ayant un intérêt suffisant pour agir ou faisant valoir une atteinte à un droit doivent être en mesure de déposer un recours pour contester la légalité d'une décision d'autorisation d'activité.
La convention prévoit également la possibilité pour le public d'engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou les omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre du droit national de l'environnement.
La convention d'Aarhus est entrée en vigueur à l'automne dernier avec le dépôt du seizième instrument de ratification, et la première conférence des parties aura lieu au mois d'octobre, à Rome.
A l'instar de ses partenaires de l'Union européenne, la France souhaite pouvoir ratifier cette convention avant le sommet mondial sur le développement durable qui se tiendra à Johannesbourg, du 26 août au 4 septembre 2002.
Il est à noter que les dispositions de la convention d'Aarhus seront transcrites dans des directives européennes.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Pelchat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la convention d'Aarhus traduit la part croissante prise - tardivement, malheureusement ! - par les normes internationales dans le droit de l'environnement. Mais combien de dégradations aura connues l'environnement à travers le monde, notamment sur notre continent, avant de parvenir à l'élaboration d'une convention de cette nature !
Cette convention fixe un ensemble de règles très précises, qu'il s'agisse des droits reconnus au public comme des obligations qui s'imposent à l'administration, dans les trois volets couverts par l'accord : l'accès à l'informaion, la participation au processus décisionnel et l'accès à la justice.
A ce titre, cet accord international suppose - impose, devrais-je dire - des adaptations significatives de la réglementation communautaire et de notre législation intérieure. L'effort a été engagé, mais il doit encore être poursuivi. Tant que notre droit national n'aura pas été aligné sur les dispositions de la convention d'Aarhus, l'entrée en vigueur de cette convention sera sans doute un facteur multiplicateur des réclamations adressées à l'administration, voire une source éventuelle de contentieux. En effet, d'aucuns ne manqueront pas de s'appuyer sur cette convention, si notre droit n'est pas rapidement modifié, pour déposer des recours - justifiés ! - dans tel ou tel domaine.
Il n'en reste pas moins que l'approbation de ce texte nous est apparue opportune et nécessaire, pour une double raison.
D'abord, la convention permet de promouvoir la démocratie participative qui - et mon expérience d'élu local n'a cessé de me le confirmer - représente, en matière d'environnement, le meilleur garde-fou contre les dérives de la technocratie et des pratiques unilatérales.
Ensuite, cette convention a vocation à s'appliquer à l'ensemble des pays du vieux continent, de l'Atlantique à l'Oural. Elle a d'ailleurs pour origine lointaine la Conférence sur la sécurité en Europe qui, dans sa fameuse « troisième corbeille » consacrée aux droits de l'homme, avait prévu que la démocratisation devait notamment s'appliquer aux questions liées à l'environnement.
Il est d'ailleurs significatif que, de l'autre côté du rideau de fer, les aspirations démocratiques des peuples se soient cristallisées de manière privilégiée sur les problèmes d'environnement. Cette situation peut s'expliquer par les multiples dommages infligés par le système de production de l'ère soviétique, dont la catastrophe de Tchernobyl a été l'illustration la plus dramatique, mais on pourrait citer de nombreux autres exemples.
Si l'on peut se féliciter de la participation très importante des pays d'Europe centrale et orientale, les PECO, à l'élaboration de cette convention, on ne peut que regretter publiquement que les ONG françaises aient été totalement absentes des discussions préalables à l'élaboration de cette convention. C'est fort dommage, et nous pourrons le leur rappeler lorsque, ici ou là, elles prennent certaines positions sur tel ou tel problème lié à l'environnement.
Les prémices issues de la Conférence sur la sécurité en Europe trouvent aujourd'hui un prolongement dans la convention d'Aarhus.
Cet accord, je l'ai dit, a été signé et ratifié par beaucoup de pays d'Europe centrale et orientale. Certains d'entre eux, comme la Pologne, ont d'ores et déjà décidé d'adapter leur législation interne. Ainsi, ce texte peut contribuer à lutter aujourd'hui contre une forme de dumping écologique qui encouragerait l'installation des industries les plus polluantes dans des pays déjà passablement éprouvés par de graves atteintes à l'environnement liées à leur passé.
Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, la convention couvre un large spectre de droits souvent précis et novateurs. Je n'aurai que quelques regrets à exprimer sur la liste des activités dont l'autorisation requiert la participation du public. En effet, si cette liste prend en compte la construction des aéroports, elle ne concerne pas la définition des couloirs aériens à l'approche de ces aéroports, qui constituent pourtant la principale source de nuisances pour le public. Il suffit, pour s'en rendre compte, d'observer les débats qui ont lieu dès lors que l'on construit de nouvelles pistes, de nouveaux aéroports ou que l'on modifie les procédures d'approche en usage.
En outre, cette liste ne vise pas davantage les grands projets d'urbanisme qui, à maints égards, peuvent altérer durablement notre cadre de vie. C'est sans doute ce qui explique l'absence des ONG françaises aux négociations, car on sait combien elles sont sensibles à ces problèmes.
Enfin, la convention ne règle pas vraiment le cas des organismes génétiquement modifiés.
Or une plus grande participation du public constituerait une garantie supplémentaire pour encadrer la diffusion de techniques qui pourraient se révéler très préjudiciables pour notre agriculture.
Ce n'est pas une affaire qu'il faut réserver aux seuls spécialistes. De plus en plus la technologie de nos progrès sera issue de la recherche de haut niveau. Leurs applications, comme dans le cas des OGM par exemple, ne pourront se faire sans l'adhésion des populations jusqu'à présent maintenues dans l'ignorance. Faute d'informations, celle-ci ne peuvent que manifester un refus fondé sur la crainte.
Nous formons le voeu que notre pays intervienne à la Conférence des parties qui devrait se réunir au cours de l'année pour évoquer ces différents points. C'est au bénéfice de ces observations que la commission vous invite à adopter le présent projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes), signée à Aarhus le 25 juin 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi est adopté à l'unanimité.

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