SEANCE DU 21 FEVRIER 2002


M. le président. « Art. 2. - L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 2 . - Nul ne peut être désigné en justice pour exercer ces fonctions, sous réserve des dispositions particulières à certaines matières, notamment celles relatives aux mineurs et aux majeurs protégés, ou sous réserve des missions occasionnelles qui peuvent être confiées aux membres des professions judiciaires et juridiques en matière civile, s'il n'est inscrit sur la liste établie par une commission nationale instituée à cet effet.
« Toutefois, la formation de jugement peut, par décision motivée et après avis du procureur de la République, désigner comme administrateurs judiciaires des personnes ayant une expérience ou une qualification particulière et remplissant les conditions fixées aux 1° à 4° de l'article 5.
« Les personnes visées à l'alinéa précédent ne doivent pas exercer la profession d'avocat. Elles ne doivent pas non plus, au cours des cinq années précédentes, avoir perçu à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rétribution ou un paiement de la part de la personne physique ou morale faisant l'objet d'une mesure d'administration, d'assistance ou de surveillance ou d'une personne qui détient le contrôle de cette personne morale, ni s'être trouvées en situation de subordination par rapport à la personne physique ou morale concernée. Elles doivent, en outre, n'avoir aucun intérêt dans le mandat qui leur est donné et n'être pas au nombre des anciens administrateurs ou mandataires judiciaires ayant fait l'objet d'une décision de radiation ou de retrait des listes en application des articles 6, 13-1 et 22. Elles sont tenues d'exécuter les mandats qui leur sont confiés en se conformant, dans l'accomplissement de leurs diligences professionnelles, aux mêmes obligations que celles qui s'imposent aux administrateurs judiciaires inscrits sur la liste.
« Les personnes désignées en application du deuxième alinéa doivent, lors de l'acceptation de leur mandat, attester sur l'honneur qu'elles remplissent les conditions fixées aux 1° à 4° de l'article 5, qu'elles se conforment aux obligations énumérées à l'alinéa précédent et qu'elles ne font pas l'objet d'une interdiction d'exercice en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 37-1.
« Lorsque la formation de jugement nomme une personne morale, celle ci désigne en son sein une ou plusieurs personnes physiques pour la représenter dans l'accomplissement du mandat qui lui est confié. Elle informe la juridiction de cette désignation. »
L'amendement n° 4, présenté par M. Hyest au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Au début du premier alinéa de l'article 2, remplacer les mots : "L'article 2 de la même loi" par les mots : "L'article L. 811-2 du même code".
« II. - En conséquence, au début du deuxième alinéa de l'article 2, remplacer la référence : " Art. 2. " par la référence : " Art. L. 811-2." . »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Codification.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 153 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Après le premier alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la formation de jugement nomme une personne morale, celle-ci désigne en son sein une ou plusieurs personnes physiques pour la représenter dans l'accomplissement du mandat qui lui est confié. Elle informe la juridiction de cette désignation.
« II. - Supprimer le dernier alinéa dudit texte. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de conséquence du sous-amendement n° 152 du Gouvernement à l'amendement n° 5 de la commission des lois, par lequel je proposerai que la désignation d'un administrateur hors liste soit réservée aux seules personnes physiques.
Dans ce régime, le dernier alinéa de l'article 2 ne peut concerner que les personnes morales inscrites sur la liste des administrateurs judiciaires, c'est-à-dire, en pratique, les sociétés ayant pour objet l'exercice de la profession d'administrateur judiciaire. Cette disposition trouve donc sa juste place après le premier alinéa. M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette disposition figure au dernier alinéa de l'article 2 mais est en facteur commun pour les administrateurs désignés hors liste et les administrateurs inscrits sur la liste nationale. Par conséquent, le dispositif proposé par le Gouvernement est déjà prévu dans le dispositif adopté par les députés.
Il paraît plus complet puisqu'il vise l'ensemble des personnes morales pouvant être appelées à exercer des missions confiées aux administrateurs qu'elles figurent ou non sur la liste nationale. Nous émettons néanmoins un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Hyest au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 2, pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 :
« Toutefois, à titre exceptionnel, la formation de jugement peut, par décision motivée et après avis du procureur de la République, désigner comme administrateur judiciaire une personne justifiant d'une expérience ou d'une qualification particulière au regard de la nature de l'affaire et remplissant les conditions définies aux 1° à 4° de l'article L. 811-5. »
Le sous-amendement n° 151, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 5, supprimer les mots : "à titre exceptionnel". »
Le sous-amendement n° 152, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 5, après les mots : "une personne", insérer le mot : "physique". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avec cet amendement, nous en arrivons au fond du débat.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale généralise et banalise le recours à des personnes non inscrites, de sorte que le maintien d'une profession réglementée dont le cadre légal est par ailleurs renforcé n'a plus de sens. Il s'agit en réalité, sous couvert d'instaurer une saine émulation, de vider cette profession réglementée de ses éléments. D'ailleurs, le rapporteur de l'Assemblée nationale l'a clairement exprimé.
La commission refuse cette démarche, qui est contraire à notre évolution législative, et entend maintenir la solution consacrée en 1985, celle de la profession réglementée, qui offre les meilleures garanties : formation, contrôle, solidarité financière, etc. Elle admet, à titre de souplesse, le recours à des personnes extérieures, en conservant les garanties ajoutées par le projet de loi : avis du procureur, etc.
Tel est le sens de cet amendement, qui détermine tout le statut des administrateurs et des mandataires.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter les sous-amendements n°s 151 et 152, et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Le Gouvernement serait favorable à cet amendement si la commission acceptait le sous-amendement n° 152.
S'il est en effet souhaitable de maintenir le critère tiré de la nature de l'affaire, afin que la désignation des professionnels hors liste ne soit qu'occasionnelle, le rétablissement de son caractère exceptionnel limite de façon excessive la marge d'appréciation du juge. La combinaison des deux conditions serait, au demeurant, en ce qui concerne l'administrateur judiciaire, plus restrictive que ne l'est le droit actuel, issu de la loi de 1985.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 151 et 152 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Contrairement à ce que vient de dire Mme le garde des sceaux, c'est la reprise du droit en vigueur. Nous pensons qu'il faut conserver le caractère exceptionnel, et cela en fonction de la nature de l'affaire.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Effecti- vement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Gouvernement souhaite une ouverture limitée. Nous, nous souhaitons que l'ouverture ne se fasse qu'à titre exceptionnel puisque nous voulons maintenir une profession réglementée.
On ne peut pas « courir deux lièvres à la fois » !
Après tout, le juge, après avis du procureur et en fonction de la nature de l'affaire, peut faire appel à des personnalités extérieures. Je crois que cela doit demeurer l'exception. Nous restons dans l'esprit de la loi de 1985.
C'est pourquoi je suis défavorable au sous-amendement n° 151.
Le sous-amendement n° 152 tend, en fait, à revenir au projet de loi initial, qui ne visait que les seules personnes physiques s'agissant de la désignation par le tribunal de personnes non inscrites sur la liste nationale. Or la commission des lois a accepté le dispositif retenu par les députés, qui a finalement étendu les possibilités de désignation aux personnes morales non inscrites.
Il ne paraît donc pas opportun de revenir en arrière et de relancer le débat sur le champ des personnes désignées hors liste. Les critères d'ouverture retenus par la commission des lois paraissent suffisants. Il ne paraît pas souhaitable de renforcer la rigueur du dispositif prévu.
Je rappelle en outre que, bien entendu, les personnes morales peuvent être désignées, mais elles doivent à leur tour désigner des personnes physiques qui seront habilitées.
Il peut y avoir exercice d'une profession sous forme de personne morale. A partir du moment où des personnes physiques sont désignées nommément pour des affaires, je pense qu'il n'y a pas de problème. C'est un point en discussion mais je crois qu'il faut laisser la possibilité de faire appel à des personnes morales, alors que l'Assemblée nationale propose d'ouvrir à tout va la possibilité de désigner des administrateurs ou des mandataires.
La commission est donc défavorable au sous-amendement n° 152.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Nous devons tout de même tirer les leçons de certaines expériences.
Que va-t-il se passer ? On va désigner des grands cabinets. Les grands cabinets vont ensuite désigner des représentants, donc des personnes physiques. Mais il faut aussi tenir compte des évolutions que nous cherchons à impulser à l'échelon européen. Il est clair que, concernant ces métiers, il y a deux écoles.
Le Gouvernement n'est pas favorable à ce que, petit à petit, les grands cabinets finissent par bénéficier d'une position totalement dominante. Du reste, on l'a vu, ces grands cabinets peuvent aussi se tromper et leurs erreurs avoir les plus graves conséquences.
Nous savons tous que certaines absorptions vont encore se réaliser. Certains cabinets français de grande qualité sont en passe de fusionner encore pour atteindre éventuellement une taille très importante.
Quoi qu'il en soit, je demeure prudente et je ne dis pas que, dans vingt ans, il ne nous faudra pas revoir notre position. Mais, compte tenu de ce que nous venons de vivre, je préférerais viser pour l'instant les personnes physiques, ce qui obligerait d'ailleurs les sociétés en question à faire de leurs salariés des collaborateurs associés, sécurisant ainsi leur situation, en particulier en cas de mélange - nous le constatons parfois - entre le conseil juridique, la gestion des chiffres, le portage, voire la négociation d'un contrat.
Je sais que tout le monde ne suit pas cette ligne en France, et que le clivage n'est pas uniquement politique, mais il est important de trouver une solution si nous voulons réussir au niveau européen. N'est-ce pas là une clé ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 151.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 152.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Compte tenu du rejet des deux sous-amendements, je suis défavorable à l'amendement n° 5.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Supprimer la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985.
« II. - En conséquence, rédiger comme suit le début de la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 précitée :
« Les personnes visées à l'alinéa précédent ne doivent pas, au cours des cinq années précédentes,... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Lors de la réforme des professions judiciaires, les avocats avaient été admis à exercer la fonction d'administrateur judiciaire, et un petit nombre d'entre eux exerçaient effectivement cette fonction. Or on nous propose aujourd'hui de les exclure. Nous considérons que c'est excessif, et qu'ils remplissent généralement bien leurs missions, surtout dans certains secteurs géographiques où il y a peu d'administrateurs. Pourquoi cette exclusion, qui est - non pas de la part du Gouvernement, mais de la part de certains - une sorte de vindicte contre leur propre profession ?
M. le président. Que est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Dans la logique de ce que je viens d'expliquer sur les grands groupes, et même si je ne suis pas d'accord avec ce que la commission vient de proposer à l'instant, je pense qu'effectivement les avocats peuvent se permettre d'équilibrer le « jeu »,... même si ce n'est pas un jeu.
Je suis donc favorable à l'amendement n° 6.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par M. Gélard et les membres du groupe du RPR, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, après les mots : "cette personne morale", insérer les mots : "ou de l'une de ses filiales". »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement a pour objet de parfaire le dispositif proposé afin d'éviter plus encore les risques de fraude et d'assurer ainsi la protection des intérêts en présence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement précise les conditions d'inscription des administrateurs judiciaires susceptibles, à titre exceptionnel, d'être désignés hors liste nationale.
La commission est favorable à cette bonne mesure, qui renforce les garanties des intéressés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Sur le fond, M. Gélard a raison, mais, sur le forme, son amendement me semble redondant puisque le régime des incompatibilités est prévu à l'article 2.
Cela étant, l'hypothèse d'une prise d'intérêts par l'intermédiaire d'une filiale est d'ores et déjà prise en compte dans le texte voté par l'Assemblée nationale, qui mentionne en termes plus généraux toutes les rémunérations perçues directement par le professionnel.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Gélard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard. Mme le garde des sceaux vient de me convaincre : je le retire.
M. le président. L'amendement n° 136 est retiré.
L'amendement n° 137, présenté par M. Gélard et les membres du groupe du RPR, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, après les mots : "en situation", insérer les mots : "de conseil ou". »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Comme le précédent, cet amendement a pour objet de parfaire le dispositif proposé afin d'éviter plus encore les risques de fraudes et d'assurer ainsi la protection des intérêts en présence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement apportant une précision qui renforce le dispositif de contrôle, la commission ne peut qu'y être favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Même position : sur le fond, je suis tout à fait d'accord, je ne m'oppose pas à ce que le dispositif soit plus lisible.
Par purisme, je devrais être défavorable à cet amendement, mais je m'en remets cependant à la sagesse du Sénat. J'ai tort en droit, mais peut-être raison sur le fond. Nous verrons bien !
M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est un amendement pédagogique !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Hyest au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin de la troisième phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, remplacer les références : "6, 13-1 et 22" par les références : "L. 811-6, L. 811-12 et L. 812-4". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Codification.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Hyest au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 2 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985, remplacer les mots : "l'article 5" par les mots : "l'article L. 811-5" et les mots : "l'article 37-1" par les mots : "l'article L. 814-9". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Codification.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3