présidence de m. bernard angels

vice-président

M. le président. La parole est à M. Hilaire Flandre, rapporteur.

M. Hilaire Flandre, rapporteur de la mission d'information commune. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à rendre un hommage très sincère au président de notre mission d'information, M. Jacques Pelletier, qui a su entretenir au sein de celle-ci une atmosphère d'entente et de respect mutuels. Le bon déroulement de ses travaux y est en grande partie lié.

Si l'été 1976 est resté associé à l'impôt sécheresse, destiné à compenser les pertes agricoles, l'été 2003 restera à jamais dans les mémoires comme celui de la catastrophe sanitaire et de ses 15 000 morts.

En comparaison, les conséquences de la canicule pour l'économie française ont été relativement limitées.

Sur le plan macroéconomique, tout d'abord, on relève une perte de croissance de 0,1 à 0,2 point de PIB, représentant tout de même un « manque à gagner » de 15 milliards à 30 milliards d'euros. Elle s'est accompagnée d'une faible augmentation de l'inflation et d'une légère diminution de la consommation des ménages.

A un échelon plus sectoriel, l'agriculture française a été frappée de plein fouet par la canicule et par la sécheresse, davantage toutefois en termes de production que de revenus.

Très diverses selon les régions et les cultures, les pertes de production ont oscillé, en moyenne, entre 20 % et 30 %, allant dans certains cas jusqu'à dépasser 50 %. Parmi les productions animales, les élevages hors-sol ont été très gravement touchés, entre 4 millions et 5 millions de volailles ayant péri durant l'été. L'alimentation des bovins a par ailleurs été rendue difficile en raison d'une pénurie de fourrages qui a rendu nécessaire l'organisation d'un dispositif national de transport de paille. Enfin, la production de bois a été, quantitativement et qualitativement, décevante, comme l'a souligné M. Serge Lepeltier.

Malgré ces pertes substantielles de production, une bonne partie des exploitants agricoles ont pu maintenir leurs revenus. Globalement, le revenu agricole français a même légèrement augmenté en 2003.

Une combinaison de facteurs favorables explique cette évolution.

Tout d'abord, habitué aux événements climatiques exceptionnels, le monde rural a su s'organiser et faire preuve d'une remarquable solidarité, comme il en a été témoigné devant la mission.

Ensuite, la sécheresse n'a pas touché tous les départements de la même façon, et les réserves en eau étaient globalement satisfaisantes avant le début de l'été.

En outre, les produits agricoles se sont trouvés fortement valorisés par une raréfaction de l'offre alliée à une qualité souvent excellente. Ainsi, la très forte augmentation de leurs prix a dans certains cas compensé les pertes de production.

Enfin, les pouvoirs publics ont fait preuve de capacités d'anticipation et de réactivité. Ils ont en effet, très tôt dans la saison, mis en place des structures chargées de gérer la crise. Ils ont également pris des mesures techniques et financières adaptées, d'un coût total proche d'un milliard d'euros.

Malgré ces motifs de satisfaction, la mission d'information tient à souligner que la canicule a révélé les limites de notre système agricole face à des conditions climatiques extrêmes.

Il est ainsi apparu que le dispositif d'indemnisation actuel n'est plus adapté. Les règles d'éligibilité, de financement et d'indemnisation du Fonds national de garantie des calamités agricoles doivent être largement révisées. Le mécanisme de l'assurance-récolte mériterait d'être développé avec le soutien de l'Etat, à l'exemple de ce qui se pratique dans les pays voisins.

Le dispositif de transport des fourrages, qui n'a pas été au-dessus de toute critique, pourrait quant à lui faire l'objet d'un protocole visant à prévenir les effets d'une prochaine canicule, car nous ne sommes nullement à l'abri de la réapparition d'un tel phénomène.

Je pense également que les dispositifs de stockage des eaux, abondantes mais souvent gaspillées, gagneraient à être revus. Un programme hydraulique important devrait pouvoir être mis en place par le ministère concerné.

Enfin, le recours à des spéculations et à des méthodes culturales économes en eau et adaptées aux évolutions climatiques futures devrait être encouragé.

Le secteur de l'énergie, pour sa part, a géré de façon relativement indolore une situation inédite, conduisant à s'interroger sur son organisation même.

L'équilibre entre l'offre et la demande d'énergie a failli être rompu à la suite d'un brusque effet de ciseaux : la consommation d'électricité a fortement augmenté, en raison de la nécessité d'alimenter les appareils de refroidissement ; dans le même temps, la capacité de production a diminué pour plusieurs raisons, à savoir les problèmes de refroidissement des centrales électriques, la situation de maintenance dans laquelle se trouvaient nombre d'entre elles, la saturation en plusieurs points du réseau de transport et l'utilisation problématique des sources d'énergie autres que le nucléaire.

En définitive, la menace d'un délestage généralisé a pu être évitée grâce à différents facteurs. Tout d'abord, les conditions météorologiques sont revenues à la normale peu avant la reprise d'activité suivant le week-end du 15 août. Ensuite, EDF Réseau de transport d'électricité, RTE, n'ont pas hésité à mobiliser l'ensemble de leurs ressources et à prendre les mesures d'urgence adaptées face à la crise. Enfin, les pouvoirs publics ont assuré une bonne coordination interministérielle, ont mis en place un système de dérogations exceptionnelles pour les rejets des eaux de refroidissement et ont lancé un appel au civisme des Français, qui s'est avéré efficace.

Finalement épargné, le secteur de l'énergie n'en a pas moins montré ses limites, comme l'a constaté la mission : une adaptation de notre politique énergétique s'impose aujourd'hui.

D'abord, la politique d'économie d'énergie devrait être renforcée. Cela permettrait de ne pas solliciter excessivement un système de production d'énergie fragilisé en période de canicule.

Ensuite, le « mix énergétique » français pourrait être redéfini afin de franchir les « pics de besoins » ressentis en période climatique exceptionnelle. A cet effet, l'emplacement des centrales électriques et leur calendrier de maintenance devraient être réexaminés. De plus, les sources d'énergie renouvelables, insensibles à la canicule, devraient être renforcées. Des efforts de recherche et de financement publics permettraient en ce sens de développer l'énergie solaire.

Enfin, l'organisation du système d'approvisionnement en énergie pourrait être réexaminée dans plusieurs directions : consolidation du réseau de transport et de distribution national, développement des interconnexions et des procédures de secours mutuel avec l'étranger, responsabilisation des fournisseurs d'énergie ou encore actualisation des plans de délestage.

Moins sollicités durant la première quinzaine d'août, les secteurs de l'économie autres que l'agriculture et l'énergie ont logiquement été moins affectés par la canicule. Toutefois, un certain nombre de contraintes inhabituelles, voire d'incidents, sont à relever.

Ainsi, dans le secteur industriel, les hommes et les machines ont été assez durement éprouvés, les secondes ayant souffert de fréquents dysfonctionnements tandis que les premiers ont bénéficié de repos supplémentaires.

Les transports ferroviaires ont, quant à eux, connu d'importants retards en raison d'une dilatation des rails, provoquée par l'excès de chaleur.

Le secteur du commerce et de la distribution a connu des fortunes diverses : certains domaines tels que la climatisation et les boissons ont largement profité de la canicule, tandis que d'autres, comme le textile et habillement ou le commerce des viandes, en ont directement pâti.

Enfin, les activités de tourisme ont été marquées notamment par une surfréquentation des lieux de fraîcheur, une hausse de l'activité de l'hôtellerie de plein air et une baisse de l'activité des restaurants.

Telles ont été les principales conséquences de la canicule sur notre économie, qui ne sont donc en rien comparables à celles qui ont été relevées dans le secteur sanitaire. Toutefois, elles ont mis en évidence l'inadaptation de notre système économique à des conditions climatiques extrêmes. Il est clairement apparu à la mission que des aménagements restaient aujourd'hui à inventer de ce point de vue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur de la mission d'information commune. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à mon tour, après MM. Serge Lepeltier et Hilaire Flandre, à remercier le président de la mission d'information, M. Jacques Pelletier, qui a conduit nos travaux avec pragmatisme, disponibilité et sérénité. Je remercie également les administrateurs de leur compétence et de leur gentillesse.

Comme vous le savez, la vague de chaleur caniculaire de l'été 2003 a déclenché, avec une rapidité fulgurante, la plus grande catastrophe sanitaire que notre pays a connue depuis la Libération.

De fait, et malgré la mobilisation des services publics et le dévouement des personnels, la canicule a provoqué, entre le 1er et le 20 août, une surmortalité de l'ordre de 15 000 décès. Cela a constitué pour l'opinion un choc et une grande surprise, trois ans seulement après le rapport de l'Organisation mondiale de la santé attribuant au système de santé français la première place dans son classement.

Je souhaiterais tout d'abord revenir sur les principales caractéristiques du bilan humain de cette crise : les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ont représenté 82 % du total des victimes ; 42 % des décès sont survenus dans les hôpitaux, 35 % à domicile, 19 % en maisons de retraite, et 3 % dans les cliniques privées ; la répartition géographique des victimes fait apparaître à la fois de très forts contrastes régionaux, une nette surmortalité en milieu urbain et une surreprésentation de l'Ile-de-France, avec 33 % du total national.

Selon tous nos interlocuteurs, le caractère extrême des températures, le jour et surtout la nuit, ainsi que l'écart avec les niveaux moyens ont bien constitué le facteur déclenchant d'un véritable « séisme thermique ».

J'ajouterai que la crise s'est développée sur une période de temps très brève, de seulement dix-neuf jours avec une rapidité inouïe : 286 victimes le 4 août, 1 202 le 8 août, et 2 197 pour la seule journée du 12 août, qui marque le paroxysme de la crise, le retour à la normale intervenant le 19 août.

Contrairement à ce qui semblait être le cas au moment où les événements se déroulaient, la France n'a pas été le seul pays touché en Europe : sur la base d'estimations encore provisoires, il y aurait eu 6 200 morts supplémentaires en Espagne, 7 659 en Italie du Nord et entre 3 000 et 7 000 en Allemagne.

Face à un tel constat, la mission d'information du Sénat s'est attachée à comprendre pourquoi la réponse des différents acteurs et des pouvoirs publics avait été décalée par rapport à la réalité de la crise.

Nos auditions et nos déplacements sur le terrain ont montré que les pouvoirs publics étaient apparus pris de court par le phénomène et que la riposte avait été insuffisante, désordonnée et tardive.

De fait, l'absence de prise en compte des précédents et l'absence de conscience du danger représenté par la chaleur ont rendu, dès le départ, la catastrophe quasiment inévitable, alors que la gestion de la canicule imposait, à l'inverse, une réaction rapide, dans un délai très court de quarante-huit à soixante-douze heures.

La mission a ainsi constaté que le système d'alerte, centré autour de l'Institut de veille sanitaire, avait failli et que la gestion d'ensemble de la crise n'avait pas permis de coordonner les efforts d'acteurs multiples, éclatés au niveau tant local que national.

Pourtant, la crise de la canicule a aussi été l'occasion d'observer une très importante mobilisation des acteurs de terrain, à laquelle la mission d'information souhaite rendre un hommage tout particulier.

Les services d'urgence se sont ainsi retrouvés en première ligne, de même que les sapeurs-pompiers, tandis que, pour reprendre les termes du professeur Pierre Carli, directeur du SAMU de Paris, l'ensemble des personnels hospitaliers, dont une partie était d'ailleurs spontanément rentrée de congés, constituaient « le dernier recours ».

Par ailleurs, comme le montrent les constats nuancés établis par la Caisse nationale de l'assurance maladie et par l'Inspection générale des affaires sociales, les médecins libéraux, au plus fort de la crise, étaient eux aussi présents, même s'ils furent peu sollicités.

Les témoignages que nous avons recueillis sur le terrain ont par ailleurs montré, d'une façon générale, l'implication des familles et leur dévouement à l'égard des personnes âgées de leur entourage. Contrairement à ce qui a pu être soutenu, les cas d'abandon des aînés semblent avoir été exceptionnels.

Parmi les défaillances de notre système sanitaire mises en évidence lors de la crise de la canicule, il convient également de noter l'absence de remontées d'informations, la lenteur du traitement des certificats de décès et l'effet des cloisonnements administratifs.

L'Institut de veille sanitaire et la direction générale de la santé se sont mobilisés avec lenteur alors que la crise se développait très rapidement.

A cet égard, la mission s'est demandée pourquoi la direction générale de la santé, la direction générale de l'action sociale et la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins ne fonctionnaient pas en réseau et ne communiquaient pas davantage entre elles.

La crise de la canicule a été vécue, à juste titre, comme un véritable drame national, dont toutes les conclusions doivent être tirées.

Depuis le mois d'août 2003, de nombreuses mesures ont déjà été prises, dont certaines sont déjà entrées en vigueur ou sont en passe de l'être. Il s'agit tout d'abord du plan « vieillissement et solidarités », qui vise, d'ici à 2008, à accélérer la médicalisation des maisons de retraite, à développer l'accueil temporaire et à faire bénéficier 100 000 personnes supplémentaires des services de soins infirmiers à domicile. Mais il s'agit aussi du « plan d'urgence » du ministre de la santé, qui permettra, sur cinq ans, d'affecter 489 millions d'euros à la création de 10 000 postes et à l'ouverture de 15 000 lits supplémentaires, et du projet de loi de santé publique, qui prévoit la redéfinition de l'organisation du système d'alerte et des missions de l'INVS, l'informatisation et la réforme du circuit des certificats de décès, ainsi que le renforcement du dispositif du « plan blanc ».

Les sept propositions que notre mission a formulées dans la partie sanitaire de son rapport ont pour objectif de compléter les actions déjà engagées.

Il s'agit d'abord de promouvoir l'effort de prévention en direction du grand public, grâce à des mesures simples et pratiques. Il semble en effet indispensable de diffuser à l'ensemble des hôpitaux et des maisons de retraite un protocole simple de prévention des risques d'hyperthermie, de former le personnel médical au risque d'hyperthermie et de climatiser au minimum une pièce par établissement accueillant des personnes âgées.

La deuxième priorité consiste à remettre à plat le système d'alerte, ce qui suppose notamment de créer un véritable système de permanence de garde à l'INVS et de renforcer les cellules interrégionales d'épidémiologie, les CIRE, en région, afin qu'à ce niveau aussi le système soit plus réactif, mais aussi de rendre opérationnel le réseau d'information électronique « DGS urgent » et de mettre en place un système d'alerte analogue entre la direction générale de l'action sociale et les 10 000 maisons de retraite.

Le troisième axe majeur de réflexion porte sur la définition des responsabilités à l'échelon local, en cas de crise sanitaire. Il convient, dans cette perspective, d'affirmer le rôle coordonnateur du préfet, de confier aux centres communaux d'action sociale la mission de recenser les personnes âgées fragiles, isolées ou dépendantes, et de poursuivre le développement des centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, dont l'utilité a été soulignée par nos interlocuteurs, en particulier à Lille le mois dernier.

Sur ce point, on ne peut que regretter le faible développement actuel des CLIC. Seuls onze départements ont en effet installé la totalité des structures prévues et la couverture moyenne pour l'ensemble du territoire n'est que de 25 %.

A ce retard, il convient désormais d'ajouter une inconnue, puisque, à l'issue de l'adoption définitive du projet de loi relatif aux responsabilités locales, la compétence « personnes âgées » devrait relever entièrement des conseils généraux, et donc, par voie de conséquence, le financement des CLIC. Si le transfert financier qui doit accompagner ce transfert de compétences ne prend en compte que les moyens actuels, la charge de la poursuite de l'effort de création des CLIC restants reposera intégralement sur les collectivités locales. Il y a lieu de craindre des disparités fortes en fonction des ressources que ces collectivités seront à même de dégager pour assurer la pérennité du dispositif. La mission souligne l'importance essentielle de cette politique et sera particulièrement vigilante sur ce point.

La quatrième priorité vise, de façon complémentaire, à coordonner les services à l'échelon national par un décloisonnement des administrations centrales et par la création d'un conseil national de sécurité sanitaire, à partir des propositions développées en 1998 par notre ancien collègue M. Claude Huriet.

Cinquième axe : il nous faut revoir l'organisation interne de l'hôpital, pour mieux faire face à un afflux brutal de nombreux patients âgés ou fragiles. Un tel objectif suppose, d'abord, de « désengorger » les urgences, grâce à la création, dans l'enceinte même de l'hôpital, ou à proximité, de maisons de garde accueillant des médecins généralistes prenant en charge les patients relevant de la médecine de ville. Cela suppose, ensuite, de moduler l'application des 35 heures et d'assouplir les règles internes de gestion des ressources humaines, pour permettre des transferts temporaires de personnel entre services pendant les périodes de vacances. Cela suppose, enfin, de créer des services de gériatrie aiguë dans tous les centres hospitaliers et universitaires et les centres hospitaliers régionaux, ainsi que dans tous les établissements disposant d'un service d'urgence.

La sixième priorité consiste à proscrire les grands espaces vitrés dans les nouvelles maisons de retraite, écoles, maternités et les nouveaux hôpitaux.

Nous estimons, en outre, que tirer les conséquences du vieillissement de la population française suppose à la fois de développer les structures de lits d'aval, de procéder d'ici à trois ans à un bilan de l'efficacité du nouveau système de garde des médecins libéraux, mis en place dans le cadre des décrets du 15 septembre 2003, d'accentuer la médicalisation des maisons de retraite et, enfin, d'encourager le maintien à domicile des personnes âgées en poursuivant le développement des services de soins infirmiers à domicile.

En définitive, à l'instar des précédents d'Athènes en 1987 et de Chicago en 1991, la France a été prise au dépourvu en août 2003 par les conséquences sanitaires d'une canicule inédite. Comme l'ont fait ces deux villes, il convient de tirer les leçons de ces événements tragiques pour faire face à la prochaine vague de chaleur extrême.

La catastrophe de l'été dernier est aussi à l'origine d'une prise de conscience de l'importance de l'effort que la nation doit fournir pour faire face aux défis du vieillissement. Le nombre des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans devrait en effet passer dans notre pays, entre 2000 et 2050, de 1,2 million à 4,5 millions.

Comme l'a souligné devant notre mission M. Hubert Falco, notre pays manque aujourd'hui de 25 000 à 30 000 lits médicalisés, et environ 20 % du parc actuel des maisons de retraite est inadapté. Nous ne pouvons que partager ce constat, qui appelle un vaste effort collectif. Ne nous cachons pas qu'il s'agit d'une oeuvre de longue haleine, qui devra faire appel à l'esprit de solidarité et associer chaque Français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 82 minutes ;

Groupe socialiste, 44 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame, messieurs le ministre, mes chers collègues, alors que les mois de juillet et d'août sont désormais loin derrière nous, le débat sur la canicule est toujours aussi présent. C'est dire l'importance de l'événement et son incidence sanitaire sans précédent ! C'est dire l'importance pour le Parlement de tirer aujourd'hui les leçons d'une crise !

Je fais miens les propos du président de notre mission d'information, M. Jacques Pelletier : il ne s'agit non pas de se livrer à une chasse aux sorcières, mais de comprendre les événements et de formuler des propositions. Mais comprendre les événements, c'est analyser les causes qui sont à l'origine d'une catastrophe sanitaire dont l'ampleur est exceptionnelle.

La mission, qui fait l'objet de ce rapport, ne s'est pas contentée de mettre en lumière les conséquences sanitaires de la canicule, elle a aussi envisagé, et je l'en félicite, les conséquences agricoles, industrielles, économiques et environnementales de celle-ci.

C'est pourquoi je tiens à faire remarquer que certains ministères ont su faire face, chacun dans leur domaine, aux conséquences de la sécheresse.

Prenons le domaine de l'agriculture. Grâce à une gestion rationnelle de l'eau, les conséquences de la sécheresse ont été limitées dans les secteurs irrigués - en ce qui concerne les Alpes sèches, cela a été un peu plus sec que d'habitude - et compensées par un train d'aides financières. De plus, le monde agricole, souvent tributaire de la météo, a appris à gérer les crises et sait mettre en oeuvre dans l'urgence la solidarité rurale.

Bien entendu, les forêts méditerranéennes ont payé un lourd tribut avec leur lot d'incendies et le tragique constat d'un manque certain de coordination des renforts.

A ce sujet, j'avais questionné M. le Premier ministre sur la baisse inopportune, face à cet événement sans précédent, des crédits destinés à la prévention des incendies de forêt et inscrits dans le budget 2004.

C'est vous-même, madame la ministre de l'écologie et du développement durable, qui m'aviez répondu, en me garantissant d'inscrire, dans l'attente des conclusions d'une mission spécifique, les crédits nécessaires dans la loi de finances rectificative. Nous aimerions connaître la suite qui a été donnée à notre question.

Prenons le ministère de l'industrie.

L'augmentation de la consommation énergétique parallèlement à la diminution de la production de l'énergie n'a pas conduit à l'interruption de production, grâce à une politique rapide et adaptée des divers opérateurs.

A ce sujet, je me permets de m'interroger sur l'exploitation de l'énergie hydraulique : ne peut-elle connaître encore une extension à partir des retenues existantes ?

Bien entendu, si ces secteurs ont été moins touchés que le secteur sanitaire, cela ne doit pas empêcher une réflexion générale sur les dangers des élevages hors sol et des cultures fortes consommatrices d'eau, d'une part, et sur la relance nécessaire d'une politique d'économie d'énergie et d'optimisation des énergies renouvelables, d'autre part.

En effet, le consensus des scientifiques est clair : le xxie siècle devra affronter un réchauffement planétaire qui se traduira, selon les pays, par des hausses des températures et une plus grande fréquence de phénomènes météorologiques exceptionnels.

Sachons tirer les leçons environnementales de cet été et anticipons.

J'en viens maintenant au secteur sanitaire.

Il est vrai que nous étions en période de vacances ; il est vrai que beaucoup de personnes âgées étaient seules ; il est vrai que de nombreux membres de l'administration étaient en vacances, que des médecins étaient en congés, que bon nombre de ministres avaient quitté la capitale, qu'il y avait plus de fermetures de lits dans les hôpitaux à cette période, qu'il était donc plus difficile de mobiliser les acteurs nécessaires. Raison de plus pour réagir plus vite, pour communiquer avec la population !

Ne tombons pas dans le fatalisme !

Si les pouvoirs publics ne sont pas responsables d'un phénomène météorologique exceptionnel, on peut largement s'interroger sur leur prise de conscience tardive et sur les décalages entre la perception des administrations sanitaires, la réalité de la crise et les moyens mis en oeuvre.

Avant le premier bulletin d'alerte de Météo France, le 1er août, plusieurs rapports scientifiques sur le réchauffement climatique avaient décrit nombre des effets auxquels il a fallu faire face dans la précipitation et l'impréparation !

Les professionnels de santé, les responsables des services d'urgence avaient tiré la sonnette d'alarme, tout comme, d'ailleurs, un an auparavant et en mai 2003, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Certains savaient donc ce qu'il fallait faire. Alors, pourquoi cette hécatombe ?

Comme je l'ai dit précédemment, s'il importe de dresser aujourd'hui ce constat, c'est avant tout pour que de tels faits ne se reproduisent plus, et non pas pour désigner des coupables.

Les conclusions de la mission d'information devraient donc nous aider à mieux comprendre l'événement.

Mais, comme l'on pouvait s'y attendre, le bilan nous laisse sur notre faim ; le groupe socialiste, dès le mois de septembre dernier, avait pourtant réclamé une commission d'enquête dont les délais de fonctionnement et les forts pouvoirs d'investigation auraient permis un examen plus approfondi et exhaustif.

Outre la redite de l'analyse des événements, de nombreux responsables politiques et administratifs n'ont pu être entendus. Nous aurions aimé pouvoir écouter les professionnels qui travaillent avec les personnes âgées. Il y a là un manque et une absence regrettables, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

Malgré tout, il est d'ores et déjà possible de formuler un certain nombre de remarques sur la gestion politique et administrative de cette crise, sur le fonctionnement de notre système de veille et d'alerte sanitaires, ainsi que sur la place des personnes âgées dans notre société.

Les différentes auditions démontrent une absence totale d'anticipation des pouvoirs publics. Nous sommes en accord avec ce constat.

Une canicule n'a rien d'imprévisible. Les météorologistes avaient anticipé celle-ci depuis plusieurs mois.

De plus, les conséquences de la température sur la santé sont bien connues, de même que les mesures préventives. Les experts connaissaient les études disponibles sur la vague de chaleur qui frappa la ville de Chicago en 1995 ou celle d'Athènes en 1986. Dans la capitale grecque, on avait compté 20 000 décès liés à la canicule ; l'année suivante, avec un phénomène identique, on n'eut à déplorer qu'une vingtaine de décès en surnombre.

Nous sommes loin d'être un pays démuni !

Comme le dit Jean-Pierre Besancenot, que la commission a entendu, l'annonce faite par Météo France, le 1er août, est passée inaperçue !

A plusieurs reprises, nos interlocuteurs ont insisté sur le cloisonnement excessif des services concernés, sur l'absence de coopération entre les ministères compétents, sur les dysfonctionnements des administrations sanitaires, sur le caractère tardif et décalé de la réaction des différents échelons administratifs, sur l'absence d'un organe ou d'un décisionnaire capable de prendre « à chaud », en temps réel, la dimension de la crise et de coordonner les réponses.

Le colonel Richard Vignon, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, note, en particulier, que la dimension interministérielle du centre opérationnel de gestion interministérielle de crise, qui relève du ministère de l'intérieur, a été très largement ignorée.

A la lumière de tout ce qui précède, il apparaît très nettement que l'ampleur de la crise s'explique par des dysfonctionnements intervenus au stade de l'alerte. La crise a mis en lumière un manque de planification, de vigilance et de coordination dans le domaine sanitaire.

Autre constat : les auditions mettent en avant l'insuffisance de la fiabilité de notre système de veille, d'alerte et de gestion du risque sanitaire. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont ceux que nous avons auditionnés !

Là aussi, nous sommes en accord avec le constat, même si l'analyse est, à nos yeux, incomplète et qu'elle ne va pas jusqu'au bout.

Si l'insuffisante connaissance scientifique française des effets d'une forte canicule peut expliquer le temps de latence dans la réaction des pouvoirs publics, on ne peut se satisfaire de cette seule explication et s'exonérer d'une réflexion approfondie sur la réactivité de notre système de veille et d'alerte sanitaires.

Plusieurs des personnes que nous avons entendues relèvent que « l'Institut de veille sanitaire n'avait donné aucune information permettant de déceler une situation anormale du 8 au 13 août ». Cet institut était-il destinataire de l'ensemble des informations en la possession des divers services concernés ?

Par ailleurs, le dispositif interministériel de gestion des crises ne s'est senti concerné par la situation que le lundi 11 août, à la suite du cri d'alarme lancé par les urgentistes de Paris, parce qu'il n'y avait pas, pour la sécurité civile, de saturation.

Au-delà des conclusions du rapport, nous voulons insister sur le trop grand décalage constaté entre les services du ministère et le cabinet.

Ce dysfonctionnement est sans doute à l'origine de l'erreur de communication du ministre de la santé qui, lors d'un entretien télévisé, le 11 août dernier, a affirmé que la situation était maîtrisée.

Cette erreur de communication ajoutée au fait que, pendant plusieurs jours, certains membres du Gouvernement ont persité à considérer que les témoignages des urgentistes ou que les questions posées n'étaient que polémiques n'ont pas permis de diffuser les messages qui s'imposaient et de prendre, au niveau adéquat, les décisions qui auraient éventuellement pu, au début de cette deuxième semaine, limiter les effets de la canicule.

Erreur grave, car une communication gouvernementale suffisamment rapide et forte aurait sans doute mieux mobilisé l'ensemble des acteurs concernés par la prise en charge des personnes fragilisées.

Cette crise a révélé de grands besoins concernant la prise en charge des personnes âgées, selon le rapport. Pour nous, le rapport est incomplet et, bien évidemment, les mesures qui en résultent sont décevantes !

Il aura fallu plusieurs milliers de décès pour que le Gouvernement et le pays découvrent la détresse des personnes les plus fragilisées d'entre nous : les personnes âgées.

Les débats actuels sur la solidarité à l'égard des personnes âgées au regard des suites dramatiques de la canicule posent un vrai problème de dignité : un problème de dignité du débat politique, mes chers collègues ! Je m'étendrai un peu sur ce sujet, car le rapport, sur ce point, me semble très largement insatisfaisant.

Le Gouvernement fait mine de découvrir un problème majeur de société, annonce un plan Marshall et déclare que tout reste à faire.

A l'en croire, le projet de loi qui vient d'être annoncé sur l'autonomie des personnes âgées devrait marquer le début d'une ère nouvelle en matière de prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Pourtant, tout le monde connaissait la forte demande sociale en matière de lutte contre l'isolement des personnes âgées.

La montée en charge de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, et l'afflux des demandes n'ont été perçus que sous l'angle de leurs conséquences financières.

Le Gouvernement a rogné cette prestation au moment même où il faisait un cadeau du même montant à ceux qui payaient l'impôt de solidarité sur la fortune, au moment même où il relevait fortement le montant de la réduction d'impôt pour emploi de garde ou d'assistance à domicile, cadeau fiscal qui profite d'abord aux plus hauts revenus !

Le Gouvernement annonce de grandes actions pour mieux passer sous silence le fait qu'il a commencé par remettre en cause et par déstabiliser presque tout ce que ses prédécesseurs avaient engagé, et, en premier lieu, l'APA.

Imaginez ce qui ce serait passé cet été si l'APA n'avait pas existé !

Les établissements pour personnes âgées ont été victimes des restrictions budgétaires du Gouvernement : le financement du plan pluriannuel visant à augmenter les personnels dans les maisons de retraite a été réduit de plus de la moitié en 2003.

Le rapport, sur ce point, est muet ; quant au discours des ministres, sur cette question, il est obscur est flottant.

Permettez-moi de citer un autre exemple : l'abandon du plan gériatrique mis en place par M. Bernard Kouchner et Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce plan lançait une dynamique de reconnaissance de la filière gériatrique à l'hôpital et de lien avec les soins de ville. Cette démarche a été abandonnée, et on peut malheureusement mesurer aujourd'hui à quel point c'était une démarche absolue.

Si cette absence de politique en direction des personnes âgées n'explique pas, à elle seule, l'hécatombe que nous avons connue, elle y a fortement contribué.

Aujourd'hui, le débat politique sur nos anciens mérite mieux que des effets d'annonce, des petites polémiques ou les opérations au style provocateur et médiatique du type « suppression d'un jour férié ».

Nous sommes persuadés que cette question, comme celle de l'intégration, omniprésente dans l'actualité, représente un défi majeur de nos politiques sociales pour les trente prochaines années.

Je vous avais promis d'être constructif. Je vous propose donc quelques pistes de travail.

Tout d'abord, il convient que les solidarités familiales restent vivaces en France et que ce soit sur elles que s'appuient les politiques de solidarité publique. N'oublions pas que les deux tiers des personnes âgées lourdement handicapées sont maintenues à leur domicile grâce au soutien des familles et aux aides, au premier rang desquelles on trouve l'APA.

Par ailleurs, nous devons tenir compte de l'âge moyen des personnes âgées hébergées en établissement : il est passé de soixante-quinze ans à quatre-vingt-cinq ans en quinze ans ! Cela suppose des moyens supplémentaires importants, mais aussi une politique ambitieuse de formation, de reconnaissance et de qualification des personnels. Il faut en finir avec les préjugés qui ont fait des établissements pour personnes âgées les parents pauvres du système sanitaire et social.

En outre, il faut organiser la lutte contre l'isolement. C'est sans doute un champ particulièrement difficile, qui nécessite la coordination des acteurs très divers au-delà de l'Etat et des collectivités locales.

Les actions qui doivent être entreprises sont nombreuses, complexes et exigent volonté politique et continuité.

Il nous faudra mieux organiser le maillage du territoire avec les CLIC, organiser leur lien avec les centres communaux d'action sociale et les associations spécialisées, formaliser des réponses de types « protection civile » pour le traitement des situations de crise, développer des réseaux de soins coordonnés, veiller au suivi des personnes isolées après une sortie d'hôpital.

Il est nécessaire de mettre en oeuvre une approche territorialisée des politiques de modernisation de l'aide à domicile et de disposer de moyens souples d'appui à l'innovation, tels que ceux du Fonds de modernisation de l'aide à domicile, que nous avions créé et doté de crédits aujourd'hui trop peu consommés !

La quatrième piste conditionne le tout. Il faudrait assurément se donner les moyens de changer notre regard sur le grand âge, de reconnaître les métiers de la solidarité avec les personnes les plus âgées et de former les acteurs en ce sens, de réfléchir et de débattre sur les rapports entre générations, bref, il faudrait s'entendre sur ce que peut signifier aujourd'hui l'idée d'une société pour tous les âges.

Ces quatre orientations, peu abordées dans le rapport, nous paraissent plus que jamais pouvoir inspirer le long terme pour une politique de la dignité.

Le projet de loi qui nous sera proposé dans quelques semaines retiendra toute notre attention, mais, quelle que soit son évolution, une politique de l'âge ne peut s'inscrire que dans le long terme et dans une vision d'ensemble des générations pour que ne soient jamais oubliées les leçons de cet été.

Alors que va s'ouvrir le débat sur la réforme de la sécurité sociale, ou, plus exactement, sur son démantèlement, il nous appartient de poser avec clarté les bases d'une nouvelle République des solidarités. C'est à cette seule condition que nous parviendrons à inverser la tendance générale de la régression sociale, dont le drame de l'été dernier n'est, malheureusement, qu'une illustration parmi d'autres.

Beaucoup de promesses ont été formulées, mais le Gouvernement n'entend revenir ni sur la baisse planifiée des retraites, seul moyen de subsistance des personnes âgées, ni sur la réduction des crédits destinés aux systèmes sanitaires.

Beaucoup de promesses, oui, mais nous sommes dans l'expectative : nous attendons de voir !

Prenons garde de ne pas manipuler les Français, qui ont été autant frappés par cette catastrophe humaine que par le cafouillage et la cacophonie qui l'ont accompagnée.

A présent, la seule épreuve qui compte, c'est celle de la vérité pour que, demain, l'on puisse se dire : plus jamais ça !

Avant de terminer mon intervention, je veux remercier le président de la mission d'information commune, M. Jacques Pelletier, de la manière dont il a conduit les travaux ainsi que l'équipe de l'administration du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, 14 802 victimes entre le 1er et le 20 août 2003, c'est un choc !

Mais, en commençant mon propos, je souhaite affirmer avec force et conviction que la recherche des responsabilités ne peut s'arrêter à l'Etat, comme cela a été présenté par une certaine presse, notamment. C'est un point sur lequel l'on ne peut transiger. Et je tiens d'ores et déjà à vous dire, madame et messieurs les ministres, qu'au sein du groupe UMP nous en sommes tous très conscients, comme nous sommes persuadés qu'on ne change pas des structures et des mentalités en quelques semaines, après de nombreuses années d'inertie.

Bien évidemment, il nous faut tirer un certain nombre d'enseignements pour éviter le renouvellement d'une telle crise.

Alors même que l'Organisation mondiale de la santé, dans son rapport pour l'année 2000, avait attribué au système de santé français la première place de son classement, notre pays n'a pas su affronter cette anomalie thermique. Ce qui est important, c'est de comprendre pourquoi et comment il n'a pas été possible de le faire.

C'est d'ailleurs pour cette raison que, le 27 août dernier, le président du groupe UMP, M. Josselin de Rohan, a demandé la création d'une mission d'information sur les conséquences de la canicule, mission à laquelle j'ai participé et qui a tenté de rendre un travail complet, sans chercher aucun bouc émissaire.

Quels sont les constats ?

Bien sûr, notre système de veille et d'alerte sanitaires a failli, et il semble bien que la communication en cas de situation de crise reste encore à inventer.

Le cloisonnement des administrations centrales, tant au sein du ministère de la santé qu'entre ministères sociaux, et entre ces derniers et le ministère de l'intérieur, n'a pas permis de prendre conscience de la crise. Et l'imbroglio des compétences des différents acteurs au niveau territorial n'a pas facilité l'agrégation et la synthèse de données éparses.

On a pu constater également que la multiplicité des agences de sécurité sanitaire ne contribuait pas à y voir clair, que le recul de la médecine de proximité par rapport aux urgences, trop souvent détournées de leur vocation, a sans doute contribué à l'engorgement de celles-ci.

Nous avons enfin constaté que l'absence de modulation des 35 heures avait rendu plus difficile le renforcement de la présence des personnels, mais aussi que notre pays devrait engager une réflexion générale sur l'organisation des vacances estivales des Français.

Permettez-moi de formuler maintenant trois remarques.

La première concerne la répartition géographique des victimes, qui constitue selon moi une donnée essentielle à la bonne appréhension du débat.

Selon le rapport établi par la mission commune d'information, la surmortalité s'est localisée en milieu urbain, avec une surreprésentation de l'Ile-de-France et de la ville de Paris.

Certaines villes ont mieux géré la crise que d'autres ; c'est le cas de Marseille, qui a engagé de multiples démarches de prévention de l'hyperthermie depuis 1983. Ainsi, pour l'ensemble des hôpitaux des Bouches-du-Rhône, on constate seulement 2 % d'augmentation, alors que la ville de Nice a enregistré un taux de mortalité de 70 %.

Même si les autres pays européens ont été moins touchés que la France par la vague de chaleur de l'été, les derniers chiffres concernant certains pays voisins montrent qu'ils ont été également touchés par le phénomène de surmortalité. La France n'est donc pas un cas isolé.

Les fortes températures du mois d'août dernier ont visé essentiellement deux catégories de personnes : les personnes âgées et fragiles et les personnes gravement malades.

En présence de telles chaleurs, il était matériellement impossible de faire face à la catastrophe sanitaire. En effet, comme l'a fait remarquer, lors de son audition, le professeur Lucien Abenhaïm, ancien directeur général de la santé, « nous avons connu quinze mille décès, mais la population qui avait besoin d'assistance représentait six millions de personnes [...] Au total, entre six et sept millions de personnes dépendantes doivent être prises en charge pour éviter quinze mille morts. Parmi cette population, environ un million de personnes sont constitutives d'une catégorie de population à risque particulièrement exposée, qu'il convient d'identifier et qui doit bénéficier de la climatisation, y compris à domicile ».

Ma deuxième remarque concerne les lieux de décès : 42 % de ces décès sont survenus dans les hôpitaux, 35 % à domicile, 19 % en maison de retraite et 3 % dans les cliniques privées.

Il est évident que le nombre important de décès en institution ne peut que nous surprendre et nous inquiéter. Quand un patient est à l'hôpital ou en maison de retraite, n'est-il pas censé être pris en charge et surveillé ?

A cet égard, le rapport mentionne que de nombreuses maisons de retraite ont transféré des malades dans un état critique dans les hôpitaux, où ils sont décédés. Monsieur le ministre, auriez-vous des éléments à nous donner concernant ces transferts ? A-t-il été possible de les chiffrer ?

Enfin, ma troisième remarque, sur laquelle j'aimerais particulièrement insister, concerne l'accroissement de l'activité des services d'urgences. En effet, ces services sont de plus en plus sollicités pour des soins qui ne sont pas de leur compétence. Comme l'a fait remarquer Mme Rose-Marie Van Lerberghe, directrice générale de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, « que sont devenues les urgences ? L'hôpital public, en particulier à Paris, se transforme en médecine généraliste de proximité ».

Cette situation est très préoccupante. Il est vrai qu'elle concerne essentiellement Paris et les grandes villes. Elle révèle un phénomène troublant de notre société : le consumérisme. On constate en effet que de plus en plus de Français ont un comportement de consommateurs lorsqu'il s'agit de l'hôpital. Je crois sincèrement qu'il faut faire un véritable travail d'éducation et de prévention. Il faut apprendre à nos concitoyens que l'on ne se rend pas aux urgences, par exemple, parce que son enfant à une petite poussée de fièvre.

J'ajouterai que, contrairement à certaines idées reçues, les parents qui conduisent leurs proches aux urgences pour des infections bénignes ne sont pas toujours en situation de précarité. Les urgences, c'est la facilité ! En la matière, les mentalités doivent changer.

En cet instant de mon propos où je parle des mentalités, qu'il me soit permis d'exprimer ma peine à l'idée de toutes ces personnes qui sont décédées chez elles, dans une extrême solitude.

Chaque jour, bien sûr, des personnes seules décèdent, ce n'est malheureusement pas un fait nouveau de notre société, mais il est incontestable que ce phénomène s'amplifie au fil du temps, car notre société change et que chacun devient de plus en plus indifférent à l'autre. Or une société qui n'a plus de respect et d'égard pour ses anciens est une société sur le chemin du déclin.

Pour terminer, je tiens à saluer le travail de la mission, qui a débouché sur des propositions intéressantes en ce qui concerne l'organisation interne de l'hôpital, la valorisation des métiers d'aide aux personnes âgées, le renforcement du travail en réseaux.

Ces propositions bien sûr nécessitent des réformes en profondeur. Madame, Messieurs les ministres, nous comptons sur vous pour mettre tout en oeuvre afin que la crise de l'été 2003 puisse permettre à notre pays de tirer les enseignements nécessaires et qu'à la prochaine alerte nous soyons prêts à faire face. L'UMP sait que nous pouvons vous faire confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à me féliciter des travaux, importants, de la mission d'information tout en regrettant que le Sénat n'ait pu apporter dans un meilleur délai des éléments de réponse à nos concitoyens plongés dans l'inquiétude durant ce terrible mois d'août 2003.

Je tiens à rappeler que, dès le 20 août, mon amie Nicole Borvo, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, s'adressait au président de notre commission, et que, dès le 27 août, mon groupe déposait une demande de commission d'enquête auprès des services de la présidence.

Comme il est indiqué dans le rapport de la mission, les chiffres définitifs des décès dus à la canicule seront connus en avril 2004. Les 14 802 morts annoncées jusqu'à présent ne constituent toujours qu'un bilan provisoire.

Je cite ce chiffre d'entrée, car c'est la véritable catastrophe sanitaire qui s'est déroulée durant ces quelques jours qui a fait prendre conscience aux autorités et à l'ensemble de la population de l'ampleur du phénomène climatique, mais aussi de l'inadaptation de notre société à un tel événement.

Le 20 août, la France était sous le choc. Derrière ces sombres statistiques que j'évoquais, combien de drames se sont déroulés, combien de souffrances ont été subies dans l'indifférence, notamment dans les zones les plus urbaines ?

L'idée de carence de la société a fait son chemin et le consensus confirmé par le présent rapport s'est affirmé.

Mais cette vision du débat serait, à mon sens, bien superficielle. Une réelle confrontation des idées s'impose.

Selon nous, la canicule de cet été 2003 a mis en évidence des choix politiques, des choix d'austérité qui ont eu, pour la première fois et de manière aussi massive, des conséquences dramatiques.

Le système de santé de notre pays va mal. Il est en crise et son fondement solidaire est en passe de voler en éclats.

La crise, sans commune mesure avec le drame du mois d'août, qui a eu lieu dans les urgences pédiatriques en novembre dernier, de même que l'épidémie de légionellose qui sévit actuellement dans ma région démontrent, de manières diverses, l'inadaptation de notre système de soins aux crises sanitaires.

Pour en revenir à la canicule, je dirai que nul ne peut contester la violence de ce phénomène climatique exceptionnel. Toutefois, je ferai remarquer que, depuis plusieurs semaines, des spécialistes soulignaient les risques de très forte chaleur durant la période estivale et que la presse quotidienne relevait avec forces dossiers et enquêtes, l'ampleur des chaleurs dès le mois de juillet.

M. Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, lui-même, rappelait, dans un quotidien du 22 août, la publication par ses services, le 12 juillet, d'une circulaire visant à prendre des mesures de prévention face aux risques de canicule. Il évoquait même dans cet article un premier texte publié le 27 mai. En fait, à trop vouloir prévenir toute critique sur l'absence, pourtant remarquée par tous, de réactivité de la part du Gouvernement durant les premiers jours du mois d'août, M. Falco démontre que, au-delà du phénomène climatique, c'est bien notre système de prise en charge du vieillissement qui a été pris en défaut.

Les élans de M. Falco, qui pourtant évoquera la nécessité d'un plan Marshall pour les personnes âgées, furent rapidement bridés par la réaction des autres membres du Gouvernement.

La question centrale de la gestion des moyens fut éludée. Les effets du dogme de la réduction des dépenses publiques, la trop fameuse idée de la maîtrise des dépenses de santé furent occultés.

M. le ministre de la santé l'a affirmé : il s'agit d'une catastrophe naturelle, doublée d'une crise structurelle. C'est cette thèse qui triomphera, malgré le mot lâché par le Premier ministre lui-même, le 23 août, qui a évoqué « l'infarctus sanitaire » de la France.

Le temps ne doit pas effacer ce drame : le 12 août, 2 197 personnes sont mortes du fait de la canicule ; sur les 14 802 recensées actuellement, 1 293 avaient moins de soixante-quatre ans.

Il faut avoir discuté avec des personnels présents durant ces jours terribles pour comprendre en quoi l'absence de moyens, le manque de lits, le manque de personnels, de matériel ont pesé lourd dans un système où la gestion se fait de plus en plus à flux tendu, dans un système soumis toujours plus à la loi du marché.

Pour ce qui est du personnel, je tiens à saluer avec force le dévouement de ces médecins, infirmières, aides-soignants, qui, dans des conditions épouvantables, ont permis de sauver de nombreuses vies, ont pu aider des hommes et des femmes à finir leur vie dans un minimum de dignité.

Comment aussi ne pas évoquer les conditions de travail extrêmement difficiles des personnels des maisons de retraite, qui, eux aussi, ont dû faire face avec des moyens souvent dérisoires ?

J'insiste d'autant plus sur cet hommage que je conteste les raisons invoquées par le Gouvernement pour justifier l'injustifiable.

La mise en cause des 35 heures - et le rapport, malheureusement, y participe - relève de l'injure aux personnels.

L'application de cette avancée sociale à l'hôpital est en réalité une mesure de justice pour des salariés qui figurent parmi les plus exposés et les moins bien payés au regard de la difficulté de la tâche. Insinuer que c'est la réduction du temps de travail qui serait à la source de la crise est inexact. C'est l'absence de politique de formation et d'embauche qui explique le manque de personnel. Les acteurs sociaux estiment à 50 000 le manque de personnels à l'hôpital.

Nous ne pouvons souscrire à la proposition qui est faite dans le rapport d'introduire une sorte d'annualisation du temps de travail à l'hôpital en fonction des périodes de crise : pédiatrique l'hiver, gériatrique l'été.

Par ailleurs, comment ne pas souscrire à nombre d'analyses et de propositions de bon sens élaborées par la commission ?

Prenons la situation des personnes âgées dans notre pays. Chacun conviendra qu'il n'est pas possible de rester les deux pieds dans le même sabot alors que, de 900 000 personnes aujourd'hui, cette population passera à 2 millions en 2020.

Le développement du maintien à domicile constituera un défi pour les années à venir si l'on veut éviter l'engorgement des institutions de retraite et des hôpitaux. Le rapport de mission propose à cet égard de développer le service des infirmières. Avec quels moyens ? Et que proposez-vous pour démocratiser réellement le système de l'assistance à domicile ?

L'exemple de la maladie d'Alzheimer met en évidence les lacunes des propositions dont nous débattons aujourd'hui.

Chacun sait que cette maladie nécessite dans un premier temps un effort de surveillance et de stimulation intellectuelle que ne peut remplir une infirmière, voire une aide-ménagère. C'est un métier qui nécessite une formation adéquate et une rémunération à la hauteur de la difficulté de la tâche.

Dans un deuxième temps, le maintien à domicile des personnes sujettes à cette maladie exige la présence sans cesse accrue d'une auxiliaire de vie à domicile. C'est évident pour une personne seule. Dans la réalité, le système est si coûteux que le placement devient nécessaire. Or celui-ci est difficile, car peu d'instituts sont adaptés aux particularités de la maladie d'Alszheimer.

Rappelons que 500 000 personnes en sont déjà victimes aujourd'hui. Il s'agit d'un problème majeur posé à notre société.

Même si la personne concernée a une famille, il est impossible de laisser à cette dernière l'énorme poids psychologique de la prise en charge de quelqu'un qui ne reconnaît plus personne. La prise en charge est également d'ordre physique, les malades devenant totalement dépendants.

Je me suis permis de développer quelque peu cette question de la prise en charge de la maladie d'Alzheimer par notre société, car elle démontre le fossé qui existe entre la réalité d'une situation et les moyens propres.

A la suite de la canicule, les professionnels de la prise en charge des personnes âgées avaient demandé une aide urgente de 300 millions d'euros et, à plus long terme, de 7 milliards d'euros.

Dans un premier temps, le Gouvernement a accordé 40 millions d'euros. Il a ensuite proposé un plan « vieillissement et solidarité », prévoyant le déblocage de 9 milliards d'euros sur quatre ans. Mais cette somme, nous le savons, sera consacrée à l'ensemble des personnes dépendantes, qu'elles soient âgées ou handicapées.

Nous sommes donc loin des 7 milliards d'euros destinés à l'amélioration de la prise en charge du vieillissement demandés par les professionnels !

Selon le rapport, page 241, « le plan "vieillissement et solidarités" devrait permettre de combler une partie des insuffisances de notre système ». Nous ne sommes pas de cet avis. Nous sommes encore trop loin du compte.

Nous refusons d'autant plus ce plan gouvernemental qu'il s'appuie essentiellement sur la suppression d'un jour férié. Ce sont encore une fois les salariés qui feront les frais d'une nécessaire solidarité.

Comment ne pas se souvenir que c'est Ernest-Antoine Seillière qui, dès le 27 août (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP),...

M. Josselin de Rohan. Cela n'a rien à voir !

M. Claude Domeizel. Mais si !

Mme Michelle Demessine. ... fut le premier à réagir à la proposition gouvernementale. Il s'écriait, en effet : « Formidable ! », avant de poursuivre : « L'idée qu'on puisse se dire qu'on va régler des problèmes en travaillant plus est une grande première en France. »

La droite approuve toujours cette idée : faire travailler plus les salariés et éviter à tout prix que l'on ne s'attaque sérieusement au profit, même si M. Fillon, très habilement, évoque la possibilité d'une taxation du capital, limitée à 1,2 milliard d'euros. Déjà en 1974, alors que M. Raffarin présidait les Jeunes giscardiens,...

M. Josselin de Rohan. Cela remonte au déluge !

Mme Michelle Demessine. ... le Président de la République d'alors supprimait le 8 mai.

M. Josselin de Rohan. Et quand il était chez les scouts, que faisait-il ? (Sourires.)

Mme Michelle Demessine. Tout au long de la lecture du rapport, j'ai été frappée à la fois de la justesse des observations et du décalage des mesures proposées avec la réalité.

Ainsi, il est proposé dans le rapport de confier aux CCAS, les centres communaux d'action sociale, un certain nombre de missions en cas de crise. Ses rédacteurs ont-ils en mémoire que, lors du débat sur la décentralisation, un amendement a été déposé par le rapporteur de la commission des lois, M. Schosteck, et voté par la droite sénatoriale, amendement visant à remettre en cause l'existence même des CCAS, ce qui a suscité l'émoi d'un grand nombre d'élus et d'usagers soucieux de l'action sociale des collectivités territoriales ?

M. Gérard César. Pas du tout !

Mme Michelle Demessine. Plus généralement, la politique de décentralisation libérale qui retire à l'Etat la compétence première en politique de gérontologie ne contredit-elle pas une volonté affichée de faire de la solidarité à l'égard des personnes âgées une cause nationale ? A ce sujet, comment ne pas noter que les effets les plus dévastateurs sur le plan humain ont eu lieu en zones urbaines, là où l'isolement est le plus grand.

Cette allusion aux zones urbaines me fait ouvrir une parenthèse qui aurait mérité un plus long développement : celui de l'environnement.

Contre la catastrophe écologique qu'ont constitué les graves incendies de forêts, là encore, les propositions ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Je pense notamment à l'absence de mesures sévères à l'égard de la spéculation immobilière.

Au-delà de l'alerte écologique engendrée par la surchauffe des eaux rejetées par les centrales nucléaires et au-delà des grandes difficultés climatiques ponctuelles éprouvées par notre agriculture, le développement de la pollution en zone urbaine n'a pas été suffisamment considérée comme cause de surmortalité, outre la chaleur et l'utilisation de certains médicaments.

Il faudra un jour engager sur ce point un grand débat national débouchant sur d'autres mesures, notamment l'établissement d'un grand plan pluriannuel de développement des transports urbains et une réelle remise en cause des pollutions industrielles.

Je m'étonne également du silence concernant l'Observatoire des changements climatiques, dont mon ami Paul Vergès est le président. Nous pensons qu'il est temps de donner à cette institution les moyens de fonctionnement lui permettant d'anticiper au mieux les évolutions climatiques.

Comment ne pas souligner, aussi, l'opposition entre protection de l'environnement et loi du marché ? La résistance farouche des Etats-Unis à l'application du protocole de Kyoto est, à ce titre, éloquente.

Les mesures locales de lutte contre la pollution et contre les effets du réchauffement resteront vaines si un grand combat n'est pas mené à l'échelle de toute la planète.

La canicule de cet été a entraîné un nombre de décès sans équivalent dans notre pays depuis la Libération. Cette tragédie a fait l'effet d'un électrochoc. La précarisation rapide de notre système de santé, pourtant encore reconnu en 2000 comme le meilleur du monde, est apparue au grand jour.

Je ne peux terminer cette intervention sans souligner le grand décalage existant entre ce rapport et les projets gouvernementaux en matière d'assurance maladie et de protection sociale en général.

Quelle réponse apporte le Gouvernement à cette dégradation de l'accès aux soins qui frappe aussi bien les jeunes que les vieux et qui fait que 14 % de nos concitoyens - dont 30 % de chômeurs - renoncent à se faire soigner pour des raisons financières ? Le déremboursement des médicaments, l'augmentation du forfait hospitalier et, surtout, le vaste projet de privatisation de la sécurité sociale !

La proposition de loi que viennent de déposer de nombreux sénateurs de la majorité, relative à la création d'une assurance dépendance, jette un éclairage très révélateur sur le travail de la mission : c'est en recourant à des assurances privées pour préparer sa dépendance que, la vieillesse venue, on pourra éviter l'indignité. Cette proposition m'apparaît comme particulièrement cynique. Ceux qui n'auront pas les moyens n'auront pas le droit à la dignité à la fin de leur vie !

Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, je récuse une telle démarche.

Une autre politique de protection sociale doit tourner le dos à celle qui, ces derniers mois, a entraîné la fermeture de lits et de certains hôpitaux de proximité, la diminution de l'APA, la suppression de crédits pour l'amélioration des maisons de soins et d'accueil, à hauteur de 103 millions d'euros.

Nous proposons que soit consenti un effort sans précédent en matière de recrutement et de formation des personnels, tant pour l'hôpital que pour les institutions.

M. Falco avait raison : il faut un véritable plan Marshall !

Je propose la création d'un grand service public de maintien à domicile. Il faut faire de la dépendance un cinquième risque au sein de notre système de sécurité sociale. Il faut rétablir les soins pour les malades atteints de maladies longues et coûteuses. Il faut aligner les remboursements des hospitalisations de long séjour sur ceux des courtes hospitalisations.

On me rétorquera peut-être : « Vous êtes irréaliste : comment financer ces projets généreux mais utopiques ? »

Je citerai deux chiffres, mes chers collègues : taxer les revenus financiers des entreprises au même taux que les salaires dégagerait déjà 15 milliards d'euros ; quant à la suppression de la taxe sur les salaires acquittée par les hôpitaux, elle permettrait de créer 56 000 emplois.

En fin de compte, ce débat fondamental sur l'avenir de notre protection sociale rejoint tout à fait celui qui se rapporte aux conséquences de la canicule.

La mission d'information n'a pas su, ou pas voulu, poser le problème en termes de choix de société. Nous le regrettons. C'est pourquoi mon amie Evelyne Didier et moi-même, qui étions toutes deux membres de cette mission, nous nous sommes abstenues.

En terminant, je souhaite remercier à mon tour le président de la mission d'information, M. Jacques Pelletier, et toute l'équipe administrative pour la qualité des conditions dans lesquelles nous avons pu travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi en premier lieu de rappeler, après M. Jacques Pelletier, que les rapports, les commentaires, les chiffres et les analyses, aussi justes et fondés soient-ils, ne doivent pas nous faire oublier la gravité de la tragédie qu'ont vécue l'été dernier des milliers de familles confrontées au deuil.

Cette tristesse, ce désarroi doivent en permanence guider notre action, afin d'éviter la répétition d'une telle catastrophe.

Nous devons également ne pas oublier le dévouement des professionnels de santé, des pompiers, des personnels de la sécurité civile. Malgré l'ampleur de la catastrophe, ils ont, par leur travail, contribué à sauver de nombreuses vies.

Je tiens également à rendre hommage au travail accompli par la mission commune d'information du Sénat, à son président, M. Jacques Pelletier, aux trois rapporteurs, Mme Valérie Létard, M. Hilaire Flandre et M. Serge Lepeltier, ainsi qu'à l'ensemble de ses membres. Je remercie aussi les orateurs qui sont intervenus dans ce débat, Mme Monique Papon, Mme Michelle Demessine et M. Claude Domeizel, qui ont, chacun avec sa sensibilité et selon son approche, exprimé le fond de leur conviction.

Je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt nourrir le débat par vos analyses et vos suggestions. Avec Roselyne Bachelot-Narquin et Hubert Falco, nous allons nous efforcer de répondre de notre mieux à vos interrogations.

Il n'est pas d'usage qu'un membre du Gouvernement émette un jugement sur un rapport parlementaire, mais je dois dire que ce rapport et cette séance constituent pour moi une très utile source d'informations et de propositions.

Tourné résolument vers l'avenir, comportant de nombreuses recommandations et pistes de réformes, le rapport de la mission d'information poursuit un objectif qui est aussi le mien, désormais obsessionnel : éviter la répétition d'un drame comme celui que nous avons connu cet été. Certaines des propositions qu'il contient ont déjà été prises en compte par le Gouvernement ; d'autres pourront l'être prochainement, et j'aurai l'occasion d'y revenir.

Le rapport de la mission d'information possède à mes yeux une qualité essentielle, celle d'appréhender le drame de la canicule du mois d'août de manière globale en s'intéressant à tous ses aspects : sanitaire, mais aussi économique, social, environnemental, agricole ou énergétique.

La crise a, en effet, été plurielle tant en ce qui concerne ses causes qu'au regard de ses conséquences ; cela constitue l'une de ses particularités. Nous avons dû faire face à une véritable crise de société dont personne n'aurait pu imaginer l'ampleur quelques semaines, que dis-je, quelques jours avant sa survenue ; d'où l'utilisation justifiée de l'expression de « catastrophe naturelle » ou de « catastrophe climatique ».

La société française n'était pas préparée à une telle catastrophe.

L'isolement de nombreuses personnes, certains choix urbanistiques, le relâchement des liens familiaux et sociaux, la pollution atmosphérique, le vieillissement de la population ont pesé très lourd sur le triste bilan que nous connaissons tous.

La France s'est fortement urbanisée au cours de ces trente dernières années. Or la catastrophe liée à la canicule, vous l'avez souligné, est avant tout, sur le plan humain, une catastrophe urbaine. Loin de moi de vouloir entreprendre le procès de la ville, mais force est de constater que celle-ci a amplifié les effets de la vague de chaleur : température plus élevée du fait d'un habitat dense, baisse moins importante de la température la nuit parce que l'asphalte et le béton renvoient la chaleur, pollution liée aux transports, habitations faiblement isolées et solitude souvent plus anonyme.

Grâce aux différents rapports qui ont été commandés dès le mois d'août, nous disposons d'une analyse fine du déroulement de cette catastrophe. La France, il faut le souligner, est le seul pays d'Europe à avoir réagi en effectuant un inventaire complet de la surmortalité liée à la canicule, le seul pays qui ait entrepris une telle analyse pour mieux comprendre... Nous avons fait preuve d'une totale transparence.

Pourtant, face à la vague de chaleur, il n'y a pas eu d'exception française, comme certains l'ont rappelé aujourd'hui. Tous les pays européens ont été confrontés à la même canicule, certes pas toujours avec la même intensité, la durée et l'ampleur de la vague de chaleur ayant pu varier, mais les bilans sont lourds : 6 232 en Espagne, 7 659 en Italie du nord, 1 400 aux Pays-Bas, de 3 000 à 7 000 en Allemagne. Et encore ces bilans, qu'il faut d'ailleurs rapporter aux populations respectives de ces pays, sont-ils provisoires !

Je ne crois pas utile de revenir sur la chronologie des événements, largement connue de tous et décortiquée par le rapport de la mission d'information. Toutefois, je tiens à mentionner que la polémique sur la date de prise de conscience et de réaction des pouvoirs publics apparaît vaine.

Comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant la mission d'information, 3 907 décès en surnombre ont été a posteriori recensés au 8 août, alors que, ce jour-là, il y avait encore des hésitations sur la nature et l'interprétation du phénomène, comme le professeur Carli vous l'a dit. Lorsque les urgentistes, le 10 août, tirent le premier signal d'alarme devant les caméras de télévision, évoquant 50 morts possibles, il y en a déjà plus de 6 541. Le 11 août, jour où tout bascule, où l'on discute sur le point de savoir si l'on communique plus ou moins bien, plus ou moins mal, il y en a plus de 8 000 !

Comme cela est très bien souligné dans le rapport, la crise de la canicule a révélé une défaillance de notre système d'alerte et de veille sanitaire. Le cloisonnement administratif n'a pas facilité, loin de là, la circulation de l'information. Nous avons manqué d'indicateurs d'alerte, nous avons manqué de communication et de circulation de l'information, c'est évident. Tous ces défauts, les auteurs du rapport les pointent à juste titre.

Cette myopie face à ce drame n'est pas excusable, mais notre devoir est d'en trouver les causes, pour la corriger.

Comme nous le savons tous, la France est un pays tempéré ou réputé tel, ayant un climat à dominante océanique. Cette donnée jusqu'à maintenant incontestée n'a pas été sans conséquences sur les choix urbanistiques ou sur les choix d'aménagement des locaux qui sont faits depuis de très nombreuses années. Le recours aux baies vitrées, la non-généralisation de la climatisation dans les hôpitaux ou dans les maisons de retraite, le choix du zinc pour les toitures dans les grandes villes du nord se justifiaient en vertu d'un climat dit « tempéré ».

Or l'environnement climatique évolue, comme nous pouvons le constater. Nous devons nous y adapter en ce qui concerne tant les constructions que notre système d'alerte, notamment sur le plan de la santé.

Il y a eu, en matière de canicule, des précédents en France, vous l'avez dit, mais le lien entre canicule et surmortalité n'avait jamais été clairement identifié à l'échelle nationale. Les dangers de la chaleur étaient mal appréciés.

Quand nous évoquons 1976, nous pensons « sécheresse » ; c'est notamment l'impôt sécheresse qui est resté dans nos mémoires. Or la vague de chaleur de 1976 a provoqué 6 000 décès, passés totalement inaperçus. Ce n'est en effet qu'à ma demande, après la crise du mois d'août, que le chiffrage a été réalisé.

Vous avez souligné que lors de la canicule de 1983, à Marseille, nous avions fait des efforts importants et efficaces. Il est vrai que nous avions été frappés par les 500 morts supplémentaires et que nous nous étions attelés à la tâche. Mais aucun enseignement national n'avait été tiré.

Lors de la discussion de la loi relative à la veille sanitaire, en 1998, à la Haute Assemblée comme à l'Assemblée nationale, les conséquences d'une éventuelle vague de chaleur n'avaient pas été mentionnées.

Le premier contrat d'objectifs et de moyens, signé entre mon prédécesseur et l'Institut de veille sanitaire en 2000, ne comportait rien sur la veille climatique et sur les excès éventuels de température.

De même, lorsque, pour préparer le projet de loi de santé publique, cent quarante experts nationaux et européens ont été consultés pour définir les cent objectifs de santé publique qu'il fallait retenir, aucun n'a fait mention du risque climatique.

Les canicules de Chicago en 1991 ou d'Athènes en 1987 se sont produites dans des régions au climat moins tempéré que le nôtre ; or ces deux villes ont également été prises au dépourvu par ce phénomène fulgurant.

L'absence de remontée de signaux, permettant une compréhension globale du phénomène, a été cruelle. Le rapport le mentionne de manière claire. Madame Létard, monsieur Pelletier, vous l'avez souligné. Je vous le confirme.

Lors de la canicule, je n'ai reçu aucun message d'alerte en provenance des agences régionales d'hospitalisation, des DRASS ou des DDASS, des médecins libéraux, de SOS-médecins, des SAMU, des hôpitaux, à l'exception de tel ou tel, ou de la part des élus, qui sont souvent directement impliqués dans des conseils d'administration des hôpitaux ou des institutions de retraite. Rien !

Le long traitement des certificats de décès n'a pas permis d'avoir rapidement une vue précise de la situation. Les différents rapports, dont celui de l'IGAS sur la permanence des soins, ont montré que les établissements accueillant des personnes âgées n'avaient pas transmis d'informations en direction du ministère.

Cette absence de signaux d'alerte, qui m'a plongé dans une profonde tristesse, n'a pas étonné les spécialistes du Center for disease control d'Atlanta que j'ai consultés.

Notre système d'alerte a été inopérant du fait d'un manque d'informations fiables, du fait d'une inexpérience en la matière. Nos schémas étaient complètement inadaptés pour traiter une telle crise.

Je me souviens parfaitement d'un échange avec le directeur de l'Institut de veille sanitaire, désemparé et disant très simplement : « Nous n'avions pas de programme élaboré pour déceler ce type d'alerte. » Naturellement, n'ayant aucun signal, nous n'avons pas réagi.

A contrario, nous avons pu constater que, face au SRAS, à la légionellose, ou aujourd'hui face à la grippe aviaire, notre système d'alerte et de veille sanitaires a très bien fonctionné, car il est de très bonne qualité s'agissant des tâches pour lesquelles il est programmé. Or il n'était pas programmé pour prévenir une crise du type de celle qu'ont engendrée les chaleurs, exceptionnelles dans leur ampleur et dans leur durée, de l'été dernier.

Depuis le mois d'août, le Gouvernement a donc évidemment décidé de revoir son système d'alerte. Et je réponds ainsi au président Jacques Pelletier, qui me demandait tout à l'heure : « Que se passera-t-il si, le 14 juillet ou le 1er août 2004, une canicule survient ? »

Le projet de loi de santé publique, dans sa version initiale - je rappelle qu'il a été déposé au mois de mai dernier -, comportait déjà des dispositions modifiant notre système de veille. Il a été amendé, que ce soit en première lecture à l'Assemblée nationale ou, récemment, au Sénat, afin de tirer les enseignements de cet été.

Dans le projet de loi initial, plusieurs articles visaient, en particulier, à améliorer la mobilisation des moyens en cas de menaces sanitaires. Depuis, nous avons, avec le concours des deux assemblées, décidé de mieux définir les missions de l'Institut de veille sanitaire, en insistant sur la nécessité de mener une veille prospective sur des risques non clairement identifiés. L'INVS intègre désormais une approche populationnelle, qui vient s'ajouter à sa traditionnelle approche axée sur les pathologies.

Vous l'avez dit, l'Institut de veille sanitaire vient de signer une convention avec Météo France. C'est le premier signe d'une collaboration qui aurait dû, naturellement, être mise en place bien avant.

Comme vous le souhaitez, le rôle du préfet en tant que coordinateur en cas de crise sanitaire a été renforcé.

Toute menace imminente pour la santé de la population devra être signalée aux préfets par les services de l'Etat, les collectivités locales, leurs établissements publics et par tous les acteurs de la santé.

Ainsi, le projet de loi de santé publique donne au ministre de la santé la capacité de prescrire les dispositions appropriées en cas de crise sanitaire grave et d'habiliter le préfet à mettre en oeuvre ces prescriptions en prenant les mesures qui s'imposent. Une base légale au « plan blanc » hospitalier a été donnée, ce qui, me semble-t-il, était un de vos souhaits.

Le système de remontée des certificats de décès, depuis le médecin qui constate le décès jusqu'au centre d'analyse des décès à l'INSERM, est en cours d'amélioration. A terme, l'INVS devra disposer du nouveau circuit de remontée des informations pour construire un dispositif d'alerte et de mesure au jour le jour des décès constatés.

Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, s'agissant de la diffusion des alertes, je ne peux que partager les propositions de votre rapport. Le renforcement de notre système d'alerte et de veille sanitaires est une priorité. Le rapport préconise l'extension du réseau électronique « DGS urgent », qui est un système d'information électronique destiné aux professionnels de santé.

Ce dispositif, récent, est monté progressivement en puissance. A la fin du mois de janvier 2004, le nombre d'inscrits a dépassé 16 000 et le système est maintenant en voie de généralisation.

Par ailleurs, l'Institut de veille sanitaire fournit dorénavant au ministère un bulletin quotidien d'alerte. L'INVS devrait disposer rapidement de capteurs auprès des urgences, de SOS-médecins, de la sécurité civile et des pompiers afin d'être en contact direct avec le terrain.

Comme le rapport le préconise, la France se doit de disposer d'un plan de prévention, d'alerte et de gestion de crise en cas de chaleur extrême, prévoyant l'implication des services sanitaires, des services sociaux et des collectivités locales.

Ce plan, actuellement en cours d'élaboration, sera mis en oeuvre au printemps à titre expérimental et il devra être prêt pour l'été prochain.

Toujours au nom de l'indispensable coordination, des réunions autour du directeur général de la santé, avec la participation de tous les responsables en charge des questions sanitaires et de la sécurité civile, se tiennent désormais régulièrement au ministère de la santé.

Pour ma part, je suis favorable à la création d'un secrétariat général commun au ministère de la santé et au ministère des affaires sociales afin que les administrations concernées puissent travailler en meilleure synergie.

Le rapport de la mission souligne également la nécessité de revoir l'organisation interne de l'hôpital en désengorgeant les urgences, en créant à l'intérieur des hôpitaux des maisons de garde.

Vous le savez, madame le rapporteur, j'ai présenté le 30 septembre dernier le plan « Urgences » qui a pour objet d'améliorer l'ensemble de la chaîne des urgences, grâce notamment à un investissement de 489 millions d'euros sur cinq ans. Ce plan constitue une partie - une partie seulement, mais une partie importante - de la réponse au drame de la canicule.

Madame Demessine, oui, notre système de santé est l'un des meilleurs du monde par la qualité des soins dispensés et par l'égalité d'accès aux soins. Il ne préjuge cependant pas nos performances en termes de santé publique, dont vous savez au contraire qu'elles sont particulièrement médiocres, notamment en termes de mortalité évitable.

Tel est donc bien l'objet de la loi de santé publique : il s'agit de corriger un système de santé qui « claudique », car tout a été ciblé sur le curatif au détriment du préventif. C'est ce qui nous a manqué, et qui est si nécessaire.

En réponse aux questions de la mission s'agissant de la proximité en région, c'est la création de groupements régionaux de santé publique qui doit permettre de coordonner l'ensemble des acteurs sous l'autorité du préfet afin qu'en termes d'éducation, de prévention et de dépistage, toutes les mesures soient prises correctement.

Madame Demessine, ce n'est pas notre système de soins qui, là, est en cause. Les personnes qui sont arrivées à l'hôpital, parfois dans des états désespérés, ont bien été prises en charge par un système hospitalier qui a fonctionné grâce au dévouement, à la compétence et à la disponibilité des personnels, et ce malgré une situation de quasi-médecine de catastrophe.

De même, les médecins libéraux ont fait leur travail. C'est désormais démontré, au-delà des premières critiques initiales et impulsives qui ont pu être émises par tel ou tel.

En revanche, ce qui a fait défaut, ce sont les méthodes de santé publique, des méthodes que le Gouvernement a souhaité corriger, travail auquel le ministère de la santé s'est attelé dès mon arrivée à ce ministère.

Vous le savez, le projet de loi de santé publique a été déposé sur le bureau des assemblées au mois de mai dernier, donc avant la canicule.

Enfin, en amont des urgences, la permanence des soins est devenue une réalité avec la parution de deux décrets au mois de septembre dernier et avec la publication récente d'une circulaire d'application.

Vous préconisez, à juste titre, le développement des maisons médicales. Je suis pleinement favorable à ce développement et je vous indique qu'une quarantaine de ces maisons sont déjà ouvertes et que plus de cent projets de création sont recensés.

Ce n'est qu'un début et, avec les trois outils de la permanence des soins que sont les maisons médicales, l'astreinte - avec une nouvelle sectorisation - et la corégulation des centres « 15 » à la fois par les urgentistes et les médecins libéraux, ces derniers pourront réinvestir leur mission première, à savoir la permanence des soins, pour autant naturellement que des accords interviennent entre les partenaires conventionnels que sont les caisses et les représentants des professions médicales. Je suis persuadé que c'est une bonne voie.

Comme vous le souhaitez, une plus grande coordination des acteurs libéraux et des hospitaliers sera assurée à travers une instance commune, le CODAMU, le comité départemental de l'aide médicale urgente.

Les équipes des SAMU et des SMUR seront renforcées ainsi que, aux urgences, les équipes d'accueil et de logistique, afin de libérer du temps utile médical. Le plan prévoit ainsi que les services d'urgence auront les moyens d'adapter les effectifs à l'activité car, paradoxalement, c'est en début de soirée qu'il y a le plus d'urgences, mais ce n'est pas à ce moment-là qu'il y a, souvent, le plus de personnel.

Conformément aux souhaits de votre mission d'information, un plan pluriannuel visant à individualiser des lits de court séjour dans chacun des 207 établissements dotés d'un service d'urgence est en cours de réalisation.

Je pense ici aux lits de court séjour pour les personnes âgées : nous ne pouvons plus avoir de services d'accueil d'urgence sans quelques lits d'accueil immédiat d'hospitalisation conventionnelle pour les personnes âgées.

La mise en oeuvre de ce programme a été accélérée afin que les quatre-vingt-dix derniers services soient mis en place avant la fin de l'année. De même, je souhaite généraliser les équipes mobiles gériatriques, de façon qu'elles puissent émettre des avis nécessaires à la bonne prise en charge des personnes âgées dans l'ensemble des services hospitaliers.

Quinze mille lits de suite sur cinq ans seront également créés, et les crédits pour 2004 viennent d'être affectés. Que l'on ne dise pas qu'il s'agit d'effets d'annonce, de projets ou d'intentions ! Le premier crédit pour 2004 a en effet été affecté.

Afin que ce plan se traduise concrètement sur le terrain, j'ai récemment nommé un chargé de mission en la personne du docteur Pierre Mardegan, médecin urgentiste provincial reconnu de ses pairs et qui suivra attentivement la mise en route de ce plan urgence.

Je partage entièrement la volonté de la mission de développer la prévention en direction du grand public. Nous avons en effet constaté qu'il était difficile de diffuser des informations simples en période estivale. Le professeur San Marco l'a dit : il a prêché tout le mois de juillet dans le désert, sans aucune reprise médiatique, parce que cela ne fait pas toujours très sérieux de dire qu'il y a un problème sanitaire qui se profile et qu'il faut rester à l'ombre, qu'il faut mettre un chapeau, qu'il faut boire, qu'il faut se doucher fréquemment, qu'il faut éviter les efforts physiques, bref, qu'il faut prendre des dispositions de simple bon sens. Dorénavant, il faudra annoncer tout cela clairement et solennellement au journal de vingt heures, pour que chacun ait le sentiment qu'un drame sanitaire se prépare.

Nous le ferons, naturellement, mais j'attire quand même votre attention sur l'évolution de l'ensemble des mentalités et sur la nécessaire éducation à la santé, qui doit imprégner l'opinion publique. En effet, nous l'avons tous constaté, des informations simples - je pense notamment à la circulaire du secrétaire d'Etat aux personnes âgées - n'ont pas eu le retentissement souhaité.

Nous réfléchissons aussi sur le problème de la création de salles climatisées ou refroidies. Ayons toutefois présents à l'esprit les problèmes d'infection que cela peut éventuellement engendrer. Cela a été très clairement dit, si l'on voulait, désormais, climatiser l'ensemble des établissements médicaux ou médico-sociaux, des questions nouvelles pourraient parfois se poser. Ainsi, comme je l'ai dit devant la mission, le président d'EDF a pris cet été contact avec le ministre de la santé pour l'informer qu'il y aurait, peut-être, des coupures de courant et qu'il fallait prendre des dispositions pour les malades hospitalisés à domicile. Le problème est donc plus complexe qu'il n'y paraît.

Si les agriculteurs ont l'habitude de la sécheresse, si certains services savent gérer les problèmes d'approvisionnement en eau, en revanche, s'agissant des questions de santé en général, il faut bien reconnaître que la perception des problèmes n'est pas toujours aussi aiguë qu'il le faudrait.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, face à ce drame, j'éprouve un double sentiment. Un sentiment d'humilité, d'abord, mais aussi une volonté de dépassement.

Devant une crise que nous n'avons su ni prévenir ni accompagner en temps utile, l'humilité s'impose, tout comme elle s'impose face à la complexité de la crise, face aux souffrances qu'elle a générées et face à tout ce qui nous reste à faire - même si nous avons déjà beaucoup agi depuis six mois - si nous voulons remédier aux dysfonctionnements que vous avez mis en lumière.

Mais je suis également animé d'une volonté de dépassement. En effet, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, nous sommes mobilisés pour qu'un tel drame ne se reproduise pas, car il est une image qui me poursuivra comme, probablement, certains d'entre vous : celle de ces cercueils alignés, de ces corps que personne n'est venu réclamer.

Et, si ces morts ont été oubliés, ils doivent aujourd'hui nous servir de leçon. Nous avons vis-à-vis d'eux un devoir de mémoire compte tenu des conditions dans lesquelles ils sont décédés. Nous devons tout faire pour que leur mort ait un sens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le président de la mission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport de la mission d'information commune qui vient de nous être présenté constituera sans nul doute, pour le ministère de l'écologie et du développement durable, un document de référence.

Je veux évidemment féliciter Jacques Pelletier pour la façon dont il a mené la présidence de la mission d'information commune sur la canicule. Je ne peux d'ailleurs que regretter que son rapport ait été le seul, parmi les nombreux rapports consacrés à la canicule de cet été, à s'intéresser en détail aux aspects environnementaux de la crise : Serge Lepeltier l'a très bien montré dans la partie qui lui revenait dans ce rapport.

Avec Jean-François Mattei et Hubert Falco, mais aussi avec Hervé Gaymard, Nicolas Sarkozy et Gilles de Robien, chacun dans nos domaines respectifs, nous avons géré les événements.

Rien n'est comparable, et rien ne doit donc être comparé entre les différentes crises thématiques que la canicule a engendrées. Mais il me semble évident que celle-ci n'est que le symptôme d'un phénomène environnemental plus général et, somme toute, plus inquiétant, qu'il serait particulièrement peu responsable de passer sous silence : je veux bien entendu parler du réchauffement climatique, Serge Lepeltier s'est attaché à bien le démontrer.

Pour m'attarder une seconde sur les symptômes - car ils existent et ils doivent être pris en compte -, je note qu'ils ont concerné, pour ce qui touche mon ministère, la pollution atmosphérique, l'approvisionnement énergétique, les feux de forêt et la ressource en eau.

Dans chaque domaine, des procédures existaient pour gérer certaines situations extrêmes que notre pays avait déjà connues, certes avec une ampleur souvent moindre. Ces procédures ont été appliquées avec diligence, parfois anticipées ou étendues quand le besoin s'en faisait sentir. Je me félicite de noter que votre mission ait pu considérer que les choses avaient été bien gérées.

Si je partage cette impression, je n'en reste pas moins convaincue qu'un retour d'expérience écologique exhaustif s'impose afin de tirer toutes les leçons de l'été 2003.

Sous diverses formes, ce retour a eu lieu et a permis de contribuer, nous l'espérons, à ce que nous soyons mieux préparés à une prochaine canicule. Je citerai par exemple le plan « air », présenté le 5 novembre dernier pour tirer toutes les conséquences de l'épisode de pollution à l'ozone le plus grave que nous ayons jamais mesuré, ou le récent rapport du comité de suivi des dérogations des centrales, présidé par M. Grammont, qui a fait des propositions pour améliorer la connaissance des paramètres physicochimiques des cours d'eau.

Soyez convaincus que nous poursuivrons sans concession ce travail d'analyse rétrospective. Vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y aideront.

Vous nous avez demandé quelles améliorations seraient apportées s'il se produisait de nouveau un épisode de canicule en 2004. Je vais donc reprendre rapidement les quatre thèmes qui sont de ma responsabilité.

Tout d'abord, dix-sept plans de prévention des risques d'incendies de forêt ont été créés dans le Var, le département le plus sensible. Au niveau national, l'accélération de l'élaboration de ces plans a été demandée. On considère que près de trente nouveaux plans ont été prescrits depuis cet été.

Une mission d'inspection interministérielle a rendu ses conclusions à la fin du mois de décembre ; leur mise en oeuvre est en cours d'examen. D'ores et déjà, 2 millions d'euros ont été dégagés par mon ministère pour établir ces plans de prévention des risques d'incendies de forêt et 11 millions d'euros ont été mobilisés par le ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard, pour le conservatoire des forêts méditerranéennes - je réponds ainsi à la question de M. Domeizel sur le montant retenu par la loi de finances rectificative -, auxquels il faut ajouter 2 millions d'euros pour la reconstruction. (M. Claude Domeizel s'exclame.)

S'agissant du dossier de la qualité de l'air, un large plan « air » a été annoncé le 5 novembre dernier. Un retour d'expérience nous avait été transmis dès le mois d'octobre par le Conseil national de l'air, ce qui nous a aidé à bâtir ce plan.

Par ailleurs, des mesures techniques d'optimisation de la climatisation sont prévues dans le plan « climat ». En effet, comme M. Jean-François Mattei vient justement de l'évoquer, des effets pervers peuvent résulter de la généralisation de la climatisation.

Outre que ces appareils, nous l'avons vu lors de la récente épidémie de légionellose, ne sont pas sans danger en termes de santé publique, ils nécessitent un entretien tout à fait particulier. Nous risquons en effet de mettre à mal certaines parties de notre réseau électrique. Une campagne de sensibilisation sur ce thème est à l'étude avec l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Pour ce qui concerne l'énergie, le retour d'expérience d'EDF nous a permis de bâtir avec Nicole Fontaine un plan « grands aléas climatiques ». Cette préoccupation est intégrée dans les grandes orientations énergétiques qui seront soumises très prochainement au Parlement.

J'ai eu l'occasion de dire dans les médias, au coeur du mois d'août dernier, que la canicule que nous vivions constituerait sans aucun doute le lot commun de nos descendants et qu'il convenait d'ores et déjà de débuter l'adaptation de nos sociétés à cette évolution, M. Serge Lepeltier l'a également dit dans son intervention. Au cours du siècle que nous allons vivre, du moins en partie, au moins trente de nos étés seront plus chauds que celui que nous avons connu l'an dernier.

Ces déclarations ont eu, semble-t-il, le don de faire sourire certains commentateurs, que je n'ai d'ailleurs pas entendus lorsque ces prévisions ont été confirmées dans un récent article de la revue scientifique Nature. Si cette attitude n'était que blessante pour la ministre que je suis, ce ne serait pas grave, car je suis habituée aux critiques imbéciles ! (Sourires.) Mais une telle attitude face au changement climatique est surtout irresponsable, car elle est révélatrice de la très faible prise de conscience de ce problème dans notre société.

La canicule de l'été dernier, parce qu'elle constitue une sorte de répétition générale de ce que nous vivrons dans le futur, nous montre que le réchauffement de la planète aura des conséquences très concrètes et souvent dramatiques : augmentation des décès chez les personnes vulnérables, accroissement des feux de forêt ou des inondations à l'automne ou au printemps, problèmes pour les réseaux de transport et d'énergie, stress thermique pour les animaux d'élevage, tempêtes à caractère cyclonique.

Pour faire face à cette menace très réelle, il convient d'organiser notre action selon deux axes.

Tout d'abord, il faut réduire les vulnérabilités de nos sociétés au changement climatique. Notre société, dans toutes les facettes de ses activités, s'est, au fil du temps, adaptée aux fluctuations normales de la météorologie. Mais avec le changement climatique, la situation évolue fortement. Il convient donc d'identifier, d'une part, les vulnérabilités de nos organisations humaines et des dispositifs techniques et, d'autre part, de planifier, en coordination avec tous les acteurs impliqués, les actions d'adaptation rendues nécessaires par le changement climatique. C'est le travail auquel s'attelle actuellement l'ONERC, l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique. Mais ne nous berçons pas d'illusions : si cette mobilisation est facile à obtenir en situation de crise, elle sera beaucoup plus difficile à réaliser une fois le danger passé.

Ensuite, il faut poursuivre et accentuer la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Dans le cadre du protocole de Kyoto, la France s'est engagée à maintenir en 2010 le niveau de ses émissions de gaz à effet de serre enregistré en 1990. Le troisième rapport du GIEC, le groupe intergouvernemental d'experts sur le climat, indique que, pour stabiliser le changement climatique en limitant l'augmentation de la température du globe à 2° C, il faut diviser par deux à l'échelle planétaire les émissions de gaz à effet de serre. Comme le Premier ministre le rappelait à l'UNESCO au début de 2003, cela signifie pour la France, pays industrialisé, une division par quatre ou cinq de ses émissions.

Dans cette optique, la politique du Gouvernement s'articule autour de trois volets principaux.

Le premier volet prévoit le renforcement des actions nationales de lutte contre le changement climatique, notamment dans les secteurs des transports et du bâtiment. En effet, si nos secteurs énergétique et industriel maîtrisent leurs émissions, les secteurs des transports et du bâtiment enregistrent une croissance préoccupante à cet égard : plus 21 % et plus 17 % respectivement par rapport à 1990. C'est pourquoi un plan « climat », que je présenterai dans quelques jours, est en préparation très active, en collaboration notamment avec les ministères de l'équipement et de l'industrie. Il insistera en particulier sur la maîtrise des consommations d'énergie dans le domaine du bâtiment et l'utilisation des énergies renouvelables thermiques, notamment l'énergie solaire ou le bois-énergie.

En bonne place dans ce dispositif figure le futur marché européen de permis d'émissions qui entrera en vigueur en 2005 et fixera des plafonds d'émission aux entreprises. Le Gouvernement présentera prochainement un projet de loi transposant la directive européenne, ainsi qu'un plan national d'allocation des quotas d'émission, établi en concertation avec les industriels, pour plus de un millier d'installations concernées.

Le deuxième volet de la politique du Gouvernement a trait à l'innovation technologique. Cette dernière a un rôle essentiel à jouer dans notre capacité à atteindre nos objectifs. Sur ce point, le Gouvernement a adopté, le 15 septembre 2003, le plan « véhicules propres ». Ce plan consiste d'abord en un soutien supplémentaire de 40 millions d'euros en faveur de la recherche et du développement sur cinq ans, avec des effets sur les produits qui seront commercialisés d'ici à dix ans. En outre, il prolonge et renforce le dispositif d'aides publiques et d'opérations de démonstration destinées à encourager l'achat de véhicules alternatifs.

Enfin, le troisième volet est international : je mène ainsi des actions diplomatiques intenses auprès de pays en développement tels que le Maroc, qui présidait le G77 l'année dernière, ou la Chine, dont on connaît l'explosion de croissance économique pour les convaincre d'adopter une économie plus pauvre en carbone, et également auprès de la Russie, pays où je me suis rendue en septembre dernier et dont la ratification du protocole de Kyoto conditionne l'entrée en vigueur de ce dernier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, sachons voir les causes autant que les symptômes et leur accorder au moins autant d'importance. Ne soyons pas comme l'imbécile du proverbe chinois qui regarde le doigt quand le sage montre la lune ! Fermer le dossier de la canicule sans avoir fait progresser celui de la lutte contre le changement climatique serait une faute : contre l'humanité et contre la planète. Le rapport de la mission d'information commune contribuera, j'en suis sûre, à ce que nous ne commettions pas ce crime ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, monsieur le président de la mission d'information commune, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, six mois ont passé, six mois au cours desquels nous avons tous oeuvré pour tirer les leçons de la catastrophe de l'été dernier et mettre en oeuvre les moyens d'éviter qu'elle ne se renouvelle.

Il est évident, monsieur le président de la mission, que le rapport dont le Sénat débat aujourd'hui y participe grandement.

Avant d'entamer mon propos, permettez-moi de dire combien j'ai été affecté par la mort prématurée de tant de nos aînés, à quel point j'ai partagé la douleur des familles et des proches des victimes. Je veux leur exprimer une nouvelle fois, devant vous, ma peine et ma solidarité.

Six mois ont en effet passé au cours desquels de nombreuses études ont été faites, des missions d'information et une commission d'enquête ont travaillé et un plan de solidarité, que je qualifierai d'ambitieux, a été élaboré et adopté.

Je tiens à remercier le Sénat et les membres de sa mission d'information commune pour le travail approfondi et fructueux qu'ils ont accompli.

En tant que secrétaire d'Etat chargé des personnes âgées, vous m'avez demandé de venir m'exprimer sur les enjeux de la prise en charge sociale de nos aînés.

Je ne reviendrai pas sur la chronologie des événements de l'été car nous l'avons fait dans ses moindres détails. Maintenant, nous connaissons précisément les circonstances du drame. J'ai détaillé mon action à plusieurs reprises devant la mission d'information de l'Assemblée nationale, devant votre mission d'information commune et, récemment, devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne les causes, votre excellent rapport comme les rapports des experts et les témoignages des professionnels montrent qu'elles tiennent au caractère soudain et extrême de la canicule thermique, ainsi qu'à l'absence totale de prévision de ce risque.

Cette absence de prévision résulte de facteurs géographiques et culturels.

La France, pays de climat tempéré, n'a pas de culture du danger que représente la chaleur. La canicule n'a pas été identifiée comme un risque suffisamment probable pour qu'il soit prévenu et surveillé. Ainsi que le souligne votre rapport, ce phénomène était considéré comme « exotique ».

Une autre cause « culturelle » de la crise tient aux modes de vie actuels, à l'isolement d'un grand nombre de nos personnes âgées et à l'impossibilité qui en résulte de leur venir en aide à temps. Cet isolement, notamment dans les grandes villes, est souvent dû à la disparition du conjoint et à l'éloignement des enfants et des parents proches.

J'en viens maintenant à la lenteur des remontées d'information. Pendant les neuf premiers jours de fortes chaleurs, aucune remontée officielle de difficultés n'est venue des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, des conseils généraux, des centres communaux d'action sociale, des établissements hébergeant des personnes âgées ou des services d'aide ou de soins à domicile.

Comment expliquer cette situation singulière ?

Elle tient, tout d'abord, au fait que, comme vous le signalez dans votre rapport, les signaux ont été épars et non synthétisés. Le nombre de décès sur le plan national, considérablement élevé, a été connu tardivement, hélas ! Dans les maisons de retraite, personne n'a songé à donner l'alerte si trois décès survenaient pendant la période alors qu'on en comptait deux les années précédentes.

Il en va de même, selon l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, pour les services intervenant au domicile des personnes âgées. L'IGAS indique d'ailleurs que les grands réseaux associatifs d'aide à domicile n'ont pas fait état de remontées d'information alarmantes en provenance de leur base durant la canicule.

Cependant, là n'est pas la seule cause du retard dans l'information : vous pointez également, dans votre rapport, la lenteur du traitement des certificats de décès et la focalisation sur l'engorgement des urgences.

Je signale, enfin, que l'organisation des maisons de retraite ne répond pas à un régime juridique uniforme : nous avons des établissements sous statut privé, des structures associatives, des établissements publics, des structures communales, départementales. Cette diversité complique considérablement l'organisation des remontées d'information.

Au-delà des raisons immédiates du drame, les conséquences de la canicule ont fait prendre davantage conscience à nos concitoyens de la nécessité d'améliorer les conditions de prise en charge de nos aînés.

J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, notre pays n'a pas suffisamment anticipé son vieillissement démographique ni la véritable révolution de la longévité. Il en résulte plusieurs carences auxquelles le Gouvernement s'efforce de remédier et face auxquelles le Sénat fut l'un des premiers à réagir en créant, en 1997, la prestation spécifique dépendance.

Il reste cependant beaucoup à faire, mesdames, messieurs les sénateurs. La première des carences est l'insuffisante variété de l'offre d'hébergement et le manque de places en maison de retraite, soulignés, notamment par Mme le rapporteur. Une autre carence également préoccupante réside dans le nombre d'établissements vétustes, non médicalisés et non équipés pour recevoir des personnes dépendantes ou des personnes atteintes du terrible fléau, cancer des années à venir, de la maladie d'Alzheimer ou des maladies apparentées. Plus de 750 000 personnes âgées sont touchées par cette pathologie et 150 000 personnes supplémentaires le seront, hélas ! chaque année.

En outre, de nombreux établissements sont inadaptés pour faire face aux fortes chaleurs qui peuvent désormais s'installer sur notre pays : c'est tout le problème de la climatisation qui se pose.

Enfin, les effectifs des personnels qui prennent en charge des personnes âgées à domicile, comme en établissement, doivent encore êre renforcés.

C'est à l'ensemble de ces carences que le Gouvernement a souhaité remédier par une grande réforme sociale de solidarité pour les personnes dépendantes et les personnes handicapées. Annoncée par le Premier ministre le 6 novembre dernier, cette réforme vise à rattraper le retard de l'ensemble de nos politiques publiques sur notre démographie.

Son élaboration a été lancée dès le début du mois de septembre 2003 à travers la mise en place d'un comité de préparation et la création de six groupes de travail thématiques. Jamais auparavant n'avait été organisée une concertation d'une telle ampleur avec les professionnels, les usagers et les représentants des secteurs publics et privés.

Dans le même temps, nous nous sommes efforcés de faciliter le retour des personnes hospitalisées à la suite de la canicule vers leur domicile ou vers leur maison de retraite. Le Gouvernement a dégagé, dès le 15 septembre dernier, une enveloppe exceptionnelle de 40 millions d'euros pour financer les heures supplémentaires ou les remplacements de personnels nécessaires à l'accompagnement des personnes âgées les plus fragiles. L'attribution de cette enveloppe a été faite par la circulaire du 19 septembre 2003.

Quant à la réforme elle-même, vous constaterez, mesdames, messieurs les sénateurs, que c'est la première fois qu'un gouvernement présente un plan interministériel global concernant tous les aspects de la vie des personnes âgées.

Il s'agit d'un plan ambitieux, qui permet la création de 24 800 emplois, de 10 000 places nouvelles en établissement, de 16 800 places de services de soins infirmiers à domicile, de 4 000 places d'hébergement temporaire et de 8 000 places d'accueil de jour. Ce plan de quatre ans s'élève à 4 milliards d'euros, ce qui est assez exceptionnel. Il est à la hauteur de la révolution démographique due à la longévité.

Un projet de loi correspondant, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, a été adopté par le Conseil des ministres le 14 janvier dernier. Le Parlement en sera saisi au printemps.

L'article 1er de ce texte vise à instaurer un dispositif de veille et d'alerte destiné à prévenir les risques exceptionnels, climatiques ou non. C'est en effet l'une des préoccupations de la mission d'information qui nous a le plus interpellés. Ce dispositif sera arrêté conjointement, dans chaque département, par le préfet et le président du conseil général.

Compte tenu de la disparité des établissements, il est indispensable d'avoir ce lien avec l'échelon local qui assure un travail de proximité, le maire présidant bien souvent le conseil d'administration d'une maison de retraite dans sa commune. A l'échelon départemental, c'est une compétence qui est déjà largement décentralisée aujourd'hui.

Ce plan d'alerte sera mis en place dès le mois de juin 2004.

Comme je l'ai indiqué pendant la canicule, nombre de personnes âgées n'ayant plus aucun lien familial et social, restées confinées à leur domicile, n'ont pu être sauvées, faute tout simplement de contacts ou de secours appropriés.

C'est la raison pour laquelle, comme vous le préconisez dans votre rapport, les communes devront recueillir des éléments relatifs à l'identité, à l'âge, au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, afin de favoriser l'intervention rapide des services sociaux en cas de mobilisation du plan d'alerte.

Seules les communes peuvent mener cette démarche de proximité. Chacun connaît dans sa commune la personne qui est isolée, celle qui a besoin de soins ou d'attention. Reconnaissez que ce n'est pas, à l'échelon central, le ministre de la santé ou le secrétaire d'Etat aux personnes âgées qui peuvent savoir ce qui se passe dans les 36 000 communes de France. Nous avons besoin de cette localisation et de ce travail de proximité.

Par ailleurs, je rappelle que le dispositif comportera trois niveaux d'alerte : une chaîne d'alerte entre Météo France, l'Institut de veille sanitaire et le ministère de la santé, dont vous a parlé M. Mattei ; des référentiels de bonnes pratiques préventives des risques sanitaires liés à la canicule et à la pollution ; enfin des « plans bleus », équivalents du « plan blanc » pour l'hôpital, dans toutes les institutions pour personnes âgées.

Au mois de mars prochain, une circulaire interministérielle sera envoyée aux préfets pour préparer activement ces plans départementaux, qui seront tous opérationnels dès le mois de juin 2004. Aucun plan de ce type n'existait avant la canicule du mois d'août 2003.

Outre ce plan d'alerte, notre programme s'articule sur plusieurs orientations de fond.

La première vise à préserver le choix du mode de vie de nos aînés. Nous sommes très attachés à cette liberté de choix. Elle nous oblige, d'une part, à faciliter le maintien à domicile, souhaité par la majorité des personnes âgées, et, d'autre part, à mettre en place une plus grande diversité de l'offre d'hébergement, une large palette allant du domicile à l'établissement.

L'offre actuelle est trop rigide. Nous allons promouvoir des dispositifs innovants, tels que des places d'accueils de jour itinérants, des accueils de nuit ainsi que des gardes itinérantes de nuit.

Dans leur grande majorité, les personnes âgées souhaitent demeurer le plus longtemps possible à leur domicile. Près de 90 % des personnes âgées de soixante-quinze ans et plus vivent aujourd'hui chez elles. Pour les y aider, nous avons déjà pris un certain nombre de mesures, en particulier une forte revalorisation des salaires des aides à domicile - 24 % sur quatre ans -, pour rendre ces métiers plus attractifs. Je réponds ainsi pour partie à la préoccupation exprimée par Mme Papon.

Nous devons effectivement, madame Papon, valoriser ces métiers, et nous souhaitons faire aboutir le dossier de la valorisation des acquis de l'expérience, ce qui nous donnera la possibilité de recruter plus de personnel confirmé et déjà formé.

Une aide fiscale pour les travaux d'adaptation et d'équipement des logements est inscrite dans la loi de finances pour 2004 et l'assouplissement des conditions d'octroi des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, est mis en oeuvre.

Le plan, quant à lui, se propose de renforcer significativement le nombre de places des services de soins infirmiers à domicile, les SIAD, tout simplement pour permettre à chacun de prolonger sa vie chez soi : 16 800 nouvelles places seront créées, ce qui permettra d'atteindre près de 100 000 places en 2007, soit une augmentation de 20 % par rapport à la situation actuelle.

Le plan accélère également la création de places en hébergement temporaire ou en accueil de jour, aujourd'hui insuffisamment développé.

Pour accroître davantage encore l'attractivité des professions dédiées aux personnes âgées, nous allons mener une campagne de sensibilisation à ces métiers pendant deux ans. En outre, un système de valorisation des acquis de l'expérience sera mis en place dès la fin de l'année.

Enfin, le plan consolide le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Oui, nous allons pérenniser l'APA ! Nous allons surtout la financer. Dès 2007, 1,7 milliard d'euros sera consacré à cet effet. Je ne veux pas à cette tribune, à l'heure où nous travaillons sur un rapport ô combien sérieux et important pour la prise en charge des personnes âgées, polémiquer sur ce sujet, mais il faut tout de même rappeler qu'il était indispensable de financer cette mesure, bonne en soi, mais inapplicable sans financement correspondant. Nous allons la pérenniser, nous allons la financer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Paul Emorine. Très bien !

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Il est faux de dire qu'il existe un rapport entre les mesures indispensables que nous avons prises pour financer cette bonne mesure sociale et les effets de la canicule, car, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures que nous avons prises ne concernaient pas les établissements et n'étaient pas rétroactives. Au mois de juin 2003, les personnes qui bénéficiaient de l'APA ont continué à percevoir leur allocation au même taux qu'auparavant.

Mais je ne m'étendrai pas sur ces questions.

M. Claude Domeizel. Vous avez tort !

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. Je me contenterai de dire que ce plan nous permettra de pérenniser et de financer cette bonne mesure sociale pour les années à venir. L'APA, je le rappelle, concerne, pour environ les deux tiers, des personnes âgées dépendantes vivant chez elles.

La deuxième orientation du plan consiste à renforcer la médicalisation des établissements d'hébergement.

Aujourd'hui, on ne part plus en maison de retraite à soixante ans. L'autonomie individuelle, les progrès de la médecine et l'augmentation de l'espérance de vie sans incapacité font que les personnes âgées entrent en institution à un âge de plus en plus avancé. Leur état de dépendance exige alors des soins médicaux qui rendent nécessaire la médicalisation des établissements. Le nombre des places médicalisées va donc devoir être augmenté de manière significative.

C'est la raison pour laquelle nous allons poursuivre la politique de signature des conventions tripartites, que nous avons accélérée depuis notre arrivée au Gouvernement. Nous en avons signé 1 200 en 2003, dont 700 au cours du second semestre, alors qu'il en avait été signé 333 entre 2001 et 2002. Nous en avons donc signé plus au cours d'un seul semestre de 2003 que pendant les deux années précédant la mise en place de ce gouvernement. Voilà la réponse concrète que nous apportons dans ce domaine, ô combien essentiel ! Nous allons signer 2 000 conventions cette année grâce aux 480 millions d'euros dont bénéficiera le plan « vieillissement et solidarités ». Ces conventions, je le rappelle, permettront de médicaliser des établissements, d'augmenter le nombre des personnels soignants et d'insuffler une véritable démarche qualité.

D'ici à 2007, 10 000 places nouvelles seront médicalisées, ce qui représente l'équivalent de plus de 200 maisons de retraite nouvelles. De plus, 15 000 personnels soignants seront recrutés. Enfin, une mission « qualité » sera mise en place pour améliorer l'organisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées.

L'adaptation des établissements doit également porter sur la régulation de la température des locaux comme vous l'avez bien entendu largement souligné dans votre rapport et dans vos propos. Des instructions vont être données pour que l'ensemble des maisons de retraite publiques, dans tous les départements, soient équipées d'une pièce climatisée avant la fin du mois de juin prochain. A cet effet, j'ai adressé une circulaire à tous les préfets. Les contrôles sur le terrain seront intensifiés pour vérifier que cette volonté se concrétise avant l'été prochain.

La troisième orientation de notre plan est de promouvoir la qualité de vie des personnes âgées en développant la prévention.

Le défaut de prévention est l'une des raisons de la terrible crise de cet été. Il s'agit d'encourager le « bien vieillir » et de lutter contre la maltraitance. Nous allons également favoriser la vie sociale des personnes âgées par la promotion des liens entre les générations. La solidarité intergénérationnelle est indispensable si l'on ne veut pas créer dans ce pays une société à deux vitesses avec, d'un côté, les jeunes et, de l'autre, les moins jeunes. Dans quinze ans, le nombre de personnes âgées de plus de soixante ans sera supérieur à celui des personnes âgées de moins de soixante ans. Il est donc indispensable qu'une véritable solidarité intergénérationnelle s'instaure ; nous allons nous appliquer à la promouvoir.

Nous allons promouvoir le bénévolat et les animations dans les maisons de retraite. Un « programme intergénération » sera lancé au début du mois d'avril prochain et un diplôme d'animation en gérontologie sera créé d'ici à la fin de l'année.

La dernière orientation de cette réforme vise à promouvoir la proximité et la responsabilité.

Le copilotage actuel entre le conseil général et le préfet en matière de tarification des établissements, par exemple, n'est pas le système le plus approprié, ce qui explique en partie, sur le terrain, les retards observés pour la signature des conventions tripartites. Ces dernières sont trop complexes avec un échelon de trop. C'est la raison pour laquelle le président du conseil général deviendra à l'avenir l'interlocuteur unique des établissements pour personnes âgées. Ainsi, comme nous le souhaitons tous, le conventionnement visant à la médicalisation des établissements sera simplifié. Une expérimentation de la décentralisation de l'enveloppe d'assurance maladie qui leur est destinée sera engagée à cet effet.

Toutes ces mesures contenues dans le projet de loi représentent la première partie d'un dispositif plus large destiné à renforcer le rôle des conseils généraux dans l'action de proximité au service des personnes âgées.

La décentralisation de l'aide sociale engagée il y a plus de vingt ans et la création de l'allocation personnalisée d'autonomie en 2001 ont permis aux départements et à leurs équipes médico-sociales d'acquérir une compétence qu'il paraît utile de conforter. Plus récemment, certaines dispositions du projet de loi relatif aux responsabilités locales tendent à reconnaître désormais au département une compétence générale dans la définition, la conduite et la coordination de l'action sociale en faveur des personnes âgées. Le conseil général coordonnera les actions des différents intervenants dans le cadre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale, dont l'élaboration - c'est très important - relèvera entièrement de sa responsabilité.

Il s'agit là, mesdames, messieurs les sénateurs, d'une véritable reconnaissance de la qualité de l'action des élus locaux, à laquelle le Sénat, qui assure la représentation des collectivités locales de la République, sera sans doute sensible.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat. J'en viens maintenant aux modalités de financement de la réforme.

Ces modalités présentent deux caractéristiques particulièrement remarquables : le financement est garanti et il fait appel à la solidarité.

Les financements mobilisés par l'Etat et l'assurance maladie seront, en effet, affectés en totalité à une nouvelle caisse nationale, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui en garantira l'utilisation exclusive au profit des personnes âgées et des personnes handicapées.

Cette caisse veillera à assurer l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire et mènera les études, recherches et évaluations nécessaires sur tous les phénomènes de dépendance.

Elle n'a pas vocation à gérer le risque de la dépendance, qui relèvera des départements, auxquels elle déléguera bien sûr les moyens financiers nécessaires.

Pour garantir la transparence de l'affectation des fonds issus de la solidarité et son utilisation au profit des personnes âgées et handicapées, les organes de surveillance de cette caisse associeront les élus, les partenaires sociaux et les représentants des milieux associatifs.

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sera opérationnelle avant la fin de l'année 2004.

Ce financement garanti sera fondé sur un principe de solidarité. Il reposera en partie sur l'instauration d'un jour travaillé, dédié à la solidarité nationale, et sera complété par une hausse de 0,3 % des cotisations patronales. Les revenus du capital, à l'exception de l'épargne populaire telle que le livret A, seront soumis à la même contribution.

Cette mesure constitue un mode de financement innovant. Elle garantit les moyens alloués au plan et est propice à l'exercice d'une solidarité plus concrète et plus tangible.

En définitive, la canicule a révélé que nous n'avions pas suffisamment mesuré les conséquences du vieillissement de notre pays et de ce qu'on a appelé la « révolution de la longévité ». Ni les gouvernements de droite ni ceux de gauche ne l'ont fait. Personne n'avait pris en compte la véritable révolution sociale qu'est aujourd'hui la longévité. Sachons le reconnaître tous ensemble.

Les dispositions adoptées ou celles qui le seront ne sont pas seulement des mesures budgétaires et techniques. Elles forgent un projet de société, plus attentif aux besoins du grand âge et à l'isolement d'un trop grand nombre de nos aînés.

Dans ce projet, vous le voyez, l'Etat apporte sa contribution. Il renforce réellement ses moyens d'action, c'est-à-dire qu'il les finance. Il suscite à ce titre une impulsion et une cohésion collectives.

Mais ce projet ne prend tout son sens que s'il peut s'appuyer sur la solidarité familiale, associative ou de voisinage et sur les relais de proximité que constituent les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale. Nous avons besoin de cette solidarité de proximité.

Notre pays avait pris du retard dans la réponse aux situations de crise et dans la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie, fragiles ou isolées. Le drame que nous avons vécu a révélé un besoin d'action.

Comme j'espère vous l'avoir montré, nous nous employons avec détermination et avec réalisme à la construction progressive d'une véritable société pour tous les âges.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance en réponse à vos interventions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Le débat est clos.