compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Conditions d'exercice des mandats locaux

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 696, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les conditions d'exercice des mandats des élus des collectivités territoriales ont été, au fil des années, considérablement améliorées. Ainsi, sans aboutir à un véritable statut des élus, un très grand nombre de dispositions ont été mises en oeuvre afin de leur permettre de faire face à leurs responsabilités dans les conditions les plus satisfaisantes.

C'est ainsi que, dès 1992, des autorisations d'absence et des crédits d'heures, ainsi qu'un droit à la formation, leur ont été accordés. Plus récemment, en 2000, puis en 2002, le régime indemnitaire des maires et des maires adjoints a subi une revalorisation substantielle. Ayant déjà eu l'occasion d'interroger votre prédécesseur, je n'évoquerai aujourd'hui que brièvement une de nos préoccupations : dans la mesure où aucune modalité financière d'accompagnement n'est intervenue, très souvent les budgets des petites communes rurales ne permettent pas de supporter les hausses des indemnités, et les élus, par scrupule, y renoncent purement et simplement. Ce n'est pas normal.

Mais, s'agissant de l'objet même de ma question, les crédits d'heures et les autorisations d'absence, avec le recul, on se rend bien compte que ces dispositifs sont parfaitement opérants lorsque l'élu salarié est au service de l'une des fonctions publiques, voire exerce son activité dans une très grande entreprise, mais qu'ils continuent à poser des problèmes importants lorsque l'élu est employé dans une petite structure.

Les récents états généraux de la parité, qui ont été organisés par le Président du Sénat le 7 mars dernier et ont rencontré un vif succès, n'ont fait que confirmer l'existence de ce problème.

Les « femmes maires » ont beaucoup insisté sur la difficile articulation du mandat électif avec leurs activités professionnelles, qui s'ajoutent à leurs activités familiales.

Nous avons pu entendre des témoignages de ces élues travaillant dans de petites entreprises : elles ne nous ont pas caché qu'elles avaient beaucoup de mal à bénéficier des dispositifs en vigueur en matière de crédits d'heures et d'autorisations d'absence.

Quant à nos collègues hommes dont nous avons pu recueillir le témoignage, il leur a souvent été demandé purement et simplement de faire un choix : poursuivre leur activité professionnelle ou se consacrer à leur mandat d'élu !

Je comprends, bien entendu, l'attitude de ces responsables, artisans ou chefs de petites entreprises dont la gestion est souvent tendue et qui ont, plus que d'autres, besoin de la présence de leur personnel. Mais nous ne pouvons laisser perdurer une telle situation. Il faut que les élus des collectivités territoriales puissent représenter la diversité sociale de notre pays, y compris les salariés, les cadres du secteur privé, les membres des professions libérales, et pas seulement les fonctionnaires, voire les retraités, quelles que soient leurs qualités.

Madame la ministre, ma question est simple : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre afin que les dispositions en vigueur relatives aux conditions d'exercice des mandats locaux puissent effectivement s'appliquer aux salariés du secteur privé sans pour autant trop pénaliser les entreprises ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dont le titre II est entièrement consacré aux conditions d'exercice des mandats locaux, a instauré des dispositifs nouveaux pour permettre aux élus d'exercer leur mandat. Il leur est permis, en particulier, de concilier plus facilement celui-ci avec leur activité professionnelle.

Les élus qui exercent une activité professionnelle salariée bénéficient d'autorisations d'absence pour participer à des réunions ainsi que d'un crédit d'heures leur permettant de disposer de temps pour exercer leur fonction élective. Ainsi, tous les élus, à l'exception des conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, disposent d'un régime forfaitaire et trimestriel de crédit d'heures dont la durée est fonction du mandat et de la taille de la collectivité.

L'employeur est tenu d'autoriser ces absences, plafonnées à la moitié de la durée légale du travail pour une année civile, pour tout salarié titulaire d'un mandat local qui en fait la demande. Il convient toutefois de noter que ce temps d'absence n'est pas rémunéré.

Les élus qui ne perçoivent pas d'indemnité de fonction peuvent percevoir de leur collectivité une compensation financière pour les pertes de revenu occasionnées par le temps qu'ils consacrent à l'exercice de leur mandat. Le montant, par heure, de ces compensations est plafonné à une fois et demie le montant horaire du salaire minimum de croissance.

La loi du 27 février 2002 a posé le principe d'une augmentation significative de la durée trimestrielle du crédit d'heures pour l'ensemble des élus locaux, en particulier pour les maires, dont le décret du ler septembre 2003 est venu préciser les modalités d'application. Par ailleurs, l'utilisation de ce crédit d'heures donne lieu dorénavant à une compensation financière, en supplément de celle qui est applicable aux autorisations d'absence. Enfin, la possibilité de bénéficier de ces compensations a été étendue aux élus exerçant une activité professionnelle non salariée.

Vous le constatez, monsieur le sénateur, un certain nombre de dispositions existent déjà dans les textes et sont applicables à l'ensemble des élus locaux pour leur permettre de concilier l'exercice de leur mandat avec leur activité professionnelle.

Dans un souci de conserver le caractère général et opérationnel de ces mesures, il n'est pas prévu actuellement d'intégrer de nouveaux critères qui tiendraient compte notamment du statut juridique de l'employeur ou de la taille de l'entreprise concernée.

Je rappelle avec fermeté que toutes les entreprises sont tenues d'appliquer ces règles très strictement. Le Gouvernement y veille avec attention.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les élues femmes. Pour les avoir longuement écoutées avec Dominique de Villepin au début du mois de mars, je peux vous dire qu'elles souhaitent bénéficier d'un aménagement des horaires des réunions des collectivités locales en fonction de leurs propres disponibilités. En effet, comme vous l'avez souligné, elles assurent, en plus de leurs obligations professionnelles, des charges familiales. Il appartient aux maires et aux présidents d'exécutif de prendre en compte ce souhait légitime.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir rappelé le dispositif en vigueur, dont l'application est quelquefois un peu difficile. On n'en reparlera jamais trop.

Convention sur l'aide médicale d'urgence

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 714, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question porte sur le secours à la personne, tel qu'il est mis en place par la circulaire du ministère de l'intérieur du 29 mars 2004, qui préconise à juste titre la signature de conventions tripartites entre les SAMU, les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, et les ambulanciers privés.

Le résultat n'est pas toujours à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer. En particulier, pour des raisons dont certaines ne peuvent être évoquées, il apparaît que le secteur privé est très favorisé par rapport au maillage, pourtant remarquable, que constituent les services d'incendie et de secours. On sait que l'activité des pompiers est essentiellement consacrée aux secours, et non aux incendies.

Par la régulation du Centre 15, les médecins ont souvent tendance à favoriser les ambulanciers privés au détriment des SDIS. La circulaire dit expressément que les SDIS peuvent intervenir dans le secours à la personne lorsqu'il y a carence des ambulanciers privés et pour les cas sociaux ou les situations difficiles. On a l'impression qu'ils se trouvent cantonnés à prendre en charge ce qui n'est pas rentable et à secourir les cas dont personne ne veut s'occuper.

Je ne partage pas la position corporatiste de certains syndicats de pompiers. Je trouve tout à fait normal que les ambulanciers privés puissent intervenir s'ils sont compétents et travaillent dans de bonnes conditions. Mais, bien souvent, ce n'est pas le cas.

Dans mon département, la situation découlant du découpage en six secteurs a entraîné des délais d'intervention excessifs. Par exemple, les ambulanciers privés qui assurent une permanence de nuit en zone rurale ou semi rurale sont quelquefois appelés ailleurs pendant cette permanence. Ainsi, pour une jambe cassée avec fracture ouverte, l'ambulance privée est arrivée quarante-cinq minutes après l'accident alors que le centre de secours se trouvait à un kilomètre. Cette situation n'est pas pleinement satisfaisante.

L'autre aspect des choses tient au coût de l'opération.

Il existe une distorsion vraiment excessive entre public et privé. En effet, il faut savoir que les ambulanciers privés bénéficient, au titre de leur permanence, d'une rémunération de 346 euros, auxquels s'ajoute, éventuellement, une indemnité d'intervention au cas où celle-ci se révèle nécessaire.

En revanche, si les sapeurs-pompiers interviennent, ils n'obtiennent pas le défraiement de leur permanence et ne perçoivent que 90 euros, même s'ils se déplacent à quatre et même s'ils viennent aider un ambulancier privé qui, par exemple, ne peut pas relever tout seul une personne de quatre-vingt-dix kilos !

Nous sommes donc là face à une situation pour le moins grotesque et très coûteuse, notamment pour les collectivités locales.

C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais savoir s'il est possible d'améliorer cette situation qui, dans le principe, s'agissant du souci de régulation entre les différents intervenants est, certes, souhaitable, mais qui aboutit aux dysfonctionnements que je viens de souligner.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, votre question comporte deux aspects, d'une part, le remboursement par l'assurance maladie de certaines interventions réalisées par les sapeurs-pompiers en cas de carence des ambulanciers privés et, d'autre part, l'application de la circulaire du 29 mars 2004 sur l'aide médicale d'urgence.

Sur le premier point, je dois vous rappeler que ce remboursement a fait l'objet de demandes réitérées et insistantes depuis plusieurs années tant de la part des collectivités locales - dont, au premier chef, les conseils généraux, toutes tendances politiques confondues - que de la part des sapeurs-pompiers. Or ce remboursement a été mis en place dès le mois de novembre 2003.

Le tarif de 90 euros a été retenu à titre provisoire et au terme d'une longue discussion avec tous les partenaires concernés.

Le 16 décembre 2004, après une année de mise en oeuvre, M. Dominique de Villepin a d'ailleurs proposé aux élus de la conférence nationale des services d'incendie et de secours de reconduire ce tarif, proposition qui a été acceptée à l'unanimité, y compris par les neuf élus socialistes représentant les conseils généraux que vous avez mentionnés.

Il s'agit là d'un point d'équilibre aujourd'hui satisfaisant, c'est une ressource nouvelle des SDIS pour une mission qui, en fait, n'est pas directement de leur ressort.

Par conséquent, le fait de relever ce tarif et de réduire la différence avec le tarif des ambulanciers privés risquerait de diminuer significativement l'activité de certains centres de secours en zone rurale et, ce qui est plus grave, de décourager certains sapeurs-pompiers volontaires dont le rôle, vous le savez, est essentiel pour la couverture des secours dans le monde rural.

Ce serait donc, monsieur le sénateur, un mauvais calcul, et les élus locaux, comme les sapeurs-pompiers, ont bien compris le danger que cela représentait.

Vous soulevez également la question du contenu de la circulaire du 29 mars 2004 sur le rôle de chacun des acteurs de l'aide médicale urgente.

Cette instruction a été élaborée par les ministères de l'intérieur et de la santé. Elle a clarifié la définition des missions, même si, je vous l'accorde, elle n'a pas encore tout réglé.

Les conventions tripartites entre les SAMU, les SDIS et les ambulanciers privés sont conclues sous l'autorité des préfets. En effet, les situations départementales étant souvent très différentes les unes des autres, c'est pour s'adapter à cette diversité que la concertation doit rester essentiellement locale et l'équilibre adapté aux besoins de chaque département.

Pour répondre aux difficultés rencontrées dans certains départements et sans remettre en cause, bien entendu, l'équilibre national obtenu en mars 2004, M. Dominique de Villepin a d'ailleurs écrit le 6 avril dernier aux préfets.

Tout d'abord, les conventions locales doivent permettre d'offrir aux victimes - vous avez insisté sur ce point - un secours rapide et adapté. Une bonne couverture territoriale des services de secours, notamment dans le monde rural, est, en effet, une condition indispensable pour que chaque citoyen soit secouru rapidement et de manière efficace.

Ensuite, les services départementaux d'incendie et de secours, en particulier leurs services de santé, doivent se voir reconnaître un rôle central en matière de secours d'urgence.

Enfin, les sapeurs-pompiers doivent intervenir de leur propre initiative dans toutes les situations d'urgence sur la voie publique et dans tous les lieux ouverts au public.

Le respect de ces principes rappelés par M. le ministre de l'intérieur devrait conduire, monsieur le sénateur, à apaiser les tensions qui subsistent encore dans quelques départements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Sans être mécontent de la réponse apportée par Mme la ministre, je ne suis pas pleinement satisfait.

Certes, je sais bien que la rémunération de 90 euros a fait l'objet d'un accord. Il n'en demeure pas moins que, dans les secteurs denses, les ambulanciers privés, qui sont très organisés, répondent à la demande en pratiquant des tarifs trop élevés pour les collectivités, alors que, dans les secteurs peu denses, l'intervention publique est très coûteuse pour ces dernières.

Il conviendrait donc de remédier au mieux à ce problème financier, qui, j'en conviens, est fort ancien.

Sécheresse de 2003 et reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, auteur de la question n° 723, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Laurent Béteille. Je vous demande, tout d'abord, monsieur le président, d'excuser mon retard.

Je tiens, à travers cette question orale, à évoquer le problème de la sécheresse qui, pour être récurrent, s'est révélé particulièrement crucial au cours de l'été 2003, puisqu'il a causé de nombreux dommages sur l'ensemble du territoire national, et en particulier dans le département de l'Essonne, où plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, d'habitations ont été affectées par des désordres importants qui ont parfois nécessité la reconstruction complète de certaines d'entre elles.

A cet égard, quatre-vingt-treize communes concernées ont déposé auprès de la préfecture de l'Essonne des demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle.

Par un arrêté du 25 août 2004, soit un an après les événements, onze communes du département de l'Essonne se sont vu reconnaître l'état de catastrophe naturelle.

Puis, après réexamen du dossier, trente autres communes du même département ont vu leur demande de reconnaissance d'état de catastrophe naturelle accueillie favorablement par un arrêté du 11 janvier 2005.

Pour autant, plusieurs dizaines de communes, qui ont, elles aussi, déposé des dossiers de demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle à la suite de la sécheresse de l'été 2003, et qui ne sont pas mentionnées dans l'une quelconque des deux annexes de l'arrêté du 11 janvier 2005, sont toujours dans l'attente d'une réponse à la demande qu'elles ont formulée.

Dans ces conditions, les communes concernées, indépendamment des conditions difficiles que connaissent leurs habitants, doivent-elles considérer que leur demande de reconnaissance de catastrophe naturelle a été juridiquement rejetée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous interrogez M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les dommages causés par la sécheresse de l'été 2003 aux bâtiments d'habitation.

Il s'agit là d'un sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale et sur lequel M. Dominique de Villepin s'est encore exprimé récemment en réponse à une question posée par M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, l'AMF.

Le problème particulier que vous abordez, monsieur Béteille, concerne les communes qui n'ont pas encore reçu de réponse de la part de l'administration. Certes, je conçois parfaitement qu'un certain nombre de nos concitoyens trouvent le temps bien long et s'interrogent sur le devenir des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle formulées par leur maire.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que M. le ministre de l'intérieur se préoccupe grandement de cette situation, dont nous mesurons le caractère trop souvent dramatique.

Comme vous le savez, la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, votée par le Parlement à la demande de M. Dominique de Villepin, a prévu que, désormais, les communes qui ne se voient pas reconnaître l'état de catastrophe naturelle doivent faire l'objet d'une décision formelle de rejet, décision qui doit être écrite et notifiée.

Cette mesure était vivement attendue, car elle est indispensable pour assurer non seulement la transparence de l'ensemble de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, mais aussi le respect de nos concitoyens sinistrés.

Par conséquent, si le Gouvernement n'a pas encore arrêté la liste des communes qui, à la fin de cette période d'instruction, n'obtiendront pas cette reconnaissance, c'est bien parce que M. le ministre de l'intérieur a souhaité ne pas fermer la porte à un grand nombre d'entre elles qui n'ont pas encore pu obtenir satisfaction au regard des critères météorologiques actuels.

Ces critères définissent des périmètres de sécheresse et permettent de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour de très nombreuses communes. Toutefois, cette approche - nous le constatons à travers votre question, monsieur le sénateur - est encore insuffisante et c'est bien parce que M. Dominique de Villepin a jugé qu'il convenait de procéder à une nouvelle définition, plus précise et mieux adaptée à chaque situation individuelle, que les communes de l'Essonne ou d'autres départements n'ont pas été définitivement écartées ; tel est le sens des propos qu'il a tenus récemment devant le président de l'AMF.

Je tiens donc, monsieur le sénateur, à vous apporter une réponse claire : les communes qui n'ont pas encore été reconnues ne doivent pas considérer que leur dossier a été rejeté ou, pire, qu'il a été ignoré et oublié.

Nous travaillons chaque jour avec M. le Premier ministre et M. le ministre de l'économie et des finances à la mise en place d'une solution qui serait définitive pour ces communes. Nos concitoyens qui y résident et qui souffrent encore de la situation créée en 2003 doivent donc garder espoir.

La solution d'un examen individualisé, définie par le Gouvernement et annoncée par M. le ministre de l'intérieur devant les parlementaires, sera mise en oeuvre rapidement dans un souci d'équité et de solidarité.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Je voudrais remercier Mme la ministre de sa réponse à une question qui, évidemment, est loin d'être innocente.

En effet, un certain nombre de communes ayant engagé des recours, il est extrêmement important de savoir si ces demandes ont été rejetées ou si elles sont encore en attente.

Au-delà de cette précision qui me paraissait nécessaire, les propos tenus par Mme la ministre nous laissent espérer une nouvelle façon de reconsidérer ce problème.

Compte tenu des dispositions à la fois législatives et réglementaires en vigueur, un examen individuel des situations serait, à mon avis, infiniment préférable à l'élaboration d'une carte en décalage avec les réalités.

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Redéfinition de la répartition des aides PAC et agriculture biologique

M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 724, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

M. François Marc. Ma question porte sur le développement de l'agriculture biologique en France qui connaît une situation pour le moins paradoxale, pour ne pas dire quelque peu caricaturale.

En effet, à l'heure où l'environnement figure en tête des préoccupations de nos concitoyens, alors que la consommation en produits biologiques augmente chaque année en nombre de clients et de produits consommés, la France reste à la traîne de nombreux autres Etats membres de l'Union européenne en matière de production biologique.

L'application française de la PAC semble même pénaliser les agriculteurs qui ont adopté les systèmes les plus respectueux de l'environnement ; quant aux agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable, ils se considèrent comme durement traités.

C'est notamment sur le différentiel de DPU, droit à paiement unique, entre agriculteurs biologiques et agriculteurs conventionnels que je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture.

A système agronomique équivalent, l'écart de droit à paiement unique entre agriculteurs biologiques et agriculteurs conventionnels s'échelonne, en effet, de 5 % à 50 %, selon les productions. Cet écart est dû aux choix techniques induits par la pratique de l'agriculture biologique : plus faible chargement en bétail, plus forte proportion de prairies, etc.

On peut signaler à titre d'exemple que la perte de DPU chez les éleveurs laitiers biologiques varie entre 35 % et 50 %. Les élevages laitiers biologiques sont en effet les plus pénalisés par le calcul des DPU sur la base des références historiques.

Au total, les inégalités de traitement entre agriculteurs sont telles qu'à type équivalent de production un paysan « bio » touchera 20 % à 40 % en moins. Les agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable et biologique touchent en effet 150 à 250 euros par hectare d'aides publiques en moins, soit jusqu'à 10 000 euros par exploitation.

On observe également une distorsion de concurrence chez nous entre les agriculteurs « bios » installés avant 2001 et les « nouveaux convertis », mais aussi à l'échelle européenne.

Par conséquent, la pérennisation de ce mode de production est très difficile.

Pourtant, au moins trois outils existent dans le règlement européen pour rééquilibrer les soutiens entre les agriculteurs.

Il s'agit, d'une part, de la redéfinition du mode de répartition des aides PAC.

Il s'agit, d'autre part, d'une « rémunération de reconnaissance » pérenne qui aurait pu être mise en place dès 2005, comme ce fut le cas en Allemagne. Ainsi, dans le bassin versant de Munich, il a été procédé à une reconversion totale à l'agriculture biologique, de sorte que le prix de l'eau à Munich est aujourd'hui vingt fois inférieur à ce qu'il est en moyenne en France. Cette rémunération de reconnaissance serait parfaitement possible en utilisant les premier et deuxième piliers de la PAC.

Il s'agit, enfin, de la reconnaissance de l'agriculture biologique en termes d'écoconditionnalité dans toutes les mesures où celle-ci est exigée.

La situation est inquiétante, voire alarmante. Très peu de conversions ont été constatées en 2003 et très peu d'installations dans l'agriculture biologique ont eu lieu en 2004.

Y a-t-il une volonté politique en la matière ? Ne refuserait-on pas de considérer l'agriculture « bio » comme un véritable mode de développement agricole ?

Voilà quelques jours, M. Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, déclarait ici même que l'agriculture biologique n'était pas viable en France, qu'il ne connaissait pas d'exploitation capable de réussir dans ce cadre et qu'il valait donc mieux importer les produits. De telles déclarations sont inquiétantes ; je ne sais si elles correspondent à la position de la majorité ou à celle du Gouvernement dans son ensemble. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, être éclairé sur ce point.

En tout état de cause, le Gouvernement a-t-il l'intention de réorienter sa politique de manière que notre pays puisse rattraper le retard considérable de la production biologique en offrant aux agriculteurs qui s'installent dans ce mode de production des aides au moins équivalentes à celles qu'ils obtiendraient en restant dans le système traditionnel ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez souligné avec raison que la France s'intéresse à l'agriculture biologique et en soutient la démarche.

Je voudrais, pour répondre directement à votre question, réaffirmer devant vous avec force l'engagement du Gouvernement.

Vous rappeliez que la France se trouve actuellement en retard sur le plan de l'agriculture biologique. C'est le résultat d'une évolution qui s'est faite depuis un certain nombre d'années. Alors que nous étions précurseurs dans ce domaine il y a quinze ou vingt ans, nous constatons que d'autres pays ont progressé bien plus que nous, l'Allemagne en particulier.

C'est la volonté du Gouvernement que d'adopter une démarche active pour le « bio ».

En février dernier, j'étais à Nuremberg avec ma collègue Mme Renate Kunast, ministre de l'agriculture allemande, pour inaugurer le plus important salon bio d'Europe, Biofach, qui est comparable au salon international de l'alimentation, le SIAL. Il est intéressant de constater à quel point les produits biologiques ont évolué, y compris en termes de présentation.

Le Gouvernement souhaite donner un signe fort aux agriculteurs « bio ». Il s'agit notamment d'intégrer l'ensemble de la chaîne alimentaire et les produits alimentaires ou agro-alimentaires transformés et ainsi d'aller plus avant dans une réflexion globale.

En outre, le Gouvernement a annoncé le 2 février 2004 des mesures en faveur du développement de l'agriculture biologique, qui ont pour objectif d'encourager le développement de ce mode de production et de transformation, respectueux de l'environnement et de la biodiversité.

Vous avez appelé à rattraper le retard, mais tout ne se fait pas, vous le savez, d'un coup de baguette magique. Les mesures annoncées par le Gouvernement, sur la base du rapport du député Martial Saddier, répondent à six objectifs.

Il s'agit, tout d'abord, de parvenir à une meilleure connaissance des marchés et à une prise en compte des contraintes économiques du « bio », de procéder à un rapprochement des réglementations nationale et européenne, d'engager des actions de communication et d'information des consommateurs.

A ce sujet, l'évolution constatée au salon Biofach, en matière d'emballage, de présentation des produits, de mode de consommation, nécessite un important travail d'explication aux consommateurs. Souvent, on constate un décalage important entre la réalité des produits « bio » et la représentation que les consommateurs s'en font, ce qui ne les incite pas à rechercher ces produits.

Il s'agit aussi de procéder à un développement accru de la formation et de la recherche, d'optimiser les soutiens des pouvoirs publics et, enfin, de définir des lieux de concertation et de coordination adaptés.

Monsieur le sénateur, la mise en oeuvre de ces mesures, qui s'inscrivent pleinement dans les orientations du plan d'action européen sur l'alimentation et l'agriculture biologiques, adopté par le Conseil européen en octobre 2004, est engagée.

La demande d'harmonisation des aides à l'agriculture biologique faite auprès de la Commission européenne n'ayant pas abouti, nous réfléchissons à la possibilité de dispositifs complémentaires qui puissent être une alternative.

Les propositions qui en résulteront seront examinées dans le cadre des négociations globales menées pour la prochaine programmation de développement rural qui couvrira la période 2007-2013, ainsi que dans le cadre de l'application de la nouvelle politique agricole commune.

D'ici là, et cela répond bien à votre interrogation, sous réserve de l'avancement de ces discussions au niveau européen, afin de réduire les distorsions de concurrence avec nos voisins européens qui ont instauré une aide pour les producteurs au-delà de la période de conversion, des mesures complémentaires sont à l'étude.

Parmi ces mesures, une disposition fiscale spécifique sera proposée dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole qui devrait être présenté très prochainement au Conseil des ministres.

Elle consiste à attribuer un crédit d'impôt aux exploitations agricoles qui pratiquent l'agriculture biologique lorsque les recettes issues de cette activité représentent au moins 40 % de l'ensemble de leurs recettes agricoles.

Le financement de cette mesure a été estimé à 18 millions d'euros en 2006, ce qui, vous en conviendrez, est une somme importante.

Monsieur le sénateur, voilà les quelques éléments très précis que je voulais apporter en réponse à votre interrogation sur les distorsions que vous avez évoquées. Sachez que nous n'avons pas terminé notre travail et que je recevrai volontiers vos propositions ainsi que celles du Parlement.

Le Gouvernement est déterminé à soutenir le secteur de l'agriculture biologique et, plus généralement, de l'agriculture durable.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez apportées.

Les mesures envisagées par le Gouvernement sont nécessaires, mais il me semble qu'il y a urgence.

L'agriculture est aujourd'hui dans une phase difficile de reconversion, de crise pour un certain nombre de productions. Il serait particulièrement opportun d'inciter à l'installation d'exploitations « bio », d'autant plus que la France importe 50 % des produits consommés.

L'information du consommateur est utile, mais c'est dans le domaine de la production qu'il faut fournir l'effort le plus important. Dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, l'Autriche ou l'Espagne, des financements directs des agriculteurs « bio » ont été mis en place.

Vous évoquiez le chiffre de 18 millions d'euros : c'est sur ce point qu'il faut très vite mettre en oeuvre une compensation de rémunération suffisamment incitative.

Il est nécessaire de faire vite. Car, dans plusieurs régions de France, l'agriculture connaît une crise profonde et c'est aujourd'hui qu'il faut inciter véritablement à l'installation et à la reconversion.

Taxe intérieure sur les produits pétroliers

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 718, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voulais attirer votre attention sur la progression du rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et sur le fait qu'il faille prendre des mesures positives, qui, à mon avis, sont possibles pour les Français.

D'après les indicateurs budgétaires communiqués par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, cet impôt a rapporté 5,9 % de plus à l'Etat l'année dernière, de janvier à janvier.

Or, lors du débat budgétaire sur la loi de finances pour 2005, nous étions nombreux à nous inquiéter non seulement du prix du baril retenu par le Gouvernement pour bâtir son projet de budget, mais surtout du prix de l'essence à la pompe et du prix du fuel, dont les montants élevés grèvent les budgets des ménages modestes et moyens.

Les indicateurs ne nous fournissent d'ailleurs pas d'éléments concernant les recettes de la TVA liées aux produits pétroliers. A ce sujet, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, avoir quelques éclaircissements sur ce point.

Nous demandions notamment le rétablissement de la TIPP flottante. Le Gouvernement avait répondu par la mise en place d'une commission parlementaire présidée par M. Jean-François Bénard, qui, au vu des chiffres fournis par le ministère de l'économie, a conclu que l'Etat ne tirait aucun profit de la montée du prix du pétrole.

Un geste minime avait néanmoins été consenti : une prime de 70 euros en faveur des titulaires du minimum vieillesse. Il en a seulement coûté 50 millions d'euros à l'Etat.

D'après les derniers résultats des rentrées fiscales, nous devons, me semble-t-il, réexaminer ces conclusions.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de réétudier la question avec la commission parlementaire, afin que la plus-value fiscale - taxe intérieure sur les produits pétroliers et taxe sur la valeur ajoutée - soit chiffrée et redistribuée aux plus modestes.

Cette commission pourrait également se pencher sur la question des profits des groupes pétroliers ; les profits du groupe Total étaient ainsi en augmentation de 23 % l'année dernière.

Comme tous les Français, nous nous apercevons en effet que les grands groupes consacrent leurs profits à l'attribution de dividendes, mais aussi au rachat d'autres sociétés pétrolières, et non, par conséquent, à des investissements dignes de ce nom.

Puisque l'augmentation du prix du gaz annoncée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est justifiée par l'augmentation des prix du pétrole, il conviendrait également d'aborder ce sujet.

L'annonce d'une augmentation du prix du gaz inquiète les 10 millions d'abonnés. Les Français souffrent déjà de la hausse du prix des carburants, et il semble que ce soit toujours le consommateur qui subisse de plein fouet les augmentations.

En bref, cette commission pourrait étudier les mesures qu'il serait urgent de prendre afin que l'augmentation du prix du baril ne conduise pas à amputer le pouvoir d'achat des ménages modestes et moyens, alors que les grands groupes pétroliers, eux, s'enrichissent.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé le ministre de l'économie sur le rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Je vous prie de bien vouloir excuser M. Thierry Breton, qui est retenu par des engagements internationaux et qui m'a demandé de le remplacer pour répondre à votre question.

Contrairement à ce que vous semblez affirmer, monsieur le sénateur, je vous confirme, à l'appui des résultats de la commission Bénard, que la forte hausse des cours du pétrole en 2004 n'a pas généré de surplus budgétaire.

Cette commission, comprenant des parlementaires de tous les groupes et présidée par un magistrat de la Cour des comptes, avait précisément pour mission de déterminer les recettes, en plus ou en moins, issues de la TIPP. En novembre 2004, elle avait conclu à une moins-value de 770 millions d'euros.

Pour l'ensemble de l'année 2004, les recettes de TIPP ont été inférieures de près de 4 % aux prévisions retenues pour le calcul du budget. Pour mémoire, lors de la loi de finances initiale pour 2004, les recettes de TIPP ont été estimées à 25 910 millions d'euros.

En effet, la hausse des prix du pétrole n'a eu aucune incidence favorable sur les recouvrements de TIPP, puisque celle-ci est calculée sur les volumes de produits pétroliers mis à la consommation, très atones pour l'année 2004.

Les conclusions de la commission Bénard restent valables : même en tenant compte des montants recouvrés au titre de la TVA pétrolière, le solde final pour l'Etat demeure négatif. Il n'y a donc pas de plus-value fiscale à redistribuer.

Par ailleurs, puisque vous évoquiez certaines situations sectorielles préoccupantes, je tiens à rappeler que le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures afin de soutenir les secteurs professionnels les plus touchés par la hausse des prix du pétrole ; je pense notamment aux agriculteurs et aux professionnels routiers.

Enfin, le Gouvernement a souhaité que ceux de nos compatriotes pour qui la facture de fioul pour le chauffage est la plus douloureuse, c'est-à-dire ceux qui ont une petite retraite, puissent bénéficier d'une prime exceptionnelle. C'est ainsi que, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, 49 millions d'euros ont été débloqués au profit des bénéficiaires du minimum vieillesse. Contrairement à ce que vous dites, ce n'est pas un geste modeste ; c'est même un geste important sur le plan budgétaire !

Telles sont les réponses précises que M. Thierry Breton souhaitait vous apporter et qui, j'en suis persuadé, vous donneront satisfaction, car elles s'appuient sur les faits et sur une évaluation très rigoureuse et indépendante de la commission Bénard. Nous restons bien évidemment très attentifs à l'évolution de ce dossier essentiel.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez répondu que le rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers n'avait pas généré de surplus budgétaire. Mais vous ne m'avez donné aucun chiffre. Je maintiens par conséquent ma proposition de réunir à nouveau la commission Bénard. L'erreur est humaine ! L'année dernière, je me souviens avoir entendu M. Devedjian annoncer que le prix du baril serait de 30 à 35 dollars pour l'année 2005 !

Permettez-moi d'appeler votre attention sur trois points.

D'abord, il faut regarder de plus près les profits actuels qui sont réalisés par les grands groupes pétroliers et qui sont consacrés aux dividendes et au rachat d'autres sociétés pétrolières, mais non à un investissement digne de ce nom.

Ensuite, vous pensez aujourd'hui que l'on surestime les recettes de TIPP. Mais, lors de l'élaboration de la loi de finances, le Gouvernement qualifiait la part de cet impôt transférée aux départements et aux régions de recette dynamique ! On nous affirme par ailleurs que la hausse des prix n'a aucun impact. Vous allez m'expliquer, car je ne comprends plus très bien !

Enfin, je vous demande de nouveau de protéger les consommateurs face à tous ceux qui profitent de l'augmentation des prix du pétrole.

Maintien de l'emploi et survie de l'entreprise Isochem à Toulouse

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban, auteur de la question n° 717, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Bertrand Auban. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur les suppressions d'emplois annoncées et sur le risque de disparition de l'entreprise Isochem à Toulouse.

L'entreprise Isochem, filiale de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE, subit depuis 2001 les conséquences de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse.

L'entreprise Isochem n'a pas été mise en cause dans cette catastrophe industrielle. Mais, par mesure de précaution, son activité principale de production et d'utilisation de phosgène a été interdite à Toulouse.

Deux plans sociaux en 2002 et en 2003 ont supprimé 402 puis 14 emplois. Un troisième plan social annoncé fin janvier 2005 prévoit 103 suppressions de postes sur les 181 restants, plus la mise sous cocon de l'atelier pharmaceutique, de l'atelier hydrazines et de l'atelier Fl - chimie -, ne conservant que deux activités de production à l'atelier perchlorate d'ammonium et l'atelier N2 - chimie fine en gros volume. Ces deux activités ne seront pas viables à terme, car le perchlorate d'ammonium est un produit en fin de vie, et le vivier de l'atelier N2 est l'atelier Fl mis sous cocon. La mise sous cocon d'outils industriels de chimie fine et pharmaceutique conduit au vieillissement accéléré de ces outils, à la perte de compétences et à leur condamnation à terme.

En contrepartie de l'arrêt de l'activité phosgène, la SNPE et Isochem ont reçu de l'Etat 300 millions d'euros et 50 millions d'euros en recapitalisation pour redéployer l'activité vers la chimie fine. Ces sommes n'ont été utilisées que pour financer les plans sociaux. Enfin, Isochem a rejeté en décembre 2004 une proposition de reprise de l'atelier pharmaceutique par un établissement pharmaceutique régional d'envergure nationale, qui sauvait 40 des 103 postes.

Je crains que ces éléments ne présagent une volonté du groupe SNPE de fermer le site Isochem de Toulouse, alors que tous les acteurs locaux, collectivités et institutions, ont maintes fois manifesté leur soutien pour le maintien de l'activité de chimie fine et de chimie pharmaceutique.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite une intervention forte du Gouvernement auprès de la SNPE, afin que l'argent public alloué soit utilisé, comme prévu, à des fins de redéploiement de l'activité et de sauvegarde des emplois, et non au financement des plans sociaux.

Je vous demande également comment le Gouvernement appréhende globalement ce dossier pour préserver, développer l'emploi et l'activité industrielle d'Isochem à Toulouse.

Je vous demande enfin, le cas échéant, de prendre des mesures de reclassement innovantes en faveur des 103 salariés dont le poste risque d'être supprimé.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du ministre de l'économie, sur l'avenir du site toulousain de la société Isochem. Permettez-moi tout d'abord d'excuser Thierry Breton, qui ne peut être présent du fait d'une obligation internationale et qui m'a demandé de vous apporter les éléments suivants.

A la suite de la catastrophe qui a frappé la ville de Toulouse en 2002, la décision d'arrêter de manière définitive l'activité de production de phosgène sur le site Isochem de Toulouse a eu des conséquences très graves sur l'activité globale de la société, qui, dans une conjoncture défavorable, a perdu de nombreux marchés.

Isochem représente ainsi aujourd'hui une part essentielle des pertes globales du groupe SNPE. Ces pertes se sont élevées à 72 millions d'euros en 2004, contre 41 millions d'euros en 2003. Au regard de sa situation financière très dégradée, la SNPE ne peut continuer à supporter des pertes récurrentes sur Isochem sans risquer, à court terme, de connaître de très graves difficultés qui pourraient mettre en cause des centaines d'emplois, au niveau non plus seulement d'un site, mais du groupe dans son ensemble. Nous connaissons cette situation, qu'il me paraissait important de rappeler.

Il est donc vital pour la société que ces pertes soient résorbées au plus tôt, ce qui justifie de ne pas maintenir telles quelles les activités de chimie fine du site de Toulouse, qui, actuellement, ne disposent pas toutes de plan de charge suffisant pour maintenir tous les ateliers en activité de façon économiquement acceptable.

Le projet de plan de sauvegarde de l'emploi a été communiqué au comité central d'entreprise le 9 février 2005. La procédure d'information et de consultation est en cours, selon le calendrier négocié avec les représentants des salariés et suivant les règles en vigueur.

Monsieur le sénateur, sachez que le Gouvernement, que vous avez interrogé sur l'appréhension qu'il a de ce dossier, porte une attention particulière au déroulement de la procédure et aux solutions qui seront proposées aux salariés d'Isochem Toulouse dans le cadre de ce plan de sauvegarde de l'emploi. Je vous le dis avec force, ces solutions devront avoir un caractère exemplaire. Soyez assurés que nous avons recherché avec l'entreprise toutes les solutions qui seraient à même de maintenir le plus d'activité possible sur le site. Mais il y a la situation que vous avez évoquée et que je vous ai rappelée dans le détail.

Sur ce dossier, le Gouvernement a favorisé - là encore, je le dis avec force - le développement d'un dialogue approfondi entre tous les acteurs concernés au niveau local. Ce dialogue se poursuit, et nous avons bon espoir qu'il débouche prochainement sur un règlement de la situation actuelle. Après la catastrophe que la ville de Toulouse a connue à la suite de l'explosion d'AZF, soyez assuré que le Gouvernement suit le développement de ce dossier avec une particulière vigilance, compte tenu, dans le cas d'Isochem, de la dimension spécifique et de l'enchaînement de circonstances.

Voilà, monsieur le sénateur, les réponses que M. Thierry Breton souhaitait apporter à votre question. Soyez assuré que je lui transmettrai vos propres remarques.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.

M. Bertrand Auban. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse que j'ai écoutée avec attention.

J'insiste sur la situation de l'entreprise ISOCHEM, afin que ce problème industriel soit bien intégré dans l'environnement désastreux d'une explosion qui a fait près de cinquante morts et de nombreux blessés, qui a coulé l'entreprise AZF, cassée par l'explosion, et, par voie de conséquence, a affaibli considérablement la SNPE et Isochem sur ce pôle chimique brillant.

J'ajouterai que les salariés de l'entreprise Isochem, après avoir observé un arrêt de travail quotidien d'une heure depuis le 14 mars, sont en grève totale et reconductible depuis le 20 avril.

La nomination d'un médiateur essentiellement chargé de l'avenir à moyen terme de l'entreprise ne peut suffire à régler le problème, qui est immédiat, à la fois pour la survie de l'entreprise et pour la sauvegarde des emplois.

Je reformule la demande que j'ai faite, à savoir que, pour ce problème, le Gouvernement assume toute sa responsabilité vis-à-vis de cette entreprise publique appartenant à l'Etat et, en particulier, qu'il intervienne fortement auprès de la direction de la SNPE, afin que celle-ci supprime le prochain plan social, recherche activement des partenariats industriels et des pistes de valorisation de l'entreprise, dont le savoir-faire et l'expertise sont incomparables dans les métiers de la chimie.

Enfin, pour les salariés qui, dans la pire des hypothèses, ne conserveraient pas leur emploi, je demande que soient recherchées et mises en oeuvre des mesures de reclassement exemplaires, en vue notamment de leur intégration dans les entreprises du futur Cancéropôle prévu sur ce site.

L'entreprise Isochem et ses salariés ont toujours effectué un travail remarquable en faveur de la collectivité nationale. Ils sont confrontés à des difficultés qui ne sont pas de leur fait ; elles sont la conséquence indirecte de la terrible explosion de l'usine AZF.

Aujourd'hui, Isochem et ses salariés méritent que le Gouvernement agisse rapidement pour assurer la survie de cette entreprise, qui est malgré tout toujours très compétitive, et donc la sauvegarde des emplois.

Changement de dénomination de l'aéroport d'Ajaccio

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la question n° 705, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous rassure d'emblée : je ne vous interrogerai pas sur les difficultés de la SNCM. Dans ce domaine, tout a été dit !

Ma question, plus sereine, porte sur le changement de dénomination de l'aéroport d'Ajaccio : elle n'a donc pas de connotation politique particulière.

A Ajaccio, les passagers atterrissent à l'aéroport Campo dell'Oro, dénomination très poétique. Toutefois, au vu des exemples de l'aéroport Kennedy, à New York, et de l'aéroport Charles-de-Gaulle, à Roissy, les collectivités locales ont estimé que l'aéroport d'Ajaccio pourrait s'appeler « Napoléon Bonaparte ».

Je n'ignore pas que, dans un classement qui a été établi lors d'une émission récente dont cet hémicycle fut le théâtre, Napoléon Bonaparte n'est arrivé qu'en seizième position, bien après Coluche mais avant Zidane... Cela n'enlève rien à notre demande, même si je déplore ce classement et, au-delà, l'émission elle-même, mais c'est un autre problème ! (Sourires.)

La chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio a décidé, en 2001 - d'où cette question orale et non pas écrite - de dénommer désormais l'aéroport d'Ajaccio « aéroport Napoléon Bonaparte », appellation dont on apprécie la sonorité historique : cela fait plaisir aux visiteurs japonais mais aussi à nos compatriotes continentaux. Cette décision a été suivie de deux délibérations : l'une de la municipalité d'Ajaccio, l'autre, en date du 29 novembre 2002, de l'assemblée de Corse, qui est au premier rang des institutions de l'île.

Or, deux ans et demi sont passés et nous n'avons reçu aucune réponse. On s'est contenté d'une « B.A. » en installant discrètement un buste à l'intérieur de l'aérogare !

Je me demande qui est responsable de cette situation. Est-ce l'Etat, qui prend modèle sur les rois absolutistes d'Espagne du xviiie siècle, lesquels remettaient toujours leurs décisions au lendemain ? Sont-ce les collectivités locales ?

Que s'est-il passé depuis vingt-six mois, monsieur le secrétaire d'Etat ? Certains actes relèvent-ils encore des collectivités locales ? Ma paranoïa habituelle pourrait me le laisser penser : on va toujours très lentement dans l'île ! Ou bien, est-ce vous qui êtes responsable, en vertu de la circulaire de 1990 qui rend l'Etat compétent s'agissant de la dénomination des aéroports ? Il y a là un va-et-vient dont j'ignore les modalités.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous donner un calendrier précis afin que nous sachions quand nous pourrons faire une inauguration véritable de l'aéroport Napoléon Bonaparte au lieu de cette inauguration en catimini, avec l'installation d'un buste ? Mes compatriotes et moi-même serions heureux que vous apportiez des réponses à ces questions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, le changement de dénomination d'un aérodrome par l'adjonction du nom d'une personne requiert une procédure exceptionnelle, puisque la règle générale veut que le nom secondaire des aéroports soit un nom de lieu, comme c'est le cas actuellement à Ajaccio.

Il existe toutefois un précédent, puisque l'aéroport de Lyon-Satolas a été renommé Lyon-Saint-Exupéry.

Le préfet de Corse a engagé une première consultation sur la modification éventuelle de la dénomination de l'aéroport d'Ajaccio et l'assemblée de Corse a approuvé ce projet.

En raison des souhaits exprimés par l'assemblée et par la chambre de commerce et d'industrie d'Ajaccio et de la Corse du Sud, et compte tenu de la stature historique hors du commun de Napoléon Bonaparte, le Gouvernement vient de décider d'engager une procédure exceptionnelle et d'instruire cette demande.

Dans cette optique, nous demanderons dans les tout prochains jours au préfet de Corse de poursuivre la procédure de consultation - selon vous, elle n'a pas été menée avec la vigueur nécessaire - pour recueillir les avis de toutes les parties concernées par ce changement de dénomination. Doivent ainsi être consultés les héritiers de sang, les compagnies aériennes, les collectivités territoriales et les organismes implantés sur l'aéroport.

A l'issue de cette consultation, si un large consensus se dessine, et après consultation du conseil supérieur de l'infrastructure et de la navigation aérienne, l'Etat prendra alors la décision de retenir, ou non -  selon toute probabilité, la réponse sera positive - la nouvelle dénomination d'« Ajaccio-Napoléon-Bonaparte ».

Telles sont les précisions que je peux vous apporter aujourd'hui, monsieur le sénateur. Sachez que le Gouvernement entend poursuivre la procédure qui a été engagée de manière plus active que dans les mois et les années passés.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Finalement, je ne me trompais pas en faisant allusion aux rois d'Espagne. Le vice-roi de Naples disait : « Si la mort venait d'Espagne, nous serions sûrs de vivre longtemps ! » (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez attendu vingt-cinq mois avant d'annoncer que vous alliez engager des consultations. Si un doute pouvait subsister sur la question, il serait maintenant dissipé !

M. le président. Monsieur Alfonsi, je regrette que l'on ne parle pas de mon ancêtre, Martin Gaudin, duc de Gaëte, qui fut pendant six ans le ministre des finances de Napoléon. Cela s'explique sans doute par le fait qu'il a inventé les contributions directes ! (Nouveaux sourires.)

M. Nicolas Alfonsi. Un boulevard de Bastia porte son nom !

Amélioration du réseau ferroviaire de nord de l'Ile-de-France

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, auteur de la question n° 713, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur l'exaspération des usagers de la ligne SNCF Paris-Nord-Persan-Beaumont, victimes de retards, d'annulations et d'incidents qui perturbent de façon presque quotidienne leurs déplacements.

Les mesures prises jusqu'à maintenant se sont résumées au renouvellement de matériels défaillants, principalement du matériel roulant, et à des opérations d'entretien ou de rénovation prévues de longue date. Ces mesures ne sauraient à elles seules remédier à la situation inquiétante que nous connaissons. Il est grand temps que l'Etat se saisisse véritablement du dossier.

Cette ligne demeure, en effet, l'un des parents pauvres de l'Ile-de-France. L'état particulièrement fragile des rails et des caténaires la rend, par exemple, particulièrement sensible aux conditions météorologiques. Chaque période de gel, de grand vent ou de chaleur entraîne ainsi son lot d'avaries. Le matériel n'est plus en mesure de fonctionner dès lors qu'il y a du verglas, voire simplement des feuilles mortes sur les voies ! On entre alors dans le cycle infernal des retards et des annulations de trains !

Dans son dernier rapport, le syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, pointe un taux d'incidents de 9,9 % pour l'ensemble du réseau Nord. Ces incidents se produisent sur une ligne où la rotation des rames est déjà très faible. Avec deux trains par heure, lorsqu'un train sur dix arrive en retard ou est supprimé, la situation devient, vous en conviendrez, particulièrement difficile. Et ce d'autant plus que, à la suite du renouvellement du matériel roulant, les nouveaux trains transportent moins de voyageurs que les anciens.

J'insiste donc sur la nécessité de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les usagers de la ligne Paris-Nord-Persan-Beaumont par des mesures concrètes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de bien vouloir préciser le calendrier selon lequel pourrait être mis en oeuvre un large programme d'actions en matière d'infrastructures et d'équipements susceptibles de contribuer à l'amélioration de la régularité et de l'information des voyageurs sur cette ligne.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Pour reprendre votre expression, monsieur le sénateur, l'Etat s'est saisi de ce dossier. La liaison ferroviaire Paris-Nord-Persan-Beaumont est assurée par deux axes : le premier passe par Ermont-Eaubonne, le second, par Montsoult-Mafliers.

Sur la première de ces branches, des travaux importants sont en cours pour résorber le goulet d'étranglement que constitue la gare d'Ermont-Eaubonne. Vont ainsi être créés un nouveau pont sur la Seine et deux voies supplémentaires entre le Stade et Argenteuil.

Par ailleurs, un nouveau bâtiment de voyageurs sera réalisé à Ermont. Il sera accessible aux personnes à mobilité réduite, ce qui constitue un progrès considérable, et favorisera l'intermodalité du fait de la proximité de la nouvelle gare routière.

Les modifications d'infrastructures permettront, en outre, de supprimer les croisements à niveau des différents trafics. Il en résultera, et cela répond à vos souhaits, une amélioration de la fréquence de la ligne. Ainsi, un terminus réservé aux trains reliant Ermont-Eaubonne à la gare Saint-Lazare sera créé ; deux « sauts de mouton » seront construits, l'un du côté de Pontoise et l'autre du côté de Paris. Ces travaux permettront de faire circuler six trains directs par heure entre Ermont et Paris.

J'en viens au calendrier de ces travaux. La mise en service de cette nouvelle fréquence de desserte est prévue pour 2008, pour un montant de travaux de 196 millions d'euros. D'ores et déjà, la totalité de la part incombant à l'Etat a été mise en place, ce qui correspond à un engagement de plus de 56 millions d'euros.

Sur l'autre branche, qui passe par Montsoult-Mafliers, le matériel roulant utilisé a été modernisé, ce qui permet de fiabiliser les temps de parcours, même si des incidents subsistent. Depuis, un projet de mise en service d'une nouvelle génération d'automotrice a été mis à l'étude. Ce nouveau matériel devrait être disponible en 2010.

J'ajoute qu'un projet de schéma directeur est actuellement examiné par le syndicat des transports d'Ile-de-France. Une partie des études et le programme d'investissements afférent seront présentés à son conseil d'administration au début de l'année 2006. Ce schéma directeur comportera plusieurs volets et précisera les mesures à mettre rapidement en oeuvre, en 2006 et 2007.

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Ma question portait sur la situation dramatique que vivent les usagers de la ligne Paris-Nord-Persan-Beaumont.

Votre réponse montre que vous avez pris la mesure du problème, mais elle ne me donne que partiellement satisfaction. Vous évoquez l'échéance de 2010, mais nous ne sommes qu'en 2005 et les usagers subissent quotidiennement les conséquences des retards voire des suppressions de trains : cette situation ne peut pas durer !

Une réflexion devrait s'engager pour les années 2006 et 2007. Je compte sur vous pour demander à vos services d'examiner ce dossier de manière précise afin de ne pas trop faire attendre les usagers. En effet, l'exaspération s'accroît d'autant que, parallèlement, les routes d'accès à Paris par la porte de la Chapelle sont saturées. Il grand temps de prendre la mesure de ce dossier.

avenir du fret ferroviaire

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 721, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Mme Marie-France Beaufils. Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, au cours des cinq premières semaines de l'année 2005, le fret ferroviaire a accusé une baisse de 11,34 % par rapport au tonnage transporté en 2004.

Dans la région Centre, la SNCF envisage de fermer, après un sous-entretien chronique, la portion de ligne comprise entre Descartes et Tournon-Saint-Martin. Cette fermeture, programmée pour 2005, serait préjudiciable à l'activité de l'entreprise Ceratera, qui expédie de l'argile de Tournon-Saint-Martin vers Bologne. Elle provoquerait la circulation sur les routes de plus de 2 000 camions chargés de matériaux, ce qui n'est pas négligeable.

Une situation analogue prévaut à Selommes, dans le Loir-et-Cher où un chargeur attend depuis deux ans la garantie d'entretien de la ligne Selommes-Vendôme pour doubler la capacité de ses silos. Cette attente risque d'avoir des conséquences économiques inquiétantes. Et je pourrais citer bien d'autres exemples.

On aurait pu nourrir quelques espoirs de voir l'activité fret réactivée après la récente décision de la Commission de Bruxelles d'autoriser que lui soient versés 1,5 milliard d'euros, 800 millions provenant de l'Etat et 700 millions de la SNCF.

Or les contreparties demandées par Bruxelles ne font que confirmer la politique menée jusqu'à ce jour, comme l'illustre malheureusement la fermeture des plateformes de transport combiné de la Compagnie nouvelle de conteneurs que, par l'intermédiaire de la presse, vous avez annoncée, monsieur le secrétaire d'Etat. Ni la réduction des capacités ni la réduction du volume du trafic fret ne rendront à celui-ci sa dynamique, pas plus que l'ouverture anticipée du marché ferroviaire français.

Même si elle apparaît un peu « déguisée », la volonté de filialisation, qui trouve son amorce dans l'engagement du Gouvernement d'assurer l'autonomie du fret par rapport à la SNCF et qui doit conduire, après la mise en place d'une comptabilité séparée et d'une politique commerciale indépendante, à la séparation des activités pendant la période de restructuration, ne nous semble pas non plus répondre aux besoins. Le directeur du fret ne recevra dorénavant plus sa délégation du président de la SNCF, alors que les deux activités, voyageurs et fret, ont des liens très forts, notamment du fait qu'il leur est possible d'utiliser des sillons proches.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. C'est l'affaire de RFF !

Mme Marie-France Beaufils. Oui, mais il y a des difficultés sur le terrain !

Avec les cheminots, je crains que cette nouvelle étape de la libéralisation ne conduise à un transfert des transports de marchandises vers des opérateurs ferroviaires privés ou vers la route. Or l'exemple de la Grande-Bretagne nous a appris quelles étaient les conséquences de telles décisions !

En Europe, le fret ferroviaire décroît de 1,4 % par an au profit du transport par la route, qui, de son côté, a augmenté en moyenne de 2,1 % de 2000 à 2003. La SNCF prévoit explicitement d'abandonner 10 % du trafic fret, ce qui représente tout de même une réduction de 18 % des sillons qu'elle utilise actuellement. L'offre des dessertes sera donc en diminution et, par voie de conséquence, les effectifs connaîtront une réduction de 10 %.

J'aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour réactiver le fret ferroviaire, réactivation qui permettrait de répondre aux attentes des entreprises qui souhaitent utiliser le fer pour leurs propres transports de marchandises, mais aussi de respecter les accords de Kyoto, puisque, on le sait, le transport routier reste dominant dans la production de gaz à effet de serre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Je crois, madame la sénatrice, que c'est l'inaction durant ces dernières années qui menaçait l'activité de fret de la SNCF. On constatait, en effet, un écart considérable entre le discours du gouvernement précédent et la réalité : alors que les intentions affichées étaient très ambitieuses, le fret ferroviaire a vu son chiffre d'affaires reculer régulièrement durant cette période. Qui plus est, son déficit s'est creusé de manière impressionnante, pour atteindre plus de 400 millions d'euros en 2003.

Il était impossible de continuer ainsi, sauf à menacer l'activité fret de la SNCF dans ses fondements mêmes et, au-delà, l'ensemble de l'entreprise, qui ne pouvait accepter un tel foyer de pertes.

C'est donc un plan courageux qui a été décidé l'année dernière et qui est actuellement mis en oeuvre. Il s'accompagne d'efforts financiers significatifs que vous avez vous-même rappelés, madame la sénatrice, puisque 1,5 milliard d'euros ont été consacrés au plan fret, 700 millions provenant de la SNCF et 800 millions de l'Etat.

Vous évoquez, madame, les contreparties demandées par Bruxelles.

L'accord intervenu avec la Commission résulte d'un dialogue mené depuis plusieurs mois avec ses représentants, et les contreparties que vous avez mentionnées ne correspondent pas à la réalité.

Les exigences de la Commission ne sont pas du tout incompatibles, au contraire, avec un nouvel essor du fret de la SNCF, qui est notre objectif. La mise en oeuvre du plan ainsi élaboré doit placer la SNCF en situation de compétitivité et lui permettre de gagner de nouvelles parts de marché tout en conservant son très haut niveau de qualité technique et de sécurité. L'anticipation de quelques mois de l'ouverture du marché national de fret ferroviaire ne change rien à l'affaire.

L'hypothèse de la filialisation de l'activité fret a été écartée, contrairement à ce que vous indiquiez, madame la sénatrice. Cependant, et c'est parfaitement naturel, cette activité fera l'objet d'une individualisation financière au sein de la SNCF, pour que la Commission ait l'assurance que les aides à la restructuration ne sont pas utilisées à d'autres fins.

Nous prévoyons à compter de 2007, après la phase de réorganisation qui est actuellement conduite, une nouvelle croissance du fret ferroviaire en France. Cet objectif est fondamental, en effet, pour des raisons tant économiques qu'environnementales.

Vous avez cité, madame la sénatrice, le cas de deux entreprises.

La SNCF indique que Ceratera est aujourd'hui la seule utilisatrice du site de Tournon-Saint-Martin et que la ligne nécessite une rénovation complète. Le transport ferroviaire sera maintenu, après réorganisation logistique des expéditions via une autre plateforme, en limitant le recours à la route aux seuls parcours d'approche.

Pour le site de Selommes, le trafic de la ligne n'est pas suspendu et peut continuer d'être assuré en toute sécurité. Cela resterait vrai même si le chargeur souhaitait doubler la capacité actuelle de son silo.

De façon plus générale, une mission a été confiée à M. Chauvineau, ancien membre du Conseil économique et social, en vue d'identifier les partenaires et les territoires susceptibles de prendre l'initiative d'expériences innovantes d'intégration du fret ferroviaire dans les logiques du développement régional et local. C'est dire si nous avons des ambitions pour le fret et à quel point elles doivent être réalisées en liaison étroite avec les collectivités territoriales !

Enfin, vous avez évoqué, madame, l'ouverture à la concurrence du trafic de fret national, qui doit intervenir le 31 mars 2006. Elle devrait permettre de disposer d'une offre complémentaire à celle de la SNCF, notamment pour les dessertes terminales ou isolées, qui sont plus difficiles à gérer par une entreprise de la taille de la SNCF. L'exemple de l'Allemagne, où le fret a été ouvert à la concurrence plus tôt que chez nous, montre qu'en réalité la Deutsche Bahn a profité de ce processus pour développer sa propre activité de transport des marchandises.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'Etat, les précisions que vous venez de m'apporter à propos de Tournon-Saint-Martin montrent que la SNCF a évolué dans sa réponse, puisque ce n'est pas celle qu'elle m'avait faite : peut-être notre intervention l'a-t-elle conduite à réfléchir autrement ! Cependant, nous verrons sur le terrain comment cela se traduira.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. A moins que ce ne soit l'effet de mon intervention !

Mme Marie-France Beaufils. J'ai dit « notre », monsieur le secrétaire d'Etat ! Mais si je n'avais pas commencé à soulever la question, peut-être n'en serions-nous pas arrivés à ce point !

J'ai bien entendu votre réponse au sujet de Selommes et de Ceratera. J'ai cité deux exemples ; malheureusement, j'en ai bien d'autres en réserve, et vos propos n'ont pas levé mon inquiétude. En effet, l'une des raisons essentielles des difficultés actuelles est la recherche d'une compétitivité toujours plus grande : avec des trains qui roulent à une vitesse aussi faible à cause de l'état de l'infrastructure, c'est peine perdue !

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Non, non !

Mme Marie-France Beaufils. C'est pourtant la situation que l'on rencontre dans la plupart des cas ! Il faut donc que RFF investisse pour remettre ces voies en état, et c'est bien le problème.

Par ailleurs, pour évoquer un autre aspect du fret ferroviaire, on constate depuis l'an dernier la diminution des moyens attribués par l'Etat au transport combiné, avec toutes les conséquences que cela a aujourd'hui sur les plateformes.

La France est l'un des pays européens qui font le moins d'efforts pour le transport combiné, et je pense que c'est une erreur.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Nous augmentons cet effort de 20 % !

Mme Marie-France Beaufils. Non ! Pas l'effort consacré au transport combiné !

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Si !

Mme Marie-France Beaufils. Quand on peut mettre des caisses mobiles sur rail, on est tout de même plus efficace dans la lutte contre les nuisances provoquées par les camions ! Il nous reste bien du travail à faire dans ce domaine, car la politique française n'a pas le même caractère volontariste que celle de nos voisins européens. Je tenais à y insister, parce que cela me paraît important.

Enfin, pour que le fret ferroviaire puisse être compétitif, je le rappelle, il faudrait que l'analyse de la compétitivité tant du fret ferroviaire que du fret routier prenne en compte les coûts des infrastructures, ce qui n'est toujours pas le cas aujourd'hui.

création d'un observatoire des prix à la réunion

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 715, adressée à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question porte sur la nécessité de créer un observatoire des prix à la Réunion.

En septembre 2004, l'association UFC - Que Choisir  a réalisé une enquête portant sur quarante-sept articles de grande consommation identiques à la Réunion et en métropole. Cette étude révèle que les produits concernés sont en moyenne 57 % plus chers dans les dix-neuf grandes surfaces de l'île qu'en métropole ; certains dentifrices, par exemple, sont vendus 80 % plus cher à la Réunion. Elle met également en évidence que les écarts constatés d'une grande surface à l'autre sont relativement faibles.

Par ailleurs, justifiant son engagement sur ce dossier par les problèmes de santé publique qu'il pose, le syndicat des masseurs-kinésithérapeutes de la Réunion, exerçant son rôle social de proximité, a lui aussi réalisé une étude dont les résultats confirment ceux de l'association de consommateurs. Ils révèlent, dans le département, un surcoût de 70 % pour les produits nettoyants, de 154% pour les céréales et jusqu'à 160 % pour les eaux minérales importées.

Je tiens à souligner que les prix relevés à la Réunion étaient comparés à ceux des mêmes produits et des mêmes enseignes dans trois départements français, en l'occurrence la Charente-Maritime, la Haute-Vienne et Paris intra muros. La différence globale est de 39,81 % pour les magasins Carrefour de l'île et de 55,48 % pour Leader Price.

Monsieur le secrétaire d'Etat, si les professionnels de la grande distribution invoquent les tarifs du fret et de l'octroi de mer perçu sur les produits importés pour justifier ce surcoût, ces tarifs sont néanmoins insuffisants pour expliquer de tels écarts de prix.

Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de créer à la Réunion une structure visant à déterminer le mode de fixation des prix. Permettez-moi de rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que sa mise en place est inscrite à l'article 75 de la loi d'orientation pour l'outre-mer, adoptée en 2000, mais que, faute de décret d'application, elle n'a toujours pas été créée.

En conséquence, je vous demande quels moyens vous envisagez de mettre en oeuvre afin de remédier à cette situation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Christian Jacob, qui est en ce moment même entendu par l'une des commissions du Sénat et qui m'a demandé de vous communiquer les éléments de réponse suivants.

Depuis 1987, à la Réunion comme dans les autres départements français, le régime en vigueur est celui de la liberté des prix. Les pouvoirs publics, dans le principe, n'interviennent pas dans la politique tarifaire des entreprises, politique qu'elles fixent en fonction, par exemple, de leur mode d'approvisionnement ou de commercialisation.

Cependant, et pour aller dans votre sens, madame la sénatrice, le Gouvernement est bien entendu attentif à l'évolution des prix dans tous les départements français, évolution dont les dérives portent préjudice à l'économie en général et plus particulièrement à l'ensemble des consommateurs.

A la Réunion, au mois de février 2005 - il s'agit de la dernière publication connue de l'INSEE - l'indice des prix à la consommation des ménages a baissé de 0,4 %, et, entre février 2004 et février 2005, la hausse des prix s'établit à 1,7 %, contre 1,6 % au cours de la même période pour l'indice général des prix dans la France entière. Ces observations montrent qu'il n'existe donc pas de divergences significatives.

Toutefois, comme vous l'indiquez, en reprenant l'enquête réalisée par l'UFC - Que Choisir en métropole et à la Réunion, portant sur quarante-sept produits de grande consommation de marque de fabricant, on constate qu'il peut aussi exister des écarts entre les niveaux de prix pratiqués à la Réunion et les niveaux de prix pratiqués en métropole.

De très nombreux facteurs peuvent expliquer ces écarts : le coût des importations, des différences dans les conditions d'approvisionnement, dans les structures de distribution, mais également dans la consommation des ménages.

Sans remettre en cause les observations effectuées dans l'enquête citée plus haut, qui portent sur un échantillon assez réduit de produits, il faut avoir une vision plus claire et plus complète de la situation.

C'est pourquoi Christian Jacob propose tout d'abord que l'INSEE, qui suit l'évolution des prix à la Réunion, effectue, sur des bases statistiquement solides et pour des familles de produits représentatives, une étude comparant le niveau des prix dans ce département avec la moyenne des prix métropolitains.

J'en viens maintenant aux modalités de fixation des prix.

Si les professionnels ont la possibilité de fixer librement leurs prix, ils doivent, en contrepartie, respecter les règles d'une concurrence saine et loyale.

Le contrôle du respect de ces règles incombe à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : Christian Jacob lui demande d'être particulièrement attentive à la situation de la concurrence dans ce secteur.

Enfin, je terminerai en rappelant que, d'une manière générale, les consommateurs ont également un rôle à jouer en privilégiant les commerçants qui pratiquent des prix compatibles avec leurs intérêts.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d'Etat, il est vrai qu'à la Réunion les prix des produits ont augmenté moins vite qu'en métropole ces dernières années, mais les grandes surfaces se sont montrées si gourmandes par le passé qu'elles ne peuvent plus accroître leurs marges.

La création d'un observatoire des prix est vraiment nécessaire parce que le prix de ces articles de première nécessité, qui ne sont pas lourds, qui ne requièrent pas de chambre froide ou de conditions de transport particulières, est abusif. Il semble que la concurrence s'établisse non pas entre les grandes surfaces, mais entre ces grandes surfaces et les magasins pratiquant le discount. Mais peut-on vraiment parler de concurrence quand on sait que, souvent, les grands groupes de distribution sont eux-mêmes propriétaires des enseignes à bas prix ?

C'est pourquoi je vous remercie de m'avoir indiqué votre volonté de réagir sur ce dossier et nous attendons les résultats de l'enquête de l'INSEE. Il faut que le Gouvernement montre sa volonté de rompre avec l'immobilisme des gouvernements précédents.

Travail des apprentis le dimanche et les jours fériés

M. le président. La parole est à M. Claude Bertaud, auteur de la question n° 716, adressée à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Claude Bertaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai été alerté ces derniers temps par des commerçants de mon département qui m'ont fait part de leurs vives préoccupations à la suite d'importantes décisions qui ont été prises, au mois de janvier dernier, par la Cour de cassation.

Sont visés plusieurs arrêts que la Haute juridiction a rendus le 18 janvier dernier et qui tendent à interdire le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés. Elle a, en effet, indiqué dans ses attendus que la loi devait être appliquée strictement et que, de ce fait, les circulaires que la profession avait obtenues des gouvernements successifs ne sont plus opposables au code du travail.

L'interdiction du travail le dimanche et les jours fériés est fixée depuis de nombreuses années par le code du travail et s'inscrit dans le cadre d'une directive européenne de 1993, qui avait fait l'objet d'une transposition dans la législation nationale par la loi du 19 janvier 2000 et par l'ordonnance du 22 février 2001.

Face aux textes réglementant le travail des apprentis, la profession avait souligné, auprès des pouvoirs publics, les difficultés engendrées et avait obtenu la mise entre parenthèses de ces dispositions, par des circulaires ministérielles prises en 1975, 1995 et 2002.

Ces circulaires permettaient jusqu'à présent d'employer des apprentis les dimanches et les jours fériés, dans certaines branches comme l'hôtellerie, la boulangerie, la pâtisserie, la boucherie ou la vente de fleurs. Ces professions requièrent en effet une formation professionnelle assurée dans le cadre artisanal, et l'octroi du repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche ainsi que le travail les jours fériés sont légalement autorisés.

Dans ces professions, l'activité de l'entreprise est maximale les dimanches et les jours fériés, et l'absence de l'apprenti serait donc très préjudiciable, non seulement pour cette activité mais aussi pour l'enseignement pratique que reçoivent les jeunes gens concernés. Ces circulaires permettaient jusqu'à présent d'assurer une formation complète de ces jeunes aux réalités de ces différents métiers.

Le travail des apprentis le dimanche et les jours fériés est une nécessité pour toutes ces entreprises. Ces jours-là sont considérés comme des jours de pointe, notamment, je le répète, pour les hôteliers, les restaurateurs, les boulangers ou encore les fleuristes, qui doivent fournir un important travail supplémentaire. Nous savons tous en effet qu'ils dégagent une part importante de leur chiffre d'affaires le dimanche et les jours fériés.

Pour bien apprendre le métier auquel ils se destinent, il paraît indispensable que les apprentis puissent participer à l'ensemble de la production. Ils s'engagent en effet dans une profession où, lorsqu'ils seront salariés ou à la tête de leur commerce, ils devront travailler les dimanches et les jours fériés. II paraît donc important qu'ils puisent découvrir leur future activité professionnelle dès leur plus jeune âge.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cette décision de la Cour de cassation est lourde de conséquences pour de nombreux jeunes se destinant à l'apprentissage, mais elle va aussi se révéler très problématique pour les chefs d'entreprise, qui risquent de se décourager de former des apprentis, car on leur retire la possibilité de transmettre l'ensemble des compétences qui constituent la connaissance du métier.

Cette décision est très mal venue alors que nous connaissons les engagements pris par le Gouvernement pour relancer l'apprentissage et augmenter le nombre d'apprentis dans notre pays.

C'est pourquoi je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, comme bon nombre d'apprentis et de chefs d'entreprise dans ce pays, ce que compte faire le Gouvernement face à cette situation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les conséquences des arrêts rendus par la Cour de cassation le 18 janvier dernier. Il ne m'appartient pas de les commenter autrement qu'en droit.

La mise en oeuvre des articles L. 221-3, L. 221-4 et L. 222-2 du code du travail est compliquée par les conditions de travail des apprentis. En effet, à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation, il semble impossible de faire travailler le dimanche et les jours fériés des apprentis mineurs de seize à dix-huit ans. La Cour de cassation a invalidé trois circulaires de 1975, confirmées en 1995 et 2002, qui, en accord avec les partenaires sociaux des branches professionnelles concernées, comme l'hôtellerie, la boucherie, la boulangerie, la pâtisserie, le commerce des fleurs, permettaient aux apprentis de travailler le dimanche et les jours fériés en respectant, bien sûr, la réglementation et la législation en matière de repos compensateur et donc, de prise de jours de congés en contrepartie.

M. le Premier ministre, personnellement averti de ce problème, a souhaité d'abord que l'on puisse examiner rapidement avec les partenaires sociaux les modalités permettant de sortir de cette situation dans les branches concernées.

Les partenaires sociaux préconisent que l'on emprunte une voie déjà utilisée, en conformité avec les directives européennes et les engagements internationaux de la France, pour permettre le travail des salariés mineurs en dehors des règles générales de durée de repos hebdomadaire.

Je rappelle que l'article L. 221-4 du code du travail renvoie à des accords de branche. Les partenaires sociaux souhaitent que nous puissions travailler dans ce sens. Actuellement, les services du ministère du travail préparent un aménagement de ce dispositif permettant de l'adapter aux particularités professionnelles et aux nécessités de l'exercice des métiers pour les secteurs employant des apprentis mineurs.

M. le Premier ministre a également souhaité que l'on puisse discuter avec les partenaires sociaux en reliant cette question à celle de la rémunération des jeunes apprentis.

Vous nous demandez de rapprocher les conditions de travail des apprentis mineurs de celles des apprentis majeurs parce qu'ils doivent bien apprendre le métier. Il me paraît juste en effet de rapprocher leurs conditions de vie et de rémunération dès lors que leurs conditions de travail sont semblables.

D'ici au début du mois de juin, Jean-Louis Borloo et moi-même étudierons ces questions avec l'ensemble des partenaires sociaux des branches concernées. Ensuite, l'Etat prendra des mesures législatives et réglementaires pour permettre que la situation soit clarifiée en juin-juillet, afin que l'on puisse aborder dans de bonnes conditions la rentrée de l'apprentissage, qui débute dès l'été, et que soient signés les contrats permettant d'accueillir dans ces métiers porteurs de milliers de postes de travail des jeunes apprentis, y compris mineurs.

M. le président. La parole est à M. Claude Bertaud.

M. Claude Bertaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir répondu aussi précisément aux questions qui étaient posées à la fois par les chefs d'entreprise et par les apprentis.

Dispositif d'intéressement des salariés

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 707, adressée à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur un aspect du dispositif d'intéressement des salariés.

Une série de dispositions législatives a permis d'encourager la mise en place par les entreprises de dispositifs d'épargne salariale et d'en faciliter l'accès à tous les salariés. Ainsi, toute entreprise comptant au moins cinquante salariés doit garantir à ces derniers le droit de participer à ses résultats, conformément à l'article L. 442-1 du code du travail.

Les sommes épargnées par les salariés provenant de l'intéressement et de la participation sont en général bloquées pour une durée de cinq ans, selon les termes de l'accord d'entreprise et le support utilisé : plan d'épargne entreprise, plan d'épargne interentreprises, plan partenarial d'épargne salariale volontaire.

Il existe cependant des cas de mise à disposition anticipée, prévus à l'article R. 442-17 du code du travail, notamment le licenciement, le mariage, l'invalidité du salarié. Les situations de surendettement figurent également au nombre de ces cas. Or, ne serait-il pas préférable d'essayer de les prévenir plutôt que de ne prévoir que des mesures après coup ?

Le chômage du conjoint, par exemple, n'est pas reconnu comme donnant droit à la mise à disposition anticipée des sommes épargnées alors qu'il peut entraîner des difficultés financières pour le couple, en particulier pour assumer les charges du loyer, des impôts, de la scolarité, des remboursements d'emprunt pour la maison, pour la voiture, les amenant à recourir à davantage d'emprunts et créant, dans certains cas, des situations de surendettement insurmontables.

Ma question est donc la suivante : serait-il possible de modifier l'article R. 442-17 du code du travail pour permettre également, dans un souci de prévention, le déblocage anticipé de la prime d'intéressement en cas de chômage du conjoint ?

Lorsque j'ai transmis cette question au Gouvernement, je ne savais pas que le nouveau ministre des finances, M. Thierry Breton, allait déposer un projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, dans le cadre duquel il annonce une réforme de la participation et de l'intéressement des salariés, par voie d'amendements, semble-t-il.

M. Jean-Pierre Godefroy. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous donner l'avis du Gouvernement sur ma proposition et nous indiquer le calendrier et les modalités d'étude de la réforme envisagée ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, vous connaissez parfaitement le code du travail ainsi que les mesures législatives et réglementaires concernant la participation et l'intéressement ; je n'y insisterai donc pas.

Le 23 mars dernier, devant le Conseil économique et social, M. le Premier ministre a clairement indiqué qu'il voulait encourager l'épargne salariale en fluidifiant son déblocage, notamment en ce qui concerne l'intéressement qui, trop souvent, perd en souplesse en étant assimilé aux fonds de la participation dans les supports tels que le plan d'épargne entreprise, le plan d'épargne interentreprises ou le plan partenarial d'épargne salariale volontaire.

M. le ministre de l'économie a effectivement indiqué que, de son point de vue, le projet de loi présenté récemment en conseil des ministres, et qui sera examiné par le Parlement cet été, permettra d'opérer cette réforme d'assouplissement et de plus grande liberté de choix en matière d'épargne salariale voulue par le Premier ministre.

La méthode utilisée est la suivante : MM. Thierry Breton et Gérard Larcher consultent actuellement sur ce point les partenaires sociaux et, afin de recueillir des idées venant du monde économique, mais aussi, bien sûr, des parlementaires, une mission d'étude relativement courte, puisqu'elle doit rendre ses conclusions avant la fin du mois de juin, a été confiée à MM. Godfrain et Cornut-Gentille qui sont chargés d'imaginer toute mesure législative permettant d'encourager l'épargne salariale, mais aussi de favoriser l'activation du libre choix.

Le Gouvernement partage, bien sûr, votre souhait de permettre à une famille ou à un couple de bénéficier de son épargne salariale en amont, afin d'anticiper les éventuelles difficultés économiques qui pourraient survenir. A cet égard, il privilégie l'écoute et le débat. C'est donc sur la base du résultat de la négociation avec les partenaires sociaux et, surtout, des conclusions du rapport parlementaire qu'il définira sa position. A l'Assemblée nationale et au Sénat, l'examen du texte, notamment des amendements que vous présenterez, permettra sûrement des avancées encore plus grandes.

En définitive, monsieur le sénateur, les préoccupations exprimées par le Premier ministre rejoignent les vôtres. Il s'agit en effet d'accorder au salarié un plus grand choix par rapport à la mobilisation de son épargne salariale, pour les motifs que vous avez évoqués et dont on comprend l'importance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie beaucoup de votre réponse. Nous nous retrouverons donc à l'occasion de la discussion du projet de loi que vous avez annoncé.

offre de soins dans le secteur de marne-la-vallée

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 710, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de répondre aux besoins croissants de soins et de santé dans le secteur de Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne.

En effet, si la mobilisation des élus et des usagers a permis que le projet de création d'un nouvel hôpital localisé à Jossigny voie le jour, cette réalisation ne devrait pas aboutir avant 2010, dans le meilleur des cas.

Cependant, malgré cette perspective positive, il est inconcevable de renvoyer à plus tard la satisfaction des besoins de santé actuels sur ce secteur, assurée essentiellement par l'hôpital de Lagny, dont le périmètre couvre aujourd'hui 400 000 habitants et qui connaît une progression démographique de 10 000 habitants par an. Autant dire que les besoins continueront d'augmenter de manière significative, comme d'ailleurs dans tout le secteur Est de l'Ile-de-France.

A l'heure actuelle, les besoins sont déjà largement insatisfaits, les services sont saturés et les usagers sont souvent obligés de faire appel au secteur privé pour se faire soigner, dans la mesure de leurs moyens. L'initiative privée en matière de soins ne peut pourtant suppléer les hôpitaux publics, seuls capables d'offrir à tous des prestations de qualité à un coût abordable.

La création de la ville nouvelle avait déjà fait prendre conscience du futur développement de ce secteur. La réalisation d'un deuxième hôpital et celle d'un centre de santé avaient été envisagées, mais ces deux projets n'ont jamais eu de suite.

Il est donc important de prévoir aujourd'hui des activités complémentaires entre Lagny et Jossigny. Il ne faudrait pas prendre prétexte de la création d'un nouvel hôpital pour abandonner l'hôpital de Lagny et, ce faisant, ne pas y consacrer les investissements indispensables.

Par ailleurs, le projet de réalisation d'un hôpital à Jossigny souffre déjà d'un manque d'ambition. Sur les 588 lits initialement prévus, seuls 460 sont maintenus dans le projet de l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, soit déjà une réduction de 20 % des capacités, projet qui a été adopté à la majorité par le conseil d'administration de l'hôpital de Lagny, le 5 avril dernier. Pourtant, il est évident que l'ouverture de cet hôpital est une réponse d'ores et déjà insuffisante aux besoins de santé dans ce périmètre.

Parallèlement à la construction d'un équipement neuf, l'agence régionale de l'hospitalisation propose un projet de groupement de coopération sanitaire entre les hôpitaux du nord du département de Seine-et-Marne, à savoir les structures de Lagny, Jossigny, Meaux et Coulommiers.

Là encore, ce projet de mutualisation des moyens ne témoigne pas d'une quelconque volonté de développement de l'offre de soins, puisque aucun lit supplémentaire n'est prévu ; il correspond essentiellement à la volonté de permettre une plus grande mobilité des personnels.

Par ces mesures, vous organisez la diminution de l'offre publique de soins pour permettre aux cliniques privées de se positionner sur les créneaux les plus rentables.

Allant à l'encontre des besoins de la population en matière de santé publique, la volonté conjointe de notre gouvernement et de l'Union européenne est de faire de la santé une simple marchandise. Cette conception des services publics est clairement reprise dans le projet constitutionnel européen : la notion de service public y est remplacée par celle de service d'intérêt économique général soumis à la libre concurrence.

Or une offre de santé publique digne du XXIsiècle et des moyens de notre pays appelle au contraire des engagements financiers de la puissance d'Etat, pour permettre de garantir effectivement le droit à tous d'accéder aux soins.

Dans ce sens, ne faudrait-il pas que l'Etat s'engage dès à présent dans la création d'un hôpital de plein exercice à Jossigny, pour répondre à des besoins prévisibles, et, parallèlement, permette la pérennité de l'hôpital de Lagny par des investissements en termes tant de matériel que de personnel soignant ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Billout, de Jossigny à Tallin, vous faites tout de même un grand écart ! Je vous invite à lire le traité constitutionnel européen, notamment l'article qui prévoit de soumettre les services économiques d'intérêt général aux règles de concurrence. En effet, celui-ci mentionne explicitement, et c'est une avancée par rapport au texte actuel, qu'une telle soumission est autorisée dans la mesure où cela n'entrave pas, ni en théorie ni dans les faits, la capacité de ces services à remplir dans des conditions satisfaisantes la mission qui leur est confiée.

Je vous invite aussi à prendre en compte les perspectives ouvertes par le passage à la majorité qualifiée pour les coopérations renforcées, pour les compétences partagées entre l'Etat français et l'Union européenne, ou pour les compétences d'appui par l'Union européenne en matière de recherche et de santé. Ces progrès permettront à l'Europe de soutenir des efforts nationaux qui sont déjà réels, y compris donc à Jossigny, ce qui me ramène au point de départ de votre question.

En premier lieu, vous l'avez rappelé, l'Etat souhaite mettre en réseau et coordonner la capacité hospitalière de plusieurs établissements du nord du département de Seine-et-Marne. Il s'agit, comme vous l'avez cité, du site de Lagny, appelé à se développer sur Jossigny, et de ceux de Coulommiers et de Meaux.

L'objectif de ce système, approuvé par les conseils d'administrations des trois hôpitaux, est de mettre en place un groupement de coopération sanitaire du nord de ce département, qui permettra non seulement d'accroître l'offre actuelle des trois hôpitaux - le projet prévoit une augmentation de 224 lits et places sur les trois sites -, mais aussi de la gérer de manière coordonnée.

Pour ce qui concerne le site de Jossigny, il est appelé à recevoir, vous le savez sans doute, l'unité de médecine, chirurgie et obstétrique, qui est aujourd'hui installée sur le site de Lagny. Dans cette seule unité, le nombre de lits est augmenté de 40 % pour atteindre 460.

Evidemment, en Seine-et-Marne, le développement du nord du département est d'ores et déjà une réalité, ce qui ne permet pas forcément d'attendre l'ouverture de l'hôpital de Jossigny. C'est la raison pour laquelle Philippe Douste-Blazy a souhaité que l'actuel hôpital de Lagny bénéficie rapidement d'investissements substantiels, lesquels sont aujourd'hui engagés pour permettre l'extension des services d'urgences, de réanimation et de cardiologie, afin de conserver à cet établissement sa modernité et sa capacité de réaction aux besoins des patients.

En second lieu, la volonté d'adaptation aux évolutions futures a également été soulignée par l'ARH, qui, le 16 mars dernier, a demandé au promoteur du projet de l'hôpital de Jossigny de veiller à ce que celui-ci ait toute capacité d'extension et d'adaptation, qu'il s'agisse de l'accueil de lits ou du plateau technique.

Par conséquent, monsieur le sénateur, ces précisions me semblent en mesure de dissiper vos inquiétudes tant européennes que seine-et-marnaises.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions. Malgré tout, je reste inquiet pour l'avenir tant de l'Union européenne que du secteur de Marne-la-Vallée.

En effet, l'accroissement de la capacité d'accueil sur l'ensemble du secteur nord et est du département de Seine-et-Marne, qui sera donc seulement de 224 lits pour l'hôpital de Jossigny, restera très insuffisant par rapport à la nécessité de satisfaire les besoins actuels et à venir sur la région d'Ile-de-France, qui connaît la plus forte croissance démographique. Nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler.

avenir de la médecine générale

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet, auteur de la question n° 708, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Daniel Goulet. Madame la secrétaire d'Etat, la convention nationale qui a été établie le 11 février 2005 entre les médecins et les caisses d'assurance maladie ne reconnaît pas la spécificité de la médecine générale, ce qui risque d'entraîner à très court terme une défection des jeunes dans cette discipline.

Cette nouvelle convention, vous le savez, conduira inéluctablement à de graves désagréments et ses effets négatifs seront très vite mesurés. Dès lors, ne vous semble-t-il pas nécessaire de revenir sur cette convention, dont vous connaissez bien le rôle au regard de la médecine générale ?

Ses effets préoccupants trouvent immédiatement leur prolongement et dévoilent leurs conséquences désastreuses dans le démantèlement de notre système de soins et d'hospitalisation, chacun des acteurs n'occupant plus la place qui lui revient prioritairement.

« Démantèlement » est peut-être un mot choquant, mais il est parfaitement approprié à la situation que connaissent certains départements ruraux, notamment l'Orne que je représente dans cette Haute Assemblée

Je ferai plus précisément référence au centre hospitalier de La Ferté-Macé, qui en est malheureusement la dramatique illustration. Sa situation et son devenir, qui semblent être remis en cause à travers ses principaux services de proximité, font l'objet, depuis des mois, de pénibles controverses qui ne peuvent être laissées à la seule appréciation des autorités départementales et régionales, même si celles-ci appliquent leurs propres prérogatives.

En jugeant et en décidant à partir de critères techniques s'appuyant sur les notions de sécurité, qui deviennent certes incontournables lorsqu'elles sont dûment avérées, ces autorités ne peuvent pour autant ignorer les problèmes d'ensemble qui en découlent et qui se posent également par ailleurs. D'une façon ou d'une autre, ces problèmes doivent être pris en considération et faire l'objet d'une concertation.

En effet, les premiers acteurs que sont les élus locaux restent à la fois comptables et gestionnaires de tous les services publics et sont, par conséquent, confrontés à la sauvegarde de l'aménagement équilibré de leur territoire. Ils sont les tout premiers concernés pour assurer la pérennité tant de leurs services hospitaliers et des emplois qui en découlent que des autres services de leurs collectivités. C'est encore plus vrai lorsqu'ils y ont consacré des moyens financiers de restauration et de maintenance considérables au cours de ces dernières décennies. Personnellement, je peux en parler en connaissance de cause !

On laisse ces élus et leur administration de tutelle camper sur leurs responsabilités respectives, face à des populations qui s'interrogent et expriment leurs craintes légitimes, parfois bruyamment. Dès lors, il me semble pour le moins nécessaire, madame la secrétaire d'Etat, d'associer à un moment donné tous les intéressés aux décisions en cours d'instruction, qui risqueraient, s'il n'en était pas ainsi, d'être prises unilatéralement.

Or cette concertation ne me paraît pas bien engagée, et c'est la raison profonde de mon intervention aujourd'hui. Il est temps de mettre un terme au blocage d'une situation qui n'a que trop duré et dont personne ne peut imaginer qu'elle se prolonge.

Madame la secrétaire d'Etat, désormais, n'est-il pas urgent et impératif d'envisager la venue sur place d'un messager indépendant de toute implication, mandaté par le ministère de la santé, qui puisse présenter objectivement une véritable analyse de la situation et faire des propositions auxquelles tous les intéressés devraient alors souscrire ?

En réalité, vous l'avez compris, il s'agit en tout état de cause de garantir à tous les citoyens et à tous nos compatriotes, quel que soit leur lieu de résidence sur nos divers territoires français, l'accès à une médecine de soins et d'hospitalisation qui n'exclut pas les notions de proximité et de disponibilité auxquelles chacun peut légitimement prétendre. Là est, en définitive, l'essentiel de nos responsabilités communes.

En d'autres termes, qu'il s'agisse de la pérennité de la médecine générale, que j'ai évoquée, ou de l'assurance du maintien minimum de structures hospitalières, il convient, car tout se tient, que l'ensemble des mesures prises ne fassent en aucun cas l'objet de décisions mal instruites et, à plus forte raison, arbitraires.

Madame la secrétaire d'Etat, les populations du bocage normand attendent vos réponses à mes propositions avec beaucoup d'intérêt.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord de vous répondre sur la place de la médecine générale dans la convention médicale.

Vous indiquez que la spécificité de la médecine générale n'est pas reconnue par cette convention. Bien au contraire, et vous le savez, celle-ci place pour la première fois la médecine générale au coeur de notre système de santé. Plus de 8 millions de Français ont déjà fait le choix de leur médecin traitant, c'est-à-dire de leur médecin de confiance, qui sera chargé de leur santé de façon globale et dans la durée. Or, à plus de 97 %, c'est un médecin généraliste.

J'ajoute que la convention comporte, sur le plan tarifaire, des avancées substantielles pour les médecins généralistes : forfait de rémunération de 40 euros pour la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée, majoration de 5 euros de la consultation pour les nourrissons et, plus récemment, majoration des astreintes dans le cadre de la permanence des soins.

Monsieur le sénateur, vous évoquez un « démantèlement choquant » de certains établissements hospitaliers de l'Orne et vous faites plus particulièrement référence au centre hospitalier de La Ferté-Macé, dont la maternité doit être fermée.

Or on ne peut pas parler de démantèlement s'agissant de cet établissement, bien au contraire ! Il me semble indispensable, pour bien comprendre la situation, de procéder à un bref rappel.

La maternité du centre hospitalier intercommunal des Andaines, situé à La Ferté-Macé, réalisait depuis plusieurs années environ 350 accouchements par an et connaissait depuis de nombreux mois des difficultés pour assurer une couverture pédiatrique : absence de pédiatres sur place et recours à des vacataires venant notamment des centres hospitaliers voisins d'Argentan et de Flers. En effet, l'hôpital pivot de secteur ne pouvait assurer cette couverture pédiatrique, faute de praticiens en nombre suffisant.

Il faut noter que le transfert de cette maternité sur le site de Flers, inscrit dans le plan Hôpital 2007, devrait être achevé en 2007. La construction d'un pôle mère-enfant permettra ainsi d'obtenir un hébergement et un plateau technique de qualité pour toutes les patientes du bocage ornais.

Les professeurs Herlicoviez et Dreyfus, respectivement président de la commission régionale de la naissance et médecin coordinateur du réseau bas-normand de périnatalité, ont relevé, à l'issue d' une réunion de travail et d'échanges avec les trois obstétriciens de la maternité de La Ferté-Macé, que les conditions de sécurité concernant la prise en charge des urgences néonatales n'étaient plus assurées, et ce en raison de l'absence d'une couverture pédiatrique vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ils ont donc demandé la cessation de cette activité.

Cet avis largement diffusé a conduit le conseil d'administration, au sein duquel siègent le maire de la commune et le vice-président du conseil général, à prendre, à une large majorité, le 28 janvier 2005, la décision de fermer immédiatement la maternité.

Compte tenu de l'enjeu majeur que constitue la sécurité de la prise en charge des patients et des nouveaux-nés par les établissements de santé, la fermeture immédiate décidée par le conseil d'administration a été approuvée par la directrice de l'agence régionale de l'hospitalisation.

Toutes les dispositions ont alors été prises pour assurer la prise en charge des patientes. En effet, dès le 31 janvier 2005, des représentants de l'agence régionale de l'hospitalisation et de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, accompagnés de membres de la direction de l'établissement et des équipes soignantes, se sont rendus sur place pour arrêter un dispositif permettant, sur le site de La Ferté-Macé, l'accueil et la prise en charge des parturientes avant la mise en oeuvre du Centre périnatal de proximité, qui est désormais opérationnel.

Au regard de l'évolution de la population, il importe de développer dans ce bassin les activités de substitution nécessaires. L'équipe mise en place par la directrice de l'agence régionale de l'hospitalisation et chargée de l'examen du projet d'établissement a arrêté, en concertation avec les équipes de l'établissement, un projet médical très pertinent. Ce projet a été approuvé et ses axes de développement seront exposés le 11 mai prochain par la directrice de l'agence régionale de l'hospitalisation à l'ensemble des personnels du centre hospitalier.

L'axe premier vise à consolider les activités de proximité, puis à développer des activités répondant aux besoins de ce bassin de population, dont le vieillissement sera important dans les quinze ans à venir.

Les services d'urgences sont maintenus et renforcés par l'ouverture de quatre lits dans une unité d'hospitalisation de courte durée.

Sont également prévus, pour le service médical, une augmentation de la capacité d'accueil avec dix lits supplémentaires, afin de renforcer le centre régional de lymphologie, l'ouverture d'un centre de nutrition et le renforcement du service de gériatrie aiguë, avec un centre de mémoire.

S'agissant du service de soins de suite et de réadaptation, une meilleure structuration des activités réalisées aujourd'hui va être mise en place : soins de suite en cancérologie, en neurologie pour les états pauci-relationnels et en neurologie vasculaire, ainsi qu'en gériatrie. La création d'un service de rééducation, en liaison avec le centre de rééducation de Bagnoles-de-l'Orne, est en cours de finalisation.

Concernant la psychiatrie, un travail sur l'addictologie et la psychogériatrie est prévu avec le centre hospitalier de Flers.

Outre le centre périnatal de proximité, une unité d'hospitalisation à domicile sera autorisée, pour assurer une meilleure prise en charge des parturientes.

La consolidation des activités existantes et le développement de ces nouvelles activités non seulement permettront le maintien de l'emploi, mais nécessiteront très rapidement des renforts de personnels.

La voie est désormais tracée ; tout a été mis en oeuvre pour gérer une transition certes difficile et pour donner un nouvel élan, répondant ainsi aux besoins des habitants de ce bassin.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Je souhaite remercier M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille ainsi que Mme le secrétaire d'Etat aux droits des victimes de toutes les précisions, que j'ignorais, qui viennent de nous être données.

Les problèmes liés au centre hospitalier de La Ferté-Macé ont mobilisé non seulement les populations et les élus locaux, mais aussi le conseil d'administration de l'établissement. A cet égard, mon intervention était, me semble-t-il, légitime : je pourrai ainsi transmettre un certain nombre de renseignements très utiles.

Je souhaite simplement, d'une part, que les mesures qui viennent d'être évoquées soient appliquées et, d'autre part, que le « démantèlement », qui a commencé par la fermeture de la maternité du site de La Ferté-Macé, n'implique pas d'autres fermetures, notamment celles des urgences et du service de chirurgie. Si tel devait cependant être le cas, nous aurions probablement à évoquer de nouveau ce sujet.

Les assurances que vous venez de me donner concernant non seulement les médecins généralistes, auxquels je transmettrai fidèlement vos propos, apaisant ainsi leurs craintes, mais aussi le conseil d'administration du centre hospitalier de La Ferté-Macé sont de nature à me rassurer et à rassurer les populations que je représente.

réforme des tutelles : financement et calendrier

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 691, adressée à M. le garde des sceaux.

M. Georges Mouly. Deux textes législatifs sont à l'origine du dispositif de protection des majeurs : il s'agit de la loi du 18 octobre 1966, relative à la tutelle aux prestations sociales, et de la loi du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs. Depuis lors, ce dispositif est confronté non seulement à l'évolution démographique et sociale, mais aussi à l'évolution législative, notamment avec les textes importants de 2002 - loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale et loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale -, le plan Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 et la loi de février 2005. Ces évolutions ont engendré de nouvelles attentes, modifié l'approche de la prise en charge des personnes vulnérables et introduit de nouvelles pratiques de protection des majeurs.

Des réflexions ont été menées, notamment dans le cadre de missions d'inspections générales en 1997, d'un groupe de travail interministériel en 1999, et d'assises des tutelles. La réforme des tutelles a été maintes fois annoncée, sans que nous disposions à ce jour d'éléments concrets.

Dans une réponse donnée sur ce sujet à la fin du mois de décembre 2003, les services du ministère de la justice indiquaient : «  le Gouvernement, soucieux d'adapter le dispositif de protection des majeurs en considération des évolutions économiques et sociales intervenues depuis la loi du 3 janvier 1968, a entrepris une réforme globale du droit des majeurs vulnérables. L'un des objectifs de la réforme est de rendre plus efficients les principes de nécessité et de subsidiarité (...). En outre, il est prévu d'introduire dans notre droit le mandat de protection future (...). Il est envisagé d'instituer la fonction de délégué à la protection actuellement exercée par des associations tutélaires, des gérants de tutelle, privés ou hospitaliers. De nouvelles règles relatives au statut, à la formation et aux modalités de financement des intervenants extérieurs à la famille seront élaborées afin de garantir à la fois le recrutement de personnes qualifiées au service des majeurs vulnérables et la reconnaissance de l'activité par elles menée. »

Lors du colloque de décembre 2004 sur la représentation tutélaire en Europe, un projet de loi a été annoncé pour 2005. Certains de ses aspects, qui ont été dévoilés à cette occasion, recueillent, me semble-t-il, l'adhésion des associations du secteur. Cependant, chacun s'interroge sur les capacités de la réforme à garantir un accompagnement individualisé des personnes fragilisées, à permettre la mise en place de l'évaluation médico-sociale préalable à la mesure de tutelle, ainsi que la formation des délégués à la tutelle. La question du financement de cette réforme est également posée.

Le calendrier de mise en oeuvre reste à préciser, les différentes parties concernées - personnes vulnérables, familles et associations - s'interrogeant aujourd'hui sur l'aboutissement du projet de réforme. Dans ces conditions, une présentation du projet de loi serait, à mon avis, de nature à nous rassurer sur votre volonté de restaurer les capacités et les droits des personnes vulnérables, tout en assurant leur protection.

Les enjeux, chacun le sait, sont importants : est-il besoin de rappeler que 600 000 personnes, soit 1 % de la population française, sont sous tutelle ou sous curatelle et que ce chiffre est susceptible d'augmenter considérablement avec le vieillissement de la population et la progression des maladies liées au grand âge ? L'exercice des mesures de protection devient périlleux : les services de tutelle sont submergés et les juridictions sont envahies de demandes de protection.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir me dire où en est aujourd'hui le projet de loi de réforme des tutelles, s'agissant notamment du calendrier prévu et du financement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, la réforme de la protection des majeurs vulnérables sera de très grande ampleur, à la mesure des enjeux démographiques et sociaux que soulève cette question.

Comme vous l'avez rappelé, plus de 600 000 personnes sont aujourd'hui placées sous tutelle ou sous curatelle et l'évolution de la démographie nous permet de prévoir une aggravation de cette situation. Nous avons tous conscience que cela n'est pas acceptable. Tout d'abord, les règles juridiques actuelles ne sont pas adaptées à la protection des personnes elles-mêmes ; ensuite, l'exécution des mesures est insuffisamment contrôlée ; enfin, les mesures de protection sont inadaptées aux personnes qui ne parviennent pas à gérer leurs ressources, non pas en raison de l'altération de leurs facultés mentales, mais à cause des difficultés sociales qu'elles rencontrent.

Face à cet enjeu, la réforme comportera trois volets.

Le premier volet sera juridique : le titre XI du code civil sera profondément remanié. Les principes de nécessité et de subsidiarité des mesures de protection juridique seront renforcés. Le texte traitera aussi de la protection de la personne et non plus seulement de celle de son patrimoine. Le contrôle et la révision régulière des mesures seront améliorés. Enfin, toute personne pourra, par un mandat de protection future, choisir la personne chargée de l'assister ou de la représenter le jour où elle ne sera plus en état d'agir seule.

Le deuxième volet sera social : une mesure d'aide budgétaire et d'accompagnement social sera créée pour aider les personnes qui mettent leur situation personnelle ou familiale en danger du fait des difficultés qu'elles rencontrent pour gérer leurs ressources. Cette mesure sera prise avec l'accord de l'intéressé, mais, en cas d'échec ou de refus, elle pourra être ordonnée par le juge. Elle remplacera ainsi la tutelle aux prestations sociales, qui a montré ses limites.

En outre, la réforme organisera la profession de « mandataire judiciaire de protection des personnes », qui regroupera toutes les personnes extérieures à la famille, lesquelles exercent aujourd'hui les mesures de protection selon des statuts juridiques différents. La réforme précisera les conditions d'accès, d'exercice et d'évaluation.

Enfin, le troisième volet sera financier : le mode de financement des mesures exercées par les professionnels extérieurs à la famille sera harmonisé. En ce domaine aussi, il existe des différences incompréhensibles et, il faut l'avouer, parfois injustes. Ainsi, la rémunération des mandataires de protection sera effectuée par un prélèvement progressif et plafonné sur les ressources de la personne vulnérable. En cas d'insuffisance de celles-ci, ce prélèvement sera, selon le cas, remplacé ou complété par un financement public.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, il s'agit non pas « seulement » d'un projet de loi, mais d'une réforme globale de l'action en faveur des personnes vulnérables, qui doivent être protégées.

Je vous informe que le projet de loi, rédigé conjointement par les services de la Chancellerie et ceux du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, a été soumis à la consultation des autres ministères et que les premiers arbitrages interministériels ont été rendus. Cet avant-projet de loi vient d'être transmis à l'Association des départements de France, pour consultation.

Cette réforme engage non seulement l'Etat, mais aussi les organismes de sécurité sociale, qui sont concernés par la réforme de la tutelle aux prestations sociales, ainsi que les départements, qui auront un rôle essentiel dans la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement budgétaire et social. Le Gouvernement entend présenter un projet qui recueille l'assentiment de toutes les parties prenantes à cette réforme. Il est déterminé à y parvenir dans les meilleurs délais, pour saisir la représentation nationale de ce projet de loi avant l'été.

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous remercier profondément et sincèrement, car, aux insuffisances actuelles que vous avez rappelées, sera apportée une solution qui, pour reprendre votre expression, sera de grande ampleur.

Je ne veux pas abuser davantage du temps qui nous est imparti ; en revanche, je tiens à vous dire que, après l'annonce qui vient d'être faite, une grande satisfaction sera sans nul doute ressentie sur le terrain.

problèmes liés au recrutement de contractuels dans la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 684, adressée à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Bruno Sido. Ma question concerne la situation des agents contractuels dans la fonction publique territoriale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais appeler votre attention sur les problèmes de recrutement qu'entraîne le statut de ces agents contractuels. Les collectivités territoriales qui les ont recrutés, souvent parce qu'elles n'ont pas trouvé de fonctionnaires titulaires disponibles, sont dans l'impossibilité légale de renouveler leurs contrats lorsque ceux-ci arrivent à expiration.

Cette situation est, à tous égards, fort dommageable.

En effet, les agents contractuels compétents et bien formés se trouvent dans une situation précaire du fait de la durée nécessairement limitée de leurs contrats. Et pour la collectivité employeur, la perte est sèche : non seulement elle se trouve privée du savoir-faire et de la compétence certaine d'un agent qualifié, qu'elle aura du mal à remplacer, mais elle devra de surcroît supporter un coût financier important lié au versement obligatoire des indemnités de chômage de l'agent partant, en plus du paiement du traitement du nouveau contractuel ou fonctionnaire, si elle en trouve un.

A cet égard, le volet relatif à la réforme de la fonction publique territoriale du projet de loi de modernisation de la fonction publique, qui sera prochainement soumis au Parlement, comporte des avancées certaines ; il prévoit notamment que l'agent employé depuis plus de six ans de manière continue pourra, au terme de son contrat, être reconduit dans ses fonctions pour une durée indéterminée. Mais, tous les agents non titulaires ne sont pas concernés ; ne sont visés que ceux qui sont recrutés sur la base des alinéas 3 et 4 de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984.

Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le contexte de la décentralisation engagée par le Gouvernement, je souhaiterais vous demander si vous envisagez de donner aux collectivités territoriales tous les moyens humains dont elles auront amplement besoin pour relever les défis auxquels elles sont confrontées, afin de répondre aux exigences de plus en plus grandes de leurs administrés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Eric Woerth, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le sénateur, la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale pose le principe de l'occupation des emplois territoriaux par des fonctionnaires territoriaux recrutés par la voie du concours. Le concours est, en effet, la garantie d'un égal accès des citoyens aux emplois publics.

Ce n'est que dans des cas limitativement énumérés que les collectivités peuvent recruter des agents non-titulaires pour occuper des emplois permanents. L'un de ces cas est effectivement celui où un emploi est vacant et ne peut être pourvu dans les conditions prévues par la loi, c'est-à-dire la mutation, le détachement ou le recrutement sur une liste d'aptitude. Mais le recours aux agents contractuels, je le répète, doit rester exceptionnel.

La transformation des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, que vous évoquez, fait l'objet du projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, récemment adopté en première lecture au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, le 6 avril dernier.

La directive du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée interdit le renouvellement sans fin des CDD, alors même que celui-ci est encore possible dans la fonction publique. En conséquence, le projet de loi prévoit que les CDD ne peuvent être reconduits que dans la limite de 6 ans. Au-delà, ils ne peuvent l'être que pour une durée indéterminée.

Il est vrai que ne sont pas concernés les contrats dont la loi du 26 janvier 1984 exclut le renouvellement, ou ne le rend possible qu'une seule fois, à titre exceptionnel. La transformation de CDD en CDI ne saurait, en effet, être interprétée comme une incitation à recourir davantage à des agents non-titulaires pour occuper des emplois permanents.

La pénurie prévisible à laquelle vous faites allusion, et que nous connaissons dans le contexte du transfert de compétences réalisé par la loi du 13 août 2004, est une préoccupation majeure du Gouvernement.

Nous allons poursuivre le travail engagé de professionnalisation et d'allègement des concours, conçus pour offrir aux employeurs locaux un véritable vivier d'agents adaptés aux missions de service public, et mener une réflexion sur le développement de la reconnaissance de l'expérience professionnelle et de la validation des acquis de l'expérience, notamment dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi relatif à la fonction publique territoriale qui sera prochainement soumis, en premier lieu, au Sénat.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais vous remercier des informations que vous venez de me donner. Je vous sais gré de prendre en compte les préoccupations des collectivités locales, singulièrement des départements dits « de la diagonale aride », ces collectivités de l'Est de la France qui ont du mal à recruter.

Nous sommes, en effet, confrontés à un manque de fonctionnaires compétents, ces derniers ne voulant tout simplement pas venir dans nos départements, en raison du climat, de l'éloignement, du TGV, que sais-je encore ...

Bref, toujours est-il que M. le maire de Marseille n'a certainement aucun problème pour recruter des fonctionnaires ; en revanche, le président du conseil général de Haute-Marne en a beaucoup !

Je pense que la loi devrait prendre en compte la spécificité des collectivités qui rencontrent ce type de difficultés. Certes, l'Etat est unique ; toutefois, il me semble, que, en raison de la décentralisation, il conviendrait d'envisager un assouplissement au profit de ces collectivités. En effet, avec les responsabilités qui nous incombent désormais, nous sommes contraints de recruter des gens compétents, bien entendu, mais encore faut-il le pouvoir !

fonctionnement du chèque emploi associatif

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, auteur de la question n° 722, adressée à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, permettez-moi d'appeler votre attention sur le chèque emploi associatif et sur les conditions dans lesquelles les associations peuvent y avoir accès.

Le chèque emploi associatif a constitué, à n'en pas douter, une avancée importante pour nos associations.

L'objectif recherché lors de la mise en place de ce dispositif en 2004 était, je le rappelle, de rendre la gestion du personnel associatif plus simple et plus efficace : plus simple, car le chèque emploi associatif s'utilise comme un chèque bancaire et permet de rémunérer directement le salarié de l'association ; plus efficace, car il donne la possibilité d'effectuer une déclaration unique pour toutes les obligations auprès des organismes de protection sociale et parce qu'il permet un règlement unique, par prélèvement, de l'ensemble des cotisations sociales.

La simplification des formalités pesant sur les associations a eu le mérite de rendre potentiellement plus facile la création d'emplois dans le secteur associatif. Au regard du gisement d'emplois que ce dernier représente, le chèque emploi associatif ne pouvait que susciter l'adhésion de tous ceux qui considèrent que la lutte contre le chômage passe par l'exploration systématique de toutes les « niches » d'emplois. Or, force est de constater que les choses ne sont pas si simples et que le dispositif manque, à l'évidence, de souplesse.

En effet, comme vous le savez, si l'essentiel de leurs activités repose sur l'engagement bénévole et le dévouement exemplaire de leurs membres, certaines associations ont fait le choix de recruter un ou plusieurs salariés. C'est, notamment, le cas des clubs sportifs.

Si une association désire, en cours d'année, adhérer au dispositif du chèque emploi associatif, la durée totale de travail de ses salariés ne doit pas dépasser - c'est impératif - trois équivalents temps plein. Les associations qui salarient plus de trois personnes à temps plein sont donc exclues d'emblée du bénéfice du chèque emploi associatif.

Par ailleurs, si, bénéficiaires du chèque emploi associatif et employant trois équivalents temps plein par an, les associations souhaitent recruter pour faire face à des besoins ponctuels ou pérennes, elles ne le peuvent pas, sauf à sortir du dispositif. Le plafond de 4 821 heures constitue, on le voit, un frein important au développement de l'emploi associatif.

Le double objectif de simplification administrative et de création d'emplois qui avait été assigné au chèque emploi associatif n'est, hélas ! que partiellement atteint.

Au regard de la place essentielle que les associations occupent dans la vie de nos communes, mais aussi de leur rôle de socialisation tout à fait remarquable, il serait souhaitable de procéder à quelques assouplissements. Ma question sera donc claire et sans ambages : envisagez-vous, monsieur le ministre, de relever le seuil de 4 821 heures qui est actuellement en vigueur ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame le sénateur, le chèque emploi associatif a été institué par la loi du 19 mai 2003. Ce dispositif - je partage pleinement votre avis - permet de simplifier considérablement les formalités sociales des petites associations employant jusqu'à trois salariés équivalents temps plein. Les simplifications concernent tant l'embauche des salariés que les déclarations sociales, ou encore l'établissement des bulletins de paie. Un centre national du chèque emploi associatif, créé au sein de l'URSSAF d'Arras, gère l'ensemble du dispositif.

Ce dispositif a été ouvert dès le mois de janvier 2004 aux associations du Pas-de-Calais, puis au mois de mai dans les départements de l'Isère, du Bas-Rhin et de la Vienne ; enfin, depuis le 1er juillet 2004, il a été généralisé à l'ensemble des départements métropolitains.

Au 30 mars 2005, 10 893 associations sont adhérentes et 3 251 sont en attente d'adhésion. Plus de 14 000 salariés ont fait l'objet de l'émission d'un volet social et le montant global des salaires versés s'établit à 12,4 millions d'euros. Le nombre d'associations adhérentes a ainsi cru d'environ 98 % depuis le 30 novembre 2004.

La généralisation du chèque emploi associatif étant récente, il est probable que le nombre d'associations utilisatrices va continuer à progresser à un rythme soutenu. En effet, l'intérêt que manifestent les associations est croissant : le centre téléphonique d'Arras reçoit près d'un millier d'appels par semaine - j'étais d'ailleurs présent dans ce centre lors de la signature du dix millième chèque emploi associatif. De surcroît, les réseaux bancaires - qui, comme vous le savez, reçoivent les adhésions - auront prochainement tous signé la convention prévue par décret.

Je comprends parfaitement votre souhait que soit étendue l'application du chèque emploi associatif, madame le sénateur, mais il me paraît nécessaire de disposer d'une évaluation de ce nouveau dispositif avant d'envisager d'augmenter le seuil de 4 821 heures prévu par les textes.

Je souligne que, pour les associations de moins de dix salariés, une ordonnance du 18 décembre 2003 permet déjà la mise en place d'un service emploi-association dont le régime est calqué sur le service emploi-entreprise. Il comprend soit l'accès à une procédure informatisée de déclaration, dénommée déclaration unifiée de cotisations sociales individualisée, soit la fourniture d'un titre emploi-association.

Ce service permet d'ores et déjà à toute association employant moins de dix salariés ou employant des salariés dont l'activité n'excède pas cent jours, consécutifs ou non, par année civile, de bénéficier d'une aide à l'accomplissement de ses obligations déclaratives en matière sociale.

Madame le sénateur, le Gouvernement agit, dans ce domaine comme dans les autres, pour lever les contraintes qui pèsent sur l'emploi et alléger les procédures qui freinent la prise d'initiative. C'est dans cet esprit que nous examinerons, au vu du bilan de ce nouveau dispositif, l'amélioration que vous proposez et qui est frappée au coin du bon sens.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, j'espère en effet que nous parviendrons à assouplir le dispositif. Nous avons trop tendance, dans notre pays, à vouloir tout cadrer. Si nous laissions plus de souplesse, tout le monde serait gagnant.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)