M. Gérard Miquel. La récente prise en charge du handicap inquiète quant à ses répercussions financières. La mise en place des Maisons du handicap accompagnée de transferts de personnels en nombre très insuffisant augure mal de la suite. Dans le secteur social plus qu'ailleurs, nous devons travailler avec justice et équité. Sur le territoire national, la solidarité doit s'exprimer pleinement. Ce n'est pas le contribuable local qui doit financer les déséquilibres territoriaux.

Monsieur le ministre, permettez aux conseils généraux d'assumer leurs missions en assurant une juste répartition des moyens nécessaires. Cet objectif passe par la mise en oeuvre d'une réelle politique de péréquation nationale. C'est seulement à ce prix que nous réussirons une véritable décentralisation au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux en tout premier lieu remercier le Gouvernement d'avoir bien voulu confirmer l'application du contrat de croissance et de solidarité pour l'année 2007, ce qui marque la volonté de l'État de tenir ses engagements financiers envers les collectivités territoriales ; mais il ne faudrait pas que les clauses de ce contrat soient ultérieurement modifiées dans un sens défavorable aux collectivités.

Vous savez bien, monsieur le ministre, que certaines collectivités - je pense notamment aux départements - se sont vu transférer un nombre important de compétences, notamment dans le domaine social - RMI, APA, etc. -, et plus récemment les routes nationales, transferts qui ont entraîné une véritable explosion de leurs dépenses.

Or si les recettes de fonctionnement des collectivités devaient stagner à partir de 2008 du fait de la remise en cause du contrat de croissance et de solidarité, que pourrait-il se passer ? Les départements ne pourront pas décemment diminuer les prestations servies au titre du RMI ou de l'APA ; ils n'auront donc comme seul choix que de majorer leur fiscalité ou de réduire leurs investissements, ce qui serait néfaste à leurs territoires.

Quoi qu'il en soit, pour 2007, la progression de la DGF, principal concours financier de l'État, demeure significative, son augmentation de 2,54 % méritant d'être saluée.

Néanmoins, la répartition des 45 milliards d'euros de la DGF est encore trop inégalitaire. Savez-vous que soixante-deux communes de mon département perçoivent moins de 10 000 euros au titre de la DGF ? Comment voulez-vous, avec des recettes aussi dérisoires, mener une politique communale digne de ce nom et satisfaire aux besoins les plus élémentaires de la population ?

Ces communes sont le plus souvent regroupées au sein de communautés de communes. Mais l'addition de plusieurs communes pauvres n'a jamais débouché sur une communauté de communes riche !

M. Claude Biwer. Il est parfaitement injuste que la dotation de base de la DGF soit différenciée suivant l'importance de la population des communes. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ce problème à cette tribune, mais je souhaite à nouveau, mes chers collègues, vous faire part de quelques éléments : ainsi, une commune rurale aura perçu en 2006 à ce titre 61,23 euros par habitant alors qu'une ville importante aura bénéficié de 122,45 euros par habitant.

Or, aujourd'hui, toutes les communes urbaines et suburbaines adhèrent à une communauté d'agglomération ou à une communauté urbaine. Elles ont transféré à ces dernières une très grande partie de leurs compétences et perçoivent une DGF largement majorée, souvent bien plus importante en euros par habitant que celle dont bénéficient la plupart des communautés de communes, ce qui constitue, me semble-t-il, une autre injustice. Il est donc tout à fait anormal que, pour le calcul de la dotation de base acquittée au titre de la DGF, soit maintenue une différenciation entre communes suivant leur population. Où sont les effets promis d'une péréquation qui devait rétablir progressivement l'équilibre ? On a plutôt l'impression que le fossé se creuse.

Mais, monsieur le ministre, je veux aussi vous faire part d'une autre préoccupation. À raison d'une augmentation de 120 millions d'euros par an de la DSU, celle-ci, avec plus de 994 millions d'euros, dépasse désormais, et de très loin, le montant de la DSR. Or, la DSU n'est versée qu'à quelques dizaines de villes, alors que la DSR bénéficie à plusieurs dizaines de milliers de communes rurales.

S'agissant de la fiscalité locale, l'empilement des réformes décidées au cours des dernières années a conduit à une baisse sensible de l'autonomie fiscale de nos communes, qu'il s'agisse des recettes ou des dépenses, comme l'a souligné précédemment notre collègue Michel Mercier. Qu'est-ce donc que cette fiscalité locale dont une part substantielle de la taxe professionnelle est payée non plus par les entreprises mais par l'État, dont une part de la taxe d'habitation est non plus acquittée par les ménages mais prise en charge par l'État, dont les bases n'ont pas été remaniées depuis 1990 pour ce qui concerne la taxe sur le foncier bâti et depuis 1960 quant à la taxe sur le foncier non bâti, aujourd'hui également payées partiellement par l'État ?

Il faudra bien s'attaquer à l'indispensable réforme de la fiscalité locale, car nous ne pourrons pas continuer à voir de plus en plus diminuer l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et ces dernières lever des impôts dont les bases sont obsolètes.

Enfin, je veux évoquer avec vous deux sujets qui constituent des préoccupations récurrentes des élus, notamment ruraux, à savoir les conditions d'exercice des mandats locaux et l'insécurité juridique qui entoure les actes des élus des collectivités locales.

Des améliorations ont été apportées aux conditions d'exercice des mandats locaux au cours des dernières années ; pourtant, il est toujours aussi difficile de concilier la responsabilité de maire, de président de communauté de communes avec l'exercice d'une profession ; cette difficulté est encore bien plus grande pour les femmes élues lorsqu'elles sont mères de famille.

Quant à l'insécurité juridique, la responsabilité pénale des élus a certes été encadrée, mais elle demeure. De surcroît, les maires de communes rurales qui sont amenés à exercer plusieurs responsabilités et qui ne disposent que de très peu de collaborateurs peuvent être inquiétés par la justice lorsqu'ils confient à ces derniers des tâches ne correspondant pas nécessairement aux termes du contrat. Selon moi, ce n'est pas admissible.

Rendre plus équitable la répartition de la DGF, réformer la fiscalité locale, rétablir l'autonomie fiscale des collectivités locales, améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux, garantir une plus grande sécurité juridique aux élus sont autant de chantiers qu'il conviendra d'ouvrir au cours des prochaines années.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour poursuivre ces réformes, nécessaires au mieux-être de nos collectivités, et pour permettre aux élus d'exercer leurs fonctions dans le respect de la démocratie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est marqué cette année par une certaine forme de continuité et d'équité, contrairement à ce que certains orateurs précédents ont pu soutenir.

Les lois de finances de 2004, de 2005 et de 2006 ont introduit de grandes réformes en matière de finances locales, telles la réforme de la DGF et celle de la taxe professionnelle. La continuité, que je viens d'évoquer, se caractérise d'abord par la prolongation du contrat de croissance et de solidarité, qui mérite d'être saluée, comme l'ont déjà fait plusieurs orateurs. En effet, dans un contexte budgétaire difficile, l'État s'attache à respecter ses engagements envers les collectivités.

Par ailleurs, pour parvenir au respect de ce pacte, en 2007, il accordera aux collectivités une évolution de leurs dotations nettement supérieure à l'évolution de son budget.

Dans ce contexte, je souhaite souligner également le souci d'équité concrétisé par l'effort consenti par le Gouvernement en faveur de la péréquation et évoquer la réforme de la taxe professionnelle.

S'agissant de la péréquation, plusieurs réformes conduites par le Gouvernement ont renforcé les mécanismes de péréquation et permis d'engager une réduction des inégalités entre collectivités territoriales.

Concrètement, les dotations de péréquation ont augmenté entre 2002 et 2006 de 82 %, taux de progression jamais égalé. Entre 2003 et 2006, la dotation de solidarité urbaine aura augmenté de 43,1 %, tandis que la dotation de solidarité rurale aura progressé de 40,54 %, notamment celle des bourgs-centres. Cet effort sera poursuivi en 2007. Une plus grande marge de manoeuvre sera donnée au comité des finances locales pour l'indexation des parts forfaitaires des dotations des communes, des départements et des régions.

Néanmoins, je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur trois points qui justifient d'apporter des ajustements au projet présenté.

Premier point, un amendement adopté par l'Assemblée nationale a gelé la dotation de garantie de certaines communes. Je dis « certaines », mais environ 3 500 communes seraient concernées par cette mesure.

Si l'objectif légitime est, en l'espèce, de renforcer la péréquation, il s'avère que la plupart des communes concernées - 3 200 environ - sont déjà bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale, et que 1 650 d'entre elles sont situées en montagne. Le taux de progression de leur dotation forfaitaire se verra donc ralenti pour financer la péréquation dont elles bénéficient. Autrement dit, compte tenu du poids de la garantie dans leur dotation forfaitaire, leur pouvoir d'achat sera diminué progressivement.

Une série d'amendements vous sera donc présentée, pour éviter cet écueil.

Le deuxième point concerne la part superficiaire de la dotation forfaitaire des communes de montagne. Portée depuis 2005 à cinq euros, au lieu de trois euros, par hectare en plaine, grâce à votre appui, monsieur le ministre, elle contribue désormais à la reconnaissance des charges spécifiques auxquelles ces communes ont à faire face.

Toutefois, cette juste compensation entre dans le calcul du potentiel financier de ces communes et diminue de façon significative l'effet péréquateur de cette disposition à laquelle tous les élus de montagne sont très attachés.

Monsieur le ministre, vous vous êtes prononcé en faveur d'une évolution à ce sujet, lors du quatre-vingt-neuvième congrès des maires et des présidents de communautés de France, en précisant qu'il était logique d'éviter d'enlever d'une main ce que l'on donne de l'autre.

Aussi, convaincus de la pertinence de ce propos, nous vous soumettrons un amendement en ce sens.

Le troisième point que je souhaite aborder porte sur la péréquation au sein des départements, plus précisément leur dotation de fonctionnement minimum, ou DFM, évoquée tout à l'heure par le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.

En 2005, une réforme de la péréquation départementale a permis d'introduire une nouvelle dotation de péréquation urbaine et un élargissement de l'éligibilité à la DFM à quarante nouveaux départements.

Dès lors, la diminution progressive de l'écart relatif de dotation entre les départements entrants et les vingt-quatre départements historiques éligibles à la DFM a suscité une certaine incompréhension.

M. Pierre Jarlier. Les taux de progression constatés ont été très différents et ont varié en 2006 de 3 % pour les uns à plus de 20 % pour les autres, le taux de progression minimum des vingt-quatre départements historiques, voté en 2005, n'ayant pas été reconduit en 2006.

Le comité des finances locales s'est saisi de ce sujet et a constitué un groupe de travail dont les conclusions ont débouché sur deux enseignements plutôt rassurants.

En premier lieu, au terme de la phase de progression accélérée des nouveaux départements éligibles à la DFM, les vingt-quatre départements éligibles en 2004 conserveront bien une dotation par habitant supérieure, avec un écart de 1 à 2 à l'horizon de 2010 pour un écart initial de 1 à 3.

En second lieu, à compter de 2008-2009, les vingt-quatre départements éligibles avant 2005 connaîtront un taux de croissance de leur DFM identique à celui des départements entrants. Tout le monde y trouvera donc son compte !

Pour cette année, le comité des finances locales a néanmoins proposé de mettre en place une garantie de progression minimale pour faciliter la phase de transition, égale à la progression de la DGF. Cette mesure a été introduite à l'Assemblée nationale par la commission des finances. Elle est équilibrée et ne pénalise pas l'évolution de la dotation de péréquation des autres départements, tout à fait nécessaire par ailleurs.

Il faudra néanmoins poursuivre nos réflexions pour corriger certaines imperfections de la réforme : en recherchant de nouveaux critères pour cibler cette dotation sur les départements les plus en difficulté, qu'ils soient ruraux ou urbains, et en évitant les effets de seuil qui ne sont pas adaptés à la réalité du terrain.

Je souhaiterais enfin évoquer rapidement l'incidence de la réforme de la taxe professionnelle sur le budget des collectivités dès 2007 et certaines anomalies qui subsistent malgré les améliorations apportées par le Sénat dans le projet de loi de finances pour 2006.

L'incidence de cette réforme touchera nos collectivités dès 2007, car le ticket modérateur sera prélevé l'année même de son calcul. En revanche, pour l'État, le coût de la réforme n'apparaîtra qu'en 2008, car le dégrèvement accordé aux entreprises n'interviendra que l'année qui suit celle de l'imposition au titre de laquelle le dégrèvement est accordé. Ce décalage se retrouvera tout au long de l'application de la réforme.

En conséquence, il paraîtrait justifié que le ticket modérateur soit imputé de façon pérenne aux collectivités l'année qui suit l'année d'imposition, autrement dit, pour la première année, en 2008. Tel est le souhait de l'Association des maires de France et de son président, Jacques Pélissard.

Enfin, et pour terminer mon propos, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur une indispensable adaptation de la réforme au profit des communautés de communes à fiscalité additionnelle dont les bases plafonnées d'imposition sont fortes et dont les taux, par ailleurs très faibles, ont nécessairement augmenté fortement pour financer les nouvelles compétences qu'elles exercent.

Pour ces établissements publics de coopération intercommunale, la modulation du ticket modérateur votée au Sénat ne suffira pas à limiter des pertes de recettes qui peuvent se révéler très pénalisantes, voire fatales à l'équilibre de leur budget. Or, il s'agit bien souvent d'EPCI ruraux dont les bases d'imposition sont très faibles.

À titre d'exemple, d'après les simulations de la Direction générale des collectivités locales, pour une petite communauté de communes située en Auvergne dont le produit de la taxe professionnelle est d'environ 50 000 euros, ce qui est très faible, le ticket modérateur s'élèverait à 15 000 euros, soit 30 % de sa recette de taxe professionnelle. Il serait donc équitable de prévoir une mesure technique permettant d'éviter ce type de situation.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les contributions que je souhaitais apporter à ce débat, en saluant une nouvelle fois l'effort important et constant réalisé par l'État dans ce budget en faveur des collectivités, et ce dans un contexte budgétaire difficile, élément qu'il ne faut pas oublier même en période préélectorale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Merci, monsieur le sénateur !

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains fort que le projet de loi de finances pour 2007 ne dissipe pas les inquiétudes des élus locaux autant que ces derniers le voudraient. En tout cas, il n'a pas pour objet, me semble-t-il, de compenser les disparités entre les diverses collectivités locales.

La réforme de la taxe professionnelle est lourde de conséquences pour l'avenir des équilibres financiers locaux, et c'est le moins que l'on puisse dire. Il est heureux que le Gouvernement ait finalement renoncé à contrôler par la loi le niveau de la dépense locale, ce qui aurait été totalement contradictoire avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.

Les finances locales sont toujours menacées d'une impasse à court terme : les conséquences de la décentralisation se font de plus en plus cruellement sentir dans les territoires, en particulier dans les zones où la faiblesse des bases fiscales ne permet pas de suppléer à la sous-compensation financière des transferts. Notre excellent collègue Gérard Miquel l'a indiqué tout à l'heure pour le Lot, et je pourrais reprendre la même démonstration sans aucune difficulté pour le département de la Creuse que je représente.

En dépit des effets d'annonce des gouvernements successifs sur le développement supposé de la péréquation, force est de constater aujourd'hui que la fracture territoriale ne s'est pas améliorée ; elle s'est même aggravée depuis 2002. C'est le partenariat constructif et équilibré entre l'État et les acteurs de terrain, au premier rang desquels se situent les collectivités locales, qui est menacé.

Depuis 2002, les gouvernements ont réduit la régulation nationale des besoins exprimés dans les territoires à la portion congrue, encore que chacun ne s'accorde pas sur la définition de la portion congrue en matière de sacerdoce...

M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, c'est une notion relative !

M. Michel Moreigne. C'est très bien, nous avons une exégèse au moins commune sur un point ! (Sourires.)

Les gouvernements successifs ont, en quelque sorte, autorisé la réduction de la solidarité nationale comme peau de chagrin. La péréquation n'existe plus qu'en paroles, n'étant pas traduite réellement dans les faits.

Dans ce contexte, les élus locaux ont pris, quant à eux, leurs responsabilités : ils assument les politiques dont l'État se désengage.

Ainsi, les collectivités locales sont aujourd'hui des acteurs majeurs du développement économique et de la croissance. En 2006, elles devraient contribuer à hauteur de 11 % au produit intérieur brut de la France et assumer à elles seules 70 % de l'investissement public. Elles constituent un levier essentiel de la croissance.

Investies de telles responsabilités, les collectivités locales doivent légitimement pouvoir disposer, s'agissant de leurs ressources, des leviers nécessaires en matière de fiscalité et de concours de l'État pour mettre en oeuvre leurs prérogatives dans les meilleures conditions possibles. Or, la politique du Gouvernement à leur encontre contraint toujours davantage leurs marges de manoeuvres financières.

Rappelons que la réforme de la taxe professionnelle, qui consiste pour l'essentiel à un plafonnement de la taxe versée par les entreprises en fonction de leur valeur ajoutée, aura un coût croissant pour les collectivités locales en raison du mode de compensation choisi. Dès 2007, ne seraient pas compensées des pertes de recettes qui, selon des évaluations divergentes de Dexia et du Gouvernement, seraient comprises entre 466 millions d'euros et 600 millions d'euros.

Les intercommunalités, dont la taxe professionnelle constitue l'essentiel des ressources fiscales, sortiront très affaiblies de cette réforme. Une étude de la DGCL, dont les références sont sans doute bien connues de M. le rapporteur général, souligne d'ailleurs que de nombreux groupements vont faire jouer ou ont déjà fait jouer leur possibilité de mettre en place une fiscalité mixte. Le produit de fiscalité sur les ménages au sein des groupements devrait ainsi augmenter mécaniquement de plus de 15 %.

Les premières réactions des intercommunalités en témoignent. Inéluctablement, cette réforme a des effets inflationnistes sur la fiscalité locale, loin de l'objectif initialement affiché. Les collectivités devront sans nul doute financer cet énorme manque à gagner par une augmentation de leurs taux d'impôts sur les ménages et de taxe professionnelle, car toutes les entreprises ne sont heureusement pas plafonnées. Le passage à la fiscalité mixte sera souvent la règle.

De surcroît, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour démontrer les effets pervers de la réforme de la taxe professionnelle sur le niveau des recettes fiscales, d'une part, et sur l'emploi, d'autre part. Les sénateurs socialistes, notamment notre ami François Marc, avaient dénoncé l'an dernier ces risques ; le président de la commission des finances en a parlé également tout à l'heure.

L'évasion fiscale est facilitée par le décalage de deux ans ; par ailleurs, pour réduire leur impôt, les entreprises auront intérêt à recourir massivement à l'intérim au lieu de recruter du personnel en contrats à durée indéterminée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument ! Il faut que l'on règle ce problème !

M. Michel Moreigne. Tout cela est bien connu ! Il s'agit d'un risque d'autant plus important que les collectivités seront les plus faibles, là encore.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous allons y travailler et résoudre ce problème !

M. Michel Moreigne. Que la thérapeutique soit bonne, et que le malade ne meurt pas guéri ! (Sourires.)

Cette réforme représente tout de même un coût considérable pour l'État. Peut-être aurait-il pu s'en passer et supporter des efforts moins importants, dans le contexte de forte tension sur les finances publiques que nous connaissons, contexte qui contraint les marges de manoeuvre de l'État, déjà relativement étroites auparavant.

Soit dit en passant, j'aurais souhaité qu'un bon Samaritain veuille bien dispenser de cet effort sur la taxe professionnelle certains conseils généraux, tels ceux du Lot ou de la Creuse, dont les bases de taxe professionnelle sont les plus faibles de France. Mais ce n'est venu à l'esprit de personne sous prétexte, sans doute, que la perte n'était pas considérable ! Pourtant, il s'agit d'une question de principe et de solidarité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous parlez des départements historiques qui ont une DFM historique ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les vingt-quatre, n'est-ce pas ?

M. Michel Moreigne. J'y viens, monsieur le rapporteur général. Ne vous faites aucun souci ! D'ailleurs, M. Pierre Jarlier s'est si bien exprimé sur ce chapitre...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon attention se concentre sur le Cantal !

M. Michel Moreigne. Pas sur le fromage, mais sur le département, n'est-ce pas ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous sommes sur un sujet local, me semble-t-il !

M. Michel Moreigne. Oui, monsieur le ministre.

Laissez-moi tout de même vous dire que les transferts de personnels qui vont être opérés sur le dos des départements en 2007 ne se dérouleront pas aussi facilement que tout le monde l'aurait souhaité. Le président du conseil général du Lot vous l'a rappelé tout à l'heure, et je ne m'y arrêterai pas davantage.

Toutefois, je me permettrai d'insister quelque peu sur le coût des dépenses sociales.

J'évoquerai très brièvement le serpent de mer de la compensation du RMI. La création en 2006 du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, qui est le fruit d'une initiative brillante de notre collègue Mercier, président d'un conseil général qui n'est pas très pauvre, constitue un premier acquis. Ce fonds sera reconduit à hauteur de 500 millions d'euros pour 2007. Cet abondement demeure cependant très insuffisant, car il ne répond pas tout à fait à l'exigence d'une compensation à l'euro près. J'ai bien écouté les propos de M. Louis de Broissia tout à l'heure. Il n'empêche que le manque à gagner pour les départements constitue toujours une facture non négligeable ! Il faudra bien trouver une solution pour assurer une compensation équitable de ce transfert pour l'ensemble des départements.

D'autres questions relatives aux compensations financières des transferts de compétences aux départements restent en suspens.

De nombreux orateurs ont souligné que la mise en place de la prestation de compensation du handicap, prévue par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, risque d'entraîner de nouveaux dérapages financiers à la charge des départements.

Cette nouvelle prestation, mise en place au 1er janvier 2006, devrait monter en charge à partir de 2007. Ses modalités de mise en oeuvre restent fort imprécises, voire inconnues, et elles pèseront lourd sur les perspectives financières des départements.

Le coût de cette prestation s'élève à environ 2 milliards d'euros par an, 500 millions d'euros étant pris en charge chaque année par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Qui paiera le milliard et demi d'euros restant ?

On nous a fortement reproché la mise en place de l'APA.

M. Bruno Sido. Son financement !

M. Michel Moreigne. Je le comprends très bien, d'autant que mon département compte parmi ceux qui souffrent le plus en la matière.

Mais soyez sûrs, mes chers collègues de la majorité, que nous ne manquerons pas à notre tour de vous reprocher le coût probablement élevé de la prestation de compensation du handicap !

Néanmoins, on peut toujours espérer un miracle, et peut-être des solutions seront-elles trouvées dans ce projet de loi de finances pour 2007 afin que les finances départementales ne soient pas encore une fois victimes d'un effet de ciseau !

Par ailleurs, s'agissant des contrats d'avenir, les départements n'ont pas été écoutés par le Gouvernement, lequel a refusé, semble-t-il, de prendre en charge leur financement au titre de l'allocation du RMI. Or, pour chaque contrat d'avenir, les départements continuent de verser le RMI à taux plein à l'employeur. L'État refuse de financer, considérant que ces contrats relèvent de la politique de l'emploi et non plus de l'insertion sociale. Pour autant, le surcoût estimé serait de 800 euros par contrat.

Je ne m'étendrai pas sur la question des dotations aux collectivités en 2007, considérant qu'elles sont en sursis puisque le contrat de croissance est maintenu.

Les limites de la réforme des critères de la DGF sont aujourd'hui avérées, et la contribution au renforcement de la péréquation est relativement restreinte.

Je souhaite bien évidemment ne pas perdre de vue la question de l'évolution de la DFM des vingt-quatre départements historiques éligibles à la DFM, d'autant que le président de la commission des finances, dans son propos liminaire, y a attaché quelque prix.

Je ne comprends pas le mécanisme créé par l'amendement de Gilles Carrez non plus que le résultat des travaux de notre excellent collègue Pierre Jarlier, qui l'ont inspiré. Messieurs les ministres, quel sera en 2007 le taux d'augmentation de la DFM des départements qui y sont éligibles ? C'est un mystère. Et si ce dernier n'était pas levé, les efforts de notre collègue Pierre Jarlier ne seraient qu'un coup d'épée dans l'eau. Tantôt l'on nous dit que la DFM sera réévaluée de 9 %, tantôt l'on nous dit qu'elle ne le sera que de 3 %. Il faudra bien faire la lumière sur cette affaire.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez que, pour nous, la définition des inégalités soit un enjeu important. La décentralisation n'aura d'effets réellement bénéfiques que si l'on rétablit au préalable une certaine « équité territoriale » - tel n'est pas le cas en ce moment -, qui permettra aux départements d'assurer une même qualité de service aux contribuables.

Au final, tous les départements ne disposent pas du même pouvoir d'achat, et ce avant même toute prise en compte de la qualité de leur gestion.

Cette question fondamentale avait été posée par Jean-François-Poncet et Claude Belot dans leur rapport intitulé La péréquation interrégionale : vers une nouvelle égalité territoriale, rapport de qualité, alors approuvé par la commission de finances et dont je regrette vivement que le Gouvernement n'ait tenu aucun compte jusqu'à présent. Nous attendons toujours les suites qui seront données aux propositions de ses auteurs, lesquels, sans être de mes amis politiques, sont l'un et l'autre d'une parfaite honnêteté et d'une grande clairvoyance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et au banc des commissions.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bel hommage !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela mérite des applaudissements oecuméniques !

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'action du Gouvernement à l'égard des collectivités territoriales est positive. En témoigne notamment le projet de loi de finances pour 2007, qui se caractérise par la poursuite de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités locales, effort qui ne s'est jamais démenti depuis 2002.

Le contrat de croissance et de solidarité est reconduit. Les dotations comprises dans ce périmètre augmenteront de 2,22 %, à structure constante, pour atteindre un peu plus de 45 milliards d'euros, essentiellement au bénéfice de la dotation globale de fonctionnement, qui progressera de 2,5 %.

Les dotations et subventions ne figurant pas dans l'enveloppe normée connaîtront en 2007 une croissance également substantielle - environ 7,16 milliards d'euros-, et les ressources fiscales attribuées aux collectivités territoriales en compensation des transferts de compétences dépasseront 17 milliards d'euros. En la matière, le Gouvernement va au-delà de ce que prévoyait la loi. Enfin, les dégrèvements d'impôts locaux s'élèveront à 14 milliards d'euros. Au total, les ressources consacrées par l'État aux collectivités territoriales dépasseront 80 milliards d'euros en 2007.

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur le budget de l'État, le choix du Gouvernement de maintenir son effort envers les collectivités locales n'avait rien d'évident. Cela démontre ainsi la volonté du Gouvernement de tenir ses engagements.

Personnellement, je souhaiterais saluer les différentes réformes conduites depuis 2004 afin de renforcer les mécanismes de péréquation, mécanismes qui ont permis de réduire les inégalités entre les collectivités territoriales. Entre 2002 et 2006, les dotations de péréquation ont augmenté de 82 %.

Je ne pense pas que mon ami Gérard Miquel puisse soutenir que le RMI est compensé à hauteur de 100 ou 110 % dans certains départements ! (M. Gérard Miquel rit.)

Dans cet esprit, l'article 12 du projet de loi de finances vise à augmenter les marges de manoeuvre dont dispose déjà le comité des finances locales en matière d'indexation de la dotation forfaitaire des communes, des départements et des régions, afin de dégager un solde plus important en faveur de la péréquation. Je ne peux que me féliciter de toutes ces dispositions visant à améliorer ce protocole.

Cette année encore, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale sont toutes deux en augmentation. Messieurs les ministres, vous n'en voudrez certainement pas à l'élu de terrain que je suis de rappeler qu'une progression identique pour l'une et pour l'autre serait souhaitable.

Le contrat de croissance et de solidarité a donc été reconduit cette année. Mais nous ne devons pas nous voiler la face. Comme le soulignait notre excellent rapporteur général, s'il faut approuver sa reconduction pour l'année 2007, celle-ci a un coût élevé et ne revêt aucun caractère automatique.

Ainsi, lorsque le Premier ministre a annoncé lors de la Conférence nationale des finances publiques, au début de l'année, que « l'évolution des concours de l'État aux collectivités locales devra être compatible avec les normes de dépenses que s'impose l'État », les élus locaux que nous sommes ont parfaitement mesuré les incidences de cette orientation : l'État s'est engagé à petits pas dans la maîtrise de la dépense publique, et l'on attend des collectivités territoriales qu'elles participent à cet effort tout en maintenant un service public de haut niveau, toujours plus complet, avec toujours plus de dépenses d'investissement et donc toujours plus de dépenses de fonctionnement. Voilà la quadrature du cercle que doivent résoudre les collectivités et leurs élus !

À l'avenir, cette nouvelle donne aura obligatoirement des conséquences sur le contrat de croissance et de solidarité, et donc sur les ressources des collectivités locales.

Ainsi, selon les indications transmises à la commission des finances du Sénat, le Gouvernement prévoit de tendre vers une évolution de l'enveloppe normée selon la règle du « zéro volume » à l'horizon de 2009.

Compte tenu de la situation dégradée des comptes de l'État, nous pouvons comprendre ce passage à une norme de stabilisation en volume des dotations de l'enveloppe normée, que M. le rapporteur général a d'ailleurs qualifié d'« inéluctable à moyen terme ». Mais vous comprendrez tout aussi bien, messieurs les ministres, que cette perspective inquiète les élus et commence à très sérieusement « interpeller » nos concitoyens, qui sont contribuables et néanmoins électeurs. Aussi, il est nécessaire d'accentuer la concertation entre les collectivités et l'État.

Dans son rapport, Michel Pébereau préconisait l'instauration d'un dialogue institutionnalisé entre l'État et les collectivités qui, d'une part, permettrait de fixer les nouveaux objectifs et sans doute un nouveau mode d'appréhension des finances publiques locales et, d'autre part, redonnerait aux maires la capacité de contrôler et de décider ces dépenses, et donc leur fiscalité.

Trop souvent, nous avons le sentiment d'être les gabelous de l'État ainsi que les boucs émissaires de nos concitoyens et, bien sûr, des médias, en attendant les jurys populaires.