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DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Gérard Ehrlich, qui fut sénateur du Nord de 1974 à 1985.

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candidatures à des ORGANISMES extraPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé à la Haute Assemblée de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-René Lecerf pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé à la Haute Assemblée de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil de l'immobilier de l'État.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose les candidatures de MM. Paul Girod et Adrien Gouteyron pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de restructuration de La Redoute, qu'il faut bien appeler par son nom, a pour but de diminuer les dépenses de l'entreprise aux dépens de la clientèle, qui est loin d'être aisée, et des employés.

La direction de l'entreprise a en effet annoncé la fermeture de tous les centres d'appels de la région parisienne en vue d'un regroupement sur une plateforme téléphonique unique située à Rungis, dans le Val-de-Marne. Or, personne ne peut la croire lorsqu'elle affirme que l'ensemble du personnel, majoritairement féminin, d'ailleurs, sera en mesure de suivre le mouvement ; elle table, en réalité, sur le renoncement d'une partie des salariés des centres de Saint-Denis, du Pecq, de Villebon sur yvette et de Choisy-le-Roi.

Pour ma part, j'ai reçu les employés du centre de Choisy-le-Roi, en compagnie du maire de cette commune. Ce dernier a rappelé qu'il avait proposé de nouveaux locaux à La Redoute, mais qu'il n'avait reçu aucune réponse. Avec les représentants des quatre centres concernés, je me suis rendue au Forum des Halles, car il est question d'y fermer le magasin de La Redoute, lequel serait cédé à une filiale. Il est d'ailleurs également question de fermer deux autres magasins dans le Val-de-Marne, l'un situé à Créteil et l'autre installé dans le centre commercial Belle-Epine.

Tous les employés que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur extrême inquiétude. Un grand nombre d'entre eux craignent de ne pas pouvoir travailler sur le nouveau site et, donc, de se retrouver au chômage. La direction n'a annoncé aucune mesure d'accompagnement pour préciser les modalités de déménagement et les conditions de travail sur la plateforme. Les problèmes posés risquent pourtant d'être insurmontables : au vu de sa localisation, le site est très mal desservi, par manque de transports en commun réguliers ; contraints à des horaires de travail décalés, nombre de salariés devront voyager pendant près de quatre heures par jour pour rejoindre leur nouveau lieu de travail, et ce, souvent, pour exercer un emploi à temps partiel.

Le comité central d'entreprise et les représentants des employés de La Redoute estiment que les mesures annoncées ne représentent qu'une solution transitoire devant déboucher sur une délocalisation plus poussée vers Rabat et Tunis.

Face à cette évolution, qui a déjà touché de nombreuses sociétés, notamment Aubade, Duralex et Well, les Français sont inquiets. Un récent sondage montre ainsi clairement que leur toute première préoccupation est l'emploi.

Monsieur le ministre, aujourd'hui encore, le Premier ministre vient d'annoncer deux nouvelles mesures en faveur de la création d'emploi. Mais il faut d'abord s'attacher à sauvegarder ceux qui existent ! Si vous ne pouvez peut-être pas m'apporter des éléments de réponse immédiatement, je vous demande officiellement de transmettre mon interpellation à M. le Premier ministre. (M. le ministre s'entretient avec M. le rapporteur général.) Cela étant, monsieur le président, je constate que M. le ministre ne m'écoute pas !

M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, ma chère collègue.

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Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

M. le président. Mes chers collègues, nous abordons l'examen de l'article 33, article d'équilibre, et de l'état A annexé.

Dans ce cadre, nous allons successivement procéder aux deux débats décidés par la conférence des présidents, le débat sur les effectifs de la fonction publique et le débat sur l'évolution de la dette.

débat sur les effectifs de la fonction publique

Article 32 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Débat sur l'évolution de la dette

M. le président. Nous allons tout d'abord débattre des effectifs de la fonction publique.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez tous, les effectifs et la masse salariale de la fonction publique représentent le premier poste de dépenses de l'État : cela vaut bien la peine d'y consacrer quelques instants pour en débattre.

En 2007, l'État emploiera un maximum de 2 307 664 équivalents temps plein, soit une réduction de 42 711 par rapport à 2006. Cela tient à deux raisons principales : d'une part, 24 191 correspondent à des transferts d'emplois aux collectivités territoriales, dans le cadre de l'évolution de leurs compétences prévues par les lois de décentralisation ; d'autre part, 15 019 représentent le solde net de suppressions d'emplois, puisque, selon les missions et les programmes, le budget prévoit soit des créations, soit des suppressions.

J'insiste sur ce point, car il est important : d'une année à l'autre, en tenant compte de la décentralisation, il y a bien 42 711 équivalents temps plein de moins qui émargent au budget de l'État pour 2007.

Pour autant, monsieur le ministre, les statistiques que je viens d'évoquer englobent-elles toute la réalité ?

M. Jacques Mahéas. On nous cache des choses !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Personnellement, je ne le crois pas. Il faut effectivement avoir en tête l'existence de ce que j'appelle les agences...

M. Jean-Jacques Jégou. L'« agencisation » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...ou les opérateurs de l'État. Ce n'est pas une obsession ; c'est une réalité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas incompatible !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes, le plafond d'emplois de l'État englobe les saisonniers, les travailleurs occasionnels et les agents non titulaires salariés de l'État. Néanmoins, il ne prend pas en compte les emplois subventionnés par l'État, qui figurent pourtant dans les livres de paie des établissements publics, eux-mêmes totalement ou majoritairement soutenus par l'État.

Monsieur le ministre, qu'il s'agisse d'un collège ou de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, c'est la même chose ! Qu'il s'agisse de l'Agence nationale de la recherche ou de tout autre opérateur de l'État financé majoritairement par le budget de l'État, c'est la même chose !

M. Jacques Mahéas. Et l'ANPE en ce moment !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme il faut, bien entendu, toujours progresser dans la connaissance des finances publiques, je formule, au nom de la commission des finances, une proposition pour les années à venir : le calcul du plafond d'emplois présenté au Parlement et voté par celui-ci devrait intégrer les effectifs des agences de l'État, car nous avons besoin d'avoir une vision consolidée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Afin de sélectionner les établissements qui seront retenus au sein de ce plafond, je suggère de nous référer à la notion économique de « contrôle ». À l'heure où se met en place la comptabilité patrimoniale issue des principes comptables généraux en vigueur dans l'ensemble du monde économique, il nous semble légitime d'adapter ces derniers au contexte particulier de l'État.

Par ailleurs, la maîtrise de la masse salariale apparaît comme un enjeu essentiel. Ainsi, 44 % des 267,5 milliards d'euros de dépenses nettes inscrites au budget de l'État sont dédiés aux dépenses de personnel, dans lesquelles, bien entendu, j'inclus les pensions.

Je le rappelle, l'évolution de la rémunération moyenne des personnes en place, qui représente d'ailleurs l'index favori de la direction du budget, a toujours été supérieure à 3 % entre 1995 et 2006. Depuis dix ans, le point de la fonction publique a augmenté de 1 % par an en moyenne : en année pleine, cela induit une dépense de 830 millions d'euros.

M. Jacques Mahéas. C'est loin de compenser l'inflation !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont des données factuelles, mon cher collègue.

M. Jacques Mahéas. Rien ne vous empêche de faire des comparaisons !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous et vos amis en tirerez ensuite les conséquences qui vous conviennent selon vos orientations idéologiques. Je serai d'ailleurs curieux de savoir ce que vous comptez faire à partir de ces données factuelles, car, pour l'instant, je ne connais pas votre programme. Prévenez-moi quand vous l'aurez élaboré !

M. Jacques Mahéas. Cela va venir !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le pire, c'est qu'ils en ont déjà un !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Même dans l'hypothèse d'un gel du point « fonction publique » en 2008 et 2009, l'augmentation mécanique des rémunérations produirait une augmentation de la masse salariale de l'ordre de 2 milliards d'euros par an, à effectifs constants.

À partir de ces données, et au nom de la commission des finances, je formulerai une proposition et suggérerai une méthode.

En premier lieu, nous estimons souhaitable de fixer une double norme de progression des dépenses de l'État : une norme globale de progression des dépenses nettes - c'est-à-dire le « moins 1% en volume de cette année - et une norme relative à la masse salariale. Je parle bien de masse salariale, car la fixation du plafond en équivalents temps plein travaillé, ETPT, ne vise qu'une partie des phénomènes économiques directement liés à l'exercice des responsabilités de l'État employeur.

En second lieu, la méthode que nous suggérons consiste, et cela ne vous surprendra pas, à utiliser l'importante variable d'ajustement que représente la situation démographique de la fonction publique afin de mieux gérer l'emploi public.

D'ici à 2011, les départs de personnels civils et militaires seront les suivants : 81 000 en 2007, 82 000 en 2008, 77 000 en 2009, 74 000 en 2010 et 70 000 en 2011.

Si l'on en reste au principe d'un remplacement pour deux départs à la retraite, nous obtiendrons une diminution de l'ordre de 190 000 fonctionnaires d'ici à 2011, ce qui représente environ 8 % des équivalents temps plein actuels. Si ce scénario aboutit, il conduira à des marges de manoeuvre budgétaire de 5,3  milliards d'euros à la fin de la législature. En valeur absolue, il s'agit d'une somme élevée mais, en valeur relative, elle correspond, je le répète, à 8 % seulement des ETP actuels. Lorsque l'on évoque l'hypothèse d'une utilisation de la structure démographique, on reste dans les limites du réalisme.

Bien des exemples l'illustrent dans le monde économique et au sein d'autres nations : cet infléchissement de 8 % sur une législature ne constitue pas un objectif déraisonnable. En tout cas, pour la commission des finances, il ne semble pas hors de portée.

En matière de masse salariale, je souhaite insister sur l'importance des décisions et des engagements pris sur le long terme. Embaucher un agent, c'est prendre un engagement qui doit couvrir une quarantaine d'années d'activité ainsi que toute la période pendant laquelle cet agent bénéficiera d'une pension de retraite.

La suppression d'un emploi représente une économie de l'ordre de 1 million d'euros. Renoncer par exemple à 30 000 recrutements permettrait ainsi de réduire de 30 milliards d'euros les engagements implicites de l'État.

Mais où faire ces économies ?

Nous allons bientôt examiner les missions et les programmes, tirer les conséquences des audits effectués et en solliciter d'autres. Si l'on considère les grandes masses, on s'aperçoit que l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la recherche concentrent 1 217 109 équivalents temps plein travaillé, soit la moitié des 2 307 664 équivalents temps plein travaillé que compte l'État.

Il est clair que des redéploiements seront indispensables et devront se poursuivre. Le sort de l'enseignement supérieur et celui de la recherche ne peuvent être proportionnels à l'évolution des moyens en personnels de l'enseignement primaire et secondaire, car l'évolution de la démographie scolaire devra se traduire sur les chiffres.

De même, la répartition de la population entre les différentes régions et bassins d'emploi devra se traduire par des adaptations dans les dotations en personnel.

Ce sujet n'est pas simple, mais il est incontournable. La maîtrise de la masse salariale de l'État, condition imparable de la maîtrise de la dépense de l'État, passe bien évidemment par la mise en oeuvre d'efforts complexes et par une grande persévérance.

Monsieur le ministre, la commission des finances croit beaucoup à huit principes.

Le premier consiste à mieux articuler la modernisation des administrations et la réduction des effectifs.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette réduction des effectifs ne doit surtout pas être abordée de manière « punitive », elle doit être la condition d'une meilleure efficacité du service public et des fonctions de l'État. C'est tout l'enjeu pédagogique essentiel de la réforme de l'État.

Deuxième principe, il ne faut pas hésiter à mettre en place, dans certains secteurs et à certains moments, des primes d'incitation au départ. En effet, des fonctionnaires susceptibles de retrouver sur le marché de l'emploi un avenir professionnel valorisant pourraient être incités à quitter la fonction publique, à condition que l'État s'accorde avec eux sur un régime de primes.

Troisième principe, qui paraît évident mais la Cour des comptes nous le rappelle, il convient de lier réduction des effectifs et réduction des coûts. C'est une question de bonne gestion du changement.

Quatrième principe, il est nécessaire de mettre en place un plafond annuel de progression de la masse salariale.

Cinquième principe, il faut mettre fin au tabou du temps de travail. Il s'agit, pour certains métiers et certaines fonctions, de rétablir une marge de négociation en vue d'ajuster le temps de travail par rapport aux besoins de l'État employeur.

Sixième principe, il faut assouplir la notion du point « fonction publique ». Il convient de se diriger vers une modulation entre les trois fonctions publiques - hospitalière, territoriale et de l'État - et d'en finir avec ce centralisme insupportable qui conduit à « toiser » de la même façon tant de métiers différents et des contraintes diverses.

Septième principe, il faut augmenter la part des primes individuelles par rapport aux primes catégorielles. Aujourd'hui, si nos calculs sont bons, la part des primes modulables « selon la façon de servir de l'agent » représente seulement 2,4 milliards d'euros en 2005, soit 4 % des rémunérations d'activité. Il ne semble ni excessif ni abusif de se fixer un objectif de 10 %.

Huitième principe, il convient de réduire la conflictualité et l'absentéisme, ce qui passe par l'amélioration du climat social et de la confiance au sein des différents services publics.

Ces principes doivent guider une vraie politique de gestion des ressources humaines de l'État.

Je me félicite une nouvelle fois que ce débat ait lieu grâce à la loi organique relative aux lois de finances. Les charges de personnel, d'une part, et le poids de la dette, d'autre part, représentent 55 % des dépenses de l'État : cela mérite de solenniser un peu l'examen de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, me voici, pour la deuxième fois, amenée à intervenir, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, dans le cadre de ce débat sur les effectifs de l'État, qui prend désormais place lors de l'examen de l'article d'équilibre, et donc au moment du vote sur le plafond d'autorisations d'emplois.

Je rappelle tout d'abord que l'emploi public regroupait au 31 décembre 2004 plus de 5,1 millions d'agents, dont plus de 2,54 millions de personnels de l'État et 990 000 agents hospitaliers.

Les effectifs de la fonction publique n'ont cessé d'augmenter au cours des vingt dernières années - plus de 18 % entre 1984 et 2004 ! - et ils représentent 20 % des salariés français.

Comme je l'avais déjà souligné l'an dernier, nous disposons d'une bien meilleure perception des effectifs réels de l'État depuis quelques années, en particulier grâce à l'important travail mené par l'Observatoire de l'emploi public et, s'agissant de la fonction publique de l'État, grâce au remplacement, par la loi organique relative aux lois de finances, de la notion d'« emploi budgétaire » par celle d'« emploi rémunéré par l'État » exprimé en équivalents temps plein travaillé, les fameux ETPT.

L'article d'équilibre du projet de loi de finances pour 2007 fixe un plafond d'autorisations d'emplois à un peu plus de 2,3 millions d'agents, avec une réduction de plus de 40 000 équivalents temps plein travaillé par rapport au budget de 2006.

Plus de 24 000  équivalents temps plein travaillé sont ainsi supprimés du fait de la mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et des transferts de personnels - surtout les TOS, les techniciens, ouvriers et de service, et les agents des directions départementales de l'équipement - qui accompagnent ce deuxième acte de la décentralisation.

Une fois écartées les suppressions d'emplois pour mesures d'ordre ou découlant de la transformation du budget annexe des Monnaies et médailles, qui employaient 659 équivalents temps plein travaillé, en établissement public à caractère industriel et commercial, et conformément à ce qui avait été annoncé par le ministère de l'économie, le projet de loi de finances pour 2007 prévoit la suppression nette d'un peu plus de 15 000 équivalents temps plein travaillé, soit environ trois fois plus qu'en 2006.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Le ministère de l'économie connaît la plus grosse diminution d'effectifs avec une réduction de 3 000 équivalents temps plein travaillé.

Comme l'an dernier, tout en considérant que les suppressions d'emplois sont effectivement bienvenues pour l'équilibre budgétaire, compte tenu des charges de personnels pesant sur l'État, je rappelle qu'il est indispensable que cette baisse des effectifs s'accompagne d'une véritable réflexion sur le rôle que doit jouer l'État.

Nous ne pouvons nous permettre de développer une politique de réduction des effectifs de grande ampleur sans nous pencher au préalable sur les besoins humains de nos services publics afin qu'ils fonctionnent efficacement sur l'ensemble du territoire national.

J'ai d'ailleurs pu constater avec satisfaction que les réductions d'effectifs, qui demeurent encore une fois prudentes cette année, reposent concrètement sur les enseignements tirés par le Gouvernement des contrats pluriannuels de performance conclus par les ministères, ainsi que des audits de modernisation menés depuis 2005. Cette démarche correspond parfaitement aux convictions qui sont les miennes et que je viens de vous exposer.

En outre, comme beaucoup d'entre nous, j'estime que le nombre considérable de départs à la retraite d'agents publics ces prochaines années devrait offrir une bonne occasion pour mener cette réflexion approfondie sur les besoins de l'État en matière d'effectifs et pour recentrer le recrutement et la mobilité de ses personnels sur les services qui connaissent de véritables besoins. Je pense notamment aux personnels hospitaliers et à certains métiers de la justice, comme les greffiers. Cette réflexion me paraît absolument nécessaire.

Je voudrais également m'arrêter quelques instants sur l'importante vague de réformes que connaît actuellement la fonction publique, en pleine modernisation.

Tout d'abord, je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que les dispositions relatives au parcours d'accès à la fonction publique de l'État, territoriale et hospitalière, PACTE, à la suppression de la limite d'âge pour la quasi-totalité des recrutements dans la fonction publique et à l'instauration du CDI pour certains agents contractuels employés depuis plus de six ans sont désormais entrées en vigueur. Elles permettent une diversité accrue des recrutements et la réduction de la précarité de certains personnels.

Ensuite, d'importantes mesures sont actuellement en cours de mise en oeuvre, en application des accords signés le 25 janvier 2006 par M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, avec trois organisations syndicales représentatives, en matière de promotion professionnelle et d'amélioration des carrières, d'une part, et d'évolution de l'action sociale, d'autre part.

Deux importants projets de loi actuellement en cours d'examen par le Parlement devraient revenir au Sénat le 20 décembre prochain et, je l'espère, aboutir avant la fin de la législature. Il s'agit du projet de loi de modernisation de la fonction publique et du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale.

Ces deux textes constituent notamment la traduction législative des accords du 25 janvier 2006. Ils étendent aux fonctionnaires les dispositions déjà instaurées pour les salariés du secteur privé en matière de formation professionnelle par la loi du 4 mai 2004 et valorisent l'expérience professionnelle des agents, par sa prise en compte, tant lors de leur recrutement par certains concours que pour la promotion interne et l'avancement de grade.

Le projet de loi de modernisation de la fonction publique permet également d'améliorer la mobilité des agents publics, aussi bien entre les fonctions publiques qu'avec le secteur privé, en modifiant les règles de mise à disposition, en assouplissant les règles de déontologie et en favorisant le cumul d'activité et la création d'entreprise par ces agents.

S'agissant du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, il comprend de nombreuses mesures tendant à améliorer la gestion des ressources humaines.

J'évoquerai l'une d'entre elles. Sur l'initiative du Sénat lors de la première lecture de ce texte, un « collège des employeurs publics territoriaux » a été instauré. Formé des membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale siégeant en qualité de représentants des collectivités territoriales, il devra être consulté par le Gouvernement sur toute question de politique salariale ou relative à l'emploi public territorial. Nous pouvons être fiers d'être les initiateurs de cette disposition à laquelle la commission des lois a été particulièrement attentive.

En outre, le Gouvernement s'est engagé dans une considérable fusion des corps de l'État. D'après les informations qui m'ont été fournies, plus de 234 corps auraient ainsi été supprimés en 2006 sur les 1 200 que comptait jusqu'à présent la fonction publique de l'État.

La fusion des corps constitue, à mes yeux, un facteur essentiel de mobilité des agents et de souplesse pour la gestion des ressources humaines.

Enfin, je terminerai mon intervention en abordant l'essor de la rémunération à la performance au sein de la fonction publique de l'État.

Considérée comme un élément essentiel de la réforme de l'encadrement supérieur, la rémunération à la performance ne cesse en effet de se développer depuis quelques années.

Après avoir fait l'objet d'une expérimentation depuis 2004 pour les directeurs d'administration centrale de six ministères, elle est désormais étendue à tous les directeurs d'administration centrale depuis 2006.

En effet, une indemnité de performance a été instituée par un décret du 11 août 2006. Elle prend en compte les résultats obtenus par ces directeurs, au regard des objectifs qui leur ont été préalablement fixés, et ne peut dépasser 20 % des éléments de rémunération brute annuelle.

Il serait d'ailleurs très intéressant, monsieur le ministre, d'obtenir davantage d'informations sur les modalités concrètes de mise en place de cette rémunération à la performance des directeurs de l'administration centrale. Par exemple, selon quels critères la performance de l'agent est-elle en pratique mesurée ? Ou encore, dans quelle proportion s'effectue concrètement la modulation de la rémunération ? Une véritable distinction est-elle effectuée entre les directeurs ou bien s'agit-il simplement d'une nouvelle indemnité réservée à cette catégorie de personnels ? C'est une question qui mérite d'être posée.

Plusieurs dispositifs de rémunération au mérite ont également été mis en place dans d'autres ministères, notamment en tenant compte de la performance collective des services.

Ainsi, une indemnité est versée aux agents de la police et de la gendarmerie en fonction des résultats individuels et collectifs des agents d'un même service. D'après les chiffres annoncés par M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, lors de son audition par la commission des lois, un quart des effectifs de police, soit 36 000 agents, devraient percevoir en 2006 une prime de résultats exceptionnels, d'un montant moyen de 400 euros.

De même, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a instauré un système d'intéressement collectif

Si je pense effectivement que la prise en compte de la performance, personnelle et collective, peut avoir des vertus incitatives auprès d'un certain nombre d'agents, je rejoins toutefois les propos déjà tenus par mon collègue Pierre Fauchon lorsqu'il était rapporteur pour avis de la commission des lois sur le budget alloué au ministère de la fonction publique pour 2004, pour considérer que la mesure de cette performance n'est pas aisée et qu'il est difficile d'établir des critères suffisamment objectifs pour garantir une juste évaluation du mérite de chacun, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif.

En conclusion, je dirai que la fonction publique connaît actuellement, par petites touches, une modernisation et une rénovation de ses statuts qui, sans être une véritable révolution, lui permet d'évoluer dans le sens d'une plus grande maîtrise des effectifs et donc des dépenses et d'une adéquation entre les moyens humains et les besoins réels du service public. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 23 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour trente-cinq minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année, nous nous retrouvons pour débattre des effectifs de la fonction publique.

L'article 33 du projet de loi de finances pour 2007, dit article d'équilibre, fixe le plafond d'emplois publics au nombre de 2 307 664, plafond qui fera l'objet d'un vote global tout à l'heure.

Ce chiffre brut n'a pas grand sens. Ce qui est notable, en revanche, c'est que les effectifs de la fonction publique subissent leur cinquième baisse consécutive.

Après 993 suppressions en 2003, 4 537 en 2004, 7 392 en 2005 et 5 318 en 2006, ce ne sont pas moins de 15 019 emplois qui sont appelés à disparaître en 2007. Excusez du peu ! Le nombre des emplois supprimés en une seule année équivaut au nombre cumulé des suppressions déjà intervenues au cours de la législature.

Le rabot à effectifs a encore fait son office : nous assistons à la plus forte baisse depuis 2006 !

L'éducation nationale paie de loin le plus lourd tribut, avec une réduction de 7 103 emplois ! Cela se justifierait par des résultats d'audits menés sur les décharges de cours et par l'évolution de la démographie scolaire.

En cinq ans, ce sont 50 000 postes, dont 25 000 postes d'enseignants, qui auront été supprimés, tandis que les personnels TOS ont été transférés aux collectivités locales sans que les dotations compensent les charges.

Le soulèvement des banlieues à l'automne 2005 et la mobilisation contre le CPE invitaient à faire de l'école ce qu'elle doit être, une priorité absolue. L'occasion était donnée de diminuer le nombre d'élèves par classe, de mieux accompagner les élèves handicapés ou d'organiser des cours supplémentaires pour les élèves en échec scolaire. Or le Gouvernement procède à une régression sans précédent et réduit notre école à une simple variable d'ajustement budgétaire, ce qui est tout à fait inadmissible.

De manière plus générale, il poursuit sa vision comptable et libérale, considérant les fonctionnaires comme une charge, et non comme une richesse.

Ces suppressions de postes représentent 500 millions à 600 millions d'euros d'économie, somme certes importante, mais qui correspond à un choix politique : parallèlement, depuis 2002, le Gouvernement a permis 8,5 milliards d'euros de baisses d'impôt sur le revenu, dont 5,5 milliards profitent à seulement 10 % des contribuables.

À travers ces suppressions de postes, ce sont les services publics qui sont en jeu, leur rôle et leur importance dans la cohésion sociale et dans l'activité économique.

C'est particulièrement inquiétant au moment où il est nécessaire de fournir un effort dans les quartiers sensibles et de renforcer le service public dans le monde rural.

Élu de la Seine-Saint-Denis, j'ai participé avec une attention particulière aux travaux de la « mission commune d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années ».

Après dix mois d'auditions et de visites sur le terrain, son rapport a été publié le 6 novembre dernier. Il réhabilite un certain nombre de mesures mises en oeuvre par la gauche, puis supprimées ou fort malmenées par la droite, comme la police de proximité ou les zones d'éducation prioritaire, les ZEP. Il préconise d'encourager les fonctionnaires à venir exercer dans ces quartiers grâce à des abattements fiscaux.

Autant de prises de position fortes, mais qui vont à l'encontre des politiques désastreuses menées jusque-là, qu'il s'agisse de politique sécuritaire à outrance, de suppression des emplois-jeunes, de gels des crédits aux associations et, pour ce qui nous concerne plus précisément aujourd'hui, de coupes dans les effectifs de la fonction publique.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous expliquiez comment vous comptez articuler l'application des propositions formulées dans le rapport de la mission sur les quartiers en difficulté avec votre politique constante de taille dans les effectifs et de limitation draconienne des augmentations de salaires.

En effet, si les gouvernements de droite successifs ont bercé les agents de l'équation « moins de fonctionnaires égal plus de pouvoir d'achat », la réalité est tout autre. Moins de fonctionnaires, en effet, mais de politique salariale digne de ce nom, toujours pas !

L'ensemble des fonctionnaires n'aura pour solde de tout compte que 1,2 % d'augmentation en trois étapes, de juillet 2006 à février 2007, alors que l'inflation s'élève au minimum à 1,8 %.

Et ne nous opposez pas la mise en application des mesures issues de l'accord signé le 25 janvier dernier ! Il s'agit d'un accord minoritaire, signé avec seulement trois syndicats, et qui ne comporte qu'un volet social et un volet statutaire, pas d'accord salarial.

M. Jean-Jacques Hyest. Avant, il n'y en avait pas non plus !

M. Alain Lambert. Effectivement, sous le gouvernement Jospin, il n'y en avait pas !

M. Jacques Mahéas. En 1998, un accord salarial a été signé par les syndicats sous le gouvernement de Lionel Jospin !

M. Alain Lambert. Lesquels ?

M. Jacques Mahéas. Rappelez-vous cette date, s'il vous plaît, chers collègues !

L'action sociale ne saurait être revendiquée comme un élément de pouvoir d'achat ! Pour intéressants que puissent être le prêt « mobilité », l'aide à l'installation des personnels ou à la garde de jeunes enfants, ils ne concernent pas tous les agents !

Moderniser la fonction publique, ce n'est pas en réduire sans cesse les contours ! C'est avant tout définir les missions de l'État et celles de la fonction publique, ce qui n'est toujours pas fait.

Il serait également plus que temps de procéder à une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, dont vous n'avez toujours pas une connaissance précise. Souhaitons que la présentation d'un « jaune » budgétaire sur l'état des effectifs des agents publics permette enfin d'y parvenir.

S'il faut, bien évidemment, savoir s'adapter, la rationalisation et l'obsession de la performance trouvent assez vite leurs limites. Ne vous en déplaise, à vous qui avez créé les CDI de droit public, la fonction publique n'a pas vocation à fonctionner selon les règles du privé et à ne se soucier que de « gains de productivité » !

M. Alain Lambert. C'est dans l'intérêt de nos concitoyens !

M. Jacques Mahéas. Le décret du 11 août 2006 généralise, après expérimentation, l'indemnité de performance pour les directeurs d'administration centrale et les personnes exerçant des fonctions équivalentes.

Cette indemnité sera attribuée en fonction des résultats obtenus et ne pourra dépasser 20 % des éléments de la rémunération brute annuelle et individuelle. Cette prime additionnée aux primes dont bénéficient déjà ces hauts fonctionnaires pourrait, selon les syndicats, leur permettre de toucher un total de 10 000 à 20 000 euros de primes par an, soit près de 30 % du salaire de base.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce qui, évidemment, est contraire à votre égalitarisme !

M. Jacques Mahéas. Non, monsieur Marini, et, puisque vous m'interrompez, je vais vous répondre : il nous semble effectivement excessif que les primes puissent correspondre à 30 % d'un salaire de fonctionnaire.

Vous connaissez mon scepticisme quant à l'usage des primes à la performance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que vous ne considérez pas que les uns puissent travailler mieux que les autres !

M. Jacques Mahéas. Je vais insister sur ce point puisque vous ne semblez pas comprendre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne suis pas convaincu !

M. Jacques Mahéas. Eh bien, ce scepticisme est partagé dans une étude de l'École de hautes études commerciales intitulée Les limites de l'usage des primes à la performance dans la fonction publique que je tiens à votre disposition.

Cette étude montre que les indicateurs quantitatifs de performance individuels ne sont pas synonymes d'amélioration du service rendu et ne relèvent pas d'une logique de service public : « On ne saurait importer sans discernement les outils de gestion du privé dans le public sans mettre à mal [son] objectif égalitaire ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la raison pour laquelle il faut les utiliser avec discernement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et l'objectif est-il l'égalité ou l'efficacité ?

M. Jacques Mahéas. Si la LOLF représente un puissant levier de modernisation de l'État, elle n'en demeure pas moins un instrument au service d'une politique.

Votre projet politique se limite à faire de la suppression des effectifs, et donc des dépenses de personnel, une fin en soi. Il est à craindre que cela ne se traduise par une accélération de la réduction des missions de l'État et par le développement parallèle de la prise en charge des missions de service public par des entreprises privées.

L'externalisation par les administrations de certaines missions, pour être parfois tout à fait justifiée, permet aussi de faire sortir un certain nombre de personnes du périmètre des plafonds.

Ce souci absolu de réduction des dépenses de personnel, lié à la fongibilité asymétrique des crédits de personnel, pourrait également inciter au recrutement de non-titulaires, dont le coût est moins élevé pour le budget de l'État, et porter ainsi atteinte au statut de la fonction publique.

Les nouveaux dispositifs - schémas stratégiques de gestion des ressources humaines, audits, et même la mise en pratique de la LOLF - constituent tous d'excellents outils. Il est néanmoins inacceptable qu'ils ne soient utilisés que dans le but principal de réduire les effectifs de fonctionnaires, sans réflexion préalable sur le rôle de l'État.

Je le répète, aucun audit n'a été mené sur les missions dévolues à l'État ! Il serait pourtant logique de commencer par définir le périmètre et par cibler les missions qui y correspondent, puis d'adapter les effectifs aux besoins. Or, le Gouvernement délègue et externalise de plus en plus, sans procéder aux contrôles nécessaires, ce qui est très sensible dans des domaines aussi divers que l'hygiène alimentaire ou les contrôles routiers.

À l'heure actuelle, l'objectif de rendre le service public plus performant reste uniquement synonyme d'économie d'emplois et de réduction du périmètre de l'État. Le groupe socialiste ne pourra évidemment pas souscrire à une telle vision !

Par ailleurs, monsieur Marini, en tant que membre de l'UMP, vous avez suggéré au Gouvernement des orientations qui, certes, ne correspondent pas à celles qui sont suivies actuellement, mais qui pourraient vraisemblablement correspondre à celles qui seraient suivies s'il advenait que la majorité à laquelle vous appartenez continue à gouverner, et permettez-moi de vous dire que je suis très étonné. Selon vous, il serait ainsi normal de supprimer un fonctionnaire sur dix au cours d'une législature, mais dites-nous où : dans nos écoles, dans nos hôpitaux, dans nos commissariats, dans nos gendarmeries ?...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En revenant sur les 35 heures !

M. Jean-Jacques Jégou. C'est avec de telles questions qu'on ne fait rien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur Mahéas, puisque vous m'avez cité, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jacques Mahéas. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, mon cher collègue, car je crois que ceci enrichit nos échanges et les rend plus interactifs.

Je voudrais à mon tour vous poser deux questions.

D'abord, ne croyez-vous pas que nos concitoyens qui paient des impôts et règlent des prélèvements doivent avoir à l'égard de l'État la même exigence d'efficacité et de bon emploi des deniers que celle qu'ont, dans un autre monde, les actionnaires des compagnies privées à l'égard des dirigeants de ces dernières ?

Ensuite, croyez-vous que l'État doive être la seule organisation économique à ne pas faire des efforts d'efficacité alors que, partout dans le monde, toute chose change pour atteindre un meilleur niveau d'efficacité ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà les questions qui me paraissent centrales, tout le reste n'étant qu'idéologie.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Comme le bouclier fiscal ?...

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur Marini, vous entendez comparer le public au privé, mais permettez-moi de rappeler qu'il y a dans le privé des « ratés » extraordinaires, ce dont pourraient témoigner les actionnaires d'Eurotunnel, qui se trouvent dans l'impasse et n'ont pas les moyens d'exiger grand-chose de leur société ! Les exemples de ce genre abondent, mais je m'en tiens à celui-là parce qu'il est d'actualité. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame.)

Dans ces conditions, je l'affirme ici, opposer le public et le privé, en disant que le premier est parfait et que l'autre ne l'est pas, ou l'inverse, est antirépublicain.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes d'accord sur ce point !

M. Jacques Mahéas. Notre République repose sur un équilibre entre l'initiative privée, qu'il est nécessaire de reconnaître, et l'initiative publique, qui est de la responsabilité de l'État, donc du Gouvernement actuel. C'est pourquoi j'estime que vos propos sont byzantins.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai évoqué aucune querelle byzantine : le sujet est très délicat !

M. Jacques Mahéas. Par ailleurs, outre que vous trouvez normale la suppression d'un fonctionnaire sur dix, vous estimez qu'il serait facile de se séparer de quelques fonctionnaires en leur donnant une prime pour qu'ils s'en aillent vers le privé. Mais enfin, vous connaissez l'état actuel du marché du travail ! Vous ne comprenez donc pas que, malgré tout, il y a encore dans la fonction publique une certaine garantie du travail qui est tout de même positive pour les fonctionnaires ?

Vous avez attaqué de front les 35 heures...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Est-on dans les temps ?

M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, j'ai été interrompu,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et oui, c'est la règle : pendant l'interruption, la pendule s'arrête !

M. Jacques Mahéas. ...mais, si vous trouvez que le débat est trop long, vous pourrez abréger d'autant votre réponse !

M. le président. Poursuivez, monsieur Mahéas !

M. Jacques Mahéas. Il y a, bien sûr, des choses sur lesquelles nous pouvons discuter et être d'accord, mais il y a tellement de choses sur lesquelles nous sommes opposés !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est naturel dans le débat démocratique !

M. Jacques Mahéas. En tant que représentant de mon groupe, et peut-être aussi en tant qu'ancien fonctionnaire de l'éducation nationale - dont j'ai d'ailleurs vu les imperfections -, je suis un défenseur de la fonction publique et je pense qu'un État démocratique ne peut pas se passer de ses fonctionnaires.

M. Jean-Jacques Hyest. On n'a jamais dit ça !

M. Jacques Mahéas. Que tout au long de cette législature vous ayez considéré les fonctionnaires comme une variable d'ajustement du budget est donc infiniment regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. C'est inacceptable !

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, puisque M. le rapporteur général et Mme le rapporteur pour avis ont fait une présentation très complète des effectifs de la fonction publique, je vais me contenter de traiter d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la nécessité d'instituer une vraie politique de gestion des ressources humaines de l'État.

Je tiens cependant à dire, les intervenants qui m'ont précédé ayant au fond tous suggérer de faire un bilan de l'évolution des effectifs de la fonction publique à l'échelle de la législature, que ce ne serait en effet pas inutile, attendu le nombre d'emplois qui ont été créés sous la législature précédente.

À ce propos, monsieur le ministre, avez-vous, à ce stade de l'année, une estimation des ETPT, les équivalents temps plein travaillé, consommés en 2006 ?

Je voudrais également insister sur la nécessité de poursuivre nos travaux pour acquérir une parfaite connaissance et une prévision améliorée des compétences dont l'État aura besoin en fonction de l'évolution de ses missions, de ses métiers, de son organisation et de l'impact des nouvelles technologies.

Comme je l'ai annoncé, j'en viens, monsieur le ministre, à la nouvelle politique de gestion des ressources humaines de l'État.

Je souhaiterais d'abord savoir si nous partageons le même constat.

Pour ma part, je constate que le système actuel est à bout de souffle : avec plus de 2 millions de fonctionnaires répartis en 900 corps, il ne tient compte ni des besoins de l'employeur ni des aptitudes professionnelles des agents. Les règles actuelles conduisent à une sous-utilisation de nos ressources en freinant la mobilité, en ne permettant pas la gestion de proximité non plus que la rationalisation des services déconcentrés. Cette méthode aboutit à un dialogue social corporatiste, au détriment d'un vrai dialogue social centré sur les sujets propres au fonctionnement des services.

La structuration en corps contient en elle-même les antidotes au changement : elle alimente un corporatisme rétif à toute rationalisation du système qui conduit à l'échec des tentatives d'amélioration. Les fusions de corps, quoi qu'on en dise, progressent mais ne progressent quand même que très lentement. En outre, la prolifération des statuts d'emplois ne permet pas d'enraciner une culture fonctionnelle de la gestion.

À système inchangé, mon pronostic est qu'il serait : impossible de favoriser la mobilité choisie des personnels entre ministères et fonctions, mobilité sur l'importance de laquelle M. le rapporteur général insistait tout à l'heure ; impossible de modifier la répartition des recrutements entre les différents métiers pour tenir compte de la redéfinition progressive des missions de l'État ; impossible d'atteindre les objectifs de la LOLF, qui supposent que les responsables de programme aient plus de latitude pour choisir leurs collaborateurs dans un vivier plus large.

Aussi, une réforme d'ampleur me paraît urgente, et je pense que nous serons tous d'accord pour considérer qu'elle doit respecter le principe de la fonction publique de carrière. Il s'agirait donc d'englober dans cette réforme tous les fonctionnaires de l'État régis par les titres Ier et II du statut général des fonctionnaires, c'est-à-dire la plupart des fonctionnaires civils à l'exception des militaires, des magistrats et des fonctionnaires des assemblées parlementaires.

Quelles sont les pistes de renouvellement de la gestion de la fonction publique que nous pourrions ouvrir ensemble ?

Il faudrait d'abord que chacun accepte de sortir de ses postures classiques, celles du formalisme et de la rigidité, celles des débats sans fin sur l'évolution de concepts - emplois budgétaires, ETP, ETPT, etc. - dont, entre nous soit dit, personne ne mesure vraiment la portée et qui sont désormais à ranger au placard du passé.

Développons, en revanche, les systèmes d'information en matière de ressources humaines, les SIRH, pour lesquels nous avons pris un peu de retard, en favorisant leur interopérabilité et leur capacité à offrir une vision claire et exhaustive de ce que dépense l'État pour payer ses agents, ainsi que des compétences dont il dispose ou qu'il devra acquérir afin d'assurer ses missions.

D'ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous indiquiez quel est l'état d'avancement de la réforme de la paye et de la convergence des SIRH.

L'État doit impérativement se fixer des objectifs en termes de maîtrise pluriannuelle de la masse salariale. En effet, le cadre purement annuel ne permet pas à nos gestionnaires de remplir leurs missions dans de bonnes conditions, me semble-t-il.

Il est également urgent de faire davantage confiance au terrain et de donner de plus grandes libertés aux gestionnaires locaux, en matière de dialogue social, de gestion des ressources humaines - c'est d'ailleurs là une contrepartie normale, qui est attendue, presque avec désespoir, par le terrain -, et de rémunération, l'ensemble de ces règles s'inscrivant dans un cadre national suffisamment large et général pour ne pas étouffer l'initiative locale.

Le regroupement des corps au sein d'espaces statutaires élargis est la clé de ce changement, me semble-t-il. Il permettrait non seulement de favoriser la mobilité et l'adéquation entre les profils et les postes, mais également de renforcer les capacités managériales des gestionnaires ministériels. Il s'agirait de substituer à l'actuelle nébuleuse de la fonction publique une organisation regroupant les 900 corps existant en une trentaine de cadres statutaires, dont chacun se situerait à l'intersection d'une grande filière professionnelle. L'appartenance à un tel cadre garantirait aux agents des règles communes de déroulement de carrière et une vocation à occuper de nombreux emplois.

La gestion se verrait simplifiée, grâce à la réduction du nombre et du poids des procédures, à la déconcentration, qui deviendrait dès lors possible, et à la rénovation du dialogue social, enfin délivré des questions corporatives de carrières et de statuts. Les délais entre l'apparition et la satisfaction d'un besoin de recrutement s'en trouveraient immédiatement diminués.

Dans le même temps, la logique de l'emploi se verrait renforcée. Le vivier des candidats aux emplois s'ouvrirait beaucoup plus largement qu'aujourd'hui. Les responsables de programmes LOLF pourraient y puiser, afin de trouver la personne dont le profil répondra le mieux aux exigences de l'emploi et qui pourra être affectée directement et simplement sur le poste. Une telle réforme inviterait à poursuivre et à approfondir le travail de définition de référentiels de métiers déjà engagé.

La logique des filières professionnelles appelle, évidemment, une gestion des concours par spécialité, sans empêcher pour autant une gestion des carrières par cadre statutaire.

En regroupant les personnels au sein de vastes ensembles, la réforme pourrait mieux séparer l'appartenance statutaire et les fonctions exercées, en leur conférant une plus grande importance.

La rémunération des fonctionnaires pourrait prendre en compte trois facteurs, à savoir l'indice, le poste et la performance individuelle ou collective selon le niveau d'emploi des personnels.

Monsieur le ministre, accordons aux gestionnaires les moyens d'exercer la plénitude de leurs compétences managériales à l'égard des fonctionnaires, en limitant les tâches de gestion purement administratives des carrières, afin de permettre le développement d'une véritable fonction « ressources humaines » dans l'administration, la gestion centrale veillant, quant à elle, à préserver la mobilité des agents.

Dans cette perspective, n'oublions pas non plus des facteurs aussi importants que la nécessaire réforme de la haute fonction publique et de l'ENA, l'Ecole nationale d'administration, la formation initiale - dont l'appareil est coupé de l'Université ! -, la formation continue - pour favoriser les adaptations - et les modalités de récompense des agents qui accomplissent des efforts supplémentaires pour s'ouvrir des évolutions de carrière.

La fonction publique doit s'engager résolument sur la voie ouverte par la LOLF et s'adapter au nouveau mode de fonctionnement de l'État. Il lui faut abandonner les postures juridiques et la défense d'un statut qui offre déjà certaines souplesses pour passer à une approche managériale et à une vraie association entre liberté et responsabilité.

Enfin, j'exprime l'espoir qu'une telle réforme donnera un second souffle au dialogue social. La dispersion actuelle des corps se traduit par un nombre très élevé de commissions administratives paritaires, qui mobilisent des moyens matériels et humains très importants, pour des résultats somme toute peu satisfaisants, tant pour l'administration que pour les agents.

Voilà, monsieur le ministre, la contribution que le groupe UMP voulait apporter à cet enjeu vital qu'est la modernisation de la gestion des ressources humaines de l'État, car après tout, je le répète, il s'agit là du capital le plus précieux dont disposent l'État et la Nation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, nous sommes amenés à débattre de la question sensible des effectifs de la fonction publique.

La baisse des effectifs s'accentue en 2007, avec une ampleur sans précédent, puisque 15 000 postes sont supprimés, soit trois fois plus qu'en 2006.

Il est prévu de dégager ainsi entre 500 et 600 millions d'euros d'économies. Presque tous les ministères sont touchés, sauf ceux de l'intérieur, de la justice et de la jeunesse et des sports, mais les principales victimes de ce resserrement budgétaire sont l'éducation nationale et l'enseignement scolaire, qui compteront 8 700 postes supprimés.

Après eux, les ministères de la défense, de l'économie et des finances, des transports et des affaires étrangères sont les administrations qui connaissent la baisse la plus massive de leurs effectifs.

La gestion des ressources humaines se résume à une réduction draconienne du personnel, afin de réaliser des économies budgétaires

Il est vrai que la situation financière de la France n'est pas brillante. L'État connaît un déficit de 42,7 milliards d'euros. La croissance a stagné au troisième trimestre dans notre pays. Un ralentissement économique plus important que prévu remet en cause l'optimisme affiché cet été par le Gouvernement et le ministre de l'économie et des finances, qui tablaient sur une croissance annuelle de 2 % à 2,5 %.

En août dernier, Thierry Breton se félicitait et affirmait : « L'économie française va mieux, elle va bien, elle va même très bien ». (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il a raison !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pourtant, selon l'estimation publiée le vendredi 10 novembre dernier par l'INSEE, la hausse du produit intérieur brut a été nulle au troisième trimestre de cette année, après un accroissement de 1,2 % au deuxième trimestre et de 0,5 % au premier trimestre.

Notre méfiance est d'autant plus aiguisée que le Gouvernement présente la réduction des effectifs de fonctionnaires comme inéluctable afin de réduire le déficit budgétaire, alors que, dans le même temps, il a fait cadeau aux entreprises de 20 milliards d'euros d'exonérations de charges sociales en 2006 !

Monsieur le ministre, la dette de l'État est-elle grevée par les effectifs des fonctionnaires ou par la multiplication des cadeaux fiscaux et autres exonérations de charges offertes aux entreprises et aux ménages les plus riches ? Cette question mérite d'être posée.

En l'occurrence, la réduction du déficit de l'État dépend de choix idéologiques clairement formulés par le Gouvernement depuis 2002. Ce dernier utilise comme arguments la réforme de l'État, la mutualisation de certaines tâches de gestion ou encore les gains de productivité dégagés, afin de justifier les réductions d'effectifs prévues dans le projet de loi de finances pour 2007.

Est-ce un hasard si le vocabulaire utilisé, tel que l'expression « gains de productivité », par exemple, se rapproche de celui qui est utilisé dans une logique de marché, propre au secteur privé ?

Est-ce un hasard également si, dans un article paru dans Le Monde en septembre dernier, donc tout récemment, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, s'interroge en ces termes : « Une dépense sert-elle l'intérêt général ? Le projet qu'elle finance peut-il être réalisé à moindre coût ? Pourrait-il être rendu par une autre administration ou - et là son propos va crescendo - confié au secteur privé ? » En quelques mots, la philosophie du Gouvernement s'agissant de la fonction publique est ici entièrement dévoilée : l'objectif visé est de confier progressivement les missions de service public au secteur privé.

France Télécom, La Poste, Areva, EDF et aujourd'hui GDF sont autant d'entreprises qui assuraient des missions de service public et qui sont aujourd'hui privatisées ou transformées en sociétés anonymes, et donc soumises aux règles des marchés financiers.

Il en est de même pour l'ANPE qui, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, a perdu son monopole du placement des demandeurs d'emploi, et qui doit aujourd'hui partager cette mission avec les agences de placement privées, sans que le chômage soit résorbé pour autant !

Le Gouvernement étiole les services publics. Par conséquent, est-il étonnant qu'il opère une coupe claire dans les effectifs ?

Moderniser la fonction publique ne signifie pas obligatoirement supprimer à l'aveugle des postes de fonctionnaires. C'est aussi améliorer les services publics et l'accueil des usagers, répondre aux besoins, garantir les missions de l'État, voire en créer de nouvelles, et donc préserver la fonction publique et son statut.

Réduire les effectifs revient à affaiblir la qualité et l'essence même du service public, au détriment de l'usager et des besoins à satisfaire.

Nous pouvons déjà constater les effets en cascade des précédentes diminutions d'effectifs. Nombreux sont les services publics de proximité qui ont dû fermer : les perceptions et les bureaux de poste font les frais des restrictions budgétaires gouvernementales, et déjà apparaissent cruellement des inégalités territoriales dans l'accès aux services.

L'éducation nationale souffre de ces réductions d'effectifs et de moyens financiers, qui suscitent des effets désastreux : des postes d'enseignants sont supprimés, puis des heures de cours, puis il devient impossible d'accueillir les élèves.

Monsieur le ministre, qu'en sera-t-il avec les 8 700 postes supprimés en 2007 dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire » ? Vous comprendrez que notre inquiétude est grande, et elle est d'ailleurs partagée par toute la sphère éducative.

D'autant que la LOLF permet aux ministères d'aller beaucoup plus loin. En vertu des nouvelles règles budgétaires, libre à eux d'embaucher moins et de consacrer les sommes ainsi économisées à du matériel informatique ou à une réfection des locaux ; l'investissement dans le capital humain devient rare !

La preuve est apportée que les effectifs de fonctionnaires constituent une variable d'ajustement budgétaire pour les ministères et, plus largement, pour le Gouvernement.

Il est regrettable que le Gouvernement ne concentre pas plutôt ses efforts sur l'amélioration de l'accès des femmes aux emplois supérieurs, sur la création de postes ou sur la réduction de la précarité.

En effet, loin de s'améliorer, l'accès des femmes aux emplois supérieurs de la fonction publique recule. Nous déplorions déjà cette situation l'année dernière, et nous regrettons de constater que, aujourd'hui encore, le Gouvernement ne prend aucune mesure concrète pour inverser cette tendance.

Les femmes, déjà durement touchées par la précarité - elles représentent, par exemple, les deux tiers des contrats courts passés dans la fonction publique - n'accèdent pas plus qu'auparavant aux emplois supérieurs.

Selon l'INSEE, dont les derniers chiffres en la matière datent certes de 2003, mais indiquent malgré tout une tendance nette, le pourcentage de femmes dans les principaux emplois de direction et d'inspection à la décision du Gouvernement a diminué : elles étaient 13,1 % au 31 décembre 2002 et ne sont plus que 11,9 % à la fin du mois de décembre 2003.

Monsieur le ministre, si je ne m'abuse, vous aviez à coeur de favoriser l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique. Or les chiffres que je viens de citer concernent des nominations décidées par le Gouvernement !

De manière générale, les femmes n'occupent, tous ministères confondus, que 17,4 % des emplois de direction et d'inspection, alors qu'elles représentent un peu plus de la moitié des effectifs totaux.

La création d'un CDI, contrat à durée indéterminée, dans la fonction publique n'a pas eu d'incidence sur la lutte contre la précarité. Nous avions ici même dénoncé les effets pervers de ce type de contrat, qui ne garantit ni un emploi pérenne ni une progression de carrière et qui déroge au statut de la fonction publique. De fait, la confusion la plus totale règne sur ces contrats.

Avec le projet de loi de finances pour 2007, le Gouvernement se drape dans le manteau de la rigueur. Il fragilise ainsi le service public, puisque des pans entiers d'activités seront livrés à la concurrence marchande. Nous ne pouvons masquer notre désapprobation face à une telle accélération de la réduction des effectifs de la fonction publique.

L'argument selon lequel ces suppressions d'emplois seraient nécessaires afin de réduire le déficit de l'État n'est pas convaincant. Il est même fallacieux.

Ce sont plutôt les exonérations de charges et les allégements fiscaux consentis année après année par le Gouvernement qui grèvent d'autant les finances de l'État, alors que les sommes qui y sont consacrées offriraient une marge budgétaire bien plus importante que la réduction des effectifs de la fonction publique.

D'un côté, entre 500 et 600 millions d'euros d'économies sont réalisés en déstructurant les services publics, donc en dénigrant les besoins de tous ; de l'autre, 6 milliards d'euros d'allégements fiscaux sont accordés à travers le plafonnement de la taxe professionnelle, l'instauration du bouclier fiscal ou encore la refonte du barème de l'impôt sur le revenu.

Si l'on ajoute à cela les 20 milliards d'euros que représentent les exonérations de charge, le manque à gagner commence à être élevé. L'État et les collectivités locales perdent des recettes.

Après cette démonstration chiffrée, qui pourrait encore soutenir que les choix de ce gouvernement ne sont pas idéologiques ? S'attaquer à la fonction publique ainsi qu'il le fait, ce n'est rien moins qu'entériner sa volonté de remettre en cause à court terme l'ensemble des services publics. Il s'agit d'un choix gouvernemental, mais peut-être est-ce également une erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaiterais, monsieur le ministre, vous poser une question au sujet des effectifs de la fonction publique d'État.

Comme vous l'avez mentionné, j'ai eu l'occasion de rendre public un rapport relatif aux audits que vous avez très opportunément lancés. Je n'ai pas manqué de rendre hommage à cette action, qui contribue à la transparence et permet à chacun d'être davantage en mesure de porter une appréciation sur la gestion publique.

J'ai cependant noté l'absence d'un audit transversal sur la gestion des ressources humaines et les politiques de rémunération, sur le temps de travail et la gestion des corps.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et sur l'absentéisme...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Selon moi, il est nécessaire de lancer prioritairement un audit sur ce qui représente 40 % du budget de l'État. Je suis convaincu que, d'un ministère à l'autre, d'un corps à l'autre, les temps de travail sont extrêmement divers. Il est urgent d'y mettre bon ordre. Nous n'avons pas une idée très précise de ce qui se passe dans ce monde.

Il ne s'agit pas de suspicion. Il faut être très clair : comme chacun ici, je suis convaincu que la fonction publique recèle des trésors de productivité, d'imagination, de créativité.

Toutefois, on reste enfermé dans des conventions parfois occultes. Il est donc nécessaire de faire respirer le monde de la fonction publique ; il me semble qu'il serait bon de conduire un audit et de le mettre, comme d'habitude, en ligne.

Il serait bon que les syndicats eux-mêmes acceptent de faire mouvement : ils s'exposent parfois à une caricature de la fonction publique. Il n'est pas convenable de tolérer des attitudes qui ne font pas honneur à la fonction publique.

Les responsables des différents ministères ont accepté des conventions. Je donnerai l'exemple des techniciens, ouvriers et de services de l'éducation nationale. J'ai désormais la conviction que ce corps n'était absolument pas géré. Des conventions s'établissaient, le recteur ne voulait pas de problèmes, ni les syndicats, ni personne, mais ce corps n'était pas géré. Cela représentait un réel gaspillage de ressources humaines.

Je me permets donc d'insister sur ce point, monsieur le ministre - il sera dit que pas une journée n'aura passé sans que je rende hommage aux audits que vous lancez -, je souhaiterais vraiment que vous lanciez une mission transversale sur les équivalents temps plein dans la fonction publique, pour que l'on y voit clair.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. À l'issue de ce débat sur la fonction publique et ses effectifs et après vous avoir écoutés, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions relatives aux sujets que vous avez évoqués.

En préalable, je m'avouerai quelque peu gêné : certains sujets concernent plus le ministre de la fonction publique, mon collègue Christian Jacob, que le ministre délégué au budget.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pourquoi n'est-il pas là ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit d'un malentendu : l'année dernière, le débat était essentiellement orienté sur la seule question des effectifs, mais la portée de ce débat est aujourd'hui bien plus grande, et je m'en réjouis. À l'avenir, nous devrons avoir une approche plus globale de la question et nous pencher à la fois sur la question du budget et sur celle de la fonction publique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons invité M. le ministre de la réforme de l'État ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ne m'engueulez pas,...

M. Jean-Jacques Jégou. C'est pour justifier votre présence !

M. Alain Lambert. On vous accorde tous les pouvoirs !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...je vous ai donné cette précision par courtoisie. En cet après-midi du troisième jour de débats ininterrompus, il me semble que nous connaissons une forme de complicité amicale et sympathique : je ne voulais en aucun cas me montrer désobligeant...

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. C'est une préparation au poste de Premier ministre !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur Arthuis.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M le ministre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous serions effectivement heureux de rencontrer M. le ministre de la fonction publique. Il se charge naturellement de la fonction publique d'État, mais il se charge également de la fonction publique territoriale.

Les décisions qu'il prend font évidemment plaisir aux représentants de la fonction publique territoriale mais, en définitive, ce n'est pas lui qui fait le chèque.

Je le sais, vous avez la conviction que la décentralisation doit vivre, qu'elle doit répondre à une exigence de responsabilité. Alors, de grâce, voulez-vous dire à M. Christian Jacob - et nous le lui dirons nous-mêmes si, par hasard, nous le voyons pendant la discussion des crédits et des missions - qu'il lui faut cesser de décider à la place des élus territoriaux et qu'il devrait plutôt s'occuper de la gestion de la fonction publique d'État. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'il se charge moins de la gestion des collectivités locales !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Voilà une excellente introduction à mon intervention, monsieur le président Arthuis ! J'allais vous en dire un mot et vous me tendez là une perche que je vais m'empresser de saisir. Auparavant, vous me permettrez de faire observer que j'ai bien compris que cette remarque ne s'adressait pas plus à M. Christian Jacob qu'à ses innombrables prédécesseurs : c'est une grande tradition, et M. Lambert, qui a exercé les fonctions qui sont aujourd'hui les miennes, comprend ce que je veux dire.

Nous avons la chance d'avoir en M. Christian Jacob un excellent ministre de la fonction publique.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est très attentif à la qualité du dialogue social, et nous nous en réjouissons chaque jour, car ce sujet n'est jamais facile à appréhender.

J'aborderai à présent les différents points que vous avez évoqués, mesdames, messieurs les sénateurs.

La question de la réduction des effectifs de la fonction publique, tout d'abord, se situe bien dans le cadre des fonctions qui m'incombent. À mes yeux, cette question est, parmi d'autres, une clef du redressement des finances publiques.

Durant ces vingt dernières années, malgré la décentralisation, les effectifs de la fonction publique de l'État ont augmenté de 210 000 emplois en équivalents temps plein : 130 000 dans les ministères et 80 000 dans les établissements publics.

Dans la loi de finances pour 2006, les dépenses de personnel des ministères représentaient 118 milliards d'euros, soit 52 % du budget général, hors charge de la dette, contre 45 % quinze ans plus tôt. Si cette tendance se poursuivait, dans dix ans, ce ratio serait porté à 63 %. Je n'en dirai pas davantage : chacun comprend que si l'État ne maîtrise pas ses dépenses de personnel, les moyens consacrés aux dispositifs d'intervention et aux investissements seront petit à petit grignotés. On pourra expliquer que l'on veut désendetter le pays et maîtriser la dépense publique, mais on ne parviendra à rien.

Il est cependant évident que la réduction des effectifs de la fonction publique ne peut constituer une fin en soi. Le dire n'aurait pas de sens. Il s'agit plutôt d'imaginer et de se donner les moyens de fixer une norme, en veillant à ce que celle-ci soit progressivement respectée.

Monsieur le rapporteur général, dans votre excellent exposé, vous avez expliqué qu'un recrutement évité dans un ministère équivalait à long terme à une réduction de 1 million d'euros des dépenses de personnel de l'État, tous salaires et pensions cumulés. C'est le chiffre auquel j'aboutis également.

En clair, 15 000 recrutements non effectués, ou 15 000 départs à la retraite non remplacés, ce que prévoit le présent projet de loi de finances, équivalent à 15 milliards d'euros d'économie. Je le précise pour que chacun soit bien conscient que le Gouvernement a eu le courage d'inverser la tendance.

À cet égard, je rappellerai quelques chiffres : alors qu'entre 1998 et 2002 nos prédécesseurs avaient créé près de 50 000 emplois, depuis 2002, plus de 33 000 emplois ont été supprimés dans les ministères. De ce point de vue, nous suivons une démarche très différente de celle qu'évoquait M. Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Bien sûr !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour lui, la bonne gestion repose sur l'augmentation des effectifs.

M. Jacques Mahéas. Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour nous, la bonne gestion consiste à affecter des personnels là où ils sont nécessaires, pour que le service public soit le meilleur possible. Il y a donc des secteurs où plus d'effectifs sont nécessaires et d'autres où il en faut moins. Ce qui nous anime ici c'est non pas l'idéologie mais le pragmatisme, comme en toutes choses.

La loi de finances pour 2006 prévoyait un effort de réduction des effectifs un peu inférieur à celui de 2005, en raison de la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

Maintenant, pour la première fois, du fait de la LOLF, le mode de gestion des effectifs de l'État a radicalement changé. La notion de plafond ministériel d'autorisations d'emplois constitue un progrès considérable.

En conséquence, nous pouvons constater à cette époque de l'année que, de manière générale, les ministères n'ont pas atteint les plafonds d'autorisations d'emplois, qui, comme leur nom l'indique, représentent bien des plafonds, et non des objectifs.

Je suis de ce fait en mesure de vous annoncer, et je réponds ainsi à la question de M. Lambert, que les rapports annuels de performances qui seront joints au prochain projet de loi de règlement seront l'occasion de mettre en évidence un écart significatif entre les plafonds d'autorisations d'emplois et la réalité des effectifs des ministères. L'idée selon laquelle la LOLF permet de faire de l'État une maison de verre trouve ici un point d'application majeur, tant il est vrai que des années durant on était incapable de chiffrer la réalité des effectifs de l'État, chacun le sait.

Pour 2007, les choix en matière d'effectifs aboutissent à une nouvelle réduction nette du plafond global puisque, je l'ai dit, il s'agit de 15 000 emplois en équivalents temps plein travaillé. Ce plafond, si vous l'approuvez, s'établira à 2 283 255 équivalents temps plein travaillé, compte tenu notamment du transfert aux départements et aux régions de 48 600 équivalents temps plein travaillé, en application de la loi sur la décentralisation.

M. Marini s'interrogeait sur les emplois des opérateurs et se demandait pourquoi ils n'étaient pas décomptés dans le plafond d'emplois de l'État arrêté en loi de finances.

Je rappellerai que, dès lors que l'article 34 de la LOLF précise que la loi de finances de l'année fixe le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État, il n'y a pas lieu d'intégrer à ce plafond les emplois des opérateurs, pour une évidente raison juridique : les opérateurs sont dotés de l'autonomie juridique et financière, et ils sont donc distincts de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Modifiez le droit !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est vrai que cela empêche l'intégration juridique, mais cela n'interdit pas pour autant la consolidation de l'information. Je ne vois donc que des avantages à ce que l'on procède ainsi, en toute transparence.

Le Parlement peut disposer ainsi de deux sources d'informations : la partie relative aux opérateurs de chaque projet annuel de performances et le « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs. Pour la première fois, le Parlement dispose donc d'une vision agrégée des 798 opérateurs de l'État. À l'occasion d'une prochaine modification de la LOLF, cet élément très important devrait conduire à fixer un plafond par opérateur, ce qui est préférable à l'information, même quelque peu édulcorée.

Comme vous l'a indiqué le Gouvernement lors du débat d'orientation budgétaire, la réduction du plafond des emplois autorisés dans les ministères s'appuie sur deux éléments : les contrats pluriannuels de performance et les audits. M. Arthuis l'a rappelé et je tiens à le confirmer, ce sont là des outils majeurs pour identifier les économies et les gains de productivité réalisables.

Je pense par exemple à l'audit des téléprocédures dans la politique agricole commune et à ce qui a été fait au ministère de la défense, avec la diminution des plafonds d'autorisations d'emplois, ou à l'éducation nationale.

En vous écoutant, monsieur Mahéas, il m'a semblé que nous n'avions pas tout à fait la même vision des choses, y compris sur ce thème.

M. Jacques Mahéas. Effectivement !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons vraiment là une divergence majeure. À votre différence, je considère que l'on ne peut dire d'un gouvernement qu'il est bon parce qu'il a considérablement augmenté les effectifs, ou parce qu'il les a beaucoup diminués. Dans les deux cas, cela ne ressemble à rien.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce qui me paraît aujourd'hui important, c'est d'affecter les personnels où ils sont nécessaires. Pour ce faire, il faut des instruments de mesure transparents, opérationnels, factuels et objectifs. C'est tout l'intérêt des audits de modernisation ou des contrats d'objectifs et de moyens, qui permettent de déterminer précisément l'évolution des objectifs, au fonctionnaire près. C'est un changement majeur.

La démarche que j'ai entreprise dans ce domaine n'est pas celle d'un « rabot à effectifs », c'est plutôt celle d'un « anti-rabot ». En effet, nous avons eu à coeur de travailler en tenant compte précisément des réalités.

J'en viens aux propos de Mme Josiane Mathon-Poinat sur l'éducation nationale.

L'audit réalisé sur l'organisation des concours et des examens à l'éducation nationale montre qu'une réduction de cinq cents emplois équivalents temps plein est possible. Pourquoi s'en priver, puisque cela répond à une logique de bon sens qui n'a rien d'idéologique ?

Par ailleurs, il faut tenir compte de la réalité démographique. Dès lors que les élèves sont plus nombreux dans le primaire, il est normal d'augmenter les effectifs d'enseignants dans ce secteur. En revanche, si leur nombre baisse dans le secondaire, il est tout aussi logique de réduire le nombre de professeurs pour ce cycle.

S'agissant de l'audit sur les décharges de service, madame Mathon-Poinat, monsieur Mahéas, que l'on soit de droite ou de gauche,...

M. Jean-Jacques Jégou. Ou du centre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... on peut tout de même s'accorder sur le fait qu'il s'agit non pas seulement d'afficher un objectif global en centaines de milliers d'emplois, mais de s'assurer que chaque emploi est bien occupé.

Quand un audit objectif révèle que des professeurs n'enseignent pas, ne faut-il pas se demander si un redéploiement ne serait pas judicieux ou si le remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite s'impose ?

En 2006, il doit être possible de poser ces questions sans déclencher protestations, grèves, contestations et désinformation. Et l'on peut même espérer qu'une gauche moderne ne soit pas le relais systématique des revendications syndicales, dont on peut comprendre la rigidité d'un certain point de vue, mais qui n'ont absolument pas de sens dès lors que nous avons une approche pragmatique des problèmes, et que, dans le même temps, nous augmentons les effectifs là où c'est nécessaire. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école en est la preuve, et Gilles de Robien le démontre chaque jour.

Madame Gourault, vous souhaitez que la baisse des effectifs ne soit pas engagée sans une réflexion sur les missions de l'État. Je vous rejoins : je suis « gouraultiste » dans cette affaire ! (Sourires.) Comme vous, je pense que rien n'est pire qu'une approche idéologique.

Mme Jacqueline Gourault. C'est parfait !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'aurais mauvaise grâce à fustiger l'idéologie de gauche, qui consiste à considérer a priori - et cela dure depuis deux cents ans - qu'une politique est mauvaise si elle ne génère pas tous les ans son lot de création d'emplois supplémentaires dans l'administration, et même à faire croire - discours ô combien ! anxiogène - que l'administration sera moins efficace si cette augmentation n'a pas lieu,...

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il y a des besoins à satisfaire !

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... si je ne reconnaissais pas, dans le même temps, que baisser les effectifs pour le plaisir est tout aussi ridicule. S'il importe d'affecter des effectifs là où c'est nécessaire, il n'est pas utile de remplacer les départs à la retraite dans un certain nombre de secteurs ; les résultats des audits le prouvent. Dès lors, 15 000 fonctionnaires ne seront donc pas remplacés.

M. Jacques Mahéas. Les plans de réussite éducative sans enseignants !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nos positions se rejoignent donc sur ce sujet, madame Gourault. Un de plus ! Les différentes étapes qui jalonnent l'examen de ce projet de loi de finances pour 2007 révèlent combien les points d'accord entre votre groupe et l'UMP sont nombreux. Cela me donne à penser que cette convergence se traduira favorablement au moment fatidique du vote.

Vous avez par ailleurs rappelé l'ensemble des actions conduites par le Gouvernement en matière de fonction publique. Christian Jacob y reviendra au moment de l'examen des crédits rattachés à son ministère, notamment pour ce qui concerne le fait de travailler sur l'action sociale, de faciliter la mobilité, etc.

M. Lambert a évoqué un certain nombre de pistes de réflexion pour l'avenir. Il connaît bien ces sujets, en particulier ceux qui concernent les processus de gestion de carrière, la fusion des corps - elle est indispensable -, les processus de gestion des rémunérations. Tout cela doit progresser et prospérer.

Nous devons réfléchir ensemble à la réforme des cadres statutaires que vous appelez de vos voeux, monsieur Lambert. Mais - je m'adresse à l'ancien ministre du budget, qui connaît tout cela parfaitement - cela coûte beaucoup d'argent ! Il faudra donc étudier comment l'intégrer en conciliant les contraintes budgétaires de court terme avec l'intérêt du moyen terme. C'est là un rendez-vous majeur.

M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, j'attache une grande importance au fait que le ministre délégué à la réforme de l'État soit très impliqué. Je n'en fais pas une affaire d'individu : vous avez vous-même souligné que le ministre de la fonction publique était excellent. Je partage tout à fait votre jugement, tant sur sa personne que sur sa manière de gérer ses attributions.

La question n'est pas là ! Vous le savez, j'ai occupé les fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; je n'étais pas ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, comme vous l'êtes aujourd'hui : les missions qui vous sont confiées sont donc plus larges que celles que j'ai eues à connaître. À ce titre, il me paraît capital que vous jouiez un rôle majeur dans la modernisation de la gestion publique par la performance.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous m'avez devancé, monsieur Lambert, car j'allais y venir ! En effet, le rapprochement du ministère du budget avec celui de la réforme de l'État donne une force de frappe beaucoup plus efficace à l'action gouvernementale. Nous avons tous deux activement oeuvré en ce sens. Cela constitue un changement fondamental non seulement dans la manière d'appréhender les effectifs de la fonction publique mais, plus globalement, dans la gestion humaine.

Les missions d'audits ont été un élément de réflexion majeur : nous voyons ainsi se dessiner les pistes de modernisation de la fonction publique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. De ce point de vue, c'est donc un chantier essentiel. J'en donnerai deux exemples concrets, monsieur Lambert, ce qui me permettra de répondre en partie au président de la commission des finances.

Pour l'instant, deux audits sont en cours sur les effectifs de la fonction publique : le premier porte sur la paye, que nous sommes en train de réformer, et le second vise les systèmes d'information des ressources humaines. Il s'agit de deux audits parmi d'autres ! Ce sont là des premières pistes très intéressantes. J'ai bien noté vos suggestions en la matière, que je trouve excellentes.

J'ai lancé une série transversale d'audits de modernisation dans tous ces domaines. Les résultats, rendus publics à la fin du mois d'octobre dernier, nous ont permis de connaître les considérables marges de manoeuvre que nous avions à notre disposition. J'ai demandé à Christian Jacob de travailler avec nos services sur cette question afin de réfléchir à un opérateur chargé de la paye et de la convergence des systèmes d'information des ressources humaines.

Je mesure le privilège que représentent mes attributions un peu élargies. Passer de la réforme budgétaire à la réforme de l'État, c'était la logique même, mais il n'était sans doute pas possible de le faire plus tôt. Toutefois, cette transition a permis des évolutions significatives, y compris dans la capacité du ministère du budget et de la réforme de l'État à introduire dans chaque ministère le virus positif de la réforme de l'État. (M. Alain Lambert acquiesce.)

Je profite d'ailleurs de cette occasion, monsieur Lambert, pour vous dire combien je tiens à ce que les résultats et la dynamique de ces audits, qui doivent être un pilier clé pour moderniser l'État, aient toute leur place dans le grand débat qui nous attend dans les semaines et dans les mois à venir. Si je conçois que l'on veuille des ruptures dans de nombreux domaines, je souhaite, sur ce point, non pas une rupture mais une amplification !

Bien plus que de simples expérimentations, il s'agit d'une véritable hygiène de vie : on doit pouvoir faire des audits comme on fait du sport ! Il faut que l'État soit en permanence en situation de mieux se connaître et de réagir rapidement sur la manière de moderniser son fonctionnement, y compris avec des réformes de structures. Là encore, je sais que nos positions se rejoignent, monsieur Lambert.

Je conclurai en répondant aux huit principes qu'a mentionnés M. le rapporteur général.

Premièrement, je fais mienne l'exigence d'une meilleure articulation entre la modernisation des administrations et la réduction des effectifs. Les audits participent de la même démarche et nous entendons poursuivre ce travail.

Deuxièmement, je ne suis pas défavorable aux primes d'incitation au départ. Cela s'est déjà fait dans un certain nombre d'administrations, notamment le ministère de la défense, et dans certains offices agricoles. On peut y réfléchir pour l'avenir.

Troisièmement, s'agissant du lien entre la réduction des effectifs et celle des coûts, des efforts doivent encore être accomplis. Mais ce projet de loi de finances instaure la règle de la rétrocession au ministère concerné d'une partie des économies réalisées : 50 %. C'est un premier pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est responsabilisant !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout à fait ! Nous avons fait la même chose pour la politique immobilière.

Quatrièmement, la nécessité d'un plafond annuel de progression de la masse salariale est évidente, et il nous faut approfondir cette piste. Je vous invite, monsieur le rapporteur général, à évoquer de nouveau cette question avec Christian Jacob, qui y travaille de près.

Cinquièmement, nous avons fait des progrès pour réajuster le temps de travail, mais je reconnais que nous pouvons faire mieux. Certaines administrations ont montré la voie, notamment la police ; d'autres administrations devraient suivre, y compris Bercy.

Sixièmement, je suis très favorable, personnellement, à une réflexion sur l'assouplissement du point « fonction publique », qui est aujourd'hui unique pour les trois fonctions publiques. Quel beau sujet ! (Sourires.) Le système actuel ne saurait durer : il faudra introduire de la souplesse pour tenir compte des différentes situations.

J'ai bien compris, monsieur le rapporteur général, que vous n'imputiez pas totalement à Christian Jacob la responsabilité d'un système, qu'il tente chaque jour de moderniser, dans un contexte qui n'est pas toujours très facile.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous sommes tous responsables !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est exact !

Septièmement, nous avons engagé une réflexion sur l'augmentation des primes individuelles plutôt que des primes catégorielles. C'est une lourde tâche, notamment pour les directeurs d'administrations centrales.

Huitièmement, s'agissant de la réduction de la conflictualité et de l'absentéisme, je suis convaincu que, si les agents n'y trouvent pas leur compte, nous n'améliorerons jamais les performances de la dépense. Parallèlement, si nous sommes à même de mettre en oeuvre une véritable politique de gestion des ressources humaines adossée à une mobilité plus opérationnelle et plus rapide, avec la possibilité pour chaque fonctionnaire, quels que soient son grade, son niveau de rémunération, son administration d'origine, la fonction publique à laquelle il appartient, de choisir librement la construction de sa carrière, nous franchirons un pas considérable dans tous ces domaines.

Comme le président de la commission des finances, je suis un ardent partisan des audits. En matière de gestion des ressources humaines, un champ fabuleux d'expérimentations reste à développer. Ce sera l'une des clés pour oeuvrer demain, dans la plus grande sérénité, au service d'une fonction publique moderne et ambitieuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, sur plusieurs travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous avons achevé le débat sur les effectifs de la fonction publique.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances Monsieur le président, s'agissant de l'organisation de nos travaux, la question est de savoir si nous pourrons voter l'article d'équilibre avant le dîner.

Le débat sur l'évolution de la dette de l'État devrait durer deux heures. La conférence des présidents est prévue à dix-neuf heures ; ni Philippe Marini ni moi-même n'y participerons. Par conséquent, nos travaux pourront se poursuivre au-delà de dix-neuf heures et ils devraient pouvoir être achevés sans qu'une suspension de séance soit nécessaire. (Très bien ! sur plusieurs travées.)

M. le président. Je ne participerai pas non plus à la conférence des présidents ! (Sourires.)