PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la prévention de la délinquance
 

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

situation en palestine

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

La vision volontariste de la conférence de Madrid pour un Moyen-Orient dépassant enfin ses clivages historiques et intégré économiquement a été jusqu'ici tenue en échec.

Le problème israélo-palestinien demeure au coeur de tous les maux, ainsi que l'a rappelé le Président de la République lors de ses voeux au corps diplomatique, et la situation dans les territoires tant sur le plan politique que sur le plan économique ou humanitaire ne cesse d'empirer.

Aujourd'hui, du fait de la construction du mur et des colonies, il resterait aux Palestiniens près de 50 % de la surface de la Cisjordanie, entrecoupée en territoires isolés entre eux mais aussi séparés de la bande de Gaza, rendant impossible la création d'un État palestinien viable dans les frontières de 1967 et, de ce fait, rendant impossible toute issue au conflit.

En plus de l'occupation et du désespoir que connaissent les Palestiniens depuis des décennies, ces derniers subissent depuis dix mois des sanctions de la communauté internationale à la suite des dernières élections législatives.

Une levée des sanctions imposées à l'Autorité palestinienne est-elle envisageable pour ne pas contribuer à l'effondrement de ses institutions et afin d'alléger la pression sur une population exsangue ?

Comment la France compte-t-elle mettre en oeuvre son idée d'une conférence internationale pour la paix ?

Comment la diplomatie française va-t-elle agir avec ses partenaires, notamment au sein de l'Union européenne, afin de relancer le processus de paix sur la base du droit international, des résolutions de l'ONU et des accords qui ont été passés ? Je pense en particulier à la feuille de route. Comment envisage-t-elle de réactiver le Quartet, notamment à l'occasion de la réunion prévue vers la fin du mois à Paris ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP - M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le conflit israélo-palestinien est au coeur des préoccupations de la communauté internationale, qui n'a jamais interrompu ses efforts depuis cinquante ans en vue d'un règlement juste et durable.

Sur le fond, les contours et les paramètres d'un tel règlement passent par l'établissement de deux États vivant côte à côte dans des frontières sûres et internationalement reconnues.

Seul un processus politique entre les parties permettra de résoudre une question aussi complexe que la détermination du statut final des territoires palestiniens.

S'agissant, monsieur le sénateur, des sanctions imposées à l'Autorité palestinienne, il est important de souligner que la communauté internationale, l'Union européenne en particulier, n'a jamais interrompu ses aides à la population palestinienne.

En 2006, l'Union européenne a apporté une aide exceptionnelle de 650 millions d'euros aux territoires palestiniens - la France a accordé plus de 40 millions d'euros -, notamment par l'intermédiaire du TIM. Ce mécanisme temporaire international vise à acheminer l'aide aux Palestiniens sans financer directement un gouvernement qui n'a pas donné d'indication claire quant à sa volonté d'adhérer aux principes fondamentaux du processus de paix, à la renonciation à la violence et à la reconnaissance mutuelle.

Cet effort financier important montre la continuité de l'engagement des Européens, premiers contributeurs pour les territoires palestiniens, et de la France, monsieur le sénateur, auprès du peuple palestinien.

La restitution par Israël des taxes perçues pour le compte de l'Autorité palestinienne sera seule de nature à rééquilibrer de manière durable son budget.

Vous le savez, monsieur Seillier, cela suppose la reprise d'un processus politique entre Israéliens et Palestiniens. La mise en oeuvre d'un cessez-le-feu entre Palestiniens et Israéliens en novembre, la rencontre le 23 décembre entre le premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne sont des premiers gestes, certes fragiles, qui forment un ensemble de facteurs favorables à la relance d'une dynamique de dialogue et de paix.

La France et ses principaux partenaires européens souhaitent se mobiliser pour qu'un processus vertueux se mette en place sur la base de ces premiers éléments. L'issue logique d'un tel processus serait naturellement l'organisation d'une conférence internationale, à laquelle les autorités françaises sont favorables. Pour être productive, celle-ci ne pourra être que l'aboutissement d'un long travail préparatoire. La feuille de route et le Quartet restent, de ce point de vue, pour la France, le cadre de référence du règlement de la question israélo-palestinienne.

La réunion du Quartet prévue à Paris à la fin de ce mois, monsieur le sénateur, doit être notamment l'occasion de travailler, en coordination avec l'ensemble des parties, sur un calendrier de long terme visant à organiser une conférence de paix.

Compte tenu de la gravité de la crise en cours dans les territoires palestiniens, l'urgence doit toutefois être aujourd'hui de favoriser l'émergence d'un interlocuteur palestinien solide, capable de reprendre les négociations avec Israël.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je peux vous communiquer au nom de M. Philippe Douste-Blazy. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

collections du louvre

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Ambroise Dupont. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le ministre, les médias nous l'apprennent, la polémique enfle autour de certaines opérations du Louvre. Vous l'aurez compris, je fais référence au prêt d'oeuvres au musée d'Atlanta et au projet de construction d'un « Louvre » à Abu Dhabi.

Les évolutions du temps et, pourquoi ne pas le dire ? la mondialisation, font évoluer les pratiques, ce qui est normal. L'objet de la polémique d'aujourd'hui n'est cependant pas nouveau. Déjà du temps d'André Malraux et du général de Gaulle, la question des prêts avait suscité un grand débat avec le prêt de la Joconde. Le général de Gaulle avait tranché. Finalement, la France en avait tiré une notoriété considérable ; je vous renvoie au compte rendu de l'époque.

Aujourd'hui, d'autres questions se posent.

Par leur dimension, leur durée et leur ambition, ces nouveaux projets marquent, à n'en pas douter, un changement d'échelle et sans doute aussi un changement de nature par rapport aux pratiques habituelles en matière de prêt d'oeuvres ou d'appui technique.

Certaines questions reviennent avec insistance : par leur ampleur et par leur durée, les prêts envisagés ne risquent-ils pas de léser le public, français ou étranger, de nos propres musées, particulièrement si ces prêts portent sur plusieurs oeuvres de premier plan ? Quelle part aurons-nous dans la conception et le contenu de ces expositions ?

Par ailleurs, le savoir-faire du Louvre en matière d'ingénierie culturelle est un grand atout ; il ne me paraît pas choquant qu'il soit valorisé, bien au contraire, quand le Louvre prend en charge la conception des expositions, comme à Atlanta.

Le projet de Louvre à Abu Dhabi, piloté par la Direction des musées de France, est d'une nature différente, me semble-t-il. Si, là encore, la valorisation à l'étranger du savoir-faire français participe au rayonnement de la France, ce dont je me réjouis, les conditions d'insertion de ce projet doivent être à la hauteur du grand établissement qu'est le Louvre.

La cession du label « Louvre », qui n'est pas dans les traditions de nos musées, ne pose-t-elle pas une véritable question de fond, de nature politique ?

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes très sensibles aux efforts d'une gestion managériale efficace, qui ouvre nos collections à des publics plus larges en générant de nouvelles ressources. Dans quelle mesure les bénéfices de ces expositions et prestations seront-ils réinvestis dans des politiques au service de nos musées, de leurs publics et de leurs collections ?

Un grand journal du soir d'hier apporte des précisions sur un certain nombre de questions. Cependant, monsieur le ministre, c'est de votre bouche que nous souhaitons connaître vos choix. Au-delà de la polémique et de ces questions à multiples entrées, quelle est votre ligne politique sur ces sujets sur lesquels nous nous réjouissons de constater le rayonnement de la France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, pour le gouvernement de Dominique de Villepin, auquel je suis fier d'appartenir,...

M. Jacques Mahéas. Il n'y a pas de quoi !

M. René-Pierre Signé. Il y en a encore un ? Il a du mérite !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre.... la culture fait partie de notre volonté de dialogue entre les civilisations, de rayonnement et de valorisation. D'ailleurs, il s'agit non pas uniquement de la valorisation des oeuvres d'art, mais également de la reconnaissance du talent des équipes françaises ; je pense aux conservateurs, aux restaurateurs, à celles et ceux qui ont la charge, la vocation et la passion de faire rayonner la culture de notre pays.

Oui, ce gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a pris la décision d'installer le Louvre à Lens !

M. Paul Raoult. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mais nous avons également pris la décision de répondre aux sollicitations extérieures : Shanghai, Atlanta et Abu Dhabi nous sollicitent pour faire rayonner les oeuvres et les talents français, notre patrimoine et notre savoir-faire.

Il n'est d'aucune manière question de remettre en cause les fondamentaux de la politique culturelle de nos musées. Il s'agit non pas de remettre en cause le caractère inaliénable des oeuvres du patrimoine français, mais de faire circuler et rayonner celles-ci partout dans le monde. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) La durée d'exposition sera limitée. Seuls 5 % de nos trésors sont exposés ; les autres se trouvent dans des coffres. C'est une manière de valoriser l'image de notre pays !

Grâce à l'arbitrage du Premier ministre, et je l'en remercie devant vous tous,...

M. René-Pierre Signé. Deuxième hommage !

M. Paul Raoult. Il est vraiment bien ce Premier ministre ! Pourquoi n'est-il pas candidat ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre.... le produit de ce rayonnement des musées français sera non pas reversé dans la caisse générale du budget de l'État, mais affecté à des investissements pour les musées nationaux. Nous sommes dans une logique « gagnant-gagnant ».

M. René-Pierre Signé. Le « perdant-perdant », ce sera pour les élections !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Aux esprits grincheux, je dirai que la force de notre politique culturelle est d'assurer le rayonnement de notre pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Michel. Vive le fric ! À bas la culture ! C'est scandaleux !

situation économique et sociale

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, que je remercie d'être présent pour me répondre.

Monsieur le Premier ministre, un rapport récent du Centre d'analyse stratégique, placé sous votre autorité, met en évidence un sentiment fort, éprouvé par un grand nombre de nos concitoyens : ceux-ci expriment une véritable angoisse de l'avenir.

M. Bruno Sido. Ils ont peur de Ségolène Royal !

M. Jean-Pierre Bel. Ils sont très nombreux à craindre pour leur situation ou celle de leurs proches.

L'image qu'ils ont, ainsi que le rapport le souligne, c'est celle d'un pays qui s'enfonce dans la précarité. Ils ont un sentiment d'insécurité sociale accru.

Cette nouvelle misère sociale qui frappe en priorité les jeunes et les femmes concerne aussi - et cela est nouveau - ceux qui ont un emploi, avec l'apparition des travailleurs pauvres, de salariés qui expriment leur crainte de se voir demain eux-mêmes exclus ou - pourquoi pas ? - SDF.

Nous prenons connaissance aussi, dans le même temps, des salaires ahurissants perçus par les patrons des très grands groupes.

Nous devons tous ici, par-delà nos divergences, prendre en compte cette question des inégalités, avec esprit de responsabilité, et nous garder de toute surenchère ou démagogie.

Dans les jours à venir, chacun devra apporter sa réponse face à cette situation, mais, aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, c'est vous qui êtes comptable du bilan, de réalités qui sont la marque de votre politique.

Comment vous comprendre dans ces conditions ? Pourquoi avoir ici, lors de la discussion budgétaire, systématiquement refusé nos amendements visant à mieux réglementer et à rendre transparentes les rémunérations des grands patrons ?

Quel est le sens de ces décisions prises au profit des 10 % des Français les plus riches, parmi lesquels figurent cent patrons des entreprises cotées en bourse, dont on nous dit qu'ils gagnent en moyenne trois cents fois le SMIC ?

M. Didier Boulaud. Voire quatre cents fois !

M. Jean-Pierre Bel. Pourquoi toujours favoriser les mêmes en affaiblissant l'impôt sur la fortune, en modifiant le régime des donations, en instaurant un bouclier fiscal qui exonère les plus nantis ?

Monsieur le Premier ministre, il vous reste cent jours avant de rendre des comptes devant les Français. Autant dire que beaucoup des décisions que vous annoncez aujourd'hui résonnent aux oreilles de nos compatriotes comme des mesures tardives relevant plus de l'incantation que de la mise en oeuvre de véritables politiques.

Néanmoins, au moment où le Président de la République préconise pour les années à venir une baisse massive de l'impôt sur les sociétés, pouvez-vous m'éclairer sur ce point et me dire, sans vous abriter derrière l'argument de la compétitivité des entreprises, comment vous comptez procéder pour que cette mesure n'aboutisse pas à un nouveau bonus pour les actionnaires ?

Monsieur le Premier ministre, en définitive, aujourd'hui, douze ans après la première élection de Jacques Chirac, qu'est-ce qui vous permet de dire que vous avez réduit la fracture sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Raffarin. La baisse du chômage !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Bel, j'ai placé le combat contre les inégalités dans notre pays au coeur de l'action du Gouvernement.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. En ce domaine, deux voies sont possibles.

La première, c'est...

M. Jacques Mahéas. La fracture sociale !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre.... celle des vaines promesses ; nous l'avons connue dans le passé,...

M. Yannick Bodin. Vous parlez de Raffarin !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre.... à coups de subventions, d'augmentation de la dépense publique et de réduction du temps de travail. Ce n'est pas la voie que nous avons choisie.

Nous avons, au contraire, fait des choix politiques clairs : la défense de notre pacte républicain, la laïcité, l'égalité des chances, le plein-emploi en mobilisant toutes les forces du pays pour faire reculer le chômage,...

M. Jacques Mahéas. Venez dans nos banlieues !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre.... la croissance et l'innovation.

Un sénateur socialiste. Même pas 2 % !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Les résultats parlent d'eux-mêmes : le chômage est passé à 8,6 % et nous nous rapprocherons de 8 % à la mi-2007.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jacques Mahéas. C'est faux !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous avons construit des logements à un rythme sans précédent depuis vingt-cinq ans (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Nous avons doublé la mise en chantier de logements sociaux par rapport à la période pendant laquelle vous étiez aux affaires, et je veux ici en remercier Jean-Louis Borloo et Catherine Vautrin. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Nous avons mis des moyens considérables au service des élèves les plus défavorisés : 1 000 enseignants expérimentés, 3 000 assistants pédagogiques ont été affectés, à la rentrée 2006, dans les collèges « ambition réussite ». (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Mahéas. En supprimant 7 000 emplois ailleurs !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. En matière de pouvoir d'achat, nous avons multiplié les initiatives.

M. Jacques Mahéas. C'est invraisemblable !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous avons doublé la prime pour l'emploi, soit l'équivalent d'un treizième mois pour ceux qui sont au niveau du SMIC, ce que vous n'avez jamais fait lorsque vous étiez au pouvoir !

Nous avons enfin créé des outils de lutte contre les discriminations, sujet dont vous ne vous êtes pas non plus préoccupés.

M. Didier Boulaud. Heureusement qu'il y a Azouz Begag !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. L'enjeu, aujourd'hui, c'est bien de savoir comment nous pouvons aller plus loin, comment passer de 8 % à 6 % de chômage, comment répondre aux préoccupations de nos concitoyens en matière de logement, comment aider les jeunes à s'en sortir.

Nous choisissons la persévérance en menant jusqu'aux derniers jours la bataille de l'emploi. Nous choisissons le pragmatisme en nous fixant des objectifs réalistes, et c'est pourquoi nous avançons dans la voie du droit au logement opposable.

Dès 2008, chacune des personnes qui sont dans les situations les plus dramatiques se verra proposer une solution.

Nous faisons, enfin, le choix de l'ambition en jetant les bases d'une université qui soit un véritable passeport pour l'emploi. C'est tout le sens du schéma national d'insertion et d'orientation qui sera mis en place dans les toutes prochaines semaines.

Persévérance, pragmatisme et ambition : tel est le triptyque qui caractérise la volonté gouvernementale ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jacques Mahéas. Le salaire des grands patrons est passé à la trappe !

M. Paul Raoult. Il n'a pas répondu à la question !

Indépendance des magistrats

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. Pierre Fauchon. Monsieur le garde des sceaux, nous avons assisté, lundi dernier, à la remarquable audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation consacrée au thème de l'Europe judiciaire. La Cour nous a ainsi donné un bel exemple du niveau élevé et de l'horizon élargi de ses réflexions.

Assez curieusement, M. le procureur général a cru devoir évacuer rapidement le sujet pour se livrer à un plaidoyer quelque peu fracassant en faveur de l'indépendance du parquet.

Après avoir recouru à des allusions transparentes pour dénoncer ce qu'il a appelé une « éventuelle mainmise politique », M. Nadal a rappelé qu'en transférant au parquet non seulement la poursuite mais, pour une part grandissante, le jugement des affaires pénales, le législateur avait, en quelque sorte, mis les juges du parquet en situation de revendiquer - et on les comprend - la même indépendance que celle de leurs collègues du siège, ce qui signifie une remise en cause du système des nominations et de la pratique des instructions individuelles.

Au sujet de ces dernières - ce fut le passage le plus intéressant ou le plus curieux de son discours -, le procureur général a précisé que le problème ne venait pas tant de celles qui sont données, mais plutôt et surtout de celles qui ne le sont pas - ah ! le danger des instructions qui ne sont pas données ! -, ce qui n'a pas manqué de faire sourciller quelques-unes des plus hautes autorités présentes et de faire sourire quelques autres, sans doute mieux averties.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, M. Fauchon a épuisé son temps de parole !

M. Pierre Fauchon. Rassurez-vous, monsieur le garde des sceaux, ma question n'aura pas pour objet de vous demander si vous renoncez à ces instructions, spécialement aux instructions qui ne sont pas données, parce que ce serait une espèce de supplice chinois, lequel, bien entendu, n'appartient pas à l'actualité dans mon esprit. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.) Je ne suis pas assez méchant pour cela !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fauchon !

M. Pierre Fauchon. Mais ne faudra-t-il pas, un jour ou l'autre, revenir à la distinction fondamentale entre les deux missions de poursuite et de jugement qui incombent traditionnellement à deux catégories de magistrats et qu'il reste important de ne pas confondre ? Cela implique, comme le Conseil constitutionnel nous l'a rappelé il n'y a pas si longtemps, de ramener effectivement au bercail des juges du siège le jugement de toutes les affaires pénales, ce qui englobe bien évidemment les procédures de composition et peut-être aussi le choix de l'orientation des dossiers entre les juridictions classiques et les formules alternatives dans la mesure où ces choix ne sont pas purement techniques. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Fauchon, nous étions effectivement nombreux, lundi dernier, lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour de cassation, dont le thème, qui avait été choisi par le Premier président, était « La justice et l'Europe ». Nous avons ainsi pu entendre avec bonheur le discours de M. le Premier président et celui de M. Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne, chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité Nous avons ensuite été quelque peu surpris par les réquisitions du procureur général qui, lui, a évoqué un autre sujet, l'indépendance du parquet, qui n'était pas, il est vrai, celui que nous attendions.

Votre question me permet - et je vous en remercie - de faire litière d'un certain nombre de critiques que je déplore. En effet, j'ai pu lire, ici ou là, que la réforme de la justice que j'ai proposée au nom du Gouvernement au Parlement serait une « réformette » au motif que je n'aurais pas pris la pleine mesure du sujet et que je n'aurais pas traité des grandes questions.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas faux !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ce n'est peut-être pas faux, mais permettez-moi de m'expliquer !

L'une de ces grandes questions est précisément l'indépendance du parquet, serpent de mer s'il en est. Mettez-vous à la place - un seul instant, je vous rassure ! (Sourires.) - du garde des sceaux et interrogez-vous sur ce que vous devez faire.

Vous commencez, c'est de bon sens, par écouter le Premier président de la Cour de cassation. Celui-ci vous dit qu'il faut scinder le corps des magistrats en deux, les poursuiveurs d'un côté et les juges de l'autre. Le garde des sceaux que vous êtes se tourne ensuite vers le procureur général et celui-ci lui dit exactement l'inverse : nous devons avoir le respect de l'unicité du corps et nous devons faire en sorte que les procureurs soient indépendants, mais dans le même corps de magistrats que les magistrats du siège.

Vous êtes très avancé lorsque vous avez entendu les avis divergents du Premier président et du procureur général !

Mme Catherine Tasca. Tirez au sort !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. En homme prudent, vous vous dites alors qu'il est bon de renvoyer à la réflexion ce sujet, qui n'est pas mûr.

Par conséquent, je remercie le procureur général près la Cour de cassation, qui a illustré par ses propos que le problème ne pouvait pas encore faire l'objet d'une grande réforme législative, personne ne s'accordant sur ce qu'il convenait de faire.

Enfin, la question de savoir si le parquet doit être rattaché à l'exécutif a été résolue par le général de Gaulle. Dans une célèbre conférence de presse, à la question « quelle est la légitimité du magistrat ? », celui-ci a répondu que l'élection du Président de la République au suffrage universel lui conférait sa légitimité et que c'était la raison pour laquelle le Président de la République était le président du Conseil supérieur de la magistrature.

Donc, ceux qui veulent couper le lien hiérarchique entre l'élu et le magistrat considèrent que la légitimité se passe du suffrage universel et ne s'obtient que par la réussite au concours d'entrée dans le corps de la magistrature.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de conclure !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est un bavard !

M. Jean-Pierre Michel. Arrêtez-le, il dit des bêtises !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il est certain qu'en l'absence d'un gouvernement pour unifier toutes les politiques qui sont menées dans les parquets vous aurez autant de politiques que de procureurs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) C'est honnêtement le sujet sur lequel les Français devraient se mettre d'accord.

Quant aux plaintes concernant les instructions, surtout, comme vous l'avez dit avec talent, monsieur Fauchon, celles qui n'existent pas, je le dis clairement : si un procureur général en France se plaint d'une instruction que lui aurait donnée son ministre, je serai heureux de l'entendre et de recueillir sa plainte. Jusqu'à présent, bien qu'ayant posé la question cent fois, je n'ai jamais entendu de réponse ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. J'invite les intervenants à respecter les temps de parole.

le logement

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Michelle Demessine. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

L'action de l'association les Enfants de Don Quichotte (Exclamations sur les travées de l'UMP)...

M. Éric Doligé. Et les enfants de Mitterrand ?

Mme Michelle Demessine.... et son impact médiatique ont révélé à l'opinion publique la gravité de la situation des sans-abri et des mal-logés dans notre pays.

Comme une marée montante, ce fléau atteint aujourd'hui des populations qui sont jetées à la rue même lorsqu'elles ont un emploi, avec les conséquences tragiques et inhumaines que cette action a permis de mettre sur le devant la scène.

Le droit au logement est un droit fondamental. Vous venez enfin de le reconnaître publiquement en acceptant qu'il devienne un droit opposable.

À ce titre, permettez-moi de faire un rappel. À deux reprises, lors de l'examen par la Haute Assemblée du projet de loi portant engagement national pour le logement, en première lecture le 23 novembre 2005, puis en deuxième lecture le 6 avril 2006, le groupe CRC avait déposé un amendement visant à instituer le droit opposable. À l'époque, le Gouvernement nous avait répondu ceci : « Une proclamation de l'opposabilité du droit au logement serait aujourd'hui prématurée et irréaliste. »

Grâce à la mobilisation citoyenne, ce droit opposable est devenu réaliste, et c'est tant mieux ! Mais quels moyens seront consacrés pour garantir son application, même progressive ? Voilà la question que tout le monde se pose.

Nous le savons aujourd'hui, les trois quarts des 410 000 logements construits en 2005 sont plutôt destinés aux foyers les plus aisés. En outre, le lobby anti-loi SRU, qui sévit dans votre majorité, continue d'essayer par tous les moyens de contourner l'obligation de construire 20 % de logements sociaux.

Mme Michelle Demessine. Comme nous n'avons eu de cesse de le souligner au cours de ce débat, une autre logique, consistant à tourner le dos au déferlement libéral qui sévit et prolifère autour du logement, est nécessaire.

Monsieur le ministre, êtes-vous disposé à interdire toutes les expulsions locatives, ainsi que les coupures d'eau, de gaz et d'électricité, au lieu de poursuivre en justice les maires qui se sont dotés d'un arrêté municipal interdisant les expulsions et toutes les coupures sur le territoire de leur commune ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Êtes-vous prêt à agir contre la spéculation foncière et immobilière, qui fait flamber les loyers, parfois de plus de 60 % sur ces quinze dernières années, en vous attaquant aux avantages fiscaux que vous accordez ainsi à la spéculation, alors que vous avez diminué le dernier budget du logement de 2,7 % ?

M. Josselin de Rohan. Venez-en au fait !

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas que, pour garantir ce droit fondamental au logement, à l'instar des droits à l'éducation ou à la santé, il est temps pour l'État de reprendre la main sur l'ensemble du dispositif du logement social par la création d'un grand service public de l'habitat, seul garant pour faire respecter ce principe ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la sénatrice, la construction du droit au logement opposable est à la fois fondamentale et complexe. Depuis des années, un certain nombre de personnes souhaitent rendre ce droit effectif, comme c'est le cas pour le droit à l'éducation.

Ainsi que vous y avez fait allusion voilà quelques instants, nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement : nous avions souligné la nécessité, d'une part, de poursuivre la production de logements en France - j'y reviendrai - et, d'autre part, de travailler sur ce sujet difficile ; j'avais pris l'engagement de le faire.

Sur l'initiative du Premier ministre, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées a été saisi. Vous le savez, il s'agit d'une instance plurielle, présidée par Xavier Emmanuelli. Comme cela avait été convenu avant la fin de la session parlementaire, un rapport nous a été remis à la fin de l'année. Au vu de celui-ci, nous avons élaboré un texte législatif.

Par ailleurs, madame Demessine, il est exact, et c'est le propre de nos sociétés, qu'il est des moments où certaines actions accélèrent des processus. Mais je ne laisserai pas dire que nous n'étions pas dans ce processus. Je n'aurai pas non plus l'attitude consistant à défendre l'institution a priori et à ne pas reconnaître que le travail de fond et les événements peuvent, à un moment donné, se rejoindre pour construire un beau droit opposable dans notre pays.

Madame la sénatrice, afin d'éviter toute polémique, et puisque le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, qui est une structure pluraliste - un éminent sénateur de votre groupe en fait partie -, soutient ce projet à l'unanimité, je souhaiterais un accord de tous les sénateurs de la République sur ce sujet délicat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas répondu sur le financement !