M. Guy Fischer. ...a validé le plan de redressement d'urgence de l'assurance maladie, correspondant à la réalisation d'une économie de 1,225 milliard d'euros en année pleine et de 417 millions d'euros d'ici à la fin de l'année, dont 350 millions d'euros seront pris dans la poche des assurés sociaux.

Aujourd'hui, le Gouvernement poursuit la même logique avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Notons, tout d'abord, que ce texte comporte très peu de recettes dignes de ce nom - M. le rapporteur Alain Vasselle le reconnaît d'ailleurs -, avec une taxation purement symbolique des stock-options et des attributions gratuites d'actions décidées à l'Assemblée nationale pour un rapport dérisoire. C'est un véritable refus de dégager les moyens du financement de la protection sociale, bien que les mises en garde et les propositions n'aient pas manqué, y compris de la part de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, Premier président de cette institution, proposant d'oser taxer les stock-options à hauteur de 3 milliards d'euros. Voilà qui eût été une recette à la hauteur des déficits !

Mais, au contraire, le Gouvernement a choisi de faire payer une nouvelle fois les assurés sociaux, tandis que sa politique d'austérité, de rigueur pèse sur les salaires et les retraites, sur les emplois publics, sur les dépenses publiques et sociales, et continue à plomber la croissance réelle et les rentrées de cotisations. Il entretient ainsi les déficits et les prend parallèlement pour prétexte pour instaurer de nouvelles mesures d'austérité !

Tout d'abord, il fixe un ONDAM à 2,8 %, une nouvelle fois intenable, selon nous. Certes, d'aucuns soutiennent que les franchises continueront à l'augmenter artificiellement.

Pourtant, dans le secteur hospitalier, il achève la mise en place accélérée de la T2A en décrétant la convergence totale des secteurs public et privé d'ici à la fin de l'année 2008. À n'en pas douter, le résultat sera catastrophique pour l'hôpital public et, dans le même temps, on restreint l'offre de soins en continuant de fermer de petits hôpitaux publics de proximité ! L'accès aux blocs opératoires, aux maternités et aux services d'urgence est de plus en plus éloigné de certains territoires, aggravant les inégalités d'accès aux soins.

Ces hôpitaux publics, accusés de coûter trop cher, sont asphyxiés financièrement. En 2006, l'ONDAM, fixé à 3,44 %, n'a été, de facto, que de 2,8 %, la différence étant utilisée pour éponger le dérapage d'activité des cliniques à but lucratif.

M. François Autain. On ne le dit pas assez !

M. Guy Fischer. Tel est l'intérêt de la convergence tarifaire que le Gouvernement impose à marche forcée !

La situation se dégradant forcément, on peut évaluer le déficit attendu à la fin de cette année à plus d'1 milliard d'euros. Et pour s'en sortir, les établissements suppriment des services et des postes !

M. François Autain. Et avec l'amendement déposé par M. Vasselle, cela ira encore plus mal !

M. Guy Fischer. Cela ira effectivement encore plus vite et plus mal !

Dans notre pays, le secteur privé à but lucratif est le plus important de toute l'Europe.

M. Alain Vasselle, rapporteur. La question n'est pas là ! Il coûte le moins cher à la sécurité sociale et pratique les tarifs les plus bas !

M. Guy Fischer. Examinez les résultats du groupe Générale de santé qui s'élèvent à 420 millions d'euros !

Notons une entrée massive des fonds de pension anglo-saxons ; 30 % de l'hospitalisation privée est concernée !

Bien entendu, la convergence tarifaire va aggraver ce processus !

Pour les soins de ville, l'on peut dire que la montagne accouche d'une souris avec le grand projet gouvernemental de lutte contre la désertification médicale. Un très long débat à l'Assemblée nationale a abouti à ce qui aurait dû être un préalable : la recherche de solutions est renvoyée à la concertation avec l'assurance maladie, les syndicats de médecins et d'internes ! Pour ce qui relève de l'intervention de l'État, le Gouvernement n'aurait-il pas dû, tout d'abord et de toute urgence, modifier le numerus clausus - mesure destinée à réduire l'offre de soins -, qui est la cause première de la situation actuelle...

M. Paul Blanc. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait voilà dix ans ?

M. Guy Fischer. ...et mettre en place une vraie politique d'aménagement du territoire pour renforcer la présence des services publics, au lieu de réduire cette dernière de façon dramatique et quasiment irréversible ? Pour quelles raisons les médecins iraient-ils s'installer à la campagne alors que les structures médicales sont fermées au fur et à mesure ?

Parallèlement, le Gouvernement nous annonce la mise en place des agences régionales de santé, calquées sur les agences régionales de l'hospitalisation, qui vont étendre à la médecine de ville la maîtrise comptable appliquée à l'hôpital, avec les résultats que l'on sait !

Dans le secteur social et médico-social, le Gouvernement décrète que la signature des conventions tripartites doit être achevée à la fin de l'année 2008. Concernant les personnes âgées, l'ONDAM retenu enregistre une progression de 8 %, contre 13 % en 2007, et cette hausse n'est possible qu'en raison d'un prélèvement de 200 millions d'euros opéré sur les réserves de la CNSA ! C'est l'augmentation la plus faible connue depuis 2003. Les établissements ne pourront pas supporter une telle situation. C'est pourquoi il faut donner droit à la proposition de l'Association des directeurs au service des personnes âgées de repousser d'un an les signatures de conventions.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Encore un an !

M. Guy Fischer. Et que dire du problème crucial de la dépendance et du cinquième risque - je parlerai, pour ma part, de « cinquième branche » -, qui mériterait un large débat ? Le Gouvernement en repousse une fois encore l'analyse !

Mais il poursuit la mise en place des franchises injustes, dangereuses, inefficaces, justifiées par une raison cachée. Je développerai ce point de vue ultérieurement, lors de l'examen de l'article 35 et des amendements. Le mot « franchises », terme assurantiel, ce qui n'est pas neutre, tend à inspirer confiance. Je lui préfère, pour ma part, pour parler vrai, le mot « taxes ». Il s'agit, en réalité, d'un impôt sur la maladie qui pourrait, à terme, n'épargner personne, car les exonérations consenties pour les soins dispensés aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes relevant de la CMU complémentaire ne sont pas inscrites dans le projet de loi, pas plus que le plafond prétendu de 50 euros par personne et par an. Les franchises s'ajoutent à la participation de 1 euro par consultation ou par acte de biologie, aux dépassements d'honoraires de plus en plus nombreux et scandaleux.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Toujours dans la limite de 50 euros !

M. Guy Fischer. Dans ma ville, à Vénissieux, un retraité malade du cancer est venu me dire sa détresse : pour être dialysé trois fois par semaine, il lui en coûtera 6 euros de transport sanitaire, soit environ 300 euros par an,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans la limite de 50 euros par an !

M. Guy Fischer. ...somme qui s'ajoutera aux autres taxes, aux médicaments déremboursés et à laquelle il devra faire face avec une retraite modeste qui augmentera royalement de 1,1 %, comme nous l'a expliqué M. le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Et que dire des malades d'Alzheimer, des séropositifs, qui vont subir une véritable escroquerie ? Ils seront taxés par les franchises précisément censées permettre de lutter contre leur maladie !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans la limite de 50 euros par an, 1 euro par semaine, quelques centimes par jour ! Ne noircissez pas inutilement le tableau, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. Mon cher collègue, je vous démontrerai que cette somme atteindra de 800 euros à 1 000 euros !

Pour eux, c'est la double peine ! Que dire des victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles, et des personnes handicapées et dépendantes ? Et enfin, n'ayons garde d'oublier les anciens combattants et leurs veuves, dont Mme Bachelot-Narquin a prétendu, à l'Assemblée nationale, qu'ils seraient exonérés, ce qui n'est pas vrai. Ce qui est exécrable, dans cette pratique, c'est de considérer que les patients seraient responsables de leur maladie et auraient la volonté de « dépenser » des soins sans limites. Partant de là, les médecins seraient-ils, eux, coupables de ne pas prescrire selon les seuls besoins ?

M. François Autain. Très bien !

M. Guy Fischer. Enfin, ces taxes et cet impôt scélérats vont concourir à une augmentation du coût de la vie, déjà intolérable, qui pénalise encore plus les pauvres et touche des postes essentiels des comptes des ménages,...

M. François Autain. Le pouvoir d'achat !

M. Guy Fischer. ...que ce soient l'alimentation, le gaz et l'électricité, les produits pétroliers, les transports, les logements, inaccessibles même dans le secteur public, toutes ces hausses incessantes et insupportables des charges ! Les Français n'en peuvent plus de « tirer » sur leur budget familial. Les dépenses incompressibles représentaient respectivement, en 2001 et en 2006, 50 % et 75 % d'un budget ! Et, mes chers collègues, le « reste à vivre » s'élèvera à 621 euros pour les titulaires de l'AAH ; il sera plafonné à 606 euros pour les bénéficiaires de la CMU, et les personnes en dessous du seuil de pauvreté disposeront de 681 euros ! Sachant que les plus défavorisés sont ceux qui se soignent le moins, selon l'enquête de l'INSEE publiée à la fin du mois dernier, j'appelle cela de la « non-assistance à personnes en danger » ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Caricature !

M. Guy Fischer. Le Gouvernement fait de la lutte contre la fraude un cheval de bataille. Cette année, il pousse jusqu'à l'inacceptable la prétendue « responsabilisation » des patients et des professionnels de santé en multipliant les mesures coercitives qui portent atteinte à la vie personnelle et à la liberté individuelle. Madame la secrétaire d'État, soyez aussi vigilante avec les dépassements d'honoraires dont un certain nombre sont scandaleux. Je ne donnerai qu'un seul exemple de votre acharnement : la proposition d'étendre le droit de communication des données aux employeurs, aux banques, aux fournisseurs d'énergie et de téléphonie.

En revanche, la prévention, qui peut être une source d'économie en même temps qu'une bonne pratique de santé publique est singulièrement absente de ce projet de loi.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux ! Elle figurera dans les contrats individuels. Vous avez mal lu ce texte !

M. Guy Fischer. Pourtant, on ne peut, d'un côté, déclarer des grandes causes nationales de santé publique, et, d'un autre côté, ne pas les soutenir financièrement par des mesures adéquates.

J'en viens â la branche vieillesse. Elle est en déficit de 4,6 milliards d'euros, et le chiffre de 5,1 milliards d'euros est avancé pour 2008. C'est l'explosion attendue du déficit, que le Gouvernement prétend résorber en faisant travailler les Français plus longtemps, en « cassant » les régimes spéciaux...

M. Guy Fischer. ...dont les avantages ne sont pas sans contreparties et en taxant les préretraités d'une CSG à 7,5 %, eux qui ont rarement choisi l'inactivité ! Bien souvent, ce sont les patrons qui sont responsables de ces mises à la retraite anticipées.

Monsieur Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, va jusqu'à accuser les cessations précoces d'activité d'être pour une bonne part la cause des déficits actuels de la branche vieillesse !

M. André Lardeux, rapporteur. C'est évident !

M. Guy Fischer. Soyez cohérents et confrontez vos incantations relatives à l'emploi des seniors à la réalité. Le Premier ministre lui-même, François Fillon, reconnaissait récemment que la mise à l'écart des seniors « est insupportable, incompréhensible pour les Français et idiote économiquement ».

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, nous sommes d'accord sur le diagnostic !

M. Guy Fischer. Cependant, 400 000 personnes de plus de cinquante ans sont en recherche d'emploi et 37,9 % seulement des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans travaillent encore, comme l'a dit Paul Blanc !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes d'accord !

M. Guy Fischer. De surcroît, elles subissent des discriminations à l'embauche. Il faudra convaincre les patrons de l'utilité de ces salariés.

M. Alain Vasselle, rapporteur. On taxera ceux qui ne veulent pas conserver les seniors !

M. Guy Fischer. Venons-en aux retraites. Elles sont un problème majeur pour les générations à venir. Or, que fait le Gouvernement ? Que ne traite-t-il les véritables causes ?

Vous savez fort bien que la part des cotisations patronales n'a cessé de diminuer, les allégements passant de 1 milliard d'euros en 1993 à 25,6 milliards d'euros en 2007. Dans le même temps, le pouvoir d'achat des retraités a baissé de 15 % en quinze ans. Il est en chute libre pour plusieurs raisons conjuguées, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement. L'accroissement de la proportion des bas salaires engendrant de faibles retraites, 40 % en moyenne des retraites liquidées par le régime général à taux plein le sont au niveau du minimum contributif, qui va royalement être augmenté de 3 % l'année prochaine, la proportion atteignant 58 % pour les femmes.

Je ne m'attarderai pas sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles, car ma collègue Annie David y reviendra lors de l'examen des articles qui y sont consacrés. À ce propos, Roland Muzeau, Michelle Demessine et moi-même avons déposé une magnifique proposition de loi sur le bureau du Sénat.

Pour ce qui concerne la branche famille, le déficit est ramené à 0,5 milliard d'euros. Nous reviendrons sur ce point. Il convient de noter que les prestations familiales sont « au pain sec », avec une revalorisation de 1 % alors que le président Sarkozy avait pourtant promis le versement des allocations familiales dès le premier enfant !

Mme Odette Terrade et M. François Autain. Promesses !

M. Guy Fischer. Le modèle social du Gouvernement et de la majorité, c'est le modèle anglo-saxon cher à M. Sarkozy.

Poursuivre comme il le fait la mise en place d'une couverture sociale à deux vitesses, déjà amorcée, revient à mettre à bas le principe fondateur que la Résistance avait su instaurer par le programme du Conseil national de la Résistance, sous l'impulsion du général de Gaulle : solidarité entre les assurés, participation des salariés et des entreprises au financement de la sécurité sociale, égalité de tous dans l'accès aux soins.

Tout ce qui a été dit et écrit autour de ce texte annonce, pour la période qui suivra les municipales, les cantonales et les sénatoriales, la poursuite de la fiscalisation du financement de la sécurité sociale avec les différentes hypothèses artistiquement échafaudées par nos collègues MM. Marini et Arthuis et, dans des proportions plus mesurées, par vous-même, monsieur Vasselle. Un article paru aujourd'hui dans Le Monde s'intitule d'ailleurs : CSG contre TVA sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !

M. Guy Fischer. M. Vasselle penche pour la CSG, M. Marini pour la TVA sociale. (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela reste dans l'Oise ! Et vous, monsieur Fischer ?

M. Guy Fischer. Moi, je propose de taxer les patrons ! (Rires sur les mêmes travées.)

Ils proposent, sur une dose de TVA dite sociale, voire écologique, un zeste de CRDS et de CSG, une mesure de bouclier sanitaire. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter.

La recette est connue et le résultat bien indigeste pour les intéressés, à savoir les contribuables et les usagers de la sécurité sociale et des mutuelles.

Ainsi que je le constatais voilà quelques jours lors de notre débat sur les prélèvements obligatoires, l'essentiel des prélèvements fiscaux et sociaux affecte aujourd'hui d'abord la consommation, par le biais de la TVA et de la TIPP, et ensuite les revenus salariaux, avec l'IRPP, la CRDS et les cotisations sociales.

Au cours de ce même débat, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, disait que notre système de sécurité sociale devait « s'adapter pour prendre en compte la réalité d'une économie désormais globalisée ». Il poursuivait en appelant de ses voeux une hausse de la TVA de 19,6 % à 25 %.

Le Gouvernement entend donc bien, en accentuant ce choix, taxer plus encore la consommation et les revenus du travail pour pouvoir continuer le mouvement de défiscalisation des revenus du capital et du patrimoine.

Quant à savoir quel est le « meilleur » levier fiscal en la matière, je laisse la majorité à ses querelles internes. L'essentiel est que, dans tous les cas, l'effort pèsera sur les ménages, les salariés et les retraités, qui sont en même temps les assurés sociaux. Il est donc inutile que la majorité déguise ses choix politiques à longueur de rapports afin de nous faire croire qu'elle recherche la moins mauvaise solution pour surmonter une crise du financement de la protection sociale qui serait structurelle.

C'est véritablement la concrétisation du credo de la droite libérale la plus réactionnaire qui se prépare, qui consiste à séparer nettement ce qui relèverait de la solidarité nationale, qu'il faudrait réduire et transférer sur l'impôt,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer, le révolutionnaire de l'hémicycle !

M. Guy Fischer. ...et ce qui ressortirait à la responsabilité individuelle, via les organismes complémentaires et les assureurs privés.

Cela marquerait la fin de la solidarité intergénérationnelle et de la solidarité entre malades et bien-portants.

A contrario, pour conserver une protection sociale solidaire, il faudrait procéder à une véritable réforme globale de l'assiette des cotisations.

Nous savons bien qu'il n'est plus possible de fonder notre régime de protection sociale, comme au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sur le seul facteur travail, alors que sa part ne cesse de régresser dans la création globale des richesses de la nation pour le plus grand profit de la spéculation financière et boursière, les évasions de capitaux.

Je citerai un seul exemple : Total a battu, en 2006, son record de 2005, avec un bénéfice net en hausse de 5 % qui le porte à 12,585 milliards d'euros. Taxer ce type de bénéfice ne serait-ce que de 1 % permettrait de renflouer les caisses de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela ferait 120 millions d'euros !

M. Guy Fischer. Les mouvements sociaux d'octobre et ceux qui, selon moi, ne manqueront pas de suivre...

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un discours idéologique, monsieur Fischer !

M. Guy Fischer. ... ont déjà largement démontré que la politique menée par le Gouvernement est réprouvée et le sera de plus en plus par une grande majorité de Français.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera résolument contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est l'avant-dernière étape de la privatisation de notre système de protection sociale. (M. Alain Vasselle, rapporteur, sourit.) Je suis convaincu que la population française saura faire entendre au Gouvernement à quel point elle est attachée à notre patrimoine social inaliénable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. La caricature du texte par M. Fischer !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Barbier va être plus raisonnable !

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, une question philosophique se pose toujours : qu'y a-t-il après l'Apocalypse ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. On peut se poser la question ! L'Apocalypse selon M. Fischer !

M. Gilbert Barbier. En initiant une nouvelle politique fondée sur la maîtrise médicalisée des dépenses et la responsabilisation de tous les acteurs, la réforme du 13 août 2004 a marqué une véritable rupture.

Pour autant, le redressement de l'assurance maladie reste difficile : ramené de 8 milliards d'euros en 2005 à 5,9 milliards d'euros en 2006, le déficit s'élèvera à 6,2 milliards d'euros en 2007, au lieu des 3,9 milliards d'euros attendus.

En 2008, il s'établirait à 4,3 milliards d'euros. Le Gouvernement mise en effet sur une hausse limitée des dépenses, grâce, notamment, à des mesures d'économie représentant 2 milliards d'euros.

Parmi ces dernières, la création de franchises médicales devrait générer 850 millions d'euros. Ce dispositif, initialement présenté comme une mesure visant à responsabiliser le patient puis à réduire le déficit, doit servir en fait à financer des besoins nouveaux, extrêmement importants.

Quel qu'en soit l'objectif, je crains que les montants en cause, même s'ils ne sont pas négligeables, ne soient pas suffisants. Comment responsabiliser quand beaucoup de patients en seront exonérés et que le frein n'existera plus, une fois le plafond de 50 euros atteint ? Comment croire que la somme espérée couvrira les besoins à venir en matière de soins palliatifs, de lutte contre la maladie d'Alzheimer et le cancer ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est sûr !

M. Gilbert Barbier. Je crois surtout que les franchises soulèvent une question qui mérite d'être tranchée et explicitée pour dissiper toute suspicion.

Après le cotisant et le contribuable, le malade peut-il participer, ne serait-ce que modestement, aux frais de son traitement ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la question !

M. Gilbert Barbier. Pourquoi pas ? Mais disons-le et faisons-le franchement, tout en préservant bien sûr l'accès aux soins des plus démunis.

De toute façon, la véritable question est de savoir s'il faut mobiliser de nouvelles ressources pour assurer un financement pérenne de notre assurance maladie, sachant que les dépenses ne pourront inévitablement être que sur une progression supérieure au PIB. Les prévisions pour la période 2008-2012 ont été calculées sur des hypothèses qui me paraissent déjà bien optimistes.

M. Vasselle, dans le rapport qu'il a fait au nom de la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, avance des solutions intéressantes. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point ?

Quoi qu'il en soit, cette réflexion sur les recettes ne nous dispense évidemment pas d'agir sur les dépenses.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Le taux de progression de l'ONDAM est fixé pour 2008 à 2,8 %. C'est un objectif ambitieux mais pas irréaliste, si tant est que l'on exploite toutes les marges d'économie possibles.

Ce PLFSS comporte indéniablement un certain nombre de mesures structurantes qui vont dans le sens d'une meilleure efficience de notre système de santé, gage d'économies. Je pense notamment à l'application anticipée de la T2A dans tous les établissements, à la lutte contre les abus et les fraudes, qui doit s'intensifier encore. Le rôle demandé à la CNAM dans ce domaine est-il accepté par celle-ci ?

Toutefois, d'autres efforts sont nécessaires sur trois points, qui me semblent prioritaires : le parcours de soins, la politique du médicament et la réforme hospitalière.

Volet important du parcours de soins, le dossier médical personnel semble être en panne.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Gilbert Barbier. Sa mise en place, initialement prévue dans un délai de deux ans, ne cesse d'être ajournée.

Selon un récent rapport de plusieurs organismes, dont l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, le dossier médical personnel s'est vu attribuer « une série d'objectifs hors d'atteinte, dont un calendrier manifestement irréaliste et des coûts grandement sous-estimés ». Il est « illusoire d'attendre avant longtemps des économies tangibles et mesurables », écrivent les experts, pour qui « les modalités de lancement de ce projet en font un antimodèle de gestion publique ». La mission interministérielle prône donc de déclarer sans suite l'appel d'offres en cours sur l'hébergeur informatique principal.

Le Gouvernement peut-il nous faire part de ses arbitrages et nous donner des précisions sur l'évolution de ce dossier et les bénéfices attendus ?

Un autre défi doit être relevé : celui de la consommation de médicaments, dont on sait qu'elle bat des records en France par rapport au reste de l'Europe.

Le plan « médicament » a, certes, permis une évolution favorable du taux de pénétration des génériques et la fixation d'objectifs chiffrés pour les prescriptions de certaines classes de médicaments, mais il reste à faire si l'on en juge les nombreux rapports sur le sujet.

Dans une étude comparative des pratiques européennes dans neuf classes thérapeutiques, la CNAM relève que les praticiens ont tendance à privilégier les produits les plus récents, et donc les plus chers, au détriment des molécules les plus anciennes, qui, souvent, ont donné lieu à des génériques.

Ainsi, dans le traitement des ulcères, si la consommation des Français est inférieure à celle des Espagnols, le coût par habitant est de 16,5 euros pour les premiers et de 9,6 euros pour les seconds.

M. Gilbert Barbier. À pratique équivalente, l'économie potentielle serait de 430 millions d'euros.

Le résultat est le même lorsque l'on compare les prix des génériques : il arrive qu'en France le générique soit presque au même prix que le princeps.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Plus cher, quelquefois !

M. Gilbert Barbier. C'est toute la logique de la substitution qui est ainsi mise à mal ! Qu'en dit le CEPS, le Comité économique des produits de santé ? Comment protéger les industries du médicament qui cherchent à innover ? Comment encourager la recherche dans notre pays ?

En dehors d'une baisse des prix nécessaire, il faut inciter les médecins à prescrire le médicament le plus efficace au meilleur prix.

M. François Autain. Il faut des franchises !

M. Gilbert Barbier. Dans un récent rapport sur l'information des généralistes, l'IGAS pointe l'inadaptation de la « visite médicale » des représentants des laboratoires pharmaceutiques au regard de l'exigence du bon usage des médicaments : de 35 % à 42 % des médecins disent en effet ressentir un manque d'informations sur les données comparatives, le service médical rendu, les effets secondaires et les réactions médicamenteuses.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le rôle des visiteurs médicaux !

M. Gilbert Barbier. L'IGAS recommande donc que la Haute Autorité de santé devienne l'émetteur unique d'information sur le bon usage du médicament et la mise en place d'un observatoire de la prescription. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à ce rapport ?

J'aborderai enfin le dernier point de mon intervention : l'hôpital. J'ai toujours été favorable à l'instauration de la T2A, à condition qu'elle s'accompagne d'une profonde réforme.

Hormis quelques progrès dans la gouvernance, il n'y a pas eu grand chose de fait. Dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes s'interroge sur la fiabilité des comptes des établissements publics : déficits masqués, comptabilité analytique insuffisante, achats de médicaments avec des écarts de prix entre établissements de un à trois, voire de un à dix.

On a un peu le sentiment que la maîtrise médicalisée et les bonnes pratiques, telles qu'on les diffuse dans le secteur ambulatoire, n'ont pas encore trouvé tout à fait leur place à l'hôpital.

M. Alain Vasselle, rapporteur. On peut se poser la question !

M. Gilbert Barbier. Renforcer le pilotage, organiser une meilleure pertinence des recours à l'hôpital, structurer une offre de soins de territoire, améliorer l'attractivité des carrières et des statuts, dynamiser la recherche : tels doivent être les axes d'une future réforme de l'hôpital. J'espère que la mission confiée à M. Gérard Larcher permettra d'aboutir rapidement à des propositions concrètes.

Pour conclure, j'estime que, si les résultats obtenus avec la réforme de 2004 sont encourageants, on peut toutefois dire : « Peut mieux faire ! ».

Ce PLFSS vise à consolider les acquis et à ce que de nouveaux efforts soient fournis. C'est pourquoi la majorité du groupe du RDSE le votera. Toutefois, un retour à l'équilibre appellera nécessairement d'autres réformes plus globales, plus réfléchies, plus concertées avec l'ensemble des acteurs de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien ! Excellente intervention !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que révèle l'analyse des grands équilibres financiers de la sécurité sociale ?

L'année 2007 est qualifiée par notre rapporteur d'année de la rechute en termes de déficits.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !

Mme Muguette Dini. Les chiffres prévisionnels des soldes sont, en effet, de nouveau largement dans le rouge. Avec un déficit du régime général de 11,7 milliards d'euros, dont 4,6 milliards d'euros pour la branche vieillesse et 6,2 milliards d'euros pour la branche maladie, nous retrouvons des ordres de grandeur comparables à ceux de 2004 et de 2005.

À côté de tels chiffres, l'année 2006 fait figure d'année de l'embellie avec un déficit du régime général de « seulement » 8,7 milliards d'euros. Mais l'embellie était largement illusoire. Ce n'est un secret pour personne : le déficit de 2006 n'a pu être maîtrisé que grâce à la recette exceptionnelle de la taxation des plans d'épargne logement de plus de dix ans. Sans l'effet ponctuel de cette mesure, le déficit serait repassé au-delà de la barre symbolique des dix milliards d'euros. C'est aujourd'hui ce que nous observons.

La « rechute » de 2007 est donc bien, en réalité, la continuité de 2006, la continuité d'un système qui peine à se réformer, parce que mettre en oeuvre des mesures structurelles nécessite de prendre des décisions parfois difficiles, et personne ne l'a fait ! Du coup, les rustines financières s'accumulent au fil des ans, celles des fusils à un coup, dont la taxation des PEL de plus de dix ans est emblématique.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 rompt-il avec cette logique ? Pas vraiment ! Certes, le texte vise à ramener le déficit du régime général à moins de 9 milliards d'euros. Si les intentions sont bonnes, que dire des moyens employés pour l'atteindre ? Il faut constater que ces moyens ne rompent pas avec la logique des rustines.

Comment le Gouvernement compte-t-il parvenir à ramener le déficit du régime général à un peu moins de 9 milliards d'euros ? Au moyen de 2 milliards d'euros de recettes nouvelles et de 2 milliards d'euros d'économies. Or la principale recette nouvelle est, encore une fois, une énorme rustine, et la principale source d'économies obéit à une logique que, pour des raisons d'équité, nous ne pouvons cautionner.

En effet, côté recettes nouvelles, comme nous l'a expliqué notre rapporteur Alain Vasselle, le bouclage financier du projet de loi de financement de la sécurité sociale se fera principalement par une mesure du projet de loi de finances pour 2008. Ce sera le prélèvement à la source des charges sociales et fiscales sur les dividendes. Ce prélèvement représentera 1,3 milliard d'euros pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, sur un total de 2 milliards d'euros de recettes nouvelles prévues par le PLFSS.

À côté de cela, les autres recettes nouvelles contenues dans le PLFSS font pâle figure.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ça, c'est sûr !

Mme Muguette Dini. Ainsi, 100 millions d'euros sont attendus du maintien à 1 % du taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques ; la suppression de l'exonération de cotisations AT-MP, accidents du travail et maladies professionnelles, devrait rapporter 180 millions d'euros et la taxation des indemnités de mise à la retraite 300 millions d'euros.

L'Assemblée nationale a ajouté quelques replâtrages côté recettes : la taxe de 0,22 % sur le chiffre d'affaires des fabricants de tabac, l'augmentation des droits sur le tabac à rouler...

Côté économies, notre constat n'est guère plus favorable, la principale d'entre elles étant attendue de la fameuse franchise instaurée sur les médicaments, les consultations paramédicales et les transports sanitaires.

Nous n'adhérons pas à la logique de la franchise. De par sa nature même, quel que soit son montant, une franchise pèse d'abord sur les moins favorisés, cela d'autant plus que, sur une simple prescription, la franchise immédiate pourrait atteindre 10 euros dès la première pathologie. Cette franchise s'ajoutera en outre à la participation forfaitaire d'un euro réglée par les assurés pour toute consultation médicale ou acte de biologie.

Aujourd'hui fixée à 50 centimes par boîte et par consultation paramédicale et plafonnée à 50 euros par an, comment évoluera la franchise ? L'incertitude sur cette évolution nous inquiète. Surtout, nous ne croyons pas aux vertus des franchises comme moyen de réduction des prestations. Les franchises dessinent une assurance santé à plusieurs vitesses, un modèle que nous ne pouvons cautionner.

Il y a une autre économie que nous ne pouvons approuver et qui est la marque la plus emblématique de ce dont nous ne voulons plus : la non-compensation de cinq mesures par l'article 16.