M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, dans le premier budget de ce gouvernement, qui doit mener à bien le programme que le Président de la République a voulu « de rupture », je ne vois que continuité et aggravation des politiques conduites depuis 2002. L'adjectif qui me vient à l'esprit pour qualifier la part allouée à la mission « Solidarité, insertion, et égalité des chances » est « insuffisante », voire « indigente ».

Nicolas Sarkozy, alors qu'il n'était que candidat à la présidence de la République, a beaucoup promis. Il a promis le droit au logement opposable pour toutes et tous, qui n'a d'effet que sur le papier, promis d'accroître de 25 % le montant de l'allocation aux adultes handicapés, promis d'étendre la CMU complémentaire et de la rendre plus généreuse, promis encore de faire de la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes une priorité.

Mais après le temps des promesses, égal à celui de la campagne, voici le temps de la réalisation. Et là, un constat s'impose : il y a un océan entre les promesses et la réalité.

Cette mission, qui revêt un caractère particulier puisqu'elle concerne les politiques de prévention de l'exclusion et d'insertion des personnes vulnérables, n'échappe pas à ce constat. Elle porte pourtant un bien bel intitulé, qui risque fort de ne pas se traduire dans les faits ; j'y reviendrai.

Je n'irai pas jusqu'à dire que votre projet de loi de finances aggravera la situation des plus pauvres et des plus précaires. Je pense aux bénéficiaires de la CMU, de la CMU-C, de l'aide à l'acquisition d'une mutuelle complémentaire, ou encore à ceux de l'AME, dont la situation sera aggravée par l'article 49 du projet de budget. J'interviendrai tout à l'heure sur cet article, mais je ne peux m'empêcher de mettre en regard, dès à présent, les 14 millions d'euros d'économies que permettraient de dégager cette mesure et les 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux octroyés, presque en secret, durant l'été, lors de l'adoption de la loi TEPA. Force est de constater que ce montant est aussi supérieur aux 12,04 milliards d'euros consacrés à cette mission. Le symbole est clair : votre gouvernement a fait le choix de restaurer les privilèges de certains, alors que pour l'immense majorité des Français, la galère et les fins de mois difficiles continuent.

Si votre gouvernement a trouvé les moyens de satisfaire les plus riches, il peine encore à doper la croissance, preuve que votre loi TEPA est inefficace et ne parvient pas à accroître le pouvoir d'achat.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle ne s'applique que depuis un mois !

Mme Annie David. Je sais par avance que vous me répondrez : « heures supplémentaires ! » Mais, croyez-moi, la grande majorité des salariés à temps partiel - en particulier les femmes -, pour qui cette modalité d'emploi est plus une contrainte qu'un choix, préférerait un emploi à temps plein plutôt que d'effectuer des heures complémentaires.

Cela me permet de rentrer dans le vif du sujet par la plus petite enveloppe de cette mission, celle du programme 137, « Égalité entre les hommes et les femmes », dont vient de parler Mme Gautier. Avec 28,5 millions d'euros, cette enveloppe est à peine plus fournie qu'en 2007, enregistrant une augmentation bien ténue, de 0,8 % pour être précise.

Là encore, je vous entends déjà me rétorquer que tous les crédits n'ont pas été dépensés. Évidemment, c'est tellement facile de ne pas dépenser ce qui est prévu, surtout lorsqu'il s'agit de faire avancer le droit des femmes !

Vous réussissez même à diminuer certaines actions, comme vient de le dire également Mme Gautier, notamment les actions « Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision » et « Égalité en droit et en dignité ». J'y reviendrai lors de l'examen d'un amendement que soutiendra notre collègue Paul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, qui vise à prélever certaines sommes d'un côté pour les remettre d'un autre côté. Mon cher collègue, j'ai envie de vous dire que c'est le total de la mission qu'il faut abonder ! Sinon, on ne fait qu'habiller Paul en déshabillant Pierre ! (Sourires.)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. En l'occurrence, c'est Paul qu'on déshabille ! (Nouveaux sourires.)

Mme Annie David. Pourtant, quelle est la situation vécue par encore de trop nombreuses femmes de notre pays ? Insultes et comportements sexistes, violences conjugales, violence verbale, règne du patriarcat, exploitation sexuelle, discrimination à l'embauche et dans la rémunération. Même s'il ne restait qu'une femme victime de tels traitements, ce serait encore une de trop !

À ce propos, l'étude réalisée par l'INSEE en 2005, mise à jour au mois de juillet 2007, vient confirmer cette donnée dont, pour ma part, je ne doutais pas : à travail égal, les femmes demeurent moins bien payées que les hommes, et cela se vérifie dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Alors qu'un ouvrier gagne 17 290 euros en moyenne par an, une ouvrière perçoit 14 357 euros. Alors qu'un employé gagne 16 772 euros, une employée perçoit 15 755 euros. L'écart est encore plus grand pour les cadres : les femmes perçoivent en moyenne 37 253 euros par an quand leurs collègues masculins gagnent 48 421 euros.

Cette inégalité se vérifie évidemment dans l'étude réalisée par l'INSEE en 2005 et réactualisée au début de cette année sur le nombre et le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Dans toutes les catégories d'âges, il y a plus de femmes que d'hommes.

Je sais qu'une conférence sociale sur l'égalité professionnelle et salariale s'est tenue le 26 novembre. Pour autant, les réponses apportées me semblent bien minces au regard de l'enjeu. Certaines me satisfont, notamment celles qui concernent les pénalités financières. Mais je regrette le temps perdu pour légiférer. En effet, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, j'avais, avec mon collègue Roland Muzeau, défendu l'idée de telles pénalités. Mme Nicole Ameline, alors ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, m'avait « renvoyée dans les cordes » !

Je me réjouis que votre sagesse vous ait permis de me rejoindre sur ces points et j'espère qu'en ce qui concerne les temps partiels - M. Xavier Bertrand a dit qu'il allait entamer des tables rondes sur ce sujet -, vous pourrez reprendre les propositions de mon groupe !

S'agissant des contrats d'égalité professionnelle, je rappelle qu'on en compte vingt-quatre. Ce chiffre, dérisoire, est d'ailleurs le même qu'en 2006. On ne peut pas vraiment dire que votre gouvernement redouble d'effort lorsqu'il s'agit de promouvoir des actions exemplaires en faveur de l'égalité professionnelle !

Cette mission présente encore un caractère insuffisant pour ce qui concerne le programme 157, « Handicap et dépendance ».

Je m'attarderai sur l'allocation aux adultes handicapés, dont le montant, 621,37 euros, demeure très en dessous du seuil de pauvreté, alors même que les bénéficiaires de cette allocation ne peuvent travailler. M. Nicolas Sarkozy, alors qu'il n'était que candidat, avait promis une augmentation de cette aide de 25 %. Elle ne sera, au final, que de 1,1 %. Certes, une revalorisation de 1 % interviendra au mois de septembre, mais l'augmentation ne s'élèvera qu'à 2,1 %, soit plus de dix fois moins que la hausse promise.

Nous avions pourtant, lors de l'examen du PLFSS pour 2008, déposé un amendement visant à exonérer les bénéficiaires de l'AAH de l'assiette de contribution aux franchises médicales. Vous l'avez refusé. Nous vous avions alors suggéré d'augmenter le plafond de ressources de la CMU afin de permettre à ces allocataires d'en bénéficier et donc de les exonérer des franchises. Votre réponse, d'une grande violence, nous a choqués, comme elle a choqué bon nombre d'associations. Souvenez-vous : vous aviez alors justifié votre refus par le fait que le gouvernement Jospin, créateur de la CMU, ne les avait pas intégrés. Vous justifiez donc votre refus par une mesure initialement insuffisante ! Mais, si elle était insuffisante, ce que nous croyons, il aurait mieux valu faire cesser cette situation et permettre aux adultes handicapés de bénéficier de la CMU. Voilà une mesure qui aurait été respectueuse des personnes handicapées !

Insuffisance toujours : le programme 177 est en diminution par rapport à l'an dernier. C'est pourtant dans ce programme qu'il est question du logement et donc de la loi DALO du 5 mars 2007. Cette dernière a fait naître de très nombreux espoirs parmi les mal-logés et les sans-logement de notre pays. Vous avez fait croire que votre gouvernement construirait plus de logements sociaux, qu'il répondrait aux besoins d'urgence et de stabilité. Vous faisiez de cet engagement un droit opposable aux citoyens. Mais nous savions que ce droit serait, en fin de compte, opposable non à l'État, mais aux maires. Nous le dénoncions d'emblée : la loi DALO ne répond pas à l'exigence de logements sociaux et à la crise du logement dans notre pays ; elle répond à peine à celle des logements d'urgence.

J'ai dit « insuffisant », mais j'aurais dû dire « indigent » puisque les crédits destinés à satisfaire à cette exigence, qui se montent à 855 millions d'euros pour 2008, enregistrent en fait une baisse de 3 %. En effet, vous avez dissimulé, sans doute par erreur, les 94 millions d'euros destinés au plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri, le PARSA, qui doivent donc être ajoutés aux 788 millions d'euros inscrits dans la loi de finances initiale de 2007. Le budget passe alors à 882 millions d'euros pour 2007, montant supérieur aux 855 millions d'euros prévus pour 2008. Il y a les discours, l'affichage, d'une part, et la réalité, d'autre part. Mais cela, les mal-logés et les non-logés ne le savent que trop.

Pourtant, une mesure concrète pourrait être prise, à savoir la réquisition des logements laissés vacants pour cause de spéculation. En lieu et place, vous envoyez les CRS et délogez parfois brutalement les familles, comme vous l'avez fait pour celles de la rue de la Banque.

La situation est pourtant loin de s'améliorer : sur les 27 000 places d'hébergement ou de logement prévues en 2007 pour les sans-abri, seules 14 000 devraient être réalisées Je regrette vraiment que vous ne preniez pas la mesure de l'urgence.

Je ne reviendrai pas sur la polémique sur la proposition de parlementaires de l'UMP qui visait à exclure les étrangers des centres d'hébergement. Sous la pression des associations, cette proposition a fait long feu. Il n'en demeure pas moins qu'elle emblématique d'une ambiance générale, celle qui est née de la création du ministère de l'identité nationale et des tests ADN. J'y reviendrai lors de la discussion sur l'article relatif à l'AME.

Récemment encore, une chaîne de télévision du service public interrogeait un candidat à la mairie d'une ville. La ville, c'est Neuilly-sur-Seine et le candidat, c'est M. Martinon. Celui-ci se satisfaisait du pourcentage de logements sociaux dans cette commune, allant même jusqu'à préciser : « Il n'y a pas à Neuilly que des gens très riches, il y a aussi des gens moyennement riches. » Il est sûr qu'à Neuilly il n'y a pas de pauvres ! Avec 2,45 % de logements sociaux, soit moins de 400 logements au total, comment pourrait-il en être autrement? Et encore faut-il préciser que, sur ces 400 logements, tous ou presque sont éligibles au prêt locatif social, le PLS, ce mode de financement destiné à des loyers importants que des familles modestes ne peuvent payer.

Mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, je vous suggère une mesure que vous pourriez prendre pour répondre à l'urgence, qui ne coûterait rien à l'État et qui serait efficace : demander aux préfets de se substituer aux maires qui violent la loi SRU afin d'entamer, sous leur direction, les opérations nécessaires à la construction des logements sociaux qui font cruellement défaut.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen ne voteront pas ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un budget de 12,12 milliards d'euros, soit une somme importante. Pourtant, malgré une augmentation des crédits, les dépenses sont supérieures puisqu'elles s'élèvent à 14,64 milliards d'euros.

Par ailleurs, ces 12 milliards d'euros devront couvrir un grand nombre de programmes : la prévention de l'exclusion, les actions en faveur des familles vulnérables, le handicap et la dépendance, la protection maladie et l'égalité entre les hommes et les femmes.

J'insisterai plus particulièrement sur le programme « Handicap et dépendance ». Bien qu'il s'agisse du plus important de la mission, on ne peut que déplorer l'insuffisance de sa dotation. Pourtant, l'une des priorités affichées par le candidat Sarkozy, devenu le Président de la République, en matière de politique de solidarité concernait les personnes handicapées. En avril dernier, il déclarait : « Je considère que l'allocation aux adultes handicapés ne permet pas de vivre décemment, elle n'atteint même pas le seuil de pauvreté, et, au nom de la solidarité la plus élémentaire, je propose d'en revaloriser le montant de 25 %. ».

Qui n'approuverait cette déclaration ?

Malheureusement, je constate que ce projet de budget ne prévoit qu'une augmentation de 2,1 %, ce qui ne représente que 13,05 euros en plus par mois. On est très loin des 25 % promis !

Or la grande majorité des handicapés n'ont que l'AAH pour vivre, à savoir 621,27 euros par mois, soit 200 euros en dessous du seuil de pauvreté ! Il est urgent de mettre fin à cette situation d'extrême pauvreté et d'engager un effort substantiel de revalorisation.

La question des ressources des personnes handicapées est cruciale, et il est nécessaire de la résoudre pour permettre à ces hommes et à ces femmes de vivre dans la dignité. Comment, madame la secrétaire d'État, pensez-vous respecter l'engagement présidentiel ? Les 800 000 bénéficiaires de cette allocation attendent avec impatience votre réponse, même si nous savons bien que la progression ne saurait être aussi rapide qu'ils le souhaitent, du reste légitimement.

La question de l'insertion professionnelle des personnes handicapées est tout autant préoccupante. Certes, le rapport d'évaluation de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 remis par Patrick Gohet souligne que de réels progrès ont été accomplis puisque le nombre de travailleurs handicapés en recherche d'emploi a baissé de près de 10 % depuis la parution de la loi.

Toutefois, les objectifs fixés par la loi de juillet 1987, réaffirmés par celle de février 2005, ne sont aujourd'hui toujours pas atteints, tant dans la fonction publique - et c'est le plus étonnant - que dans les entreprises privées. Ainsi, dans la fonction publique, le taux moyen d'emploi des personnes handicapées est de 4,5 % et, selon les derniers chiffres de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, près de la moitié des entreprises françaises n'atteignent pas le quota de 6 %, malgré les incitations financières et les campagnes de sensibilisation.

Je rappelle ce constat accablant : le taux de chômage est deux fois plus élevé que chez les autres salariés, les périodes de chômage sont plus longues et les difficultés à s'insérer et à se maintenir dans un emploi sont trop nombreuses.

Cette situation mérite d'être rapidement améliorée. Je suggère donc qu'une nouvelle opération de mobilisation des élus locaux et des décideurs économiques soit organisée, région par région, pour accélérer cette prise de conscience.

Le Gouvernement a décidé de renforcer les dispositifs d'emploi et d'insertion des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques. Je souhaite, de tout coeur, que cette annonce ne reste pas lettre morte et soit suivie de mesures financières incitatives.

Un autre sujet me préoccupe : le malaise qui s'étend au sein des établissements du secteur médico-social, notamment celui qui est sous tutelle de l'État.

Il se résume en deux constats : d'une part, il existe trop peu de places dans les MAS, les maisons d'accueil spécialisées, dans les IME, les instituts médico-éducatifs, et les CAT, les centres d'aide par le travail, notamment ; d'autre part, des budgets souvent en diminution tirent vers le bas la qualité de l'accueil et des soins dispensés dans ces structures.

Récemment, une étude chiffrait à 117 000 le nombre de places qu'il faudrait créer pour satisfaire les besoins ; or on en compte actuellement 370 000 pour un coût de 10 milliards d'euros. Même si un effort substantiel a été consenti ces dernières années, ce qui reste à faire est considérable. Tous les présidents d'association, tous les directeurs d'établissement vivent ces entretiens émouvants, éprouvants même, au cours desquels, ayant devant eux les parents d'un enfant ou d'un adulte handicapé, ils doivent leur répondre qu'il n'y a pas d'accueil possible faute de place ou de personnel spécialisé. L'angoisse est alors palpable chez ces hommes et ces femmes.

L'insuffisance des budgets entretient en outre un climat conflictuel entre l'administration et les associations gestionnaires.

Les règles du jeu n'étant pas claires, les budgets étant insuffisants, le recours au contentieux par le biais du tribunal administratif se développe. C'est alors l'impasse. Trop souvent, en effet, l'État refuse d'appliquer la sentence du juge en matière de prix de journée.

Tant que cette situation était exceptionnelle, elle était seulement regrettable. Si elle se généralisait, elle témoignerait d'une crise de la puissance publique, incapable d'assurer les arbitrages nécessaires.

Il faut stopper cette dérive et redonner de la visibilité aux associations gestionnaires, qui se sentent parfois menacées dans leur existence même.

Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, peser de tout votre poids pour rapprocher les points de vue et restaurer la capacité de dialogue de vos services déconcentrés avec nombre d'acteurs locaux du secteur médico-social qui se sentent aujourd'hui marginalisés, surtout s'ils appartiennent à des petites et moyennes associations ?

Le Sénat pourrait sans doute vous y aider, tout particulièrement grâce à M. Paul Blanc, l'excellent rapporteur de la loi de 2005, et de surcroît acteur infatigable sur ce chantier.

S'agissant, enfin, de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents handicapés, quelques progrès ont été réalisés cette année, selon le voeu du Président de la République, même si la relation entre l'éducation nationale et l'ANPE demeure difficile.

Reste pourtant une question de fond : l'absence de formation pour un métier qui exige de solides qualités humaines et psychologiques et quelques notions plus techniques sur le handicap.

En réalité, c'est une nouvelle profession qu'il faut créer à terme. Dans l'immédiat, ne pourriez-vous avoir une concertation avec le ministre de l'éducation nationale pour assurer, dès le début de la prochaine année, une présélection des candidats à qui serait dispensée une formation de base ?

Au total, si, dans le domaine du handicap, ce projet de budget apporte une certaine stabilité des moyens, ce qui n'est pas négligeable en ces temps de disette, ces moyens restent néanmoins loin des attentes légitimes. C'est pourquoi je ne pourrai le voter en l'état.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j'interviendrai sur deux points : la scolarisation des enfants handicapés, d'une part, la compensation du handicap et le revenu des personnes handicapées, d'autre part.

La nécessité et le devoir d'intégrer en milieu scolaire ouvert les enfants présentant une situation de handicap sont partagés par tous.

Apprendre avec les autres est un droit des enfants handicapés. Énoncer ce droit est une évidence, mais, sans nier les progrès réalisés, force est de constater que l'état des lieux est consternant. En effet, de nombreux enfants handicapés ne sont pas scolarisés : certains restent à domicile faute de solution, d'autres sont accueillis en établissement spécialisé, mais ne bénéficient pas de scolarité.

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a suscité beaucoup d'attente et d'espoir, mais les réponses tardent à venir.

Le projet de loi de finances pour 2008 reste dans cette même tonalité : volonté affichée, mais peu de garanties pour l'avenir.

Certes, 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration sont créées, 166 dans l'enseignement public et 34 dans l'enseignement privé ; 2 700 auxiliaires de vie scolaire ont été recrutés par anticipation à la rentrée 2007 et 1 700 autres devraient être chargés en 2008 d'un accompagnement collectif, tandis que 7 800 contrats aidés qui assurent l'accompagnement d'élèves handicapés seront reconduits en 2008.

Cependant, plusieurs difficultés ont été mises en avant, portant notamment sur l'information sur les droits, la formation des personnels enseignants et non enseignants, la mise en place d'un enseignant référent. Aucun moyen nouveau pour la formation des enseignants n'est prévu dans ce projet de budget. Cette formation demeure facultative et optionnelle dans les instituts universitaires de formation des maîtres.

Le nombre des enseignants référents reste insuffisant. Chacun d'entre eux suit en moyenne 200 à 300 enfants répartis sur plusieurs établissements scolaires, ce qui ne permet pas d'assurer un suivi de qualité des situations individuelles. De nombreuses études montrent que l'intégration d'un enfant handicapé est réussie lorsque celle-ci a été auparavant préparée avec les accompagnements et les soutiens nécessaires.

Il faudrait également des auxiliaires de vie scolaire en nombre suffisant, formés et présents dans tous les départements. Or les postes d'auxiliaire de vie scolaire ne sont qu'en très légère progression pour 2008. Leur statut est peu attractif, ce qui entraîne une rotation importante de ces personnels.

De plus, beaucoup de nouveaux contrats sont attribués aux emplois « vie scolaire ». Leur création répond avant tout à une volonté de lutter contre le chômage et de remettre sur le chemin du travail des demandeurs d'emploi de longue durée, plus qu'à apporter une réponse aux besoins des écoles et des établissements scolaires en termes d'emplois qualifiés pérennes.

Il s'agit, en effet, d'un contrat à durée déterminée renouvelable dans la limite de vingt-quatre mois, ce qui limite les possibilités d'investissement et ne règle en rien la précarité.

Certes, les textes évoquent une formation des emplois de vie scolaire, mais aucune précision n'est donnée sur ce que pourrait être une formation d'adaptation à l'emploi.

À la différence des auxiliaires de vie scolaire, les emplois « vie scolaire » constituent à l'origine une aide attribuée à l'équipe pédagogique et non pas une aide individuelle apportée à l'enfant. Or, dans la pratique, les tâches de ces différents personnels ont tendance à se rapprocher, voire à se fondre, alors que rien n'est mis en place pour les former à cet accompagnement.

Une évaluation de ce dispositif est réclamée par les associations. Le Gouvernement a-t-il l'intention de répondre à cette attente ?

L'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire est un vrai métier. Il doit être reconnu, valorisé et pérennisé.

J'en viens à la compensation du handicap.

La participation de l'État, déjà marginale, connaît de surcroît une forte baisse en 2008.

Les crédits demandés au titre de la compensation des conséquences du handicap s'élèvent à 22,42 millions d'euros d'autorisation d'engagement et à 15,75 millions d'euros de crédits de paiement, soit une diminution de plus de 75 % pour les autorisations d'engagement et de plus de 81 % pour les crédits de paiement.

Ainsi, les crédits finançant les forfaits d'auxiliaires de vie, qui s'établissaient à 56 millions d'euros en 2007, n'ont pas été reconduits pour 2008.

Bien que la prestation de compensation du handicap ait vocation à couvrir le coût de ces services, son dispositif tel qu'il fonctionnait lors de sa mise en oeuvre ne permettait pas à lui seul de couvrir l'intégralité des coûts. Cet état de fait aurait justifié le maintien, au moins à titre transitoire, de cette aide forfaitaire et il nécessite que l'on s'assure à l'avenir de l'absence de reste à charge pour la personne handicapée.

Je me permets d'ouvrir une parenthèse, pour revenir sur un article paru dans les Échos de mercredi et dans lequel il est fait allusion à la « cagnotte » des départements, concernant cette prestation de compensation du handicap, la PCH.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !

Mme Claire-Lise Campion. Je m'élève contre ce terme de « cagnotte ».

Effectivement, comme l'a observé M. Paul Blanc dans son rapport pour avis, la mise en oeuvre pleine et entière de la PCH est plus lente que prévue,...

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !

Mme Claire-Lise Campion. ... principalement en raison de la complexité des modalités d'attribution fixées par la loi de février 2005 et de la nécessité de mettre en place les commissions d'attribution.

Cependant, il faut prendre un autre élément en considération : la prestation de compensation du handicap n'a pas remplacé automatiquement l'allocation compensatrice pour tierce personne...

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. D'accord !

Mme Claire-Lise Campion. ... et les bénéficiaires de celle-ci ont plutôt tendance à ne pas opter pour le nouveau dispositif, essentiellement par crainte d'une diminution de la prestation.

On ne peut donc parler de « cagnotte » pour les départements : les crédits sont affectés et l'on peut même craindre qu'à l'horizon de trois ou quatre ans, les départements ne connaissent la situation rencontrée avec l'APA.

Enfin, nombre de départements vont bien au-delà de leurs compétences concernant le handicap et ont déjà utilisé une partie de leurs excédents pour financer, par exemple, des aménagements destinés à améliorer l'accessibilité des bâtiments publics ou le développement de transports à la demande grâce à la mise en place de centrales de réservation.

Nous sommes donc très loin d'une « cagnotte », et plutôt très près d'une priorité budgétaire pour de nombreux départements dans notre pays. Je referme là ma parenthèse.

Une autre de mes inquiétudes porte sur la modification du support de financement pour les fonds départementaux de compensation du handicap.

Les engagements du Gouvernement pour 2008 passeront, en effet, par un fonds de concours. Qu'en sera-t-il de la pérennité de ce fonds ? D'où proviendra-t-il ? S'agira-t-il d'un nouveau prélèvement sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ? Une telle option ne peut nous satisfaire.

L'évolution de l'allocation pour adulte handicapé nous inquiète tout autant. Alors que le Président de la République avait annoncé une évolution de 25 % de cette allocation pour son quinquennat, l'AAH sera revalorisée de 1,1 % au 1er  janvier 2008, et de nouveau de 1,1 % au 1er septembre 2008. Nous sommes donc bien loin du compte ! Je ne vois pas comment, à ce rythme-là, la revalorisation pourra atteindre 25 % dans quatre ans.

Certes, je comprends et partage le souci du Gouvernement de mettre en avant le retour à l'emploi, mais qu'en est-il exactement ?

Les personnes handicapées embauchées avec un contrat avenir ne peuvent bénéficier de la prime de retour à l'emploi instituée par la loi du 23 mars 2006. Pis, à l'issue du contrat, le travailleur handicapé dont l'incapacité est comprise entre 50 % et 79 % n'est plus en mesure de percevoir l'AAH puisqu'il se heurte à la condition de ne pas avoir travaillé depuis un an. Il ne pourra la solliciter de nouveau que si, durant une année, il n'exerce pas d'activité professionnelle.

Nous sommes encore bien loin de permettre aux personnes handicapées de vivre dignement et de sortir de la position d'« assisté de fait » que nous leur imposons, et c'est inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Monsieur le président, j'ai été mis en cause à trois ou quatre reprises à propos du terme « cagnotte ». Or je n'ai jamais, personnellement, utilisé ce mot ; ce sont les journalistes qui l'ont employé.

Il n'en demeure pas moins que les départements ont perçu, de la part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, des sommes supérieures à ce qu'ils ont dépensé pour le handicap. Je m'inscris donc en faux contre l'affirmation de leurs représentants selon laquelle la prise en charge du handicap leur coûte cher et n'a pas été compensée, même si je suis d'accord avec vous, ma chère collègue, sur le fait qu'une montée en puissance du dispositif doit avoir lieu.

En tout cas, pour l'instant, les départements ont, au titre du handicap, reçu plus qu'ils n'ont versé.

M. le président. C'est sûrement pour cette raison que le département du Bas-Rhin verse 10 millions d'euros de plus que ce qu'il reçoit !

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, votre département est particulièrement en avance, et je l'en félicite ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente-Baudrin.

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Si vous le permettez, monsieur le président, je commencerai par préciser à M. Blanc que ma collègue Claire-Lise Campion ne l'a pas mis en cause personnellement.

Mme Claire-Lise Campion. Absolument, j'ai simplement cité l'article paru dans Les Échos !

M. le président. D'ailleurs, notre rapporteur pour avis est parfait ! (Nouveaux sourires.)

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le programme « Handicap et dépendance » affiche 8,105 milliards d'euros de crédits, soit 67 % du budget total de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il est à noter que la ligne budgétaire correspondant à l'action « Ressources d'existence » augmente de manière mécanique, tandis que celle qui porte sur l'action « Compensation des conséquences du handicap » baisse, comme l'a très justement souligné Mme Campion.

M'étant souvent exprimée sur ce sujet, je ne l'aborderai donc pas ce soir, d'autant que la dernière lettre d'information publiée par M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, contient un excellent dossier sur ce thème. Outre les difficultés qui y sont « pointées », les défis à relever pour assurer la pleine intégration des travailleurs handicapés sont connus : lever les contraintes liées aux problèmes de mobilité, lutter contre la sous-qualification, assurer la réussite des politiques publiques, entre autres.

Les établissements et services d'aide par le travail concentrent des activités créatrices d'emplois et remplissent parfaitement leurs missions. Les besoins en termes de création de places sont toujours aussi importants, le taux de chômage des personnes handicapées étant quatre fois supérieur à celui de la population. (M. le rapporteur pour avis fait un signe de dénégation.)

Le projet de loi de finances pour 2008 ne prévoit aucune création de poste et les crédits sont maintenus au même niveau qu'en 2007. En tenant compte de la revalorisation du SMIC, les subventions spécifiques baissent également de 5 millions d'euros, ce qui ne correspond qu'à 17 811 places, contre 20 099 cette année.

Les conséquences risquent d'être dramatiques, et la pérennité des entreprises concernées est menacée.

Faut-il, en outre, considérer le nouvel indicateur prévu en 2009 comme un autre dispositif subordonné, dans le futur, à la révision des accompagnements financiers de l'État ?

Les adultes handicapés sont éligibles à tous les contrats aidés, tels que les CAE, les contrats d'accompagnement dans l'emploi, les CIE, les contrats initiative emploi, les contrats d'avenir, mais pas au nouveau dispositif du RSA, le revenu de solidarité active, contrairement, d'ailleurs, à ce qu'avait déclaré - un peu vivement ! - M. Vasselle, lors des débats sur le PLFSS pour 2008. Nous aimerions en connaître la raison.

En deux petites phrases, l'article 49 du projet de loi de finances restreint de nouveau l'accès à la CMU-C, alors même que les déclarations de l'inspecteur général des affaires sociales et directeur du fonds CMU ne laissent place à aucune ambiguïté de gestion concernant ce fonds : « Ni en valeur absolue ni en augmentation, la couverture maladie universelle complémentaire ne peut faire l'objet de reproche. Le rapport coût/efficacité de cette prestation, qui en est à sa septième année d'existence, mérite, sans risque de contradiction, le qualificatif d'"excellent" ».

Cette mesure pourrait sembler purement technique, sinon qu'elle présente un défaut majeur : l'alignement se fait sur la fourchette la plus élevée du forfait. L'économie attendue est ainsi estimée à 14 millions d'euros, ce qui correspond à l'exclusion de plus de 40 000 bénéficiaires potentiels, et cela est d'ailleurs en totale contradiction avec l'engagement pris en 2005 par le gouvernement précédent d'admettre 300 000 enfants supplémentaires dans ce dispositif.

Le non-recours à une complémentaire est peut-être dû au manque d'information, mais la raison principale tient à ce que les demandeurs ne savent plus comment faire valoir leurs droits tant la procédure est devenue compliquée. Cette « harmonisation » écartera encore davantage de personnes du système.

La CMU-C, qui fournit une couverture supplémentaire gratuite, a remplacé au fil du temps l'aide médicale de l'État, qui a un double objectif, humanitaire et sanitaire. Depuis 2002, l'AME a systématiquement été sous-budgétisée, cependant que les conditions d'accès ont sans cesse durci. En la matière, le présent budget ne fait pas exception à la règle !

Cette énième réforme repose, bien évidemment, sur l'hypothèse de nouvelles économies, avec, notamment, la mise en place d'un ticket modérateur, l'extension des contrôles médicaux et les génériques. Les crédits sont, en outre, principalement consacrés aux remboursements des dépenses de soins prises en charge par les caisses primaires d'assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale des départements d'outre-mer.

Notre collègue Paul Blanc nous présentera tout à l'heure, au nom de la commission des affaires sociales, un amendement visant à assainir la situation financière des CHRS, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale.