M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.

M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget pour l'outre-mer qui nous est présenté aujourd'hui est de nature à nous rassurer quant au maintien de l'effort financier de l'État à l'égard de nos collectivités ultramarines, bien qu'il ne soit pas révélateur de l'ensemble des crédits inscrits en leur faveur, puisqu'il en représente moins de 15 %.

Nous l'abordons dans le contexte des grandes réformes annoncées par le Président de la République, et je saisis cette occasion pour saluer sa détermination et son courage politique, car il nous faut bien admettre le caractère inéluctable des changements qui doivent intervenir dans notre pays. Je fais partie de ceux qui sont convaincus de sa capacité à améliorer la situation de la France et des Français de métropole et d'outre-mer.

S'agissant de la situation outre-mer, vous savez qu'il reste encore beaucoup à faire, et je crois fermement qu'il est indispensable de conduire une réflexion en commun, de privilégier le dialogue et l'écoute des responsables politiques locaux. Je tiens d'ailleurs à saluer la sagesse avec laquelle le président de la commission des finances, samedi dernier, à la demande du Gouvernement et de nombre de nos collègues, a retiré son amendement sur l'indemnité temporaire de retraite.

En revanche, monsieur le secrétaire d'État, nous proposons que soit rapidement créé un groupe de travail parlementaire pour traiter spécifiquement de la réforme du système de majoration des retraites outre-mer, de façon à ce que la réflexion sur ce sujet soit menée conjointement par le Gouvernement et par les parlementaires de métropole et d'outre-mer. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne peut pas durer !

M. Simon Loueckhote. Ce groupe de travail pourrait rendre ses conclusions à l'issue du premier semestre de 2008, ce qui permettrait d'adopter un texte avant la fin de l'année, dans la continuité des réformes entreprises sur le plan national.

Comprenez bien, mes chers collègues, qu'il ne s'agit pas pour nous de mettre en oeuvre une stratégie d'évitement. Il s'agit de prendre les mesures nécessaires en pleine connaissance de l'ensemble des données qui y sont liées et, en particulier, de leur impact économique. Il me semble que c'est là une initiative responsable des parlementaires de l'outre-mer et j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous la soutiendrez.

Vous avez annoncé la création, au cours du premier semestre de l'année prochaine, d'un conseil interministériel qui pourrait être présidé par le Président de la République lui-même. Cette réflexion sur les retraites pourrait également s'inscrire dans le cadre de ce conseil interministériel.

Nous percevons, en effet, cette décision de création de conseil interministériel pour l'outre-mer comme une marque d'attention très significative à l'égard de l'ensemble de nos compatriotes ultramarins, qui seront, à n'en pas douter, très sensibles à un tel geste. Nous comprenons également que cette initiative intervienne dans la dynamique du changement qui doit s'appliquer à nos collectivités ultramarines.

Nous sommes tous conscients que de nombreuses contraintes pèsent sur l'activité économique et la création de richesses outre-mer. Les collectivités ultramarines sont tenues de soutenir en permanence, par l'action publique, un développement économique et social fragilisé par des handicaps structurels, et elles sont limitées dans la mise en oeuvre de leur politique publique par des ressources propres insuffisantes.

Vous avez d'ailleurs souligné à juste titre, monsieur le secrétaire d'État, que l'enjeu fondamental était de donner à nos collectivités ultramarines la capacité de se développer et de passer d'une logique de rattrapage à une logique de développement.

Je souhaite, tout comme vous, que la mise en place des pôles de compétitivité et la création de zones franches d'activité permettent de donner un nouvel élan à nos économies.

La gestion de nos collectivités ultramarines se fait dans le contexte de la décentralisation, qui, selon nos statuts respectifs, se traduit par un transfert de compétences plus ou moins étendu à nos assemblées locales ainsi que des moyens permettant de les assumer.

La gestion de proximité ne permet ni de pallier tous nos handicaps ni de résoudre tous nos problèmes, et la Haute Assemblée, qui est la représentante des collectivités locales, est bien placée pour connaître des difficultés induites par le processus de décentralisation.

Le président du Sénat a d'ailleurs souhaité la création d'un observatoire de la décentralisation, auquel seraient confiées une mission d'évaluation ainsi que la faculté de faire des propositions visant, si nécessaire, à « corriger le tir ».

Nos collectivités d'outre-mer, qui sont souvent présentées comme un laboratoire de la décentralisation, ne peuvent trouver une entière satisfaction dans un processus administratif. Elles se caractérisent, en effet, par une très grande diversité et par une identité particulière qui nécessitent des réponses adaptées à chaque situation. La réponse qui a été apportée jusque-là est une très grande variété de statuts, d'où la complexité de l'organisation outre-mer. Nos collectivités sont, de ce fait, continuellement confrontées à l'évolution de leur statut et de leurs liens avec l'État.

L'outre-mer exprime sans cesse son besoin de voir son identité et sa différence reconnues, et cela se traduit par une demande de plus grande autonomie. Je reprendrai, à cet égard, la définition de la Charte européenne de l'autonomie locale, qui précise, en son article 3, que « par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ».

L'exercice de l'autonomie est très variable d'une collectivité à l'autre. Je citerai, à titre d'illustration, la question de la responsabilité des exécutifs locaux, qui n'est actuellement présente dans notre organisation territoriale que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale de Corse.

Personne ne songe à contester la légitimité de la revendication d'une gestion de proximité. Pour autant, il me semble que la France de l'outre-mer a besoin aujourd'hui de concevoir son évolution statutaire dans un cadre plus global, qui concerne d'abord la redistribution des pouvoirs entre l'État et ses collectivités d'outre-mer, en fonction des différentes étapes de décentralisation et d'autonomie que chaque collectivité doit pouvoir franchir à son rythme, et ce, bien entendu, selon la volonté de sa population. (M. Georges Othily applaudit.)

Cela suppose qu'une réflexion soit menée au sein de chaque collectivité d'outre-mer quant à l'évolution de ses relations avec l'État et que des initiatives soient prises pour proposer les réformes institutionnelles nécessaires ou des adaptations dans le domaine de la loi et du règlement.

Il apparaît que le Gouvernement a clairement manifesté, à de nombreuses reprises, sa volonté de privilégier l'écoute des populations ultramarines. Dans cet esprit, nous avons franchi un pas supplémentaire, et très symbolique, en adoptant la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Nous avions conscience que nos départements et nos régions d'outre-mer avaient gardé des liens très forts avec la métropole qui les empêchaient, à certains égards, d'aller de l'avant.

Comme vous le savez, cette loi permet désormais aux départements et aux régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire et, dans un certain nombre de matières, de fixer eux-mêmes les règles.

Ils disposent là d'une possibilité nouvelle qui traduit bien la volonté de l'État d'apporter des réponses adaptées aux situations de ses collectivités ultramarines.

Cependant, une action publique plus décentralisée et mieux adaptée à nos réalités locales ainsi que plus d'autonomie pour nos collectivités ultramarines sont-elles la panacée ? Est-ce la solution pour l'outre-mer ?

La réalité est beaucoup plus complexe, à l'image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre afin d'accroître l'essor économique et la création de richesses dans nos collectivités et améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer.

La France de l'outre-mer a aussi besoin d'inscrire son évolution statutaire dans le cadre de l'Union européenne. Il me paraît essentiel qu'une réflexion soit conduite en commun par le Gouvernement et les responsables des collectivités locales ultramarines afin que cette question soit enfin abordée. Nous savons en effet que la différenciation que l'Union européenne fait entre les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, se traduit par un niveau d'intervention de l'aide européenne très variable. L'évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement sur le plan européen.

Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne, en 2008, pour proposer une réforme du statut des collectivités d'outre-mer de façon à parvenir à une uniformisation et à une plus grande efficacité de l'intervention européenne dans les PTOM ? Cela favoriserait également une meilleure intégration de nos collectivités dans l'Europe, ce dont pourraient bénéficier nos populations.

Parallèlement, il est tout aussi essentiel de pouvoir davantage prendre en considération l'insertion de nos collectivités ultramarines dans leur environnement régional respectif. La faiblesse et l'irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins sont un véritable handicap. Nous manquons là, sans aucun doute, des opportunités de développement !

Ce cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé dans le contexte de la mondialisation.

Nous nous félicitons d'afficher des produits intérieurs bruts élevés. Cependant, ils cachent de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités. En outre, nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, ce qui constitue une entrave à notre compétitivité par rapport à nos voisins immédiats comme vis-à-vis du reste du monde. Il est donc urgent de repenser la politique d'intégration de l'outre-mer français.

La gestion autonome de nos collectivités repose sur deux piliers : la liberté d'action, mais aussi des moyens suffisants pour mettre en oeuvre nos politiques publiques en faveur de nos populations.

On peut concevoir que nos collectivités ultramarines se soucient de la pérennité de leurs ressources dans le contexte d'un éventuel désengagement de l'État, eu égard aux contraintes qui pèsent sur le budget de la France.

À cet égard, je voudrais évoquer le cas de la Nouvelle-Calédonie. Comme vous le savez, elle est engagée dans un processus d'autodétermination, qui se traduira par l'organisation d'une consultation possible à partir de 2014.

Le transfert de compétences est une étape supplémentaire dans le processus de décentralisation inclus dans l'accord de Nouméa. Mais l'État, il faut s'en féliciter, continue d'accompagner et de financer les politiques publiques des collectivités de Nouvelle-Calédonie, notamment par le biais des contrats de développement.

La stabilité politique actuelle, qui est le fruit de la signature des accords de Matignon et de l'accord de Nouméa, nous permet de nous concentrer sur la question du développement économique de notre archipel. Les grands projets de construction d'une usine de traitement du nickel dans le sud et d'une seconde en province nord nous font espérer un rythme de croissance soutenu pendant quelques années.

Ainsi, les perspectives qu'ouvre l'essor de l'activité nickel confortent ceux qui pensent que la Nouvelle-Calédonie peut s'affranchir de la France et devenir indépendante. Actuellement, l'idée dans l'air du temps est de faire payer une redevance aux opérateurs miniers sur la tonne de minerai de nickel extraite, de façon à accroître les ressources propres de notre collectivité, et ce, nous dit-on, dans un contexte de désengagement de l'État.

La forte autonomie dont bénéficient les Calédoniens ne doit pas nous faire oublier les handicaps structurels. Nous devons les corriger pour asseoir le développement économique et social de notre archipel sur des fondements pérennes.

Depuis plusieurs décennies, nous misons notre développement économique sur l'essor de l'activité nickel et nous avons de réelles difficultés à diversifier notre économie. Bien entendu, la construction de deux nouvelles usines est une formidable opportunité pour l'essor de la Nouvelle-Calédonie. Mais les opérateurs miniers ne sont pas des bienfaiteurs. Ils sont là pour réaliser des profits et ils ne se substitueront pas à l'État en cas de crise du nickel.

Parallèlement, nous mesurons bien la difficulté de créer des zones d'activité durables sur l'ensemble de notre territoire, en dépit de la manne financière qui est injectée, maintenant depuis plus de vingt ans, par les provinces en Nouvelle-Calédonie.

En 2008, nous célébrerons les vingt ans des accords de Matignon. Si nous sommes en mesure de faire un bilan politique, il est temps de dresser un bilan économique de l'introduction de la décentralisation en Nouvelle-Calédonie.

Je ne veux pas tomber dans la caricature des élus locaux les présentant comme de mauvais gestionnaires, mais il faut avoir le courage politique de mettre en évidence les faiblesses du processus de façon à les corriger et à tenir le langage de la vérité. L'accroissement des ressources propres d'une collectivité permet certes l'exercice d'une gestion autonome, mais il ne faut pas confondre cette logique qui s'applique à l'ensemble de l'outre-mer avec la croyance idéologique d'un désengagement de l'État en Nouvelle-Calédonie. Je pense que M. le secrétaire d'État nous le confirmera.

Les véritables questions sont en effet l'équilibrage et la pérennité de nos activités économiques. Je crois que c'est une préoccupation de l'ensemble des collectivités ultramarines.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'outre-mer doit s'inscrire dans le contexte des grandes réformes qui sont conduites par le Président de la République. Ce n'est pas par de simples mesures financières à la hausse ou à la baisse que nous permettrons à l'outre-mer de définir et d'occuper toute la place qui est la sienne. C'est pourquoi nous sommes demandeurs d'un véritable projet pour l'outre-mer et nous souhaitons qu'il soit défini en pleine concertation avec les responsables des collectivités ultramarines. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie M. le rapporteur spécial, Mme et MM. les rapporteurs pour avis de l'excellent travail qu'ils ont réalisé afin de nous éclairer sur l'ensemble de la mission « Outre-mer ». Je pense que, parmi eux, se trouvent les meilleurs connaisseurs de ma collectivité, notamment ceux qui ont pu la visiter et l'approcher de l'intérieur. M. le secrétaire d'État, quant à lui, apporte la fraîcheur de ses observations et de ses analyses du terrain toutes récentes. Dès lors, comment pourrais-je ne pas me sentir en confiance pour évoquer quelques situations difficiles de mon territoire ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes venu nous voir il y a un mois et demi et, avant même que vous ne posiez le pied sur le sol de nos îles, vous avez vous-même vécu par force certaines des difficultés quotidiennes de nos concitoyens du bout du monde.

L'enclavement du territoire vous a obligé à prendre, depuis la Nouvelle-Calédonie, un avion de l'armée pour nous rejoindre au bout de cinq heures de vol. Il vous a fallu, presque en cours de route, modifier le plan de vol en décidant d'aller jusqu'à Wallis afin d'y récupérer les élus qui devaient vous accueillir à Futuna, première étape de votre visite, le Twin Otter qui assure les liaisons interîles ayant, une fois de plus, manqué à l'appel.

Je passe sur les péripéties de notre atterrissage à Futuna. Mais vous vous souvenez certainement des regards inquiets de certains des passagers qui vous accompagnaient. (Sourires.)

Ainsi, vous avez compris sans beaucoup d'explication que la desserte entre nos deux îles pose d'énormes problèmes. Les retards ou les reports de vol peuvent être compris, voire acceptés, mais quand il est question de la santé et de la vie, on ne peut attendre. Les évacuations sanitaires pour maladie, accident ou accouchement ne peuvent se faire de nuit ou par simple mauvais temps, encore moins quand l'avion est en panne.

Vous avez évoqué cette situation inacceptable et pris des engagements afin que le chantier de la piste de Vele, dont le financement est déjà programmé, se déroule dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables. Vous avez aussi évoqué la possibilité d'acquérir un deuxième avion affecté à cette desserte. Puis-je vous demander ce qu'il en est à ce jour et à quelle échéance nous pouvons espérer la concrétisation de ce projet, qui changera la vie de nos compatriotes, surtout ceux de Futuna ?

Vous avez aussi visité le dispensaire de Futuna. Ce que vous avez vu vous a visiblement choqué et chacun a pu sentir que votre émotion n'était pas feinte. Après y avoir passé plus d'une heure, ce qui n'avait pas été prévu dans votre programme de visite, vous avez dit qu'il n'était pas digne de la France et que ce n'était pas parce qu'on était à 20 000 kilomètres de Paris que l'on en était moins Français !

Je tiens sincèrement à vous remercier de votre écoute, de votre sens si juste de la proximité. Je compte sur votre soutien afin que les travaux de réfection et de construction en faveur de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna se réalisent conformément aux plans et au calendrier fixés.

À cet égard, je souhaiterais évoquer très rapidement le problème du budget de cette agence. Il faudrait l'établir en fonction des besoins réels afin d'éviter que la dette qui s'accumule au rythme d'environ 2 millions d'euros par année ne continue à parasiter nos relations avec nos fournisseurs de produits et de services, qui sont essentiellement néo-calédoniens.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai regretté que vous n'ayez pas eu le temps de visiter le lycée du territoire. Cet établissement, construit en dépit du bon sens, ne correspond absolument pas aux conditions climatiques locales.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. C'est vrai !

M. Robert Laufoaulu. Sa présence physique - un complexe qui a coûté 15,5 millions d'euros - témoigne de la réalité de la solidarité nationale. Malheureusement, elle rappelle aussi la minable gestion de cette générosité, qui fait dire à certains que la France reprend de la main gauche ce qu'elle donne de la main droite.

Certains locaux et couloirs ne voient jamais la lumière du jour et doivent être éclairés en permanence, et je ne parle pas de la climatisation... Quand on sait que le prix de l'électricité est chez nous sept fois plus élevé qu'en Métropole et que d'autres exemples de ce type existent, on comprend pourquoi le budget de fonctionnement des établissements scolaires est si gravement insuffisant.

Ces défauts de conception et les malfaçons entraînent des coûts d'entretien et de fonctionnement que les ministères considèrent aujourd'hui comme prohibitifs, ce qui les fait hésiter à dégager des moyens à la hauteur des réels besoins. C'est injuste pour nos enfants, qui subissent ainsi les conséquences de la négligence de certains responsables.

Depuis plusieurs années, en cette enceinte ou auprès des ministères de l'éducation nationale et de l'outre-mer, j'ai souvent exposé la situation difficile de nos lycéens : ils sont obligés de quitter le territoire pour venir en métropole poursuivre leur scolarité menant à un BEP ou un bac professionnel, car les structures manquent sur place. Nous souhaiterions, parce que nous comprenons très bien qu'on ne peut ouvrir une filière professionnelle pour une dizaine d'élèves, que l'on mette en place ici, en métropole, un accueil et un suivi de ces adolescents, qui, du jour au lendemain, à 20 000 kilomètres de leurs familles, sont confrontés à un véritable bouleversement de leur vie.

Nous comptons beaucoup sur vous et, bien entendu, sur Mme la ministre afin qu'un véritable effort soit fait à destination de la santé et de l'enseignement à Wallis-et-Futuna, tant il est vrai que ces deux domaines sont primordiaux.

L'éducation et la formation portent en elles l'avenir du territoire et de son développement, développement que vous souhaitez durable et volontariste. Et pourtant, le programme « 40 cadres » a vu ses crédits amputés en 2007 alors que ses résultats, s'ils sont évidemment perfectibles, sont loin d'être négligeables. Il est indispensable de le pérenniser avec les moyens nécessaires si l'on veut qu'il porte pleinement ses fruits. Or, cette année, nous avons été obligés de suspendre l'envoi de stagiaires en formation, car l'argent manque.

Comme vous avez pu le voir, monsieur le secrétaire d'État, Wallis-et-Futuna, plus que toute autre collectivité d'outre-mer, souffre de son enclavement. La desserte aérienne extérieure, du fait du monopole d'Aircalin - Air Calédonie international -, s'organise à des horaires peu pratiques et à des tarifs prohibitifs. Nous avons besoin de l'aide du Gouvernement pour améliorer cette situation. Ne faudrait-il pas désormais penser à autoriser une autre compagnie aérienne ?

L'enclavement, c'est aussi la fracture numérique. Lors du forum des îles du Pacifique, qui s'est tenu à Tonga en octobre 2007, vous avez dit qu'il était inadmissible que, au début du IIIe millénaire, les femmes et les hommes du Pacifique subissent une si injuste fracture numérique et qu'y remédier rapidement était pour vous un devoir d'équité et de justice. Le projet de câble sous-marin transpacifique reliant l'Australie à la Polynésie française, en passant à proximité de Wallis-et-Futuna, constitue une réponse adaptée à nos difficultés. Mais, nos moyens étant faibles, nous espérons pouvoir compter sur le soutien de l'État pour nous aider à financer une éventuelle participation du territoire à ce projet.

Dans un tout autre ordre d'idée, je souhaiterais appeler votre attention sur les mini-jeux du Pacifique Sud, qui se tiendront à Wallis-et-Futuna en 2013.

Pour la première fois, notre territoire organisera une grande manifestation régionale. Nous espérons pouvoir compter sur l'aide de l'État pour la réalisation d'infrastructures sportives et d'accueil afin que ces jeux se déroulent dans de bonnes conditions. Il y va du prestige de la France dans cette partie du monde. Pouvez-vous nous confirmer cet appui ?

Pour terminer, qu'il me soit permis d'appeler votre vigilance - comme je le fais, hélas ! presque chaque année depuis 1998 - sur les problèmes récurrents que nous rencontrons dans le cadre de l'exécution du contrat de développement.

Certains ministères prennent du retard dans la délégation des crédits, et cela est, bien sûr, très préjudiciable au territoire.

Par ailleurs, nous souffrons toujours du manque de personnel technique pour l'élaboration et le suivi de nos projets.

Pour ces raisons, Mme la ministre de l'intérieur, au cours du récent entretien qu'elle a accordé au président de l'assemblée territoriale, nous a proposé d'envoyer à Wallis et Futuna une mission d'ingénierie chargée d'effectuer un audit des services et d'évaluer précisément nos besoins. Nous souscrivons pleinement, comme le lui a confirmé le président de l'assemblée territoriale, à cette proposition, et nous espérons qu'elle pourra se concrétiser à brève échéance.

Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous voudrez bien apporter à mes préoccupations. Nous nous comptons sur la loi de programme que vous préparez pour donner à l'outre-mer un nouvel élan, fondé sur l'intégration régionale et sur un développement durable, s'appuyant sur l'économie aussi bien que sur l'écologie.

Je ne peux conclure sans exprimer de nouveau, dans cette grande maison commune de la France, l'immense gratitude de nos populations, qui reconnaissent qu'elles bénéficient de la solidarité nationale rendue possible par le partage du fruit du travail de chacun.

Je voterai, bien entendu, en faveur des crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à première vue, les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2008, qui s'élèvent à 1,76 milliard d'euros, contre 1,96 milliard d'euros en 2007, sont en baisse, même si, parallèlement, l'ensemble des concours de l'État en faveur de l'outre-mer, qui passe de 13 milliards d'euros à 15,3 milliards d'euros, est en hausse.

Cependant, si l'on considère que les crédits affectés à l'ancien programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » ont été transférés à d'autres missions, on observe que le projet de loi de finances pour 2008 progresse de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2008 vient à un moment crucial, mais difficile pour l'avenir de Mayotte.

En effet, à l'exception de six matières, la plupart des dispositions de droit commun, notamment les codes de l'éducation et de la consommation, vont entrer en vigueur dans l'île à compter du 1er janvier 2008.

S'agissant du code de l'éducation, l'objectif dans le premier degré, est triple : supprimer les rotations de classes dans l'enseignement élémentaire, mettre aux normes d'hygiène et de sécurité les bâtiments existants, généraliser l'accueil des enfants de trois à cinq ans à l'école maternelle.

À ce jour, sur un programme quinquennal qui comporte 641 classes neuves à construire et 900 classes à rénover, les travaux réalisés ou en voie de l'être concernent 423 classes, et la quasi-totalité des écoles vétustes ont été mises aux normes, pour un coût total de 55 millions d'euros.

Il reste à résorber le déficit de 218 classes, auquel il faut ajouter les besoins nouveaux pour la période 2007-2013, soit 220 classes pour universaliser l'enseignement pré-élémentaire, 50 classes supplémentaires par an pour absorber la poussée démographique et un nombre indéterminé de classes pour accueillir les enfants issus de l'immigration clandestine, souvent déscolarisés, sans encadrement sérieux et abandonnés par des parents ayant fait l'objet de reconduites à la frontière.

La convention de développement entre l'État et Mayotte entre 2003 et 2007 a consacré 16,2 millions d'euros au titre de la lutte contre les rotations de classes et pour la mise aux normes des écoles, auxquels s'ajoutent, chaque année, les crédits de la dotation de construction et d'équipement des établissements scolaires, dont le montant varie en fonction de l'évolution des effectifs d'élèves dans le premier degré.

L'établissement public de coopération intercommunale chargé des écoles pour le compte des dix-sept communes de Mayotte est en rupture de trésorerie depuis six mois.

L'État lui doit 4,3 millions d'euros au titre de la convention de développement qui s'achève en 2007, le conseil général de Mayotte lui doit 1 million d'euros et les communes lui doivent 4,3 millions d'euros.

À quelques semaines de la clôture l'exercice de 2007, les perspectives de versement rapide par le conseil général de Mayotte des crédits du fonds intercommunal de péréquation s'estompent, ce qui aggrave les difficultés de trésorerie des communes et leur endettement.

Le contrat de projet 2007-2013 en cours de finalisation prévoit, pour l'enseignement du premier degré, une enveloppe d'environ 15 millions d'euros nettement inférieure à celle de 2003, pour une période plus longue et des besoins plus importants.

Au total, à la veille de la départementalisation de Mayotte, prévue par la loi, et de la dernière étape de la décentralisation, qui fera de nos communes des collectivités de plein exercice, l'état de l'enseignement du premier degré, socle de notre système éducatif, demeure préoccupant : les besoins augmentent et les perspectives de financement restent incertaines.

Quant à l'enseignement supérieur, je sais qu'il ne relève pas directement de votre mission, monsieur le secrétaire d'État, mais on peut penser que vous serez consulté lors de l'élaboration de l'ordonnance portant application de la loi Pécresse en outre-mer.

À ce propos, l'accord du 27 janvier 2000 sur l'avenir de Mayotte prévoit, faut-il le rappeler, l'implantation à Mayotte d'une antenne universitaire devant assurer les deux premières années d'étude, considérées comme un facteur important d'égalité des chances, face à l'échec massif que connaissent nos étudiants scolarisés hors de Mayotte.

De plus, le candidat Sarkozy s'était engagé dans ce sens. C'est un homme de parole : sans nul doute, il tiendra ses engagements.

Pour ma part, je ne verrais que des avantages à ce que la structuration de cet enseignement se fasse autour de l'institut de formation des maîtres de Dembéni, sous réserve qu'il soit transformé en établissement public de l'État et qu'un décret en Conseil d'État lui confère une autonomie administrative et financière.

J'évoquerai maintenant, plus brièvement, quelques aspects de l'application du code de la consommation à Mayotte.

Comme vous le savez, l'observatoire des prix, créé récemment, a confié à l'antenne de Mayotte de l'INSEE, le soin de conduire une étude sur les mécanismes de formation des prix à Mayotte, de procéder à des comparaisons avec d'autres collectivités, de façon à permettre aux pouvoirs publics de tirer des enseignements utiles, notamment quant à l'indexation éventuelle des salaires sur les prix, de mesurer l'ampleur des pratiques de concurrence déloyale, de repérer les produits non conformes aux règles de sécurité et de protection sanitaire.

Actuellement, il manque à Mayotte une structure de contrôle qui viendrait compléter le travail accompli par la direction régionale des douanes : l'installation à Mayotte d'une antenne de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est plus que nécessaire.

Je terminerai en évoquant l'avenir institutionnel de Mayotte.

Comme vous le savez, la loi prévoit qu'à l'issue du renouvellement du conseil général, en 2008, et si celui-ci en fait la demande à la majorité absolue, les Mahorais seront consultés sur la départementalisation de l'île.

À ce propos, je remercie le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Jacques Hyest, et à travers lui l'ensemble de la commission des lois d'avoir accepté, à ma demande, l'envoi à Mayotte d'une mission d'information au mois de septembre prochain, mission qui permettrait de préparer au mieux cette consultation.

Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le secrétaire d'État, je voterai en faveur des crédits que vous nous soumettez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, permettez-moi de dire combien ce débat est passionnant, d'autant que tous les intervenants ont démontré à la fois leur parfaite connaissance des dossiers et la passion qu'ils éprouvent pour leurs territoires et leurs populations.

Je suis désolé d'avoir parfois demandé à certains orateurs de respecter le temps de parole qui leur était imparti, mais c'est la règle du débat parlementaire.

Quoi qu'il en soit, en tant que président de séance, j'ai beaucoup apprécié les propos qui ont été tenus. (Applaudissements.)

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Monsieur le président, permettez-moi de faire mienne, en tant que représentant du Gouvernement dans ce débat, l'appréciation que vous venez de formuler.

Ce débat est un grand rendez-vous annuel. Il nous a permis de vivre, ensemble, un grand moment d'émotion, et j'aimerais que vous soyez bien plus nombreux dans cet hémicycle pour le partager.

Je voudrais tellement que nos livres d'histoire et de géographie fassent écho, auprès de tous les petits Français, de quelque territoire qu'ils soient, à la réalité que traduisent ces instants magiques dont vous venez de nous faire don ! Parce que la beauté et la grandeur de la France, c'est chacune et chacun d'entre vous qui les avez attestées cet après-midi en évoquant vos territoires ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Vous vous êtes exprimés, d'abord, avec votre coeur et même, j'ose le dire, avec vos tripes. Vous avez défendu avec détermination une histoire, une identité, une culture, un héritage, en même temps que vous avez manifesté votre profond attachement à l'idéal de la République Française.

Je vous en remercie tous très chaleureusement.

Ces instants, c'est vrai, monsieur le président, sont finalement trop brefs, et les règles gouvernant les temps de parole peuvent paraître bien cruelles quand on parcourt parfois plus de 20 000 kilomètres pour venir parler à cette tribune pendant six, huit ou dix minutes, au nom de l'océan Indien, de la Caraïbe, du Pacifique ou de l'Atlantique Nord. Devant le temps si court accordé à un représentant et du peuple français et de ces territoires ultramarins, on peut comprendre qu'il y ait parfois un profond sentiment de frustration.