M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo. Les bâtiments de l'École militaire ont actuellement une vocation militaire. Cependant, je considère que le ministère de la défense doit, comme d'ailleurs tous les grands ministères, s'adapter aux évolutions : évidemment, il doit conserver tous ses lieux de pouvoir - notamment, bien sûr, l'ancien ministère des armées, dans le viie arrondissement -, mais que les états-majors dont les besoins sont un peu complexes devraient pouvoir être déplacés.

En attendant qu'une décision définitive soit prise au premier trimestre 2008, je proposerai donc un amendement visant à réduire les crédits aujourd'hui affectés à ce transfert.

Le niveau des crédits d'équipement sera inférieur de 250 millions d'euros à celui qui est prévu par la loi de programmation. Certes, cela doit être mis en perspective avec la levée de la réserve de 1,15 milliard d'euros sur le budget de 2007, avec l'ouverture de crédits supplémentaires pour les frégates multimissions et avec la couverture intégrale en collectif budgétaire du surcoût des opérations extérieures de 2007.

Force est tout de même de constater que l'exécution de la loi de programmation militaire en cours a été perturbée par la nécessité de faire face à des besoins supérieurs aux prévisions, notamment sur le maintien en condition opérationnelle et le nucléaire, besoins qui se sont ajoutés au rattrapage des coupes opérées entre 1997 et 2002 et ont représenté plus de 13 milliards d'euros, soit l'équivalent d'une annuité complète des crédits d'équipement.

L'action de nos armées est entravée par l'existence de lacunes capacitaires, notamment en matière de projection de forces, de recueil de renseignements et d'aéromobilité, même si j'ai pu constater, lors du dernier voyage aux États-Unis et de la visite que nous avons effectué à l'ONU avec la commission des affaires étrangères, que notre pays avait une très bonne réputation en la matière et que les forces françaises apparaissaient comme les plus compétitives dans ce domaine. Néanmoins, nous avons pris bien trop d'engagements, des engagements intenables qu'il appartiendra au Livre blanc de trier.

Dans ce contexte, et dans la perspective du Livre blanc, le « diagnostic vérité » commandé par le Président de la République ainsi que par le Premier ministre et « mis en musique » par le ministre de la défense n'est pas un luxe. C'est, semble-t-il, au prix d'aménagements, voire de fragilités dans certains domaines, que les armées parviendraient à remplir globalement leur contrat opérationnel. Plusieurs matériels importants, comme les hélicoptères Puma et SuperFrelon ou les avions Transall C 160 ont été prolongés à l'extrême.

Les capacités en avions et hélicoptères de transport, en drones, en batellerie des bâtiments amphibies, en moyens de combat en zone urbaine et en interopérabilité des systèmes de commandement sont aussi insuffisantes.

Mais la question du matériel, si importante soit-elle, n'est, elle-même, qu'un symptôme, une conséquence. Il n'existe qu'un seul moyen de la régler. Ce moyen, et c'est un vieil « Européen » qui vous le dit, est la mutualisation européenne. Certes, c'est plus facile à dire qu'à faire...

Autrement dit, le coeur du problème est ailleurs : le coeur du problème, c'est que, dans le monde actuel, nous ne pouvons pas y arriver seuls. La défense est devenue collective et multilatérale.

Je le répète après d'autres, comparer l'outil de défense français avec ceux des autres pays d'Europe et des États-Unis est, à ce titre, très instructif.

La France consacre 1,92 % de son PIB, gendarmerie incluse, à son effort de défense, contre 2,08 % pour la Grande-Bretagne et 3,8 % pour les États-Unis, où le taux atteint même plus de 4 % si l'on inclut l'effort budgétaire consacré à l'Irak et à l'Afghanistan, mais ce taux n'est en Allemagne et en Espagne, deux grands pays européens, qu'aux environs de 1 %.

En matière d'équipement, le budget américain est deux fois et demie supérieur au budget global européen : les États-Unis y consacrent 67 milliards d'euros, contre 11 milliards d'euros pour les Européens.

Dans l'Europe à vingt-sept, deux pays accomplissent 40 % de l'effort de défense : la Grande-Bretagne et la France.

Allons plus loin : le problème est que notre défense repose ou devrait reposer sur deux piliers, l'OTAN et l'Europe. Or ces deux piliers sont totalement déséquilibrés.

La question centrale, sous-jacente à toute la transition face à laquelle nous nous trouvons, celle qui sous-tend les trois chantiers du Livre blanc, de la revue des programmes et de la prochaine loi de programmation militaire, est la suivante : allons-nous nous donner les moyens de développer la défense européenne et de rééquilibrer les piliers de notre défense multilatérale ?

Quelques éléments nous permettent aujourd'hui de croire qu'un tel rééquilibrage est possible à court terme.

D'abord, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que la priorité serait accordée à ce dossier. Un travail de réflexion est en cours et des contacts vont être établis avec nos partenaires en vue de préparer des propositions qui pourraient être examinées lors de la présidence de l'Union européenne par la France au second semestre 2008.

Ensuite, la relance de l'Europe de la défense bénéficie d'un contexte favorable à la suite du dernier sommet européen de Bruxelles, qui a été une réussite.

Enfin, le « traité simplifié » ouvrira de nouvelles possibilités de coopérations renforcées, notamment dans le domaine de la PESD.

Tout semble donc réuni pour que nous puissions, dans les années à venir, véritablement passer à la vitesse supérieure en matière de défense européenne.

Pourtant, comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'a très bien souligné dans son excellent rapport d'information de juillet dernier consacré aux enjeux des évolutions de l'OTAN, de très grandes incertitudes planent actuellement sur l'évolution et le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense.

En la matière, la position de la France a, jusqu'ici, manqué de lisibilité, tout simplement parce que l'avenir de la PESD est intrinsèquement lié à celui de l'OTAN. Nous n'avancerons pas en matière de politique européenne de défense sans clarifier notre position atlantique, et sans que l'OTAN clarifie sa position vis-à-vis de la PESD.

Les données du problème sont les suivantes : d'une part, seuls deux pays, la France et la Grande-Bretagne, financent véritablement la PESD ; d'autre part, tous nos partenaires européens, surtout ceux de l'Est et l'Allemagne, s'en remettent à l'OTAN pour la défense ultime depuis la création de cette institution en 1949 et ils ne sont donc pas disposés à l'abandonner au profit du système de défense collective européenne en gestation, qui va leur coûter beaucoup plus cher.

Certains de nos partenaires sont très méfiants vis-à-vis de la PESD. Ainsi, la création récente d'un état-major européen de planification a été jugée par certains comme redondante au regard des structures déjà existantes dans l'OTAN.

D'où le blocage de la PESD. D'où peut-être aussi le rapprochement que l'on peut observer avec bonheur de la France avec l'OTAN.

Pour sortir de l'impasse, certains ont récemment évoqué l'idée qu'une sorte de marché pourrait être conclu avec nos partenaires. D'un côté, la France se rapprocherait des structures atlantiques, voire les réintégrerait pleinement, même si je sais que ce n'est pas à l'ordre du jour. De l'autre, en contrepartie, nous obtiendrions un engagement plus résolu de nos partenaires dans le développement de la politique européenne de défense. Tout cela fait évidemment progresser l'idée de capacité de défense.

La crise des euromissiles américains de Pologne est emblématique du blocage et de l'aberration de la situation. Elle souligne aussi une fois de plus, s'il en était encore besoin, la nécessité de développer la PESD. Il est tout de même fou que, officiellement, la question du bouclier antimissile américain ne soit véritablement discutée dans aucune enceinte multilatérale.

Les consultations que nous avons menées dans le cadre du rapport que nous avons rendu à la délégation pour l'Union européenne sur les relations Union européenne-Russie ont fait apparaître un refus ou une crainte d'aborder cette question tant au sein de l'Union de l'Europe occidentale que de l'OTAN. Cette dernière a d'ailleurs en fait rédiger un énorme rapport sur la défense antimissiles européenne, sans aborder le véritable problème du système des missiles antimissiles que les Américains mettent en place dans le monde entier.

Tout le monde nous dit que cette question ne concerne que la Pologne, la Tchéquie et les États-Unis. Or c'est une question éminemment européenne. Pour faire face à cette crise, une réponse européenne commune est nécessaire ! La Russie attend une telle réponse : elle souhaite trouver une voie d'entente avec l'Union européenne en matière de défense antimissiles. Son retrait du traité des forces conventionnelles en Europe est tout de même un signe. Il faut s'interroger. On ne peut continuer à ne pas aborder ce problème. J'imagine qu'il est évoqué au niveau des chefs d'État. C'est un problème que la représentation nationale doit connaître.

En conclusion, si ce budget est un budget de transition, ce vers quoi nous allons, il implique des choix qui ne sont pas encore faits. En revanche, ce qui paraît clair, c'est ce vers quoi nous devrions tendre. Nous devons profiter de cette période charnière pour développer substantiellement la politique européenne de défense.

Monsieur le ministre, sachez qu'à titre personnel je voterai votre budget et que mon groupe - UDF, Nouveau Centre et MODEM, le votera également.

Mme Michelle Demessine. Au moins c'est clair !

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous trouvons devant une situation particulière, voire paradoxale.

Le budget global de la défense s'élèvera en 2008 à 35,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 36,8 milliards en crédits de paiement.

Par rapport à 2007, les crédits de la mission « Défense » ne progressent pas, ils stagnent.

Le ministère de la défense, qui n'échappe pas au dogme gouvernemental de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, prévoit la suppression de 6 000 postes, soit 4 800 postes militaires et 1 200 civils, sur un total de 320 000 personnes, qui se décompose lui-même en 246 000 militaires et 74 000 civils.

C'est une situation particulière parce qu'il s'agit du premier budget du quinquennat Sarkozy,... et ce n'est pas un bon budget.

C'est une situation paradoxale, car, en réalité, vous êtes, monsieur le ministre, prisonnier d'un héritage. Il faut en parler. C'est l'héritage de votre prédécesseur, aujourd'hui au ministère de l'intérieur.

Cet héritage devient une contrainte supplémentaire sur un budget très serré. À force de fermer les yeux pendant cinq ans, il est difficile pour la majorité sortante et reconduite de regarder la réalité en face. Là encore, on cherche la « rupture ».

Faisons un effort : une revue des programmes - engagés et à venir - est en cours, les résultats, dit-on, seraient déjà dans le tiroir du ministre. Pourquoi les résultats de cette revue de programmes ne sont-ils pas pris en compte par cette dernière annuité de la programmation militaire ?

J'ai une réponse à vous proposer : il s'agit de maintenir la fiction d'une exécution parfaite de cette programmation irréaliste et conservatrice. Dans le théâtre d'ombres qu'est devenu le budget de l'État - d'un État en faillite -, il faut sauver les apparences et maintenir le mythe de la bonne programmation bien exécutée.

Votre prédécesseur était devenu une spécialiste de ce jeu de cache vérité. Malgré nos avertissements et nos analyses, elle a fait semblant de ne pas voir grandir et se développer la « bosse financière » dont tout le monde parle aujourd'hui. Je vous invite d'ailleurs à relire l'excellent rapport sur la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 de notre collègue Serge Vinçon - pour lequel nous avons tous une pensée ce soir. Ce rapport est toujours extrêmement intéressant, même cinq ans après sa parution. Beaucoup des éléments qu'il comporte peuvent être pris en compte.

Si la programmation 2003-2008 a été si bien préparée, si bien respectée, si bien accomplie, pourquoi a-t-on dû procéder en catastrophe, dès le mois de décembre 2006, à une revue des programmes sur cette même loi de programmation militaire ?

Pourquoi alors une « opération vérité » - excusez du peu - demandée dès son arrivée par le nouveau ministre de la défense sur les comptes du ministère ?

La vérité dévoilée est apparue tout-à-coup, ex abrupto, aux yeux du nouveau ministre ? Ou alors, ce qui était vrai en 2006 est devenu faux en 2007, seulement parce que nous avons changé de gouvernement, même si on a gardé quelques ministres ?

Non, l'explication est plus prosaïque. D'une part, cette loi de programmation militaire basée sur un modèle d'armée caduc et sur un Livre blanc rédigé avant la professionnalisation de nos armées était déphasée et, d'autre part, la politique économique et sociale du gouvernement d'alors ne permettait pas d'atteindre les ambitieux objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

Je n'aurai pas la cruauté de répéter les arguments que je vous ai exposés récemment - vous pouvez lire ou relire utilement le rapport Vinçon n° 370 et en particulier son annexe à laquelle j'avais contribué.

Cela ne met pas en cause la vaillance avec laquelle Mme Alliot-Marie a défendu bec et ongles ses budgets face aux offensives régulières de Bercy, dirigé un moment par un certain Nicolas Sarkozy. Sans cette défense, les crédits du ministère auraient connu un sort encore plus néfaste.

Ma critique était et reste une critique fondamentale sur l'essence même d'une loi de programmation mal préparée et inadaptée.

Aujourd'hui, cet héritage-là vous tombe sur la tête, accompagné en plus d'une autre mauvaise nouvelle : il faudra faire respecter, nous y veillerons, la promesse présidentielle d'un budget de défense atteignant 2 % du PIB.

Lors d'une conférence de presse sur son programme de politique internationale, le 28 février 2007, Nicolas Sarkozy avait estimé à 2 % du PIB le budget « minimum » en matière de défense. Il a même ajouté : « C'est le prix de notre indépendance nationale, de nos responsabilités internationales, et de notre sécurité. C'est là un devoir de l'État qu'il serait irresponsable d'opposer à d'autres politiques non moins essentielles à la nation comme l'éducation ou la recherche. ».

Nous sommes curieux de savoir comment vous allez vous y prendre pour tenir cet engagement présidentiel.

En tout cas, le budget 2008 ne prend pas le bon chemin. Le Gouvernement ne nous propose qu'un petit 1,61 % du PIB, selon la référence OTAN, voire entre 1,65 % et 1,71 % selon d'autres sources.

Ainsi, le budget 2008 n'est pas très différent des budgets précédents. C'est aussi un budget de transition, car il est le dernier de la loi de programmation militaire en cours. Pour faire court, j'emprunterai les mots prononcés par le président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, Guy Teissier, qui a déploré, début octobre, des crédits en baisse sur « des points stratégiques » du budget 2008 de la défense, citant en particulier l'armée de terre et l'espace. II avait alors estimé dans un communiqué que la commission « ne peut souscrire » à « une diminution de crédits sur certains points stratégiques ». Nous non plus !

Pour le proche avenir, les sujets d'inquiétude et de réflexion ne manquent pas. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le Livre blanc sur les affaires étrangères, ce sont des exercices nécessaires qui ne trouveront leur véritable raison d'être que dans une sorte de consécration démocratique : avec présentation, débat et vote au Parlement. Les dangers et les menaces auxquels nous sommes confrontés exigent que les moyens et les doctrines de notre défense soient clairement exposés sur la place publique. On a beaucoup glosé sur le « consensus national » entourant les questions de défense... Il serait temps de lui redonner du tonus démocratique !

Depuis quelques mois, il y a une course à l'OTAN qui ne me semble pas opportune. Le rapprochement avec l'OTAN est une chimère qui varie, qui évolue au gré des déclarations des responsables gouvernementaux, un jour c'est oui et un autre peut-être ! On aimerait y voir plus clair. Je considère pour ma part, que la défense européenne doit être notre priorité, ce qui n'exclut pas le travail avec nos amis américains. Mais, à force de vouloir se rapprocher de Washington et de vouloir intégrer l'OTAN, on obère nos capacités d'action autonome et on nous place dans une situation plus fragile, moins indépendante. Voulons-nous que notre politique étrangère et de défense ressemble à celle de la Grande-Bretagne ?

Des informations font état d'un futur renforcement, encore un, de nos forces en Afghanistan. Ainsi, la France pourrait fournir l'essentiel de la réserve tactique prévue par l'OTAN pour renforcer, si nécessaire, les forces de l'OTAN sur les théâtres extérieurs, en particulier en Afghanistan. Est-ce la bonne politique ? Cette intervention durant depuis plusieurs années, est-ce qu'on va en voir la fin ? A-t-on une idée de la sortie du conflit ? Nous devrions avoir un débat de fond sur cette question et je souhaite que, pour commencer, M. le ministre puisse nous apporter un bilan complet - politique et militaire - de l'intervention de la France en Afghanistan.

Je voudrais aborder un autre sujet d'actualité, il s'agit de questions posées par le projet de bouclier antimissiles. II y a quelques jours, les 21 et 22 novembre, l'ambassadrice américaine auprès de l'OTAN, Mme Victoria Nuland, a réaffirmé la nécessité du bouclier antimissiles proposé par les États-Unis, qui serait composé d'un système de détection radar basé en République tchèque, et d'une dizaine de missiles antimissiles en Pologne. Pour justifier ce déploiement sur le sol européen, Mme Nuland avance que « la menace vient non seulement d'Iran mais aussi de la Corée du nord, du développement de missiles balistiques par des agents ?voyous?, cette menace est réelle et va croissant ». Elle a ajouté qu'il s'agissait d'offrir une protection aux pays européens contre une frappe éventuelle en provenance des pays susmentionnés, elle a aussi estimé que cette « frappe avec des missiles » pouvait intervenir d'ici à l'an 2015.

On sait déjà ce qu'ont coûté d'autres brillantes analyses stratégiques de nos alliés américains sur les théâtres moyen-orientaux, en particulier quand on a brandi la menace des armes de destruction massive, qui n'ont pas encore été retrouvées ! Donc, prudence et réflexion avant d'embarquer notre pays et l'Union européenne dans une nouvelle course aux armements,... même s'il s'agit d'armements « défensifs ».

Nous n'avons pas la même perception de la menace iranienne et encore moins de son caractère « imminent ». Nous devons aussi évaluer le coût et la rentabilité de l'investissement exigé par ce bouclier, surtout dans la mesure où son degré d'efficacité est inconnu.

Nous devons, dans le même contexte, soulever la question de l'utilisation militaire de l'espace et last but not least, nous devrions évaluer l'impact d'une stratégie qui incorporerait le bouclier antimissiles sur la crédibilité, l'efficacité et la pérennité de notre politique de dissuasion nucléaire.

La question du bouclier antimissiles, telle qu'elle est posée par les États-Unis aujourd'hui, entraîne une autre inquiétude : celle de voir se dessiner à long terme une alliance bilatérale les Etats-Unis et la Russie, ceux-ci pourraient relier leurs futurs systèmes respectifs pour faire face aux menaces balistiques... avec, au milieu, l'Europe prise en otage des conceptions stratégiques dont elle n'aurait pas la maîtrise... Scénario hypothétique certes, mais prenons garde à ne pas perdre, d'alignement en ralliement, notre marge d'autonomie stratégique et tentons, au contraire, de faire accroître cette capacité au sein de l'Union européenne au bénéfice de tous les européens, de la paix et de la sécurité collective.

J'aurais voulu vous parler, monsieur le ministre, de l'accord trouvé autour du projet Galileo, qui va dans le sens de la préservation de l'autonomie stratégique de l'Europe et du développement de ses capacités propres, mais le temps s'écoule, et je ne peux que me réjouir de l'aboutissement de ce projet extrêmement important. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les détails du contenu de l'accord annoncé vendredi dernier par la présidence portugaise ?

Je souhaite également vous interroger sur les discussions, les négociations devrais-je dire, qui ont lieu actuellement sur le « paquet Armement » que la Commission européenne devrait adopter le 5 décembre prochain. Ce paquet est constitué notamment d'une proposition de règlement sur les transferts intracommunautaires d'équipements de défense et d'une proposition de directive sur la coordination des marchés publics de la défense et de la sécurité.

Quelques mots enfin, avant de conclure, à propos du renseignement et de la recherche. Je me contenterai de reprendre mot pour mot l'excellente conclusion du rapporteur pour avis sur l'environnement et le soutien de la politique de défense : « en effet, bien que le projet de loi de finances pour 2008 couvre la dernière annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008, il eût été sans doute possible, et à l'évidence responsable, de faire un effort budgétaire tout particulier dès maintenant dans le domaine du renseignement extérieur et celui de la recherche qui, à n'en pas douter, seront des axes majeurs des aptitudes de notre futur outil de défense. La future loi de programmation devra mettre résolument en oeuvre ces choix, sauf à obérer gravement l'avenir de notre sécurité. En n'anticipant pas ce qui est désormais une évidence pour tout le monde, notre pays fait une pause inutile et préjudiciable, qu'il devra obligatoirement combler par un effort supplémentaire dès l'année prochaine. De tels enjeux ne sauraient être ignorés et sacrifiés sur l'autel de je ne sais quelle orthodoxie budgétaire. ».

Pour finir, je voudrais dire un mot sur les personnels de la défense, civils et militaires. D'abord, pour souligner le travail remarquable fait par celles et ceux qui, en France ou à l'étranger, mettent tout leur dévouement et leur énergie au service de la défense et dans les tâches multiples de la sécurité. Je veux ici les saluer et leur faire parvenir un message de solidarité et d'encouragement.

Souvent, quand on parle de la défense, de la sécurité, on parle longuement des matériels, des équipements, des stratégies et on oublie les personnels qui les servent. Je vous invite, monsieur le ministre, à poursuivre l'effort d'amélioration de la condition militaire. Cela est bien sûr également valable pour la gendarmerie. Par ailleurs, le recrutement et la fidélisation sont des chantiers cruciaux sur lesquels notre vigilance doit être constante.

Je crains, hélas ! que votre projet de budget ne soit pas à la hauteur des exigences. Nous constatons d'ailleurs qu'il n'avance aucune proposition concrète susceptible de faire progresser l'Europe de la défense. En outre, il fait peser une lourde hypothèque sur les budgets à venir, qui devront assumer l'inadéquation entre les crédits disponibles et les commandes à honorer, ce qui ne sera pas facile.

Le groupe socialiste votera donc contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Hervé Morin, ministre. À l'Assemblée nationale, vos collègues socialistes l'ont voté !

M. Didier Boulaud. Ils avaient peut-être des informations que nous n'avons pas ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la séance d'ouverture du débat budgétaire, j'ai souhaité appeler l'attention sur la nécessité d'une politique maritime ambitieuse pour notre pays.

En effet, la mondialisation accentue la séparation entre les zones de production ou de construction et les aires de consommation, et par conséquent multiplie les échanges par voie de mer. L'acheminement par bateaux de nos approvisionnements et de notre énergie rend la France et l'Europe étroitement dépendantes vis-à-vis de ces échanges en flux tendus. La liberté de circulation et de mouvement dont nous profitons pour les activités de transport ou pour l'action extérieure de l'État bénéficie aussi aux trafics ou activités illicites, à la piraterie ou au terrorisme.

Dans le même temps, l'exploitation des richesses accessibles rend indispensable la préservation des ressources potentiellement utilisables dans l'avenir, qui seront demain l'objet des convoitises. Si la libre circulation sur les océans présente pour nous un caractère vital, les menaces contre cette liberté nous rendent d'autant plus vulnérables.

En réponse à mon intervention, M. le ministre du budget a relevé l'importance de cette question, qui intéresse l'ensemble du Gouvernement, et il a reconnu qu'elle méritait d'être largement débattue. Il s'agit de définir une politique nationale dans un domaine qui intéresse de nombreux secteurs d'activité relevant de différents ministères, tout en soutenant la volonté des pays européens de se structurer pour élaborer une véritable politique maritime commune.

En effet, c'est à l'échelle de l'Union européenne que nous serons véritablement puissants et efficaces, mais ce ne sera possible qu'à terme, car il faut, là encore, bâtir un cadre juridique et politique commun. Pour le moment, nous en sommes tout juste à regarder ensemble comment nous pourrions assurer un espace de surveillance commun, ce qui constitue déjà un pas considérable et même tout à fait essentiel.

L'enjeu, je le rappelle, c'est de ne pas passer à côté des avantages stratégiques que la mondialisation offrira aux pays qui en auront pénétré les principes. Notre responsabilité à nous, hommes politiques et élus, est de placer notre pays en situation d'acteur de cette évolution et non de spectateur, d'en inspirer les règles et non de les subir ou de les déplorer.

Or pour rester les acteurs de cet avenir mondialisé, il est essentiel, justement, de garantir notre sécurité maritime et de préserver notre liberté de circulation et d'action sur les océans, qui reposent sur les moyens maritimes de l'État, près de nos côtes comme au large.

Pour être efficace, nous devons en effet pouvoir agir près des points de départ et de passages obligés de nos approvisionnements vitaux, tels que les caps et les détroits, au plus près de la source des trafics ou dans les zones de piraterie, le long des côtes des pays où travaillent nos ressortissants et où se trouvent nos intérêts, dans les zones où germent des foyers de déstabilisation menaçant la paix de régions entières du monde.

Autour de nos côtes, la maîtrise des mers s'appelle la « sauvegarde maritime ». À la surveillance des abords de notre pays, qui est exercée depuis le large, s'ajoute l'action de notre marine, qui se coordonne avec les autres administrations possédant des moyens de patrouille en haute mer afin de mener des actions de police contre les trafics et de prévenir les catastrophes ou d'en limiter les effets.

La maîtrise des mers est affaire de présence là des crises peuvent surgir si nous ne sommes pas vigilants, là où des menaces sont susceptibles de s'exercer, par exemple dans les détroits dépendant de pays peu fiables. Ce sont, pour l'essentiel, des moyens militaires qui y concourent, car ils sont les seuls à conjuguer en haute mer endurance et polyvalence.

Pour manifester cette présence, il importe que les frégates soient en nombre suffisant, comme les sous-marins et les avions de surveillance, et il nous faut conserver la possibilité de renforcer ce dispositif, par l'envoi de forces supplémentaires, à chaque fois que la menace augmente.

Cette capacité de maîtrise des mers est indispensable pour sécuriser les voies commerciales, notre approvisionnement énergétique et nos approches maritimes, mais aussi pour assurer le déploiement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins.

Elle constitue une condition essentielle de la projection de notre puissance aérienne à partir d'un porte-avions ou de la projection et du soutien de nos troupes en application de la politique étrangère décidée par le Gouvernement, qu'il s'agisse de ramener la paix ou de défendre nos ressortissants ou nos intérêts.

La possession de deux porte-avions nous permettra d'ailleurs de restaurer notre capacité permanente de grande puissance et de participer de nouveau à des opérations interalliées en position de responsabilité. Nous retrouverons cette ambition de peser, à tout moment, sur le cours des événements à laquelle nous devons aujourd'hui temporairement renoncer.

Monsieur le ministre, ces efforts ne doivent pas occulter la nécessaire préservation de notre environnement : comme l'a rappelé le Président de la République lors de l'ouverture du Grenelle de l'environnement, les questions environnementales constituent une préoccupation majeure de notre société.

À partir de ce constat, la protection de l'environnement prend une place essentielle dans l'action de l'État. Cette priorité réaffirmée appelle un changement de nos comportements individuels et collectifs face aux menaces qui pèsent sur l'homme et la planète.

Dans ce contexte, le ministère de la défense entend-il participer pleinement à cette politique ? C'est bien ce que j'ai constaté, monsieur le ministre, et je vous en félicite.

M. Hervé Morin, ministre. Merci !

M. Georges Othily. D'une part, le ministère, dans le cadre de ses attributions opérationnelles, exerce la police de l'environnement sur notre territoire à travers la marine et la gendarmerie nationale.

D'autre part, l'engagement de la défense en matière de développement durable n'est pas nouveau : le 9 juillet 2003, le ministère de la défense et celui de l'écologie et du développement durable ont signé un partenariat en faveur de la protection de l'environnement.

Comme vous l'avez annoncé dernièrement, quarante mesures seront menées en matière d'infrastructures, de gestion des déchets et des substances dangereuses, de gestion de l'eau, de déplacements et de politique d'achats, pour un coût estimé à 180 millions d'euros au cours de la période 2008-2010.

Ces mesures concerneront un large éventail de domaines, qu'il s'agisse de la gestion de l'énergie dans les bâtiments, de la réduction de la consommation des produits pétroliers ou de la gestion des déchets et des substances dangereuses. Les objectifs visés sont la diminution de la quantité de déchets produits, le développement du recyclage et l'amélioration de la gestion des centres de stockage. Pour les atteindre, le ministère a retenu un certain nombre d'actions, avec, notamment, la définition d'un schéma directeur national d'implantation des stockages de matériels déclassés et de déchets, la généralisation des passeports verts, une meilleure gestion de l'eau et la mise en oeuvre d'une politique d'achat durable.

Premier investisseur de l'État, le ministère de la défense se doit, en effet, de mener une politique d'achat écologiquement et socialement responsable.

La mise en oeuvre de toutes ces dispositions sera contrôlée par un dispositif de suivi spécifique : directement rattachée au haut fonctionnaire au développement durable, qui s'assure de la cohérence des actions menées par rapport à la politique définie à l'échelle nationale, une nouvelle structure a été spécialement créée, qui sera chargée d'élaborer, d'animer et de coordonner la politique du ministère de la défense dans le domaine de la protection de l'environnement.

Aussi, monsieur le ministre, tout nous incite - les quelques exemples que je viens d'évoquer en témoignent - à nous féliciter des mesures prises et des projets que vous souhaitez développer.

C'est pourquoi une large majorité de notre groupe vous soutiendra et restera attentive à la conduite de votre politique. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite saluer le président de l'assemblée parlementaire de l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale, M. Jean-Pierre Masseret, puisqu'il se trouve présent parmi nous.

L'avenir de cette assemblée reste incertain, et peut-être vous intéresserez-vous à son sort, monsieur le ministre. En attendant, elle offre aux parlementaires nationaux qui représentent les vingt-huit États membres de l'UEO - et je ne suis pas la seule à être présente ce soir - non seulement un forum qui leur permet de discuter des questions de sécurité et de défense, ce qui constitue déjà un immense privilège, mais aussi la possibilité de se rendre sur le terrain pour réaliser des missions ou rédiger des rapports, et donc pour constater par eux-mêmes la réalité des problèmes qu'évoque la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il va de soi, d'ailleurs, que ces discussions ne seraient pas les mêmes sans l'assemblée de l'UEO.

Monsieur le ministère, il nous serait agréable que la France s'intéresse un peu plus à cette assemblée, ne serait-ce que par courtoisie vis-à-vis de nos collègues. L'assemblée plénière de l'UEO se tient ces jours-ci et nous recevons à Paris le ministre de la défense de la Turquie, celui du Portugal et la présidente du parlement géorgien. Autant vous dire que ces discussions sont d'un intérêt majeur. Nous espérons donc que, lorsque la France exercera la présidence de l'UEO, vous nous ferez l'honneur de venir assister à nos travaux, monsieur le ministre.

J'aborderai successivement les risques, les acteurs, les régions déstabilisées et les enjeux de la situation internationale, qui affectent naturellement notre défense et son budget.

Les risques sont, à l'évidence, nombreux et considérables. Parmi les acteurs, nous voyons tous monter la Chine, une puissance désormais présente partout.

Les régions déstabilisées ont déjà été évoquées. Il s'agit d'abord de l'Afghanistan, où se trouvent 2000 de nos hommes ; à mon tour, je salue les militaires que nous engageons sur les terrains extérieurs et rencontrons lors de nos visites. Il s'agit également de l'Irak et du Moyen Orient, où le conflit majeur est sans doute celui qui oppose Israël et la Palestine ; je le rappelle, 1650 soldats français servent au Liban, sous l'égide de la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

Le Caucase et la Géorgie, l'Abkhazie, l'Ossétie et surtout les Balkans constituent d'autres régions troublées. La France a engagé 1850 hommes au Kosovo, qui forment la troisième composante de la KFOR, la Force pour le Kosovo. De même, notre pays est partie prenante des opérations Althea en Bosnie et Concordia en Macédoine.

Tout à l'heure, l'un de nos collègues a affirmé que les budgets des OPEX, les opérations extérieures, étaient toujours sous-estimés. Ce sera le cas une fois encore, car les dépenses prévues initialement à 375 millions d'euros devraient atteindre environ 600 millions d'euros au final. Quoi qu'il en soit, la France se trouve présente sur tous ces terrains.

S'agissant des enjeux de la situation internationale, je voudrais évoquer la question de l'énergie, car je me suis rendue en Asie centrale, où j'ai pu sentir la force de la présence russe.

Mes chers collègues, la Russie a engagé la guerre de l'énergie, et je crois qu'elle en a gagné la première manche. En Asie centrale, où se trouvent d'importants gisements de gaz et de pétrole, la force de Gazprom est évidente. La Russie puise au Kazakhstan et au Turkménistan l'essentiel des hydrocarbures qu'elle revend ensuite à l'Europe, en maîtrisant à la fois les gisements, les réseaux et les prix.

La domination de cet espace et de cette énergie par la Russie est véritablement impressionnante. Les pays qui dépendent d'elles, à savoir l'Ukraine, la Moldavie, l'Allemagne et même l'Italie, doivent mesurer la faiblesse de l'Europe dans ce domaine. Il est évident que l'Union européenne, qui n'en finit pas d'élaborer son plan énergie, se trouve totalement absente de cet espace.

Monsieur le ministre, j'ai lu un certain nombre de vos déclarations sur la Russie. Celle-ci est effectivement un pays fier, arrogant et inquiétant, l'un des grands acteurs de la déstabilisation politique de l'Europe de l'Est. Elle fait sentir son influence dans le Caucase et en Géorgie, mais aussi, par l'intermédiaire de la Transnistrie, en Moldavie, un pays que je connais bien. Elle est présente dans tous ces conflits gelés, mais c'est surtout au Kosovo et dans les Balkans que son influence est aujourd'hui redoutable.

Le terme d'indépendance a été prononcé récemment à propos du Kosovo. C'est sans doute la solution vers laquelle nous nous acheminons, ou en tout cas celle que les Américains jugent préférable. Aussi, je crains vraiment que les Balkans ne se trouvent déstabilisés à brève échéance.

Les Russes se prononcent contre le bouclier antimissile, ce qui, après tout, est légitime, mais quand ils parlent de réarmement, c'est vers l'Europe de l'Ouest qu'ils orientent leurs missiles !

En Asie centrale, la Russie est un prédateur, ou en tout cas un acteur économique important. Au sein de l'Organisation de coopération de Shangai, la Russie et la Chine se partagent l'influence sur cet espace, où l'Europe est rigoureusement et redoutablement absente. Alors, oui, la Russie est inquiétante, et pas seulement Vladimir Poutine. À l'évidence, sa politique audacieuse et ambitieuse lui a permis de reconquérir un certain espace.

En face, les États-Unis sont en Irak un colosse aux pieds d'argile. Endetté, ce pays émet des titres en Chine pour financer sa dette. La politique du président des États-Unis est un fiasco dans tous les domaines, comme l'illustre le bouclier antimissile qu'il déploie en Europe.

Il semble que des radars et des intercepteurs soient - ou seront - installés au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Pologne, en République tchèque et, a-t-on appris récemment, en Espagne, en Italie et en France. Alors je vous pose la question, monsieur le ministre : qu'en est-il de la France ?

Finalement, la menace majeure est sûrement le conflit israélo-palestinien. J'étais en Israël et en Palestine la semaine dernière, où personne ne croit à la conférence internationale d'Annapolis. L'intérêt de cette conférence est peut-être la présence de l'Arabie saoudite et de la Syrie. Peut-être présente-t-elle également l'avantage d'isoler l'Iran ? Il n'en demeure pas moins que ce conflit majeur est probablement, une fois de plus, dans l'impasse. On n'espérait pas grand-chose. Mais la situation est tout de même redoutable.

Concernant l'Iran, George Bush est démangé par l'envie d'attaquer l'Iran et ses sites nucléaires depuis longtemps. C'est une obsession pour les Israéliens. Alors oui, tout est possible et le risque est majeur. Face à cette situation, le monde entier se réarme, sauf l'Europe.

Les chiffres dans ce domaine sont impressionnants, en tout cas, ils m'impressionnent. En dix ans, les dépenses militaires ont augmenté de 37 %. En 2006, le budget global consacré à l'armement dans le monde s'élevait à 1,2 milliard de dollars. La Chine a augmenté ses dépenses de 15 %, la Russie de 155 % ! Concernant la Russie, ce sont non pas les chiffres qui sont inquiétants - elle partait de tellement de loin -, mais son attitude.

Les ventes d'armes des cent plus gros vendeurs ont augmenté et elles atteignent 290 milliards de dollars. La part de l'Europe ne représente que 31 milliards de dollars, soit quelque 10 % du total. La part de la Grande-Bretagne représente 10,5 %, celle de la France un peu moins de 4 %. L'Europe est dépendante de l'OTAN.

La puissance américaine est sans limites. L'équipement d'un soldat américain coûte 85 000 euros, contre 25 000 euros en Europe. Les Américains peuvent s'appuyer sur une armée comptant 1,5 million d'actifs et 1,2 million de réservistes. Ils ont envoyé 160 000 hommes en Irak, quand notre armée ne compte que 124 000 hommes. Depuis 2001, ils ont engagé 800 milliards de dollars dans la lutte contre le terrorisme, soit deux fois le budget qu'ils avaient consacré à la guerre de Corée !

Aujourd'hui, les impératifs sont stratégiques, mais aussi financiers. En outre, monsieur le ministre, il est impératif d'être cohérent.

Ainsi, au Moyen-Orient, le conflit israélo-palestinien doit être impérativement réglé. Or, lorsque l'on se rend dans cette région, on se dit que ce conflit ne le sera jamais ! Un règlement juste du conflit doit aboutir à deux états pour deux peuples. Or il faut avoir l'honnêteté aujourd'hui de dire que la Palestine n'existe plus. Et je ne parle pas seulement de Gaza et du Hamas. La Cisjordanie aujourd'hui, c'est 650 kilomètres de mur - 700 kilomètres supplémentaires sont en construction - et 80 zones colonisées. La Cisjordanie n'existe plus, pas plus que l'Autorité palestinienne et le gouvernement d'union nationale. Le Conseil palestinien ne se réunit plus, quarante-huit de ses parlementaires sont en prison.

Malgré tout, il faut aider la Palestine, ainsi que Mahmoud Abbas, même s'il ne représente plus rien. Il est toujours le président de l'OLP. C'est à ce titre qu'il a participé à la conférence d'Annapolis.

Les grands bailleurs de fonds de la Palestine sont essentiellement l'Europe, à hauteur de 500 millions d'euros, et les États-Unis, pour 300 millions d'euros. Il est assez cocasse de penser que des fonds sont attribués à l'Autorité palestinienne pour soutenir l'organisation d'élections.

J'étais en Palestine lorsque le Hamas a gagné les élections législatives. J'y étais également quand Mahmoud Abbas a été élu. La démocratie a un prix. Et elle comporte des risques. Or qu'a-t-on fait des principes démocratiques ? Si on ne voulait pas que le Hamas prenne le pouvoir, il aurait peut-être fallu décider au préalable quels mouvements n'avaient pas le droit de participer au processus démocratique, notamment les mouvements extrémistes politiques armés.

Il faudra un jour se pencher sur le problème du Hamas et du Hezbollah, car il est dommage pour le processus démocratique d'avoir à décréter que le résultat d'une élection n'est pas bon quand il ne convient pas.