M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 48 à 48 septies) et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales », la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 novembre dernier, le Premier ministre a légitimé la nouvelle politique en direction des collectivités territoriales en expliquant que ces dernières devaient participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. En réalité, ce qui résulte de l'analyse de ce budget, c'est que l'enveloppe dévolue aux élus locaux sera fortement réduite en 2008, faisant ainsi les frais du paquet fiscal de 15 milliards d'euros voté cet été !

Jusque-là, nos collectivités vivaient sous le fragile abri du contrat de solidarité et de croissance qui a régi les relations entre l'État et les collectivités territoriales depuis 1999 en indexant la progression des dotations sur l'inflation et sur une fraction du taux de croissance du PIB. Aujourd'hui, vous remettez en cause ce contrat - unilatéralement, dirais-je ! - puisque, soit disant « au nom de la participation des collectivités à l'effort de désendettement public » - la progression de l'enveloppe des dotations devrait désormais se limiter à la seule inflation dès 2008, soit 1,6 %.

Comme l'on fait remarquer les associations d'élus locaux, cette remise en cause est proprement inacceptable. Il est en effet inadmissible que l'enveloppe des dotations faites aux collectivités soit revue à la baisse, alors même que les dépenses de ces dernières sont en forte augmentation, du fait notamment des transferts de compétences de l'État qui ont eu lieu et qui n'ont pas été accompagnés des financements correspondants. Ainsi, la part non financée du RMI transférée aux départements atteint 1,8 milliard depuis 2005.

De plus, la présentation de cette réforme du contrat de solidarité et de croissance est doublement faussée.

Elle l'est d'abord par la tricherie sur le périmètre de l'enveloppe, qui comprend des dotations qui y échappaient jusqu'alors. Cela permet ainsi de limiter fortement ces dernières, tout en gonflant artificiellement le volume global de l'enveloppe. À périmètre égal, la progression n'est plus que de 0,7 % sur 2007...

Ensuite, la hausse des prix réels subie par les collectivités a atteint 3,9 % entre les premiers trimestres 2006 et 2007. L'évolution réelle pourrait donc avoisiner une baisse de 3,2 % en 2008...

Le contrat de solidarité et de croissance est donc remplacé par un « contrat d'austérité » pour les collectivités. De surcroît, il n'a de contrat que le nom, puisqu'il est imposé aux collectivités » et non « librement discuté. Ce projet est d'ailleurs directement contraire au principe constitutionnel de compensation intégrale des transferts de compétences, affirmé à l'article 72-2 de la Constitution.

Pour minimiser les effets catastrophiques de cette réforme pour les finances locales, le Gouvernement met l'accent sur le maintien de l'ancienne indexation pour la seule dotation globale de fonctionnement aux collectivités. C'est un trompe-l'oeil, car cela revient à donner d'une main, via la DGF, tout en reprenant de l'autre, par le biais de la réduction de l'enveloppe normée dont la DGF fait partie.

À terme, les conséquences de cette politique seront catastrophiques pour les citoyens. D'une part, le Gouvernement va faire payer aux contribuables locaux la transformation des collectivités en services déconcentrés dont l'État ne veut plus assumer la charge et, d'autre part, il réduit leurs recettes provenant de l'État en enterrant le contrat de solidarité et de croissance. Résultat, les collectivités seront contraintes de freiner tout effort en direction des habitants.

Déjà l'an denier, les dépenses et les produits de fonctionnement ont connu une croissance moindre que l'année précédente. De plus, la hausse des dépenses d'investissement est moins soutenue : 7,1% en 2006 contre 8,3% en 2005.

L'autofinancement ne suffit plus à financer l'investissement, d'où le recours de plus en plus important à l'emprunt. De cette manière, les collectivités hypothèquent leurs investissements à venir.

En dernier ressort, si elles veulent réaliser les investissements nécessaires au bien-être de leurs habitants, les collectivités devront recourir à la fiscalité, celle des ménages exclusivement, déjà à la limite de la rupture, puisque le Gouvernement a fixé à 3,5 % le taux du plafonnement de la taxe professionnelle touchant les entreprises par rapport à la valeur ajoutée, taux que le MEDEF veut même réduire à 3 %.

Tout le monde ici se souvient que l'argument de campagne du Gouvernement était la baisse des impôts pour nos concitoyens ! Observons le résultat aujourd'hui : d'un côté le Gouvernement fait un cadeau fiscal sans précédent aux classes les plus aisées de la société ; de l'autre, il pousse à une augmentation des impôts pour l'ensemble des ménages en reportant la responsabilité sur les élus locaux.

Ce budget fait donc supporter aux collectivités locales les choix désastreux de l'État. Les services aux habitants vont en pâtir et nous craignons que le Gouvernement n'en tire argument pour légitimer la délégation au privé de pans entiers du service public local. Pourtant, les collectivités, qui concourent pour plus de 70% aux investissements publics, contribuent au maintien de près de 850 000 emplois dans le secteur privé et associatif.

Avec ce budget, le pouvoir de dépense des collectivités dans leur ensemble se réduit considérablement. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous y opposer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me posais une question préjudicielle, en quelque sorte, par rapport à ce débat. Le Gouvernement a-t-il une politique des collectivités locales ?

J'ai écouté les propos tenus ces derniers mois par le président de la République. Il est vrai qu'il est assez difficile de ne pas l'entendre...

Dans ces très nombreuses interventions, récemment encore au Congrès des maires de France, je n'ai senti aucune volonté de donner un nouveau souffle à la décentralisation, ni de faire d'une politique des collectivités locales un axe majeur. Mais peut-être ai-je mal entendu ?

M. Adrien Gouteyron. C'est possible ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il en est de même dans les propos de M. le Premier ministre. Je n'y ai senti aucune volonté forte.

J'ai étudié avec soin les conclusions du Grenelle de l'environnement. S'agissant d'environnement, sujet qui concerne tant les régions, les départements et les communes, je me suis dit qu'on allait enfin parler d'une politique des collectivités locales. Les mots « collectivités locales » n'ont été employés qu'une seule fois pour autoriser les communes à établir des péages urbains et ils ne reviennent dans aucune autre disposition !

Je m'interroge, car une grande politique des collectivités locales et une nouvelle étape de la décentralisation sont, selon moi, vraiment nécessaires dans notre pays.

J'en viens à des exemples très concrets.

Lors de précédents débats, nombreux sont ceux qui voulaient modifier la Constitution. Le Parlement s'est donc réuni en congrès à Versailles et, désormais, le principe d'autonomie figure dans le titre de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.

Mme Muguette Dini. Quelle est votre question ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je me pose la question suivante, mes chers collègues : cela a-t-il concrètement changé quelque chose pour les élus locaux, pour les collectivités locales ?

De même, le principe de la péréquation est maintenant inscrit dans la Constitution ; il est donc devenu une ardente obligation. Mais où est la péréquation ? Quels progrès ont-ils été accomplis dans ce domaine ?

Tout le monde l'a dit et redit, une réforme de la fiscalité locale était nécessaire, mais elle n'a pas été faite. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est la vérité ! Mais j'ajouterai, madame la ministre, que c'est la faute à tous les gouvernements, de gauche comme de droite,...

M. Gérard César. Bien plus de gauche !

M. Jean-Pierre Sueur. ... qui, collectivement, manquent d'un très grand courage depuis quarante ans. Personne ne peut me contredire sur ce point.

Nous le savons tous, les valeurs locatives sont établies selon des critères qui remontent à trente ou quarante ans, ce qui engendre un grand nombre d'inégalités.

M. Paul Girod. Quand même !

Monsieur Sueur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, monsieur Girod.

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Paul Girod. Monsieur Sueur, autant que je me le rappelle, c'est un gouvernement de gauche qui a fait voter une réforme des bases de la taxe d'habitation...

M. Paul Girod. ... et c'est bien ce même gouvernement qui ne l'a pas appliquée !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison !

M. Paul Girod. J'étais d'ailleurs le rapporteur du texte !

M. Jean-Pierre Sueur. Souvenez-vous, M. Michel Charasse avait beaucoup travaillé à cette réforme. C'est notre ancien Premier ministre, malheureusement disparu, Pierre Bérégovoy, qui, sentant que l'opinion n'était pas prête, y a renoncé. Mais il n'a pas été le seul dans ce cas, au fil des quatre dernières décennies, à penser qu'il était préférable de renoncer à faire une telle réforme.

M. Paul Girod. La majorité de droite du Sénat l'avait votée !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en donne acte.

Cela dit, mon cher collègue, vous auriez maintes fois eu l'occasion de vous rattraper depuis !

M. Paul Girod. Vous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous aussi, oui ! C'est pourquoi mon discours n'a rien de politicien. Je constate seulement que, collectivement, nous n'avons pas su réformer la fiscalité locale.

Peut-être allons-nous en avoir l'occasion ? Ce serait à inscrire au crédit du Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre. Mais cette occasion se présentera-t-elle ?

Le problème, c'est qu'il faut s'y prendre très tôt dans une législature pour se lancer dans cette indispensable réforme, car il y a toujours des élections à venir !

M. Paul Girod. C'est vrai pour toute réforme !

M. Jean-Pierre Sueur. J'en viens aux dotations de l'État aux collectivités locales.

Je l'ai bien compris, seule une partie des dotations est visée dans le présent débat ; mais elles forment un ensemble.

Madame la ministre, comme beaucoup d'autres, je suis inquiet par l'écart croissant que nous constatons entre ce qu'on appelle l'enveloppe normée, laquelle définit un périmètre - on en a beaucoup parlé ! - et est indexée, si j'ai bien compris, sur l'inflation, et la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, elle, est indexée sur l'inflation et 50 % de l'augmentation du produit intérieur brut.

Madame la ministre, pensez-vous qu'il sera possible de maintenir ce dispositif dans les années à venir ? M. Michel Mercier a été tout à fait éloquent à ce sujet tout à l'heure.

Il me paraît intenable de maintenir une enveloppe normée indexée sur l'inflation, à l'intérieur de laquelle la DGF, qui n'est pas une mince dotation, serait indexée, elle, sur l'inflation et 50 % de la croissance du PIB. En effet, à moins que vous ne nous apportiez des apaisements à ce sujet, je crains qu'un tel dispositif ne porte en germe une indexation de la DGF sur la seule inflation. Si tel était le cas, cela poserait un réel problème à nombre d'élus locaux.

De même, il faut réfléchir à la logique des dotations de compensation. Tous les gouvernements se sont montrés extrêmement imaginatifs pour créer des dotations de compensation. Au départ, c'est magnifique : le ministre, ou la ministre, nous dit, la main sur le coeur, que la compensation sera effectuée à l'euro près.

Puis, le temps passant, la compensation n'est plus au rendez-vous.

À cet égard, il faudrait d'ailleurs prendre le temps, un jour, d'écrire l'histoire de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle - et je suis sûr que d'éminents esprits au sein de la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, pourraient le faire.

Censée compenser les réductions de taxe professionnelle décidées par de nombreux gouvernements, cette dotation est devenue une variable d'ajustement. Une fois les additions faites, on regarde ce qui reste et on le met dans la DCTP, qui de ce fait baisse de 22 % !

Certes, des collectivités se voient annoncer la progression de telle ou telle dotation, éventuellement celle de la dotation de solidarité urbaine, ou DSU - encore que ce ne soit pas certain -, mais quand elles font leurs calculs, elles constatent que, avec une DCTP en diminution de 22 %, ce qui leur est donné d'une main est largement repris, et plus que repris, de l'autre.

Pour terminer, il me paraît vraiment nécessaire d'avancer vers des réformes profondes, non seulement de la fiscalité, mais aussi des dotations de l'État aux collectivités locales.

C'est un édifice d'une complexité telle que chacun s'y perd, sauf quelques éminents esprits de la DGCL, que je salue, et, si l'on s'en tient à la seule dotation globale de fonctionnement, je l'ai dit et redit, le système n'est pas péréquateur, et ce pour de multiples raisons.

D'abord, la dotation forfaitaire, à laquelle de très nombreux élus tiennent, n'est pas péréquatrice, puisqu'elle repose sur le principe selon lequel il faut donner a priori autant que l'année précédente, dans les limites de l'épure et des évolutions générales.

Ensuite, la dotation de « péréquation » comprend trois éléments, parmi lesquels la dotation d'intercommunalité pose beaucoup de problèmes. En effet, celle-ci augmente, mais il ne suffit pas d'être dans une logique d'intercommunalité pour être riche ou pauvre. Les deux cas existent. La place prise par la dotation d'intercommunalité, qui n'est pas péréquatrice, ...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Si !

M. Jean-Pierre Sueur. ... ou qui l'est - mais de manière marginale -, aboutit, par une sorte d'effet mécanique, à ce que la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation de développement rural, la DDR, ou la dotation de solidarité urbaine, la DSU, ne représentent que des reliquats, c'est-à-dire ce qui reste une fois les obligations de la dotation forfaitaire et de la dotation d'intercommunalité satisfaites. Certes, je simplifie mais c'est grosso modo le résultat auquel on aboutit

Par ailleurs, s'agissant de la dotation de solidarité rurale ou de la dotation de développement rural, je l'ai dit à plusieurs reprises, si elles sont bénéfiques à toutes nos petites communes, environ 32 000, elles aboutissent à un tel éparpillement des crédits que leur dimension péréquatrice est en réalité très faible.

Reste la dotation de solidarité urbaine, la DSU.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Repentin, expert en la matière, ne manquera de nous expliquer les avatars que subirait la DSU si tel ou tel amendement était adopté et même si le texte était voté en l'état.

Vous le constatez, madame la ministre, nous ne pouvons en rester là. Il faut engager une réforme du dispositif afin de ne plus privilégier, de manière aussi caricaturale, ce que j'appellerais l'acquis, l'état des choses, et de donner toute sa place à la solidarité.

M. François Marc avait présenté une proposition de loi, qui n'a pas été adoptée.

M. Thierry Repentin. C'est dommage !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Parce qu'elle n'aidait pas la Creuse, les vrais pauvres ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Mercier, vous vous êtes déjà exprimé. Si vous estimez que la proposition de M. François Marc ne va pas assez loin dans le sens de la péréquation, personne ne vous interdit d'en présenter une autre, qui serait véritablement péréquatrice, et que nul n'empêcherait la majorité du Sénat de l'adopter.

En vérité, chacun déplore les événements extrêmement douloureux survenus, récemment encore, dans nos banlieues, et tous s'accordent pour dire qu'il faut faire un effort en faveur des quartiers en difficulté, des villes moins prospères.

Or, sachant que les charges des communes ne sont pas proportionnelles à leurs ressources, il faut, au minimum, mieux répartir la même somme,...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et s'il est possible d'avoir un peu plus d'argent, monsieur Mercier, profitons-en pour le répartir mieux également.

Mes chers collègues, cette meilleure répartition passe par une réforme de la fiscalité, de l'autonomie fiscale,...

M. Jean-Pierre Sueur. ... de la péréquation et, donc, de la dotation, puisque l'État est le premier contribuable des collectivités locales.

Madame la ministre, ma question est simple : allez-vous lancer ces réformes, ou une partie d'entre elles, avec tout le souffle, la détermination, l'enthousiasme qui sont aujourd'hui nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Joseph Kergueris applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vous demande la plus extrême attention, parce que je vais me livrer à un exercice périlleux, en m'efforçant à la fois de rassurer mon collègue Jean-Pierre Sueur sur l'évolution de la DSU et de convaincre Mme la ministre de faire un effort supplémentaire en faveur de cette dotation. (Bravo ! et applaudissements.) Attendez avant d'applaudir, on jugera aux résultats !

Je veux saisir l'occasion de l'examen de cette mission pour revenir sur le problème posé cette année par la moindre augmentation de la dotation de solidarité urbaine.

Je dis bien « moindre augmentation », et non pas « diminution » comme je l'ai entendu de la part de certains collègues, qui oublient probablement que sur un sujet aussi délicat, une attitude responsable est bien le moins que l'on puisse attendre des élus de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Heureusement, ce budget pour 2008 ne verra pas la DSU baisser, mais il verra, en l'état actuel des choses, son augmentation limitée à environ 90 millions d'euros, ce qui fait un peu moins de 10 %.

Et pourtant, lors de l'examen du plan de cohésion sociale, à la fin de 2004, Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse, alors ministres en charge de ces dossiers, ont proposé, défendu, je dirais même vendu au Parlement - au bon sens du terme - le doublement de la DSU en cinq ans, c'est-à-dire son passage de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros, soit une augmentation de 120 millions d'euros pas an.

M. Thierry Repentin. Une mesure votée à l'unanimité !

M. Philippe Dallier. C'est exact, monsieur Repentin !

Lors de nos débats, le cas des villes les plus emblématiques de la politique de la ville a souvent été évoqué, ainsi que les sommes importantes dont elles allaient bénéficier grâce à cette réforme.

Permettez-moi, en appui de ce que je viens d'affirmer, de vous relire deux extraits tirés des comptes rendus de nos séances.

Le 27 octobre 2004, Jean-Louis Borloo indiquait devant le Sénat : « Nous faisons un effort majeur avec le doublement de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et un fléchage précis pour que ces villes qui supportent de lourdes charges socio-urbaines, ces villes où vivent beaucoup de familles très nombreuses, parfois en perte de repères, reçoivent plus de moyens que les autres, plus vite, pendant cinq ans. Ainsi, Montfermeil ou Grigny, par exemple, toucheront 10 millions et 15 millions d'euros supplémentaires par an en moyens de fonctionnement. »

Le 4 novembre 2004, Marc-Philippe Daubresse déclarait au Sénat : « ...nous avons trouvé le moyen d'obtenir un effet multiplicateur tout en assurant la pérennité du dispositif, puisque nous garantissons, pour les cinq années à venir, une visibilité financière à nos communes : celles-ci pourront, enfin, connaître le montant de DSU et de DSR sur lequel elles pourront compter.

« [...] à quoi pensent les responsables locaux confrontés au financement des équipements publics ? Certes, ils peuvent désormais compter sur le soutien de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Malgré tout, ils s'interrogent sur leurs capacités financières et sur la pérennité des dotations qu'ils reçoivent. Ils craignent en fait que les gouvernements successifs, de droite ou de gauche, ne remettent un jour en cause le montant de leur dotation de solidarité urbaine.

« [...] nous avons besoin de stabilité pour savoir comment mener à bien nos actions.

« Or tout l'intérêt de notre réforme [...] est d'offrir une vision claire. [...] notre système permet de garantir les montants sur une période de cinq ans. »

Madame le ministre, mes chers collègues, je pourrais arrêter là ma démonstration tant ce que disaient Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse était net, clair, frappé au coin du bon sens, et répondait à l'attente de tous les élus locaux concernés par la politique de la ville.

Équité, pérennité, visibilité, tels étaient bien les principes de cette réforme de la DSU.

Et par la suite, à de très nombreuses reprises, cette forte volonté a été réaffirmée.

Mes chers collègues, je pense vous avoir démontré, citations puisées à bonne source à l'appui, qu'il existait bien un engagement fort de l'État, pas seulement une vague promesse, quant au doublement de la DSU.

Cela étant rappelé, quelle alternative s'offre à nous ?

Tenir l'engagement moral de l'État au regard des collectivités les plus en difficulté, ou bien nous retrancher derrière la disposition visant à limiter la hausse de la DSU dans le cas d'une progression de la DGF inférieure à 500 millions d'euros ?

Rappelons d'ailleurs que cette disposition qui nous pose problème aujourd'hui, fut introduite dans la loi, par voie d'amendement. Elle ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, et c'est parce que certains craignaient le risque de temps plus difficiles en matière de dotations qu'elle fut votée.

Mais rappelons également que, au moment du débat, et je vous renvoie à nouveau au compte rendu intégral des séances du Sénat, Marc-Philippe Daubresse nous avait rassuré, en rappelant que sur les dix dernières années précédant 2004, la DGF avait en moyenne progressé de 2,3 % et, donc, que le plancher des 500 millions d'euros n'était pas un problème.

C'était malheureusement sans compter l'impact d'une régularisation négative forte de la DGF.

Les choses étant ce qu'elles sont, il nous reste aujourd'hui le choix entre l'esprit de la loi et la rigueur du texte.

J'avais, jusqu'au débat sur le financement des collectivités locales du 27 novembre dernier, espéré qu'une solution serait trouvée.

Mais notre rapporteur général ayant tenté, autant qu'il était possible - ce dont je le remercie - de résoudre la quadrature du cercle de la progression limitée à 1,6 % de l'enveloppe normée et de ses conséquences sur les variables d'ajustement, il était évident que nous ne pouvions pas trouver, au sein de cette enveloppe, les moyens nécessaires au respect de l'engagement moral de l'État.

La balle est donc maintenant, madame le ministre, dans le camp du Gouvernement.

Le manque à recevoir pour les communes les plus pénalisées se chiffrera, pour chacune d'elles, entre 200 000 et 300 000 euros, selon mon estimation.

Certains seront peut-être tentés de dire, au regard du montant de leur DSU, que ce n'est pas grand-chose en pourcentage.

Mais en valeur absolue, pour des villes de 30 000, 40 000 ou 50 000 habitants, des montants de 200 000 ou 300 000 euros représentent des sommes relativement importantes, surtout pour les villes qui supportent de lourdes charges sociales.

M. Philippe Dallier. Dès lors, quelle confiance ces collectivités pourraient-elles accorder à la parole de l'État, qui les a engagées dans de très lourds projets de rénovation urbaine, si celui-ci ne leur donne pas les moyens promis pour faire face aux charges qui en découlent ?

C'est bien de cela qu'il s'agit, mes chers collègues : le nécessaire pacte de confiance entre l'État et les collectivités locales !

C'est pourquoi, madame le ministre, je fais appel à vous et à la ténacité qui vous caractérise pour décrocher l'arbitrage qui nous permettrait de revenir à la progression annuelle de 120 millions d'euros.

Dans cette attente et cet espoir, il nous faut bien envisager le cas de figure où la clause de limitation de la progression de la DSU s'appliquerait et corriger les effets pervers du texte que nous avons voté à l'unanimité en 2005.

Car ce texte - et c'est tout de même un comble ! - pénaliserait plus lourdement les villes les plus pauvres par le biais de l'application de la clause de garantie d'une augmentation annuelle minimum de 5 % de la DSU pour toutes les villes qui y sont éligibles.

M. Thierry Repentin. Pas si nous trouvons 30 millions !

M. Philippe Dallier. Vous conviendrez, madame le ministre, mes chers collègues, que nous devons corriger cela. C'est l'objet d'un amendement que je vous présenterai.

Je vous présenterai un second amendement, cosigné par Pierre André qui en est à l'origine et qui vise, s'il n'était pas possible de rétablir les 120 millions d'euros de progression de la DSU pour 2008, à prolonger d'une année, donc jusqu'en 2010, la garantie de progression de la DSU prévue par le plan de cohésion sociale.

Ce serait en fait un décalage dans le temps si nous ne pouvons pas trouver les moyens en 2008.

Je souhaite, madame le ministre, que vous puissiez émettre un avis favorable sur ces deux amendements.

Madame le ministre, mes chers collègues, je sais bien la difficulté que représente le bouclage du budget, mais, comme le déclarait ici même Jean-Louis Borloo, la DSU et les crédits de la politique de la ville ne peuvent pas servir de variable d'ajustement.

M. Thierry Repentin. Je suis d'accord !

M. Philippe Dallier. Je souscris pleinement à cette affirmation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission a ceci de particulier que l'État n'est maître de la répartition que pour 25 % de ses crédits. Pourtant, elle porte un nom bien symbolique, puisqu'il s'agit des relations qu'entretient l'État avec les collectivités territoriales, décentralisées, ajouterai-je

C'est bien de cela que je souhaite discuter avec vous, madame la ministre, en évoquant, si vous le permettez, plusieurs autres missions budgétaires à l'appui de mon propos. Car ce n'est pas une, mais bien plusieurs missions LOLF et plusieurs actions, disséminées dans tout le projet de loi de finances, qui concourent aux bonnes ou aux mauvaises relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Or après examen du projet de loi de finances pour 2008, force est de constater que, malheureusement, l'État persévère dans sa logique de défiance qui le caractérise depuis bientôt cinq ans.

Plusieurs décisions récentes, prises sans tenir compte des préoccupations des collectivités locales et sans concertation préalable, plongeront à très courte échéance un grand nombre d'entre elles dans le rouge.

Au cours de la discussion des amendements, je reviendrai sur la baisse annoncée de la progression de la DSU, en contradiction évidente avec le mécanisme de préservation prévu par la loi Borloo, en contradiction avec les annonces gouvernementales et, surtout, en contradiction avec la réalité que vivent ces communes de banlieues dont la récente actualité nous a encore montré le degré de fragilité.

Auparavant, je souhaite revenir sur d'autres éléments budgétaires qui me semblent confirmer, madame la ministre, que le Gouvernement manifeste à l'égard des collectivités locales une défiance bien contraire à l'idée que je me fais du pacte républicain.

Par exemple, l'article 60 du projet de loi de finances, qui vient en discussion vendredi prochain, prévoit d'augmenter les cotisations salariales des collectivités locales pour abonder le Fonds national d'aide au logement. À aucun moment, le Gouvernement, qui s'y était pourtant engagé par la voix de M. Copé il y a un an, n'a lancé les négociations annoncées lors de la discussion sur la loi de finances pour 2007.

J'observe que cette nouvelle taxe est créée après que l'État a transféré l'immense majorité des agents des directions départementales de l'équipement aux départements et les agents TOS aux régions, transfert bien évidemment réalisé sans que cette nouvelle taxe ait fait l'objet d'aucune évaluation préalable. Elle coûterait pourtant, dès l'an prochain, 65 millions d'euros supplémentaires de cotisations aux collectivités locales, à nombre d'agents constants.

Une autre décision m'inquiète : en intégrant la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, et la dotation régionale d'équipement scolaire, la DRES, à l'enveloppe normée des dotations aux collectivités, vous soumettez dorénavant ces sommes à votre norme d'évolution des dépenses « zéro volume » et à la contrainte qu'elle engendre. Vous avez même accepté que la situation s'aggrave en laissant passer l'amendement du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui, sous prétexte de limiter les effets du contrat de stabilité, vise à indexer l'évolution de ces dotations sur la seule inflation.

Cela entraînera en 2008 une perte de 13 millions d'euros pour les collectivités locales ! On aménage donc aujourd'hui une décision prise à la va-vite au mois de juin, sans aucune concertation, et au préjudice, une fois encore, des collectivités.

Pensez-vous, madame la ministre, que ces deux mesures soient de nature à renforcer la confiance mutuelle nécessaire entre l'État et les collectivités ?

Cette confiance s'effrite au fil des décisions gouvernementales, mais aussi à cause des attitudes des services déconcentrés.

Dans les relations qu'entretient l'État avec les collectivités figurent en effet les relations que les services déconcentrés entretiennent notamment avec les plus petites d'entre elles, celles dont la taille est trop modeste pour qu'elles assurent seules les missions qui leur incombent, notamment en matière d'administration du droit des sols ou de maîtrise foncière.

Depuis la mise en oeuvre de la réforme du permis de construire, le 1er octobre 2007, on ne compte plus les communes qui peinent à obtenir l'aide de la DDE, et ce malgré les efforts du ministre de l'écologie destinés à rappeler les services à leurs obligations légales.

Le Gouvernement est régulièrement interpellé, dans cet hémicycle, sur ces dérives, sur ces transferts de charges déguisés, sur cette défausse permanente.

Mais, à y regarder de plus près, les circulaires n'y pourront rien. C'est dans le budget de l'État, et plus particulièrement dans celui de votre collègue Jean-Louis Borloo, que se trouvent quelques-unes des racines du mal : moins de personnels, moins de moyens d'intervention, moins de disponibilité.

Je comprends la tentation du Gouvernement de rogner sur les dépenses de fonctionnement, les dépenses d'accompagnement en ingénierie des collectivités ou les dépenses d'études, parce qu'elles semblent bien cachées. Le problème, c'est que ces dépenses traduisent précisément l'engagement de l'État sur les territoires et en fondent souvent la crédibilité.

À titre d'exemple, je citerai l'action « soutien aux collectivités locales dans le cadre des contrats de projet 2007-2013 » du programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », inscrite au budget du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. L'État engage 12 290 000 euros dans la recherche de solutions pour faire face à la crise du logement de la région capitale, dans le cadre du contrat de projet. Or il n'inscrit pour cette action aucun crédit de paiement !

Toujours dans le même chapitre budgétaire, le « Soutien aux politiques locales foncières, de planification et d'aménagement » regroupe les crédits consacrés aux actions foncières en Île-de-France et à l'aide de l'État pour les schémas de cohérence territoriale, les SCOT. Ce n'est pas compliqué : depuis cinq ans, l'État faisait peu ; à partir de l'année prochaine, il ne fera plus rien ! Zéro euro d'engagements nouveaux !

Quant aux agences d'urbanisme, outils précieux pour les territoires et financés à 90 % par les collectivités locales, le budget que leur consacrera l'État cette année ne connaît qu'une augmentation apparente : en 2007, leur dotation globale avait baissé de près de 10 % par rapport à l'année antérieure et au moins cinq nouvelles agences sont prévues pour 2008.

Alors, madame la ministre, votre collègue Mme Boutin pourra toujours s'époumoner et annoncer à qui veut l'entendre que l'État fera respecter la loi SRU, que tous les acteurs de la chaîne du logement doivent s'investir, que les maires bâtisseurs seront encouragés. Moi, pendant ce temps, je lis dans le « bleu » budgétaire un passage éclairant sur la stratégie réelle de l'État : « L'une de ces règles [de mobilisation des crédits pour favoriser les communes qui contribueront de manière significative à la production de logements] consiste en la mise en concurrence des territoires [...] La répartition des crédits entre territoires ne peut donc pas être arrêtée a priori. »

Cette absence de vision de la planification et de l'accompagnement des territoires n'est pas sans rappeler ce qu'il convient désormais d'appeler « l'organisation de la concurrence », qui s'exprime par la dizaine d'appels à projets lancés depuis 2002 par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT.

L'un d'entre eux a au moins mobilisé pendant trois mois, au début de cette année, dans l'urgence, les équipes d'une cinquantaine d'agglomérations sur le thème de la mobilité durable. Or cet appel à projets aurait été purement et simplement suspendu ! Quelle raison le ministère de tutelle a-t-il invoquée ? Aucune ! N'est-ce pas là encore, madame la ministre, une marque de défiance, pour ne pas dire de mépris, à l'égard de certaines collectivités locales ?

Pour conclure, je ne sais s'il faut souhaiter, à l'instar de notre rapporteur spécial, Michel Mercier, la fin de cette mission. Néanmoins, je suggère au Gouvernement d'opérer sa révolution en la matière, sans quoi les inégalités continueront de se creuser sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)